Sahara occidental, Moyen-Orient... Comment le tracé des frontières joue un rôle dans les conflits
Les Norvégiens viennent de descendre un bus électrique "made in China" dans les tréfonds d’une mine sous une montagne pour tester, sans interférence extérieure, la possibilité qu’il soit rendu inopérant par une action télécommandée. Bingo ! Ils ont découvert qu’une simple carte SIM permet au constructeur Yutong, ou à un hacker ayant pénétré son système informatique, d’actualiser le logiciel du bus depuis son quartier général de Zhengzhou et donc, en théorie, de stopper le véhicule à volonté.
L’affaire a suscité la panique au Danemark et au Royaume-Uni, qui utilisent eux aussi des bus Yutong pour leurs transports publics. Elle est symptomatique de l’innocence et de la naïveté des Européens face aux menaces posées par les puissances autoritaires. L’Europe est la cible d’une guerre secrète qui bat son plein. Beaucoup de ses responsables politiques et de ses habitants l’ignorent ou ne veulent pas la voir.
En témoignent les réactions outragées qui ont suivi ces derniers jours les propos du chef d’état-major des armées françaises, le général Fabien Mandon, sur la nécessaire "force d’âme pour accepter de nous faire mal pour protéger ce que l’on est", y compris le cas échéant en acceptant de "perdre ses enfants". Rien que de banal pour un chef militaire chargé de défendre la nation en temps de guerre contre les malfaisants qui la prennent pour cible.
Car l’histoire des bus Yutong n’est qu’un exemple parmi des dizaines d’autres. Le mois dernier, un groupe de parlementaires européens a alerté la Commission européenne sur la découverte de dispositifs de communication dans des onduleurs chinois utilisés dans des panneaux photovoltaïques. Il serait ainsi possible à Pékin d’utiliser cette faille de sécurité pour provoquer un "crash" soudain de nos réseaux électriques et paralyser, le jour où le Parti communiste chinois le jugera nécessaire, une bonne partie du Vieux Continent.
La Chine se contente pour l’instant de poser des jalons mais la Russie, elle, est déjà passée à un mode d’action beaucoup plus agressif. Moscou multiplie les actes hostiles sur le sol européen : sabotages d’infrastructures essentielles, campagnes de désinformation, attaques cyber, tentatives d’assassinats ciblés, actes de déstabilisation… Dernier incident grave en date, l’attentat à l’explosif qui a endommagé le 16 novembre la ligne de chemin de fer reliant Varsovie à Lublin en Pologne, utilisée pour acheminer l’aide militaire en Ukraine. La main de Moscou ne fait aucun doute aux yeux des enquêteurs.
Même le ministre de la Défense de Giorgia Meloni, membre d’un gouvernement pourtant peu suspect de russophobie, s’est inquiété dans un mémorandum publié cette semaine de la passivité "absurde" des Européens face à la guerre hybride qui les vise. "Les bombes hybrides tombent sans discontinuer ; il est temps d’agir" écrit Guido Crosetto, qui place la Russie au premier rang des coupables. Dans ce type de conflits, l’agresseur prend soin de rester en dessous du seuil à partir duquel l’agressé serait obligé de réagir. Cela contribue à anesthésier les opinions publiques. "Si nous étions attaqués par des envahisseurs, nous ne nous contenterions pas de rester à la maison en espérant qu’ils s’en aillent", observe Crosetto.
Les Européens ressemblent à l’ennemi qui ignore qu’il l’est, décrit par l’humoriste français Pierre Desproges en 1984 : "L’ennemi est sot ; il croit que c’est nous l’ennemi alors que c’est lui". Si l’Europe a le plus grand mal à concevoir qu’elle est attaquée, c’est qu’elle se voit comme une puissance pacifique. Depuis le cataclysme de la Seconde Guerre mondiale, elle s’est édifiée contre le nationalisme. Elle qui a colonisé le monde aux siècles passés a renoncé à tout impérialisme. Son mode de fonctionnement est fondé sur le respect du droit et la fabrique du compromis.
Or, c’est précisément pour cela qu’elle est prise pour cible. Son succès dérange. Sa démocratie, sa liberté, sa civilisation sont visées, parce que le simple fait qu’elles suscitent des envies est considéré comme une menace par les autocrates, qu’ils soient russes, chinois, iraniens ou encore azerbaïdjanais - sans oublier les islamistes. Aux yeux de beaucoup de puissances haineuses sur la planète, y compris dans la sphère Maga de l’Amérique trumpienne, l’ennemi, ce sont les Européens. Pour riposter, ceux-ci devront passer du pacifisme militant à une posture de dissuasion qui soit crédible. Car pour préserver la paix dans un monde de brutes, il faut préparer la guerre, comme on le sait depuis l’Antiquité.

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Une bromance inattendue. Vendredi, le président américain Donald Trump et le prochain maire démocrate de New York, Zohran Mamdani, récemment élu, se sont rencontrés dans le bureau Ovale de la Maison-Blanche. Une rencontre qualifiée de cordiale par les observateurs présents et lors de laquelle, malgré leurs divergences politiques, ils ont assuré qu’ils travailleraient en bonne intelligence, notamment sur la question du coût de la vie.
"Je pense, je l’espère, que vous allez avoir un excellent maire. Plus il réussira, plus je serai content. […] Nous allons l’aider à réaliser le rêve de tout le monde, avoir un New York fort et très sûr", a déclaré le président américain - qui avait pourtant qualifié Zohran Mamdani de "communiste fou" et d'"imbécile" à plusieurs reprises pendant la campagne municipale, tandis que ce dernier qualifiait le président de "despote". "On a dit de moi des choses bien pires que despote. Donc ce n’est pas si insultant que ça. Peut-être qu’il changera d’avis", a réagi Donald Trump à une question à ce sujet de l’un des journalistes présents.
Devant les journalistes, Donald Trump, lui-même new-yorkais, a selon l’AFP presque semblé prendre sous son aile le socialiste démocrate de 34 ans. Comme le souligne le Washington Post, cette entente est allée à l’encontre "de presque toutes les attentes de leurs électorats respectifs", Donald Trump affirmant même qu’il se sentirait enfin à l’aise de retourner vivre à New York avec ce nouveau maire. Zohran Mamdani, lui, a déclaré avoir "beaucoup apprécié cette rencontre avec le président. Comme il l’a dit, ce fut une réunion productive, axée sur un lieu d’admiration et d’amour communs, à savoir la ville de New York."
Les deux politiciens semblent s’être entendus sur la question du coût de la vie, excessif pour leurs bases politiques respectives.
Working people have been left behind in New York. In the wealthiest city in the world, one in five can't afford $2.90 for the train or bus. As I told Trump today— it’s time to put those people right back at the heart of our politics. pic.twitter.com/PUVQfuT38s
— Zohran Kwame Mamdani (@ZohranKMamdani) November 21, 2025
Selon une retranscription de la rencontre effectuée par le New York Times, Zohran Mamdani a dit avoir "dit au président que notre campagne s’était largement concentrée sur la crise du coût de la vie". "Nous avons également discuté de la nécessité d’offrir des logements abordables aux New-Yorkais, ces huit millions et demi de personnes qui ont élu domicile dans notre ville et qui ont du mal à joindre les deux bouts dans la ville la plus chère des États-Unis. Nous avons parlé des loyers. Nous avons parlé des courses. Nous avons parlé des services publics", a ajouté le nouveau maire élu de New York. "J’ai apprécié la conversation, et j’ai hâte de travailler ensemble pour offrir cette accessibilité financière aux New-Yorkais", a-t-il ajouté.
A ce sujet, "nous devons convaincre Con Edison (entreprise énergétique, NDLR) de commencer à baisser ses tarifs", a déclaré Donald Trump dans le bureau Ovale, ce à quoi Zohran Mamdani a acquiescé. "Il veut voir des maisons se construire, il veut voir beaucoup de maisons créées, beaucoup d’appartements construits, etc.", a ajouté Donald Trump selon le Washington Post. "Nous sommes d’accord sur beaucoup plus de choses que je ne le pensais […] Je veux qu’il fasse du bon travail, et nous l’aiderons à faire du bon travail."
La question de la sécurité de la ville a semble-t-il également occupé une grande partie de leur rencontre. "Nous en avons longuement discuté", a affirmé Donald Trump ensuite devant la presse. "Peut-être plus que de tout autre sujet. Il veut que New York soit une ville sûre. […] Si elle n’est pas sûre, peu importent nos efforts en matière de prix et tout le reste, […], si les rues ne sont pas sûres, ce ne sera pas un succès."
En réalité, le démocrate, au-delà de leurs désaccords, ne peut se permettre une totale rupture avec le président républicain, qui avait menacé tout au long de la campagne municipale de couper des fonds fédéraux destinés à New York et a envoyé la Garde nationale dans plusieurs bastions démocrates. "Bien qu’il n’ait abandonné aucun de ses objectifs politiques, le fait que Zohran Mamdani conserve certains hauts responsables de l’administration (sortante), qu’il avait pourtant vertement critiquée, semble indiquer que sa révolution aura des garde-fous", a jugé auprès de l’AFP Grant Reeher, professeur de politique à l’Université de Syracuse.
Selon le Washington Post, "certains républicains se sont ensuite plaints en privé des éloges de Trump à l’égard de Mamdani, l’un d’entre eux suggérant qu’il avait trahi son propre parti". Lors de la campagne pour la mairie de New York, Donald Trump avait soutenu son principal adversaire Andrew Cuomo, ex-gouverneur démocrate de l’Etat. Mais le 4 novembre, Zohran Mamdani l’a emporté avec plus de 50 % des voix, avec une participation record de plus de 2 millions d’électeurs, du jamais vu depuis 1969.

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