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Reçu aujourd’hui — 10 novembre 2025 L'Express

Tensions avec le Cambodge : la Thaïlande suspend l’accord de paix "historique" de Donald Trump

10 novembre 2025 à 17:14

C'était l'une des "six guerres" auxquelles Donald Trump se vante régulièrement d'avoir mis fin - un chiffre gonflé et éloigné de la réalité. La Thaïlande a annoncé, lundi 10 novembre, la suspension de son cessez-le-feu avec le Cambodge, cosigné fin octobre par le président américain. L'annonce intervient après l'explosion d'une mine terrestre près de la frontière, ayant blessé deux soldats thaïlandais.

Le porte-parole du gouvernement thaïlandais, Siripong Angkasakulkiat, a déclaré que Bangkok cessera le "suivi de la déclaration conjointe", signé en Malaisie fin octobre par les Premiers ministres cambodgien Hun Manet et thaïlandais Anutin Charnvirakul, en compagnie du président américain Donald Trump et du Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim.

L'accord visait à mettre un terme aux hostilités entre les deux pays, qui se sont affrontés à leur frontière durant cinq jours en juillet lors de combats menés par leurs troupes au sol, leur artillerie et leur aviation. Ils ont fait au moins 43 morts et provoqué l'évacuation de plus de 300 000 civils, avant qu'une trêve ne soit accordée sous la pression des Etats-Unis, cet été. Le texte signé fin octobre prévoyait notamment la libération de 18 prisonniers cambodgiens détenus en Thaïlande depuis plusieurs mois. Les deux parties avaient également accepté de retirer les armes lourdes et de déminer les zones frontalières.

Deux soldats blessés

Mais l'explosion d'une mine dans la province de Sisaket, dans l'est du pays, vient remettre en cause la paix entre les deux pays. Lors de l'explosion, un soldat a été grièvement blessé à la jambe, tandis qu'un autre souffre de douleurs thoraciques, a affirmé l'armée thaïlandaise dans un communiqué. "Nous pensions que la menace pour la sécurité s'était atténuée, mais elle n'a en réalité pas diminué", a estimé le Premier ministre thaïlandais Anutin Charnvirakul lors d'une conférence de presse.

De son côté, le ministère cambodgien de la Défense a promis lundi dans un communiqué un "engagement indéfectible" pour la paix. Les autorités de Phnom Penh n'ont en revanche pas commenté dans l'immédiat l'explosion de la mine.

Désaccord frontalier

Les deux pays voisins d'Asie du Sud-Est ont un différend ancien portant sur le tracé de certaines parties de leur frontière, longue de 800 kilomètres. Les combats de juillet avaient été déclenchés par des affirmations de la Thaïlande selon lesquelles le Cambodge avait posé des mines ayant blessé ses soldats.

Depuis la trêve de fin juillet, les deux pays s'accusent mutuellement de violations du cessez-le-feu et les analystes estiment qu'un pacte de paix global réglant le différend territorial au coeur du conflit reste difficile à atteindre. Les deux royaumes ont traversé cet été l'épisode le plus sanglant de leurs relations depuis celui de 2008 à 2011, qui avait causé la mort de 28 personnes.

© AFP

L'accord signé entre le Cambodge et la Thaïlande lors du sommet de l'Asean, le 26 octobre dernier, avait été qualifié "d'historique" par Donald Trump.

"Sergueï Lavrov travaille activement", le Kremlin dément la disgrâce du chef de la diplomatie russe

10 novembre 2025 à 15:25

Non, Sergueï Lavrov n’a pas été mis à l’écart, et il continue de "travailler activement". Lundi 10 novembre, le Kremlin a démenti les rumeurs d’une disgrâce du chef de la diplomatie russe, après l’échec de l’organisation du sommet Trump-Poutine à Budapest. Sergueï Lavrov n’était en effet pas parvenu à se mettre d’accord avec son homologue américain Marco Rubio sur les modalités de la rencontre, reportée sine die. Depuis, ses apparitions publiques se font extrêmement rares. Mais Moscou l’assure : "tout va bien" avec Sergueï Lavrov, et "lorsqu’il y aura des événements publics" il réapparaîtra. En parallèle, la Russie continue son avancée en Ukraine. Le ministère russe de la Défense a annoncé lundi dans un communiqué s’être emparé des villages de Nove et Slodkie, dans la région de Zaporijjia, dans le sud, ainsi que de Gnativka, dans la région de Donetsk (est). Pour le Kremlin, la perspective que l’Ukraine gagne la guerre "est illusoire".

Les infos à retenir

⇒ Le Kremlin dément les rumeurs d’une disgrâce de Sergueï Lavrov

⇒ Moscou revendique la prise de trois villages dans le sud et l’est de l’Ukraine

⇒ Une opération anti-corruption a été lancée dans le secteur énergétique ukrainien

Le Kremlin dément la mise à l’écart de Sergueï Lavrov

"Tout va bien" avec Sergueï Lavrov, qui "continue de travailler activement". Lundi, le Kremlin a démenti, par la voix de son porte-parole, Dmitri Peskov, les rumeurs quant à une mise à l’écart du chef de la diplomatie russe. Alors que ses apparitions se font de plus en plus rares, des rumeurs ont émergé sur une éventuelle disgrâce de Sergueï Lavrov, après son échec à se mettre d’accord avec les Américains sur les modalités d’organisation du sommet Trump-Poutine, qui aurait dû se tenir à Budapest.

Ces derniers jours, seules des adresses écrites ou des interviews vidéo du chef de la diplomatie russe ont été publiées, et aucune annonce n’a été faite sur son agenda public. Mais le Kremlin l’a assuré lundi : "Lorsqu’il y aura des événements publics, vous allez voir le ministre", a indiqué Dmitri Peskov.

Une victoire de l’Ukraine est "illusoire" dit le Kremlin

La Russie, dont les forces sont mieux équipées et plus nombreuses, continue d’avancer dans l’est de l’Ukraine et notamment dans la région de Donetsk où se concentre l’essentiel des combats. Le ministère russe de la Défense a annoncé lundi dans un communiqué s’être emparé des villages de Nove et Slodkie, dans la région de Zaporijjia, dans le sud, ainsi que de Gnativka, dans la région de Donetsk (est).

"Les Européens croient que l’Ukraine peut gagner la guerre et défendre ses intérêts par des moyens militaires" mais cette perspective est "illusoire", a déclaré lundi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. "La situation sur le front indique le contraire", a-t-il affirmé, ajoutant que la fin du conflit ne sera possible que "lorsque la Russie aura atteint tous les objectifs qu’elle s’était fixés au départ".

Moscou réclame que l’Ukraine renonce à rejoindre l’Otan et cède à la Russie les régions de Donetsk et de Lougansk, qui forment le Donbass dans l’est, celles de Kherson et de Zaporijjia dans le sud, en plus de la Crimée annexée en 2014. Des conditions inacceptables pour les dirigeants ukrainiens et leurs alliés occidentaux. Fin octobre, l’armée russe contrôlait totalement ou partiellement près de 20 % du territoire ukrainien.

Opération anti-corruption "à grande échelle" dans le secteur énergétique ukrainien

Les instances ukrainiennes de lutte contre la corruption ont annoncé lundi avoir lancé une "opération à grande échelle" ayant permis de mettre au jour des cas de corruption dans le secteur énergétique du pays, lourdement endommagé par de récentes frappes russes.

Selon l’Agence nationale anticorruption (le NABU), "un vaste système de corruption visant à influencer des entreprises stratégiques du secteur public" aurait été mis en place, notamment au sein de l’opérateur nucléaire ukrainien Energoatom.

"Quinze mois de travail et 1 000 heures d’enregistrements audios. Les activités d’une organisation criminelle de haut niveau ont été documentées", a affirmé l’agence, qui a accompagné son communiqué de photos montrant des sacs remplis de billets de banque en euros et en dollars, mais sans fournir davantage de détails sur l’opération.

Cette annonce intervient après plusieurs mois de tensions entre ces agences et le gouvernement, sur fond de débats autour des efforts de Kiev en matière de lutte contre la corruption.

© afp.com/Alexander Zemlianichenko

Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, le 21 août à Moscou

En Pologne, l’opposant russe était en fait un espion de Moscou

10 novembre 2025 à 13:33

Il avait été associé à plusieurs mouvements d’opposition russes, notamment la célèbre Fondation anticorruption d’Alexeï Navalny, décédé en prison en 2024. L’exilé russe Igor Rogov, qui avait quitté son pays natal en 2021, a finalement admis avoir collaboré avec les services secrets de Moscou depuis la Pologne.

Selon le Guardian, qui a eu accès à des documents d’accusation, Igor Rogov a reconnu avoir travaillé comme agent infiltré pour le FSB (les services secrets russes) et lui avoir transmis des informations sur les autres opposants russes présents en Pologne. L’homme avait initialement été arrêté en juillet 2024 avec sa femme Irina par les autorités polonaises, le couple étant suspecté d’avoir participé à l’envoi et la réception d’un colis contenant des explosifs.

Téléphone jetable et clé USB cryptée

Irina et Igor, qui avaient obtenu un visa polonais en 2022 à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, auraient pu se fondre dans le lot de personnes arrêtées au cours des deux dernières années dans le cadre d’enquêtes de sabotage. Il s’agit bien souvent d’Ukrainiens, Polonais ou Biélorusses recrutés sur Telegram pour des missions ponctuelles. Mais l’enquête polonaise montre des liens plus étroits et durables entre le couple et le FSB. Igor et sa femme ont ainsi été inculpés début octobre pour les faits liés au colis piégé mais également pour avoir fourni au FSB des informations sur des opposants russes résidant en Pologne ainsi que sur les individus et les institutions qui leur portent assistance, rapporte l’agence Reuters.

Selon les documents consultés par le Guardian, Igor Rogov avait été approché par le FSB "il y a plusieurs années", lorsqu’il était encore en Russie, afin d’infiltrer la branche locale d’un mouvement d’opposition. Il avait alors des contacts réguliers avec les services de renseignement via un téléphone jetable et percevait de l’argent en échange de ses informations. Un communiqué du parquet polonais rapporte ainsi qu’il a collaboré avec le FSB "contre la République de Pologne" entre février et août 2022. Son épouse Irina, qui savait que son mari travaillait pour le FSB, avait ensuite "entrepris les démarches" pour transférer vers la Russie des informations contenues sur une clé USB cryptée cachée dans un colis. Le parquet polonais ne précise pas si la femme avait effectivement réussi à transférer cette clé USB au FSB.

Chantage depuis la Russie

D’après les informations du média polonais Wirtualna Polska confirmées par le Guardian, l’acte d’accusation indique qu’Igor a été victime de chantage de la part du FSB. Les services secrets l’auraient menacé d’enrôler son père dans l’armée russe s’il ne transmettait pas les informations recueillies en Pologne.

L’opposant factice est désormais accusé d’espionnage "susceptible de nuire à la République de Pologne", selon le parquet polonais, et plus précisément d’avoir mis en danger "la vie ou la santé de nombreuses personnes", précise Wirtualna Polska. La première audition du couple devrait se tenir le 8 décembre.

© AFP

Igor Rogov avait été recruté par le FSB, les services secrets russes, pour infiltrer les mouvements d'opposition en Russie.

Donald Trump élu président des Etats-Unis : un come-back historique

10 novembre 2025 à 12:26
Contre toute attente, le milliardaire imprévisible et outrancier new-yorkais Donald Trump, 70 ans, a remporté l'élection présidentielle de 2016 aux Etats-Unis, face à la démocrate Hillary Clinton. Investi président le 20 janvier 2017, il a succédé à Barack Obama. Promettant à l'Amérique ordre et sécurité, il fait de la lutte contre l'immigration la priorité de son administration à la Maison Blanche, symbolisée par son projet de mur à la frontière avec le Mexique. Après une campagne iconoclaste souvent en opposition à la ligne de son propre parti, le magnat de l'immobilier multiplie les bravades à l'international, notamment evers la Corée du Nord, la Chine et l'Iran.

© AFP

Donald Trump s'exprime lors d'une soirée électorale au centre de congrès de West Palm Beach, en Floride, au début du 6 novembre 2024.

Boualem Sansal : l’appel du président allemand à Abdelmadjid Tebboune

10 novembre 2025 à 12:20

Le président allemand a exhorté lundi 10 novembre son homologue algérien à gracier l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné depuis un an en Algérie et au cœur d’une grave crise diplomatique entre Alger et Paris.

Appelant son homologue Abdelmadjid Tebboune à un "geste humanitaire", Frank-Walter Steinmeier propose aussi que Boualem Sansal soit transféré en Allemagne pour "y bénéficier de soins médicaux […] compte tenu de son âge avancé […] et de son état de santé fragile".

"Un tel geste serait l’expression d’une attitude humanitaire et d’une vision politique à long terme. Il refléterait ma relation personnelle de longue date avec le président Tebboune et les bonnes relations entre nos deux pays", a estimé le président allemand, dans un communiqué.

Condamné à cinq ans de prison

Arrêté à Alger le 16 novembre 2024, le romancier et essayiste franco-algérien Boualem Sansal a été condamné en appel en juillet à cinq ans de réclusion pour avoir notamment déclaré que l’Algérie avait hérité sous la colonisation française de territoires appartenant jusque-là au Maroc.

Jeudi, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, avait souligné que la France menait un "dialogue exigeant" avec Alger pour obtenir la libération de Boualem Sansal.

L’affaire s’inscrit dans un contexte d’hostilité entre Paris et Alger, qui sont empêtrés depuis plus d’un an dans une crise diplomatique sans précédent qui s’est traduite par des expulsions de fonctionnaires de part et d’autre, le rappel des ambassadeurs des deux pays et des restrictions sur les porteurs de visas diplomatiques.

© afp.com/Joël SAGET

L'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, le 8 septembre 2015 à Paris

Etats-Unis : le Sénat franchit un premier pas en vue de mettre fin au shutdown

10 novembre 2025 à 07:50

L’administration américaine va-t-elle bientôt sortir de la plus longue paralysie de son histoire ? Un accord provisoire passé dimanche 9 novembre au Sénat suscite l’espoir. Depuis le 1er octobre dernier, l’absence d’un accord entre républicains et démocrates sur le budget de l’Etat fédéral paralyse l’administration, entraînant son "shutdown" et donc le blocage d’une partie des services publics.

Au 40e jour de paralysie budgétaire, les sénateurs sont finalement parvenus à un accord provisoire permettant le financement du gouvernement jusqu’en janvier, selon plusieurs médias américains. Un groupe de "démocrates modérés" a accepté lors d’un vote d’entamer les procédures pour aller vers un projet de loi sur le budget, sans pour autant avoir les garanties qu’ils demandaient jusqu’ici sur l’assurance santé, rapporte l’agence Associated Press.

Un vote sur l’Obamacare

Dans le détail, cet accord bipartisan permet le financement de l’Etat fédéral jusqu’au 30 janvier en échange d’un vote en décembre sur l’assurance santé, rapporte CNN. La question de l’assurance santé est clé dans le bras de fer qui oppose les républicains et démocrates et qui a conduit au shutdown. Les démocrates conditionnent en effet leurs voix à une prolongation des subventions des programmes d’assurance santé liés à l'"Affordable Care Act", plus connu sous son surnom d'"Obamacare". Cette loi adoptée en 2010 avait permis à des millions d’Américains à bas revenus d’obtenir une assurance.

Les subventions actuellement au cœur de la bataille du budget prennent la forme de crédits d’impôt, augmentés pendant la pandémie de Covid-19 mais qui expirent à la fin de l’année. Les élus démocrates considèrent qu’une telle expiration des crédits d’impôt représenterait un coup de massue pour des Américains au pouvoir d’achat déjà entamé par l’inflation, tandis que les républicains refusaient jusqu’ici toute négociation. Selon CNN, les élus républicains du Sénat et de la Chambre des représentants discuteront d’un texte sur l’assurance santé dans les semaines qui suivront la fin du shutdown. Le chef de la minorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, a toutefois déploré que l’extension des aides à la santé fasse l’objet d’un vote et non d’une prolongation directe.

L’accord trouvé dimanche implique aussi l’annulation du licenciement de milliers de fonctionnaires fédéraux par Donald Trump le mois dernier, et le paiement des fonctionnaires mis au chômage technique, précise Associated Press. Le texte prévoit aussi de protéger les agents du service public contre les licenciements abusifs.

La chambre haute, contrôlée par les Républicains, l'a adopté par 60 voix contre 40 grâce à l'appoint de sept sénateurs démocrates et d'un élu indépendant. Une première étape avant un vote final qui ne nécessitera que 50 voix pour être validé. Mais l'accord devra aussi passer devant la Chambre des représentants, avant d’être soumis à Donald Trump pour signature. Cette procédure pourrait prendre plusieurs jours.

Les conséquences du shutdown s’accumulent

"On dirait qu’on s’approche de la fin du shutdown", a estimé devant la presse le président Donald Trump, de retour à la Maison-Blanche après avoir passé le week-end dans sa résidence floridienne de Mar-a-Lago.

Les Américains commencent à sentir de plus en plus peser les effets du shutdown, le plus long de l’histoire des Etats-Unis. Des centaines de milliers de fonctionnaires fédéraux ne sont plus payés depuis le 1er octobre, l’aide alimentaire est suspendue pour des millions d’Américains et le manque de personnel de l’administration fédérale entraîne des conséquences en cascade, comme des annulations massives de vol ou la mise à l’arrêt de certains tribunaux.

© afp.com/Anna Rose Layden

Les sénateurs américains ont trouvé dimanche un accord provisoire en vue de mettre fin à la paralysie budgétaire

Océans : que faire face à la pêche industrielle et l’élevage intensif ?

10 novembre 2025 à 06:00

Le retour de Donald Trump, vous le savez, inquiète largement les scientifiques. Le président des Etats-Unis s’en prend aux universités, aux revues, aux agences de recherche, à leurs financements comme aux membres de certaines institutions. Et celles liées au climat ne sont pas épargnées, Donald Trump estimant que le réchauffement est un canular.

Le républicain s’est notamment attaqué à la NOAA, l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique. 1 200 fonctionnaires ont été tout simplement remerciés, façon Trump, et d’autres devraient bientôt suivre.

Cette agence joue pourtant un rôle clé dans la préservation de l’environnement un peu partout sur la planète et surtout concernant les océans : suivi météorologique, prévision d’ouragans ou de sécheresses, surveillance des ressources marines, elle a des programmes de recherche en Inde, au Brésil, ou encore dans les îles du Pacifique, et des partenariats avec de grands laboratoires comme l’Ifremer en France.

Mais à l’heure où Donald Trump met en pièces la recherche sur les fonds marins, le reste du monde s’organise pour assurer leur protection.

Dans quelques jours, la France accueillera à Nice un sommet des Nations unies réunissant Etats, ONG et scientifiques. Tous vont tenter de s’accorder sur des traités et des financements pour sauvegarder nos océans.

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Cet épisode a été écrit et présenté par Charlotte Baris, réalisé par Jules Krot et monté par Emeline Dulio.

Crédit : Union nationale de la poissonnerie française, Elysée, Les Echos

Musique et habillage : Emmanuel Herschon/Studio Torrent

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Des pêcheurs déchargent leurs prises au port Chef de Baie de La Rochelle, le 21 février 2024, alors que la pêche dans le golfe de Gascogne a repris après une interdiction d'un mois

Lena, combattante russe aux côtés des Ukrainiens : "Je ne tire pas sur des compatriotes, mais sur des violeurs et des assassins"

10 novembre 2025 à 05:45

Ils s’appellent Sofia, Viktor, Lena et Pavel. Ou plutôt, nous les appellerons ainsi. Sofia travaille avec l’association Mémorial, interdite en Russie. Viktor, employé sur une base militaire, fait passer des informations à l’armée ukrainienne. Lena combat dans les rangs d’une unité de volontaires russes intégrée aux forces armées de Kiev. Pavel aide les réfugiés des régions russes touchées par la guerre, et en profite pour distiller des messages pacifistes.

Les contacter nous a pris plusieurs mois. Les conversations ont eu lieu par la messagerie cryptée Signal, plutôt que Telegram, soupçonnée d’être infiltrée par le FSB. Deux d’entre eux ont préféré garder éteinte leur caméra au moment de témoigner. Tous ont relu, avant publication, leurs interviews, pour s’assurer qu’il n’y restait aucune information risquant de les identifier formellement. Le risque qu’ils ont pris, en nous parlant, est considérable tant, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, la répression est omniprésente en Russie.

>> Le témoignage de Sofia, opposante clandestine à Vladimir Poutine : "Si tout le monde s’en va, qui va agir ici ?"

>> Le témoignage glaçant de Viktor, espion dans une base russe : "Si je suis arrêté, je mourrai en prison"

De longs cheveux blonds traversés d’une mèche teinte en violet, les traits creusés. "Zirka", son nom de guerre, signifie "étoile" en ukrainien. Mais elle est bel et bien russe, engagée comme aide-soignante dans la légion "Liberté de la Russie", une unité formée de volontaires russes qui combat aux côtés des forces de Kiev. Parfaitement francophone, elle vivait à Paris quand la guerre a éclaté. Deux ans plus tard, après un long cheminement personnel et un recrutement exigeant, la voilà sur le front.

"J’ai fait mes études supérieures à Paris et j’y suis devenue brodeuse d’art. Je travaillais pour des maisons de haute couture et je voulais créer mon propre atelier. Souvent, je travaillais avec des collègues ukrainiens. Le matin du 24 février, j’ai vu les nouvelles, les messages des amis, de la famille éloignée en Ukraine, qui m’écrivaient 'C’est la guerre, on est bombardés'. Je n’y croyais pas. Qui va attaquer un pays moderne, européen, pour rien du tout ?

Une seule personne m’a soutenue sur mes milliers de followers

Mais le pire, c’était la réaction des Russes. Le rejet massif de la réalité, du fait que la Russie était en train d’attaquer l’Ukraine, tous ces gens qui disaient 'C’est faux, ce sont des vidéos truquées' ou qui disaient que les Ukrainiens étaient responsables de tout ce qui se passait. C’était dingue. Pour moi, c’était même plus choquant que de voir les villes ukrainiennes bombardées. Et cette vague de fascisme russe, de 'ruscisme', a commencé, du jour au lendemain, à engloutir la plupart de mes connaissances. J’étais bouleversée. Je parlais de la guerre à tout le monde, tout le temps. A l’époque, on croyait que c’était possible d’expliquer la situation aux Russes, qu’ils allaient se soulever et arrêter Poutine. Quand j’y repense, je trouve ça drôle et triste en même temps. J’ai montré sur les réseaux sociaux mon passeport russe, j’ai dit que j’avais visité l’Ukraine, que je n’avais jamais eu de problème, que les russophones ukrainiens n’étaient pas opprimés ou malheureux. Parmi toutes mes connaissances, une personne m’a écrit pour me soutenir. Une seule, sur les milliers de followers que j’avais. Par contre, j’ai reçu beaucoup d’insultes.

Très vite, j’ai eu envie de partir combattre en Ukraine. Je suis une personne qui préfère agir qu’attendre. J’ai zéro patience, je m’épanouis dans l’action. Mais en même temps, j’avais 38 ans. Je suis une femme, pas très sportive. Je n’avais aucune expérience militaire. Je pensais que je serais complètement inutile. Je me disais : il leur faut des tireurs, des électriciens, des médecins… mais pas moi, avec mon fil et mes aiguilles. Une collègue ukrainienne, qui habitait à Kiev, m’a alors confié ses enfants à Paris, une fille de 15 ans et deux petits de 6 et 8 ans, pendant que son mari était au front. Ça m’a apaisée, je me sentais utile. Et puis la guerre s’est installée et les gens, à Kiev, ont appris à vivre avec.

J’ai pris six mois pour m’entraîner

Les enfants sont rentrés chez eux. De nouveau, j’ai eu envie de partir. J’ai rédigé une liste recensant tout ce que je pouvais faire d’utile et, en février 2023, j’ai écrit à l’armée ukrainienne. Ils m’ont répondu qu’ils n’étaient pas intéressés par mon passeport russe, mais ils m’ont parlé de la légion "Liberté de la Russie". C’était en concordance avec ce que je veux, une Russie paisible, une Russie où les gens vivent bien, parce que les gens qui vivent bien n’attaquent pas d’autres pays. J’avais peur de ne pas être acceptée, alors j’ai décidé de me préparer.

J’ai pris six mois pour m’entraîner, j’ai appris les premiers secours avec les sapeurs-pompiers français, je suis partie aux Etats-Unis, j’ai appris à piloter des drones et, finalement, j’ai envoyé ma candidature. Six mois plus tard, j’ai rejoint la légion, en tant qu'aide-soignante militaire. C’est un processus très long pour éviter que la légion ne se fasse infiltrer par des agents du FSB. Nous sommes désignés comme une organisation terroriste en Russie. On nous considère comme des traîtres. Mais c’est notre pays qui nous a trahis.

Ça ne me dérange pas de tirer sur des Russes [NDLR : sur le front ukrainien, les aide-soignants peuvent être armés]. Ce n’est pas une question de nationalité, c’est une question de choix individuel. Si quelqu’un tire sur votre enfant, vous allez lui tirer dessus. Les voleurs, les tueurs, les malfaiteurs, on les met en prison. C’est la même chose. Je ne tire pas sur des compatriotes, mais sur des voleurs, des assassins de gens sans défense, des violeurs d’enfants. Je discute souvent avec des prisonniers russes. Ils disent toujours 'on n’avait pas le choix'. Mais on a toujours le choix. Ils pouvaient s’enfuir du bus qui les emmenait à la caserne, personne ne les aurait rattrapés. Ils pouvaient partir à l’étranger, ils pouvaient refuser de servir, ils pouvaient choisir d’aller en prison. Ils sont restés dans leur bus comme des moutons, c’est leur choix. Et puis il y a l’argent. Les militaires russes sont très bien payés, ils sont très nombreux à n’être là que pour ça.

Les raids de la légion sur le territoire russe en 2023, ça donnait de l’espoir. L’espoir, il faut l’alimenter régulièrement, sinon on le perd. Quand je suis partie rejoindre la légion, c’était le moment où la motivation baissait, la victoire s’éloignait. Je me suis dit 'c’est le moment d’y aller, le moment le plus difficile'. Il faut des nouvelles personnes pour remplacer les pertes. C’était horrible pour ma mère. Moi, je me disais 'on verra'. De toute façon, après avoir gagné en Ukraine, il faudra gagner en Russie. La victoire de l’Ukraine sera un grand pas vers la libération de la Russie. Il faut la libérer de ce gouvernement fasciste. Chaque année de guerre enfonce la Russie dans un abîme de détresse économique et culturelle. Le dernier espoir que l’on a eu, c’est la contre-offensive de l’été 2023, qui a complètement échoué.

Aujourd’hui, on continue à se battre parce qu’il faut continuer. Mais quand on me demande quand ça finira, je réponds 'jamais'. Cette guerre ne finira jamais. Ou alors il faut des sanctions, que le monde entier s’oppose à la Russie. Le régime ne s’effondrera pas tout seul. Ou peut-être qu’il y aura un miracle : il va quand même crever un jour, ce Poutine ! Mais une révolte de l’intérieur, il n’y en aura que si son armée est vaincue. Les gens sont terrifiés, là-bas. Tous ceux qui avaient du courage sont en prison, morts ou partis à l’étranger.

Moi, je combattrai jusqu’à ce que je sois tuée. C’est tout à fait possible, je l’envisage assez calmement. Mourir un jour, ça fait partie de notre métier. Donc, ça se passera comme ça, sauf si un jour je sens que j’ai donné assez longtemps de ma vie à cette cause et qu’il est temps de passer à autre chose. J’ai décidé de servir au moins trois ans. Evidemment, le rêve, ce serait la victoire. J’en ai les larmes aux yeux rien que d’y penser. Que les soldats russes partent d’Ukraine, d’abord. Et ensuite, avoir la certitude que la Russie n’attaquera plus jamais personne. Plus de Poutine, la Russie reconnaît ses crimes, paie des réparations, démolit le mausolée de Lénine et construit à la place une stèle à la mémoire de tous ceux qui ont été tués, pour que la Russie se souvienne toujours de ce qu’elle a fait."

© SERGEY BOBOK/AFP

Le chef de la légion "Liberté de la Russie", connu sous le nom de code César (3e à droite), pose avec d'autres combattants dans le nord de l'Ukraine, non loin de la frontière russe, le 24 mai 2023. (photo d'illustration)
Reçu hier — 9 novembre 2025 L'Express

Après la France et l'Allemagne, le Royaume-Uni : face aux incursions de drones, la Belgique demande l’aide de ses alliés

9 novembre 2025 à 17:11

Des alliés en soutien à Bruxelles. Depuis plusieurs jours, la Belgique connaît une série d’incursions de drones inconnus au-dessus de différents sites sensibles de son territoire. Jeudi 6 novembre, le trafic aérien a été brièvement interrompu à l’aéroport de Bruxelles à cause d’un engin volant non identifié et repéré dans la zone. Le même scénario s’est répété ce samedi à Liège, toujours au-dessus de l’aéroport de la ville. La semaine dernière, des drones avaient également été remarqués au-dessus de diverses bases militaires.

Sollicitation de la Belgique

Face à ces menaces répétées, la Belgique a demandé l’aide de plusieurs pays frontaliers et membres, comme elle, de l’Otan. L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont tous les trois répondu à cette sollicitation. Jeudi, Berlin a confirmé l’envoi de moyens dédiés à la lutte anti-drone sur le territoire belge. "La Bundeswehr soutiendra à court terme notre pays voisin en lui fournissant des capacités de lutte contre les petits systèmes aériens sans pilote", a expliqué l’armée allemande dans un communiqué. "La demande d’aide belge a été motivée par une augmentation significative du nombre d’observations d’aéronefs sans pilote non identifiés, y compris dans la zone des installations militaires belges."

De son côté, Paris a pareillement dépêché une équipe anti-drones sur place. Des soldats français qui seraient déjà actuellement présents en Belgique, comme rapporté vendredi par le média flamand Het Belang van Limburg. "Merci la France", a commenté sur X, en réaction de cet article, le ministre belge de la Défense, Theo Francken, pourtant habitué à tacler la France et son industrie de défense. Début octobre, l’armée française avait déjà envoyé temporairement des militaires au Danemark face aux mêmes problématiques de surveillance de Copenhague. 35 personnes et un hélicoptère Fennec avaient entre autres été mobilisés. Une démarche censée "illustrer la solidarité européenne en matière de défense face à la menace sérieuse" de ces drones, avait souligné alors le ministère français des Armées.

L’implication de la Russie "plausible" mais pas certaine

Autre acteur également prêt à assister Bruxelles sur ce sujet : le Royaume-Uni. Le chef d’état-major britannique, Sir Richard Knighton, a précisé ce dimanche sur la BBC que du "personnel" et du "matériel" allaient être envoyés dans le pays contre les drones. "Face à la montée des menaces hybrides, notre force réside dans nos alliances et notre détermination collective à défendre, dissuader et protéger nos infrastructures critiques et notre espace aérien", a détaillé le ministre britannique de la Défense, John Healey, dans un communiqué. Un déploiement qui "montre" que les deux pays sont "unis dans la lutte contre les menaces hybrides", note son homologue belge, Theo Francken, toujours sur X.

Y a-t-il une puissance étrangère derrière le lancement de ces drones ? Après les nombreuses incursions au Danemark, en Norvège ou encore en Allemagne, aucune preuve tangible n’a pu être découverte sur leur origine. Mais une piste occupe l’esprit de tous les observateurs : des tirs ordonnés par la Russie. L’implication de Moscou dans de telles opérations a été jugée "plausible" par Richard Knighton, sans pour autant pouvoir être confirmée pour le moment. Selon le chef d’état-major britannique, la Russie s’affiche aujourd’hui comme la "menace la plus pressante" vis-à-vis du continent européen. Le responsable à exhorter son pays à se "renforcer" face à la guerre hybride menée par le Kremlin.

© Nicolas TUCAT / AFP

L'aéroport de Bruxelles (Belgique), ici photographié le 21 août 2025, a connu une nouvelle incursion de drones.

France - Algérie : l'incroyable histoire de Baba Merzoug, le canon de la discorde

9 novembre 2025 à 17:00

C’est une colonne en bronze, patinée par les siècles, érigée dans l’ancienne cour d’honneur de l’arsenal de Brest. Peu de Finistériens la connaissent – et pour cause, elle est située dans une enceinte militaire. Et encore moins d’habitants savent que ce fût de 7 mètres de long, surmonté d’un coq, est en réalité… un canon algérien. Surnommée Baba Merzoug ("Père chanceux"), cette couleuvrine géante, l’une des plus grandes jamais fabriquées, a une histoire romanesque. Il y est question de sultan ottoman, de curé supplicié et de batailles épiques. Mais elle est surtout un témoin privilégié de la tumultueuse relation entre la France et l’Algérie. Et pourrait, à ce titre, jouer un rôle un jour prochain.

Et dire que Baba Merzoug était tombé dans les oubliettes de l’Histoire. Il en est ressorti il y a une quinzaine d’années, sous l’impulsion d’une poignée d’Algériens, qui découvrent alors son existence. Émus par son destin funeste, ils en demandent la restitution. Symbole de la puissance de l’Algérie précoloniale, sa place est, selon eux, à Alger, où les Français l’ont ravi lors de la conquête de la ville, en 1830. Leur requête a été entendue : Baba Merzoug figure aujourd’hui, au même titre que l’épée de l’émir Abdelkader (conservée au château de l'Empéri à Salon-de-Provence), sur la liste des biens réclamés par l’État algérien, transmise à Paris en mai 2024 et restée, depuis, lettre morte. Leur credo ? Et si cet engin de mort servait aujourd’hui à rapprocher nos deux pays ? Et si la France, dans un geste d’apaisement, renvoyait de l’autre côté de la Méditerranée ce qui pourrait devenir, disent-ils, un "canon de la paix" ?

Froid polaire

L’idée pourrait faire sourire, tant les rapports entre Paris et Alger sont proches du froid polaire. Dégradée en 2024 après les arrestations de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal et du journaliste Christophe Gleizes, et après la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, la relation s’est encore détériorée en juillet dernier lorsqu’un mandat d’arrêt international a été émis à l’encontre d’un diplomate algérien en poste à Paris, que la justice soupçonne d’avoir participé à l’enlèvement d’un opposant, Amor DZ. L’affaire, sérieuse, a entraîné des expulsions croisées d’agents consulaires et le rappel de l’ambassadeur français. Plus récemment, l’adoption à l’Assemblée nationale d’une résolution, portée par le RN, dénonçant l’accord franco-algérien de 1968, n’a pas arrangé les choses. Résultat, "tout est bloqué, soupire un diplomate. Les entreprises françaises perdent des marchés, la coopération entre les services de renseignement est gelée… Il ne se passe plus rien."

Pourtant, certains voient des lueurs d’espoir. "Le remplacement, place Beauvau, de Bruno Retailleau, partisan d’une ligne dure avec Alger, par Laurent Nunez, a été perçu comme un signal par Alger", estime une autre source. Nul doute que ses récentes déclarations - "ceux qui font croire aux Français que le bras de fer et la méthode brutale sont la seule solution, la seule issue, se trompent" - ont été entendues de l’autre côté de la Méditerranée.

Geste mémoriel

Et si, côté français, la libération des otages reste la condition sine qua non d’un réchauffement, certains se disent toutefois qu’un "geste mémoriel" pourrait contribuer au dégel. L’idée avait d’ailleurs été évoquée par Emmanuel Macron et son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, lors de leur conversation téléphonique, le 31 mars dernier. Après tout, la diplomatie est friande de symboles. "La première chose à faire serait de relancer la commission mixte d’historiens algériens et français, qui s’était réunie à cinq reprises avant d’être gelée", suggère Benjamin Stora, auteur en 2021 d’un rapport qui a fait couler beaucoup d’encre sur 'la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie'. "Mais restituer un bien peut aussi être un signe fort, ajoute-t-il, d’autant que la France n’en a, jusqu’à maintenant, rendu aucun."

"Et pourquoi pas commencer par le Baba Merzoug ?", tonne Smaïl Boulbina, porte-parole du comité de restitution du fameux canon. Sur le sujet, cet ancien médecin est intarissable. "Il pèse 12 tonnes et tirait des boulets jusqu’à 4 500 mètres, dit-il. Installé dans la citadelle d’Alger, il jouait surtout un rôle dissuasif, tant il était difficile à manœuvrer." À Brest, Hervé Bedri, chargé du patrimoine historique de la Marine pour l’Atlantique, est certainement l’historien français qui connaît le mieux son histoire : "Il a dû être fondu à Istanbul entre 1 512 et 1 520 au profit du sultan ottoman Selim 1er, avant d’être transporté à Alger pour renforcer la défense de la ville, raconte-t-il. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, le Maghreb était sous domination turque. Sa fabrication est une prouesse technique."

Mais le Baba Merzoug est aussi associé, dans la mémoire française, à une tragédie. Il aurait en effet servi à tuer un missionnaire, le père Le Vacher, qui faisait office, en Algérie, de consul du roi Louis XIV. Accusé de trahison par le dey d’Alger lors de la guerre qui l’opposa à la France en 1682, et porté aux gémonies par une foule chauffée à blanc, l’infortuné curé aurait été exécuté par un boulet tiré à bout portant par le canon géant. "Faux ! s’insurge Smaïl Boulbina. Le Baba Merzoug n’y est pour rien, il n’était plus en service depuis 1666 !" Légende ou non, c’est en tout cas pour honorer sa mémoire que l’amiral Duperré le rapatrie à Brest en 1830, lors de sa conquête d’Alger, lorsqu’il le trouve dans une casemate.

Considéré comme une prise de guerre, il fait "partie intégrante du patrimoine historique" de nos armées, écrivait en 2006 la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, à qui l’on demandait - déjà- de le restituer. Vingt ans plus tard, l’armée s’opposerait-elle toujours à son retour ? "Il a été confié à la Marine en 1830, donc nous le gardons, mais si l’on nous dit un jour de le rendre, nous obéirons", répond l’historien Hervé Bedri.

Prise de guerre ? Pas vraiment

Mais est-ce possible, au moins ? Les prises de guerre font, en France, l’objet d’une juridiction spéciale. Toutefois, le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels, actuellement en discussion au Sénat, pourrait changer la donne. Certes, le nouveau texte exclut de l'ensemble des biens pouvant être restitués les biens militaires, ceux-ci étant définis comme des "biens saisis par les forces armées, qui par leur nature, leur destination ou leur utilisation, ont contribué aux activités militaires". Mais justement, le canon Baba Merzoug n’a joué aucun rôle dans la bataille d’Alger, en 1830, puisqu’il était, depuis longtemps, remisé dans une casemate.

"Il sort donc a priori de la catégorie des biens militaires", commente Marie Cornu, directrice de recherches au CNRS et coauteure du Dictionnaire comparé du droit du patrimoine culturel (CNRS éditions). "Ajoutons, poursuit-elle, qu’il pourrait être possible de sortir ce canon érigé en colonne du domaine public par une autre voie, celle de sa désaffectation, dès lors qu'il s'agit d'un bien immobilier. Il basculerait alors dans un régime de domanialité privée et ne serait plus considéré comme inaliénable. C’est, par exemple, ce qui s’est passé quand l'Etat a vendu l’Imprimerie nationale à des acteurs privés."

Racines profondes

"Canon de la paix", objet de mémoire… mais aussi symbole. Car elle met en lumière une période méconnue de notre histoire commune, à savoir le XIXe siècle. "La guerre d’Algérie n’en est que l’épilogue, avance Benjamin Stora, qui vient de publier France-Algérie, Anatomie d’une déchirure, avec Thomas Snégaroff (Les Arènes). Revenir aux racines profondes de notre relation, en étudiant la façon dont s’est passée la pénétration française en Algérie, entre 1830 et 1880, serait une étape importante dans le processus de réconciliation." Si un fût vert-de-gris, transformé en obélisque sur une place battue par les vents, peut y contribuer…

© ©Fred Tanneau/AFP

Une photo prise le 25 novembre 2011 montre le canon du XVIe siècle installé à l'Arsenal de Brest, dans l'ouest de la France. Ce canon avait été saisi par les Français en 1830 aux troupes algériennes.

Immigration : le Royaume-Uni prêt à suivre le modèle danois pour durcir l’accès à ses frontières

9 novembre 2025 à 15:28

Suivre le modèle d’un des pays européens les plus restrictifs en matière d’immigration. Selon la BBC, le Royaume-Uni serait prêt à prendre exemple sur les règles imposées par le Danemark aux demandeurs d’asile qui pénètrent sur son territoire. La ministre britannique de l’Intérieur, Shabana Mahmood, devrait annoncer un plan dans ce sens avant la fin du mois, souligne le média britannique. Des hauts fonctionnaires ont d’ailleurs été envoyés par Londres en octobre dans le royaume nordique afin de travailler sur la question, en observant directement les pratiques sur place.

En poste depuis deux mois, Shabana Mahmood a fait de la réduction de l’immigration outre-Manche une priorité. En septembre, elle avait promis au Congrès du Parti travailliste de "tout faire" pour renforcer les frontières britanniques, soumises à un afflux conséquent de migrants depuis de nombreuses années. Au 6 novembre, 37 575 personnes avaient par exemple déjà réussi à rejoindre illégalement les côtes du pays, après avoir traversé la mer via de petites embarcations. Un chiffre déjà supérieur à la totalité des migrants ayant accédé au territoire britannique de la même façon sur l’ensemble de l’année 2024.

Extrême droite en position de force

L’instrumentalisation de faits divers impliquant des migrants par différentes figures, comme l’activiste xénophobe Tommy Robinson, a placé le sujet migratoire comme l’un des thèmes centraux du débat public au Royaume-Uni. Le parti Reform UK, dirigé par son chef de file pro-Brexit Nigel Farage, caracole depuis des mois en tête de plusieurs sondages. De quoi inquiéter le gouvernement travailliste de Keir Starmer, impopulaire et contesté jusque dans son propre camp. Le Premier ministre cherche donc à se saisir lui aussi des problématiques liées à l’asile pour canaliser l’émergence du mouvement d’extrême droite.

Souvent mis en avant par les droites européennes comme une des nations modèles en Europe sur cet aspect, le Danemark a durement renforcé l’accès à son territoire ces dernières années. "Nous attendons des personnes qui viennent ici qu’elles participent et contribuent positivement, et si ce n’est pas le cas, elles ne sont pas les bienvenues", a résumé, toujours auprès de la BBC, Rasmus Stoklund, ministre danois de l’Immigration et de l’Intégration. Ce dernier est membre du parti social-démocrate au pouvoir et dirigé par la Première ministre de gauche, Mette Frederiksen.

Accès au séjour restreint et regroupement familial compliqué

Concrètement, que prévoit la loi danoise vis-à-vis des migrants qui arrivent à ses frontières ? L’accueil à long terme est seulement possible dans des cas précis, par exemple lorsqu’un réfugié est personnellement ciblé par le régime en place dans son pays. Pour les autres demandeurs, l’asile accordé au Danemark n’est alors que temporaire. Copenhague les renvoie dans leur nation d’origine lorsque cette dernière est considérée comme "sûre". Les contraintes pour accéder à un regroupement familial ont également été durcies. Aucune personne de moins de 24 ans ne peut y avoir droit. Le membre de la famille vivant au Danemark ne doit par ailleurs bénéficier d’aucune prestation sociale danoise durant 3 ans et présenter des garanties financières solides.

Au sein du royaume nordique, une autre disposition va encore plus loin. En effet, les autorités danoises ont désormais la possibilité de détruire ou vendre des logements situés dans des immeubles considérés comme appartenant à des "sociétés parallèles". Autrement dit, des bâtiments dont au moins 50 % des occupants sont qualifiés par Copenhague comme issus de "milieux non occidentaux". Ces personnes ne peuvent par ailleurs pas du tout prétendre à un regroupement familial. Pour le moment, Londres n’a toutefois pas précisé si le gouvernement comptait reprendre ce type de concept, dénoncé comme "raciste" par certains élus travaillistes.

Division parmi les travaillistes

Le tour de vis migratoire à venir divise en effet les rangs du Labour. Le député Clive Lewis a frontalement critiqué le durcissement migratoire attendu. "Les sociaux-démocrates danois ont adopté une approche que je qualifierais d’intransigeante en matière d’immigration", a déclaré le député travailliste Clive Lewis, issu de l’aile gauche du parti, auprès du Guardian. "Ils ont repris nombre des arguments de ce que nous appelons l’extrême droite", a-t-il ajouté. À l’inverse, d’autres figures travaillistes soutiennent l’orientation souhaitée par Shabana Mahmood, invoquant une réponse à apporter face à la montée en puissance populiste dans le pays. "La conséquence, c’est que nous allons aborder des élections générales où Reform UK sera le principal adversaire dans la plupart des circonscriptions travaillistes… et nous serons anéantis", a justifié une autre parlementaire, Jo White, citée par la BBC.

D’après l’agence Press Association, la ministre de l’Intérieur souhaiterait rencontrer son homologue danois Rasmus Stoklund au plus vite pour échanger sur la question. En parallèle, d’autres mesures sont aussi évoquées sur le plan migratoire. Début septembre, le secrétaire à la Défense John Healey avait indiqué que les pouvoirs publics envisageaient de placer dans "des sites militaires" certains demandeurs d’asile. Une hypothèse confirmée fin octobre par le gouvernement. Selon The Times, jusqu’à 10 000 personnes pourraient être transférées dans des ex-casernes de l’armée en Écosse et en Angleterre.

© RaÅŸid Necati Aslım / ANADOLU / Anadolu via AFP

La ministre britannique de l'Intérieur, Shabana Mahmood, à Londres (Royaume-Uni), le 28 octobre dernier.

Russie : au moins 20 000 personnes sans électricité après des frappes ukrainiennes

9 novembre 2025 à 11:40

Deux régions russes frontalières de l'Ukraine font face dimanche à des coupures d'électricité affectant 20 000 personnes après des frappes ukrainiennes sur les infrastructures énergétiques, ont annoncé les autorités locales, au lendemain de bombardements russes en Ukraine. Dans la région de Belgorod, régulièrement visée par des tirs ukrainiens, le gouverneur Viatcheslav Gladkov a rapporté sur Telegram que "le réseau d'approvisionnement en électricité et en chauffage a subi de graves dégâts" dans la capitale régionale éponyme. "Plusieurs rues sont touchées par des problèmes de courant (...) Plus de 20.000 habitants sont privés d'électricité", a-t-il ajouté.

Dans la région de Koursk, également frontalière de l'Ukraine, "un incendie s'est déclaré dans l'une des installations énergétiques du village de Korenevo", laissant 10 localités sans électricité, a annoncé sur Telegram le gouverneur Alexandre Khinshteïn. Et dans la région de Voronej, un incendie s'est déclaré dans une installation assurant le chauffage, selon le gouverneur Alexandre Goussev.

Le ministère russe de la Défense a de son côté rapporté avoir abattu 44 drones au-dessus de la région de Briansk, autre territoire frontalier. Samedi, la Russie avait mené des frappes massives sur le réseau électrique, gazier et les chemins de fer d'Ukraine. Cette attaque a provoqué des coupures de courant et d'importants dégâts dans les centrales électriques ukrainiennes et fait au moins quatre morts, selon les autorités. Dans la nuit de samedi à dimanche, les forces russes ont tiré 69 drones sur l'Ukraine, dont 34 ont été abattus, selon l'armée de l'air.

© NurPhoto via AFP

Un homme marche dans la descente Andriivskyi, éclairée par quelques guirlandes lumineuses, à Kiev, en Ukraine, le 24 octobre 2025. Des coupures d'électricité programmées sont mises en place à Kiev en raison des attaques systématiques de la Russie contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes. (Photo de Kirill Chubotin/Ukrinform/NurPhoto) NE PAS UTILISER LA RUSSIE. NE PAS UTILISER LA BIÉLORUSSIE. (Photo par Ukrinform/NurPhoto) (Photo par Kirill Chubotin / NurPhoto via AFP)

Ravioles, étoile Michelin et soft power : Din Tai Fung, la chaîne taïwanaise devenue un empire mondial

9 novembre 2025 à 11:30

Cette chronique raconte la petite et la grande histoire derrière nos aliments, plats ou chefs. Puissante arme de soft power,marqueur sociétal et culturel, l’alimentation est l’élément fondateur de nos civilisations. Conflits, diplomatie, traditions, la cuisine a toujours eu une dimension politique. Car, comme le disait déjà Bossuet au XVIIᵉ siècle, "c’est à table qu’on gouverne".

Vingt et un grammes et dix-huit plis, très exactement. Des mensurations de rêve pour la "petite raviole du panier" - le xiao long bao - dont la recette chez Din Tai Fung n’a pas bougé d’un iota depuis plus de cinquante ans. Sous sa fine enveloppe de blé se cache traditionnellement de la viande de porc mais aussi des petits dés de bouillon gélifié qui, sous l’action de la délicate vapeur, libèrent une saveur intensément umami et des parfums enivrants.

La chaîne taïwanaise, devenue un empire mondial, est aujourd’hui la plus rentable des Etats-Unis avec près de 16 établissements qui produisent 10 000 raviolis par jour et génèrent chacun plus de 27 millions de dollars de chiffres d’affaires, selon le décompte du cabinet d’études Technomic. Le groupe est déjà présent dans 13 pays, comme le Japon, l’Australie ou les Emirats arabes unis.

À chaque ouverture, la scène culinaire bouillonne, comme suspendue à l’événement. Foodies et politiques s’y pressent, impatients de déguster cet emblème de la gastronomie asiatique. En 2018, sous les yeux ébahis des Londoniens qui faisaient la queue sur plusieurs pâtés de maisons, la vedette de la télé anglaise Stephen Fry et l’ex-Premier ministre Boris Johnson font l’ouverture de l'établissement. Face aux caméras, ils se prêtent à l’exercice méticuleux du pliage de la raviole avant de partager le couvert ensemble. Quelques semaines plus tôt, l’humoriste n’avait pourtant pas hésité à éreinter le politicien dans une vidéo pour ses positions sur le Brexit. Comme quoi, chez Din Tai Fung, même les plus coriaces déposent les armes pour une raviole...

Des clients déjeunent au restaurant taïwanais Din Tai Fung, situé à Times Square, à Manhattan, le 20 octobre 2025 à New York. Ce restaurant, réputé pour ses raviolis en soupe et son menu inspiré des dim sum, est devenu l'une des chaînes de restaurants les plus populaires des États-Unis. Son établissement phare de New York emploie plus de 500 personnes, ce qui en fait le plus grand Din Tai Fung à ce jour.
Des clients déjeunent au restaurant taïwanais Din Tai Fung, situé à Times Square, à Manhattan, le 20 octobre 2025 à New York. Ce restaurant, réputé pour ses raviolis en soupe et son menu inspiré des dim sum, est devenu l'une des chaînes de restaurants les plus populaires des États-Unis. Son établissement phare de New York emploie plus de 500 personnes, ce qui en fait le plus grand Din Tai Fung à ce jour.

20 dollars en poche

Cette success-story, Din Tai Fung la doit à Yang Bing-yi, son fondateur, mort en 2023. La légende veut qu’il démarre son incroyable aventure entrepreneuriale en 1927 avec seulement… 20 dollars en poche. Il décroche son premier emploi à Taïpei comme livreur d’huile avant d’ouvrir sa première échoppe 30 ans plus tard. Alors que leur commerce bat de l’aile aux débuts des années 70, les époux finissent par monter leur petit restaurant d’où sort le succulent ravioli, jetant les bases de leur future franchise. Vingt ans plus tard, la reconnaissance médiatique pointe le bout de son nez. En 1993, Din Tai Fung figure dans la liste des dix meilleures tables du monde du New York Times. S’ensuit une ouverture à Tokyo en 1996, puis la Californie en 2000.

Le secret de leur réussite ? Une qualité constante - même si la marque a déjà été épinglée par certains critiques -, quand de nombreuses chaînes de restauration deviennent moins pointilleuses à mesure que les caisses se remplissent. Vient ensuite la consécration ultime : Din Tai Fung décroche l’étoile Michelin cinq années de suite à Hongkong, l’un des hubs gastronomiques mondiaux les plus innovants du moment. "La marque incarne la précision, l’hospitalité et la recherche de l’excellence - des qualités que beaucoup associent désormais à la cuisine taïwanaise, raconte la journaliste culinaire Clarissa Wei, auteure de Made in Taiwan : Recipes and Stories of the Island Nation (non traduit). L’entreprise est devenue si puissante qu’elle dispose aujourd’hui de sa propre chaîne d’approvisionnement pour ses ingrédients de base".

Des baos dès le petit-déjeuner

Mais le fameux xiao long bao, salué par autant de palais si exigeants, est-il vraiment taïwanais ? Il est né dans les années 1870 dans la région du Jiangnan, près de Shanghai en Chine et serait l’invention d’un certain Huang Mingxian qui a eu l’idée de génie de glisser ce bouillon gélifié au cœur d’un dim sum. Dès 1900, son disciple Wu Xiangsheng reprend à son compte cette nouvelle pépite et ouvre la désormais célèbre boulangerie-pâtisserie Nanxiang Mantou Dian, où près de 3 000 paniers vapeur vont sortir chaque jour de leurs cuisines. Succès immédiat dans tous les stands de rue, cantines et marchés matinaux de l'Empire du Milieu... Dans Le Guide de la cuisine chinoise (éditions Chêne), Handa Cheng explique que, dans cette région qui n’utilise pas trop de piment ou d’huile pour privilégier le goût naturel des produits, les fameux baos peuvent être généralement consommés dès le petit-déjeuner dans la rue, parfois avec un simple verre de lait de soja.

Avec les différentes vagues d'immigration, la bouchée se répand dans tout le continent asiatique. Après la guerre civile chinoise en 1949, de nombreux chefs du Jiangnan se sont en effet installés à Taïwan, emportant avec eux leurs formidables recettes. "La cuisine taïwanaise est un mélange d’influences hokkien (originaires du sud-est de la Chine), hakka (origine du nord de la Chine), chinoises, japonaises (période coloniale japonaise de 1895 à 1945), autochtones et américaines", détaille Clarissa Wei.

La marque est aujourd'hui devenue si puissante qu'elle exerce aujourd'hui une forme de soft power pour Taïwan. Si Taïpei ne possède aujourd’hui que 12 ambassades seulement à part entière, ses 170 restaurants Din Tai Fung rayonnent dans le monde ! Lorsque, en mars dernier, la gouverneure de l’Arizona Katie Hobbs (démocrate) se rend sur l'île et pour rencontrer le président Lai Ching-te, elle évoque notamment l’ouverture prochaine d’un restaurant de la franchise dans son Etat, non loin de l’endroit où le géant TSMC a investi 40 milliards de dollars dans trois nouvelles usines de fabrication de semi-conducteurs, secteur dans lequel Taïwan excelle.

A l’heure où les menaces d’invasion de Pékin se font de plus en plus intenses, les pressions économiques s'accentuent. Din Tai Fung a fermé, en août dernier, 14 restaurants dans le nord de la Chine, en raison de désaccords sur le renouvellement de sa licence - bien que la décision soit vraisemblablement surtout motivée par des raisons économiques.

Dans cette guerre d'influence, Din Tai Fung contribue à défendre coûte que coûte le récit taïwanais. "La culture chinoise reste une composante importante de l’héritage taïwanais, mais la gastronomie de l’île reflète sa propre histoire et son évolution singulière. Et la nourriture joue un rôle essentiel dans la manière dont Taïwan exprime son identité", invoque encore Clarissa Wei. La preuve : qu’il soit revisité, dans des établissements autres que Din Tai Fung, à New York avec du foie gras, à Hongkong avec de la chair de crabe ou en Chine avec de l’aileron de requin, le xiao long bao inspire une créativité sans limites aux chefs.

© Getty Images via AFP

Des employés préparent des raviolis dans le restaurant taïwanais Din Tai Fung, situé à Times Square, à Manhattan, le 20 octobre 2025 à New York.

Apaisement Pékin-Washington : la Chine desserre l’étau sur les métaux rares stratégiques

9 novembre 2025 à 09:12

Nouveau signe d'apaisement après la rencontre Trump-Xi de la semaine dernière : la Chine a confirmé dimanche suspendre une interdiction d'exportation vers les Etats-Unis de gallium, germanium et antimoine, des métaux rares cruciaux pour l'industrie moderne. Pékin avait annoncé en décembre 2024 des restrictions sur ces métaux, dans le cadre d'une réglementation visant les biens à "double usage", c'est-à-dire pouvant être utilisés dans un cadre civil mais aussi militaire - par exemple pour fabriquer des armements.

Les interdictions sont suspendues dès ce dimanche et "jusqu'au 27 novembre 2026", a indiqué dimanche dans un communiqué le ministère chinois du Commerce. Il confirme ainsi une annonce de la Maison-Blanche faite il y a quelques jours.

Cette annonce est un nouveau signe de bonne volonté de Pékin, dans la foulée de la rencontre entre les présidents chinois Xi Jinping et américain Donald Trump le 30 octobre en Corée du Sud. Ce sommet a permis de dissiper des mois de tensions qui ont crispé l'économie mondiale. "En principe, l'exportation vers les Etats-Unis de produits à double usage liés au gallium, au germanium, à l'antimoine et aux matériaux superdurs ne sera pas autorisée", stipulait l'interdiction de décembre 2024 - désormais suspendue. Le ministère chinois du Commerce n'a toutefois pas dit explicitement dimanche si des autorisations seraient désormais délivrées, ni quand ni à quelle échelle.

Infrarouge et munitions

Ce dossier était devenu un sujet de contentieux entre Pékin et Washington. Car les deux pays rivalisent pour la domination technologique mondiale et ces métaux rares sont essentiels dans cette optique. La Chine en est un important producteur mondial. Ils ne sont pas classés comme "terres rares", un autre groupe de métaux cruciaux, mais sont également nécessaires à des pans entiers de l'économie.

Le gallium, que l'on trouve notamment dans les circuits intégrés, les LED et les panneaux photovoltaïques, est ainsi considéré comme une matière première critique, selon l'Union européenne. Le germanium est indispensable pour les fibres optiques et l'infrarouge. Enfin, l'antimoine est utilisé tant pour la transition énergétique, intégré aux batteries de véhicules électriques, que par l'industrie de l'armement, pour renforcer blindages et munitions.

Le ministère chinois du Commerce, dans son court communiqué de dimanche, a également annoncé l'assouplissement de restrictions sur les exportations de produits liés au graphite - toujours dans le cadre de ces réglementations sur les produits à "double usage". Les examens plus stricts des utilisations et utilisateurs finaux de ces produits, annoncés en décembre 2024, sont aussi suspendus jusqu'au 27 novembre 2026.

Détente

Il s'agit des dernières mesures d'apaisement en date prises par Pékin après la rencontre Xi-Trump. La Chine avait déjà annoncé mercredi prolonger d'un an la suspension d'une partie des droits de douane imposés aux produits américains en pleine guerre commerciale, pour les maintenir à 10%.

Le géant asiatique avait aussi indiqué "cesser d'appliquer des droits de douane supplémentaires" imposés depuis mars sur le soja et un certain nombre d'autres produits agricoles américains. Des mesures qui touchaient durement la base électorale de Donald Trump.

Donald Trump avait par ailleurs annoncé fin octobre que la Chine avait accepté de suspendre pour un an les restrictions imposées le 9 octobre sur l'exportation de technologies liées aux terres rares - essentielles pour la défense, l'automobile ou l'électronique.

© REUTERS

Donald Trump et Xi Jinping lors du G20 d'Osaka, en juin 2019.

Viktor, espion dans une base russe : "Si je suis arrêté, je mourrai en prison"

10 novembre 2025 à 08:52

Ils s’appellent Sofia, Viktor, Lena et Pavel. Ou plutôt, nous les appellerons ainsi. Sofia travaille avec l’association Mémorial, interdite en Russie. Viktor, employé sur une base militaire, fait passer des informations à l’armée ukrainienne. Lena combat dans les rangs d’une unité de volontaires russes intégrée aux forces armées de Kiev. Pavel aide les réfugiés des régions russes touchées par la guerre, et en profite pour distiller des messages pacifistes.

Les contacter nous a pris plusieurs mois. Les conversations ont eu lieu par la messagerie cryptée Signal, plutôt que Telegram, soupçonnée d’être infiltrée par le FSB. Deux d’entre eux ont préféré garder éteinte leur caméra au moment de témoigner. Tous ont relu, avant publication, leurs interviews, pour s’assurer qu’il n’y restait aucune information risquant de les identifier formellement. Le risque qu’ils ont pris, en nous parlant, est considérable tant, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, la répression est omniprésente en Russie.

>> Le témoignage de Sofia, opposante clandestine à Vladimir Poutine : "Si tout le monde s’en va, qui va agir ici ?"

>> Le témoignage de Lena, combattante russe aux côtés des Ukrainiens : "Je ne tire pas sur des compatriotes, mais sur des violeurs et des assassins"

Pas de caméra, pas d’appel depuis son domicile mais depuis une chambre d’hôtel anonyme, au gré d’un déplacement… Viktor a les codes et les réflexes de la clandestinité. A l’été 2022, révulsé par les tueries de Boutcha, ce jeune homme, employé sur une base militaire russe, s’est mis à la disposition de la légion "Liberté de la Russie", une unité formée de volontaires russes anti-Poutine engagés dans les forces armées ukrainiennes. Pour des raisons de sécurité, il ne donnera pas d’informations précises sur ses "actes de guerre", mais il nous confie son histoire. Et ses espoirs.

"Je vis dans une ville russe, près de la frontière avec l’Ukraine, où se trouve un aérodrome militaire. C’est là que je travaille. La guerre, je l’ai vue arriver avant tout le monde. Je voyais que l’on préparait les bombardiers, mais je n’y ai pas cru. Dans les premières semaines de combat, je n’ai pas du tout pensé aux Ukrainiens. Je suis russe, je suis patriote, je me disais qu’au fond, on était là-bas pour les aider… En avril 2022, j’ai découvert les photos de Boutcha. En voyant ces corps, cette photo de Zelensky en larmes, j’ai réalisé que je m’étais trompé. Et je ne suis pas le seul dans ce cas. On n’entend pas la voix de ceux qui ne sont pas d’accord, ceux qui sont contre les décisions du pouvoir. On s’imagine que la population russe est entièrement pour la guerre, mais ce n’est pas vrai, il y a beaucoup de gens qui pensent par eux-mêmes, des gens qui connaissent la vérité sur Boutcha et le reste. Seulement, ils sont terrifiés de parler, et si quelqu’un ose le faire, ça ne dure jamais très longtemps.

Après le 24 février, l’Etat a tout de suite resserré les boulons. J’étais au travail à cette époque-là, on ne nous a pas laissés rentrer chez nous pendant trois semaines. Ça grouillait d’agents du FSB. C’était terrifiant.

J’ai d’abord cherché à foutre le camp. Je ne voulais plus vivre en Russie. Puis j’ai entendu parler de la légion "Liberté de la Russie". J’ai alors compris que je ne pouvais pas me contenter de ne pas être complice, que je devais me battre maintenant, pour ne pas me sentir étranger dans mon propre pays pour le restant de mes jours, pour que mes enfants n’aient pas à s’enfuir plus tard. Et j’ai décidé de rejoindre la lutte armée. J’ai pris le risque de contacter la légion. Pour moi, c’était la possibilité de partir, d’être entraîné, d’avoir une arme et de me battre avec des camarades. Il n’y avait que des avantages… à part le risque d’être tué, mais quand on travaille dans un aéroport militaire en Russie, ce risque existe aussi.

Mais César [NDLR : nom de guerre de Maximilian Andronnikov, chef de la légion "Liberté de la Russie"] m’a convaincu que je serais plus utile ici. Alors je suis resté. Je fais passer des informations à la légion. Parfois, je transmets un message, un colis… Oui, c’est risqué. Mais d’un autre côté, faire l’espion clandestin, ça me semblait moins dangereux que de sortir dans les rues pour crier que Poutine est un fils de p***. Avant l’invasion, on pouvait parler de politique dans sa cuisine ou au café. Depuis, tout a changé.

Je ne voudrais pas que mes parents, mes amis viennent me tenir compagnie en prison

Aujourd’hui, tout le monde a peur de parler. Moi aussi, d’ailleurs. Je ne sais pas qui, parmi mes proches, soutient la démocratie, et qui a décidé que tout cela ne le regarde pas. Et je ne peux rien leur dire de mon activité, c’est la règle n°1 du partisan. Il ne faut jamais parler de ce que l’on fait, et surtout pas à ses amis ou à sa famille. Déjà, parce que si on m’arrête, tous ceux qui étaient au courant seront considérés comme des complices. Je ne voudrais pas que mes parents, mes amis, viennent me tenir compagnie en prison. Ensuite, parce que je ne peux pas savoir ce qu’il y a dans la tête de mon interlocuteur.

C’est comme dans un film, on est toujours au bord de la catastrophe. Pendant la première année, j’ai cru que ça me rendrait fou, j’ai pensé à prendre des médicaments. Puis j’ai adopté deux méthodes qui m’aident et font que je me sens bien aujourd’hui. D’abord, j’ai trouvé dans la légion des gens à qui parler. Nous discutons souvent. Et pour être honnête, c’est souvent moi qui me plains, et les autres qui m’écoutent. Partager mes difficultés, ça m’aide. Et puis, l’autre méthode, c’est que… la peur, l’angoisse, c’est épuisant. Au bout d’un moment, c’est comme si l’organisme décidait qu’il en avait assez d’avoir peur, on devient insensible et on fait juste son travail. Je sais que l’on peut m’arrêter demain et je sais ce que je risque. Tout le monde connaît l’article 275 du Code pénal. Haute trahison. Et je peux vous dire ça : parler avec vous, c’est l’article 275. Avoir demandé à rejoindre la légion, c’est 275. Et ne parlons même pas des informations que je fais passer ! Même si je me trouve un bon avocat, c’est quinze ans de camp à régime sévère. Et plus probablement vingt ou vingt-cinq. Je n’ai pas besoin d’en savoir plus. Pour quelqu’un qui, comme moi, a moins de 30 ans, c’est toute ma vie.

Je ne sais pas comment finira cette guerre, mais je sais que je dois y participer

Mais de toute façon, les gens ne survivent pas jusqu’à la fin de leur sentence. Navalny a survécu combien ? Trois, quatre ans ? [NDLR : trente-sept mois] Je sais que si je suis arrêté, je ne sortirai jamais de prison. Vous connaissez les conditions de détention. On voit des vidéos dans lesquelles des détenus sont violés avec des manches à balai. Et pas juste le bout. C’est 30, 50 centimètres dans l’intestin, tous les organes sont détruits. Il y a même une vidéo dans laquelle des gardiens castrent un détenu. C’est horrifiant, mais c’est comme ça en Russie. Et je me bats pour que ça ne soit plus comme ça.

Il y a trois ans, on avait l’impression que la dynamique était bonne, qu’on y était presque et que le régime allait s’effondrer. Quand il y a eu la révolte de Prigojine [NDLR, l'ancien chef du groupe paramilitaire Wagner], qu’il a marché sur Moscou… Je détestais ce type, mais j’ai croisé les doigts, pas tant pour qu’il gagne, mais pour que Poutine perde. Ça n’a pas eu lieu. Et maintenant, je me dis que la victoire ne sera pas pour tout de suite. Un jour, j’ai lu cette phrase : 'Les idées les plus importantes, ce sont celles qui bénéficieront à nos petits-enfants.' Je ne sais pas comment finira cette guerre, mais je sais que je dois y participer.

Pour moi, la victoire, ce serait rétablir l’équilibre territorial, tel qu’il a été défini à l’effondrement de l’URSS. Et pas seulement en Ukraine, mais aussi en Géorgie, en Tchétchénie… Je souhaite le pire à Poutine, mais il existe aussi un "Poutine collectif" - son entourage, les services de sécurité, tous ceux qui soutiennent l’autoritarisme… Mais croyez-moi, les empires finissent toujours par tomber. Je crois en la lutte armée. La victoire, pour moi, c’est prendre le Kremlin, y hisser notre drapeau, puis réfléchir à la façon de dénazifier notre propre société. Que nous arrêtions de mépriser les Biélorusses, les Ukrainiens, les Kazakhs, les juifs… Que la Russie apprenne à respecter les autres peuples, les autres pays. Ça, ça serait la victoire. J’y crois, parce que j’ai déjà vu des résultats concrets de mon travail. Ce qui viendra après, c’est le peuple russe qui en décidera.

Aujourd’hui, beaucoup de mes amis ont quitté le pays, mais d’autres… Je ne dirais pas qu’ils sont de mauvaises personnes, ce sont juste des gens qui ont pris un mauvais tournant, qui ont cru à ce paternalisme, à la propagande, au mythe du leader fort, au fait que la population civile ukrainienne est constituée de fascistes bandéristes néonazis [NDLR : en référence à Stepan Bandera, un nationaliste ukrainien qui collabora avec l'Allemagne nazie] …

Ces gens-là ne se taisent pas, ils se réjouissent de tout ce qui se passe. Pour eux, tuer des gens, piller une maison, c’est une preuve de courage. Je les connais depuis l’enfance, et c’est un dilemme pour moi. Je tiens à ces gens, nous sommes du même sang, nous avons les mêmes souvenirs. Mais je n’imagine pas d’autre façon d’agir. Je ne vois pas de scénario réaliste dans lequel je discuterais avec eux et où, au lieu de m’agresser, ils essaieraient de me comprendre. C’est une impasse. Et si le seul moyen de sortir de cette impasse, c’est qu’ils meurent ou qu’ils soient blessés, ce que je n’espère pas… eh bien, ce sera très dommage, mais ce sera comme ça."

© Celestino Arce/NurPhoto/AFP

Un membre russe de la légion "Liberté de la Russie" prépare la logistique dans son quartier général près des lignes de front du Donbass (photo d'illustration).
Reçu avant avant-hier L'Express

Tourisme, aide alimentaire et fonctionnaires non payés : aux Etats-Unis, les conséquences du shutdown s’accumulent

8 novembre 2025 à 18:18

Mercredi 5 novembre, les Etats-Unis sont entrés dans leur 36e jour de "shutdown", faisant de cette paralysie budgétaire de l’Etat fédéral la plus longue de l’histoire du pays. Le précédent record de 35 jours datait de 2019, lors du premier mandat de Donald Trump.

Depuis le 1er octobre dernier, républicains et démocrates sont incapables de s’entendre sur le budget de l’Etat fédéral, les premiers souhaitant prolonger le budget actuel sans augmenter les dépenses ni rétablir les subventions d’assurance santé, un programme que refusent les seconds. En conséquence de ce blocage, l'attribution des salaires des fonctionnaires et celle des aides sociales sont gelées. Toute une partie de l’administration fédérale est ainsi mise à l’arrêt, avec des répercussions de plus en plus pesantes dans le domaine de la santé, de la justice, ou encore du tourisme.

Plus d’un million de fonctionnaires non payés

Les premiers Américains touchés par le shutdown sont les fonctionnaires, qui ne sont pour la plupart pas payés pendant cette période, comme le rapporte la chaîne américaine CNN. Plus d’un million d'entre eux n’a pas reçu sa fiche de paie au mois d’octobre. Certains, dont le métier est considéré comme "essentiel", doivent tout de même continuer à travailler sans toucher de salaire. Tous devraient récupérer leur paie à la fin du shutdown, mais l’administration américaine laisse planer le doute concernant les fonctionnaires mis au chômage technique.

Des milliers de vols annulés dans tout le pays

Par mesure de sécurité en raison du manque de contrôleurs aériens et de la charge de fatigue et de stress imposée à ceux qui continuent de travailler, l’administration Trump a imposé depuis vendredi 7 novembre une réduction du trafic dans 40 des aéroports américains les plus fréquentés. Le régulateur aérien américain (FAA) a ainsi annoncé une réduction de 4 % des vols quotidiens de vendredi à lundi. Sur la seule journée de vendredi, 1 000 vols ont été annulés dans tout le pays, la plupart en raison du shutdown.

Si la paralysie continue, les compagnies devront graduellement augmenter le nombre d’annulations. Le trafic aérien américain pourrait donc être réduit de 6 % à partir de mardi puis de 10 % à partir du vendredi 14 novembre. Ces perturbations devraient en grande partie concerner les liaisons intérieures et non les vols internationaux. Elles s’ajoutent aux files d’attente qui s’allongent aux points de sécurité des aéroports où, là encore, les fonctionnaires ne sont pas payés.

L’aide alimentaire suspendue pour 42 millions d’Américains

Plus tôt dans la semaine, un tribunal américain avait imposé au gouvernement de financer intégralement le programme d’aide alimentaire SNAP, malgré le shutdown. Celui-ci représente 8 milliards de dollars (environ 6,9 milliards d’euros) d’aides chaque mois. Il permet aux Etats de verser des bons alimentaires à 42 millions d’Américains en situation de précarité, qui les utilisent pour faire des courses. La décision imposait à l’administration Trump de puiser dans ses réserves pour maintenir cette aide. Mais vendredi, la Cour suprême américaine a finalement estimé que l’administration Trump n’était pas tenue de verser immédiatement les allocations. Cette décision, bien que temporaire car elle fait encore l’objet d’un bras de fer judiciaire, laisse des millions de familles dépendantes de cette aide alimentaire dans l’incertitude.

Le tourisme également affecté

Dès les premiers jours du shutdown, plusieurs musées publics de l’institution de recherche scientifique Smithsonian à Washington DC, l’un des fleurons culturels du pays, ont fermé leurs portes, comme l’indique leur site Internet. L’institution a également été contrainte de fermer son zoo et ses centres de recherche.

Les parcs nationaux sont également durement touchés par la paralysie budgétaire. Ils sont "partiellement ouverts", rapporte le média américain Axios, malgré le manque criant de personnel, entraînant l'interdiction de certaines activités et un risque de dégradation des lieux.

D’autres conséquences multiples sur le service public

La paralysie budgétaire a également des conséquences en cascade sur de nombreux services publics, comme la justice. Selon l’agence de presse Reuters, plusieurs tribunaux fédéraux ont décidé de limiter leurs opérations dès le 23 octobre. Ils sont arrivés à court de fonds de réserve pour financer leur fonctionnement habituel.

En raison du chômage partiel imposé à la SEC, le gendarme des marchés américains, des entreprises américaines ont par ailleurs décidé de reporter leur entrée en Bourse, rapporte le Wall Street Journal.

Enfin, la mise à l’arrêt du financement de l’Etat fédéral entraîne également des manquements dans la surveillance des épidémies, alors que l’hiver approche, comme l’explique CNN. Les bases de données sur la grippe ou le Covid-19 ne sont pas mises à jour, créant un angle mort dans la gestion de ces épidémies par les gouvernements locaux et les autorités de santé.

© afp.com/Apu GOMES

Le manque de personnel dans les parcs nationaux, ici à Yosemite, entraîne une recrudescence des activités illégales et du vandalisme.

L'Union européenne condamne les frappes israéliennes au Liban, exige le respect du cessez-le-feu

8 novembre 2025 à 16:51

"L'UE appelle Israël à mettre fin à toutes les actions qui violent la résolution 1701 et l'accord de cessez-le-feu conclu il y a un an, en novembre 2024", souligne Anouar El Anouni, porte-parole de l'UE pour les Affaires étrangères, dans un communiqué publié samedi 8 novembre. "Dans le même temps, nous exhortons tous les acteurs libanais, et en particulier le Hezbollah, à s'abstenir de toute mesure ou réaction susceptible d'aggraver encore la situation. Toutes les parties doivent s'attacher à préserver le cessez-le-feu et les progrès accomplis jusqu'à présent", insiste le porte-parole.

De nouvelles frappes ont été menées jeudi sur le sud du Liban par Israël, qui a dit viser des cibles du mouvement pro-iranien Hezbollah, accusé de vouloir se réarmer. L'armée israélienne avait appelé auparavant des habitants de quatre villages à évacuer des bâtiments en prévenant qu'elle allait frapper des infrastructures militaires du mouvement libanais.

L'armée libanaise a elle estimé que les raids israéliens visaient à "empêcher l'achèvement" de son déploiement dans cette région, conformément à l'accord de cessez-le-feu qui avait mis fin il y a près d'un an à la guerre entre le Hezbollah et Israël. Ces frappes israéliennes ont déjà été condamnées par le président libanais Joseph Aoun et par l'Iran, qui a dénoncé vendredi des "attaques sauvages" et appelé la communauté internationale à réagir.

© Anadolu via AFP

BRUXELLES, BELGIQUE - 13 JANVIER : Le porte-parole de la Commission européenne (UE) pour les affaires étrangères, Anouar El Anouni (photo), fait des déclarations concernant les relations de l'UE avec le nouveau gouvernement syrien à Bruxelles, en Belgique, le 13 janvier 2025. Dursun Aydemir / Anadolu (Photo par Dursun Aydemir / Anadolu via AFP)

Sofia, opposante clandestine à Vladimir Poutine : "Si tout le monde s’en va, qui va agir ici ?"

8 novembre 2025 à 16:00

Ils s’appellent Sofia, Viktor, Lena et Pavel. Ou plutôt, nous les appellerons ainsi. Sofia travaille avec l’association Mémorial, interdite en Russie. Viktor, employé sur une base militaire, fait passer des informations à l’armée ukrainienne. Lena combat dans les rangs d’une unité de volontaires russes intégrée aux forces armées de Kiev. Pavel aide les réfugiés des régions russes touchées par la guerre, et en profite pour distiller des messages pacifistes.

Les contacter nous a pris plusieurs mois. Les conversations ont eu lieu par la messagerie cryptée Signal, plutôt que Telegram, soupçonnée d’être infiltrée par le FSB. Deux d’entre eux ont préféré garder éteinte leur caméra au moment de témoigner. Tous ont relu, avant publication, leurs interviews, pour s’assurer qu’il n’y restait aucune information risquant de les identifier formellement. Le risque qu’ils ont pris, en nous parlant, est considérable tant, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, la répression est omniprésente en Russie.

>> Le témoignage glaçant de Viktor, espion dans une base russe : "Si je suis arrêté, je mourrai en prison"

>> Le témoignage de Lena, combattante russe aux côtés des Ukrainiens : "Je ne tire pas sur des compatriotes, mais sur des violeurs et des assassins"

Elle a préféré ne pas allumer sa caméra, mais on devine son sourire quand elle parle de Mémorial, qu’elle a rejoint "juste à temps pour sa dissolution". L’association consacrée à la mémoire des répressions soviétiques et à la défense des droits de l'homme a été interdite en Russie en décembre 2021, juste avant le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine. Comme à l’époque de l’URSS, elle est désormais forcée à la clandestinité. Et Sofia en fait désormais partie.

"J’ai grandi à l’époque des grandes manifestations contre Poutine [NDLR : entre les élections législatives contestées de 2011 et l’arrestation d’Alexeï Navalny en 2021]. Pour quelqu’un comme moi, c’était difficile de ne pas devenir activiste ! Mémorial est une organisation qui m’a toujours tenu à cœur. A l’université, pour préparer un exposé sur la Grande terreur [sous Staline], j’étais allée chercher des infos sur leur site. Et j’y ai retrouvé la trace d’un de mes ancêtres qui avait été déporté ! Quand j’ai appris que l’association avait été dissoute [NDLR : en décembre 2021], j’ai décidé de rejoindre ses membres pour les aider à continuer, coûte que coûte.

Concevoir la mémoire comme une résistance

Et puis il y a eu le 24 février 2022. Je m’étais réveillée très tôt, à 6 heures. J’étais sortie dans la rue fumer une cigarette, et c’est la concierge qui me l’a dit : 'Ça y est, c’est la guerre.' Là, j’ai pleuré pendant deux heures, puis je suis allée manifester. J’ai collé des affiches antiguerre dans la ville, j’en ai mis une sur le tableau d’affichage de mon immeuble. Elle a tenu quatre jours. On l’a remis. Et comme ça 5-6 fois de suite. J’ai pensé à quitter le pays, puis je me suis dit : 'C'est important de continuer de protester depuis la Russie. Si tout le monde s’en va, qui va agir ici ?'

Avec Mémorial, j’organise des envois de lettres aux prisonniers politiques, je cherche des personnes prêtes à travailler avec nous, et je fais de l’activisme mémoriel. Cela consiste à afficher la mémoire dans la rue : des projets comme 'Dernière adresse' [NDLR : des plaques apposées sur la dernière adresse connue des personnes déportées pendant les répressions staliniennes] ou 'Retour des noms' [des lectures publiques des noms des personnes fusillées]. C’est, aussi, porter des fleurs à la Pierre des Solovki [NDLR : un monument aux victimes des répressions, situé en face du quartier général du FSB, ex-KGB], restaurer un monument ou écrire des slogans à la craie dans la rue, coller des affiches… Bref, c’est concevoir la mémoire comme une résistance. Quand les autorités font retirer les plaques 'Dernière adresse' dans les villes de Russie et qu’ensuite, on les remet en place… ça dit quelque chose de la société civile.

Le passé est lié au présent, surtout de nos jours. Des répressions ont eu lieu dans le passé, elles existent toujours – certes, sous des formes différentes, nous ne vivons pas sous la Grande terreur, mais il y a un lien. Aujourd’hui, l’Etat voudrait que le passé soit invisible, que l’on oublie les millions de personnes qui ont été tuées. Ils voudraient dire que nous sommes le camp du bien, que ce qui se passe en Ukraine n’est pas une guerre, mais une opération militaire spéciale, tout comme les répressions n’étaient pas des répressions, mais juste des procès avec quelques excès… Mais ce passé ne s’en ira pas. On ne peut pas s’en détourner. C’est celui de mon pays, qui a fait des choses affreuses et continue d’en faire. Si l’on ne s’en souvient pas, on ne peut pas avancer. Les crimes de l’Etat n’ont pas de prescription. C’est à ça que sert l’activisme mémoriel.

Ce sera un processus très long pour que la Russie reconnaisse ses crimes

Bien sûr, parfois j’ai peur. Je ne fais rien d’illégal, mais c’est tout de même compliqué [NDLR : plusieurs Russes ont été condamnés à des peines de prison pour avoir diffusé des messages antiguerres]. Qu’est-ce qu’on peut y faire ? Parce que j’ai peur, je devrais rester à ne rien faire ? Je ne veux pas. Je ne peux pas. Bien sûr, il y a un risque de se faire arrêter. C’est complètement aléatoire, ça peut tomber demain sur moi ou sur quelqu’un d’autre.

J’ai vécu toute ma vie sous Poutine. Je ne me suis jamais fait d’illusions sur la fragilité du régime. Mais je crois que la valeur de cette résistance est dans sa constance. On ne peut pas se permettre de baisser les bras, de dire 'bon, on a essayé, ça n’a pas marché, tant pis, on laisse tomber'. Notre Etat tue tous les jours. Et s’il est peu probable qu’il s’effondre bientôt, il vaut mieux faire quelque chose que ne rien faire du tout. La protestation peut prendre beaucoup de formes, et chacune d’elles est importante, car elles composent un tableau d’ensemble. Je ne sais pas si ce que je fais servira un jour à quelque chose. Je ne peux qu’espérer et continuer. Dans ma famille, tout le monde sait ce que je fais. Ils ne soutiennent pas la guerre, mais ils ne sont pas non plus opposants. Ils se mettent en retrait, ne veulent rien faire. Dès qu’on en discute, on finit toujours par se disputer. Mais j’ai de la chance : j’ai des amis, un copain, tous sont dans le même bateau que moi. Sans ça, ce serait beaucoup plus difficile.

Je ne sais pas ce qui devrait se passer pour que j’arrête. Même si le régime s’effondrait demain, il resterait beaucoup à faire. Déjà, il faut bien comprendre qu’il ne peut pas y avoir de happy end. C’est déjà trop tard, il y a eu trop de morts et de destruction pour qu’un jour on puisse se dire 'tout ça s’est bien fini'.

Je n’ai que 24 ans, mais je sens que j’ai une part de responsabilité dans tout ça. Ce sera un processus très long pour que la Russie reconnaisse les crimes d’Etat et les crimes de guerre, et que tous les coupables jugés. J’espère qu’un jour, nous le mènerons à bien."

© Natalia Kolesnikova/AFP

Des sympathisants de Memorial International se rassemblent devant la Cour suprême de Russie après sa dissolution, le 28 décembre 2021 (photo d'illustration)

Pétrole russe : Donald Trump contourne ses propres sanctions et tend la main à Viktor Orban

8 novembre 2025 à 14:55

"Les Etats-Unis ont accordé à la Hongrie une exemption illimitée des sanctions sur le pétrole et le gaz russes. Nous sommes reconnaissants de cette décision qui garantit la sécurité énergétique de la Hongrie", a écrit sur X le ministre hongrois des Affaires étrangères Peter Szijjarto. Donald Trump a accepté d'accorder à la Hongrie une dérogation aux sanctions américaines liées au pétrole russe, lors d'une rencontre vendredi avec le Premier ministre Viktor Orban, dont il a loué de manière appuyée la politique anti-immigration.

Le mois dernier, les Etats-Unis ont imposé des sanctions aux deux plus grands producteurs de pétrole russes - Rosneft et Lukoil - face au refus de la Russie de mettre fin à la guerre en Ukraine. Et ils ont réclamé aux pays comme la Hongrie de se "sevrer" des sources d'énergie russes. Or ce pays d'Europe centrale dépend fortement du pétrole russe.

La dérogation accordée sera valable un an, a précisé un responsable de la Maison-Blanche à l'AFP sous couvert d'anonymat, ajoutant que Budapest s'était engagée en contrepartie à acheter pour environ 600 millions de dollars de gaz naturel liquéfié américain. Le président américain avait dit "étudier" cette option, "parce qu'il est très difficile pour (Viktor Orban) d'obtenir le pétrole et le gaz d'autres régions. Comme vous le savez, il ne bénéficie pas d'un accès à la mer".

Rare dirigeant européen proche à la fois du président américain et du président russe, Viktor Orban n'a pas cherché à diversifier massivement ses importations depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022. Les sanctions américaines le fragilisaient à quelques mois de la tenue d'élections législatives, que le leader nationaliste, au pouvoir depuis 2010, n'est pas sûr de remporter, selon les sondages.

"Respecter" Orban

Le dirigeant hongrois avait rendu visite trois fois l'année dernière à Donald Trump, à chaque fois dans sa résidence Mar-a-Lago, en Floride, dont deux fois avant la réélection du milliardaire. Les deux hommes ont à nouveau exposé leurs affinités idéologiques vendredi.

Donald Trump a exhorté l'Union européenne à "respecter" la Hongrie et son Premier ministre, qui s'est plaint des sanctions financières imposées par l'UE sur Budapest pour ses politiques migratoires: "Il a eu raison sur l'immigration", a insisté le républicain, jugeant que les Européens pourraient "s'inspirer" de son invité. Le président américain a lui-même mis en place une brutale politique anti-immigration depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier.

Hostile à l'immigration et aux droits des personnes LGBT+, Viktor Orban affronte régulièrement les instances européennes sur des questions de respect de l'État de droit notamment. Il a appelé à lancer un "âge d'or" pour la relation entre les Etats-Unis et la Hongrie, reprenant l'une des expressions préférées de Donald Trump. "Nous sommes le seul gouvernement en Europe qui se considère comme un gouvernement chrétien moderne. Tous les autres sont progressistes, gauchistes", selon lui.

Il a aussi critiqué la politique de l'UE face à la guerre en Ukraine, assurant que "les seuls gouvernements favorables à la paix étaient les Etats-Unis et la petite Hongrie." Viktor Orban a refusé d'envoyer une aide militaire à l'Ukraine et il s'est opposé, à l'Otan et à l'Union européenne, à une action plus ferme contre la Russie après son invasion militaire de l'Ukraine.

L'administration américaine s'est par ailleurs engagée à fermer un média en langue hongroise financé par les États-Unis afin de soutenir le Premier ministre nationaliste. Donald Trump "a déjà prouvé qu'il était prêt à aider ses alliés idéologiques", en particulier à l'approche d'élections, rappelle à l'AFP Daniel Hegedus, expert de l'Europe centrale et orientale auprès du German Marshall Fund. Washington a par exemple volé au secours financièrement du président argentin Javier Milei, un autre ardent partisan de Donald Trump.

© afp.com/SAUL LOEB

Le président américain Donald Trump et le Premier ministre hongrois Viktor Orban, le 7 novembre 2025 à la Maison Blanche

Zohran Mamdani : ces promesses soi-disant "radicales" du nouveau maire de New York, en place depuis longtemps en Europe

8 novembre 2025 à 14:18

Donald Trump se plait à le désigner comme un communiste. L'intéressé, Zohran Mamdani, démocrate de 34 ans et élu maire de New York depuis le 5 novembre dernier, préfère se dire socialiste. Ce qui, aux yeux de beaucoup d'Américains, est plus ou moins la même chose. Ce terme, qui définit sans accroche en Europe une famille politique établie, génère beaucoup de confusion et de peur Outre-Atlantique, car associé aux politiques répressives de l’URSS ou de la Chine communiste.

Aux Etats-Unis, plusieurs propositions sociales de son programme sont ainsi décrites comme "radicales" par ses détracteurs, voire inapplicables, trop chères et irréalistes. Nombre d'entre elles sont pourtant déjà en place dans de nombreuses villes d’Europe, note le média britannique The Guardian.

Vienne, un exemple européen de ville abordable ?

L’édile a tout d’abord décidé de s’attaquer aux loyers exorbitants de New York. Zohran Mamdani envisage ainsi de geler le loyer de deux millions de résidents d’appartements réglementés. Une proposition critiquée par de nombreux économistes. En plus du gel des loyers, le nouveau maire de la Grosse Pomme prévoit également la construction de 200 000 logements aux loyers encadrés sur dix ans.

Or, en Europe, plusieurs grandes villes ont décidé de réguler fortement le secteur, à l’image de Vienne. La capitale autrichienne est souvent érigée en exemple européen, puisque près de la moitié des locataires Viennois vit dans des logements subventionnés - soit parce qu’ils appartiennent à la ville, soit à des organismes non lucratifs - et paie donc des loyers modérés.

L’origine de cette politique du logement remonte à l’entre-deux-guerres, lorsque la ville a commencé à construire des centaines de logements municipaux pour répondre à la crise du logement. Ainsi, depuis 1920, 220 000 logements municipaux ont été construits, un record en Europe, selon Der Spiegel. Cela représentait près de 20 % des logements de la capitale autrichienne en 2022. Par ailleurs, les loyers des logements privés construits avant 1953 sont plafonnés. Ce modèle reste toutefois critiqué, notamment en raison des fortes charges qui pèsent sur les locataires ou parce qu’il plomberait l’investissement privé et donc le dynamisme du marché immobilier. Paris, de son côté, a mis en place un encadrement des loyers dès 2019.

La garde d’enfants, deuxième facteur d’exil des New-Yorkais

Après le coût des loyers, un autre facteur qui pèse le plus sur la dépense des familles new-yorkaises est le coût de la garde d’enfants. Selon les équipes de Zohran Mamdani, il serait même une des raisons les plus fréquentes avancées par les familles en exil hors de la ville. Selon The Independant, le coût annuel moyen d’un mode de garde dans une structure collective d’un jeune enfant new yorkais s’élève à 26 000 dollars (environ 22 000 euros). L’édile propose ainsi la mise en place d’une garde gratuite pour tous les enfants âgés de 6 semaines à 5 ans, un projet dont les coûts sont estimés à 6 milliards de dollars par an. Selon le magazine américain Time, l’élu a peu détaillé la manière dont il souhaitait financer cette mesure, si ce n’est d’augmenter les taxes sur les habitants les plus riches de la mégalopole américaine. Il projette par ailleurs d’augmenter les salaires des professionnels de la petite enfance.

De l’autre côté de l’Atlantique, plusieurs pays et villes pourraient servir de modèle à Mamdani. En France, l’école maternelle publique est gratuite et obligatoire dès trois ans. Avant cet âge, des crèches municipales proposent des tarifs adaptés selon le revenu des parents. En Suède, les villes sont dans l’obligation de proposer un accueil subventionné dans des structures publiques à tous les enfants de un à cinq ans. Et dès leurs trois ans, ils ont le droit à 15 heures d’accueil gratuit par semaine dans une école maternelle. Au Portugal, le gouvernement a lancé en 2022 un programme d’aide gratuite à la garde des enfants âgés d’un an et plus, bien que les places soient encore limitées et réservées aux familles aux revenus modestes. Enfin, à Berlin, la garde d’enfants est gratuite en crèche. D’autres Länder allemands ont emboîté le pas à la ville-Etat en réduisant le prix de ces structures.

Un souffle d’espoir pour la gauche européenne

Un autre combat de Zohran Mamdani est l’accès aux transports publics. Il prévoit de rendre gratuits les bus publics, une mesure déjà en place dans plusieurs métropoles européennes. A commencer par Tallinn, la capitale estonienne, dont les bus et les tramways sont gratuits depuis 2013. Une étude relayée par le Guardian montre une augmentation de l’utilisation des transports publics de 14 % un an après la réforme et une meilleure mobilité des classes. Depuis 2020, les transports publics sont également gratuits dans la ville de Luxembourg. Et en France, Montpellier et Dunkerque ont sauté le pas.

Si plusieurs mesures proposées par le nouveau maire de New York sont déjà des droits acquis de longue date en Europe, la victoire de Zohran Mamdani est tout de même érigée en exemple par la gauche européenne. Le souffle d’espoir qui a traversé l’Atlantique ne concerne pas tant les mesures proposées par Mamdani, sans doute inadaptées pour des pays européens, mais le symbole politique de la victoire d’une gauche assumée. Et ce, dans un pays qui a élu un an plus tôt le républicain Donald Trump, qui a depuis largement coupé dans l’aide internationale, a fait de la lutte contre l’immigration son cheval de bataille et baissé les impôts pour les plus riches.

© afp.com/Angelina Katsanis

Zohran Mamdani envisage notamment de geler le loyer de deux millions de résidents d'appartements réglementés.

Benyamin Netanyahou : les secrets du stratège israélien pour rester au pouvoir

9 novembre 2025 à 10:12

Pour une fois, le "roi Bibi" — comme ses soutiens aiment à l’appeler — a dû plier le genou. Et l’empereur Trump s’est assuré de le faire savoir au monde entier. Le 29 septembre dernier, la Maison-Blanche diffuse une photo en noir et blanc sur ses réseaux sociaux : Benyamin Netanyahou apparaît le téléphone à l’oreille, lisant une feuille de papier. A sa gauche, sur son fauteuil, Donald Trump tient le cadran de l’appareil sur ses genoux, avec le regard sévère d’un père qui vient de gronder son fils. Le Premier ministre israélien lit des excuses, préparées à l’avance par les équipes américaines, à l’émir du Qatar à l’autre bout du fil, trois semaines après avoir bombardé le QG du Hamas à Doha.

White House photo of Netanyahu's apology call to Qatar pic.twitter.com/ocsQNBZnfq

— Kevin Liptak (@Kevinliptakcnn) September 30, 2025

Une humiliation publique pour celui qui, quelques jours plus tôt, appelait son pays à se transformer en "super Sparte", une nation guerrière, puissante et autonome. "Toute sa carrière, y compris durant les années Biden, Netanyahou se présentait comme le seul homme politique israélien capable de résister à la pression américaine… Ce n’est clairement plus le cas, souligne Eytan Gilboa, spécialiste de la relation Etats-Unis-Israël à l’Université Bar-Ilan de Tel-Aviv. L’opposition l’accuse d’avoir transformé notre pays en un Etat vassal de Washington. Ce qui signifie que, depuis le 7-Octobre, Netanyahou a perdu deux de ses principaux atouts : il s’était toujours vendu comme 'Monsieur Sécurité', capable de protéger Israël, et il se disait le seul capable de défendre les intérêts israéliens, en particulier vis-à-vis des Etats-Unis, or il ne peut plus rien refuser à Trump."

A 76 ans, dont 17 passés comme Premier ministre d’Israël, Netanyahou semble plus que jamais dans l’impasse. A la tête du pays pendant la faillite sécuritaire du 7-Octobre, poursuivi par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et possibles crimes contre l’humanité, sous le coup de trois procès à Tel-Aviv pour fraude et corruption… Pour n’importe quel homme politique, la situation équivaudrait à une fin de carrière. Mais l’insubmersible "Bibi" n’est pas n’importe quel homme politique. "Quand, le 8 ou le 9 octobre 2023, vous demandiez à quelqu’un si Benyamin Netanyahou serait encore Premier ministre d’Israël deux ans plus tard, tout le monde vous riait au nez, rappelle Nadav Shtrauchler, expert en communication et ancien conseiller politique du dirigeant israélien. Sa carrière politique a déjà été enterrée de si nombreuse fois… Mais seulement par ceux qui ne le connaissent pas !"

Depuis que Donald Trump l’a contraint à accepter un cessez-le-feu à Gaza, le 9 octobre dernier, la vie politique nationale reprend ses droits en Israël : le mandat du gouvernement arrive à expiration dans un an, et de nouvelles élections se tiendront dans les mois qui viennent. Depuis trois ans, aucun sondage sérieux ne donne plus de cinquante députés à la coalition de Netanyahou, alors qu’il en faut soixante pour gouverner. Un retard à combler qui va exiger une intense campagne politique, sans pitié ni relâchement. "Ces élections vont déterminer la nature même d’Israël, estime Gayil Talshir, politologue à l’Université hébraïque de Jérusalem. Soit nous continuons avec cette coalition qui nous mène vers un Etat religieux et nationaliste, soit nous choisissons la voie d’une démocratie libérale tout en restant un Etat souverain pour le peuple juif."

Coincé entre un Donald Trump tout-puissant, qui lui impose sa paix à Gaza et lui interdit d’annexer la Cisjordanie, et ses alliés messianiques — les ministres Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich — déterminés à partir en croisade contre les Palestiniens, Netanyahou s’est malgré tout déjà déclaré candidat à sa propre succession. Comme à son habitude, le stratège israélien garde des cartes en main pour changer son destin… Et se maintenir au pouvoir.

1. Un stratège né

Parler de politique avec Benyamin Netanyahou, "c’est comme jouer aux échecs avec Kasparov", assure Nadav Shtrauchler. "Il travaille et débat en continu avec ses conseillers, dans une sorte de ping-pong géant, et ne s’arrête jamais, de 8 heures du matin à deux heures le lendemain. Il faut littéralement lui courir après", raconte celui qui l’a conseillé pendant sa campagne législative de 2019, un de ses come-back miraculeux qui lui ont valu le surnom de "magicien de la politique israélienne".

D’après ses proches, Netanyahou garde toujours des dizaines de plans en réserve sur une quantité de sujets. Son pire cauchemar : être pris de court. "Il m’a répété que, pour chaque sujet, tu dois avoir deux plans, poursuit Nadav Shtrauchler. Bibi a toujours deux plans qu’il va garder dans sa manche jusqu’à la dernière minute avant de prendre une décision. Cela lui coûte généralement cher d’attendre, de faire durer le plus longtemps possible une situation, mais à la fin c’est lui qui prend les décisions."

Le ministre des Finances israélien, Bezalel Smotrich (à gauche), en compagnie de Benyamin Netanyahou à Jérusalem, le 25 juin 2023.
Le ministre des Finances israélien, Bezalel Smotrich (à gauche), en compagnie de Benyamin Netanyahou à Jérusalem, le 25 juin 2023.

Avec les législatives dans l’air, Netanyahou garde la main sur les sujets d’actualité : en coulisses, il pousse les Américains à "finir le travail" contre le programme nucléaire iranien et, en Israël, il continue de mettre au pas les services de renseignements et de détricoter le système judiciaire. La situation à Gaza, où le plan de paix de Trump reste bloqué à la phase 1, sera aussi l’objet de toutes les incertitudes en raison de la campagne des législatives à venir. "C’est tout à fait le style de Netanyahou de conserver un maximum d’options sur la table, pointe Julie Norman, professeure de relations internationales à l’University College London et auteure de Gaza, The dream and the nightmare (John Wiley and Sons, 2025). A Gaza, il peut faire durer ce statu quo, reprendre la guerre ou retirer ses forces davantage. Pareil en Cisjordanie. Même si les sondages ne le placent pas très haut, toute personne suivant la politique israélienne sait qu’il reste une force majeure et qu’il fera tout ce qui est en son pouvoir pour survivre politiquement."

2. Imposer ses thèmes de campagne pour faire oublier le 7-Octobre

Pour l’emporter, Netanyahou sait orienter la conversation nationale. Il a la réputation de décortiquer chaque sondage, chaque étude d’opinion, il connaît ses points forts, ses faiblesses, les thèmes qui le feront gagner, ou perdre à coup sûr. "L’issue de l’élection dépendra du sujet que les Israéliens auront en tête en allant aux urnes : Gaza ou l’Iran, juge Dahlia Scheindlin, spécialiste de l’opinion publique israélienne. Gaza fait perdre Netanyahou : tous les sondages montrent qu’une large majorité d’Israéliens s’oppose à ce qui a été fait là-bas, notamment sur la question des otages, et qu’ils sont épuisés par la guerre. Netanyahou voudra absolument braquer les projecteurs sur chacune de ses autres réussites au Moyen-Orient." Destruction du Hezbollah au Liban, démantèlement de l’Axe de la résistance iranien ou encore chute de la dynastie Assad en Syrie, ennemie héréditaire d’Israël : les sujets ne manquent pas.

Mais cette fois, Netanyahou doit affronter une ombre colossale, le traumatisme d’une génération : les massacres du 7-Octobre. Plus de deux ans après l’attaque terroriste du Hamas, il est le seul officiel à ne pas avoir reconnu sa responsabilité dans la faillite sécuritaire. "Même si les citoyens peuvent avoir la mémoire courte, ils n’oublieront jamais le 7-Octobre, qui s’est produit sous sa garde et fait que nombre de ses propres électeurs ne voteront plus pour lui, reconnaît son ancien conseiller Nadav Shtrauchler. C’est un immense poids sur ses épaules." La libération des derniers otages vivants et le cessez-le-feu, qui tient tant bien que mal à Gaza, lui laissent toutefois des opportunités.

"Netanyahou reste le chef d’orchestre des campagnes, il peut par exemple tenter d’imposer le thème d’un Etat palestinien dans l’élection, avance Liran Harsgor, politologue à l’Université d’Haïfa. Si les Américains poussent en faveur d’une normalisation avec l’Arabie saoudite et que des négociations débutent avec les Palestiniens, alors Netanyahou pourra dire que lui seul sera capable d’empêcher la création d’un Etat palestinien, ce qui lui rapporterait des points puisqu’une grande majorité des Israéliens s’y opposent aujourd’hui. La question est : que fera l’opposition ? Elle n’a jamais été très douée pour contrer les campagnes de Netanyahou dans le passé et je ne suis pas sûre que les autres partis réussiront à concentrer les débats sur les responsabilités du 7-Octobre."

3. Le maître des horloges

Il y a trois ans, au moment de la formation du gouvernement Netanyahou VI, peu auraient misé sur sa survie jusqu’au terme de son mandat de quatre ans. Israël venait de connaître cinq élections en trois ans, les partis politiques étant incapables de s’entendre pour former une coalition. Alors Netanyahou a ouvert les portes du pouvoir à l’extrême droite messianique, jusque-là reléguée aux marges de la politique israélienne. L’ultranationaliste Itamar Ben Gvir a été nommé ministre de la Sécurité nationale, le colon Bezalel Smotrich aux Finances et Netanyahou a pu reconquérir son trône de Premier ministre.

Le mandat de cet attelage inédit arrive à terme en novembre 2026, ce qui provoquera des élections dans les mois qui viennent, dès que Netanyahou aura décidé de la fin de son gouvernement. "Il va regarder les sondages d’encore plus près que d’habitude pour déclencher ces élections, observe Julie Norman. S’il perçoit une percée de son camp, il convoquera les Israéliens aux urnes. Il est peu probable que nous attendions une année entière pour des élections."

Mal en point dans les sondages, ses alliés d’extrême droite ne feront pas tomber le gouvernement avant le terme du mandat, même s’ils réclament la reprise de la guerre à Gaza et une colonisation de l’enclave palestinienne. Le parti de Smotrich, par exemple, pourrait ne pas passer la barre des 3,25 % des voix, nécessaires pour avoir des élus à la Knesset. "Netanyahou n’a sans doute pas encore pris sa décision mais il a trois options, énumère Gayil Talshir, de l’Université hébraïque de Jérusalem : faire traîner la situation jusqu’à septembre ; appeler immédiatement à des élections, ce qui provoquerait un vote en mars ; ou, dernière option, s’il ne réussit pas à faire adopter un budget, organiser les élections en juin." Jusqu’au bout, Bibi fera durer le suspens.

4. Surfer sur la vague Trump

Un super-héros. Sur les panneaux publicitaires de Tel-Aviv, dans les manifestations et sur les postes de télévision israéliens, son visage s’affiche partout. Donald Trump apparaît, sans conteste, comme l’homme politique le plus populaire en Israël depuis des décennies : après avoir reconnu Jérusalem comme capitale et obtenu les accords d’Abraham pendant son premier mandat, le président américain a cet été imposé le cessez-le-feu à Gaza, obtenu la libération des derniers otages vivants, et rêve maintenant de normaliser les relations de l’Etat hébreu avec l’ensemble du monde arabo-musulman, à commencer par l’Arabie saoudite.

Une bannière portant une photo du président américain Donald Trump accompagnée d'un message est affichée à Tel Aviv le 22 juin 2025. Le président Donald Trump a déclaré que l'armée américaine avait mené des frappes le 22 juin sur trois sites nucléaires iraniens et que Téhéran « doit maintenant accepter de mettre fin à cette guerre », après des jours de spéculation sur la question de savoir si les États-Unis allaient se joindre à la campagne de bombardement de leur allié Israël. (Photo par Ahmad GHARABLI / AFP)
Une bannière portant une photo du président américain Donald Trump accompagnée d'un message est affichée à Tel Aviv le 22 juin 2025. Le président Donald Trump a déclaré que l'armée américaine avait mené des frappes le 22 juin sur trois sites nucléaires iraniens et que Téhéran « doit maintenant accepter de mettre fin à cette guerre », après des jours de spéculation sur la question de savoir si les États-Unis allaient se joindre à la campagne de bombardement de leur allié Israël. (Photo par Ahmad GHARABLI / AFP)

En 1996 à Washington, à la sortie d’un entretien entre le tout jeune Premier ministre Netanyahou et le président Bill Clinton, ce dernier avait lâché, d’après son conseiller Aaron David-Miller : "Mais qui est la putain de superpuissance ici ?" Bibi s’est toujours vanté de savoir imposer sa loi aux présidents américains. Mais face à Trump, il doit s’écraser. "Israël est devenu un protectorat américain", a raillé son ancien conseiller Steve Bannon après la signature du cessez-le-feu.

Netanyahou compte toutefois retourner cette relation à son avantage et surfer sur la popularité de Trump chez ses concitoyens. Lors de sa tournée triomphale en Israël, le 13 octobre, le président américain a tressé les louanges du Premier ministre, "un homme au courage exceptionnel", et a réclamé une grâce présidentielle pour le tirer de ses déboires avec la justice israélienne. "Netanyahou a su se montrer patient et a retardé de nombreuses décisions parce qu’il misait sur la victoire de Trump [à la présidentielle de 2024], souligne son ancien conseiller Nadav Shtrauchler. Ils sont tous les deux à 100 % sur la même ligne. De nombreux pays se sont opposés à lui et à Israël, mais Netanyahou a misé sur la qualité et non sur la quantité, et la qualité s’appelle Trump. Il l’a prouvé en bombardant l’Iran [aux côtés des Israéliens] en juin."

5. Un règne sans partage sur le premier parti du pays

Si les sondages ne le donnent pas favori, Netanyahou garde un atout de poids : la machine de guerre politique du Likoud, qui reste le premier parti israélien. "C’est un avantage majeur de régner sans conteste sur son parti, développe Eytan Gilboa, de l’Université Bar-Ilan. A l’intérieur du Likoud, tout le monde a peur de le contredire et de risquer l’exclusion du Parlement ou d’un poste dans les institutions. Netanyahou n’a aucune opposition interne et peut manœuvrer à sa guise."

D’autant que le Premier ministre pourrait se satisfaire d’une défaite de l’opposition, à défaut de lui-même remporter les élections. S’il n’y a pas de gouvernement à l’issue du prochain vote, de nouvelles élections auront lieu jusqu’à ce que la situation se débloque. Une manière de maintenir Netanyahou en vie, comme lors des cinq scrutins qui ont eu lieu entre 2019 et 2022. "Tous les sondages lui donnent un maximum de 50 députés à la Knesset, or il en faut 61 pour gouverner, résume Eytan Gilboa. Mais il faut noter que l’opposition n’en obtient pour l’instant que 59 ou 60, donc le but de Netanyahou sera d’abord de les empêcher de gagner, puis de gagner lui-même." Ce sera la clé d’un nouveau come-back pour le "magicien" Netanyahou.

© AFP

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'exprime lors d'une conférence de presse à Jérusalem, le 21 mai 2025.

Paris recommande aux Français de quitter temporairement le Mali "dès que possible"

7 novembre 2025 à 17:31

La France recommande aux ressortissants français de quitter temporairement le Mali "dès que possible", alors que la capitale Bamako et de nombreuses régions du pays sont peu à peu asphyxiées par un blocus djihadiste, selon une note aux voyageurs postée vendredi 7 novembre par le ministère français des Affaires étrangères.

"Depuis plusieurs semaines, le contexte sécuritaire se dégrade au Mali, y compris à Bamako", souligne cette note. "Il est recommandé aux ressortissants français de prévoir un départ temporaire du Mali dès que possible par les vols commerciaux encore disponibles", ajoute-t-elle, précisant que "les déplacements par voie terrestre restent déconseillés, car les routes nationales sont actuellement la cible d'attaques de groupes terroristes".

Le ministère rappelle en outre qu'il "reste formellement déconseillé de se rendre au Mali, quel que soit le motif". Interrogé par l'AFP, il n'était pas immédiatement en mesure de dire si la consigne s'adresse également aux personnels de l'ambassade.

Hausse marquée des violences djihadistes ces derniers jours

Jeudi, le porte-parole du ministère Pascal Confavreux avait souligné que la France suivait "avec une grande attention et avec une véritable préoccupation" la dégradation de la situation sécuritaire au Mali, où les violences djihadistes ont redoublé d'intensité ces derniers jours.

Pour l'heure, "le dispositif diplomatique est inchangé, avec l'ambassade de France ouverte, dirigée par un chargé d'affaires qui s'occupe notamment de la protection consulaire de nos 4.300 ressortissants inscrits sur la liste consulaire", avait-il indiqué. "Leur sécurité est prioritaire", avait-il insisté.

Depuis 2012, le Mali fait face à une profonde crise sécuritaire, nourrie notamment par les violences des djihadistes du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM, affilié à Al-Qaïda) et de l'organisation Etat islamique (EI), ainsi que de groupes criminels communautaires. Et depuis plusieurs semaines, les djihadistes du JNIM imposent jusqu'à Bamako un blocus sur les importations de carburant, étranglant l'économie du pays sahélien enclavé.

La semaine dernière, les Etats-Unis et le Royaume-Uni avaient annoncé l'évacuation de leur personnel "non essentiel" et de leurs familles face à la dégradation de la situation.

© afp.com/MICHELE CATTANI

Un soldat patrouille le long d'une rivière à Konna, au Mali, le 20 mars 2021

Les Etats-Unis accusent l'Iran d'avoir voulu assassiner l'ambassadrice d'Israël au Mexique

7 novembre 2025 à 17:17

Les Etats-Unis ont accusé vendredi 7 novembre l'Iran d'avoir voulu assassiner l'ambassadrice d'Israël au Mexique, dans ce qui serait la dernière tentative en date de Téhéran d'exporter dans une autre région le conflit entre les deux pays. "Le complot a été déjoué et ne représente pas actuellement une menace", a déclaré un responsable américain sous le couvert de l'anonymat.

Selon la même source, ce projet d'assassinat a été initié en 2024 par la Force Qods, branche des opérations extérieures des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de l'Iran et a été déjoué cette année.

"Ce n'est que le dernier épisode d'une longue série d'attaques meurtrières perpétrées par l'Iran visant des diplomates, journalistes, dissidents et toute personne en désaccord avec eux, ce qui devrait vraiment inquiéter tous les pays où il y a une présence iranienne", a ajouté le responsable américain. Il n'a cependant pas fourni de preuves détaillées, ni expliqué comment le complot avait été déjoué.

Des agents iraniens ont cherché des cibles en Amérique latine

Les services de renseignement américains avaient déjà annoncé que des agents iraniens avaient cherché des cibles en Amérique latine, où la République islamique s'est alliée avec le président vénézuélien Nicolas Maduro.

La mission iranienne à l'ONU, interrogée par l'AFP, s'est refusée à tout commentaire. De son côté, le ministère israélien des Affaires étrangères a remercié Mexico. "Nous remercions les services de sécurité et les forces de l'ordre au Mexique d'avoir déjoué un réseau terroriste dirigé par l'Iran qui cherchait à attaquer l'ambassadrice d'Israël au Mexique", Einat Kranz Neiger, dit un bref communiqué.

L'origine du projet

Le projet serait né après les frappes aériennes imputées à Israël en avril 2024 sur l'annexe consulaire de l'ambassade d'Iran à Damas, en Syrie, provoquant la mort de plusieurs membres du corps des Gardiens de la révolution.

L'Iran, soutien de longue date du Hamas palestinien, avait alors juré de riposter et lancé une attaque de missiles et de drones contre Israël. En juin dernier, Israël a lancé une campagne de bombardements sans précédent contre l'Iran, tuant des hauts gradés et des scientifiques liés au programme nucléaire iranien ainsi que des centaines de civils. L'Iran a riposté avec des missiles et des drones lancés contre Israël. La guerre a duré 12 jours.

Sur ordre de Donald Trump, les forces américaines ont bombardé le 22 juin trois importants centres nucléaires dans le centre de l'Iran.

Les services de renseignement israéliens ont accusé par le passé la Force Qods de comploter contre des cibles israéliennes et juives à l’étranger. En 2024, l’Australie a expulsé l'ambassadeur de l’Iran qu'elle accusait d'être impliqué dans deux incendies volontaires - contre une synagogue à Melbourne et un restaurant casher à Sydney.

En 1994, un attentat à la bombe dans un bâtiment de Buenos Aires abritant plusieurs associations juives avait causé la mort de 85 personnes. Israël avait alors affirmé que l'attaque avait été perpétrée par le Hezbollah à la demande de Téhéran.

© Eyepix / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Des policiers montent la garde pour empêcher les manifestants de passer lors d’un rassemblement près de l’ambassade d’Israël à Mexico, au Mexique, le 20 septembre 2025, en soutien à la flottille mondiale Sumud, qui se dirige vers la bande de Gaza.
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