À Madagascar, l’alliance entre la «Gen Z» et les militaires qui a fait basculer le pouvoir
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L’annonce est tombée mardi matin. Volodymyr Zelensky a décidé de priver Gennadi Troukhanov, le maire d’Odessa, de sa citoyenneté ukrainienne. Une annonce sobre, publiée sur Telegram par les services de sécurité ukrainiens (SBU), mais aux répercussions immenses. "La citoyenneté ukrainienne du maire d’Odessa, Gennadi Troukhanov, a été suspendue", y lisait-on, citant le texte signé par le président lui-même. En quelques heures, la nouvelle a déchaîné le pays.
Le SBU l’accuse de détenir un passeport russe, un fait interdit pour un citoyen ukrainien, dans un pays meurtri par la guerre. Lui jure son innocence, répète qu’il n’a jamais possédé un document du "pays agresseur". Ce même jour, un autre nom est tombé : celui du danseur Sergueï Polounine, connu pour ses prises de position polémiques pro-Kremlin.
Ancien député, Gennadi Troukhanov règne sur Odessa depuis 2014, la troisième plus grande ville du pays et un port stratégique sur la mer Noire. Longtemps perçu comme un élu aux affinités pro russes, il avait pourtant opéré un virage spectaculaire après l’invasion de 2022. Devant les caméras, il critiquait violemment Moscou, vantait la résistance d’Odessa, soutenait l’armée ukrainienne. L’homme semblait alors avoir tourné la page. Mais la méfiance n’a jamais disparu.
Dès 2016, les services de sécurité avaient déjà enquêté sur une possible double citoyenneté, sans trouver de preuve. Mais ces dernières semaines, le SBU a affirmé détenir un passeport russe à son nom, daté de décembre 2015 et valable dix ans. La photo du document d’identité, diffusée en ligne, a fait le tour des réseaux sociaux.
Sa révocation ne prive pas seulement Gennadi Troukhanov de sa nationalité : elle menace aussi son fauteuil de maire. Gennadi Troukhanov s’est alors défendu dans un message adressé aux habitants : "je n’ai jamais reçu de passeport russe. Je suis citoyen ukrainien", a-t-il déclaré, affirmant qu’il "continuera à exercer les fonctions de maire élu" tant que possible. Le soir même, Volodymyr Zelensky a annoncé la mise en place d’une administration militaire pour Odessa, justifiant sa décision par des "problèmes de sécurité" persistants.
Cette décision ne vise pas seulement Gennadi Troukhanov, elle illustre une tension de plus en plus vive entre le gouvernement ukrainien et les dirigeants locaux. Depuis plusieurs mois, la défiance monte avec les maires des grandes villes d’Ukraine. Les élus accusent Volodymyr Zelensky d’utiliser la loi martiale, instaurée depuis février 2022, pour étendre ses prérogatives et affaiblir les contre-pouvoirs. Le président, lui, se défend en pointant la "mauvaise gestion" et les "erreurs" commises par certains responsables municipaux, notamment dans la défense civile face aux attaques russes.
À Kiev, le maire Vitali Klitschko a ouvertement dénoncé un abus de pouvoir : dans un message vidéo diffusé en janvier dernier, il accusait le gouvernement de contourner le conseil municipal et de placer à des postes clés des proches du président sans expérience militaire. Selon lui, ces manœuvres mettent même en péril la sécurité de la capitale.
Pour Oleksii Honcharenko, député du parti de Petro Porochenko, "la révocation de la citoyenneté du maire d’Odessa et la mise en place d’une administration militaire sont un signal envoyé à tous les maires : ils sont désormais sous surveillance". A mesure que la guerre s’éternise et que les élections restent suspendues, la légitimité du président est de plus en plus contestée par ses adversaires. Et la bataille pour le contrôle des villes pourrait bien devenir la prochaine épreuve de force du pouvoir ukrainien.
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