Donald Trump menace à nouveau le Venezuela


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Retour du Mercosur, remaniement de la politique agricole commune (PAC), nouvelle vague de dermatose nodulaire contagieuse à la gestion publique contestée… La colère des agriculteurs, qui refait irruption en France, risque de se propager en Europe. Une marche de protestation sera organisée le 18 décembre à Bruxelles, "10 000 manifestants" y sont attendus, dont de nombreux Français.
Depuis quelques jours, la pression grimpe encore d’un cran sur les autorités publiques. Ce vendredi 12 décembre, sur Facebook, la Confédération paysanne a appelé à "des blocages partout" en France. Le syndicat prévient : "le bras de fer" avec la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, "a bien été lancé et va s’intensifier dans les prochains jours". La cause de cette insurrection : la gestion de la dermatose nodulaire contagieuse, maladie de la peau qui touche les bovins. En cas de contamination d’un animal, l’intégralité du troupeau doit être abattue.
Jeudi, c’est l’Ariège qui a été concernée par ces euthanasies de masse. En réaction, de vives tensions ont éclaté aux abords de la ferme visée afin d’empêcher les autorités d’atteindre les bêtes. Quatre personnes ont été interpellées. Partout en France, des mobilisations se sont organisées : rassemblements devant les préfectures, "feux de la colère" dans la Marne, cercueil devant le ministère… "C’est une aberration complète ! Il faut arrêter le carnage", s’indignait jeudi, Sébastien Durand, président de la Coordination rurale d’Ariège, au micro d’ICI Occitanie. Le syndicat, tout comme la Confédération paysanne plaide pour l’instauration d’une vaccination préventive généralisée.
Mais ce vendredi, la ministre du secteur persiste et signe : "l’abattage est la seule solution pour sauver toute la filière", estimant que, sans quoi, la maladie pourrait tuer 1,5 million de bovins en France.
C’est une semaine compliquée pour Annie Genevard. Lundi déjà, son discours à Rungis a été boycotté par une grande partie des syndicats agricoles. La ministre s’était rendue au plus grand marché d’Europe pour le lancement des "conférences de la souveraineté alimentaire". Un "exercice de communication" qui déplaît alors que le "diagnostic" dramatique de la "Ferme France" est connu, selon la FNSEA, premier syndicat de la filière.
L’Hexagone, qui est pourtant la première puissance agricole européenne, est en souffrance. Contraint d’importer toujours plus, le secteur entrevoit un déficit commercial en 2025. Une première depuis 50 ans. Ses fleurons, du blé aux vignes, traversent une crise inédite.
Dans ce contexte, la proposition de la Commission européenne de revoir les conditions de la PAC attise la colère. La politique agricole commune, qui constituait jusqu’ici le premier poste de dépenses de l’UE, pourrait voir son budget réduit de 20 % pour la période de 2028 à 2034, qui risquerait en plus d’être "dilué" dans un grand fonds.
Un projet qui serait lourd de conséquences pour la France dont les agriculteurs sont les premiers bénéficiaires de la PAC avec environ 9 milliards d’euros d’aides par an. Cette somme qui représente les deux tiers de leurs revenus est devenue indispensable depuis le début de la guerre en Ukraine qui a entraîné une flambée des denrées alimentaires.
Un autre accord en cours de négociation à Bruxelles : celui avec le Mercosur, cette communauté économique des pays d’Amérique du Sud. 25 ans après le début des négociations, le processus semble toucher à sa fin et se rapprocher de l’aboutissement, l’instance bruxelloise vise un feu vert pour le 20 décembre et une adoption par Parlement début 2026.
L’accord, qui doit permettre à l’Union européenne d’exporter davantage de voitures, machines et vins, facilitera en retour l’entrée de bœuf, volaille, sucre, miel… Mais ce texte, vu d’un très mauvais œil par les agriculteurs, ravive la colère des syndicats. Les organisations, qui dénoncent une concurrence déloyale, placent les normes moins exigeantes des pays du Mercosur dans leur viseur. La crainte : déstabiliser les filières européennes déjà fragiles.
Un point a souvent été remis à l'ordre du jour : la viande qui pourrait bientôt se retrouver dans nos assiettes. Le Brésil, qui représente déjà plus de 35 % des importations de bœuf dans l’UE, est connu pour sa viande traitée aux hormones de croissance et aux antibiotiques mais vendue à des prix plus attractifs. Bruxelles a tenu à rassurer : "Toutes les conditions sanitaires en vigueur au sein de l’Union européenne restent en place avec l’accord". Des annonces qui laissent la filière de marbre. "Des garanties ? Il n’y en a pas", s’indignait en 2024 Karine Jacquemart, directrice générale de l’association de consommateurs Foodwatch dans les colonnes de Reporterre.
Et dans les sphères du pouvoir français, la mayonnaise ne prend pas non plus : "L’accord avec le Mercosur est inacceptable. Il sera peut-être appliqué. Car nous sommes 27 dans l’Union européenne", lançait Annie Genevard, le 9 décembre.
A ce projet de signature s’ajoute une autre crispation : la taxe MACF. Ce mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, voulu par l’Union européenne doit entrer en vigueur le 1er janvier. Une taxe carbone qui fait craindre aux agriculteurs une explosion du coût des engrais russes, déjà imposés. Un impact de "500 millions d’euros pour les grandes cultures" serait à estimer selon la FNSEA.

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L'Allemagne a attribué vendredi 12 décembre à la Russie une "attaque informatique" visant son système de contrôle du trafic aérien ainsi qu'une "campagne" de déstabilisation durant les dernières législatives allemandes, et convoqué l'ambassadeur russe à Berlin pour ces accusations.
"Le service de renseignement militaire russe GRU est responsable de cette attaque" informatique commise en août 2024 contre la sécurité aérienne allemande, que Berlin "attribue clairement (...) au collectif de hackers APT28, également connu sous le nom de Fancy Bear", a déclaré un porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères lors d'un point de presse régulier. "Deuxièmement, nous pouvons aujourd'hui affirmer de manière formelle que la Russie a tenté, à travers la campagne Storm 1516, d'influencer et de déstabiliser tant la dernière élection au Bundestag (Parlement allemand, en février) que, de façon continue, les affaires intérieures de la République fédérale d'Allemagne", a-t-il poursuivi.
Lors de la campagne des élections fédérales allemandes, le groupe Storm 1516 a diffusé des vidéos, contenant de fausses informations, visant principalement la CDU/CSU et les Verts. Dans l'une de ces vidéos, un prétendu médecin affirmait par exemple que Friedrich Merz, alors candidat à la chancellerie de la CDU, avait été soigné des années auparavant dans une clinique du Sauerland pour de graves troubles mentaux, rapporte Der Spiegel. De faux dossiers médicaux étaient montrés à l'écran pour étayer cette affirmation.
Une autre vidéo a inventé de toutes pièces un scandale de corruption de 100 millions d'euros impliquant cette fois Robert Habeck, alors candidat favori du parti des Verts. La vidéo prétendait également que des politiciens ukrainiens étaient liés à ce scandale. Et quelques jours avant les élections, plusieurs autres fausses vidéos ont circulé affirmant que les documents de vote par correspondance avaient été manipulés pour faire disparaître l'AfD du bulletin.
Berlin dit détenir des "preuves absolument solides" de l'implication de Moscou dans ces deux affaires, mais ne les détaillera pas pour protéger le travail de ses services de renseignement, a affirmé le porte-parole qui a aussi annoncé prendre, en étroite concertation avec ses partenaires européens, "une série de mesures de rétorsion afin de faire payer à la Russie le prix de ses attaques hybrides".
L'Allemagne va "soutenir de nouvelles sanctions individuelles contre des acteurs hybrides" au niveau de l'Union européenne (UE), qui impliqueront des "interdictions d'entrée" dans l'UE, "le gel de leurs avoirs et une interdiction d'accès aux ressources économiques", a-t-il expliqué. A partir de janvier, les déplacements transfrontaliers des diplomates russes dans l'espace européen Schengen seront également contrôlés, afin de "minimiser les risques en matière de renseignement", tandis que d'autres "restrictions bilatérales pour le personnel diplomatique russe" sont aussi prévues, a-t-il précisé.
Pour faire face à ces menaces hybrides, Berlin prévoit en outre la mise en place d'une nouvelle plateforme de coordination interministérielle, a indiqué une porte-parole du ministère de l'Intérieur.
Ces derniers mois, Berlin a aussi sonné la mobilisation pour renforcer sa défense contre les drones afin de répliquer aux multiples incursions de ce type d'appareils sur des sites stratégiques, des aéroports aux terrains industriels, dont il soupçonne Moscou d'être responsable. Le gouvernement du chancelier Friedrich Merz a déjà renforcé les pouvoirs de la police en lui permettant d'abattre des drones, et a adopté un projet de loi qui doit permettre à l'armée d'intervenir contre les drones non autorisés dans l'espace aérien national.
Depuis l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, les pays européens accusent la Russie de mener une guerre "hybride" contre eux — un mélange de moyens non conventionnels qui peut inclure du sabotage et des campagnes de désinformation. Premier soutien de l'Ukraine en Europe et plateforme logistique clé pour l'Otan, l'Allemagne se considère comme une cible centrale de ces attaques.
Berlin observe "depuis un certain temps une augmentation massive des activités hybrides menaçantes de la part de la Russie", qui vont "des campagnes de désinformation à l’espionnage et aux cyberattaques, jusqu'aux tentatives de sabotage", a souligné vendredi le même porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Moscou menace "de façon très concrète notre sécurité" en cherchant à "diviser la société, semer la méfiance, susciter le rejet et affaiblir la confiance dans les institutions démocratiques", a-t-il dénoncé.
Ces opérations pourraient s'accroître à l'occasion d'une série d'élections régionales en Allemagne en 2026, a estimé lundi le chef du renseignement intérieur allemand. Le parti d'extrême droite AfD, prorusse et antimigrants, peut espérer des gains considérables dans ces cinq régions, voire prendre le contrôle de certaines. Principale force d'opposition dans le pays après une deuxième place historique au scrutin législatif de février, l'AfD est suspecté par les autres partis de récolter des informations sensibles sur les infrastructures allemandes pour les transmettre à Moscou.

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