Zohran Mamdani : les cinq défis qui attendent le futur maire progressiste de New York
Après le séisme vient le temps de la construction. Elu maire de New York mardi 4 novembre, au terme d’un scrutin ayant captivé les habitants de la mégalopole, des Etats-Unis et du monde, le démocrate Zohran Mamdani prépare son entrée en fonction le 1er janvier. Quasiment inconnu il y a quelques mois, l’élu local de 34 ans a séduit la moitié (50,39 %) des 2 millions de votants (une participation record depuis près de 60 ans). Il aura de nombreux défis à relever, pour faire appliquer son programme socialiste axé sur le coût de la vie au sein de la capitale du monde, et tenir tête par la même occasion à Donald Trump, à qui il s’est largement opposé durant sa campagne menée principalement via les réseaux sociaux.
Faire face à Donald Trump
Le plus grand défi auquel Zohran Mamdani pourrait être confronté n’est autre que le président Trump. Ce dernier l’a récemment qualifié de communiste et a menacé de l’arrêter et de priver la ville de financements fédéraux. Pendant son discours de victoire, Zohran Mamdani a lui même directement interpellé Donald Trump, le qualifiant de "despote" et appelant à le "vaincre". Mais tout en promettant de défendre la ville, il s’est aussi dit prêt à dialoguer avec le président pour faire baisser le coût de la vie, sa priorité ultime.
La politique anti-immigration du républicain et les poursuites judiciaires contre ses opposants devraient cristalliser les tensions. Certains New-Yorkais craignent que Donald Trump n’envoie la Garde nationale dans la ville ou ne dépêche des agents de l’immigration dans les quartiers, espérant provoquer une confrontation avec Zohran Mamdani. Ce dernier prévoit de s’appuyer sur la gouverneure Kathy Hochul et la procureure générale Letitia James pour contrer juridiquement les attaques fédérales. Proche du futur maire, la seconde a récemment été inculpée pour fausses déclarations bancaires à la suite de pressions publiques du président américain.
Faire appliquer son programme ambitieux
Le nouveau maire de New York devra avant tout faire appliquer un programme ambitieux, qui se concentre en très grande partie sur la lutte contre le coût de la vie dans une ville où le salaire moyen est d’environ 6 000 dollars par mois (5 000 euros), et où la moitié est fréquemment consacrée au paiement des loyers (3 500 euros en moyenne).
Deux mesures phares devront être concrétisées. D’abord, sa promesse de se battre contre la crise du logement en décrétant un gel des loyers sur les près d’un million d’appartements à loyer réglementé de la ville. Il peut légalement imposer cette mesure via le Rent Guidelines Board. Le nouveau maire a déclaré au média Hell Gate qu’il voulait "réellement utiliser" son pouvoir pour imposer ce gel, évoquant la possibilité de remplacer les membres réticents de ce comité. À plus long terme, il vise la construction de 200 000 logements abordables en dix ans pour élargir l’accès à un logement décent.
Deuxième promesse de taille : la mise en place d’une garde d’enfants gratuite pour tous les enfants de 6 semaines à 5 ans, un projet estimé à 6 milliards de dollars par an. Il souhaite le financer via une taxation accrue des plus riches et des entreprises, tout en restant ouvert à d’autres solutions face à la réticence de la gouverneure Kathy Hochul à augmenter les impôts. Celle-ci s’est déjà dite prête à coopérer sur ce chantier prioritaire.
Redéfinir la politique policière
Ancien partisan du mouvement Defund the Police, Zohran Mamdani dirigera désormais un département de police fort de plus de 34 000 agents. Il semble que le nouvel élu souhaite désormais coopérer avec les forces de l’ordre. Il a présenté ses excuses aux policiers pour avoir qualifié la police de "raciste, anti-queer et grande menace pour la sécurité publique" en 2020. Avant de saluer la commissaire de police de NYC Jessica Tisch, qu’il maintiendra à son poste, félicitant les efforts de ses agents pour renforcer la sécurité publique.
Pour rééquilibrer et recentrer la police sur la sécurité publique, l’édile s’est engagé à créer un "Département de la sécurité communautaire", qui enverrait des travailleurs en santé mentale — plutôt que la police — répondre aux appels d’urgence de personnes en crise.
Rassurer la communauté juive
A New York, la plus grande communauté juive des États-Unis a accueilli de manière contrastée l’élection de ce musulman, défenseur de la cause palestinienne, qui a qualifié Israël de "régime d’apartheid" et la guerre à Gaza de "génocide". L’Union pour le judaïsme réformé a appelé à "respecter les divergences d’opinions" et s’est engagée à "faire notre part pour rassembler […] sans effacer les différences". L’Anti-Defamation League, une organisation de lutte contre l’antisémitisme, a pour sa part lancé un mécanisme de suivi, le "Mamdani monitor", pour surveiller les actions de la nouvelle administration new-yorkaise. Dans son discours mardi soir, Zohran Mamdani a répété son engagement dans "la lutte contre le fléau de l’antisémitisme". Il a dans le même temps affiché le souci de garantir également une place "dans les couloirs du pouvoir" aux musulmans de sa ville.
Se construire un entourage solide
L’élection de Zohran Mamdani, figure de la gauche radicale, marque un tournant pour un Parti démocrate divisé entre modérés et progressistes. "Zohran n’a pas seulement battu un adversaire républicain, il a aussi battu la vieille garde du parti démocrate", a salué Alexandria Ocasio-Cortez, autre grande figure de la nouvelle garde démocrate. Le nouveau maire de New York a rebondi sur cette révolution lors de son discours de victoire. "Le parti démocrate ne pourra pas durer bien plus longtemps en refusant de voir le futur, en oubliant les jeunes, et cette jeune génération démocrate pleine de diversité", a-t-il affirmé. "Nous avons renversé une dynastie politique".
En préparation de sa prise de fonction le 1er janvier, le futur maire s’est entouré d’un cercle de cinq femmes influentes issues du monde politique et associatif new-yorkais, dont Lina Khan, présidente de l’agence américaine de protection des consommateurs (FTC), Maria Torres-Springer, ex-adjointe au maire, et des dirigeantes d’ONG new-yorkaises. Pour Lincoln Mitchell, professeur à Columbia interrogé par le New York Times, il lui faudra une équipe capable de "comprendre " à la fois New York et Albany (la capitale de son Etat), où seront validées ses principales politiques.

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