Soupçons de fraude : l’ex-cheffe de la diplomatie de l’UE Federica Mogherini en garde à vue



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Un ordre de tir contre des naufragés : la Maison-Blanche a confirmé, lundi 1er décembre, qu’un amiral américain avait ordonné, début septembre, une seconde frappe contre un bateau suspecté de transporter de la drogue dans les Caraïbes, alors que des survivants d’un premier bombardement s’y trouvaient encore. Les révélations faites initialement par The Washington Post et The Intercept plongent les Etats-Unis dans l’une des plus graves controverses militaires de l’ère Trump et soulèvent de lourdes questions juridiques et politiques. D’après CNN, l’armée avait connaissance de la présence de rescapés visibles au moment du second tir.
Pour de nombreux juristes, l’affaire dépasse largement le cadre déjà contesté de ces opérations antidrogue. "Les frappes étaient déjà juridiquement douteuses, puisque aucune guerre n’est déclarée dans les Caraïbes. Mais le meurtre de survivants constitue un acte d’une gravité inédite", résume CNN. Le droit des conflits armés est clair : l’exécution d’un ennemi hors de combat — blessé, capturé ou naufragé — est interdite et considérée comme un crime de guerre. "Ils enfreignent la loi dans les deux cas", souligne Sarah Harrison, ancienne conseillère juridique au Pentagone. "Ils tuent des civils, et même s’ils les considéraient comme des combattants, ce serait tout autant illégal."
Le contexte régional est particulièrement tendu. Depuis août 2025, les Etats-Unis ont renforcé leur présence militaire en mer des Caraïbes, accusant le président vénézuélien, Nicolas Maduro, de diriger un véritable cartel de la drogue. De son côté, Caracas dément, dénonce des exécutions extrajudiciaires et affirme que Washington cherche à provoquer un changement de régime et à contrôler les ressources pétrolières du pays.
Selon les éléments désormais connus, 11 personnes ont péri début septembre lors de cette double frappe, la première d’une vingtaine d’attaques par les forces armées américaines qui ont fait 83 morts au total. Les médias américains affirment que deux survivants agrippés à l’embarcation en flammes ont été ciblés lors de la seconde attaque. Celle-ci aurait été autorisée par le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth - ce que le Pentagone a démenti dans un premier temps. "Si les faits rapportés par le Washington Post sont exacts, il semble que les forces spéciales aient commis un meurtre lorsque les deux hommes ont été tués dans l’eau", estime dans le Washington Post Jack Goldsmith, professeur de droit à Harvard et ancien directeur du Bureau du conseiller juridique sous l’administration de George W. Bush.
D’après CNN et d’autres médias, Pete Hegseth aurait donné instruction de s’assurer que "tous les passagers et membres d’équipages" soient tués. On ignore cependant si Pete Hegseth savait qu’il y avait des survivants avant la seconde frappe, ou si l’armée estimait simplement que l’attaque était nécessaire pour exécuter un ordre antérieur. Dimanche soir, Donald Trump a déclaré que son ministre de la Défense affirmait "ne pas avoir ordonné le meurtre de ces deux hommes", ajoutant le "croire à 100 %". Mais la Maison-Blanche a confirmé lundi que Pete Hegseth avait autorisé l’amiral Frank Bradley, le commandant des opérations spéciales de l’armée américaine, "à mener ces frappes cinétiques".
Devant la gravité des faits, même les présidents républicains des commissions du Sénat et de la Chambre ont dit soutenir l’ouverture d’une enquête parlementaire. Les sénateurs Roger Wicker (Mississippi), président républicain de la commission des forces armées, et Jack Reed (Rhode Island), principal démocrate de cette commission, ont indiqué vendredi soir avoir "orienté les demandes d’informations" vers le ministère de la Défense. "Une avancée notable de la part des élus républicains, qui ont passé une grande partie de l’année à s’en remettre à Donald Trump et à s’abstenir de tout contrôle sur ses actions", souligne le New York Times.
"Les gens sont très préoccupés par la manière dont ces frappes ont été menées", a dit lors d’une émission sur CNN le député républicain Mike Turner. Et le sénateur démocrate Chris Murphy de renchérir : "Les républicains comme les démocrates en viennent à la conclusion qu’il s’agissait d’un acte illégal et profondément immoral". Le sénateur démocrate Mark Kelly, ancien pilote de chasse, appelle lui aussi à faire toute la lumière sur l’affaire.
La polémique survient alors que Donald Trump accroît la pression sur Caracas. Lundi, il a réuni son Conseil de sécurité nationale après avoir annoncé la fermeture totale de l’espace aérien vénézuélien et évoqué de futures opérations, en mer comme sur terre. Sur le plan intérieur, le New York Times estime que l’intransigeance de Pete Hegseth devient un "handicap croissant" pour Trump, rappelant que cet allié avait déjà survécu à des fuites de conversations Signal en mai 2025. Un passif qui pourrait désormais peser plus lourd, à mesure que la crise s’envenime.

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Une rédaction qui empeste la fumée, son sol recouvert de fumier, ses murs tagués d’insultes. Et des menaces de mort scandées à visage découvert : "Journalistes terroristes, vous êtes les premiers sur la liste", "Tuez les journalistes". La scène s’est déroulée à Turin, le 28 novembre, dans les locaux de La Stampa, grand quotidien italien de centre droit. Une centaine de casseurs ont envahi et saccagé la rédaction, sous prétexte d’une manifestation propalestinienne et de l’arrestation d’un imam égyptien, menacé d’expulsion après avoir défendu les attaques terroristes du 7-Octobre. Mais il ne s’agit ici aucunement de défendre les Palestiniens : c’est une attaque pure et simple contre la liberté, contre la liberté de la presse et contre la liberté d’expression.
Ces méthodes et ces slogans rappellent les heures sombres de l’Italie quand, dans les années 1970, les Brigades rouges, des miliciens d’extrême gauche, menaçaient et assassinaient policiers, magistrats et journalistes. "Un héritage dont ces jeunes n’ont même pas conscience, ce qui fait froid dans le dos", écrit Andrea Malaguti, le directeur de La Stampa, qui a bien connu ces "années de plomb" italiennes.
"Nous aimerions rappeler à ces jeunes, à peine sortis du lycée, cette décennie folle et meurtrière, qu’ils comprennent à la fois où peuvent mener ces dérives et combien ils ont de la chance de vivre dans une période paisible dans laquelle ils peuvent faire ce qu’ils souhaitent : manifester, être en colère, réclamer, protester, poursuit cette figure du journalisme italien. Mais pas ça, pas ce qu’ils ont fait vendredi : il n’y a ni raisons, ni justification, ni légitimité. Ce qu’ils ont fait, c’est juste de la saloperie contre-productive." Par chance, ce 28 novembre, la rédaction était presque déserte en raison d’une grève nationale. Mais la prochaine fois ?
Comme une lueur d’espoir, l’ensemble de la classe politique et médiatique italienne s’est rassemblé derrière La Stampa après cette attaque. "Notre liberté d’informer est précieuse, nous la défendrons chaque jour", a réagi la présidente du Conseil, Giorgia Meloni, rejointe sur ce point par l’ensemble de l’opposition.
Mais certains persistent dans l’aveuglement. Ainsi Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l'ONU sur les territoires palestiniens, qui a décrit cette agression comme "un avertissement pour la presse […] qui doit revenir à son rôle et remettre les faits au cœur de son traitement". Une justification indigne de la part d’une représentante de l'ONU, d’une lâcheté inversement proportionnelle au courage des journalistes menacés.
Eux tiennent la première ligne face aux ennemis de la liberté d’expression. Dès lundi 1er décembre, leur quotidien était dans tous les kiosques, avec une couverture sur… les violences en Cisjordanie et "l’agonie de Gaza". "A ces actes de violence, notre journal répondra toujours de la même manière : nous ne céderons pas un centimètre sur nos convictions et nos valeurs, a déclaré son propriétaire, John Elkann. La Stampa est un bastion de liberté et de civilité, elle le restera." L’Express, comme tant d’autres journaux européens, se tient à ses côtés.

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"Nous sommes à un point de bascule", annonçait Emmanuel Macron dans la Revue nationale stratégique 2025, qui prévoit une possible nouvelle agression russe sur le sol européen d’ici 2030. Et pourtant, lorsque le chef d’Etat-major des armées rappelle que la France doit "accepter l’idée de perdre ses enfants", la polémique l’emporte sans nuance.
Jean-Luc Mélenchon exprime son "désaccord total" reprochant de "prévoir des sacrifices qui seraient la conséquence de nos échecs diplomatiques". Plus étonnant, Sébastien Chenu, le vice-président du RN, lui, l’accuse "d’alarmisme" tandis que ses lieutenants, racontent sur toutes les antennes que l’arme nucléaire se suffira bien à elle toute seule, au mépris de toutes les études les plus pointues sur la nécessité d’une réponse conventionnelle et hybride.
Au-delà des propos caricaturaux des partis populistes, on voit bien aussi la gêne des milieux politiques traditionnels nourris au slogan tellement compréhensible du "plus jamais ça". Parce que la guerre, c’est la perception concrète et brutale du tragique.
Pendant deux mille ans d’histoire européenne, de génération en génération, des pères, des fils, des frères sont tombés à la guerre. Or nous vivons depuis quatre-vingts ans en paix sur notre continent, et notre rapport à la mort a profondément changé. Anesthésiés par le confort du progrès et de la prospérité économique, rassurés par le parapluie nucléaire, l’Otan, l’Union européenne et la chute de l’URSS, nous n’avons plus voulu voir ce qui se passait au-delà de nos frontières.
L’utilisation même du mot "guerre" a été vidée de sa substance. Il est devenu un outil de communication, par son utilisation répétée et systématique. Sanitaire, économique, sociale, culturelle… tout est devenu "guerre". En 2020, Emmanuel Macron déclarait six fois, dans le même discours, que nous étions "en guerre" contre un virus.
Un contresens manifeste, si l’on comprend que la guerre véritable, celle qui donne la portée tragique à l’expression, c’est lorsque des citoyens se sacrifient pour leur pays, et non pas l’inverse, comme ce fut le cas pour le Covid ! Mais la guerre n’est plus un horizon lointain, elle est à nos portes sur notre continent et la réaction est nécessaire. Le courage extraordinaire des Ukrainiens le rappelle chaque jour tout comme la détermination intacte de la Russie.
Les pays de l’Est ont compris le message. La Pologne est en pointe dans la mobilisation, la Lettonie et la Croatie ont décidé de réinstaurer le service militaire obligatoire, tandis que d’autres ne l’ont jamais supprimé. La Finlande, qui partage sa plus longue frontière avec la Russie, a fait ce choix. Au-delà des préparations matérielles des stocks d’armement, elle a compris avant tout le monde, qu’à l’heure où le parapluie américain disparaît peu à peu, la sécurité et la souveraineté passent par la formation de ses citoyens à défendre la nation.
La France doit elle aussi retrouver cette lucidité. Après l’échec du service national universel qui n’a pas trouvé son public, faute de vision claire, Emmanuel Macron annonce enfin un service national militaire volontaire qui cette fois-ci, prend tout son sens. Et voilà une information très intéressante : à rebours des parties extrémistes, les Français, font savoir dans les sondages qu’ils sont près de 86 % à se montrer favorables au retour du service militaire volontaire dont 78 % ont moins de 35 ans !
Voilà qui renverse tous les clichés. Cette génération que l’on disait indifférente et désabusée voit le monde tel qu’il est. Non par goût de la contrainte, mais parce qu’elle perçoit mieux que ses représentants politiques parfois, le basculement dans un monde aux menaces hybrides et complexes. Qu’ils soient d’origines, de confessions ou de milieux différents, les Français expriment avec la même conviction leur attachement à la nation. Voilà une réaction qui invite une nouvelle fois à exiger que les partis de gouvernement reprennent les commandes de la France et renouent avec l’aptitude au commandement pour la défense de la République. Puissent-ils l’entendre avant qu’il ne soit trop tard.

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