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Reçu aujourd’hui — 5 novembre 2025 L'Express

Au Salvador, Nayib Bukele sur la même ligne que Donald Trump

5 novembre 2025 à 06:00

Nous sommes le 26 septembre 2019, à l’Assemblée générale des Nations unies à New York. Nayib Bukele, récemment élu président du Salvador, monte à la tribune et commence son discours.

Pour l’instant, rien d’anormal. Jusqu’à ce que le président glisse la main dans sa poche et en sorte son smartphone.

Les yeux rivés sur l’écran de son portable, Nayib Bukele laisse s’écouler quelques secondes de silence. Il tend ses bras, montre son plus beau sourire et immortalise le moment. Le président salvadorien vient de se prendre en photo à la tribune de l'ONU, sous les yeux médusés des diplomates. Sur le selfie, sa tête apparaît en contre-plongée avec au-dessus le logo des Nations unies : la carte du monde entourée de branches d’olivier.

Depuis le début de cette série, on imagine une application de rencontre fictive, qui mettrait en relation Donald Trump avec les dirigeants d’Amérique latine. On s’est dit que Nayib Bukele aurait forcément mis sur son profil ce selfie pris en plein discours à l'ONU. Et le goût pour la provocation, ce n’est pas le seul point commun entre les deux chefs d’Etat.

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Cet épisode a été écrit et présenté par Solène Alifat et réalisé par Jules Krot avec Sébastien Salis.

Crédits : CNews, Euronews, TV5Monde

Musique et habillage : Emmanuel Herschon/Studio Torrent

Logo : Jérémy Cambour

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© afp.com/Brendan Smialowski

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Etats-Unis : le socialiste Zohran Mamdani élu maire de New York

5 novembre 2025 à 05:57

Les sondages ne s’étaient pas trompés. Le socialiste Zohran Mamdani, 34 ans, a remporté mardi 4 novembre la mairie de New York, devançant l’ancien gouverneur de l’Etat, le centriste Andrew Cuomo, et le républicain Curtis Sliwa, selon les projections de plusieurs médias américains. Zohran Mamdani deviendra le 1er janvier le premier maire musulman de la plus grande ville des Etats-Unis. "En cette période d’obscurité politique, New York sera la lumière", a-t-il déclaré après sa victoire, affirmant que celle-ci marquait la victoire de "l’espoir sur la tyrannie" et pouvait "montrer à une nation trahie par Donald Trump comment le vaincre".

Le président américain, qui a fait de Zohran Mamdani l’une de ses nouvelles bêtes noires, a rapidement réagi. "Trump n’était pas sur les bulletins de vote, et la paralysie budgétaire, (sont) les deux raisons pour lesquelles les républicains ont perdu les élections ce soir, selon les sondeurs", a écrit Donald Trump sur son réseau Truth Social.

Il avait plus tôt appelé les électeurs juifs à faire barrage au jeune candidat. "Toute personne juive qui vote pour Zohran Mamdani […] est une personne stupide !!!", avait écrit le milliardaire républicain, accusant ce dernier, militant de la cause palestinienne, de les "haïr".

Tout au long de la campagne, l’élu du Queens à l’Assemblée de l’Etat de New York a été attaqué pour son opposition très vive à la politique israélienne. Il est toutefois resté ferme sur ses positions, multipliant dans le même temps les manifestations de soutien à la communauté juive.

"Changer la ville"

Vainqueur surprise de la primaire démocrate en juin, Zohran Mamdani n’a jamais, depuis, quitté la tête des sondages, même après le retrait de la course du maire sortant Eric Adams, qui a également appelé à le battre en ralliant Andrew Cuomo.

Né en Ouganda dans une famille d’intellectuels d’origine indienne, arrivé aux Etats-Unis à 7 ans et naturalisé en 2018, il a fait de la lutte contre la vie chère le cœur de sa campagne. Si Donald Trump l’a qualifié de "communiste", ses propositions - encadrement des loyers, bus et crèches gratuits - relèvent plutôt de la social-démocratie.

Très populaire auprès des jeunes, Zohran Mamdani a également ramené à lui de nombreuses personnes qui s’étaient éloignées de la politique, "des électeurs frustrés par le statu quo, en quête de nouvelles personnalités", selon le politologue Costas Panagopoulos.

Forte participation

Signe de l’engouement pour le scrutin, avant la fermeture des bureaux de vote à 21h00, plus de deux millions d’électeurs s’étaient rendus aux urnes, la plus importante participation depuis des décennies. "J’ai vraiment adhéré au message que Zohran Mamdani portait dans le cadre de sa campagne. Je pense sincèrement qu’il peut changer la ville pour le mieux," rapporte Alan Ismaiel, ingénieur informatique de 25 ans rencontré par l’AFP après avoir voté dans le Queens.

"Si Zohran Mamdani devient maire, Trump n’en fera qu’une bouchée", a prédit Andrew Cuomo, insistant, comme il l’a fait durant toute la campagne, sur l’inexpérience de son adversaire. Plusieurs fois, le président républicain a promis de mettre des bâtons dans les roues du jeune candidat démocrate s’il était élu, en s’opposant au besoin au versement de certaines subventions fédérales à la ville.

Au sein même de son parti, Zohran Mamdani ne fait pas l’unanimité. Plusieurs figures, notamment le chef des sénateurs démocrates Chuck Schumer, ne le soutiennent pas publiquement.

Autres victoires démocrates

Voisin de New York, l’Etat du New Jersey a choisi la démocrate Mikie Sherrill contre l’homme d’affaires républicain Jack Ciattarelli. L’Etat a longtemps été considéré comme un bastion démocrate. Mais à la dernière présidentielle, Donald Trump y avait considérablement réduit l’écart. Plus au sud sur la côte est, la Virginie a élu la première femme à sa tête, la démocrate Abigail Spanberger, battant la républicaine Winsome Earle-Sears.

"Les démocrates fument Donald Trump et les républicains extrémistes à travers le pays", s’est réjoui sur X le ténor démocrate Hakeem Jeffries. "Le Parti démocrate est de retour", a ajouté le chef de la minorité à la Chambre des représentants.

Les Californiens de leur côté ont approuvé, selon plusieurs médias américains, un texte visant à redécouper leur carte électorale en faveur des démocrates, qui cherchent à compenser ce qu’ont fait au Texas les républicains sous la pression de Donald Trump.

© afp.com/Leonardo Munoz

Le candidat démocrate à la mairie de New York Zohran Mamdani quelques heures avant sa victoire, alors qu'il vote à Astoria, dans le Queens, le 4 novembre 2025

Une "mini-Otan" : quand le Grand Nord fait bloc contre la Russie

5 novembre 2025 à 05:45

Afin d’illustrer à quel point les pays nordiques sont complémentaires, les businessmen scandinaves ont coutume de dire : "Pour lancer un nouveau produit sur le marché, faites-le dessiner en Finlande (pays du design), fabriquez-le en Suède (pays d’ingénieurs), confiez-en la commercialisation aux Danois (des marchands dans l’âme) et laissez les Norvégiens (peuple de marins) gérer l’export." A l’heure où la menace russe s’étend de l’Ukraine jusqu’à la mer Baltique, et où Moscou mène une guerre hybride mêlant cyberattaques, sabotages, survols de drones et violation de l’espace aérien, les quatre pays septentrionaux, déjà unis par une culture, des langues et une histoire commune, ont décidé d’approfondir un peu plus encore leur coopération, mais sur le plan militaire cette fois.

Ça tombe bien : en matière de défense, les quatre Nordiques se complètent à merveille. La Finlande a des troupes au sol et la plus grande artillerie d’Europe. La Suède possède une industrie de défense qui produit tout - des sous-marins et des avions de chasse en passant par des bazookas et des véhicules blindés. Le Premier ministre Ulf Kristerson vient d’ailleurs de promettre à Volodymyr Zelensky la vente de 100 à 150 chasseurs bombardiers Gripen "made in Sweden". Le Danemark, lui, apporte des forces spéciales et du volontarisme à revendre, à travers la très ferme Première ministre Mette Frederiksen. La Norvège, enfin, déploie des capacités de surveillance aérienne et une longue expérience dans la région arctique. Tous ces pays savent que, comme au temps des Vikings (800-1050) ou de l’Union de Kalmar qui réunissait les royaumes de Suède, Danemark et Norvège (1397-1523), l’union fait la force.

Prise séparément, chacune de ces nations peut paraître négligeable. Aucune n’excède 6 millions d’habitants, sauf la Suède qui en compte 10,5 millions. Mais ensemble, elles représentent 28 millions d’âmes – et même 34 millions si l’on y ajoute les trois Etats baltes d’Estonie, de Lettonie et de Lituanie. Leurs PIB combinés s’élèvent à environ 2 000 milliards d’euros et placent la région au 10e rang mondial. Et cela grâce à une économie diversifiée, innovante et high-tech qui procure aux Nordiques un niveau de bien-être parmi les plus élevés du monde. Enfin, cerise sur le gâteau, la Scandinavie possède des ressources naturelles importantes : minerais, énergie et même terres rares.

Militairement, les forces des quatre armées (l’Islande, qui est le cinquième pays nordique, n’en possède pas) sont loin d’être négligeables. Ainsi, l’addition des F-35 américains et des Saab JAS-Gripen suédois constitue une armada de 239 avions de chasse ultramodernes. Si l’on y ajoute les aviations britanniques et hollandaises (qui viendraient en renfort en cas de guerre), le chiffre est deux fois plus élevé. Certes, c’est moins que les 1 200 Soukhoï et MIG russes, mais la plupart sont vieux, moins performants et assignés à d'autres régions du monde. En mer, la flotte alliée compte 34 navires de guerre, soit autant que les 34 bâtiments russes. Mais elle compte aussi dix sous-marins, contre un seul submersible russe.

Une région hautement stratégique

Après plusieurs décennies – post-guerre froide – passées à démanteler leurs armées (seule la Finlande n’a pas commis cette erreur), les Nordiques se remettent en ordre de bataille. Dès l’invasion de l’Ukraine en février 2022, Helsinki et Stockholm ont abandonné leur neutralité historique pour rejoindre l’Otan en 2023 et 2024– un tournant qui a aussitôt fait de la Baltique un "lac otanien". "Neutres mais membres associés de l’Otan depuis les années 1990, ces deux pays travaillaient déjà depuis longtemps main dans la main, notamment en effectuant des exercices aériens conjoints aux Etats-Unis, précise le Suédo-finlandais Tomas Ries, expert à l’Ecole de guerre suédoise. Cette collaboration ancienne et éprouvée a grandement facilité leur intégration dans l’Alliance atlantique. Il leur a suffi de brancher la prise sur l’Otan et de commencer à jouer ; Plug and play (branche et joue), comme on dit dans le jargon otanien !"

Ces dernières années, les gouvernements nordiques ont aussi multiplié les accords bilatéraux qui permettent à l’US Air Force d’utiliser des bases aériennes partout en Scandinavie, que Washington regarde comme un 'porte-avions terrestre'. Dans le cas de la Finlande, dix-sept aéroports militaires sont concernés. Partout, les budgets de défense ont augmenté de manière significative. De moins de 2 % voilà peu, celui de la Suède, par exemple, passera à 3,5 % du PIB dès 2030. Et ce n’est qu’un début. Egalement significative est la création d’un espace aérien unique incluant le Danemark, la Suède, la Finlande, la Norvège et l’Islande. Un commandement aérien unifié a, par ailleurs, été inauguré à Bodø, en Norvège, afin que les quatre aviations nordiques opèrent comme une seule. En för alla, alla för en ! (un pour tous, tous pour un).

Du côté de l’armée de terre, plusieurs nouvelles brigades [NDLR : composée de 3 000 à 5 000 soldats, une brigade peut opérer comme une petite armée autonome] sont en cours de constitution, dont une en Finlande, la Forward Landing Forces (FLF). Elle opère sous l’égide de l’Otan et sous commandement suédois, en incorporant des combattants d’autres pays, dont des chasseurs alpins italiens. Située près de la frontière russe, cette "FLF" s’ajoute à d’autres forces déjà présentes au-delà du cercle polaire, notamment l’armée de terre norvégienne, habituée aux conditions extrêmes du Nord – grand froid, nuit polaire et, le printemps venu, sol détrempé. Peu peuplée, la région des trois frontières (Norvège-Suède-Finlande) n'en est pas moins hautement stratégique. Parce que son littoral s’ouvre sur l’Arctique et parce que la presqu’île de Kola, où la Russie possède l’essentiel de son arsenal nucléaire, n’est qu’à quelques dizaines de kilomètres.

Avec les Russes, les Européens du Nord savent depuis longtemps à quoi s’en tenir. A travers l’histoire, les Suédois ont mené une trentaine de guerres contre eux. Lors de leur ultime affrontement, en 1808-1809, ils ont été contraints de céder la Finlande au tsar. Devenus indépendants en 1917, les Finlandais ont ensuite résisté héroïquement à l’agression de l’Armée rouge de Staline (comme les Ukrainiens face à Poutine aujourd’hui) lors de la "guerre d’hiver" de 1939-1940 en infligeant à l’ennemi des pertes considérables : six fois plus de morts côté soviétique que du côté finlandais. "Nous connaissons parfaitement de quoi les Russes sont capables : viols, massacres, crimes de guerre", remarque l’expert militaire danois Sten Rynning, auteur de NATO, from Cold War to Ukraine, a History of the World’s Most Powerful Alliance (non traduit). "Personne ne peut se permettre de les laisser entrer chez lui. Il faut les bloquer à la frontière."

Chacun veut préserver l’Otan, mais tout le monde prépare le plan B

Ces jours-ci, les Scandinaves ne redoutent pas seulement la menace venue de l’Est. "Au reste, note le Suédo-finlandais Tomas Ries, 85 % des soldats stationnés derrière la frontière russo-finaldaise avant 2022 ont été envoyés se battre en Ukraine ; les deux tiers sont morts, blessés ou capturés là-bas." Aussi, les états-majors, à Stockholm ou Copenhague, sont également alarmés par les intentions de Donald Trump. "Depuis qu’il a exprimé son désir d’acquérir le Groenland [NDLR : région autonome du royaume du Danemark], une réelle inquiétude hante nos dirigeants", reprend l’expert danois Sten Rynning. Tout le monde se demande si les Etats-Unis vont un jour abandonner l’Otan", explique-t-il, même si lui croit plutôt au scénario d’un retrait partiel. "Les Américains pourraient délaisser leur rôle central en Europe et une partie de leur leadership pour se concentrer uniquement sur leurs intérêts vitaux, en particulier au Groenland et dans l’Arctique", prédit celui qui est aussi un professeur d’université à Odense, la jolie ville de l’auteur de La reine des neiges et du Vaillant soldat de plomb, le conteur Hans Christian Andersen.

De son côté, Peter Viggo Jakobsen, professeur à l’Ecole Royale de Défense du Danemark, estime que "la décision, en février, d’augmenter de 70 % les dépenses militaires pour les deux prochaines années traduit la panique au plus haut niveau à Copenhague". Ces dépenses visent la défense de la Baltique mais aussi du Groenland. "Bien sûr, chacun veut préserver l’Otan, poursuit Jakobsen, mais tout le monde prépare le plan B qui serait l’alliance étroite des pays nordiques renforcée par les pays baltes, la Pologne et l’Allemagne." Une mini-Otan, en somme. Voire une Otan dans l’Otan. "Mais pour cela, conclut-il, il faut d’abord que Berlin réussisse la modernisation et la réforme de la Bundeswehr et que Varsovie maîtrise la croissance exponentielle de son armée qui doit passer de 200 000 à 300 000 hommes d’ici à 2030."

Les Finlandais en première ligne

En attendant, les pays scandinaves peuvent compter, d’abord, sur les Finlandais. En première ligne avec leurs 1 300 kilomètres de frontière commune avec l’ours russe, ils connaissent parfaitement la mentalité de l’animal. A la fin de la guerre froide, ils sont les seuls à n’avoir pas baissé la garde ni cédé aux sornettes de "la fin de l’histoire". Sans bruit ni fanfare, ce peuple taiseux et madré a préservé tout son dispositif de défense. Outre son artillerie (la plus importante d’Europe avec 1 400 pièces) et une aviation dernier cri, Helsinki a maintenu les principes du service militaire et d’une armée de réservistes. Le pays peut compter sur une défense de 280 000 hommes et sur 800 000 réservistes mobilisables en quelques jours. "Notre pays dispose en outre d’un réseau de 50 000 abris anti-bombardements où près de 5 millions de personnes, soit 90 % de la population, peuvent se réfugier", se félicite le député Johannes Koskinen, qui préside la commission des Affaires étrangères.

Afin de préparer psychologiquement la population à toute éventualité, les pouvoirs publics ont distribué des consignes à tous les foyers sous la forme d’un prospectus. Il contient les consignes à appliquer en prévision d’une guerre ou d’une crise liée à une cyberattaque massive : chaque citoyen doit stocker de l’eau, de la nourriture, un réchaud à gaz, des piles, un transistor, etc., pour pouvoir tenir sept jours en autonomie. Après la Finlande, le dépliant a été distribué en Suède, puis au Danemark. Dans tous les pays nordiques, des ministères ou des agences de Défense civile ont été ressuscitées. "Pendant la guerre froide, toute la sécurité des pays du Nord reposait sur le principe de "Défense totale" avec l’idée que l’armée devait pouvoir s’appuyer sur la défense civile, c’est-à-dire une société civile robuste et résiliente où chacun connaît d’avance le rôle qui lui est assigné en cas de guerre", explique l’historien danois Rasmus Dahlberg, professeur à l’Université militaire royale de Copenhague. "Cette logique est aujourd’hui remise goût du jour." Les citoyens en éprouvent-ils de la peur ? "De la peur, non, répond, à Stockholm, Tomas Ries. Mais nous prenons au sérieux la capacité des Russes à devenir très brutaux." Alors, la "mini-Otan" du Grand Nord prend les devants.

© HEIKO JUNGE / NTB / AFP

Soldats suédois à la frontière finno-norvégienne devant un blindé "made in Sweden".
Reçu hier — 4 novembre 2025 L'Express

Donald Trump intensifie ses demandes d’enquêtes sur l’élection de 2020

4 novembre 2025 à 20:12

Ces derniers jours, Donald Trump fait pression sur le ministère de la Justice. Selon The Washington Post, le président américain cherche à influencer l’institution pour qu’elle examine à nouveau les bulletins de vote de l’élection de 2020. Lors de récentes réunions privées, de déclarations publiques et de publications sur les réseaux sociaux, Donald Trump a réitéré ses exigences envers les membres de son administration, leur demandant de prouver l’existence de fraudes lors de sa défaite il y a cinq ans, rapporte le quotidien. Une défaite qu’il a toujours niée.

Le Colorado, le Missouri et la Géorgie visés

Obnubilé par cette question, le président américain a récemment embauché à la Maison-Blanche, Kurt Olsen, un avocat ayant travaillé sur la contestation des résultats de 2020. Tandis que, toujours selon le Washington Post, des responsables de son administration ont demandé à inspecter le matériel de vote au Colorado et au Missouri. D’autres cherchent par ailleurs à obtenir les bulletins de vote par correspondance d’Atlanta de 2020, année où Donald Trump est devenu le premier candidat républicain à la présidentielle à perdre la Géorgie depuis 1992. Donald Trump et certains de ses alliés, au sein et en dehors de son administration, persistent à dénoncer une fraude électorale massive en 2020, malgré les rejets répétés de leurs théories par les tribunaux. Ils affirment que la sécurité des élections futures ne pourra être garantie sans un bilan complet de celles de 2020.

Les enquêteurs ont innocenté le comté de Fulton (dont la capitale est Atlanta) de malveillance en 2020. Néanmoins, une majorité républicaine au conseil d’administration a voté pour rouvrir l’enquête l’année dernière, rappelle The Guardian. Cet été, le conseil d’administration a adopté une résolution demandant au ministère de la justice d’intervenir et de les aider à obtenir les documents, poursuit le journal britannique. Dans une lettre datée du jeudi 30 octobre, le procureur général adjoint du comté, Harmeet Dhillon, un allié de Donald Trump, a demandé une multitude de dossiers précédemment réclamés par la Commission électorale de l’Etat de Géorgie, les sommant de produire les dossiers dans les 15 jours, explique The Atlanta Journal Constitution. "La transparence semble avoir été frustrée à plusieurs reprises en Géorgie", a écrit Harmeet Dhillon, dans la lettre.

"Négationnistes électoraux"

Pour justifier sa demande, le ministère de la justice a cité une disposition de la loi sur les droits civils qui exige que les fonctionnaires électoraux conservent les dossiers électoraux et donne au procureur général le droit de les demander, indique The Guardian. Cette loi exige que les dossiers soient conservés pendant 22 mois après une élection fédérale… Une période largement écoulée depuis la course électorale de 2020.

Ces dernières semaines, les tensions se sont accrues entre l’administration Trump et les représentants de la justice. Les seconds estimant qu’il serait plus judicieux de consacrer leur temps à l’examen des listes électorales pour les élections futures, notamment de mi-mandat dans un an. Certains responsables souhaitent tourner la page de 2020 et éviter d’être qualifiés de "négationnistes électoraux", terme désignant ceux qui ont affirmé sans preuve que Donald Trump avait battu Joe Biden lors de l’élection de 2020, raconte The Washington Post.

En outre, selon plusieurs observateurs cités dans la presse américaine, ce regain d’intérêt pour 2020 intervient alors que Donald Trump commence à constater les effets de ses demandes de poursuites contre ses détracteurs, notamment l’ancien directeur du FBI, James B. Comey, et la procureure générale de New York, Letitia James. La semaine dernière, le ministère de la Justice a également suspendu deux procureurs qui avaient fait référence aux émeutes du 6 janvier 2021 perpétrées par une foule pro-Trump au Capitole, dans un document judiciaire relatif à la condamnation d’un participant gracié par Donald Trump et désormais poursuivi pour des infractions liées aux armes.

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Le président américain Donald Trump parle à la presse à bord de l'avion présidentiel Air Force One, en vol pour les Etats-Unis, le 30 octobre 2025

Cécile Kohler et Jacques Paris, les deux Français retenus en Iran depuis mai 2022, libérés

4 novembre 2025 à 19:41

Les deux Français Cécile Kohler et Jacques Paris, détenus depuis trois ans et demi en Iran, accusés d'espionnage au profit des renseignements français et israélien et qui ont toujours clamé leur innocence, "sont sortis de la prison d'Evin et sont en route pour l'ambassade de France à Téhéran", a annoncé Emmanuel Macron sur X.

"Je me félicite de cette première étape. Le dialogue se poursuit pour permettre leur retour en France le plus rapidement possible. Nous y travaillons sans relâche et je tiens à remercier notre ambassade et tous les services de l’État pour leur mobilisation", indique encore le président évoquant un "soulagement immense".

Soulagement immense !

Cécile Kohler et Jacques Paris, détenus depuis trois ans en Iran, sont sortis de la prison d'Evin et sont en route pour l’Ambassade de France à Téhéran.

Je me félicite de cette première étape. Le dialogue se poursuit…

— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) November 4, 2025

Condamnés mi-octobre à respectivement 20 et 17 ans d'emprisonnement, pour espionnage au profit des renseignements français et israélien, Cécile Kohler et Jacques Paris, ont toujours clamé leur innocence. Ils étaient les deux derniers Français officiellement détenus en Iran.

Ils sont désormais "en sécurité" à la résidence de l'ambassadeur de France, à Téhéran, "dans l'attente de leur libération définitive", a indiqué sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. "J’ai échangé avec leur famille et dépêché sur place une équipe qui les accompagnera personnellement, aux côtés des agents de l’ambassade, que je félicite pour leur mobilisation sans faille au service de nos deux compatriotes", a-t-il précisé.

Un "jour nouveau"

Les avocats des deux Français sortis de prison en Iran mardi ont salué un "jour nouveau" pour Cécile Kohler et Jacques Paris, "mettant fin à leur détention arbitraire qui a duré 1 277 jours".

"Nous veillerons à ce qu'un jour justice puisse être rendue" pour les deux Français "dont les droits ont été bafoués chaque jour depuis ce 7 mai 2022", ont déclaré maîtres Martin Pradel, Chirinne Ardakani, Emma Villard et Karine Rivoallan dans un communiqué transmis à l'AFP.

Plus de trois ans de détention

Professeure de lettres de 41 ans, et enseignant retraité de 72 ans, Cécile Kohler et Jacques Paris avaient été arrêtés le 7 mai 2022, au dernier jour d'un voyage touristique en Iran. Ils avaient été incarcérés dans la sinistre section 209, réservée aux prisonniers politiques, de la prison d'Evin de Téhéran, avant d'être transférés vers un autre centre de détention, en juin lors de la guerre des douze jours entre Israël et l'Iran. Mais leur nouvelle localisation n'avait jamais été rendue publique.

Lumière allumée 24 heures sur 24, 30 minutes de sortie deux ou trois fois par semaine, rares et courts appels sous haute surveillance à leurs proches, les deux Français, qui avaient été contraints à des "aveux forcés" diffusés sur la télévision d'Etat iranienne quelques mois après leur arrestation, n'ont reçu que quelques visites consulaires.

Le ministère français des Affaires étrangères n'avait eu de cesse de déplorer les conditions de détention "inhumaines", estimant qu'elles relevaient de "la torture" au point de déposer un recours contre la République islamique iranienne auprès de la Cour internationale de justice "pour violation du droit à la protection consulaire". Pendant plus de trois ans, le renseignement extérieur français (DGSE) a également oeuvré à leur libération.

Les arrestations de ressortissants français, une monnaie d'échange pour l'Iran

Depuis une dizaine d'années, l'Iran multiplie les arrestations de ressortissants occidentaux, notamment français, les accusant le plus souvent d'espionnage, afin de les utiliser comme monnaie d'échange pour relâcher des Iraniens emprisonnés dans des pays occidentaux ou afin d'obtenir des gages politiques. Au moins une vingtaine d'Occidentaux seraient encore détenus, selon des sources diplomatiques.

Dans le cas de Cécile Kohler et Jacques Paris, Téhéran avait rendu publique le 11 septembre la possibilité d'un accord de libération des deux Français en échange de Mahdieh Esfandiari, une Iranienne arrêtée en France en février pour avoir fait la promotion du terrorisme sur les réseaux sociaux. Celle-ci avait été libérée sous contrôle judiciaire dans l'attente de son procès prévu en janvier.

© afp.com/Martin LELIEVRE

Des portraits de Cécile Kohler et de Jacques Paris, détenus en Iran, installés sur une grille de l'Assemblée nationale à Paris, le 6 octobre 2025

Massacres au Soudan : pourquoi les Emirats arabes unis sont pointés du doigt

4 novembre 2025 à 18:19

Depuis le depuis de la guerre, en avril 2023, octobre 2025 a été le mois le plus sanglant au Soudan, l’un des plus grands pays d’Afrique en superficie. Selon des données de l’ONG Acled, qui répertorie les victimes de conflits à travers le monde, près de 1 545 civils ont été tués en l’espace de quatre semaines. 3 000 en dénombrant les combattants de part et d’autre. Le Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) a exprimé, jeudi 30 octobre, sa "profonde inquiétude" sur l’"escalade" dans le pays, indiquant détenir des "informations crédibles d’exécutions de masse".

Ce conflit, qui a déjà fait plus de 150 000 morts depuis 2023 est également devenu la plus grave crise humanitaire du monde selon les Nations unies, alors que près de 13 millions de personnes ont été déplacées par les combats et que la moitié des 44 millions de Soudanais sont au bord de la famine, raconte le correspondant du journal Le Monde en Egypte dans un suivi quotidien de cette guerre oubliée.

Qui sont les belligérants ?

Depuis le 15 avril 2023, le Soudan, frontalier du Tchad et de l’Egypte, est déchiré par une guerre opposant l’armée, qui contrôle l’est et le nord du pays, et un groupe de paramilitaires, les Forces de soutien rapides (FSR), désormais maîtres de l’ensemble du Darfour, vaste région de l’ouest du pays, grande comme la France. Les deux factions militaires rivales, avec à leur tête le général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane, commandant de l’armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d’Etat de 2021, et le général Mohammed Hamdan Daglo, à la tête des FSR, se déchirent depuis 2023, "pour savoir qui dirigera le Soudan", explique dans une interview à l’Institut français de relations internationales Thierry Vircoulon, chercheur associé au Centre Afrique subsaharienne de l’Ifri. Les FSR sont issues des milices arabes Janjawid, initialement créées pour combattre les groupes rebelles.

A ces deux principaux belligérants s’ajoutent de nombreuses milices. "Depuis le début du conflit, chaque camp mène une politique d’alliances avec des milices locales et a créé sa coalition guerrière afin de contrôler le maximum d’Etats", explique Thierry Vircoulon auprès de l’Ifri. Un phénomène qui contribue à fragmenter davantage le pays et exacerbe les tensions intercommunautaires.

Que s’est-il passé à El-Fasher ?

Après 18 mois de siège, les FSR ont pris le 26 octobre dernier la localité d’El-Fasher, dernière grande ville du Darfour qui échappait encore à leur contrôle. Depuis, c’est une situation apocalyptique qui est décrite par de rares images satellites et témoignages d’humanitaires. La ville a subi des dizaines de bombardements pendant plusieurs semaines. Le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l’homme dit avoir reçu "des témoignages effroyables faisant état d’exécutions sommaires, de massacres, de viols, d’attaques contre des travailleurs humanitaires, de pillages, d’enlèvements et de déplacements forcés" perpétrés par les paramilitaires entrés dans la ville. Des habitants survivants ont également raconté à l’ONG Médecins Sans Frontières que les habitants d’El-Fasher avaient été séparés en fonction de leur âge, de leur sexe et de leur identité ethnique présumée, rapporte France 24. Quelques heures après la prise de la ville le 26 octobre, 460 personnes ont été tuées alors qu’elles avaient trouvé refuge dans une maternité de la ville, dont les patients, les médecins et infirmières, rapporte John Ochaibi, le coordinateur humanitaire de l’ONG Alima au Soudan, après du Monde. Lundi 3 novembre, le bureau du procureur de la Cour pénale internationale a averti que les atrocités commises à El-Fasher "pourraient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité".

A El-Fasher et les localités environnantes, l’ONG Acled recense 2 176 morts pour le seul mois d’octobre, dont 1 385 civils. L’ONG prévient que ce bilan pourrait évoluer dans les semaines à venir en raison des difficultés de communication liées à la situation. Selon d’autres sources liées au pouvoir pro armée, plus de 2 000 civils ont été tués dans la ville fin octobre. De son côté, le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l’homme a alerté sur le "risque croissant d’atrocités motivées par des considérations ethniques" en rappelant le passé du Darfour, ensanglanté au début des années 2000 par les massacres et les viols des milices arabes Janjawid, dont sont issues les FSR, contre les tribus locales Massalit, Four ou Zaghawa.

Quelle implication des Emirats arabes unis ?

Très tôt dans le conflit, l’armée régulière du général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane a accusé les Emirats arabes unis de soutenir les FSR avec l’envoi d’armes et de mercenaires via le Tchad, la Libye, le Kenya ou la Somalie, par voie terrestre ou aérienne. Abou Dhabi a toujours nié toute ingérence, néanmoins il existe des preuves fournies par des rapports internationaux et enquêtes OSINT fondées sur l’analyse de données accessibles à tous en ligne. Selon plusieurs observateurs, ce soutien des Emiratis aux paramilitaires des FSR s’expliquerait en partie en raison de la production d’or qui se trouve dans la région du Darfour, où les FSR sont majoritaires. "Les FSR exploitent cet or, pour être ensuite exporté illégalement vers Dubaï, qui est un centre mondial de transformation de l’or, avant qu’il soit expédié", expliquait ainsi en avril dernier Marc Lavergne, directeur de recherche émérite au CNRS, au laboratoire CITERS de l’Université de Tours auprès de France Culture.

Depuis la prise sanglante d’El-Fasher, les Emirats arabes unis se retrouvent pointés du doigt pour leur soutien aux FSR et des appels au boycott visant l’état du Golfe se multiplient sur les réseaux sociaux, note Radio France Internationale. Mardi 4 novembre, l’ambassadeur du gouvernement soudanais pro armé auprès de l'ONU a appelé la communauté internationale à faire pression sur les Emirats arabes unis. Le fournisseur d’armes est "bien connu. Il s’agit des Emirats arabes unis. Le Soudan appelle la communauté internationale à agir sans délai […] par une décision ferme et concrète". En outre, le silence de la communauté internationale et notamment des pays occidentaux est de plus en plus pointé du doigt. "Un silence gêné, alors même que des armes européennes ont été livrées par les Emiratis aux paramilitaires FSR", explique Le Monde. Selon Amnesty International, des équipements militaires français fabriqués par les groupes KNDS France et Lacroix, censés équiper des véhicules blindés émiratis sont actuellement utilisés au Soudan, ainsi que des armes de fabrication britannique, selon The Guardian, canadiennes d’après The Globe and Mail et bulgares indique France 24.

© afp.com/-

Capture d'écran d'une vidéo diffusée le 26 octobre 2025 sur le compte Telegram des Forces de soutien rapide (FSR), montre des combattants des FSR célébrant dans une rue d'El-Facher, au Darfour, dans l'ouest du Soudan

Premier fabricant de drones… et de clous : comment la Chine est devenue l’empire du productivisme

4 novembre 2025 à 18:00

Moins que d’être une technocratie, selon la thèse consacrée de Dan Wang, autrement dit un système où le pouvoir de décider est confié en priorité à des experts techniques, le trait principal de l’économie chinoise est d’être productiviste. Une économie productiviste est un système où l’objectif central est d’augmenter en permanence les volumes produits et le produit intérieur brut, en privilégiant la productivité, les économies d’échelle et la baisse des coûts unitaires par l’innovation.

Traverser la Chine côtière en train, en voiture ou la survoler en avion, c’est s’exposer à une succession continue de paysages urbains, bâtiments résidentiels de 20 étages, usines, entrepôts, routes, se répétant sur plusieurs milliers de kilomètres. Cette réalité physique traduit l’ampleur, tant du point de vue géographique que démographique, et la vitesse d’un décollage économique absolument inédit. Elever les masses : l’ambition idéologique marxiste revêt d’abord un caractère matériel.

La construction du barrage des Trois-Gorges a déplacé l’axe de rotation de la Terre de deux centimètres et ralenti son mouvement de 0,060 microseconde. Anecdotique, ce levier sur notre planète n’en est pas moins unique. La Chine produit 2 milliards de tonnes de ciment par an quand les Etats-Unis en ont consommé 4,5 milliards tout au long du XXe siècle. Elle fabrique 1 milliard de tonnes d’acier par an quand l’Europe en a sorti 15 milliards depuis la mise au point de la fonte au coke en 1709.

Une longue histoire

Ce décollage ne débute pas en 1978, avec la réforme économique engagée par Deng Xiaoping. Il est l’héritage des trois décennies précédentes. La Chine est un pays productiviste depuis longtemps. Si dans la phase maoïste, la lutte entre gardes rouges et experts a provoqué certains reculs de la technocratie au profit de l’idéologie, avec le Grand Bond en avant et la révolution culturelle, il serait absurde de négliger les hauts-fourneaux, les cimenteries, l’alphabétisation, les chemins de fer ou le réseau électrique qu’elle a laissés en héritage. Une étude du National Bureau of Economic Research de 2015 concluait que l’abolition du secteur privé en Chine et le retour à une économie dirigée entraîneraient un taux de croissance annuel moyen du PIB de 4 à 5 % d’ici 2050. Ce chiffre est seulement inférieur d’un point au taux de croissance moyen avec les réformes de marché.

Pourquoi cette société est-elle productiviste ? Parce qu’elle a connu la rareté et la privation. La prospérité actuelle ne doit pas faire oublier les affres de la misère durant les trois quarts du XXe siècle, où la faiblesse de la production se conjuguait à une population en forte augmentation. En 1990, la Chine présentait un PIB par habitant de 319 dollars contre 728 pour l’Afrique subsaharienne. Selon la FAO, l’agence des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, 289 millions de personnes, soit un quart de la population, souffraient encore de malnutrition à l’époque. La fin des coupons de rationnement alimentaire n’est intervenue qu’en 1993, après quatre décennies d’usage.

La maîtrise des ressources

La Chine est profondément imprégnée des théories économiques marxistes : les instruments de travail - outils, usines, infrastructures… - et les sujets du travail - les ressources naturelles et les matériaux bruts - se conjuguent avec la main-d’œuvre à des fins de production.

Si la Chine est désormais le septième pays qui consomme le plus de protéines par jour et par habitant - 128 grammes contre 121 grammes aux Etats-Unis -, c’est grâce à une utilisation maximale des terres agricoles pour nourrir sa population. Entre 1949 et 2024, l’agriculture chinoise a connu une transformation spectaculaire. La production céréalière est passée de 113 millions de tonnes à 700 millions. Cette augmentation s’est réalisée alors que la superficie cultivable par habitant chutait de 0,18 hectare dans les années 1950 à moins de 0,1 hectare aujourd’hui. La Chine affiche désormais un taux d’autosuffisance alimentaire de 95 %, malgré une population qui représente 18,3 % de l’humanité sur seulement 8,5 % des terres arables mondiales.

Le pays a la conviction qu’il faut maîtriser les matières premières industrielles et les intrants. L’exemple le plus connu est celui des terres rares. Le monopole chinois en la matière, avec 71 % de l’extraction mondiale, 90 % du raffinage et 93 % du frittage des aimants - le traitement thermique -, est total. Beaucoup de commentateurs retiennent la formule de Deng Xiaoping qui, en visite à l’usine Volkswagen de Shanghai le 6 février 1991, confia : "Un ami américain m’a dit : Vous avez ce trésor, comme le Moyen-Orient a le pétrole." En réalité, la production a débuté dès 1957, dans la mine de fer de Bayan Obo en Mongolie intérieure, devenue la plus grande mine de terres rares au monde. Les autres matériaux, au-delà des terres rares, où la Chine a des positions dominantes sont le gallium (94 %), le magnésium (91 %), le tungstène (86 %), le germanium (83 %), le phosphore (79 %), le bismuth (70 %), le graphite (67 %), le vanadium (62 %), l’antimoine (56 %) et la fluorine (56 %). A l’exception du gallium et du tungstène, cette supériorité est principalement liée à l’efficacité de l’outil de raffinage et à l’acceptation de la pollution qu’il génère.

La Chine est en pointe sur la production et les réserves de terres rares dans le monde.
La Chine est en pointe sur la production et les réserves de terres rares dans le monde.

Cette attention aux intrants explique aussi la folle croissance de la production d’électricité. Et, parce que les ressources en pétrole et gaz sont limitées, avec seulement 1,5 % et 2,7 % des réserves mondiales, la folle croissance de l’extraction du charbon. La Chine produit actuellement 4,8 milliards de tonnes de charbon par an, soit 54 % de l’offre mondiale. Les Chinois sont parfaitement conscients des externalités négatives liées aux centrales à charbon, comme les émissions de gaz à effet de serre et de particules fines. Néanmoins, l’électrification du pays est prioritaire. La production électrique par habitant est de 7 100 kilowattheures (kWh) par an contre 6 000 dans l’Union européenne. L’électricité est considérée comme un intrant essentiel pour l’outil industriel, mais aussi pour les ménages qui paient l’équivalent de 7 centimes d’euros le kWh contre 29 centimes dans l’UE.

Les choses changent mais le charbon restera présent. L’an dernier, la Chine a ajouté un record de 429 gigawatts (GW) de nouvelle capacité nette à son réseau, dont les énergies éolienne et solaire combinées représentaient 83 %. La base totale des énergies renouvelables est de 1 966 GW, dont 1 482 GW d’éolien et de photovoltaïque, soit davantage que la base des centrales thermiques estimée à 1 451 GW. Le parc nucléaire croît mais il demeure minoritaire avec une capacité de 110 GW d’ici 2030.

L’autonomie stratégique

En 2023, la valeur des importations chinoises de matières premières a atteint 810 milliards de dollars, dont environ 45 % correspondaient à des achats de pétrole brut et de gaz naturel et un peu plus de 30 % à des métaux industriels. La diversification des importations a d’abord obéi à une logique économique. Ainsi, au milieu des années 2000, pour faire face à l’explosion des coûts du nickel de qualité venu de la Russie ou du Canada, les sidérurgistes chinois ont mis au point la fonte au nickel produit à partir de latérites pauvres importées d’Indonésie. Cette volonté de se prémunir des chocs d’offre explique la stratégie de stockage stratégique, dans tous les domaines. La réserve nationale de porc, par exemple, est déstockée dès que le ratio entre le prix de la viande et celui des céréales dépasse six.

Au fil des années, l’importance accordée aux ressources naturelles a pris une dimension de souveraineté. L’objectif est clairement de réduire la dépendance du pays à des importations essentielles dans les chaînes de valeur. L’hélium, le quartz et le néon sont emblématiques à cet égard. La Chine a réalisé une percée dans l’hélium ultra-pur à partir de gaz naturel, lui permettant d’être autosuffisante à plus de 50 % d’ici 2028, alors qu’elle dépendait des Etats-Unis. Sur le quartz, le seul gisement de très haute pureté connu jusqu’ici était situé en Caroline du Nord. Mais, en avril 2025, la Chine a découvert deux gisements domestiques. Enfin, alors qu’une pénurie de néon inquiétait l’industrie des semi-conducteurs après l’invasion de l’Ukraine, qui pesait la moitié du marché mondial, la Chine a augmenté sa production de 150 % en trois ans.

La politique américaine de contrôle des exportations dans la filière des semi-conducteurs a conduit à une remontée extrêmement rapide de la chaîne de valeur. La réaction de la Chine à la privation de puces a été extrêmement rapide, et presque viscérale. Les entreprises comme OpenAI louent des serveurs à des gestionnaires de data centers, Amazon ou Microsoft, qui achètent des puces conçues par Nvidia. Ces puces contiennent des cartes mémoires fournies par les sud-coréens Samsung Electronics et SK Hynix. Lesdites puces sont fabriquées par le fondeur taïwanais TSMC à l’aide de machines de lithographie dont le principal fournisseur est le néerlandais ASML.

Chacun de ces acteurs se trouvait jusqu’à maintenant dans une situation de monopole ou de duopole. Mais ChangXin Memory Technologies (CXMT), créé en 2016, est en passe de combler le retard que la Chine accusait sur les leaders de la carte mémoire. La puce Ascent de Huawei, sur laquelle Deepseek fait tourner ses modèles d’IA, est fabriquée par le fondeur SMIC en utilisant un processeur de 7 nanomètres. Shanghai Micro Electronics Equipment (SMEE) et Shenzhen Xinkailai Technology (SiCarrier), une filiale de Huawei, développent leur propre équipement lithographique.

L’extension des chaînes de valeur

Le mouvement traditionnel des économies développées est de remonter les chaînes de valeur, en relevant le positionnement de leurs gammes et en abandonnant certaines productions, délocalisées dans d’autres pays. Avec la Chine, les théories classiques de Ricardo sont devenues inopérantes : le pays produit encore 65 % des clous et 47 % des textiles mondiaux, tout en s’affirmant comme le champion des semi-conducteurs, des drones ou des véhicules électriques. Le meilleur indicateur de cette montée en puissance des chaînes locales est le recul du commerce dit de perfectionnement, qui permet d’importer des biens (matières premières, composants…), avec suspension ou exonération des droits de douane, pour les transformer, puis de réexporter les produits finis. Ce régime est tombé à 18 % des échanges en 2023, contre 53 % en 1998.

Jusqu’à la fin des années 2000, la Chine importait une large part du polysilicium en provenance des Etats-Unis et d’Europe, et se contentait d’assembler les modules de panneaux solaires dans lesquels il est utilisé, la valeur ajoutée restant limitée. A partir de 2006, la stratégie change du tout au tout. Des groupes locaux comme GCL investissent massivement pour intégrer l’amont de la chaîne et des droits de douane de 57 % sont imposés sur les importations de polysilicium américain. Résultat : alors qu’en 2004, la Chine pesait trois fois rien dans la production mondiale de ce composé chimique, les Etats-Unis dominant avec 54 %, elle en assure aujourd’hui 95 %, de même que 80 % des panneaux solaires et 98 % des plaquettes solaires.

Chez les industriels, une logique d’intégration verticale complète prévaut. BYD en est l’illustration la plus nette. Née en 1995 comme fabricant de batteries pour téléphones mobiles, l’entreprise rachète en 2003 le fabricant automobile Qinchuan et crée BYD Auto. En 2020, elle lance sa plateforme qui intègre un pack de batteries et un groupe motopropulseur bardé d’électronique. BYD internalise aussi les semi-conducteurs de puissance. En amont, le groupe sécurise ses approvisionnements de lithium avec des droits miniers au Brésil. Il a même fait construire des navires cargo pour exporter ses voitures dans le monde entier. Son concurrent Geely compte pas moins de 41 satellites en orbite basse, qui doivent permettre la fourniture de services de connectivité, de navigation et de loisirs.

Les effets d’échelle

Le cœur du productivisme repose sur les effets d’échelle qui permettent la baisse des coûts unitaires : la loi de Wright. L’effet d’échelle est d’abord fourni par la taille du marché national. A ce titre, la Chine montre ce qu’est un marché vraiment unifié, une leçon pour l’Union européenne mais aussi pour les Etats-Unis. Cette unification est considérée comme un acquis essentiel de la politique économique chinoise, comme l’a rappelé Xi Jinping lors de son discours du 1er juillet 2025 intitulé "Approfondir la construction d’un marché national unifié". Les cinq piliers de cette politique concernent les institutions fondamentales, notamment la protection des droits de propriété, la concurrence loyale et les normes de qualité ; les infrastructures de marché, au travers de la logistique, des flux de capitaux et d’information ; les capacités d’intervention des collectivités locales ; la régulation et l’application de la loi ; et les facteurs de production, au prisme de leur libre circulation et de leur allocation efficace.

Dans ce marché, tout est pensé pour la standardisation. L’organisme national de normalisation (SAC), rattaché à l’administration d’Etat pour la régulation des marchés (SAMR), programme, consulte puis publie le standard national, le GB, ou GuoBiao, l’équivalent de notre NF. L’objectif est simple et industriel : rendre compatibles les composants partout en Chine, fluidifier l’homologation et permettre des séries longues qui abaissent les coûts unitaires. C’est cette standardisation qui permet la production d’infrastructures à un coût très compétitif. Le réseau de train à grande vitesse obéit à ces principes. Le système est bâti à plus de 80 % sur des viaducs en béton, sans ballast. Les gares se ressemblent toutes parce que la norme nationale (TB 10100) et le guide de station-ville 2024 imposent la même grammaire : flux séparés avec entrée des voyageurs en haut, sortie en bas, en sous-sol, vers les connexions urbaines, et bâtiments modulaires réplicables.

Le modèle de développement économique de la Chine comporte beaucoup d’autres facettes. Une concurrence exacerbée entre les entreprises, les individus et les villes. Une myriade de sous-traitants manufacturiers ultra-flexibles. Un protectionnisme à géométrie variable. Une méfiance pour la finance. Un crédit et un investissement fléchés. Mais toutes ces caractéristiques ne sont orientées que vers un seul but : le productivisme.

© AFP

La Chine est un pays productiviste depuis longtemps, mais Xi Jinping a poussé cet obsession à son paroxysme.

Vladimir Poutine autorise l'envoi de réservistes pour défendre les raffineries

4 novembre 2025 à 17:36

En dépit des appels lancés à la Russie pour qu'elle mette fin à la guerre, et des sanctions occidentales, Moscou poursuit ses attaques terrestres sur le front et a relancé ces dernières semaines une campagne de bombardements ciblés sur le système énergétique ukrainien. En riposte, Kiev mène des frappes de drones en Russie, en visant en particulier les infrastructures pétrolières et gazières pour tenter d'affaiblir ce secteur qui finance l'effort de guerre du Kremlin. Pendant ce temps, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé mardi 4 novembre Viktor Orban à "ne pas bloquer" le processus d'adhésion de son pays à l'Union européenne, que Bruxelles considère en bonne voie, au contraire de la Géorgie, jugée désormais plus éloignée des 27.

Les infos à retenir

⇒ L'Ukraine appelle Viktor Orban à ne pas bloquer son adhésion à l'Union européenne

⇒ L'Allemagne prévoit d'augmenter de 3 milliards d'euros son aide à l'Ukraine en 2026

⇒ Vladimir Poutine autorise l'envoi de réservistes pour défendre les raffineries

Vladimir Poutine autorise l'envoi de réservistes pour défendre les raffineries

Le président Vladimir Poutine a promulgué mardi 4 novembre une loi autorisant le recours à des réservistes pour protéger les raffineries de pétrole et autres infrastructures énergétiques en Russie, sur fond de frappes ukrainiennes contre de telles installations quasiment chaque semaine.

Ces attaques de drones ukrainiennes provoquent régulièrement des dégâts dans des usines des secteurs pétrolier et gazier et sur des conduites destinées au transport des hydrocarbures, conduisant à une hausse des prix du carburant. Le texte promulgué mardi par Vladimir Poutine ouvre la possibilité d'envoyer des réservistes "pour assurer la protection d'installations essentielles" à la demande du gouvernement et en échange d'une compensation financière.

Les réservistes sont des personnes ayant servi par le passé dans l'armée ou dans d'autres structures chargées de la sécurité et qui ont conclu un contrat pour être ensuite incorporées dans la réserve. La Russie avait mobilisé en septembre 2022 environ 300 000 réservistes pour combattre en Ukraine, quelques mois après le début de son assaut contre ce pays et à un moment où ses troupes étaient en difficulté.

Aucune mobilisation générale n'a toutefois été décrétée depuis le début de la guerre, l'armée russe attirant des volontaires en leur promettant des rémunérations élevées et des avantages sociaux.

Ces derniers mois, les Ukrainiens ont multiplié les attaques sur les dépôts et les raffineries de pétrole russes pour tenter de tarir la rente des hydrocarbures qui finance l'effort de guerre du Kremlin. La Russie a de son côté procédé à plusieurs vagues de frappes sur les installations électriques et gazières en Ukraine, y causant des coupures de courant, à l'approche de l'hiver.

L'Europe doit muscler son rapport de force avec la Russie

Les Européens doivent poursuivre leur soutien à l'Ukraine et muscler le rapport de force avec Moscou en réduisant leurs vulnérabilités, recommande un long rapport de l'Institut français des relations internationales (IFRI) publié mardi, qui voit en la Russie une "menace durable" ayant "choisi la guerre".

"Les pays européens disposent du potentiel nécessaire, c'est-à-dire des moyens économiques, des compétences militaires et du savoir-faire technologique pour faire face à la Russie d'ici 2030, à condition de faire preuve de volonté politique", souligne à l'AFP le directeur de l'IFRI, Thomas Gomart, qui a supervisé cette étude intitulée "Europe-Russie : évaluation des rapports de force".

L'Allemagne prévoit d'augmenter de 3 milliards d'euros son aide à l'Ukraine en 2026

L'Allemagne compte augmenter de 3 milliards d'euros son aide militaire à l'Ukraine en 2026, la portant à quelque 11,5 milliards, a appris mardi l'AFP auprès du ministère allemand des Finances, qui évoque notamment le "remplacement" de systèmes Patriot.

Le ministre des Finances, Lars Klingbeil, en accord avec son homologue de la Défense, Boris Pistorius "proposera dans le cadre du projet de loi de finances rectificative une aide supplémentaire de 3 milliards d'euros pour l'Ukraine" en 2026, a indiqué un porte-parole du ministère. Selon lui, l'assistance concernera "de l'artillerie, des drones, des véhicules blindés, ainsi que le remplacement de deux systèmes de défense aérienne Patriot".

Précédemment, le journal allemand Handelsblatt avait évoqué un tel projet, citant des sources gouvernementales non-identifiées. Cette rallonge porterait donc à 11,5 milliards d'euros le budget d'aide à l'Ukraine prévu l'an prochain. Berlin avait indiqué en août consacrer neuf milliards d'euros au soutien à Kiev en 2025, et prévoir de débloquer 8,5 milliards d'euros en 2026 et 2027.

L'Ukraine appelle Viktor Orban à ne pas bloquer son adhésion à l'UE

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé mardi le chef du gouvernement hongrois Viktor Orban à ne "pas bloquer" l'adhésion de son pays à l'Union européenne (UE). "Nous aimerions vraiment que le Premier ministre hongrois nous soutienne ou du moins qu'il ne nous bloque pas", a-t-il déclaré au cours d'un forum sur l'élargissement de l'UE organisé par Euronews à Bruxelles.

Entamée tambour battant au lendemain de l'invasion russe, la procédure en vue de l'entrée de l'Ukraine dans l'Union européenne est à l'arrêt depuis plusieurs mois. Ce processus d'adhésion, long et complexe, exige l'unanimité des 27 Etats membres à chaque nouvelle étape. Or le chef du gouvernement hongrois a décidé de geler de facto le processus d'adhésion en usant de son droit de veto.

Viktor Orban, qui cultive sa proximité avec le président russe Vladimir Poutine, affirme qu'une entrée de l'Ukraine dans l'UE "ruinerait" cette dernière. Sans feu vert du dirigeant hongrois, aucun progrès possible. "Je ne pense pas que j'aie quoi que ce soit à offrir à Viktor Orban", a affirmé Volodymyr Zelensky mardi, évoquant ce blocage. "Je pense que Viktor Orban a quelque chose à offrir à l'Ukraine, qui protège actuellement toute l'Europe de la Russie".

Viktor Orban n'a jamais caché son opposition à cette candidature, estimant, pour une multitude de raisons, que l'Ukraine — un pays frontalier du sien — n'était pas prête à rejoindre l'UE. Pendant plusieurs années, cette opposition est restée feutrée. Dans un numéro diplomatique désormais célèbre remontant à décembre 2023, il avait même accepté de s'éclipser du sommet des dirigeants des Vingt-Sept, le temps que ses homologues décident d'ouvrir les pourparlers avec Kiev.

Ces négociations ont officiellement débuté le 25 juin 2024. Mais, à quelques mois des élections législatives hongroises, le dossier ukrainien, déjà sensible, est devenu explosif. Et l'adhésion de l'Ukraine à l'UE patine.

Volodymyr Zelensky s'est rendu auprès des troupes dans la zone de Pokrovsk

Le président Volodymyr Zelensky a annoncé mardi s'être rendu auprès des troupes ukrainiennes combattant dans la zone de Pokrovsk, ville stratégique du Donbass en difficulté face aux attaques de l'armée russe. "J'ai rencontré nos soldats au poste de commandement du 1er corps de la Garde nationale d'Ukraine Azov (...), qui mène la défense dans la zone de Dobropillia", près de Pokrovsk, a indiqué Volodymyr Zelensky sur les réseaux sociaux.

La Russie a fortement accru sa pression ces derniers jours sur le bastion de Pokrovsk, situé dans la région industrielle du Donbass que le Kremlin cherche à conquérir en priorité.

L'armée ukrainienne a affirmé samedi qu'une opération "complexe" impliquant des forces spéciales était en cours pour chasser les soldats russes infiltrés dans cette ville minière. "Merci pour la défense de l'Ukraine, de notre intégrité territoriale", a déclaré Volodymyr Zelensky en décorant des militaires, selon une vidéo publiée par la présidence. "Vous servez dans un secteur si important. C'est notre Etat, c'est notre Est", a-t-il poursuivi en souhaitant à ses soldats "la victoire sur l'ennemi chaque jour".

Volodymyr Zelensky a notamment rencontré le commandant du Corps Azov, Denys Prokopenko, figure emblématique en Ukraine, selon les images publiées par la présidence. Le colonel Prokopenko avait été l'un des commandants de la défense de l'aciérie Azovstal, symbole de la résistance ukrainienne dans la ville assiégée de Marioupol en 2022. Le président Zelensky, qui se rend assez régulièrement dans les zones de combat avec la Russie, était accompagné par son commandant en chef des armées Oleksandre Syrsky, selon les images de la présidence.

Des observateurs militaires craignent que l'agglomération de Pokrovsk-Myrnograd, qui comptait 100 000 habitants avant le début de l'invasion en 2022, ne soit prochainement encerclée et tombe sous le contrôle de la Russie. Une député ukrainienne, Mariana Bezougla, connue pour ses déclarations fracassantes sur les problèmes de l'armée, a décrit lundi la situation à Pokrovsk comme une "horreur", mettant en cause le général Syrsky.

© AFP

Le président russe Vladimir Poutine à Moscou le 11 juillet 2025.

Election à New York : "Zohran Mamdani a très bien su utiliser Donald Trump..."

4 novembre 2025 à 17:00

Après des mois de campagne, c’est le D-Day à New York. Les électeurs de la "grosse pomme" sont appelés aux urnes ce 4 novembre pour élire leur prochain maire. Et c’est peu de dire que le grand favori du scrutin, le démocrate et autoproclamé socialiste Zohran Mamdani, détonne. Naturalisé américain en 2018 et qualifié de "communiste" par Donald Trump, l’homme de 34 ans, né en Ouganda dans une famille d’origine indienne, devance de 10 points dans les sondages son adversaire indépendant et ancien gouverneur de l’Etat Andrew Cuomo. "Sa communication innovante sur les réseaux sociaux lui a permis de s’adresser aux jeunes et de les enthousiasmer", résume Filippo Trevisan, professeur de communication à l’American University de Washington. Interview.

L’Express : Zohran Mamdani est le grand favori de l’élection à la mairie de New York ce mardi. Quelle est la recette de son succès ?

Filippo Trevisan : Il est vrai que jusqu’à peu, il était encore quasiment inconnu du grand public que ce soit à l’échelle nationale ou même à New York. Son expérience politique se limitait à son mandat d’élu de l’arrondissement du Queens au sein de l’Assemblée de l’État de New York. Se présenter à la mairie représentait donc un pari risqué. Mais il a finalement remporté haut la main les primaires démocrates. Les différents scandales qui ont entaché les mandats du maire sortant Eric Adams, ou de l’ancien gouverneur Andrew Cuomo l’ont d’ailleurs bien aidé en permettant à un nouveau nom d’émerger.

Mais c’est surtout un excellent orateur qui a fait preuve de sens politique. Dans une ville aussi chère que New York, son message axé sur l’accessibilité financière, le logement et le coût de la vie, a trouvé un écho auprès de nombreux électeurs. Et Mamdani s’est concentré là-dessus, sans dévier, tout au long de la campagne. Or c’est un point qui a échappé à beaucoup de campagnes démocrates ces dernières années : trouver un thème porteur et en faire le cœur de son projet. Si l’on regarde la présidentielle de 2024, le discours était confus et ne permettait pas aux électeurs d’identifier clairement les priorités du programme.

La communication adoptée par Mamdani est-elle aussi la clé de son succès auprès de la Gen Z ?

Bien sûr, c’est l’autre élément clé. Sa communication innovante sur les réseaux sociaux lui a permis de s’adresser aux jeunes et de les enthousiasmer. Il a notamment noué des partenariats avec des créateurs de contenu et des influenceurs, en tirant parti des atouts de chaque plateforme. En tant que personnalité relativement méconnue, c’était indispensable, car il ne jouissait pas d’un large accès aux médias traditionnels. Il a donc su créer son propre temps d’antenne par d’autres moyens. Et in fine, ses vidéos, parfois un peu décalées, lui ont permis de se présenter comme le candidat de la génération Z.

L’autre élément qui a fait le succès de sa campagne, c’est que le faible nombre d’élections cette année a beaucoup concentré l’attention sur New York - y compris à la Maison-Blanche. Or Mamdani a été très efficace pour utiliser Trump à son avantage. En l’attaquant frontalement, il s’est assuré que ce dernier le remarque et lui réponde. Ce qui, en définitive, lui a permis d’accroître sa visibilité et sa popularité, notamment auprès des jeunes qui sont à la recherche d’un tel opposant à l’actuel titulaire du bureau Ovale.

Quels seraient les grands enseignements d’une victoire de Mamdani pour le parti démocrate ?

Le parti démocrate traverse actuellement une période difficile et a du mal à définir une nouvelle vision. Or la grande leçon à retenir de la campagne de Mamdani est la nécessité d’avoir un message fort qui permet de vous situer idéologiquement. Les démocrates pourraient donc s’interroger sur la manière de proposer une alternative claire à Donald Trump, qui soit inspirante et mobilisatrice, sans effrayer les électeurs.

@lexpress

🇺🇸 Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump évoque souvent la possibilité d’effectuer un troisième mandat. Un cas de figure pourtant interdit par la Constitution américaine. Mais, l’idée fait son chemin dans la sphère MAGA. On vous explique. 👇 #usa #trump #politique #monde #news #newsattiktok #apprendreavectiktok #sinformersurtiktok

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En cela, une victoire de Mamdani donnerait de la force aux jeunes politiciens démocrates, en les confortant dans l’idée que leur tour est venu et qu’il est temps de laisser place à des idées nouvelles. L’autre enseignement est la mobilisation des jeunes. Ce sont précisément ces électeurs que le parti démocrate doit courtiser s’il veut remporter une élection nationale. Il est essentiel de leur proposer un éventail clair d’options et de susciter leur enthousiasme le jour du scrutin. Ce sera absolument crucial lors des prochaines échéances.

Mamdani se définit lui-même comme socialiste. Cela n’est plus tabou aux Etats-Unis ?

Officiellement, il existe toujours une légère distinction puisqu’il fait partie des "socialistes démocrates". Mais il est certain que ce courant gagne du terrain au sein du paysage politique américain, notamment grâce à des personnalités comme Bernie Sanders ou Alexandria Ocasio-Cortez. A bien des égards, ce type de politique se prête à l’ère des réseaux sociaux, car cela suscite de l’engagement et donc de la visibilité. Politiquement, les démocrates ne doivent pas sous-estimer la fermeté qu’attendent leurs électeurs à l’égard de Donald Trump et son administration.

Or je ne suis pas certain que le parti ait su exprimer son opposition avec autant de force que ce que certains de ses électeurs ou nombre de ses sympathisants souhaiteraient. Cela crée donc un espace pour des personnalités comme Zohran Mamdani, Alexandria Ocasio-Cortez et Bernie Sanders, qui peuvent ainsi se faire entendre. Cet effet est ensuite amplifié par la structure du système médiatique américain. En effet, les médias conservateurs apprécient ces voix radicales, car ils y voient une opportunité de susciter des inquiétudes dans leur propre camp afin de le mobiliser.

On sait que Donald Trump déteste Mamdani. Quelle pourrait être leur relation si ce dernier était élu ?

Je dirais plutôt que Trump adore détester Mamdani, car il peut en tirer parti politiquement. Lors des précédentes campagnes, il n’a eu de cesse de présenter Bernie Sanders comme le véritable architecte de la politique démocrate. A chaque fois qu’il a utilisé cette stratégie, c’était pour discréditer des démocrates modérés, comme Hillary Clinton ou Joe Biden. Il prétendait que derrière ces personnalités se cachaient en réalité les idées de Bernie Sanders et d’autres démocrates socialistes. Et c’est précisément le scénario auquel on assiste ici. Cela permet à Donald Trump de faire avancer son propre message. Il est donc ravi de voir émerger un nouveau venu qui a les mêmes idées et constitue une cible naturelle dont il va pouvoir se servir. Du reste, New York est la ville de Trump, et ils sont tous deux originaires du Queens - une coïncidence plutôt intéressante. Il est donc clair que cette élection l’intéresse.

Au sein du Parti démocrate, plusieurs figures importantes comme Chuck Schumer n’ont pas appelé à voter pour Mamdani. Faut-il y voir un signe de profondes divisions sur le plan idéologique ?

Il y a un important débat interne au sein du parti démocrate. La gauche a toujours tendance à être un peu plus fragmentée et divisée en son sein. C’est le cas du parti démocrate, comme cela peut l’être pour certaines alliances de gauche dans les pays européens. Dans ce cas précis, j’ajouterais qu’il existe aussi des raisons culturelles personnelles. Mamdani est très actif dans le mouvement pro-palestinien depuis plusieurs années, c’est pourquoi certains membres du Parti démocrate de New York craignaient que cela n’aliène une partie des électeurs de la communauté juive - dont Chuck Schumer fait lui-même partie. De plus, dans la mesure où il est une figure centrale du parti démocrate depuis des décennies, Chuck Schumer pourrait percevoir cet appel à un changement générationnel comme une attaque directe contre lui.

Ces tendances peuvent-elles vraiment coexister au sein du même parti ?

Si les démocrates veulent pouvoir battre Donald Trump et les républicains, ils n’auront pas le choix. L’un des aspects positifs de la politique américaine, c’est que les primaires sont là pour ça et constitueront un lieu de débat pour ce type de diversité idéologique. Cependant, même en cas de victoire, les modérés devront retenir qu’il sera essentiel pour eux de trouver un moyen de séduire l’électorat que Mamdani a su mobiliser. Dans le cas contraire, toute une partie de l’électorat ne se déplacera pas aux urnes, et ce sera un réel avantage pour le camp adverse.

© NurPhoto via AFP

Le candidat à la mairie, Zohran Mamdani, prend la parole lors de la conférence du National Action Network le 3 avril 2025 à New York. (Photo by John Lamparski/NurPhoto) (Photo by John Lamparski / NurPhoto via AFP)

Thomas Gomart : "L'Europe a le potentiel économique, technologique et militaire pour faire face à la Russie"

4 novembre 2025 à 16:00

Cinq chercheurs de l’Institut français des relations internationales mobilisés, une dizaine de contributeurs extérieurs et un comité éditorial européen… Six mois de travail ont été nécessaires pour évaluer les rapports de force entre l'Europe et la Russie. Et, à la fin, un constat rassurant : l'Europe a les moyens de dissuader la Russie, encore doit-il en avoir la volonté politique. Entretien avec Thomas Gomart, directeur de l'Ifri, qui a coordonné cette étude magistrale.

L'Express : L’Europe ne peut plus, dites-vous, ignorer la "question russe".

Thomas Gomart : Tout d’abord, il faut prendre conscience de deux choses : d’abord, du caractère transformateur, pour notre continent, de la guerre d’Ukraine et, ensuite, d’une réalité intangible : nous ne pouvons pas changer la géographie ! Face à une Russie qui a choisi la guerre, les pays européens ne sauraient, aujourd’hui, éluder ce sujet. La bonne nouvelle, c’est qu’ils disposent du potentiel nécessaire, c’est-à-dire des moyens économiques, des compétences militaires et du savoir-faire technologique pour lui faire face d’ici à 2030 – à condition, bien sûr, de faire preuve de volonté politique et de maintenir leur unité. Pourquoi 2030 ? Parce que ce sera l’année de la prochaine élection présidentielle russe.

C’est également l’horizon que fixe la Revue nationale stratégique publiée par la France en juillet dernier. D’ici là, alertent ses auteurs, la Russie constituera la principale menace pesant sur l’Europe, et ce danger pourrait se traduire par un engagement majeur au cœur de notre continent. Les pays européens doivent donc traiter la question russe sérieusement afin d’être dissuasifs, et le faire dans un contexte de "reconfiguration transatlantique". Nous avons vu, durant la campagne présidentielle américaine et, a fortiori, après l'investiture de Donald Trump, à quel point la politique américaine avait changé de pied, révélant même une convergence idéologique inédite entre la Maison-Blanche et le Kremlin – ce qui était inattendu pour de nombreuses capitales européennes.

L’Europe est donc de plus en plus seule…

Elle fait face à un grand paradoxe. L'avenir du continent, sa trajectoire, dépend en très grande partie de l'issue de la guerre en Ukraine. En même temps, ce conflit est vu comme un sujet périphérique par la plupart des pays du monde. Les Européens y allouent des ressources significatives, et les Russes, considérables, à une guerre qui les marginalise et les "rétrécissent" à l'échelle mondiale ! De son issue dépendront pourtant les rapports de force et les modèles politiques sur le continent.

Pour étudier les rapports de force russo-européens, vous avez défini quatre dimensions. D’abord, l’économie. Qui va l’emporter à moyen terme ?

La Russie a démontré une réelle capacité de résistance macroéconomique. Elle est parvenue à rester stable alors même qu’elle entrait de plain-pied en économie de guerre. Cela étant, elle est désormais en stagflation. L’actuel ralentissement se traduit par des déséquilibres croissants - inflation et déficit budgétaire en hausse. Fondamentalement, la Russie n'investit plus que pour la guerre. De leur côté, les Européens ont payé un coût très élevé, notamment social, pour se "découpler" de Moscou sur le plan énergétique.

Ce faisant, ils ont su utiliser cette crise pour pivoter en termes géoéconomiques en renforçant leur intégration. D’ici à 2030, avec le déploiement de renouvelables et le retour du nucléaire, l’Europe pourra accélérer son électrification mondiale et intensifier son action climatique. En outre, elle est complètement intégrée aux circuits financiers internationaux, à la différence de la Russie.

L’économie russe peut-elle s’écrouler ?

Nous ne le savons pas. Les Russes ont une capacité d'endurance et d'acceptation, qui est du même ordre que leur tolérance à l'attrition. Comment se fait-il que leurs 14 000 morts (officiels) en Afghanistan aient provoqué de telles réactions, notamment des mères de soldats, alors qu'un million de pertes en Ukraine (morts, blessés et disparus) ne suscitent pas les mêmes protestations ? C’est de l’ordre de l’insondable : la guerre est consubstantielle. Ce qui est certain, en revanche, c'est que les sacrifices actuels fragilisent le pays sur les plans économique et social. Mais rien ne permet de conclure, à ce stade, à un rapide écroulement.

À quoi tient cette acceptation sociétale, voire cette résignation ?

Historien en chef du pays, Vladimir Poutine raconte à son peuple qu'il continue la Grande guerre patriotique, en la menant cette fois contre "l’Occident collectif". Fort de ce discours, et en s’appuyant sur une vaste administration et un appareil répressif, il parvient à mobiliser chaque mois 30 000 hommes. Il y a, aussi, cette idée, poussée par sa propagande, d'un exceptionnalisme russe, qui justifie les sacrifices et ces immenses pertes. Enfin, Poutine véhicule un troisième message. Il y a, dit-il, trois pays qui peuvent s'affranchir du droit international : la Russie, les États-Unis et la Chine. Quant aux autres nations, incapables d'assurer seuls leur sécurité, à l’instar des Européens, il les considère comme des pays des vassaux de Washington, rongés par leurs difficultés intérieures.

Jusqu’où ce narratif crée-t-il une adhésion au discours poutinien ? Un système pluraliste "à l’européenne" et une adhésion à des valeurs communes ne constituent-ils pas un ciment plus solide ?

En Russie, la stabilité sociale est assurée par une propagande intense, une répression sévère et la mise en place d’une "économie de la mort", qui rémunère généreusement des soldats, provenant principalement de régions "périphériques", transformant ainsi la guerre en ascenseur social. Si 70 à 80 % de la population se dit favorable à "l’opération militaire spéciale", la lassitude gagne du terrain, en particulier chez les jeunes. Mais quelle est l’alternative ? Poutine mène une "politique d'éternité", c’est-à-dire qu'il n'y a pas d'autre choix que lui. Les Russes savent très bien que sa succession ne se passera pas sans heurts… En face, les Européens disposent d’un espace public, où le dissensus permet des ajustements. Grâce aux mécanismes démocratiques, la capacité d'adaptation des sociétés européennes est supérieure à celle de la société russe qui, elle, fait preuve d'endurance dans les situations de privation.

Vos chercheurs ont aussi passé au crible les capacités militaires des deux camps. Le verdict ?

Tout d’abord, il faut rappeler que la Russie est en guerre alors que l’Europe ne l’est pas. La Russie a un clair avantage dans le domaine terrestre, compte tenu de sa masse (quinze à vingt corps d’armée), de sa capacité de mobilisation, de sa puissance de feu et de ses stocks de munitions. Les Européens disposent sur le papier d’un avantage qualitatif. Dans les domaines aérien, naval et cyberespace, ils gardent l’avantage. La question centrale reste le degré de soutien américain dans la durée. Les Européens peuvent agir seuls, avec des risques évidemment plus élevés. Enfin, le facteur nucléaire reste au cœur de la stratégie d’escalade de Moscou.

Chaque fois que la Russie est en difficulté politique ou diplomatique, elle recourt à la rhétorique nucléaire pour inhiber les soutiens à l'Ukraine, et cela ne fonctionne pas si mal. Alors que la Russie a abaissé son seuil de recours à l’arme nucléaire et déployé des têtes nucléaires tactiques en Biélorussie, l’Europe reste dépendante de la dissuasion dite "élargie" des États-Unis, renforcée, il est vrai, par les forces nucléaires française et britannique. Pour garantir la crédibilité de la dissuasion, la question d’une augmentation de leurs arsenaux respectifs pourrait se poser, surtout si l’engagement des États-Unis était remis en cause.

Dernier critère, les alliances et le positionnement international. Qui l’emporte ?

D’un côté, la Russie est soutenue militairement par la Corée du Nord et par l'Iran. Elle bénéficie également de l'appui de la Chine. Parallèlement, Moscou développe un discours postcolonial qui trouve un large écho dans le Sud global. Elle marque donc des points diplomatiques, ce qui est d’autant plus paradoxal que sa contribution à l’aide publique au développement est ridicule par rapport aux Européens, premiers donateurs mondiaux ! Ceux-ci, de leur côté, bénéficient d’alliances solides. L’engagement des Etats-Unis via l’Otan et la résistance ukrainienne constituent les deux piliers de leur sécurité. Parallèlement, l’existence de différents formats - Triangle de Weimar (France, Allemagne, Pologne) ; NB8 (Nordic-Baltic Eight) ; E5, qui regroupe les cinq plus grandes économies européennes (France, Allemagne, Pologne, Italie, Royaume-Uni) et Communauté politique européenne - lui donne une grande flexibilité stratégique. À la fin, on voit "sur la photo" un système russe très monolithique dans sa prise de décision et, en face, un système européen plus plastique dans sa capacité d'adaptation, soit un réel avantage sur le moyen terme.

Dans ce tableau contrasté, comment l'Europe peut-elle renforcer ses positions ?

D'abord, en soutenant vigoureusement l'Ukraine qui, fondamentalement, est au cœur de son dispositif de sécurité. C’est important de le rappeler, car parfois, les Européens donnent l'impression de craindre davantage une escalade avec Moscou qu'une victoire russe sur l’Ukraine. Un tel scénario aggraverait pourtant profondément notre insécurité… Ensuite, les Européens doivent poursuivre leurs efforts d’investissement en matière de réarmement et, surtout, accélérer la cadence afin de renforcer leur dissuasion conventionnelle. Cela passe notamment par la constitution de stocks de munitions, par la sécurisation des chaînes logistiques et par des mesures de protection civile.

D’autant qu’il y a l’inconnue américaine…

Oui, le soutien américain nous semble acquis, mais qui pourrait affirmer que les États-Unis ne cesseront pas, un jour, de nous vendre des armes, voire deviendront hostiles ? Ces hypothèses posent la question, vertigineuse, de la profondeur stratégique de l’Europe. Pour l’instant, celle-ci est pensée à travers le bassin atlantique. Cela implique d’investir dans les domaines maritime et naval, car l’Europe est une économie ouverte.

Et si, demain, l’Europe se retrouve coincée entre la Russie et une Amérique belliqueuse ?

Bonne question, qui en entraîne une autre : quels sont les pays qui, aujourd’hui, sont les plus proches des positions européennes ? La Corée du Sud, qui fournit militairement la Pologne, et le Japon, qui soutient fortement l’Ukraine sur les plans diplomatique et financier. L’Europe conserve des atouts significatifs vis-à-vis de la grande majorité des pays qui souhaite un fonctionnement multilatéral et ne veut pas être tributaire des politiques américaine, russe et chinoise. En ce sens, elle doit tenir un discours de coopération, qui passe par le respect du droit et par une crédibilité militaire.

© AFP

Volodymyr Zelensky, Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen, durant un sommet européen le 16 mai 2025.

Dick Cheney, ancien vice-président américain, est mort à 84 ans

4 novembre 2025 à 14:59

Homme de l'ombre, réputé pour sa considérable influence en coulisses, l'ancien vice-président américain, Dick Cheney, est mort à l'âge de 84 ans, a annoncé mardi 4 novembre sa famille aux médias américains.

Sa mort, survenue lundi 3 novembre, est due à des complications liées à une pneumonie ainsi qu'à des maladies cardiaques et vasculaires, selon une déclaration de sa famille. Affligé par des problèmes coronariens presque toute sa vie adulte, Dick Cheney a subi cinq crises cardiaques entre 1978 et 2010 et portait un dispositif pour réguler son rythme cardiaque depuis 2001.

L'un des vice-présidents les plus puissants de l'histoire américaine

L'ancien numéro deux de George W. Bush (2001-2009) s'était forgé une réputation telle qu'il fut considéré comme l'un des vice-présidents les plus puissants de l'histoire américaine. L'ex-président américain George W. Bush a salué mardi "l'intégrité" et "l'intelligence" de son ancien vice-président Dick Cheney. "L'histoire se souviendra de lui comme l'un des meilleurs serviteurs de l'Etat de sa génération, un patriote qui a fait preuve d'intégrité, d'intelligence et de sérieux dans toutes les fonctions qu'il a occupées", a déclaré le 43e président des Etats-Unis (2001-2009) dans un communiqué.

Il avait surpris les Américains lors de l'élection présidentielle de 2024 en annonçant qu'il voterait pour la démocrate Kamala Harris, dénonçant son adversaire républicain, Donald Trump, qu'il jugeait inapte à occuper le Bureau ovale. "Nous avons le devoir de placer le pays au-dessus des clivages partisans pour défendre notre Constitution", avait-il déclaré.

Le conseiller le plus influent de George W. Bush

Dick Cheney fut le colistier de George W. Bush lors de deux campagnes présidentielles victorieuses et son conseiller le plus influent à la Maison-Blanche dans une époque marquée par le terrorisme, la guerre et les changements économiques. Il restera connu comme l'un des faucons qui ont joué un rôle central et controversé dans l'invasion de l'Irak en 2003.

Entré à la Maison-Blanche sous le président républicain Gerald Ford, Dick Cheney remplace plus tard Donald Rumsfeld au poste de chef de cabinet puis dirige, sans succès, la campagne de réélection de Gerald Ford contre Jimmy Carter en 1976.

Républicain inconditionnel, Dick Cheney se lance peu après dans la course électorale pour décrocher en 1978, dans le Wyoming, un siège d'élu à la Chambre des représentants à Washington qu'il occupe pendant une décennie. Nommé ministre de la Défense sous George H.W. Bush en 1989, Dick Cheney est aux commandes du Pentagone pendant la guerre du Golfe de 1990-1991. Puis il part dans le secteur privé lorsque le démocrate Bill Clinton déloge Bush père de la Maison-Blanche.

Nommé PDG de Halliburton en 1995, il dirige le grand groupe de services pétroliers pendant cinq ans avant de retourner en politique, comme colistier de George W. Bush pour la présidentielle de 2000.

Derrière la décision d'envahir l'Afghanistan et l'Irak

Devenu vice-président, culmination de sa longue ascension politique, Dick Cheney insuffle son idéologie néo-conservatrice à la Maison-Blanche et joue un plus grand rôle à ce poste que la plupart de ses prédécesseurs. On le considère notamment comme l'une des forces motrices derrière la décision d'envahir l'Afghanistan moins d'un mois après le 11-Septembre. 17 mois plus tard les Etats-Unis envahissent l'Irak.

L'Irak n'avait pas de programmes actifs de production d'armes de destruction massive, et les analyses postérieures à la guerre n'ont trouvé aucun lien opérationnel entre le régime de Saddam Hussein et al-Qaïda. Saddam Hussein a été capturé, jugé et exécuté, mais la guerre en Irak a continué jusqu'en 2011, et les troupes américaines sont restées dans le pays pendant une autre décennie, cherchant à stabiliser le pays et à repousser les extrémistes de l'organisation Etat islamique. Près de 5 000 Américains ont été tués dans cette guerre.

Le conflit en Afghanistan a continué jusqu'en 2021, lorsque le président Joe Biden a retiré les dernières troupes américaines, mettant fin à une guerre dans laquelle plus de 2 300 membres des forces armées américaines sont morts et permettant aux talibans de reprendre le contrôle du pays.

Dick Cheney a par la suite assuré refuser de croire que Saddam Hussein n'était pas en train de développer un programme d'armes de destruction massive. Il fut aussi l'un des plus grands défenseurs des techniques américaines d'interrogatoire poussées, désormais largement considérées comme de la torture.

© Saul LOEB / AFP

Dick Cheney, est mort à l'âge de 84 ans, a annoncé mardi 4 novembre sa famille aux médias américains.

Algérie : ce double revers diplomatique qui l’isole plus que jamais

4 novembre 2025 à 09:00

Une gifle aller, une gifle retour. En deux jours, le pouvoir algérien a subi une double humiliation de ses deux "ennemis" séculaires : Paris et Rabat. D’abord, cette résolution initiée par le Rassemblement national à l’Assemblée le 30 octobre pour dénoncer l’accord de 1968, qui assure un régime d’immigration favorable aux Algériens. Adoptée in extremis, du jamais-vu pour un texte émis par le RN.

Fâché avec presque tous ses voisins

Puis, le vote du Conseil de sécurité des Nations Unies entérinant le plan marocain d’autonomie du Sahara occidental – territoire disputé depuis 50 ans avec les indépendantistes du Front Polisario, soutenus par Alger. Un "brillant succès", a aussitôt salué Marine le Pen, adressant ses "plus vives félicitations" au roi Mohamed VI. Ces deux votes, séparés de 24 heures, témoignent du formidable isolement dans lequel le régime algérien, à bout de souffle, est reclus. Fâché avec tous ses voisins, à l’exception de la Tunisie, en proie à des guerres intestines de pouvoir au sein de son appareil sécuritaire, l’Etat n’a plus de boussole diplomatique, figé dans son vieux logiciel non-aligné des années 1960.

"L’Algérie refuse de sceller de véritables alliances, elle ne peut donc pas compter sur ces pays quand elle a besoin", résume le chercheur Riccardo Fabiani. La Russie, son ami historique et premier fournisseur d’armes, n’a d’ailleurs pas daigné apposer son veto au vote onusien. Le roi est nu. Il n’en est pas moins dangereux. Deux Français le paient cher : l’écrivain Boualem Sansal et le journaliste Christophe Gleizes, otages depuis des mois des geôles algériennes.

© afp.com/Ludovic MARIN

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune s'entretient avec son homologue français Emmanuel Macron, le 13 juin 2024 à Savelletri en Italie

Etats-Unis : ces quatre élections que les démocrates comptent bien remporter ce mardi

4 novembre 2025 à 08:33

Quatre scrutins décisifs ont lieu ce mardi 4 novembre aux États-Unis. À New York, la capitale économique du pays choisit son nouveau maire ; en Virginie et dans le New Jersey, les électeurs élisent leurs gouverneurs ; en Californie, un référendum pourrait bouleverser la carte électorale. Des tests pour mesurer l’influence de Donald Trump, mais surtout un moment clé pour le Parti démocrate, qui tente de regagner du terrain après sa défaite de l’an dernier lors de l’élection présidentielle.

A New York, la gauche sous les projecteurs

À l’aube, les premiers électeurs new-yorkais glisseront leur bulletin dans l’urne. De 6 heures du matin à 21 heures (soit de 12 heures à 3 heures du matin en France), la mégalopole élit son 111e maire. Depuis des mois, un nom domine les sondages : Zohran Mamdani, 34 ans, musulman d’origine indienne et figure montante de la gauche du Parti démocrate. Farouche opposant à Donald Trump, il promet des loyers encadrés, des crèches gratuites et un réseau de bus public sans frais : un programme social-démocrate qui divise jusqu’au sein de son propre camp.

Face à lui, l’ancien gouverneur Andrew Cuomo, battu lors de la primaire démocrate et revenu en indépendant, joue sa survie politique. Donald Trump, lui, a pris un malin plaisir à s’inviter dans la bataille : "Entre un mauvais démocrate et un communiste, je choisis le mauvais démocrate", a-t-il lancé dimanche sur CBS, visant tour à tour Andrew Cuomo et Zohran Mamdani. "Si le candidat communiste Zohran Mamdani remporte l’élection pour devenir maire de New York, il est très peu probable que je contribue avec des fonds fédéraux, à l’exception du strict minimum requis", a-t-il aussi menacé lundi soir sur son réseau Truth Social.

Malgré ces attaques, Zohran Mamdani fait toujours la course en tête, tandis que la participation bat déjà des records : plus de 735 000 votes anticipés, quatre fois plus qu’en 2021. L’ancien président Barack Obama lui-même a salué sa campagne, tout en dénonçant les "attaques islamophobes" venues des partisans d’Andrew Cuomo. Dans un État longtemps acquis aux démocrates, mais où Donald Trump avait spectaculairement réduit l’écart à la dernière présidentielle, l’élection du jour vaut test : celle d’une gauche new-yorkaise capable, ou non, de tenir face à la marée conservatrice.

En Virginie et au New Jersey : deux scrutins tests pour Donald Trump

Un an après la réélection de Donald Trump, la Virginie et le New Jersey votent pour leurs gouverneurs. Des scrutins régionaux en théorie, mais en réalité, de véritables sondes politiques du second mandat du président républicain. En Virginie, une page d’histoire pourrait s’écrire : la démocrate Abigail Spanberger, ex-agente de la CIA, est donnée favorite pour devenir la première femme à diriger l’État. Son adversaire, la républicaine Winsome Earle-Sears, ancienne Marine, paie une campagne chaotique et un manque criant de fonds.

Dans le New Jersey, la partie s’annonce plus serrée. La démocrate Mikie Sherrill, ex-pilote d’hélicoptère de la marine, affronte l’homme d’affaires Jack Ciattarelli, 63 ans, soutenu par Donald Trump. Le soixantenaire joue à un jeu dangereux : mobiliser la base trumpiste sans effrayer les électeurs centristes. Il y a quatre ans, Joe Biden avait remporté ces deux États haut la main. Mais lors de la dernière présidentielle, Donald Trump a réduit l’écart face à Kamala Harris. Autant dire que le verdict de ce mardi pèsera lourd.

En Californie, la riposte démocrate

À l’autre bout du pays, la Californie s’apprête à contrer Donald Trump. Le "Golden State" vote sur la "Proposition 50", un référendum qui vise à modifier sa Constitution afin de permettre un redécoupage électoral. Une réponse directe à la manœuvre enclenchée cet été au Texas, où les alliés du président américain ont remodelé les circonscriptions pour faire élire cinq républicains supplémentaires.

Les redécoupages n’interviennent normalement que tous les dix ans aux États-Unis. Mais pour contrer la manœuvre inhabituelle des républicains au Texas, la Californie organise donc un référendum extraordinaire. Objectif : modifier sa Constitution pour pouvoir, elle aussi, modifier sa carte électorale au bénéfice du camp démocrate. Face à ce qu’ils jugent comme une offensive sans précédent du camp républicain, le gouverneur Gavin Newsom et son camp, soutenus par Barack Obama, ont choisi de riposter. Et le public suit : les sondages annoncent une victoire large du "oui", au point que le gouverneur a suspendu sa levée de fonds une semaine avant le vote.

© afp.com/ANGELA WEISS

Le candidat à la mairie de New York Zohran Mamdani lors d'un événement à Brooklyn, New York, le 30 octobre 2025

Face à Recep Tayyip Erdogan, l’Europe ne doit pas trahir les démocrates turcs

4 novembre 2025 à 06:30

En Ukraine, à Gaza, en Afrique du Nord, dans le Caucase… Le président turc Recep Tayyip Erdogan se mobilise sur tous les points chauds du moment. À chaque fois, il réussit à mettre un pied dans la porte. Ce rôle géopolitique unique explique son retour en grâce en Europe, alors même qu’il poursuit sans frein sa dérive antidémocratique. A l’exception de la Grèce et de Chypre, les dirigeants européens semblent s’accommoder désormais de son autoritarisme.

Tous se découvrent une nouvelle camaraderie avec le néosultan. "On est réconciliés, maintenant", s’est exclamé Emmanuel Macron en claquant la bise sur les deux joues de son homologue turc, lors du sommet sur Gaza à la mi-octobre en Egypte. Le chancelier Friedrich Merz a été un cran plus loin la semaine dernière à Ankara, où il a affiché son désir "de continuer à ouvrir la voie [de la Turquie] vers l’Europe". Il n’a pas exclu que le pays puisse se voir octroyer un accès à l’instrument financier Security action for Europe (Safe), mis en place par l’UE pour accélérer le réarmement européen. Le chef du gouvernement allemand a été précédé dans la capitale turque par son homologue britannique, Keir Starmer, qui a confirmé la vente de 20 avions de combat Eurofighter Typhoon.

Stratégiquement placé entre l’Union européenne et l’Asie, l’éternel candidat à l’adhésion à l’UE et membre éminent de l’Otan - le sommet annuel de l'organisation se tiendra en juillet prochain à Ankara - intéresse les Européens à plusieurs titres. L’immigration, d’abord. La Turquie garde la frontière sud-est du continent en échange d’une aide substantielle de Bruxelles et elle s’acquitte de sa tâche avec efficacité. Selon l’agence Frontex, les entrées irrégulières dans l’UE en provenance de Méditerranée orientale ont chuté de 22 % sur les neuf premiers mois de l’année.

La sécurité, ensuite. Le désintérêt croissant de l’Amérique pour le Vieux Continent, combiné à la guerre d’Ukraine, a remis au premier plan la nécessité d’une défense forte de l’Europe. Or l’armée turque, même si son budget de défense est inférieur à celui des principaux pays européens, est la deuxième de l’Otan par le nombre de soldats, après l’armée américaine. Et l’industrie de défense turque est performante. Elle est même en pointe dans la fabrication de drones de combat.

L’influence, aussi. Erdogan est l’un des rares à parler à la fois avec Poutine et Zelensky, ce qui le rend incontournable dans les discussions sur un règlement du conflit russo-ukrainien. Au Proche-Orient, sa proximité avec le Hamas palestinien lui a permis de peser dans l’instauration d’un cessez-le-feu à Gaza. L’affaiblissement de l’Iran et l’installation d’un pouvoir islamiste à Damas l'an dernier ont renforcé sa main dans la région.

Erdogan sait se rendre indispensable

À ces facteurs, il faut ajouter la nombreuse diaspora turque en Europe occidentale, surtout en Allemagne mais aussi en France, aux Pays-Bas, en Belgique et en Autriche. Elle fournit un levier qu'Ankara n'hésite pas à actionner. Enfin, la Turquie est le cinquième plus grand partenaire commercial de l’Union européenne, avec des échanges d’un montant record de 210 milliards d’euros l’an dernier.

Erdogan sait se rendre indispensable. Résultat, les Européens ne critiquent plus qu’à voix basse la répression de son opposition, qu’il poursuit sans discontinuer. Son principal rival, le populaire maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu, est embastillé depuis mars dernier pour des motifs fabriqués et une nouvelle inculpation "d’espionnage" vient d’y être ajoutée. L’objectif ? Empêcher Imamoglu de se présenter lors de la prochaine élection présidentielle, prévue en 2028 mais qui pourrait être anticipée. Et Erdogan confirme par là même son intention de briguer un troisième mandat, alors que la Constitution turque en limite le nombre à deux.

En ces temps troublés, l’Europe a besoin de la Turquie et vice versa. Mais il ne faudrait pas que le rapprochement aboutisse à passer la démocratie turque par pertes et profits. Lors de sa visite à Ankara, le chancelier Merz a eu raison d’appeler au respect des "principes de Copenhague", c’est-à-dire des valeurs démocratiques de l’UE. Le Parti républicain du peuple (CHP), formation d’opposition laïque et sociale-démocrate, a emporté les élections locales l’an dernier avec 38 % des suffrages. Sa vitalité montre que malgré l'étouffoir imposé par Erdogan, le peuple turc aspire, avec courage, à un autre modèle que l’autocratie islamiste. Le rôle de l’Europe est de l’aider à y parvenir.

© afp.com/Ramon van Flymen

Le président turc Recep Tayyip Erdogan s'exprime lors d'une conférence de presse après le sommet de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) à La Haye, le 25 juin 2025

Lula VS Trump : le Brésil en quête d’indépendance

4 novembre 2025 à 06:00

Un président qui n’est pas reconduit pour un deuxième mandat et qui conteste les résultats des élections. Ses partisans qui se donnent rendez-vous sur les réseaux sociaux et s’introduisent violemment dans des lieux de pouvoir. Le tout, dans un grand pays du continent américain.

A ces mots, chers auditeurs, vous avez certainement les images des émeutes du Capitole en 2021 qui vous viennent à l‘esprit. Mais un scénario similaire s’est répété le 8 janvier 2023, après la défaite du président Jair Bolsonaro au Brésil et la victoire de son adversaire Lula.

Habillés en jaune et vert, aux couleurs du drapeau brésilien, les bolsonaristes forcent ce jour-là les barrières de sécurité pour atteindre la place des Trois pouvoirs. La Cour suprême, le congrès et même le Palais présidentiel. Ces trois hauts lieux de la politique brésilienne sont pris d’assaut.

Pendant trois heures, les manifestants cassent les vitres, aspergent les murs de peintures blanches et de slogans anti-Lula, saccagent le mobilier. Le congrès est même inondé après l’activation d’un système anti-incendie. Les émeutiers réclament l’aide de l’armée pour empêcher Lula de reprendre le pouvoir. Mais dans la soirée, le nouveau président parvient à reprendre le contrôle de la situation : les forces de l’ordre évacuent les lieux et plus de 300 personnes sont interpellées.

Le chef d’Etat américain de l’époque, Joe Biden apporte alors tout son soutien à Lula. Mais avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, les relations de Washington avec ce dirigeant de gauche risquent d’être moins cordiales. Car les deux hommes semblent s’opposer sur tous les plans.

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Cet épisode a été écrit et présenté par Solène Alifat et réalisé par Jules Krot.

Crédits : Le Monde, Le Figaro

Musique et habillage : Emmanuel Herschon/Studio Torrent

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Donald Trump II, jour 1 : comment il a dessiné les contours de l’Amérique qui vient

© afp.com/Ludovic MARIN

Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva pendant le G20 à Rio de Janeiro, le 19 novembre 2024
Reçu avant avant-hier L'Express

Le FBI secoué par une nouvelle affaire, et c’est encore à cause de son patron Kash Patel

3 novembre 2025 à 19:19

Le FBI est encore dans la tourmente. Selon plusieurs médias américains, dont Bloomberg Law, l’agence fédérale a limogé un haut fonctionnaire. Son départ serait lié à la publication dans la presse des registres de vol d’un jet du FBI, que le directeur de l’agence, Kash Patel, a emprunté pour aller rendre visite à sa petite amie, la chanteuse de country Alexis Wilkins lors de l’une de ses prestations à un match de catch.

"Licenciement abusif"

Selon The Guardian, l’agent licencié s’appelle Steven Palmer. Il travaillait au FBI depuis 1998. Il dirigeait une unité chargée de gérer les grandes crises liées à la sécurité et de la gestion de la flotte aérienne du FBI. Son départ, officialisé vendredi, est le troisième d’un responsable de cette unité stratégique depuis la nomination de Kash Patel, en février dernier, souligne The Guardian. Wes Wheeler a été licencié en mars et Brian Driscoll en août. Ce dernier poursuit d’ailleurs l’administration de Donald Trump pour "licenciement abusif", affirmant qu’il a été ciblé pour avoir fait preuve d’un manque de loyauté envers le président.

Selon Bloomberg, qui a révélé l’affaire, le licenciement de Steven Palmer est intervenu alors que Kash Patel était furieux face au tollé médiatique sur ses déplacements personnels. "Peu de temps après, on a dit à Steven Palmer qu’il pouvait démissionner immédiatement ou être licencié", précise le journal économique citant trois sources anonymes. Mais comme le soulignent de nombreux journaux, les enregistrements de vol du FBI sont publics et montrent ce jour-là l’un de ses avions voyageant à destination et en retour du petit aéroport du State College, en Pennsylvanie, le 25 octobre. Un voyage qui correspond à la performance de sa petite amie Alexis Wilkins.

"Rumeurs infondées"

Ce déplacement a d’autant plus fait polémique que le directeur du FBI, un proche de Donald Trump, s’en était pris à son prédécesseur Chris Wray en 2023 pour ses déplacements personnels "aux frais du contribuable". Dans une déclaration, son porte-parole, Ben Williamson, a souligné que le directeur du FBI est tenu, en vertu des règles gouvernementales, de payer un remboursement pour son voyage en jet privé et a affirmé que Kash Patel avait "considérablement limité" les voyages personnels par rapport à ses prédécesseurs Chris Wray et James Comey. Comme l’a noté The Daily Beast, avant d’être directeur du FBI, Kash Patel était très critique à l’égard de l’utilisation par Chris Wray des jets du gouvernement à des fins personnels lorsque. En 2023, il avait même surnommé Chris Wray de manière cinglante "#GovernmentGangster".

"Nous ne nous laisserons pas distraire par des rumeurs infondées ou le bruit des anarchistes d’internet mal informés et des fausses informations, a réagi Kash Patel sur son compte X dimanche. J’ai toujours dit — critiquez-moi tant que vous voulez. Mais s’en prendre aux personnes qui font un excellent travail, à ma vie personnelle, ou à ceux qui m’entourent est une honte totale." Et d’ajouter : "Les attaques dégoûtantes et sans fondement contre Alexis — une vraie patriote et la femme que je suis fier d’appeler ma partenaire de vie — sont plus que pathétiques."

De son côté la chaîne MSNBC remarque que ce limogeage qui passe mal n’est que l’épilogue d’une semaine de bourdes cumulées pour le patron du FBI. Vendredi 31 octobre, jour d’Halloween aux Etats-Unis, il avait ainsi annoncé que ses équipes ont déjoué un "complot terroriste" imminent, avant même d’avoir des détails concrets sur l’arrestation de cinq jeunes dans le Michigan. Des responsables du ministère de la Justice "ont exprimé des préoccupations selon lesquelles Patel semblait avoir agi à la hâte sur l’enquête sans l’approbation du juge principal, dans le but apparent de demander un certain crédit pour le FBI, mais d’une manière qui pourrait interférer avec l’enquête". L’incident a rappelé un faux pas en septembre lorsque Kash Patel a publié de fausses informations sur les réseaux sociaux sur la mort par balle de l’activiste conservateur Charlie Kirk. Il avait notamment annoncé l’arrestation de son meurtrier présumé, alors qu’une traque de 33 heures débutait à peine, avait rapporté Fox News.

© afp.com/Jim WATSON

Le directeur du FBI, la police fédérale américaine, Kash Patel, lors d'une audition devant la commission judiciaire du Sénat, à Washington, le 16 septembre 2025

Dans les Caraïbes, les Etats-Unis modernisent une base navale près du Venezuela

3 novembre 2025 à 16:38

C’est l’histoire d’une base navale américaine implantée à Porto Rico, dénommé Roosevelt Roads et largement exploitée pendant la guerre froide. Fermés en 2004, il y a 21 ans, les 8 700 hectares du complexe militaire de Roosevelt Roads, qui fut l’un des plus grands au monde, s’apprêtent à être de nouveau opérationnels. "Depuis deux décennies, la base languissait dans les mauvaises herbes et la rouille. Puis les avions de chasse ont rugi", décrit le journal économique Bloomberg. Tandis que, selon des images aériennes capturées par l’agence de presse Reuters, dès le 17 septembre dernier, du personnel a commencé à défricher et à repaver les voies de circulation menant à la piste principale.

Selon les observateurs, la réactivation de cette base dans les Caraïbes, à moins de 800 kilomètres du Venezuela n’a rien d’anodin. Depuis plusieurs semaines, les relations entre Washington et Caracas sont très tendues, alors que Donald Trump a déclaré les Etats-Unis en "conflit armé" avec les narcotrafiquants, dont il accuse le Venezuela d’alimenter le trafic de drogue. Ces dernières semaines, quatorze frappes américaines sur des navires au large du Venezuela ont tué 61 personnes présentées comme des membres d’organisations criminelles sud-américaines.

Un "terrain d’étape"

"La base occupe un emplacement stratégique et offre une grande quantité d’espace pour la collecte d’équipement", a déclaré un responsable américain auprès de Reuters. Depuis septembre, la base de Roosevelt Roads de Porto Rico, est devenue un terrain d’étape pour les opérations militaires américaines dans la région, y compris les chasseurs furtifs F-35B et les avions-cargos C-17 Globemaster III, souligne Bloomberg. A Porto Rico, la tension militaire est désormais à son comble alors que le Pentagone a déployé près de 10 000 dans les bases militaires du petit territoire américain des Caraïbes, selon The New York Times.

En outre, des images satellites ont montré qu’au moins trois destroyers de missiles guidés, un groupe d’assaut amphibie et des navires de combat en eau peu profonde sont d’ores et déjà stationnés au large des côtes du Venezuela. Et le plus grand porte-avions de la marine américaine, l’USS Gerald R. Ford, est actuellement en route pour les Caraïbes. "Toutes ces choses sont, je pense, conçues pour effrayer le régime Maduro et les généraux qui l’entourent, dans l’espoir que cela créera des fissures", a déclaré à Reuters Christopher Hernandez-Roy, chercheur principal au Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS) à Washington.

Alors qu’une grande partie de l’accumulation militaire américaine s’est jusqu’à présent faite en haute mer, hors de la vue du public, ce qui se passe à Roosevelt Roads, mieux connue sous le nom de Rosy Roads, est plus visible. De quoi inquiéter les états de la Communauté des Caraïbes, dont 14 membres ont récemment rappelé que la région est une "zone de paix", où les questions de sécurité devraient être résolues "grâce à une coopération internationale continue et au sein du droit international".

Appel à l’aide à Moscou et Pékin

Alors que les Etats-Unis augmentent la pression, le Venezuela implore Moscou et Pékin pour obtenir de l’aide, rapporte un article du Washington Post. Selon des documents internes au gouvernement américain, dont certains médias comme le Washington Post ont eu accès, le président vénézuélien Nicolás Maduro aurait demandé de l’aide à la Chine, la Russie et l’Iran. Les demandes à Moscou ont été faites sous la forme d’une lettre destinée au président russe Vladimir Poutine. Le Kremlin a refusé de commenter la lettre, mais le ministère des Affaires étrangères a déclaré vendredi soir que Moscou soutenait le Venezuela "dans la défense de sa souveraineté nationale" et est "prêt à répondre de manière appropriée aux demandes de nos partenaires à la lumière des menaces émergentes". Dimanche, un Ilyushin Il-76 - l’un des avions russes sanctionnés en 2023 par les Etats-Unis pour avoir participé au commerce des armes et transporté des mercenaires - est arrivé à Caracas après une route détournée au-dessus de l’Afrique pour éviter l’espace aérien occidental, selon le site Flightradar24.

Le président vénézuélien aurait également adressé une lettre au président chinois Xi Jinping demandant une "coopération militaire élargie" entre leurs deux pays pour contrer "l’escalade entre les Etats-Unis et le Venezuela". Les mêmes documents, du gouvernement américain, indiquent en outre que le ministre des Transports Ramón Celestino Velásquez a également récemment coordonné une expédition d’équipement militaire et de drones en provenance d’Iran tout en y planifiant une visite. Selon le Washington Post, il aurait déclaré à un responsable iranien que le Venezuela avait besoin d'"équipement de détection passive", de "scramblers GPS" et "presque certainement des drones d’une portée de 1 000 kilomètres". L’accumulation militaire américaine dans les Caraïbes présente peut-être le plus grand défi pour Nicolás Maduro, le successeur d’Hugo Chávez, depuis son arrivée au pouvoir en 2013.

© afp.com/Martin BERNETTI

Le navire de guerre lance-missile américain USS Gravely arrive à Port d'Espagne, capitale de Trinité-et-Tobago, petit archipel situé à une dizaine de kilomètres du Venezuela, le 26 octobre 2025

Israël : l’ex-procureure générale de l’armée arrêtée après la fuite d’une vidéo de sévices envers un Palestinien

3 novembre 2025 à 13:34

L’ex-procureure générale de l’armée israélienne, Yifat Tomer-Yeroushalmi, a été arrêtée dans la nuit du dimanche 2 au lundi 3 novembre dans le cadre d’une enquête sur la fuite d’une vidéo suggérant des violences sur un détenu palestinien dans une prison israélienne près de Gaza. Cinq réservistes israéliens sont inculpés dans cette affaire hautement médiatisée, qui a suscité l’indignation à l’international.

La juriste la plus haut gradée de la hiérarchie militaire avait annoncé sa démission vendredi. Elle avait reconnu dans une lettre avoir autorisé ses services à diffuser les images auprès des médias. La magistrate avait ensuite brièvement disparu dimanche, soulevant des craintes quant à une possible tentative de suicide. Elle a ensuite été retrouvée vivante puis placée en garde à vue dans un centre de détention, a indiqué ce lundi sur Telegram le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir. Il a souligné l’importance de "mener l’enquête de manière professionnelle afin de découvrir toute la vérité concernant l’affaire qui a conduit à une accusation" contre des soldats.

Plusieurs médias israéliens ont ensuite indiqué qu’un tribunal de Tel-Aviv avait décidé de prolonger la détention de Yifat Tomer-Yeroushalmi jusqu’à mercredi à la mi-journée. Selon la radio-télévision publique Kan, elle devra répondre de "fraude, abus de confiance, abus de fonction, entrave à la justice et divulgation d’informations par un fonctionnaire".

"Grande violence"

La démission puis l’arrestation de "l’avocate militaire en chef" de l’armée israélienne relancent les débats sur la poursuite judiciaire des soldats accusés d’apparaître dans la vidéo qui a fuité.

L’affaire remonte à l’été 2024, lors de la diffusion par la chaîne israélienne Channel 12 d’images issues d’une caméra de surveillance du centre de détention de Sdé Teiman, près de la bande de Gaza. Sans les montrer clairement, la vidéo suggérait de graves violences exercées par des soldats israéliens sur un détenu palestinien. Les images avaient éclaboussé l’armée israélienne en plein conflit dans l’enclave et avaient finalement conduit, en février 2025, à l’inculpation de cinq soldats israéliens pour mauvais traitements.

"Le procureur militaire a inculpé cinq soldats réservistes pour avoir commis des agressions dans des circonstances aggravantes et causé des blessures à un détenu" avait précisé l’armée dans un communiqué. Selon l’acte d’accusation, qui mentionne de nombreuses preuves dont des documents médicaux et des images de vidéosurveillance, les soldats ont "agi contre le détenu avec une grande violence". Ces brutalités "ont causé de graves blessures physiques au détenu, notamment des côtes fracturées, un poumon perforé et une déchirure rectale interne".

Appel à annuler le procès

Selon le New York Times, Yifat Tomer-Yeroushalmi a écrit dans sa lettre de démission qu’elle avait autorisé la publication des images "dans le but de contrer la fausse propagande dirigée contre les autorités militaires chargées de l’application de la loi" et pour protéger ses équipes d’une campagne de délégitimation menée par des Israéliens qui s’opposaient aux poursuites judiciaires de ces soldats.

La démission de la procureure générale donne justement du grain à moudre à ces opposants, qui utilisent les révélations sur la fuite volontaire de la vidéo pour remettre en cause les poursuites judiciaires. Le New York Times rapporte une conférence de presse de certains avocats des accusés demandant une annulation du procès de leurs clients. "Aujourd’hui, malheureusement, nous savons que nous avons été témoins d’un processus judiciaire défaillant, biaisé et entièrement fabriqué de toutes pièces", a déclaré l’un d’eux à la presse, précisant que tous les réservistes rejetaient les accusations qui pèsent contre eux. Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a quant à lui demandé une enquête "indépendante et impartiale", précisant que l’affaire avait causé un "préjudice immense" à l’image de l’Etat d’Israël.

© Anadolu via AFP

L'affaire remonte à l'été 2024, lors de la diffusion d'images issues d'une caméra de surveillance du centre de détention de Sdé Teiman, près de la bande de Gaza.

Gaza : le Hamas "semble déterminé" à respecter la trêve, dit Recep Tayyip Erdogan

3 novembre 2025 à 14:05

Le décombre macabre se poursuit, alors que le Hamas continue de rendre au compte-goutte à Israël les dépouilles d’otages qu’il détient toujours. Les corps de trois soldats enlevés le 7 octobre 2023 ont été restitués dimanche 2 novembre, ce qui porte à 20 le nombre d’otages morts rendus par le mouvement islamiste sur un total de 28 qu’il doit remettre. Si le sujet est à l’origine de nombreuses tensions, la trêve fragile négociée par les Etats-Unis, en vigueur depuis le 10 octobre, tient toujours. Pour tenter de peser sur l’avenir de Gaza, la Turquie réunit ce lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de pays musulmans : "Nous devons mettre fin au massacre à Gaza. Un cessez-le-feu à lui seul ne suffit pas", a déclaré en amont de ce sommet le chef de la diplomatie turque Hakan Fidan, insistant de nouveau pour une solution à deux Etats.

Les infos à retenir

⇒ Le guide suprême iranien exclut une coopération avec Washington en raison de son soutien à Israël

⇒ Le Hamas "semble déterminé" à respecter la trêve, dit Recep Tayyip Erdogan

⇒ Israël a rendu 45 corps de Palestiniens après avoir récupéré les corps de trois nouveaux otages

Le guide suprême iranien exclut une coopération avec Washington en raison de son soutien à Israël

Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a exclu ce lundi toute coopération avec les États-Unis tant que Washington ne changerait pas sa politique dans la région, y compris en matière de soutien à Israël. "S'ils abandonnent complètement leur soutien au régime sioniste, retirent leurs bases militaires (de la région) et s'abstiennent d'intervenir dans cette région, alors (une coopération) pourra être envisagée", a-t-il déclaré. "La nature arrogante des États-Unis n'accepte rien d'autre que la soumission", a-t-il ajouté, lors d'une réunion avec des étudiants à Téhéran commémorant la prise de l'ambassade américaine en 1979 à la suite de la révolution islamique qui a renversé le chah d'Iran soutenu par l'Occident.

L'Iran et les Etats-Unis, ennemis depuis quatre décennies, avaient entamé en avril des négociations sous la médiation du sultanat d'Oman autour du programme nucléaire iranien, objet de tensions avec les pays occidentaux. Mais ces discussions sont au point mort depuis l'attaque surprise d'une ampleur inédite lancée par Israël contre l'Iran le 13 juin, qui a déclenché un conflit de 12 jours entre les deux pays, au cours duquel les Etats-Unis ont aussi frappé trois importants sites nucléaires iraniens.

Pour Ali Khamenei, la seule solution pour l'Iran est de "devenir fort", y compris sur le plan militaire. "Si le pays devient fort et que l'ennemi se rend compte qu'entrer en confrontation avec cette nation forte ne lui apportera aucun bénéfice mais lui causera des pertes, le pays gagnera certainement en immunité", a-t-il commenté.

Le Hamas "semble déterminé" à respecter la trêve, dit Recep Tayyip Erdogan

Le Hamas "semble déterminé" à respecter l’accord de cessez-le-feu à Gaza, a affirmé lundi le président turc Recep Tayyip Erdogan, quelques heures avant une réunion de pays musulmans à Istanbul sur Gaza. "Le Hamas semble déterminé à respecter l’accord. Cependant, nous constatons tous que le bilan d’Israël sur ce sujet est extrêmement mauvais", a déclaré le chef de l’Etat turc à Istanbul devant le Comité permanent pour la coopération économique et commerciale (COMCEC) de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) qu’il souhaite voir "jouer un rôle moteur" dans la reconstruction du territoire.

La Turquie réunit aujourd’hui à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans (Turquie, Arabie saoudite, Qatar, Emirats arabes unis, Jordanie, Pakistan et Indonésie) pour tenter de peser sur l’avenir de Gaza. Ces ministres avaient été reçus par Donald Trump fin septembre à New York en marge de l’Assemblée générale de l'ONU. Le président américain avait présenté six jours plus tard son plan pour mettre fin au conflit dans la bande de Gaza.

En amont de cette réunion, le chef de la diplomatie turque Hakan Fidan a reçu samedi à Istanbul une délégation du bureau politique du Hamas, emmenée par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du mouvement islamiste palestinien. "Nous devons mettre fin au massacre à Gaza. Un cessez-le-feu à lui seul ne suffit pas", a-t-il déclaré lors d’un forum à Istanbul, insistant de nouveau pour une solution à deux Etats. "Nous devons reconnaître que Gaza doit être gouvernée par les Palestiniens et agir avec prudence", a encore souligné le ministre turc.

Israël a rendu 45 corps de Palestiniens après avoir récupéré les corps de trois nouveaux otages

Le ministère de la Santé opérant à Gaza sous le contrôle du Hamas a annoncé lundi qu'Israël avait rendu 45 corps de Palestiniens dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu en vigueur depuis le 10 octobre dans le territoire palestinien. Selon les termes de cet accord, Israël doit remettre les corps de 15 Palestiniens pour chaque dépouille d'otage israélien restituée de Gaza.

Les autorités israéliennes ont annoncé lundi avoir identifié les dépouilles rendues par le Hamas la veille comme étant celles de trois soldats enlevés le 7 octobre 2023, ce qui porte à 20 le nombre d’otages morts rendus par le mouvement islamiste sur un total de 28 qu’il doit remettre.

Les défunts ont été identifiés comme le capitaine américano-israélien Omer Neutra, 21 ans lors de son enlèvement, le caporal Oz Daniel, 19 ans, et le colonel Assaf Hamami, 40 ans, l’officier le plus gradé tombé aux mains du Hamas. Selon le Forum des familles d’otages, les trois ont été tués dans des combats lors de l’attaque du Hamas sur le sol israélien du 7-Octobre qui a déclenché la guerre à Gaza, et leurs corps ensuite enlevés dans le territoire palestinien.

Israël : l’ex-procureure générale de l’armée arrêtée sur des soupçons de fuites

L’ex-procureure générale de l’armée israélienne Yifat Tomer-Yeroushalmi a été arrêtée dans le cadre d’une enquête concernant la fuite d’une vidéo montrant des violences en 2024 contre des détenus palestiniens par des soldats israéliens dans une prison de haute sécurité, a indiqué lundi le ministre de la Sécurité intérieure.

Après avoir annoncé sa démission vendredi, Yifat Tomer-Yeroushalmi avait brièvement disparu dimanche, déclenchant des spéculations dans la presse sur une possible tentative de suicide.

Dans un message sur Telegram, le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a annoncé lundi qu’il "a été convenu qu’à la lumière des événements de la nuit dernière, le Service pénitentiaire agirait avec une vigilance accrue pour assurer la sécurité de la détenue dans le centre de détention où elle a été placée en garde à vue".

© afp.com/Adem ALTAN

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, le 24 avril 2024 à Ankara

Donald Trump pointe du doigt la Chine et la Russie pour justifier ses essais nucléaires

3 novembre 2025 à 08:58

Le président américain Donald Trump a affirmé que la Russie et la Chine mènent des essais nucléaires "mais n’en parlent pas", sans toutefois préciser leur nature, dans une interview à la chaîne américaine CBS diffusée dimanche 2 novembre. "La Russie fait des essais, et la Chine fait des essais, mais ils n’en parlent pas", a assuré le président américain. "On va faire des essais parce que d’autres font des essais. La Corée du Nord fait des essais. Le Pakistan fait des essais", a-t-il aussi dit.

"Vous savez, aussi puissantes que soient (les armes nucléaires), le monde est grand. Vous ne savez pas nécessairement où ils font des essais", a-t-il poursuivi. "Ils font des essais souterrains, en profondeur, où les gens ne savent pas vraiment ce qui se passe. Vous sentez une petite vibration. Ils font des essais et on n’en fait pas. Nous devons en faire".

"Ce que je dis, c’est qu’on va faire des essais nucléaires comme d’autres pays le font", a insisté Donald Trump, sans répondre précisément à une question portant sur la détonation même de charge nucléaire, que les Etats-Unis n’ont plus pratiquée depuis 1992.

En réponse aux accusations du locataire de la Maison-Blanche, Pékin a assuré lundi ne plus effectuer aucun essai nucléaire. "La Chine a toujours adhéré à la voie du développement pacifique, mène une politique de non-utilisation en premier des armes nucléaires, adhère à une stratégie nucléaire basée sur l’autodéfense et respecte son engagement de suspendre les essais nucléaires", a indiqué lors d’une conférence de presse régulière Mao Ning, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

Des explosions "non nucléaires" selon le ministre de l’Energie

Le ministre américain de l’Energie Chris Wright a lui indiqué dimanche sur Fox News que les Etats-Unis ne procéderaient pas à des "explosions nucléaires". "Ce sont ce qu’on appelle des 'explosions non critiques', c’est-à-dire que vous testez toutes les autres parties d’une arme nucléaire pour vous assurer qu’elles composent la géométrie appropriée et qu’elles déclenchent l’explosion nucléaire", a-t-il expliqué. "Les essais que nous allons faire sont sur des nouveaux systèmes, et une fois de plus, il s’agit d’explosions non nucléaires", a insisté le ministre.

Donald Trump a suscité vives inquiétudes et protestations dans le monde entier quand il a annoncé jeudi avoir ordonné au Pentagone de "commencer à tester nos armes nucléaires sur un pied d’égalité" avec la Russie et la Chine. Depuis, il a réitéré son intention de reprendre les essais d’armes nucléaires, sans dire ce qu’il projetait exactement. Le doute demeure sur son propos : parle-t-il d’essais d’armes capables de porter une tête nucléaire ou bien de la détonation même d’une charge nucléaire ?

Cette décision choc intervient dans un contexte géopolitique incandescent, à un moment où la rhétorique nucléaire revient périodiquement au premier plan depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. Aucune puissance n’a procédé officiellement à un essai nucléaire depuis trois décennies - à l’exception de la Corée du Nord (à six reprises entre 2006 et 2017). La Russie (alors Union soviétique) n’en a plus conduit depuis 1990 et la Chine depuis 1996. Mais de nombreux pays, Etats-Unis en tête, effectuent régulièrement des tests de vecteurs - missiles, sous-marins, avions de chasse ou autres. Washington est signataire du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (Tice). Procéder à une explosion nucléaire en constituerait une violation flagrante.

© afp.com/Anna Moneymaker

Le président américain Donald Trump s'exprime dans le bureau ovale de la Maison Blanche, à Washington, le 9 octobre 2025

L’Allemagne et la Belgique touchées par de nouveaux survols de drones

3 novembre 2025 à 07:50

Un mois après le survol de l’aéroport de Munich par des drones, un nouvel appareil a causé l’interruption du trafic aérien dimanche 2 novembre à l’aéroport de Brème, au nord de l’Allemagne. Le drone a été repéré "aux abords immédiats de l’aéroport" vers 19h30 heure locale, a indiqué la police. Le trafic a ensuite été suspendu pendant près d’une heure, occasionnant des retards selon le site Flightradar. La police allemande n’a pas encore pu identifier clairement l’origine du drone.

Vendredi soir, l’apparition d’un autre appareil aux abords de la capitale allemande avait également entraîné l’interruption du trafic à l’aéroport de Berlin, et ce pendant près de deux heures. Les autorités allemandes ont à plusieurs reprises mis en garde contre la menace croissante posée par les drones, et tentent de mettre en place des mesures pour s’en prémunir après une série d’incursions d’appareils non identifiés dans des aéroports et sites militaires cette année. Berlin, l’un des principaux soutiens de l’Ukraine face à la Russie, soupçonne Moscou d’être à l’origine de certaines de ces activités.

Une base de l’Otan survolée

La Belgique a également été victime d’incursions dans son espace aérien pendant le week-end du 1er novembre. Des appareils ont été aperçus trois soirs de suite au-dessus de la base aérienne de Kleine-Brogel, dans le nord-est du pays. Selon le quotidien belge La Libre, quatre engins ont survolé dimanche soir cette base utilisée par l’Otan, qu’un hélicoptère de la police a tenté de poursuivre. Ils ont finalement disparu en direction des Pays-Bas. La nuit précédente, des drones suspects "de type plus grand et volant à haute altitude" avaient également été signalés au-dessus de la base, selon le ministre de la Défense Theo Francken. Les autorités belges avaient également tenté de prendre en chasse le drone et d’utiliser un brouilleur, sans succès.

"Il ne s’agissait pas d’un simple survol, mais d’une commande claire visant Kleine-Brogel", a affirmé Theo Francken sur le réseau social X. Si une enquête des services de renseignements belges est encore en cours pour déterminer l’origine de cette incursion, auprès de la RTBF, le ministre a privilégié la piste de l’espionnage militaire. La base de Kleine-Brogel est en effet utilisée par l’Otan et a même accueilli des exercices de l’Alliance transatlantique en octobre, rassemblant près de 2 000 militaires, selon le journal allemand Der Spiegel. L’armée américaine y stocke par ailleurs des munitions, et la base fait depuis plusieurs années l’objet de spéculations quant à la présence d’armes nucléaires - des informations non confirmées, rappelle le journal.

"Il est strictement interdit de faire voler des drones au-dessus des quartiers militaires. La Défense doit tout mettre en œuvre pour abattre ces drones", avait insisté Theo Francken samedi. Début octobre, des drones non identifiés avaient déjà survolé le camp militaire belge d’Elsenborn, situé non loin de la frontière avec l’Allemagne.

Un "mur de drones" d’ici 2027

D’ici à 2027, l’Union européenne veut mettre en place un "mur" antidrones, après une série d’incursions dans le ciel européen fin septembre, notamment au-dessus de l’aéroport de Copenhague (Danemark), en Roumanie, en Pologne et en Norvège. En septembre, la réponse de l’Otan à l’entrée d’une vingtaine de drones russes dans l’espace aérien de la Pologne avait mis en évidence les lacunes dans l’arsenal européen. L’Alliance atlantique avait dû recourir à de coûteux missiles pour abattre ces appareils.

Afin de mettre en œuvre ce nouveau système de défense, plus adapté et plus économique, l’UE entend s’appuyer sur l’expérience acquise par l’Ukraine depuis son invasion par l’armée russe en février 2022. Ce pays, qui dispose désormais d’une industrie de fabrication de drones et surtout d’intercepteurs de drones unique en Europe, a promis son aide.

© dpa Picture-Alliance via AFP

Le trafic a été interrompu pendant près d'une heure à l'aéroport de Brème, dans le nord de l'Allemagne, après l'incursion d'un drone.

Accord de 1968 : l’Algérie reste de marbre après le vote des députés français

3 novembre 2025 à 07:35

Le ministre algérien des Affaires étrangères Ahmed Attaf a affirmé dimanche 2 novembre que l’adoption à l’Assemblée nationale française d’une résolution visant à dénoncer l’accord franco-algérien de 1968 était, pour le moment, une affaire "franco-française".

"C’est attristant de voir un pays aussi grand que la France faire de l’histoire d’un autre pays, indépendant, souverain, l’objet d’une compétition électorale anticipée en France", a dit Ahmed Attaf dans un entretien à la chaîne d’information algérienne AL24. "Très sincèrement, j’ai beaucoup de respect pour l’Assemblée nationale française, mais lorsque j’ai vu ce vote […], la première pensée qui m’est venue à l’esprit (est) 'la course à l’échalote se poursuit'", a-t-il déclaré.

Jeudi, les députés français ont adopté une proposition de résolution du Rassemblement national (RN, extrême droite) visant à "dénoncer" l’accord franco-algérien de 1968, dans un geste symbolique. Ce texte, non contraignant, a été adopté à une majorité d’une voix par la chambre basse du Parlement français, grâce à l’appui de députés des partis de droite LR et Horizons.

"Sur le fond, cette affaire est une affaire entre l’Assemblée nationale française et le gouvernement français. C’est une affaire intérieure, c’est une affaire franco-française. Elle ne nous concerne pas pour le moment", a souligné le chef de la diplomatie algérienne.

"Nous espérons ne rien voir venir"

Ahmed Attaf a toutefois précisé qu'"elle pourrait nous concerner si ça devient une affaire de gouvernement à gouvernement parce que l’accord de 68 est un accord intergouvernemental. C’est un accord international et le gouvernement français ne nous a rien dit à ce sujet et donc sur le fond, nous ne réagissons pas." "Nous n’avons rien vu venir et nous espérons ne rien voir venir", a conclu le ministre algérien.

Cet accord, signé six ans après la fin de la guerre d’Algérie (1954-1962), crée un régime d’immigration favorable pour les Algériens, qui n’ont pas besoin de visa spécifique pour rester plus de 3 mois en France et accèdent plus rapidement que les autres étrangers aux titres de séjour pour 10 ans, y compris dans le cadre du regroupement familial.

Paris et Alger sont empêtrés depuis plus d’un an dans une crise diplomatique, à la suite de la reconnaissance à l’été 2024 par la France d’un plan d’autonomie "sous souveraineté marocaine" pour le Sahara occidental.

© afp.com/Philemon HENRY

Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot serrant la main de son homologue algérien Ahmed Attaf le 6 avril 2025 à Alger.

Au Mexique, Claudia Sheinbaum joue les équilibristes face à Donald Trump

3 novembre 2025 à 06:00

Tout juste nommé aux Affaires étrangères par Donald Trump, Marco Rubio entame sa première tournée diplomatique fin janvier dernier. Et les destinations n’ont pas été choisies au hasard : Panama, Guatemala, Salvador. Que des pays d’Amérique latine.

Les liens entre Marco Rubio et cette région, ça vous dit peut-être quelque chose. On en avait parlé dans un précédent épisode de La Loupe.

Dans un ancien podcast, Axel Gyldèn, du service monde de L’Express, nous expliquait qu’avec ce secrétaire d’Etat d’origine cubaine, l'Amérique latine pourrait bien redevenir une priorité pour Washington.

Même si l'agenda international du président américain est chargé, il est clair désormais que Donald Trump ne veut pas lâcher l'Amérique latine. Mais la tâche s'annonce difficile.

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Cet épisode a été écrit et présenté par Solène Alifat et réalisé par Jules Krot.

Crédits : France 24, VisualPolitik, The Guardian

Musique et habillage : Emmanuel Herschon/Studio Torrent

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© afp.com/CHARLY TRIBALLEAU, Rodrigo Oropeza

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2 novembre 2025 à 17:31

Un an après la réélection de Donald Trump, les sondages suggèrent que la cote de popularité du président et multimilliardaire américain est globalement mauvaise. Mais les instituts nuancent l’ampleur de son impopularité. D'après les chiffres, l’immense majorité des études réalisées depuis début octobre situent Donald Trump dans un taux d’approbation négatif, allant de -1 à -18 points. Sur le long terme, toutefois, ces résultats ne traduisent pas une chute significative pour le président républicain.

Entre un léger redressement…

Selon le dernier sondage ActiVote, publié le 1er novembre, la popularité de Donald Trump demeure négative, mais connaît un léger redressement par rapport aux mois précédents. Sa cote d’approbation est passée de 43,5 % à 46 %, tandis que son taux de désapprobation a reculé de 51,5 % à 50,6 %, portant sa cote nette à – 4,6 %. Soit un peu mieux que lors des derniers sondages.

Ces chiffres représentent, selon ActiVote, les meilleurs résultats de Donald Trump depuis quatre mois, supérieurs à sa moyenne de 41 % durant son premier mandat, ainsi qu’à celle de Joe Biden sur l’ensemble de sa présidence (41 %) et dans sa dernière année (40 %). Le sondage, réalisé auprès de 574 Américains (c’est l’un des échantillons de votants les moins fournis) entre le 1er et le 31 octobre, repose sur un système de notation par étoiles converties en pourcentages d’approbation et de désapprobation — une méthode indicative, mais peu précise.

ActiVote détaille par ailleurs le profil habituel des soutiens du président parmi les participants au sondage : hommes, électeurs ruraux, plus de 50 ans, blancs, républicains, foyers aisés et personnes ayant suivi des études supérieures courtes. Sur le plan politique, son appui reste massif à droite (87 %) et quasi nul à gauche (96 %). Les centristes, avec une cote nette de + 11 points, constituent la principale source de cette amélioration.

… et une baisse par rapport au début du mandat

Un autre sondage, plus sévère, dresse un tableau différent. Réalisé sur plus de 2 000 personnes par YouGov pour CBS News, il estime que la cote d’approbation nette du président s’établit désormais à – 18, soit son plus bas niveau depuis son investiture et trois points en dessous du minimum atteint lors de son premier mandat. Contrairement à la plupart de ses prédécesseurs, "les deux mandats de Donald Trump ont commencé avec une opinion publique divisée de manière égale", note le grand quotidien économique britannique The Economist, qui a analysé les résultats de l’étude.

Réélu sur une vague de pessimisme économique, Donald Trump avait promis aux électeurs que "les revenus allaient s’envoler, l’inflation disparaîtrait complètement, les emplois reviendraient en force et la classe moyenne prospérerait comme jamais auparavant" pendant son second mandat. "Jusqu’ici, les Américains sont déçus", conclut The Economist. Pour le journal, la gestion de l’économie et de l’inflation, du président américain, jugée positive à ses débuts, est désormais largement désapprouvée, en raison notamment de la guerre commerciale et de la réaction négative des marchés. Selon YouGov, les électeurs rejettent également sa politique migratoire, pourtant un pilier central de sa campagne de réélection.

© afp.com/CHIP SOMODEVILLA

Les sondages suggèrent que la cote de popularité du président réélu est globalement mauvaise.
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