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Reçu aujourd’hui — 18 novembre 2025 6.2 📰 Infos Monde

Sabotage d’une voie ferrée en Pologne : Varsovie accuse Moscou

18 novembre 2025 à 22:30
Le gouvernement polonais estime que le sabotage d’une voie ferrée qui s’est produit samedi dans l’est du pays est le fait de deux ressortissants ukrainiens ayant agi pour le compte de la Russie.

© WOJTEK RADWANSKI / AFP

Le premier ministre polonais, Donald Tusk, à Varsovie le 11 septembre 2025. Mardi 18 novembre, à la tribune de la Diète, la chambre basse du Parlement, il a dénoncé le sabotage qui a visé une voie ferrée de son pays deux jours plus tôt, estimant qu’il aurait pu déboucher sur une « tragédie ».

Contrats, accords d'Abraham... Ce qu'il faut retenir de la rencontre entre Donald Trump et Mohammed ben Salmane

18 novembre 2025 à 20:28

Des louanges de la part du président américain. Reçu ce mardi 18 novembre à la Maison-Blanche, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, dit "MBS" a été chaleureusement accueilli sur le sol américain par Donald Trump. "Nous avons aujourd'hui dans le Bureau ovale un homme extrêmement respecté, un ami de longue date, un très bon ami", a-t-il déclaré, aux côtés du responsable saoudien. Les deux hommes s'étaient déjà rencontrés récemment, lors de la tournée au Moyen-Orient du milliardaire républicain au printemps.

Contrat d'investissement rehaussé

L'Arabie saoudite, un des principaux alliés des Etats-Unis dans la région, prévoit d'investir massivement sur le territoire américain. Durant sa visite dans le pays au printemps, Donald Trump avait signé des contrats d'une valeur de 600 milliards de dollars, engageant Riyad à dépenser outre-Atlantique dans de nombreux secteurs. Ce mardi, Mohammed ben Salmane a finalement rehaussé ce montant. "Nous croyons en l'avenir de (...) l'Amérique. Je crois, Monsieur le Président, qu'aujourd'hui et demain, nous pouvons annoncer que nous allons augmenter ces 600 milliards à près de 1 000 milliards de dollars pour l'investissement", a-t-il dit dans le Bureau ovale, un geste dont s'est félicité le président américain.

En matière économique, le président américain est également revenu sur les liens entre sa famille et l'Arabie saoudite. Les fils du président et son gendre, Jared Kushner, qui joue un rôle informel de médiation au Moyen-Orient, sont en affaires avec l'Arabie saoudite. En octobre, ce dernier avait notamment racheté l'entreprise de jeux vidéo Electronic Arts (EA) avec l'aide du fonds souverain saoudien Public Investment Fund (PIF). Interrogé sur ces relations par une journaliste, Donald Trump a assuré n'avoir "rien à voir avec les affaires de ma famille". "J'ai quitté cela", a-t-il ajouté. "Ce que fait ma famille, c'est très bien. Ils font des affaires partout. Ils en ont fait très peu avec l'Arabie saoudite. En réalité, je suis sûr qu'ils pourraient en faire beaucoup, et tout ce qu'ils ont fait a été très bien."

L'Arabie saoudite veut "travailler" pour rejoindre les accords d'Abraham

Sur le plan diplomatique, les deux hommes sont par ailleurs revenus sur la situation au Proche-Orient, plus d'un mois après le cessez-le-feu signé à Gaza entre Israël et le Hamas, sur la base d'une proposition établie par les Etats-Unis. Donald Trump espère toujours voir de nouveaux pays arabes rejoindre les accords d'Abraham, dont la signature signifierait la normalisation de leur relation avec l'Etat hébreu. Ceux-ci ont déjà été signés par les Emirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan lors du premier mandat du républicain à Washington.

"Nous souhaitons faire partie des accords d'Abraham", a exposé "MBS" face à la presse. "Mais nous voulons également nous assurer que la voie vers une solution à deux États est clairement tracée." Le prince héritier estime avoir eu "une discussion constructive" avec Donald Trump à ce sujet et promet de "travailler" afin de "créer" des "conditions propices" dans cette optique.

L'ombre de l'assassinat de Jamal Khashoggi

Sur le dossier des droits humains, les deux dirigeants ont aussi été questionnés sur l'assassinat de Jamal Khashoggi. Ce journaliste saoudien dissident a été tué en 2018 lors de son passage au consulat d'Arabie saoudite à Istanbul (Turquie). À l'époque, Riyad, sous la pression internationale, avait fini par reconnaître que l'homme avait été tué dans ce lieu. L'affaire a longtemps mis à mal les relations entre les Etats-Unis et l'Arabie saoudite. Ce mardi, Donald Trump a qualifié Jamal Khashoggi de "personne extrêmement controversée".

"Beaucoup de gens n'appréciaient pas cet homme dont vous parlez, que vous l'aimiez ou non, des choses se sont passées, mais lui (Mohammed ben Salmane, ndlr) n'était au courant de rien", a déclaré le président américain dans le Bureau ovale aux côtés du prince héritier saoudien. De façon plus générale, le président américain s'est dit "fier du travail accompli" par son allié, jugeant "incroyable" son bilan "tant en matière de droits humains que tout le reste". De son côté, MBS a évoqué l'affaire Khashoggi comme un épisode "douloureux" et une "énorme erreur" pour l'Arabie saoudite. "Nous avons pris toutes les mesures nécessaires pour mener l'enquête", a-t-il cependant ajouté, tout en garantissant que le pays fait "tout son possible pour que cela ne se reproduise plus".

© Brendan SMIALOWSKI / AFP

Le président américain Donald Trump accueille le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche, le 18 novembre 2025, à Washington (États-Unis).

En Europe, l’essor des "Active clubs", ces groupes qui combinent fitness et suprémacisme blanc

18 novembre 2025 à 20:18

Quatre jeunes hommes ont été condamnés mardi 18 novembre en Suède, dans l’une des premières affaires judiciaires impliquant sur le sol européen des membres d’un "Active club", ces clubs d’extrême droite d’un nouveau genre apparus voici quelques années. A Stockholm, le 27 août dernier, peu après minuit, trois hommes ont été agressés en raison de leur couleur de peau, deux dans la rue et l’un dans le métro. Des insultes racistes et des saluts nazis, filmés par les caméras de surveillance, ont accompagné les coups. Un exemplaire de Mein Kampf et des carnet ornés de croix gammés ont été retrouvés aux domiciles des auteurs, âgés de 21 à 23 ans.

Ces quatre derniers ont été condamnés à des peines de trois ans à trois ans et six mois de prison, notamment pour violences aggravées.

Cellules décentralisées

Agés de 21 à 23 ans, les agresseurs appartiennent à un "Active club", des groupes dont les membres se partagent entre exaltation de l'exercice physique et idéologie fasciste et néonazie. Ces nouvelles formes de fight clubs remontent à 2017 et sont l'œuvre du néonazi américain Rob Rundo. Fondateur du mouvement suprémaciste Rise Above Movement, impliqué dans les violences meurtrières de Charlottesville, en 2017. Rundo, condamné à vingt-quatre mois de prison dans une autre affaire fin 2024, avait ensuite opté pour la mise en place de ces cellules décentralisées, plus difficiles à repérer par les autorités, et plus difficiles à décapiter. Elles prolifèrent depuis aux Etats-Unis, mais aussi au Canada, en Australie, en Amérique du Sud et dans de nombreux pays d’Europe.

En France, une première section aurait vu le jour en Normandie en 2022. Il y en aurait aujourd’hui plus d’une vingtaine réparties dans l’Hexagone, dont les membres, comme le révélait Libération, sont de toutes les opérations coups de poing à caractère raciste, telles que la descente punitive de Romans-sur-Isère en novembre 2023 ou les manifestations anti-immigrés à Saint-Brévin en avril de la même année. Ses adeptes s’affichent sur les réseaux sociaux entre sports de combat, randonnées, et activités de bénévolat ou de nettoyage, voulant renvoyer l’image d’une jeunesse fréquentable et disciplinée. Mais des références nazies plus ou moins voilées apparaissent également sur certaines photos ou vidéos (drapeaux en forme de croix blanche, saluts à trois doigts...). Nos voisins suisses ne sont pas épargnés, comme le montrent nos confrères du Temps, qui ont repéré quatre factions actives sur leur sol.

Suivis par les services de renseignement

Les membres des "Active clubs" exaltent de vieilles valeurs du fascisme, et notamment le culte du corps, et espèrent ainsi attirer dans leurs filets de jeunes hommes déjà attirés par le masculinisme. Leur voeu de discrétion semble toutefois avoir fait long feu, puisqu'ils sont désormais surveillés de près par les services de renseignement occidentaux, qui les considèrent comme une menace de plus en plus concrète. "Les agences de renseignement veulent être informées des réseaux extrémistes qui existent dans leur pays, de leur potentiel niveau de violence actuel ou futur, et des liens qu'ils peuvent avoir avec d'autres mouvements et individus, tant au niveau national qu'international", a déclaré au Guardian Joshua Fisher-Birch, analyste spécialisé dans le terrorisme au Counter Extremism Project.

© ALFREDO ESTRELLA / AFP

Les membres des "Active clubs" entendent "reconquérir leur masculinité par la violence", selon un document du Centre de lutte contre l'extrémisme violent (CVE).

Mario Draghi, l’homme que nous devrions écouter : dans la fabrique d’un "super pompier" européen

18 novembre 2025 à 20:00

Deux mois avant d’être officiellement nommé à la présidence de la Banque centrale européenne, le 24 juin 2011, Mario Draghi faisait la couverture du tabloïd allemand Bild, en costume cravate et ridiculement affublé d’un casque à pointe semblable à celui du chancelier impérial Bismarck, posé un peu de traviole sur sa tête. Avec ce titre aussi persifleur que réellement admiratif, venant de ce magazine populiste : "Tellement allemand !"

La Une de Bild marquait une étape de sa victoire et la preuve que le candidat à la BCE avait su comment s’y prendre pour séduire les élites de Francfort et de Berlin. Au pays qui a fait de la dette publique un crime moral et de la rigueur intégriste une vertu, celles-ci n’étaient pas rassurées à l’idée de voir un Italien se mêler de leurs finances. Mario Draghi avait veillé à les attendrir en donnant une interview au grand quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung. Il y déclarait : "Nous devrions tous suivre l’exemple de l’Allemagne. L’Allemagne a amélioré sa compétitivité en mettant en œuvre des réformes structurelles. Ce doit être le modèle à suivre." L’article de couverture de Bild, paru peu après, attestait son orthodoxie à l’allemande et son attachement à l’ordolibéralisme, tout Italien qu’il était. Le plus dur était fait.

Il se rend discrètement à l'Elysée

Parallèlement, le candidat à la BCE s’était rendu discrètement à l’Elysée, en passant par la porte arrière du palais, pour expliquer à Nicolas Sarkozy qu’il saurait être un peu français aussi, c’est-à-dire favorable si besoin à une utilisation de l’endettement public. Il fit ce qu’il fallait pour convaincre le président français et surtout obtenir de lui qu’il plaide en sa faveur avec énergie auprès d’une Angela Merkel réticente. Une fois la chancelière allemande dans sa poche, c’était gagné. Sa participation à la rédaction du traité de Maastricht et à la création de l’euro lorsqu’il dirigeait le Trésor italien, la fine compréhension des marchés qu’il s’était forgée en tant que vice-président de Goldman Sachs et le prestige qu’il avait acquis à la tête de la très influente Banque centrale italienne (qui est, avec la diplomatie, l’ossature de l’Etat) firent le reste.

Il est sans doute un des hommes les plus intelligents que j’ai rencontrés

François Villeroy de Galhau

Tout Mario Draghi est dans ce mélange : un animal politique muni d’une autorité scientifique, assez entêté pour imposer ses convictions, assez souple pour y parvenir par une habileté de caméléon. François Villeroy de Galhau peut en témoigner. "Il crée la crédibilité dans le domaine où il faut, et il utilise cette crédibilité au moment où il le faut", remarque l’actuel gouverneur de la Banque de France, qui a participé aux réunions des banquiers centraux et vécu en direct les bras de fer entre Draghi et le président de la Bundesbank, Jens Weidmann. Ajoutant : "Il est sans doute un des hommes les plus intelligents que j’ai rencontrés. Sa marque, c’est d’allier compétence économique, prospective de la vision et sens tactique et politique sur l’exécution de ses quelques objectifs prioritaires. Une fois qu’il a pris une orientation, il sait mobiliser toutes ses ressources."

"Super Mario", ainsi que l’ont baptisé les médias internationaux, s’est fait une spécialité d’être le super pompier qu’on appelle quand tout l’immeuble brûle sérieusement. Celui à qui les chefs d’Etat et de gouvernement européens laissent les rênes de la BCE le 1er novembre 2011, au moment où la crise financière mondiale déclenchée en 2007 entrait dans une phase spécifique, dite "crise de la zone euro" en raison de la gravité du poids des dettes souveraines en Grèce, en Irlande, au Portugal, en Espagne, en Italie. Celui dont l’autorité morale est telle qu’il fut capable de sauver l’euro par le seul fait de prononcer ces trois mots restés célèbres : "Whatever it takes [quoi qu’il en coûte]".

Celui, aussi, que le président italien, Sergio Mattarella, va chercher pour prendre la tête du gouvernement en février 2021, après l’éclatement de la coalition d’un Giuseppe Conte, largué face à la pandémie de Covid. Celui qui sut fédérer, malgré ou grâce à son appartenance à aucun parti, une large coalition d’unité nationale totalement hétéroclite où se retrouvaient ensemble les pires ennemis politiques d’Italie (le Mouvement 5 étoiles, la Ligue, le Parti démocrate, Forza Italia et divers groupes centristes)… même si l’affaire ne dura qu’un an et cinq mois, jusqu’à sa démission et l’arrivée de Giorgia Meloni.

Celui, encore, à qui la présidente de la Commission européenne confie à l’automne 2023 la mission d’un rapport, après celui de l’ancien président du Conseil ­italien Enrico Letta consacré au marché intérieur, sur la compétitivité européenne. Le rapport Draghi aux 400 pages, qui aurait pu vivre sa vie pépère aux côtés de millions d’autres dossiers placardisés, fait au contraire l’effet continu d’une sirène d’ambulance depuis sa publication, le 9 septembre 2024. Le diagnostic alarmant que dresse Draghi d’un déclassement de l’Europe face à la compétition globale intense des Etats-Unis et de la Chine, autant que son appel à un tournant stratégique européen d’envergure pour lutter contre le déclin économique et géopolitique, ont la force de l’évidence. Même si les dirigeants européens font l’autruche pour le mettre en œuvre – les Français tiquent sur la nécessité d’une intégration plus poussée et d’une gouvernance économique commune, les Allemands sur le grand emprunt commun géant pour financer des investissements stratégiques –, le rapport Draghi est dans toutes les têtes et sur toutes les lèvres, tel une bible que l’on vénère à peu de frais.

Au point que Draghi est devenu un nom commun. Un concept, un fantasme. On parle d’un Draghi pour désigner une personnalité providentielle capable de trouver une solution aux crises, aux blocages, à tous les grands bazars. L’exercice du pouvoir par la compétence. Quoi d’autre qu’un Draghi pour sauver l’Europe, s’il a su sauver l’euro de la mort annoncée, l’Italie du chaos et Giorgia Meloni de son europhobie ? Et pourquoi pas un Draghi pour soigner un pays en pleine dépression nerveuse ? "Il nous faudrait un Draghi", murmurent quelques observateurs désespérés par le spectacle de pitrerie qu’offre la scène politique française. Pour dénouer l’impasse de nos trois blocs sans majorité à l’Assemblée nationale, "pourquoi ne pas faire appel à l’Européen Mario Draghi ?", s’interrogent dans Le Monde les chercheurs Sylvain Kahn et Nicolas Roussellier, appelant à la création d’un comité d’experts placé sous la houlette, pourquoi pas, d’un Draghi.

Un libéral européen et imaginatif

Le résumé sommaire d’un Draghi, c’est un libéral européen et imaginatif, un financier international passé par la banque Goldman Sachs et la haute fonction publique, un expert en technocratie qui se place au-dessus des partis et des clivages politiques pour entreprendre les réformes nécessaires au nom du seul bien de l’Etat. Est-ce la baguette magique qu’il faudrait à la France ? "Celle-là, on l’a déjà essayée, et ça n’a pas fonctionné !", ironise aussitôt François Hollande, soucieux de balayer toute esquisse de comparaison entre Mario Draghi et Emmanuel Macron, qui s’entendent à merveille et se ressemblent par bien des points. "Il y avait dans l’aspiration à Macron en 2017 quelque chose qui pouvait ressembler à Draghi, poursuit l’ancien ­président de la République. Sauf que la méthode Draghi est bien différente. Il apprécie de travailler en équipe. Il ne cherche pas la concentration du pouvoir. Il a une connaissance approfondie du système politique des pays européens. Il est toujours en train de discuter, de négocier, de parlementer, de rechercher le consensus. Il est en cela très italien, et très européen. Tandis qu’Emmanuel Macron n’a jamais raisonné en termes de coalitions et de compromis, jusqu’au moment où la dissolution l’a confronté à une situation inédite."

Il pourrait être le Saint-Simon des réunions européennes

Mario Draghi est un taiseux. Sa réserve fascine autant que le soin immense qu’il porte à ses chaussures, toujours impeccablement cirées. Il sourit souvent mais rit rarement. Il s’agace quand on lui résiste mais ne se met jamais en colère. Il est franc mais courtois. Il parle peu mais convainc beaucoup. "Underpromise, overdeliver [promettre moins, en faire plus]" est la formule qu’on lui prête pour expliquer son souci de ne pas décevoir. Sa capacité d’observer les personnes et de les décrire avec humour réjouit autant ses interlocuteurs qu’elle leur fait craindre d’être à leur tour l’objet de ses railleries affables. "Il pourrait être le Saint-Simon des réunions européennes", s’amuse l’un d’eux.

Sa méthode de négociation, comme jadis Angela Merkel, ne passe pas par des effets de manches en réunion, mais par des échanges bilatéraux au téléphone. "Mario" passe son temps sur son portable. "Peut-on se parler un moment ? Ecoute, j’ai avec toi une relation forte et particulière. Je voudrais partager avec toi quelques idées que je ne livre qu’à toi…" Ainsi opère le négociateur, tout en douceur, qui lui permet d’être parcimonieux en réunion : les différents ont été réglés en amont. Et quand devant une assemblée il lance un "Puis-je me permettre une remarque ici ?", tout le monde écoute.

Une adolescence à devoir payer les factures

Il a très vite appris à être "l’adulte dans la pièce", ayant perdu son père, banquier, et sa mère, pharmacienne, quand il avait environ 15 ans. Dans un entretien donné au journal allemand Die Zeit, en 2015, le seul de sa carrière où il ait livré un peu de sa vie privée, il parle de cette adolescence particulière à devoir payer les factures et mener seul sa vie d’étudiant. Né le 3 septembre 1947, à Rome, formé dans un lycée jésuite réputé de la capitale, il passe ses 20 ans dans le climat de violence politique qui annonce les attentats terroristes des "années de plomb". A l’université La Sapienza de Rome, il trouve son premier père intellectuel : l’économiste keynésien Federico Caffè, qui supervise son mémoire de licence et le recommande à Franco Modigliani, Prix Nobel d’économie, pour diriger sa thèse au très prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), aux Etats-Unis. Mario Draghi s’y installe avec son épouse, Serena Cappello, experte en littérature anglaise.

La promotion du MIT de ce début des années 1970 est exceptionnelle. Autant les professeurs que les élèves se retrouveront chacun au cœur des grandes évolutions qui fonderont la nouvelle macroéconomie keynésienne. Parmi les professeurs, outre Franco Modigliani : Stanley Fischer et une pelletée de Prix Nobel, dont Robert Solow et Lawrence Klein. Parmi les élèves, outre Mario Draghi lui-même, les futurs Prix Nobel Robert C. Merton, Robert Mundell ou Ben Bernanke, qui deviendra président de la Réserve fédérale américaine, ou Olivier Blanchard, qui fut notamment ­économiste en chef au FMI.

Il reste, comme moi, très marqué par ces années américaines au MIT, où l’atmosphère intellectuelle était excitante car tout était à reconstruire

Olivier Blanchard

"C’était un moment extraordinaire, avec des gens extraordinaires", se souvient son camarade de "promo" Olivier Blanchard. "Mario était une année devant moi. Il reste, comme moi, très marqué par ces années américaines au MIT, où l’atmosphère intellectuelle était excitante car tout était à reconstruire. La technologie évoluait, les ordinateurs étaient plus puissants, la macroéconomie était repensée autour de la macroéconomie keynésienne traditionnelle et les nouvelles approches microéconomiques. C’est là que nous avons forgé notre pensée économique, le nouveau keynésianisme." L’idée que "les marchés sont utiles mais qu’ils peuvent susciter des réactions coûteuses, humainement et socialement. Qu’alors l’intervention d’une politique budgétaire et monétaire est nécessaire. Beaucoup de pragmatisme aussi, comme il l’a montré avec le "quoi qu’il en coûte". Autrement dit, Draghi est un empirique, sans tabou idéologique.

Mario Draghi avait consulté Olivier Blanchard juste avant son discours historique, prononcé à Londres le 26 juillet 2012, devant un parterre d’investisseurs inquiets, au pire de la crise des dettes souveraines dans la zone euro. "Dans le cadre de son mandat, dit-il, la BCE est prête à tout faire, quoi qu’il en coûte, pour préserver l’euro." Ajoutant une dernière phrase improvisée : "Et croyez-moi, cela suffira." Le soir même, il dînait avec son ami Alain Minc, sans vraiment mesurer l’extraordinaire déflagration qu’allaient provoquer ces quelques mots iconoclastes. "Il était satisfait d’avoir été clair et ferme, mais il ne pensait pas avoir causé une révolution, raconte le financier et essayiste. Or la révolution est apparue dans les marchés le lendemain. L’euro était sauvé sans que la BCE ait eu à dépenser un centime. Par la seule crédibilité de Mario Draghi, par son habileté à convaincre en amont les pays frugaux, Allemands en tête, de se rallier à ses mesures – et sans oublier la contribution active de François Hollande."

Le président français avait en effet préparé le terrain en obligeant Angela Merkel à désavouer son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, qui plaidait pour une sortie de la Grèce de la zone euro. Le "whatever it takes" n’aurait pas été possible sans le Conseil européen de juin 2012, où François Hollande ainsi que l’Italien Mario Monti et l’Espagnol Mariano Rajoy avaient convaincu leurs homologues "frugaux" d’accepter une intervention de la BCE similaire à celle de la Fed aux Etats-Unis pour stabiliser une zone euro au bord de l’abîme. Ils avaient monté tous ensemble les mécanismes de soutien et de prêts. Les dirigeants politiques ayant évolué, Mario Draghi avait les mains libres pour actionner sa bombe.

Sortir l’Italie de la crise sanitaire

C’est en pleine gloire qu’il quitte la BCE fin octobre 2019, et qu’il est appelé par le président Mattarella, quinze mois plus tard, pour une autre mission impossible : sortir l’Italie de la crise sanitaire, sociale, politique et économique engendrée par la pandémie de Covid, et diriger la mise en œuvre d’un plan de relance européen massif. "Sa toute première décision lui a fait gagner la considération des Italiens, analyse le politologue Nando Pagnoncelli, président d’Ipsos Italia. Alors qu’il y avait de gros doutes sur la possibilité de vacciner toute l’Italie, il a nommé un général de l’armée pour organiser la logistique. Ni un ministre ni un médecin, mais un militaire. C’était un coup de génie." En deux à trois mois, tout le monde était vacciné, dans un pays où l’épidémie était plus forte ­qu’ailleurs.

"Avec cette réussite, ajoutée à la croissance spectaculaire de 2021, Mario Draghi a touché l’orgueil des Italiens, il leur a donné une fierté internationale qu’ils n’imaginaient plus, explique le sondeur. Sa cote de popularité n’a jamais fléchi. Dans notre sondage d’octobre, alors qu’il n’est plus au pouvoir, elle dépasse 60 %." Mais même Draghi ne résistera pas à l’ascension des bruyants tribuns qui emportent ­l’enthousiasme des foules actuelles. "Le Mouvement 5 étoiles et Frères d’Italie, de Giorgia Meloni, ont critiqué son absence d’empathie affichée et sa négligence des mesures sociales, analyse l’historien Marc Lazar. Or le pouvoir d’achat et les factures d’énergie ont été au cœur de la campagne de Meloni en 2022, et c’est ce point faible de Draghi qui lui a permis de gagner." Le 14 juillet, "Super Mario" démissionne.

A 78 ans, Mario Draghi est toujours en réserve. Sa critique de l’absence d’avancées depuis son rapport, lors d’un discours au Parlement de Strasbourg, en septembre, laissait deviner qu’il ne lui déplairait pas de prendre la place de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, si l’occasion se présentait. Il a aussi exprimé sa disponibilité pour la présidence de la République italienne, sans avoir voulu s’exposer au risque de se porter candidat en janvier 2022, et tout en espérant qu’on l’y appelât. La prochaine est en 2029. En attendant, Mario Draghi ne lâche pas son téléphone ni ses recettes pour convaincre. "Je voudrais partager avec toi quelques idées, que je ne livre qu’à toi…" Il n’est pas étranger au fait que la nationaliste et conservatrice Giorgia Meloni ait renoncé à ses diatribes eurosceptiques au moment de la passation de pouvoir et de ses échanges avec son prédécesseur. Dans les médias comme dans son premier discours de politique générale devant le Parlement, elle a insisté pour ­rappeler que son pays est "fondateur de l’Union européenne et de l’Alliance atlantique", et s’est prononcée clairement en faveur du maintien de l’Italie dans l’UE, dans l’euro, dans l’Otan. Esprit Draghi, es-tu là ?

© Justin Metz

Mario Draghi semble aujourd'hui être le seul adulte dans la pièce européenne.

Affaire Khashoggi : Donald Trump défend "MBS" et signe sa réhabilitation

18 novembre 2025 à 22:09
En accueillant Mohammed ben Salmane aux États-Unis, Donald Trump a offert une spectaculaire réhabilitation diplomatique au prince héritier saoudien. Le président américain a aussi défendu avec vigueur "MBS" au sujet du journaliste Jamal Khashoggi, dont l'assassinat en 2018 avait été ordonné par le dirigeant du royaume wahhabite, selon la CIA.

Un tribunal américain annule le redécoupage électoral du Texas favorisant les républicains

18 novembre 2025 à 22:06
Saisi par des électeurs afro-américains et latinos qui considéraient ce redécoupage électoral comme « discriminatoire », le tribunal a suspendu, mardi, la loi et ordonné aux autorités d’utiliser pour les élections de mi-mandat la même carte électorale qu’en 2024.

© RONALDO SCHEMIDT / AFP

Des manifestants tiennent une banderole portant l’inscription « Refusez le découpage électoral racial », lors d’une manifestation organisée à l’occasion de la Fête du travail, à Houston, au Texas, le 1ᵉʳ septembre 2025.

Tensions entre la France et l'Algérie

18 novembre 2025 à 21:55
Depuis l'été 2024, les tensions diplomatiques entre la France et l'Algérie n'ont cessé de croitre. Plusieurs dossiers sont au coeur de ces dissensions: la question du Sahara occidental, l'incarcération en Algérie de l'écrivain Boualem Sansal, mais aussi le refus de l'Algérie d'accueillir ses ressortissants visés par des Obligations de quitter le territoire français (OQTF). Des tensions qui ont connu un regain malgré une tentative d'apaisement en ce mois d'avril 2025, avec l'expulsion par les deux pays de fonctionnaires français ou d'agents consulaires algériens.

Nicki Minaj: "Aujourd'hui, la foi est attaquée dans trop d'endroits. Au Nigeria, les chrétiens sont pris pour cible"

18 novembre 2025 à 21:25
La chanteuse américaine Nicki Minaj participe à une table ronde, organisée par l'ambassadeur des États-Unis à l'ONU, sur le sort des chrétiens au Nigeria. "Aujourd'hui, la foi est attaquée dans trop d'endroits. Au Nigeria, les chrétiens sont pris pour cible", a-t-elle expliqué lors de son discours ce mardi 18 novembre.

EN DIRECT, guerre en Ukraine : Volodymyr Zelensky en Turquie mercredi pour tenter de relancer les pourparlers visant à mettre fin à la guerre

18 novembre 2025 à 21:09
Le président ukrainien poursuit sa tournée en Europe. Il était mardi à Madrid où le premier ministre espagnol a annoncé une nouvelle aide militaire de 615 millions d’euros.

© PIERRE-PHILIPPE MARCOU / AFP

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et le premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, à Madrid, mardi 18 novembre 2025.

Affaire Epstein : les députés votent pour la publication du dossier d'enquête

18 novembre 2025 à 04:09
La Chambre américaine des représentants a validé, mardi, à la quasi unanimité en faveur de la publication des documents d'enquête des autorités sur le criminel sexuel Jeffrey Epstein. Pendant des mois, Donald Trump avait mené une véritable campagne pour contrecarrer la tenue de ce vote. Le texte se dirige à présent vers le Sénat.

Union européenne : « La guerre en Ukraine a donné un nouvel élan au processus d’élargissement »

18 novembre 2025 à 20:57
La Commissaire européenne à l’élargissement, Marta Kos, organisait, ce mardi 18 novembre, à Bruxelles, le premier forum sur le sujet. En effet, dix pays sont candidats pour entrer dans l’UE (*). Pour la commission, c’est une nécessité de les intégrer, quand ils seront prêts, afin de garantir la sécurité et la défense du continent.

Affaire Epstein : la Chambre des représentants américaine vote pour la publication des documents d’enquête

18 novembre 2025 à 20:56
Donald Trump était accusé d’essayer de dissimuler des éléments l’impliquant dans cette affaire en bloquant ce vote, ce qu’il a démenti. Le texte sera désormais soumis au Sénat.

© Mariam Zuhaib / AP

Une pancarte réclamant « Débloquez tous les dossiers Epstein », devant le Capitole, à Washington, mardi 18 novembre 2025.
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