« Débarrassés de l’épouvantail qu’est l’Occident, les pays du Sud global seraient très vite dominés par la superpuissance chinoise »

© Jeanne Accorsini/SIPA / via REUTERS

© Jeanne Accorsini/SIPA / via REUTERS



© Yves Herman / REUTERS

© FREDERICK FLORIN / AFP
C'est une douche froide pour la Commission européenne. L’Italie a rejoint la France mercredi 17 décembre pour réclamer un report de l’accord commercial entre l’UE et le Mercosur. Ce nouveau front commun pourrait empêcher la Commission et sa présidente, Ursula von der Leyen, de signer d’ici la fin de la semaine un traité avec ce bloc sud-américain, qui regroupe principalement le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay.
Présenté comme historique, l’accord créerait la plus vaste zone de libre-échange au monde. Il permettrait à l’UE d’accroître ses exportations de véhicules, de machines, de vins et de spiritueux vers l’Amérique latine, tout en facilitant l’entrée sur le marché européen de produits agricoles sud-américains — viande bovine, sucre, riz, miel ou encore soja. Des importations qui inquiètent les filières agricoles concernées.
La colère est déjà visible sur le terrain. Plusieurs dizaines de milliers d’agriculteurs ont promis de se rendre ce jeudi à Bruxelles pour manifester contre le traité, alors que s’y déroulera un sommet européen. Une première mobilisation s’est tenue ce mercredi à l’aéroport de Liège, point d’entrée majeur de denrées extra-européennes.
Ursula von der Leyen espérait signer l’accord samedi, en marge du sommet du Mercosur à Foz do Iguaçu, au Brésil. Mais elle doit au préalable obtenir l’aval d’une majorité qualifiée des Etats membres. Or, si des pays comme l’Allemagne, l’Espagne ou les Etats scandinaves poussent pour une signature rapide — pour relancer une économie européenne à la peine face à la concurrence chinoise et aux taxes douanières américaines — la position italienne complique sérieusement l’équation.
Avec la France, la Pologne et la Hongrie, l’Italie est en mesure de constituer une minorité de blocage au sein des Vingt-Sept, empêchant l’examen du texte dans l’immédiat. Pour la France, dont le Premier ministre Sébastien Lecornu a promis qu’il voterait contre si l’UE tentait de "passer en force", l’arrivée de l’Italie prouve qu’elle "n’est pas seule".
Plus mesurée, la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni estime qu’une signature à ce stade serait "prématurée". Rome réclame des "garanties suffisantes", notamment pour le secteur agricole, et estime que les conditions pourraient être réunies "au début de l’année prochaine". Le report, s’il se confirme, porterait un coup sérieux au calendrier de la Commission. "Si on ne le fait pas maintenant, le Brésil ne signera plus l'accord tant que je serai président", a affirmé pour sa part Lula, dont le mandat à la tête du Brésil se termine fin 2026.
Prudente, la Commission européenne continue pourtant d’espérer un compromis. "Les chefs d’Etat et de gouvernement en discuteront lors du sommet européen" qui se déroulera jeudi à Bruxelles, a indiqué son porte-parole. Pour apaiser les inquiétudes agricoles, l’UE a proposé des mesures de sauvegarde : surveillance renforcée des produits sensibles comme le bœuf, la volaille ou le sucre, et possibilité d’intervention en cas de déséquilibre du marché. Ces garanties font encore l’objet de négociations avec les Etats membres et le Parlement européen.
Mais à Paris, elles pourraient ne pas suffire. La France reste sous pression d’un mouvement agricole puissant, déjà mobilisé sur d’autres fronts comme l’épidémie de dermatose qui ravage la filière bovine française. Au sein de l’UE, certains redoutent désormais que Paris ne cherche pas seulement à retarder l’accord Mercosur, mais à le faire définitivement échouer — malgré plus de vingt-cinq ans de négociations.

© AFP

© Photo Isabel Infantes/REUTERS

© PHOTO NICOLE CRAINE/NYT

© PHOTO DANIEL BEREHULAK/THE NEW YORK TIMES

© Photo HANDOUT/AFP