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Reçu aujourd’hui — 10 décembre 2025 7.4.2 📰 Infos Monde

Sanna Marin (Finlande): «Pour nous Européens la seule chose qui compte c'est de soutenir l'Ukraine»

10 décembre 2025 à 07:45
À 34 ans, elle a été la plus jeune dirigeante de l'histoire de son pays. Sanna Marin, Première ministre de Finlande de 2019 à 2023 est ce mercredi notre grande invitée internationale. Retirée de la vie politique finlandaise, elle publie ses mémoires, « L'espoir en acte », publiées en France aux éditions Flammarion. Guerre en Ukraine, menaces de la Russie, actualité internationale, crise du Covid désormais derrière nous, Sanna Marin est interrogée par Daniel Vallot du service international de RFI.

"Pedro Sanchez est devenu le Viktor Orban du Sud" : l’avertissement d’une leader de l’opposition espagnole

10 décembre 2025 à 07:30

Y a-t-il "quelque chose de pourri" au royaume d’Espagne – comme disait Shakespeare, dans Hamlet, à propos de celui d’Elseneur ? Visiblement, oui. En tout, cas, "quelque chose" cloche "légèrement" au sommet de l’État. L’entourage immédiat, personnel ou politique, du Premier ministre Pedro Sanchez est au cœur de plusieurs affaires de corruption. Un ancien ministre (des Transports, des Mobilités et des Programmes urbains) et son principal conseiller viennent d’entrer en prison. Un haut dirigeant du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) vient d’en sortir. Et le frère du Premier ministre est mis en examen dans une affaire où leur sœur est également entendue par la justice.

Dans ce climat délétère, le Parti populaire (PP, droite) vient d’organiser, le week-end dernier, des manifestations avec ce slogan : "Mafia ou démocratie ?" Figure influente et médiatique de la droite espagnole, l’opposante Cayetana Alvarez de Toledo (PP) a, de son côté, accepté de s’exprimer pour la première fois dans un média français.

Députée de Madrid (PP) élue en 2019 et réélue en 2023, un temps porte-parole adjointe du parti, cette personnalité d’origine française et argentine est aussi une historienne formée à Oxford (Royaume-Uni) doublée d’une ancienne journaliste au quotidien El Mundo où elle écrivait dans les pages Opinions. Bref, cette débatteuse redoutable est une personnalité avec laquelle il faut compter à droite.

Par ailleurs proche de la Vénézuélienne Maria Corina Machado, prix Nobel de la paix 2025, la députée se rend aujourd’hui à Oslo (Norvège) pour accompagner la cérémonie de remise de prix. Soutien inconditionnel de l’opposante vénézuélienne, Cayetana Alvarez de Toledo affirme que le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez suit la pente du populisme déjà empruntée par les Vénézuéliens Hugo Chavez et Nicolas Maduro. Et par Viktor Orban, l’illibéral dirigeant hongrois. Avertissement au lecteur : en Espagne, le débat politique est virulent… comme l’illustre cette interview exclusive.

Cayetana Alvarez de Toledo, députée de Madrid (Espagne) du Parti populaire (PP, droite) dans la capitale espagnole en 2025.
Cayetana Alvarez de Toledo, députée de Madrid (Espagne) du Parti populaire (PP, droite) dans la capitale espagnole en 2025.

L’Express : Pedro Sanchez – et, avec lui la gauche espagnole – se refuse à féliciter la Vénézuélienne Maria Corina Machado pour son prix Nobel de la paix. Que signifie ce silence ?

Cayetana Alvarez de Toledo : C’est simplement la preuve de sa complicité avec Maduro. Qu’un premier ministre espagnol ne félicite pas un récipiendaire latino-américain d’un prix aussi prestigieux est pour le moins suspect. Non seulement Pedro Sanchez se refuse à féliciter Maria Corina Machado mais, de plus, il ment lorsqu’on lui demande pourquoi il ne le fait pas. Il prétend n’avoir jamais félicité aucun prix Nobel par le passé. Des journalistes ont consulté son compte X… et ils ont trouvé au moins six messages de félicitations adressées à différents prix Nobel.

Ses mensonges sont une indication supplémentaire de sa relation étroite avec la dictature vénézuélienne.​​ Songez que lui et son entourage sont incapables de prononcer ces simples mots : "Le Venezuela est une dictature ; Maduro est un dictateur." Nous avons mis au défi les socialistes espagnols de le faire des dizaines de fois à la chambre de députés. Sans résultat. Ce mutisme n’a qu’une explication : ils redoutent la réaction de Maduro au cas où ils le traiteraient de "dictateur". Maduro pourrait se retourner contre eux et révéler des secrets inavouables. C’est très clair à mes yeux : Maduro les tient.

Un portrait du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez lors d'une manifestation organisée par le Parti populaire (PP) contre la corruption, le 30 novembre 2025 à Madrid
Un portrait du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez lors d'une manifestation organisée par le Parti populaire (PP) contre la corruption, le 30 novembre 2025 à Madrid

Vous allez jusqu’à parler de "complicité" avec la dictature vénézuélienne. N’est-ce pas exagéré ?

Nullement. Mais pour comprendre les liens entre le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et la dictature vénézuélienne, il faut remonter à José Luis Rodríguez Zapatero. L’ex-Premier ministre socialiste espagnol (2004-2011) entretient depuis longtemps une relation étroite avec Maduro. Dans cette affaire, Zapatero joue un rôle clef. Depuis de nombreuses années, il joue le rôle d’agent d’influence pour le Venezuela sur la scène internationale. Il a même servi d’intermédiaire entre le régime et les prisonniers politiques. Il s’est ainsi prêté sans vergogne au chantage qui consiste à s’appuyer sur leur souffrance pour négocier leur sortie de prison et leur silence. C’est d’une grande perversité : il s’agit de se mettre du côté du dictateur pour faire accepter aux prisonniers de conscience une transaction perverse : "Nous te libérons mais, en échange, tu te tais."

Non content de jouer ce rôle, il a aussi été le principal promoteur du "processus de dialogue" bidon [NDLR : qui a duré onze années et échoué, de 2014 à 2025] entre la dictature et les forces démocratiques. Ce processus n’a servi à rien, sinon à gagner du temps et à procurer de l’oxygène à Maduro. De notoriété publique, Zapatero était du côté de Maduro. Par ailleurs, Zapatero joue un rôle méconnu (mais dont des journalistes commencent à parler) de lobbyiste au profit de la dictature de Maduro. Il était la "porte d’entrée" à Caracas pour des entreprises espagnoles désireuses de faire du business au Venezuela, notamment dans le secteur pétrolier. Tout en étant "négociateur" du processus de paix, il faisait des affaires. Soit dit en passant, il joue maintenant ce rôle avec la Chine. Affairiste sans morale, José Luis Rodríguez Zapatero est celui qui a rapproché le PSOE de Maduro.

Le 21 juillet 2016 le président vénézuélien Nicolas Maduro(D) aux côtés de l'ancien chef du gouvernement espagnol Jose Luis Rodriguez Zapatero (G) à Caracas
Le 21 juillet 2016 le président vénézuélien Nicolas Maduro(D) aux côtés de l'ancien chef du gouvernement espagnol Jose Luis Rodriguez Zapatero (G) à Caracas

En quoi Pedro Sanchez est-il comptable des agissements de Zapatero ?

Beaucoup de choses restent à découvrir. Mais si le régime de Maduro tombe, préparez-vous à des révélations. En attendant, voici un exemple. Le 20 janvier 2020, en pleine nuit (à 0 h 01 exactement) la vice-présidente vénézuélienne Delcy Rodriguez a atterri dans un avion privé à l’aéroport madrilène de Barajas alors qu’elle était sous sanctions de l’Union européenne depuis deux ans [NDLR : bras droit de Nicolas Maduro, Delcy Rodriguez et dix autres dirigeants sont sanctionnés en raison de la corruption, des crimes et des actes de tortures pratiqués dans les prisons vénézuéliennes]. Or, qui était là, en pleine nuit, pour accueillir cette personnalité interdite d’entrée sur le territoire de l’UE ? Rien moins que José Luis Abalos, alors numéro 3 du PSOE et ministre des Transports, de la Mobilité et des Travaux Publics. [NDLR : Abalos est emprisonné en Espagne depuis le 25 novembre pour soupçons de corruption et autres délits].

Que se sont dit, cette nuit-là, dans un salon privé de la zone de transit, le bras droit de Sanchez et madame Delcy Rodriguez ? Mystère. Certains soupçonnent des négociations secrètes entre le régime vénézuélien et le gouvernement espagnol. D’autres parlent de financement illégal du PSOE avec des fonds chavistes. D’autres encore évoquent un schéma de corruption sur la base de financements issus du pétrole. Bref, aux affinités idéologiques et à la connivence politique s’ajoute probablement une dimension économique.

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov reçoit la vice-présidente du Venezuela Delcy Rodriguez, le 1er mars 2019 à Moscou
Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov reçoit la vice-présidente du Venezuela Delcy Rodriguez, le 1er mars 2019 à Moscou

N’est-ce pas le parti de gauche radical Podemos qui, le premier, a collaboré avec le régime d’Hugo Chavez et Nicolás Maduro ?

Certes, Podemos a été très proche de Chavez [NDLR : des membres du parti espagnol ont travaillé comme conseillers au Venezuela dès le début des années 2000], mais cette formation, qui compte 4 députés, ne pèse plus grand-chose. Aujourd’hui, les socialistes espagnols sont alliés au parti Sumar.

Cette force d’extrême gauche compte 26 députés et 5 ministres, dont certains sont ouvertement pro-chavistes. Pedro Sanchez lui-même a effectué un virage à 180 degrés à propos du Venezuela. Lorsqu’il était dans l’opposition, il était proche de l’opposition vénézuélienne. Mais tout a changé quand il est entré au Palais de La Moncloa, le siège du gouvernement à Madrid. Il a alors cessé de soutenir les forces démocratiques pour devenir le plus grand allié de la dictature vénézuélienne en Europe.

Quelles leçons tirez-vous du "cas" du Venezuela, pays à la dérive ?

C’est un cas d’école qu’il faudrait, dès maintenant, étudier dans des manuels de sciences politiques. Il s’agit d’un processus de subversion de la démocratie par l’intérieur, non pas à l’aide d’un Cheval de Troie (le cheval a une certaine noblesse) mais d’un "Âne de Trois" (l’âne est un symbole de la bêtise). Ses promoteurs s’appuient en effet sur l’ignorance des honnêtes gens pour atteindre leurs objectifs. Ainsi "l’Âne de Troie" arrive au pouvoir par la voie démocratique, à l’occasion d’élections libres. Mais dès qu’il a conquis le pouvoir, il cherche à s’y perpétuer par tous les moyens, toujours selon le même mode d’emploi. C’est vrai au Venezuela, mais aussi en Espagne.

Dans une première phase, les aspirants à la dictature colonisent les institutions de l’État en y plaçant partout des personnes loyales – non pas loyales à l’État, mais à leur parti. Au Venezuela, c’est évident : les chavistes ont très vite tout "colonisé", y compris l’entreprise pétrolière nationale PDVSA, ce qui d’ailleurs a conduit à sa ruine. Dans un deuxième temps, ils harcèlent et sapent les trois principaux contre-pouvoirs : la presse libre, la justice indépendante et l’opposition parlementaire.

Enfin, troisièmement, ils polarisent délibérément la vie politique afin de "diviser pour mieux régner". En arrivant à la présidence en 1999, Hugo Chavez a mis en œuvre ce mécanisme : politisation des institutions, élimination progressive des contre-pouvoirs, polarisation de la société. Ainsi a commencé la mutation du Venezuela, passé de "démocratie pleine et entière" à "démocratie faillie" puis à "dictature" et maintenant à "narco-État criminel".

Selon vous, l’Espagne suit la même pente que le Venezuela. Qu’entendez-vous par-là ?

En Espagne, nous vivons la première étape de ce processus. Nous sommes en train de passer de démocratie "pleine et entière" à démocratie "faillie". Pedro Sanchez est arrivé au pouvoir par les urnes mais il s’emploie à "coloniser" les institutions (par exemple le Tribunal Constitutionnel, la Cour des comptes ou l’audiovisuel public), à fragiliser et démolir les contre-pouvoirs démocratiques et à polariser la société. Aux élections de juillet 2023, le PSOE est arrivé en deuxième position derrière le Parti populaire (PP, droite).

Pour conserver le pouvoir, il n’a pas hésité une seconde à pactiser avec des partis qui visent la destruction du système constitutionnel espagnol : Euskal Herria Bildu (héritier du mouvement terroriste ETA qui ne condamne pas l’assassinat de plus de 850 Espagnols) ou Gauche républicaine de Catalogne. Pedro Sanchez a aussi négocié avec un fugitif de la justice, Carles Puigdemont. Pour mémoire, ce leader du parti catalan Junts per Catalunya avait tenté un coup d’État en Catalogne en 2017 et se trouve actuellement en Belgique, où il réside, sans possibilité de remettre les pieds en Espagne.

Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez s'exprime lors d'une session plénière au Parlement espagnol à Madrid, le 9 juillet 2025
Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez s'exprime lors d'une session plénière au Parlement espagnol à Madrid, le 9 juillet 2025

Sans vergogne, le Premier ministre lui a proposé de faire passer une loi d’amnistie en échange de ses 7 voix à la chambre de députés : les élus de Junts per Catalunya lui ont permis d’être réinvesti à la tête du gouvernement espagnol. Une telle négociation, avec un fugitif, n’a pas de précédent dans l’UE. Bien sûr, il existe des amnisties politiques, économiques, fiscales. Mais ce qui est unique ici, c’est qu’un politicien efface les délits d’un autre politicien en échange du pouvoir. Heureusement, le Tribunal Suprême s’est en partie opposé à cette amnistie. Et Puigdemont, réfugié en Belgique, ne peut toujours pas rentrer en Espagne.

Comment analysez-vous les scandales de corruption qui touchent l’entourage immédiat de Pedro Sanchez ?

En avril 2024, la presse a commencé à publier des informations et à enquêter sur des affaires qui concernent l’épouse de Pedro Sanchez ainsi que son frère (tous deux soupçonnés de trafic d’influence), mais aussi son bras droit José Luis Abalos (celui qui avait rencontré nuitamment la vice-présidente vénézuélienne à l’aéroport de Madrid) et Koldo García Izaguirre, son plus proche collaborateur et confident, lui aussi accusé de corruption. A l’époque, Pedro Sanchez annonce qu’il se retire cinq jours pour réfléchir à son avenir. Il se présente comme une victime et affirme qu’il envisage d’abandonner la politique. Mais après cinq jours, il entame une campagne de déstabilisation des contre-pouvoirs.

Il traite tout le monde de "facho"

Cayetana Alvarez de Toledo

Hyperagressif, il attaque les médias en les qualifiant de "marchands de mensonges", de "machines de boue", de "laquais du PP et de Vox" [NDLR : Vox est le parti d’extrême droite], de "propagateurs de fake news", de suppôts de la fachosphère", de "fascistes", de "fachos", d'"ultradroitiers", etc. Il cherche aussi à contrôler l’organe qui a autorité sur la télévision publique [NDLR : l’équivalent de l’Arcom française]. La télé nationale se transforme d’ailleurs en organe de propagande pro-Sanchez : servile à l’égard du gouvernement, agressif contre l’opposition. Un peu comme en Hongrie, où Viktor Orban a mis les médias sous sa coupe.

La vie politique en Espagne est de plus en plus polarisée…

Pedro Sanchez s’en prend aussi à la justice. Lui et ses ministres livrent en pâture les noms et prénoms des juges qui enquêtent sur sa famille. Ils dénigrent les tribunaux qui prennent des décisions contraires aux intérêts du Premier ministre. Pedro Sanchez emploie une rhétorique populiste, purement chaviste : il insinue que la vox populi est au-dessus du pouvoir judiciaire, comme s’il y pouvait avoir une démocratie sans loi, ni juges garants d’un contre-pouvoir…

Cette escalade verbale prend des proportions dangereuses. D’autant que Pedro Sanchez politise la justice : il a nommé successivement au poste de "fiscal general" [NDLR : procureur général de l’État espagnol] deux personnalités qui lui sont proches alors que selon la tradition et l’esprit de justice, le titulaire du poste doit être incontestable, impartial et indépendant. Le premier a été condamné par la justice pour avoir divulgué des secrets visant à nuire à une adversaire politique de Sanchez. L’intéressé est resté en fonction pendant toute la durée du procès : il refusait de démissionner tandis que le gouvernement le soutenait ouvertement. Encore un exemple du dévoiement des institutions…

Pedro Sanchez affirme que les accusations contre son entourage ont été lancées par des associations d’extrême droite, notamment Manos Limpias.

C’est son unique ligne de défense… Mais Manos Limpias n’est pas la seule entité à avoir déposé une plainte. Une association d’avocats madrilènes a également entamé une action en justice. Et il y a d’autres exemples. Mais, même si Manos Limpias – avec qui mon parti, le PP, n’a aucun lien – avait été seul à la manœuvre, cela n’absoudrait en rien le Premier ministre. Ce n’est pas "l’ultradroite" qui enquête sur l’entourage de Pedro Sanchez et réclame vingt-cinq ans de prison pour ses deux plus proches collaborateurs. Ce sont la police, la Guardia Civil [NDLR : équivalent de la Gendarmerie française], des procureurs, des juges… Pedro Sanchez a trouvé un argument commode : il affirme que la Justice et les juges sont sous l’emprise du fascisme. D’ailleurs il traite tout le monde de "facho" : moi, bien sûr, mais aussi l’ancien Premier ministre socialiste Felipe Gonzalez ou des dirigeants historiques du PSOE comme Alfonso Guerra ou Nicolas Redondo Terreros.

Pedro Sanchez crée un climat de guerre civile verbale

Cayetana Alvarez de Toledo

Aujourd’hui, si on ne vous traite pas de "facho", vous n’existez pas ! (rires). Aux yeux des socialistes, quiconque défend la démocratie, la vérité, la raison, le vivre-ensemble, le pluralisme politique, l’ordre constitutionnel, la liberté individuelle, l’égalité devant la loi, est un "facho". Seuls les gens servilement soumis au pouvoir ne le sont pas… Se présenter comme la victime de l’extrême droite permet à Pedro Sanchez deux choses : resserrer les rangs de la gauche espagnole et, à l’échelle européenne, se présenter comme la victime de la vague réactionnaire qui touche beaucoup d’autres pays du Vieux continent. En fait, il cherche à créer un climat de guerre civile verbale et, conformément au mode d’emploi vénézuélien, à polariser le pays.

En France, son image et celle du PSOE restent plutôt bonnes, avec une croissance économique de + 3 % et la récente augmentation du salaire minimum de 61 %. Votre commentaire ?

Les Français, mais aussi tous les Européens, devraient ouvrir les yeux sur la dérive extrêmement dangereuse et antidémocratique qui se produit actuellement en Espagne. Je regarde ce qui se passe en Hongrie et je vous affirme qu’il y a actuellement en Espagne un "Viktor Orban du Sud" qui se nomme Pedro Sanchez. Il se déguise en social-démocrate mais il est tout sauf ça. Au contraire, il détruit la social-démocratie, le vivre-ensemble et, in fine, la démocratie. Sachons reconnaître que les menaces contre la démocratie proviennent parfois de la droite, mais aussi de la gauche.

Voilà dix ans, le premier ministre Mariano Rajoy, du Parti populaire comme vous, avait dû quitter le pouvoir à cause du scandale de la "caisse noire" du PP. En matière de corruption, la gauche et la droite se valent ?

La corruption n’a pas de couleur politique. Qu’elle soit de gauche ou de droite, il faut la combattre. A l’époque de Mariano Rajoy, Pedro Sanchez avait d’ailleurs exigé une motion de censure. Il réclamait la démission du Premier ministre parce qu’il avait été cité comme témoin dans une enquête judiciaire. C’est grâce à cette motion de censure qu’il est arrivé au pouvoir en brandissant l’étendard de la lutte contre la corruption. Aujourd’hui, il est cerné par les affaires de corruption. Tout son entourage, personnel ou politique, fait l’objet d’enquêtes. Au reste, lui-même a déjà été cité deux fois comme témoin par la justice. Il devrait appliquer à sa propre personne ce qu’il exigeait de Rajoy naguère. D’autant que son niveau de corruption dépasse de loin l’affaire de la caisse noire du PP en 2017. Pedro Sanchez abîme l’Espagne à un niveau inédit depuis le retour de la démocratie en 1975, après la mort du dictateur Franco.

Parmi "la bande de la Peugeot" [NDLR : en 2016, Pedro Sanchez était reparti à la conquête du PSOE à travers l’Espagne à bord d’une Peugeot 407, avec trois proches amis : José Luis Ábalos, Santos Cerdán y Koldo García], deux sur quatre sont actuellement emprisonnés dans le cadre dans le cadre d’une enquête pour corruption et un troisième, sous contrôle judiciaire, vient d’être libéré après cinq mois derrière les barreaux. Quant à Pedro Sanchez, s’il est aujourd’hui épargné par les scandales, sa sœur et son frère ne le sont pas. La corruption est devenue une manière de faire de la politique afin de conserver le pouvoir. Sanchez n’a qu’une idée en tête : rester au pouvoir à tout prix. Y compris au prix de l’affaissement de la démocratie.

Notre objectif numéro un: empêcher Pedro Sánchez de rester au pouvoir

Cayetana Alvarez de Toledo

Comment vous positionnez-vous par rapport à Vox, le parti anti-immigration qui a percé en 2023, devenant la troisième force politique du pays avec 12 % des voix?

C’est un parti nationaliste qui s’est rapproché de Viktor Orban bien plus qu’il ne le devrait. L’objectif du Parti populaire – mon parti – est de gouverner seul. Entre Vox et le PP, les différences sont importantes, notamment sur l’Europe. Mais nous savons aussi qu’il existe un danger plus grand pour notre démocratie : c’est Pedro Sánchez. Evidemment, le PP aspire à gouverner seul mais le réalisme, c’est de former des alliances, comme nous l’avons déjà fait localement. Notre objectif numéro un est d’empêcher que Pedro Sánchez reste au pouvoir car ce qui est en jeu, c’est la survie de l’ordre démocratique et constitutionnel établi en 1978. L’objectif de Sanchez, à l’inverse, est que Vox progresse encore pour accentuer la polarisation et affaiblir le PP.

En quels termes la question de l’immigration se pose-t-elle en Espagne ?

Le gouvernement est dans le déni. Il ne veut pas reconnaître qu’il existe un vrai problème d’intégration alors même que, en Europe, de nombreux gouvernements de gauche, comme au Danemark, sont en train de changer de pied sur ce sujet. En Espagne, l’immigration est majoritairement composée de Latino-américains qui s’intègrent d’une manière exceptionnelle. Mais il y a aussi une autre immigration qui, par endroits, pose des problèmes, notamment en Catalogne. Dans cette région, un nouveau parti politique se développe à grande vitesse : c’est Aliança Catalana (Alliance catalane), à la fois ouvertement anti-islam et anti-Espagne. C’est un mouvement séparatiste, indépendantiste et ouvertement islamophobe, encore beaucoup plus à droite que Vox.

© afp.com/Javier SORIANO

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