Panneaux solaires : ces composants chinois qui menacent le réseau électrique américain
Une cyberattaque pourrait-elle provoquer une coupure de courant géante aux Etats-Unis ? C’est ce que craignent plusieurs officiels, entreprises du secteur de l’énergie et experts en sécurité américains. En cause : la dépendance des Etats-Unis aux onduleurs chinois. Ces composants convertissent l’électricité produite par les panneaux solaires en courant compatible avec le réseau électrique.
Selon une étude du spécialiste de la veille stratégique Strider Technologies relayée par le Washington Post, près de 85 % des fournisseurs d’équipements interrogés utilisent des onduleurs fabriqués par des entreprises qui ont des liens avec l’armée ou le gouvernement chinois. Ces entreprises représentent 12 % de l’électricité générée à l’échelle des Etats-Unis. Selon plusieurs experts en cybersécurité interrogés par le journal, ces appareils sont vulnérables aux cyberattaques et peuvent provoquer des coupures d’électricité en cascade.
"De sérieuses implications sur la sécurité nationale"
Le rapport de Strider prévient que le gouvernement chinois, grâce au contrôle qu’il exerce sur les entreprises fabricant ces onduleurs et leurs réseaux, pourrait manipuler ou perturber le réseau américain "en cas de crise". La Chine a les armes, reste à savoir si et quand elle va les utiliser. Interrogé par le Washington Post, un ancien dirigeant de Southern Company, un des plus grands fournisseurs d’énergie américains, estime que ces composants vulnérables pourraient même perturber d’autres secteurs comme la finance ou la communication.
Les estimations autour de l’ampleur de la menace varient, mais l’inquiétude a en tout cas gagné les hautes sphères politiques américaines, note le journal. La Commission d’examen économique et de sécurité Etats-Unis-Chine, créée par le Congrès américain, a évoqué les onduleurs chinois dans un rapport publié en novembre dernier. Elle souligne une "vulnérabilité ayant de sérieuses implications sur la sécurité nationale". Et cite un exemple : en novembre 2024, un "certain nombre" d’onduleurs installés dans des foyers américains ont été désactivés par leur fabricant chinois. Il ne s’agissait certes pas d’un sabotage, mais d’un mécanisme de vérification intégré aux onduleurs. Le cas montre toutefois que ces composants peuvent être manipulés à distance, expose la commission. La Chine pourrait par ailleurs arrêter les ventes ou restreindre l’accès aux onduleurs pour porter atteinte aux Etats-Unis.
Réguler l’importation des onduleurs chinois ?
La Chine dément les accusations, qui ne sont, selon un mail de l’ambassade relayé par le Washington Post, "sans aucun fondement, au mépris des faits" concernant les réalisations de la Chine dans le domaine des infrastructures énergétiques. Reste que les Etats-Unis cherchent à s’affranchir de ces composants vulnérables. Dans son effort d’investissement dans les énergies renouvelables, le pays s’est largement appuyé sur des composants chinois abordables, dont la production est subventionnée par le gouvernement chinois.
Les Etats-Unis peinent à leur faire concurrence. L’administration de Joe Biden avait bien tenté de subventionner davantage de technologies américaines pour les énergies renouvelables. Mais les fonds ont ensuite été coupés par son successeur, Donald Trump, qui ne cache pas son désamour pour les énergies renouvelables, auxquelles il préfère les énergies fossiles. Le Département de l’énergie assure quant à lui que l’administration du président s’engage à réduire la dépendance de l’industrie aux chaînes de valeur étrangères.
L’équation est d’autant plus difficile à résoudre que les Etats-Unis souffrent d’une crise énergétique, ce qui rend les régulateurs réticents à renforcer les règles de sécurité sur les composants.
52 législateurs américains ont ainsi proposé de restreindre l’importation d’onduleurs chinois. Leur demande faisait suite à des révélations de Reuters selon lesquelles des dispositifs de communication non autorisés avaient été trouvés dans des onduleurs utilisés aux Etats-Unis.
L’Europe n’est pas épargnée. En mai dernier, un rapport de SolarPower Europe avait déjà tiré la sonnette d’alarme sur la vulnérabilité des onduleurs chinois, mal sécurisés. Une évolution de la réglementation européenne est nécessaire, avance le rapport.

© afp.com/Mark Felix