Pays-Bas : quatre questions sur des législatives aux airs de test pour l’extrême droite en Europe
Début juin, la fragile coalition qui était au pouvoir aux Pays-Bas s’est effondrée après seulement 366 jours. Ce mercredi 29 octobre, les Néerlandais se rendent aux urnes pour des élections anticipées. Alors que les résultats s’annoncent très serrés, cette échéance devrait permettre d’évaluer l’ampleur de la poussée de l’extrême droite qui a le vent en poupe en Europe. Tour d’horizon.
Pourquoi le gouvernement a-t-il chuté ?
Le 3 juin, Geert Wilders, le patron du Parti pour la liberté (PVV) a soudainement retiré son parti de la coalition au pouvoir, frustré par la lenteur, à ses yeux, de la mise en œuvre d’une politique d’immigration stricte. "J’ai signé pour une politique d’asile la plus stricte, pas pour la chute des Pays-Bas", avait-il alors fulminé. L’homme politique avait alors lancé un ultimatum, menaçant de torpiller le gouvernement si son plan en dix points contre l’immigration n’était pas immédiatement mis en œuvre.
Malgré les tentatives des trois autres partis de la coalition d’instaurer un dialogue et des négociations dans l’espoir de maintenir le navire à flot, Geert Wilders a coupé court à leurs efforts. Furieuse, Dilan Yesilgoz, leader du parti libéral VVD, a qualifié l’élu d’extrême droite d'"irresponsable", excluant de gouverner à nouveau avec lui.
Qui est favori ?
D’après les sondages, l’extrême droite pourrait réitérer sa victoire retentissante de 2023. Mais les chances de Geert Wilders de devenir Premier ministre restent maigres, puisque les autres grands partis néerlandais ont exclu toute coalition avec lui, lui reprochant d’être à l’origine de la crise politique qui ébranle les Pays-Bas depuis près de cinq mois. Le candidat d’extrême droite, qui s’est illustré par ses positions anti-islam et anti-Union Européenne, ne perd toutefois pas espoir, et estime que "la démocratie sera morte" si on l’empêche à nouveau d’être Premier ministre malgré une nouvelle victoire électorale.
Reste que celle-ci n’est pas garantie : "Il est impossible de prédire pour l’instant qui pourrait remporter les élections, car quatre partis sont à égalité pour la première place", a indiqué à l’AFP Sarah de Lange, professeure de sciences politiques à l’Université de Leyde.
Dans le cas d’une victoire de l’extrême droite, la course à la deuxième place est cruciale, car celui qui la décrochera aura probablement le privilège de former une coalition, le PVV risquant d’être un vainqueur isolé.
A ce stade, c’est l’alliance Verts-Parti travailliste qui détient la deuxième position dans les sondages. Elle est menée par l’ancien vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans, qui se présente comme une valeur sûre, dotée d’une forte expérience en matière de climat.
Mais l’alliance est concurrencée par l’étoile montante du centre droit, Henri Bontenbal (CDA, chrétiens-démocrates), 42 ans, qui promet un "retour à la normale" après le chaos de ces dernières années, appelant à combattre la polarisation politique. Après des années de prises de becs entre politiciens, les électeurs néerlandais semblent lassés : l a moitié déclarait encore être indécise à la veille du scrutin. Mais pour le patron des chrétiens-démocrates, une chose demeure certaine, "les Néerlandais ne sont extrêmes ni d’un côté ni de l’autre".
Quels étaient les principaux thèmes de campagne ?
Dans ce pays qui figure parmi les plus densément peuplés d’Europe, la crise du logement arrive régulièrement en tête des préoccupations des électeurs. Elle est ensuite suivie par l’immigration, la santé, la criminalité et le coût de la vie, selon un sondage de EenVandaag. Le climat semble être l’un des sujets les moins importants de cette campagne.
En matière de politique internationale, la défense du pays est la principale préoccupation des électeurs, suivie par la guerre en Ukraine, puis celle à Gaza.
Quant à la campagne en elle-même, elle ne s’est pas illustrée par son apaisement. Cette période a été entachée de violences lors de manifestations anti-immigration, et de désinformation. Deux députés du PVV ont anonymement diffusé des images générées par IA visant à discréditer le candidat Frans Timmermans, forçant Geert Wilders à lui présenter des excuses.
Comment se déroule le scrutin ?
Les électeurs ont le choix entre pas moins de 27 partis, chacun ayant une liste de candidats se disputant 150 sièges au Parlement. Le scrutin est proportionnel.
Cela signifie que les Néerlandais doivent composer avec un énorme bulletin de vote de la taille d’une feuille A3, avec tous les noms des candidats. Le nombre total de voix est divisé par 150 et tout parti atteignant le seuil minimal - légèrement inférieur à 71 000 aux dernières élections - remporte un siège au Parlement.
Aux Pays-Bas, pays du compromis, aucun parti n’est assez dominant pour remporter une majorité absolue de 76 sièges. Les Néerlandais sont donc habitués aux coalitions multipartites. Les négociations pour former une coalition commencent immédiatement après les sondages de sortie des urnes et durent souvent plusieurs mois. La formation du dernier gouvernement a pris 223 jours. "Il est très probable que la formation d’une coalition prendra longtemps, disons entre six mois et un an", observe Sarah de Lange.

© afp.com/Sem van der Wal