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Reçu hier — 30 décembre 2025 L'Express

Yémen : tout comprendre aux tensions croissantes entre l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis

30 décembre 2025 à 18:34

Ce mardi 30 décembre, l’Arabie saoudite a frappé le port de d’Al-Mukalla, dans le sud du Yémen, accusant les Emirats arabes unis de fournir des armes aux séparatistes yéménites du Conseil de transition du Sud (STC). Un bombardement symptomatique des tensions entre Ryad et Abou Dhabi qui pèsent sur leur voisin de la péninsule arabique, en proie à un conflit à la fois, civil, religieux et régional depuis 11 ans. Le 21 septembre 2014, les rebelles houthistes - chiites zaydites - ont pris Sanaa, la capitale, marquant ainsi le début de leur coup d’Etat au Yémen. La milice, classée comme "terroriste" par les Etats-Unis, est épaulée par l’Iran dans son offensive. Quant au gouvernement, sunnite, il est reconnu par l'ONU et bénéficie depuis du soutien d’une coalition militaire menée par l’Arabie saoudite. Mais depuis le mois de décembre, un nouveau front s’est ouvert. L’offensive est appuyée par les Emirats arabes unis.

A distance, Ryad et Abou Dhabi s’affrontent, chacun dans l’objectif d’imposer sa vision pour l’avenir politique du pays. L’Express décrypte la situation en trois points.

Que se passe-t-il au Yémen ?

Aux premières heures de la matinée, la coalition militaire dirigée par Ryad a annoncé des frappes sur le port d’Al-Mukalla, capitale de la province de l’Hadramout récemment conquise par les séparatistes du STC. La cible était une cargaison chargée d'"une grande quantité d’armes et de véhicules de combat" séparatistes yéménites, soutenus par Abou Dhabi, selon l’agence officielle saoudienne SPA, qui précise que cette "opération militaire limitée" n’a fait aucune victime.

Et ce bombardement n’est pas la première riposte militaire du mois. Menacé par cette progression du STC dans son pays, le gouvernement yéménite a demandé à Ryad de prendre "mesures militaires" afin de "protéger les civils innocents dans la province de Hadramout et d’aider les forces armées à ramener le calme", selon l’agence de presse officielle du pays, Saba. Requête à laquelle l’allié a répondu le 28 décembre, indique la chaîne - proche des séparatistes - Aden Independent.

Dans un communiqué, le ministère saoudien des Affaires étrangères a accusé les Emirats d’être derrière la récente avancée de l’organisation dissidente. Et jugé que les actions d’Abou Dhabi étaient "extrêmement dangereuses" et constituaient "une menace pour la sécurité" de l’Arabie saoudite et de la région.

Une source proche de l’armée saoudienne a indiqué que la coalition avait été "contrainte d’agir, les efforts diplomatiques ayant été ignorés". Mais "la diplomatie reste une option pour empêcher toute nouvelle escalade", a-t-elle ajouté. L’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, traditionnellement de proches alliés, avaient initialement uni leurs forces contre les Houthis au sein de la coalition au Yémen. En 2015, Abou Dhabi s’est engagé militairement pour défendre le gouvernement yéménite et ses troupes sont parvenues à libérer Aden, alors aux mains des Houthis. Après cette victoire, Mohammed Ben Zayed, président émirati hostile aux printemps arabes, a alors décidé de miser sur le STC, plutôt que sur les loyalistes pro- gouvernement, à ses yeux trop proches des Frères musulmans.

Qui sont les séparatistes soutenus par Abou Dhabi ?

Pendant le mois de décembre, le mouvement séparatiste du Conseil de transition du Sud, qui est pourtant membre du gouvernement - avec qui il lutte contre les Houthis - s’est emparé de vastes portions du pays, sans rencontrer de grande résistance. Le territoire saisi constituait l’ancienne République populaire du Sud, qui avait déclaré son indépendance en 1967 jusqu’à la réunification du pays 23 ans plus tard. Désormais, les partisans du STC appellent l’organisation à y rétablir un Etat.

Cette zone qui comprend les provinces de l’Est du Yémen - l’Hadramaout et Al-Mahra - permet aux dissidents de prendre le contrôle de sites pétroliers, de l’ensemble de la frontière avec Oman ainsi que de 600 kilomètres de celle avec l’Arabie saoudite. De plus, les dissidents n’ont pas dissimulé leur volonté de déloger des régions conquises par un chef tribal proche de Ryad.

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, avait averti courant décembre que les avancées du STC augmentaient le risque d’une "plus grande escalade" dans le pays, déjà frappé par l’une des pires crises humanitaires au monde, selon son organisation.

Comment ont réagi les Emirats arabes unis ?

Dans les minutes qui ont suivi le bombardement, le ministère émirati des Affaires étrangères a démenti les accusations saoudiennes. Dans un communiqué, il assure que "la cargaison en question ne comprenait aucune arme, et les véhicules déchargés n’étaient destinés à aucun acteur yéménite", mais aux forces émiraties opérant au Yémen. Et le pays le certifie : l’arrivée de cette cargaison avait été coordonnée avec Ryad. Quant à son implication dans la montée des tensions, Abou Dhabi nie en bloc, il n’a jamais été question d'"attiser le conflit au Yémen".

Toutefois, deux heures après la frappe, les Emirats arabes unis ont annoncé retirer leurs "équipes antiterroristes" du Yémen… Après que l’Arabie saoudite a fixé un délai de 24 heures pour leur départ. Mais le pays l’assure, cette décision relève "de sa propre initiative". Rien avoir avec l’ultimatum donc, le seul enjeu est de veiller "à la sécurité de son personnel et en coordination avec les partenaires concernés".

Mais les tensions risquent de ne pas retomber de sitôt, car les séparatistes yéménites refusent de reculer. "Il n’est pas question de se retirer. Il est déraisonnable de demander au propriétaire d’une terre de la quitter. La situation exige de rester et de se renforcer", a déclaré à l’AFP Anwar Al-Tamimi, porte-parole du STC.

© afp.com/Saleh Al-OBEIDI

De membres de tribus manifestent leur soutien au mouvement séparatiste sudiste à Aden, dans le sud du Yémen, le 14 décembre 2025

Manifestations en Iran : le régime des mollahs face au réveil de la rue

30 décembre 2025 à 17:15

Vers un soulèvement d’ampleur importante ? Des manifestations ont éclaté depuis plusieurs jours en Iran, sur fond de tensions sociales et de mécontentement grandissant à l’égard du régime iranien, très affaibli ces derniers mois. La contestation s’est amorcée dimanche 28 décembre, au moment où plusieurs commerçants, notamment à Téhéran, ont décidé de fermer boutique. La raison ? Des conditions dégradées pour leur activité marchande, en raison de l’incertitude du contexte économique dans le pays. Selon l’agence semi-officielle ILNA, détenue par un syndicat contrôlé par le gouvernement, ces professionnels "réclament une intervention immédiate du gouvernement pour enrayer les fluctuations du taux de change et définir une stratégie économique claire".

Crise économique

En cause, selon les vendeurs et acheteurs ? La dégringolade sans fin du taux du rial, la devise du pays, vis-à-vis du dollar américain. Ce week-end, la monnaie iranienne a ainsi atteint son plus bas historique, d’après le taux informel en vigueur sur le marché noir. Un dollar s’échange désormais contre 1,4 million de rials. Concrètement, cette dépréciation crée une volatilité importante de la monnaie, rendant difficilement lisible l’évolution des prix des produits en vente. Sous l’effet de l’inflation, ces tarifs sont souvent tirés vers le haut. Dans ces conditions, "de nombreux commerçants ont préféré suspendre leurs transactions pour éviter d’éventuelles pertes", a indiqué une autre agence de presse proche du gouvernement, Irna.

Ce mardi, la mobilisation s’est étendue au-delà du milieu marchand. Des étudiants d’universités disséminées dans tout le pays ont rejoint le mouvement. En plus de la capitale, des manifestations ont été constatées dans les villes d’Ispahan, Chiraz, Mashhad, ou encore Hemedan. Vérifiées par une agence spécialisée associée au groupe du Wall Street Journal, plusieurs vidéos montrent des protestataires défiler dans les rues, criant parfois quelques slogans, comme le mot "azadi" ("liberté" en farsi). L’une d’entre elles, citée par le prestigieux quotidien économique américain, affiche des manifestants sur l’île de Qeshm Island, au bord du golfe Persique, scandant la formule "mort au dictateur !".

Ces différents faits sont notables, précise le journal, puisque la répression des opposants et de toute forme de rébellion par le régime des mollahs n’a pas faibli en Iran depuis le dernier soulèvement populaire dans le pays, lors du mouvement "Femme, vie, liberté" en 2022. De nombreuses peines de prison sont régulièrement prononcées pour ce type de motif. Pour le moment, l’ampleur de cette contestation demeure difficile à chiffrer. Toutefois, les autorités iraniennes ont de quoi s’inquiéter, car le contexte social devient de plus en plus explosif, tant l’économie du pays se porte mal. Pour le gouvernement, il existe un risque de voir la grogne se généraliser. D’après Mustapha Pakzad, analyste géopolitique spécialisé sur l’Iran interrogé par le Wall Street Journal, les circonstances du moment "ont découragé même les plus optimistes".

Message inhabituel du président iranien

Depuis la répression du mouvement de 2022, la République islamique a affronté différentes crises militaires. La dernière en date, cet été, a participé à faire grossir la colère des Iraniens. Tandis que Téhéran menace perpétuellement ses ennemis occidentaux de réponse "sévère" en cas d’agression, l’armée iranienne s’est révélée incapable de protéger efficacement sa population lors de la guerre contre Israël, au mois de juin. Au total, d’après les autorités, plus de 1 000 Iraniens sont morts dans les bombardements menés par l’État hébreu. Sur le plan militaire, le pays s’est par ailleurs affaibli, plusieurs frappes américaines ayant visé des sites de son programme nucléaire. Dans le même temps, face à l’hyperinflation, le pouvoir d’achat des Iraniens s’est encore amenuisé. Pénuries d’eau et coupures de courant sont devenues monnaie courante.

Tant de facteurs qui ont poussé le président iranien, Massoud Pezeshkian, à diffuser ce mardi un message d’une inhabituelle tonalité dans ce genre de circonstances. "J’ai demandé au ministre de l’Intérieur d’écouter les revendications légitimes des manifestants en dialoguant avec leurs représentants afin que le gouvernement puisse agir de toutes ses forces pour résoudre les problèmes et agir de manière responsable", a-t-il détaillé, dans une déclaration publiée sur son compte X. D’après les médias iraniens, le dirigeant a lui-même rencontré des responsables syndicaux ce mardi pour tenter de trouver des solutions à la crise économique.

Dimanche, Massoud Pezeshkian a en parallèle présenté le budget pour l’an prochain, promettant entre autres une augmentation de 20 % des salaires en 2026. Mais ce taux demeure bien inférieur à celui de l’inflation, qui a culminé en décembre à 52 % sur un an, d’après les données officielles iraniennes. D’autre part, les médias d’État iraniens ont relayé ces dernières semaines une autre information, bien moins favorable aux ménages : la volonté du gouvernement d’augmenter les impôts à compter de mars prochain, mois du Nouvel An iranien.

Pression internationale

Sur le plan politique, les gardiens de la Révolution, eux, maintiennent des positions inflexibles. Si, en marge de la signature du plan de paix à Gaza, le président américain Donald Trump avait ouvert la voie à une reprise des négociations diplomatiques avec Téhéran, l’espoir a aujourd’hui fait long feu. Le milliardaire républicain vient d’ailleurs de menacer de nouveau le régime d’une nouvelle intervention militaire si Téhéran cherchait à se réarmer. Dans le même temps, les pays européens ont activé l’été dernier le mécanisme de "snapback" dans le cadre de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien (JCPoA), arrivé à échéance cette année, afin de rétablir les sanctions contre l’économie iranienne.

Mais, pour le pouvoir iranien, pas question pour autant de montrer quelque signe de détente. "À mon avis, nous sommes en guerre totale contre les États-Unis, Israël et l’Europe, ils veulent mettre notre pays à terre", a lancé Massoud Pezeshkian plus tôt dans la semaine, sur le site du guide suprême iranien, Ali Khamenei. Les autorités du pays ont d’ailleurs mis en garde sa population contre toute contestation qui pourrait être selon elles instrumentalisées par des pays étrangers dans l’optique de semer "le chaos et des troubles". En 2019, de précédentes manifestations contre la hausse du prix du carburant avaient fait plusieurs centaines de morts. Un scénario que souhaite à tout prix éviter Téhéran, alors que le gouvernement vient d’annoncer une hausse des tarifs à la pompe pour les conducteurs les plus consommateurs en la matière.

© AFP

Une photo fournie par le bureau du président iranien le 30 août 2025 montre le président Masoud Pezeshkian s'exprimant lors d'une interview télévisée à Téhéran.

Vladislav Sourkov, Alain Aspect, Robert Kaplan... Nos dix grands entretiens qui ont marqué l’année 2025

30 décembre 2025 à 16:00

Ils pensent le monde, bousculent les croyances ou sont les grands acteurs de la géopolitique et de l’économie internationale… De Moscou à New York, des arcanes du pouvoir russe aux vertiges de la physique quantique, de la crise démographique aux métamorphoses du travail, L’Express a donné la parole à celles et ceux qui éclairent notre époque.

Stratèges de l’ombre, philosophes, économistes, scientifiques, ou intellectuels en alerte face à Donald Trump ou Vladimir Poutine. Tous ces entretiens, qui ont marqué 2025, vont vous permettre de vous replonger dans l’année écoulée - et celles à venir. Voici notre sélection :

1) Vladislav Sourkov, le vrai mage du Kremlin

Jamais, depuis le début del’invasion russe en Ukraine, il n’a accordé d’interview politique. Ni fait le moindre commentaire public sur cette guerre qui ravage le cœur de l’Europe. Vladislav Sourkov, sans doute le personnage le plus mystérieux de Russie, s’est muré dans le silence. Pourtant, l’homme qui a "fabriqué" Vladimir Poutine, le conseiller de l’ombre qui a inspiré son formidable Mage du Kremlin au romancier Giuliano da Empoli, a beaucoup de choses à dire sur la Russie et l’homme qui la dirige.

2) Nicolas Puech, l’héritier ruiné d’Hermès brise le silence

Celui qui fut toute sa vie le richissime héritier Hermès et son premier actionnaire familial ne s’était pas exprimé publiquement depuis 2011, quand bien même, ces trois dernières années, la presse de toute l’Europe – et jusqu’aux Etats-Unis - s’est interrogée sur l’escroquerie phénoménale dont il se dit victime, décortiquant sa vie affective, soupesant ses capacités cognitives ou interrogeant sa désarmante bonhomie.

3) L’avertissement du patron de l’Essec

Y a-t-il une crise du management à la française ? Selon Vincenzo Vinzi, la formation au management en France est l’une des meilleures en Europe. Toutefois, l’approche verticale des managers tricolores "engendre de la rigidité, qui ne favorise pas la créativité". Entretien décapant.

4) Le regard avisé de Fabian Hoffmann sur la Russie de Poutine

Le président russe Vladimir Poutine lors de sa conférence de presse annuelle, le 19 décembre 2025 à Moscou
Le président russe Vladimir Poutine lors de sa conférence de presse annuelle, le 19 décembre 2025 à Moscou

Méfiez-vous des apparences, surtout quand la conversation concerne les ambitions du Kremlin. C’est, en substance, l’avertissement que donne Fabian Hoffmann, chercheur à l’Oslo Nuclear Project de l’Université d’Oslo et au Center for European Policy Analysis. Selon lui, le fait que la Russie subisse des pertes humaines et matérielles record en Ukraine ne signifie pas qu’une attaque contre l’Otan serait vouée à l’échec. Pour l’expert,Vladimir Poutine a un plan : une opération éclair, de haute intensité, susceptible d’escalader à très court terme vers une véritable guerre.

5) Alain Aspect et les "bizarreries" de la physique quantique

Le Prix Nobel de physique Alain Aspect, le 7 décembre 2022 à Stockholm.
Le Prix Nobel de physique Alain Aspect, le 7 décembre 2022 à Stockholm.

Alain Aspect a donné tort à Einstein, décroché le Graal scientifique et cofondé un champion français de l’ordinateur quantique (Pasqal). Mais ce fils d’instituteurs du Lot-et-Garonne assure que ce dont il est le plus fier, c’est de "son rôle de professeur et de mentor". Cette passion de la transmission anime son livre Si Einstein avait su. Dans l'entretien accordé à L'Express, il dénonce les détournements pseudoscientifiques du mot "quantique".

6) La mise en garde d’un éminent psychiatre italien

"Voici les signes que vous avez grandi avec un parent pervers narcissique", "Comment repérer un narcissique à sa manière de faire des câlins", "Plus on est narcissiques et moins l’on fait d’enfants", "Le narcissisme pathologique de Trump"… Pour le psychiatre italien Giancarlo Dimaggio, l’emballement médiatique relève de la caricature. Ce spécialiste de la psychothérapie démonte les idées reçues.

7) La charge de David Frum, ex-plume de Bush, contre Trump

David Frum, éditorialiste vedette au magazine The Atlantic, ancienne plume de George W. Bush et anti-Trump acharné, prévenait déjà dans nos colonnes qu’un second mandat de Donald Trump serait cataclysmique aussi bien sur le plan intérieur que sur la scène internationale. Ce fin connaisseur des rouages de la politique américaine analyse les conséquences possibles de ce revirement brutal des Etats-Unis.

8) Les projections vertigineuses de McKinsey

On ne mesure pas encore l’ampleur de cette lame de fond, qui va bouleverser nos sociétés et nos économies dans quelques dizaines d’années. D’ici la fin du siècle, certains pays vont voir leur population se contracter de 20 à 50 %. La faiblesse de la natalité dans la plupart des régions du monde va recomposer les équilibres internationaux. Consommation, marché du travail, implantation des sites de production des entreprises, modèle social… Le bureau de recherche McKinsey Global Institute a récemment publié un rapport balayant les répercussions de ce déclin démographique mondial.

9) L'interview décapante d'André Comte-Sponville

Passer du temps en sa compagnie vous donne le sentiment (l'illusion ?) d'avoir gagné quelques modestes points de sagesse. Crinière grise, regard mélancolique, phrasé limpide de celui qui se sait sûr de son propos, André Comte-Sponville a le physique de l'emploi. Le succès phénoménal du Petit traité des grandes vertus en 1995 l'a imposé comme le champion d'une philosophie rigoureuse, mais accessible à tous. Et le penseur n'a pas sa langue dans sa poche.

10) Les prédictions de Robert Kaplan sur la Russie post-Poutine

Le dernier ouvrage du reporter américain Robert Kaplan,Waste Land : A World in Permanent Crisis (non traduit), paru outre-Atlantique, se lit comme un thriller. Il ne s’agit pourtant en rien d’une fiction.

Géopolitologue et auteur de nombreux ouvrages à succès, Kaplan juge "troublantes" les similitudes entre notre époque et celle qui précipita l’Allemagne, puis le monde entier, dans le chaos des années 1930. Selon lui, "la Russie post-Poutine sera sans doute la première grande puissance à s’effondrer".

© L'Express

Vladislav Sourkov. L’homme qui a "fabriqué" Vladimir Poutine, a beaucoup de choses à dire sur la Russie et l’homme qui la dirige.

Vladimir Poutine visé par des drones ukrainiens ? A Valdaï, la résidence très secrète du maître du Kremlin

30 décembre 2025 à 14:16

Une "attaque terroriste" pour Moscou, un "mensonge" d'après Kiev. Lundi 29 décembre, la Russie a accusé l'Ukraine d'avoir ciblé la "Dolgiye Borody", une résidence d'État de Vladimir Poutine du nord-ouest du pays, avec 91 drones. Druss'après le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, tous ces appareils auraient été interceptés. De quoi conduire Moscou à "réexaminer" sa position dans les négociations actuelles menées par Washington pour mettre un terme à la guerre en Ukraine. En réaction à ces propos, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a immédiatement nié avoir mené une telle opération. "Près d'une journée s'est écoulée et la Russie n'a toujours pas fourni de preuves plausibles à l'appui de ses accusations", a encore réagi le chef de la diplomatie ukrainienne, Andrïï Sybiga, ce mardi.

Bowling, terrain de golf et espace spa

Au moment où les efforts diplomatiques s'accentuent pour cheminer vers un plan de paix à l'est de l'Europe, l'épisode risque de laisser des traces dans les futures tractations. Quelle que soit la vérité, le lieu au cœur de cette affaire représente en tout cas le symbole de la puissance de Vladimir Poutine à la tête de la Russie. Qu'il soit perçu comme – potentiellement – attaqué constitue un marqueur fort pour le pouvoir russe afin de justifier de nouvelles opérations en Ukraine. Longeant un lac et bordant une forêt, le complexe est situé près de la ville de Valdaï, dans la région de Novgorod. Il s'agit d'une "datcha", une résidence secondaire destinée à octroyer à ses occupants du repos au grand air.

En 2021, le domaine avait fait l'objet de nombreuses révélations de la Fondation anticorruption (FBK) créé par l'ex-opposant au président russe, Alexeï Navalny. Une enquête qui permet d'en savoir un peu plus sur les nombreux services proposés au sein des quelque 80 bâtiments présents en son sein. Grand de 250 hectares, le terrain de la "Dolgiye Borody" se structure comme une sorte de ville à taille miniature. La demeure principale, haute de quatre étages, dispose d'une superficie de 3 500 mètres carrés. Plus loin, un immense bâtiment de 7 000 mètres carrés permet aux occupants de la datcha de profiter de différents équipements nécessaires à des soins de bien-être : massages, cryothérapie, solarium... Une piscine, un cabinet dentaire et un institut de beauté sont également présents.

Outre cet espace spa, il prévoit par ailleurs différents lieux pour divertir ses visiteurs. Une aire de jeux avec toboggans, un cinéma, une salle de billard, un bowling et même... un casino ont été construits dans cette résidence secondaire. Au niveau sportif, le terrain comprend par ailleurs un parcours de golf. Une église, un bâtiment à l'architecture d'inspiration chinoise et une maison traditionnelle russe en bois ont aussi été érigés sur le site. D'après la FBK, qui a publié des plans du complexe, la "Dolgiye Borody" serait le lieu de villégiature préférée de Vladimir Poutine. Il s'y rend en effet régulièrement.

Réplique du bureau de Vladimir Poutine

En novembre dernier, une autre enquête, publiée par Radio Free Europe/Radio Liberty, a montré que des répliques du bureau de la résidence principale de Vladimir Poutine, près de Moscou, avait été fabriquée au sein de deux sites étatiques russes, dont la maison de Valdaï. L'objectif ? Pouvoir camoufler les déplacements du président russe hors de la capitale. Certaines photographies communiquées par les services du Kremlin montrent ainsi le chef de la Fédération russe en train de travailler dans son bureau de Moscou... alors qu'il se trouve en réalité à plusieurs centaines de kilomètres de son domicile. La même copie du bureau a été observée dans une seconde résidence de Vladimir Poutine, située près de Sotchi. D'après les journalistes à l'origine de l'enquête, le pouvoir russe aurait menti à plusieurs centaines de reprises sur l'emplacement du président.

Outre l'opulence longtemps tenue secrète de ce complexe de Valdaï, un autre élément majeur a été révélé par l'enquête de la FBK en 2021. Seule une partie du site appartiendrait en réalité à l'État russe. L'autre est détenue par un oligarque russe, Iouri Kovaltchouk. Cet homme d'affaires, actionnaire de la banque Rossiya et proche de Vladimir Poutine, loue donc cette parcelle d'environ 100 hectares au Kremlin. Toujours selon la FBK, la facture s'élèverait chaque année à 300 millions de roubles, soit 3,35 milliards d'euros. Une dépense réalisée "juste pour que Poutine ait un endroit où se prélasser (...) et inviter des artistes", s'offusquait la Fondation anticorruption dans sa vidéo.

Dans une autre enquête de 2021, Alexeï Navalny avait également dévoilé l'existence d'une gigantesque demeure située près de Sotchi, au bord de la mer Noire. Aménagé pour accueillir le président russe, le site avait été baptisé par le militant anti-corruption comme le "palais de Poutine". Ce domaine, là aussi particulièrement luxueux, comprendrait amphithéâtre, vignoble, terrain de hockey sur glace, héliport ou encore jacuzzi. D'après l'opposant, décédé en prison en février 2024, 100 milliards de roubles, soit plus d'un milliard d'euros ont été dépensés par Moscou pour réaliser cet immense palais. À l'époque des révélations, Vladimir Poutine avait nié ces accusations. "Je n’ai pas vu ce film, faute de temps", avait-il lancé. "Rien de ce qui est montré dedans comme étant mes biens ne m’appartient à moi ou à mes proches."

© afp.com/Vyacheslav PROKOFYEV

Le président russe Vladimir Poutine face à la presse à Moscou (Russie) le 23 octobre 2025, sur une photographie distribuée par l'agence étatique Spoutnik.

Guerre en Ukraine : nos analyses, décryptages et entretiens

30 décembre 2025 à 11:49
Le 24 février 2022, la Russie a déclenché son attaque sur l'Ukraine, tentant de s'emparer de la capitale Kiev dans une offensive éclair. Mais les forces ukrainiennes ont opposé une résistance farouche, obligeant les troupes russes à la retraite et déplaçant les combats vers le bassin du Donbass, dans l'est du pays, et dans son sud agricole. Du côté de l'Occident, le temps diplomatique a laissé place à celui des sanctions contre Moscou. Alors que la guerre se poursuit, inexorablement, peu de signes de progrès sont visibles.

© afp.com/Tetiana DZHAFAROVA

Kramatorsk, est de l'Ukraine, le 15 septembre 2025

Hamas, Iran, Syrie… Ce qu’il faut retenir de la rencontre entre Donald Trump et Benyamin Netanyahou

30 décembre 2025 à 10:26

Le décor a un peu changé, mais les protagonistes restent les mêmes. Plutôt qu’à la Maison-Blanche, théâtre de leurs précédentes rencontres aux États-Unis, Donald Trump a cette fois convié lundi 29 décembre Benyamin Netanyahou dans sa résidence privée de Mar-a-Lago (Floride), où il passe les fêtes de fin d’année. Le contenu des échanges, lui, s’est inscrit dans la même tonalité que lors de leurs récents tête-à-tête : malgré quelques désaccords, le Premier ministre israélien a pu constater que son allié américain continuait d’afficher un puissant soutien à sa politique. Israël "n’existerait peut-être pas" sans le rôle de Benyamin Netanyahou depuis les attaques terroristes du 7 octobre 2023, a ainsi loué le milliardaire conservateur. "Nous n’avons jamais eu d’ami comme le président Trump à la Maison-Blanche", lui a rendu la pareille le dirigeant israélien.

Menaces américaines contre le Hamas

Pourtant, avant ce nouveau rendez-vous, Washington avait mis une certaine pression sur Israël, l’enjoignant à accélérer la mise en œuvre du plan de paix à Gaza. Comme rapporté dans la presse américaine, certains hauts responsables américains avaient notamment fait part de leur "frustration" face aux choix israéliens dans l’enclave palestinienne. Des critiques évacuées d’un revers de main par Donald Trump ce lundi. "Je suis préoccupé par ce que font, ou peut-être ne font pas, d’autres acteurs, mais, en ce qui concerne Israël, je ne suis pas inquiet : ils ont respecté le plan", a lancé le républicain. Israël est notamment mis en cause par le Hamas pour plusieurs violations du cessez-le-feu depuis la signature du plan de paix, au début de l’automne.

Donald Trump a préféré concentrer ses critiques contre le mouvement islamiste palestinien. La deuxième phase de l’accord prévoit entre autres un désarmement de ses forces. "S’ils ne se désarment pas comme ils s’y sont engagés" et "dans un délai relativement court", "ils paieront le prix fort", a-t-il menacé. Or, la branche armée du Hamas a réaffirmé lundi qu’elle "ne renoncerait pas" aux armes "tant que l’occupation perdurera". Cette nouvelle étape doit aussi permettre un retrait progressif de l’armée israélienne de Gaza. Vendredi, le média américain Axios a indiqué que Washington souhaitait faire des annonces concernant un gouvernement palestinien de technocrates comme autorité de transition pour Gaza dès janvier. Une solution pour laquelle Benyamin Netanyahou traîne des pieds. Des désaccords persistent aussi sur l’action israélienne en Cisjordanie.

Nouvel avertissement à Téhéran

En parallèle, les deux hommes ont également évoqué la position à tenir vis-à-vis du régime iranien. Samedi, le président du pays, Massoud Pezeshkian, avait déclaré que les États-Unis, Israël et les Européens menaient une "guerre totale" contre Téhéran. En juin, Américains et Israéliens avaient frappé plusieurs sites iraniens, dans l’optique de mettre à mal le programme nucléaire développé par la République islamique. Depuis ces bombardements, des sanctions ont aussi été rétablies contre l’Iran grâce au mécanisme du "snapback", prévu dans l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien (JCPoA), conclu en 2015 et arrivé à échéance cette année.

Ce lundi, Donald Trump a une nouvelle fois mis en garde les dirigeants iraniens. "J’espère qu’ils ne sont pas encore en train d’essayer de se réarmer, parce que s’ils le font, nous n’aurons pas d’autre choix que d’éliminer très rapidement ce réarmement", qu’il s’agisse d’installations nucléaires ou de missiles balistiques, a-t-il averti. "Toute agression" envers l’Iran serait "immédiatement suivie d’une réponse très sévère", a réagi sur X Ali Shamkhani, un proche conseiller du guide suprême iranien, Ali Khamenei. Cette montée en tension n’empêche pas Donald Trump de penser que l’Iran reste intéressé par un accord avec les États-Unis au sujet de ses programmes nucléaires et balistiques, quand bien même Téhéran "se comporte peut-être mal".

Les relations entre la Syrie et Israël ont aussi fait l’objet de discussions entre le président américain et le Premier ministre israélien. Donald Trump a ainsi dit espérer que Benyamin Netanyahou pourrait "s’entendre" avec le nouveau président syrien et ancien djihadiste, Ahmed al-Charaa, reçu en grande pompe par le républicain à la Maison-Blanche en novembre. Ces derniers mois, Israël a mené plusieurs frappes sur le territoire syrien. Pour conclure un nouveau compromis de sécurité, Benyamin Netanyahou, exige notamment une démilitarisation de toute la partie du territoire syrien allant du sud de la capitale, Damas, jusqu’à la ligne de démarcation fixée par l’accord de 1974 entre les deux pays. Une demande pour le moment fermement rejetée par les autorités syriennes.

© JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Le président américain Donald Trump et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou tiennent une conférence de presse le 29 décembre, à Mar-a-Lago, en Floride (États-Unis).

Venezuela : Donald Trump confirme que les Etats-Unis ont frappé une installation portuaire

30 décembre 2025 à 08:41

Donald Trump a affirmé, ce lundi 29 décembre, que les Etats-Unis avaient détruit une zone de mise à quai utilisée par des bateaux accusés de participer au narcotrafic au Venezuela, une possible première frappe terrestre depuis le début de la campagne militaire américaine contre le trafic de drogue en Amérique latine.

Les Etats-Unis exercent une forte pression sur Caracas depuis des mois, cherchant à pousser au départ le président Nicolas Maduro, accusé par Washington d’être à la tête d’un vaste réseau de narcotrafic. Ils ont mené jusqu’à présent une trentaine de frappes contre des embarcations de trafiquants présumés, faisant près de 107 morts dans les Caraïbes et le Pacifique.

"Il y a eu une grande explosion sur la zone de mise à quai où ils chargent les bateaux de drogue. […] Nous avons donc frappé tous les bateaux et maintenant nous frappons la zone, […] et ça n’est plus là", a déclaré lundi le président américain depuis sa résidence Mar-a-Lago, où il a reçu le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Il n’a pas révélé le lieu de cette frappe, précisant simplement qu’elle s’était produite "sur le rivage". Il a également refusé de dire qui, de l’armée ou de la CIA, avait mené cette opération.

Donald Trump agitait depuis plusieurs semaines la menace de frappes terrestres visant des cartels de la drogue en Amérique latine, mais aucune attaque n’avait été encore confirmée à ce jour.

Selon CNN et le New York times, il s’agit d’une frappe de drone qui a visé un débarcadère isolé utilisé par le gang de narcotrafiquants vénézuéliens du Tren de Aragua pour stocker de la drogue et la charger sur des bateaux bateau en vue de son expédition.

Personne sur place

Personne ne se trouvait sur place au moment de la frappe, il n’y a donc eu aucune victime, toujours selon ces deux médias, s’appuyant sur des sources anonymes familières du dossier.

Le président Trump était interrogé par des journalistes après une allusion à une telle frappe dans un entretien diffusé vendredi. Dans une interview radio avec le milliardaire John Catsimatidis, l’un de ses soutiens, Donald Trump avait affirmé que les Etats-Unis avaient frappé une "grande installation d’où viennent les navires" servant selon lui à la production de bateaux utilisés pour le narcotrafic. "Il y a deux nuits, nous l’avons détruite. Donc nous les avons frappés très durement", avait-il assuré, laissant donc entendre que l’opération a eu lieu le mercredi 24 décembre.

Interrogés par l’AFP, ni le Pentagone, ni la Maison-Blanche n’avaient confirmé ces déclarations. De son côté, le gouvernement vénézuélien n’a fait aucun commentaire officiel sur une telle frappe.

L’attaque pourrait considérablement aggraver les tensions avec le président vénézuélien Nicolas Maduro, dont les Etats-Unis tentent d’obtenir la démission par leur pression militaire dans les Caraïbes. Lundi, l’armée américaine a par ailleurs fait état d’une nouvelle frappe dans l’est du Pacifique contre un navire "impliqué dans des opérations de narcotrafic", lors de laquelle deux personnes ont été tuées.

Jusqu’à présent, l’administration américaine n’a pas apporté de preuves démontrant que ces embarcations visées transportent effectivement de la drogue. Washington a déployé un important dispositif militaire dans les Caraïbes et imposé au Venezuela un blocus visant des pétroliers sous sanctions. Nicolas Maduro dément les accusations américaines, et assure que les Etats-Unis cherchent à le renverser pour s’emparer du pétrole vénézuélien, principale ressource du pays.

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Le président américain Donald Trump dans sa résidence de Mar-a-Lago, à Palm Beach, le 22 décembre 2025 en Floride

Face à la menace russe, la Pologne débloque deux milliards d'euros pour son "bouclier" anti-drones

30 décembre 2025 à 08:15

Varsovie s’est décidé à moderniser la panoplie de défense de sa frontière Est. La mesure a été prise en riposte aux nombreuses incursions de drones russes sur son territoire. Si le phénomène affecte toute l’Europe, la Pologne - qui partage une frontière avec la Russie - est particulièrement visée. En septembre, une dizaine d’engins pénétraient illégalement son espace aérien. Un incident qui a conduit à la fermeture d’aéroports, au déploiement en urgence d’avions de chasse et à des dégâts sur des bâtiments provoqués par l’abattage des drones. Face à l’ampleur de la situation, le Premier ministre polonais, Donald Tusk, a tiré alors la sonnette d’alarme : d’après lui, le pays est plus proche d’un conflit militaire "que jamais depuis la Seconde guerre mondiale".

Varsovie, qui se donne deux ans pour atteindre entièrement son objectif, entend dédier deux milliards d’euros à cette entreprise. Tout n’est pas à construire. Le pays dispose déjà d’un système de défense vieux d’une décennie. Son ambition est de le moderniser en y intégrant son nouvel arsenal.

Des mitrailleuses, des canons et des systèmes de brouillage de drones

Interrogé par le journal britannique The Guardian, le vice-ministre polonais de la Défense, Cezary Tomczyk, précise son calendrier : "Nous prévoyons que les premières fonctionnalités du système soient disponibles dans environ six mois, voire plus tôt. La mise en place complète […] prendra 24 mois".

La nouvelle panoplie comprendra plusieurs niveaux de défense, dont des mitrailleuses, des canons, des missiles et des systèmes de brouillage de drones, a précisé le ministre. Et de poursuivre : "Certains de ces équipements ne sont destinés à être utilisés que dans des conditions extrêmes ou en temps de guerre. Par exemple, ces mitrailleuses multicanons sont difficiles à utiliser en temps de paix, parce que tout ce qui monte doit redescendre [les balles]".

L’investissement que représente cette nouvelle panoplie militaire sera rendu possible grâce au programme européen SAFE (Security Action for Europe), selon Cezary Tomczyk. Le mécanisme de prêts de 150 milliards d’euros est voué à financer des achats conjoints d’équipements militaires dans l’UE.

Un budget tourné vers la Défense

Mais Varsovie consacre également une part importante de son propre budget au domaine militaire. Depuis 2022, date de l’invasion russe en Ukraine, le pays a revu à la hausse ses dépenses de défense, jusqu’à se hisser parmi les taux les plus élevés de l’Union européenne. Alors qu’elle y dédiait 2,2 % de son PIB en 2021 - selon les données du Stockholm International Peace Research Institute - la Pologne a poussé son effort à 4,2 % du PIB en 2024, soit 38 milliards de dollars - comptez environ 32 milliards d’euros -. A titre de comparaison, la France consacre 2,1 % de son PIB à la défense soit 50,5 milliards d’euros, hors pensions.

Dans les colonnes du Guardian, Cezary Tomczyk explique ces investissements : "Aujourd’hui, l’Ukraine consacre environ 40 % de son PIB à la guerre, et ceux qui se demandent quel pourcentage nous devrions consacrer à l’armée devraient se demander s’il vaut mieux augmenter les dépenses de 2 % à 3 ou 3,5 %, par exemple, ou les laisser passer de 2 % à 40 % plus tard".

Car la Pologne - qui prévoit de former des centaines de milliers de ses citoyens à la survie - ne dissimule plus sa crainte d’une confrontation directe avec Moscou si l’Ukraine venait à perdre la guerre. Depuis le début du conflit, la Russie ne se limite pas à violer l’espace aérien de son voisin. En quatre ans, Varsovie a signalé des cas de sabotages et d’incendies criminels. Ses services de renseignements ont été en mesure d’établir des liens avec le Kremlin. Depuis 2022, de nombreux Polonais se portent volontaires pour suivre une formation militaire.

"Prévenir le chaos mondial"

Afin de faire face à la menace sous toutes ses formes, Varsovie ne se limite pas à sa frontière Est. Le pays entreprend également de fortifier sa frontière avec la Biélorussie ainsi que l’enclave russe de Kaliningrad, située en plein coeur de l’Europe, entre la Pologne, la Lituanie et la mer Baltique. Et Cezary Tomczyk ne compte pas en rester là. Devant les journalistes du Guardian, le vice-ministre de la Défense a partagé son ambition de construire des "centres logistiques spéciaux" dans chaque municipalité frontalière où serait stocké du matériel de défense.

Et le pays compte aussi sur la coopération internationale. Dimanche 28 décembre, Radoslaw Sikorski, le vice-premier ministre polonais appelait, dans une tribune au Monde à d’avantage de solidarité au sein de l’UE, notamment en matière de sécurité. "Notre ordre mondial, fondé sur le respect du droit international, est certes imparfait, comme toutes les créations humaines. Mais malgré ses défauts, il reste le meilleur outil dont nous disposons pour prévenir le chaos mondial", insiste le dirigeant.

© afp.com/Wojtek RADWANSKI

Un char allemand Leopard 2 de l'armée polonaise en exercices en Pologne le 19 mai 2022.
Reçu avant avant-hier L'Express

Menace nucléaire : des missiles balistiques russes déployés en Biélorussie ?

29 décembre 2025 à 17:59

C’est une arme de dernière génération, hypersonique et capable de transporter une charge nucléaire. Le missile balistique russe Orechnik serait actuellement déployé à l’Est de la Biélorussie, alliée de la Russie de Vladimir Poutine. Le président russe avait annoncé en août dernier la production en série de l’Orechnik et son intention de déployer cette arme de dernière génération chez son voisin en 2025.

Mi-décembre, le président biélorusse Alexandre Loukachenko avait confirmé la présence du missile sur son territoire. "Il prend son service de combat", avait-il ajouté. Il n’a cependant pas dévoilé la localisation de l’arsenal, alors même que la Biélorussie borde trois pays européens. Le territoire biélorusse avait déjà été utilisé par Moscou pour lancer son offensive contre l’Ukraine en 2022.

Une gare de triage et du camouflage

Deux chercheurs américains, dont l’agence Reuters rapporte les travaux, ont identifié grâce à des images satellites un site biélorusse qui pourrait "possiblement" abriter des missiles Orechnik. Il s’agit de l’ancienne base aérienne de Krichev, située à 307 kilomètres à l’Est de la capitale biélorusse, Minsk, et à 478 kilomètres de Moscou. Jeffrey Lewis, du Middlebury Institute of International Studies, et Decker Eveleth, de l’organisation de recherche et analyse CNA, ont utilisé des images satellites et décortiqué les déclarations du président biélorusse ​pour identifier l’ancienne base soviétique, expliquent-ils dans un article de blog. Ils ont notamment identifié une construction hâtive en août dernier qui porte les caractéristiques d’une base de missiles stratégiques russes.

L’indice révélateur est la construction d’une gare de triage, indiquant que des missiles et leurs lanceurs mobiles peuvent être acheminés en train. L’un des endroits du site a par ailleurs été recouvert de terre, ce qui pourrait faire penser à un camouflage. De quoi être sûr "à 90 %" de la présence de lanceurs de missiles Orechnik à cet endroit, ce qui recoupe les informations des renseignements américains, selon Reuters, qui cite une source anonyme. L’agence a interrogé l’ambassade de Russie à Moscou, qui n’a pas commenté dans l’immédiat, ainsi que l’ambassade de Biélorussie qui a refusé de s’exprimer. La Maison-Blanche n’a pas non plus répondu aux journalistes, et la CIA, les services de renseignements américains, n’ont pas souhaité commenter.

Une portée de 5 500 kilomètres

Le missile russe Orechnik - dont le nom signifie "noisetier" en russe - est une arme de portée intermédiaire, qui peut atteindre des cibles situées entre 3 000 et 5 500 kilomètres. Sa vitesse dépasse Mach 10, soit dix fois la vitesse du son, ce qui le rend impossible à intercepter, selon Vladimir Poutine. Il peut par ailleurs transporter plusieurs têtes, nucléaires ou conventionnelles, et inquiète particulièrement les Occidentaux depuis sa première utilisation en novembre 2024. La Russie avait utilisé l’Orechnik sans charge nucléaire pour frapper une usine militaire dans la ville de Dnipro, dans le centre de l’Ukraine.

En août dernier, la Biélorussie avait affirmé s’entraîner au déploiement de missiles Orechnik durant des exercices militaires avec la Russie. Son président avait par la suite ajouté que son pays pourrait abriter jusqu’à dix de ces missiles. Mais selon les chercheurs américains Eveleth et Lewis, le site qu’ils ont identifié ne pourrait accueillir que trois lanceurs. Les autres missiles pourraient donc être stationnés ailleurs dans le pays.

Un signal politique plus que militaire

Selon les chercheurs interrogés par Reuters, l’escalade militaire de la Russie traduit sa volonté de recourir à la menace nucléaire pour empêcher l’Otan de fournir à Kiev des armes capables de frapper la Russie. Un message politique plus que militaire : le déploiement des Orechnik en Biélorussie n’apporte pas d’avantage militaire supplémentaire à Moscou. D’autres sites, situés en Russie, seraient plus proches de Paris et Londres, note Jeffrey Lewis sur son blog.

Le déploiement des missiles Orechnik pourrait aussi être une réaction au stationnement, prévu dès 2026, de missiles hypersoniques conventionnels américains en Allemagne. C’est enfin un message politique envoyé à la Biélorussie, qui cherche la protection de son allié.

L’annonce par le pays de la présence de telles armes sur son sol intervient en tout cas quelques semaines avant l’expiration du traité de désarmement nucléaire New Start, signé en 2010 entre Washington et Moscou. Il prévoit un contrôle et une limitation des armements nucléaires des deux parties. La Russie avait suspendu sa participation en 2023, avant de proposer en septembre 2025 de le prolonger d’un an.

© AFP

Mi-décembre, le président biélorusse Alexandre Loukachenko avait confirmé la présence du missile russe Orechnik sur son territoire.

Guerre en Ukraine : la Russie accuse Kiev d’avoir tenté d’attaquer une résidence de Vladimir Poutine

29 décembre 2025 à 16:52

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré ce lundi 29 décembre que l’Ukraine avait tenté d’attaquer la résidence du président Vladimir Poutine dans la région de Novgorod, ce que dément fermement Kiev.

Sergueï Lavrov a expliqué sur Telegram que dans la nuit du dimanche 28 décembre, l’Ukraine avait visé la résidence d’État du président russe dans la région de Novgorod avec 91 drones à longue portée qui ont tous été détruits par la défense aérienne russe. "De tels actes irresponsables ne resteront pas impunis", a déclaré le ministre, ajoutant que l’attaque s’apparentait à du "terrorisme d’État". Il a déclaré que des cibles avaient déjà été sélectionnées pour des frappes de représailles par les forces armées russes.

Sergueï Lavrov a fait remarquer que l’attaque avait eu lieu pendant les négociations en Floride sur un éventuel accord de paix en Ukraine et que, même si la Russie ne quitterait pas la table des négociations, la position de Moscou serait réexaminée prochainement. Il n’a pas précisé si Vladimir Poutine se trouvait dans le bâtiment au moment de l’attaque.

Une "nouvelle série de mensonges", selon Volodymyr Zelensky

Volodymyr Zelensky a immédiatement rejeté ces accusations russes, évoquant une "nouvelle série de mensonges" de Moscou. Le président ukrainien a déclaré aux journalistes via WhatsApp qu’avec de telles déclarations, la Russie tentait de saper les progrès réalisés dans les pourparlers de paix entre l’Ukraine et les États-Unis et "prépar (ait) simplement le terrain pour mener des frappes, probablement sur la capitale et probablement sur des bâtiments gouvernementaux".

"La Russie récidive, utilisant des déclarations dangereuses pour saper tous les résultats de nos efforts diplomatiques communs avec l’équipe du président Trump", a déclaré le dirigeant ukrainien sur les réseaux sociaux.

© afp.com/Alexander KAZAKOV

Le président russe Vladimir Poutine lors d'une réunion télévisée avec des membres de son Conseil de sécurité, le 22 septembre 2025 au Kremlin.

Vladimir Poutine, Pascal Praud et le Mossad... Nos dix grands récits et enquêtes qui ont marqué 2025

29 décembre 2025 à 16:00

Enquêtes au long cours, grands récits, révélations exclusives : cette année encore, L’Express a pris le temps d’explorer l’actualité en profondeur. Des services secrets aux laboratoires de pointe, de l’influence des puissances étrangères aux dérives économiques, des figures d’influence de la tech aux grandes fractures de notre époque, ces articles racontent les grands bouleversements géopolitiques et économiques à l’œuvre en 2025.

Pour mieux comprendre le monde d’aujourd’hui, mais aussi celui de demain. Voici notre sélection :

Les 13 agressions de Poutine en France

C’est un document inédit de 16 pages que L’Express s’est procuré. Rédigée par la DGSI, la DGSE, la Direction du renseignement militaire, la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense et compilée par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), cette note, à destination exclusive des ministres tant son contenu est jugé sensible, s’intitule "Menaces et actions russes contre la France". Son contenu est vertigineux : vol d’ordinateurs, menace nucléaire, pannes électriques, espionnage à Polytechnique…

Nicolas Puech, les derniers secrets d’un héritier ruiné

L’épopée pourrait se résumer en une question : où sont passés les quelque six millions d’actions de la société Hermès, représentant 5,7 % du capital, détenus par Nicolas Puech, descendant d’une des trois dynasties fondatrices de l’empire ? Aujourd’hui, il se dit totalement ruiné. Tous ses titres lui auraient été subtilisés. Et il porte plainte à Paris. Enquête.

Diplômes, enquête sur le krach qui vient

"Les diplômés d’aujourd’hui sont fichus". En juin, le magazine The Economist choisissait un titre choc pour alerter sur une tendance de fond : dans de nombreux pays, les diplômés sont en train de perdre leur position privilégiée, alors même que la révolution de l’IA n’en est qu’à ses débuts. Les conséquences sociales pourraient être majeures.

Pascal Praud, le journaliste le plus influent de France

La vedette de CNews écrase la concurrence. Depuis ses audiences de l’été, le sexagénaire surexposé passe pour le journaliste le plus influent du paysage médiatique. Portrait d’un fumeur de cigares convaincu de fabriquer l’opinion de droite. Ses derniers éclats ont électrisé l’Elysée. Qui désormais ne lui parle plus.

Raphaël Rodriguez, le chercheur qui a trouvé la faille des métastases

Raphaël Rodriguez a raté la première année de médecine, mais il n’a pas renoncé à sauver des vies humaines. Beaucoup de vies, même. Ce chimiste à l’Institut Curie a mis au point une molécule qui pourrait détruire ces tumeurs secondaires à l’origine de 70 % des décès par cancer. Ses travaux suscitent un immense intérêt dans la communauté scientifique.

Mossad - DGSE, nos révélations sur leurs liaisons

Depuis 1948, les services secrets français et israéliens cultivent une relation spéciale, malgré des tensions fréquentes. La France connaît bien la zone, son expertise est sollicitée. "A Gaza, les meilleurs capteurs sont ceux de la DGSE", affirme un récent retraité du service secret. Un lien aujourd’hui fragilisé par la reconnaissance de la Palestine.

Les fausses promesses de Naali

Cette start-up lyonnaise est sortie grande gagnante en février de l’émission phare de M6, Qui veut être mon associé : ses fondateurs ont su convaincre un jury d’entrepreneurs d’investir plus de 600 000 euros dans leur aventure commerciale. Depuis, les ventes de la société ont explosé, tout comme l’intérêt autour de "safranothérapie", l’art de se soigner par le safran (sic) qu’elle entend bien "démocratiser".

Boualem Sansal gracié par l'Algérie : nos révélations sur les tractations

L’Elysée a plusieurs fois cru à la libération de l’écrivain, otage du régime d’Abdelmadjid Tebboune. Jusqu’à ce 12 novembre, date à laquelle Alger l'a gracié et accepté son transfert en Allemagne afin qu'il puisse être soigné. Récit de douze mois de tractations secrètes.

La bulle de l'IA est-elle sur le point d’éclater ?

Tout le monde de a attrapé la fièvre IA ! Microsoft a prévu de dépenser 80 milliards de dollars sur la seule année 2025 dans des centres de données. Et Alphabet, 75 milliards. Le patient zéro s’appelle Sam Altman. Le cofondateur d’OpenAI s’est engagé dès janvier avec Oracle, SoftBank et MGX à investir 500 milliards de dollarspour construire aux Etats-Unis de gigantesques data centers. Mais derrière les promesses révolutionnaires se cache une réalité économique alarmante.

Ce scénario sous-estimé où l’Europe se refroidit

Tandis que le sud de l’Europe ne connaît presque plus d’hivers en 2100, subissant de plein fouet les effets du changement climatique, imaginez Londres grelotter sous des températures dignes du Canada – ou des pays scandinaves, au choix.

La Tamise gelée, les transports au ralenti, y compris le fameux Tube de la capitale. Tim Lenton, directeur du Global Systems Institute de l’université d’Exeter, a participé à l’élaboration d’un rapport alarmant outre-Manche...

© AFP

Le président russe Vladimir Poutine, au Kazakhstan, le 12 novembre 2025. La Russie agresse quotidiennement la France selon un document confidentiel de la DGSI et de la DGSE.

Navires d’assaut amphibie, tirs réels : les manœuvres militaires de la Chine mettent Taïwan sous pression

29 décembre 2025 à 13:25

Drones, bombardiers et destroyers… Pour finir l’année 2025, la Chine s’est lancée lundi 29 décembre dans une démonstration de force autour de Taïwan. Des exercices militaires "majeurs", préfère décrire Pékin, dont l’agenda s’étendra sur au moins deux jours. En riposte, Taïpei a déployé son armée, fustigeant l'"intimidation" chinoise. Mais pourquoi de tels manœuvres ? L’Express décrypte.

"Mission Justice 2025"

La manœuvre qui a été baptisée "Mission Justice 2025" se démarque par son ampleur. "À partir du 29 décembre, le Commandement des zones orientales de l’APL (armée chinoise) déploie ses troupes de l’Armée de terre, de la Marine, de l’Armée de l’air et de la Force des missiles pour mener des exercices militaires conjoints", a détaillé dans un communiqué le colonel major Shi Yi, porte-parole du commandement chinois, ce lundi matin.

Les troupes de Pékin se focaliseront sur "les patrouilles de préparation au combat air-mer, la saisie conjointe de la supériorité globale, le blocus de ports et zones clés, ainsi que la dissuasion multidimensionnelle", a précisé le militaire.

Dans un autre communiqué, l’armée chinoise ajoute : "Pour des raisons de sécurité, il est conseillé à tout navire ou avion non concerné de ne pas pénétrer dans les eaux et l’espace aérien susmentionnés". Plusieurs analystes, cités par CNN, perçoivent ces actions militaires comme des entraînements visant à empêcher l’accès à la région à des forces armées étrangères.

Un accord avec Washington comme élément déclencheur

Ce lundi, Taïwan s’est donc réveillé en assistant à une simulation de blocus de ses ports. L’île qui dit avoir détecté une formation de navires d’assaut amphibie chinois opérant dans le Pacifique occidental, décompte 89 avions militaires ainsi que 28 navires de guerre. Un simple exercice assure Pékin, qui a annoncé utiliser "des tirs à munitions réelles sur des cibles maritimes".

Et le ministère des Affaires étrangères d’envoyer un message : "Les forces extérieures qui tentent d’utiliser Taïwan pour contenir la Chine et d’armer Taïwan ne feront qu’encourager l’arrogance des partisans de l’indépendance et pousser le détroit de Taïwan dans une situation périlleuse de guerre imminente."

Une déclaration qui ne laisse que peu de place au doute : la Chine n’a toujours pas digéré l’accord passé entre Washington et Taïpei. A la mi-décembre, les Etats-Unis ont annoncé une vente d’armes à Taïwan estimée à 11,1 milliards de dollars. Si cette transaction militaire - qui doit encore être approuvée par le Congrès américain - aboutit, elle se hisserait parmi les plus importante de l’histoire des deux Etats.

Pour la financer, le président taïwanais, Lai Ching-te, espère convaincre son Parlement d’augmenter le budget de la défense de 40 milliards de dollars. "Il n’y a pas de place pour le compromis sur la sécurité nationale", justifie-t-il. De quoi irriter Pékin. En réponse à ce projet de vente, la Chine a infligé des sanctions à 20 entreprises américaines de défense.

Des intimidations récurrentes

Mais pour Taïpei, pas question de faire volte-face. L’Etat insulaire, qui a assuré déployer les "forces appropriées" dans un "exercice de riposte rapide", subit régulièrement l’ire chinoise. De tels "exercices" ne sont pas une première : en avril 2025, la Chine avait déjà eu recours à des tirs réels aux alentours de l’île. Ces manœuvres, qui n’avaient cette fois pas été annoncés, survenaient après la tournée asiatique du secrétaire à la Défense américain, Pete Hegseth. A cette occasion le dirigeant avait affirmé que Washington assurerait la "dissuasion" dans le détroit de Taïwan.

Face aux élans d’émancipation de Taïwan, la Chine considère toujours l’île comme sa propriété, quitte à menacer d’employer la force pour la récupérer. Une justification à nouveau servie ce lundi matin par le porte-parole des Affaires étrangères à Pékin : "Toute manœuvre malveillante visant à entraver la réunification de la Chine est vouée à l’échec."

Cette démonstration de force intervient également après des semaines de crispations diplomatiques entre Pékin et Tokyo au sujet de l’île. En novembre, la Première ministre japonaise, Sanae Takaichi, avait laissé entendre que son pays pourrait intervenir militairement en cas d’attaque contre Taïwan.

© afp.com/ADEK BERRY

Un navire chinois est aperçu dans les eaux proches de l'île de Pingtan, le point le plus proche de Taïwan, dans la province du Fujian, dans l'est de la Chine, le 29 décembre 2025

Comment la Chine a bâti une industrie de l'armement capable de rivaliser avec l'Occident

29 décembre 2025 à 10:53

En septembre, Pékin offrait au monde le spectacle d’un gigantesque défilé militaire. Dans les gradins, une vingtaine de chefs d’Etats étrangers, dont Vladimir Poutine et Kim Jong-un. Drones, véhicules sous-marins et même loups robots… Cette démonstration de puissance était-elle vouée à envoyer un message à l’Occident ? Si oui, il n’était pas des plus subtils. Comme l'illustre le petit nom attribué à l’un de ces nouveaux missiles balistiques : Guam killer - tueur de Guam - nom du territoire insulaire américain abritant une base militaire. Face à un tel spectacle belliqueux, une question s’impose : la Chine peut-elle désormais rivaliser avec les armées occidentales ? On décrypte.

Depuis quelques années, Pékin se renforce militairement, au point de se classer au rang de premier exportateur mondial. Mais celle que l’on surnomme l’usine du monde a longtemps peiné à lancer sa production dans un domaine : l’armement. Au début du siècle, la Chine était encore le plus gros importateur d’armes dans le monde, selon les données du Sipri - Stockholm International Peace Research Institute -. Ses premiers vendeurs : la Russie, suivie de la France puis de l’Ukraine.

Mais, depuis quelques années, les commandes chinoises se sont considérablement réduites. Entre 2019 est 2023, le Sirpri note une diminution de 44 % par rapport aux cinq années précédentes. Interrogé en 2024 par un journaliste du Quotidien du peuple - titre officiel du Comité central du Parti communiste chinois - sur la parution de ce rapport, le porte-parole du ministère de la Défense, Wu Qian, a invoqué l’attachement de son pays aux principes "d’autonomie et d’innovation indépendante". Et le responsable d’ajouter : Pékin "s’appuie principalement sur sa propre force pour la recherche, le développement et la production".

Un budget six fois supérieur à la France

Une ligne tenue par le Parti communiste chinois (PCC) depuis 1949. L’organe politique n’a jamais cessé de clamer sa volonté d’atteindre l’indépendance militaire, comme le souligne le Wall Street Journal. Dans un effort impulsé par Mao Zedong, l’empire du Milieu est parvenu à développer ses propres missiles balistiques et à se doter du nucléaire, avant de stagner pendant de nombreuses années.

Et conformément aux propos avancés par Wu Qian, la Chine déploie des moyens financiers très importants pour développer son armée. Selon les estimations du Sipri - qui diffèrent des déclarations officielles du PCC - les dépenses militaires de Pékin seraient passées de 22,2 milliards de dollars en 2000 à 313,6 milliards en 2024. De quoi dépasser largement le budget français de la Défense - plus grosse puissance militaire de l’UE - fixé à 50,5 milliards d’euros, hors pensions. Six fois moins donc. Toutefois, la Chine est encore très loin de talonner les Etats-Unis, champions en la matière. En 2024, Washington a dédié 997,3 milliards de dollars à ses troupes.

Pour combler ses lacunes, la Chine n’hésite pas à injecter des fonds dans son industrie de l’armement. En 2018, les subventions accordées à l’entreprise publique China Electronics Technology Group Corporation (CETC) s’élevaient à plus de trois milliards de yuans - comptez plus de 300 millions d’euros -. Sur cette somme, 9,64 millions de yuans étaient dédiés à la "recherche" et à "l’innovation". Quant au reste des fonds accordés à la recherche, difficile de les estimer, faute de communication de Pékin.

Beaucoup d’argent donc… Et un peu d’espionnage. En 2016, un leader de l’aviation et de l’aérospatiale chinoise a plaidé coupable à Los Angeles "pour son rôle dans le complot criminel visant à voler des données techniques militaires, notamment des données relatives à l’avion de transport stratégique C-17 et à certains avions de combat produits pour l’armée américaine", selon le ministère de la Justice des Etats-Unis. Et l’affaire n’est pas une première dans l’aéronautique chinoise. Dans les années 2010, Pékin a cloné puis revendu le chasseur russe Sukhoi-27.

Des armes made in China aux quatre coins du globe

Une chose demeure certaine, l’attention accordée par le PCC à son armée a finalement porté ses fruits. Car si la Chine a ralenti ses importations, c’est aussi grâce à sa récente capacité à répondre elle-même à ses besoins. Une situation qui s’aligne sur la vision autosuffisante que se fait Xi Jinping de son pays.

Depuis les années 2010, la Chine s’impose parmi les plus grands exportateurs d’armes à l’international, gravitant dans le top 5. 40 pays - dont une partie considérable est en Asie - s’en remettent désormais à elle pour leurs commandes. Selon le rapport du Sipri, Pékin représentait 5,8 % des exportations mondiales entre 2019 et 2023.

Une armée qui "ne bougera pas le petit doigt"

Désormais, certaines technologies made in China démontrent de meilleures performances que celles des pays les plus expérimentés dans le domaine militaire.

Entre autres, leurs missiles hypersoniques, capables de voyager à une vitesse au moins cinq fois supérieure à celle du son et d’échapper à la plupart des défenses aériennes, surpassent l’arsenal occidental. Et Pékin semble porter une attention singulière à ce type d’arme. Interrogé par la BBC, Alexander Neill, chercheur associé au Pacific Forum, analyse cette stratégie de dissuasion : puisque la Chine n’est pas en capacité de rivaliser avec la puissance de la marine américaine, elle développe des missiles capables de frapper ces "cibles faciles". Et Alexander Neill de poursuivre : Pékin crée une "capacité de seconde frappe" soit la possibilité de riposter en cas d’attaque.

Mais hormis la dissuasion et la riposte, les troupes chinoises sont-elles en capacité de rivaliser ? Difficile de trancher, mais à croire l’analyse de Michael Raska, professeur à l’université technologique Singapourienne de Nanyang, si les technologies présentées impressionnent, l’exécution est un autre sujet. Premièrement, les deux millions de soldats qui forment ses rangs - la France en compte 200 000 - n’ont jamais véritablement exercé, le pays n’ayant pas connu de grande guerre depuis de nombreuses années. Ensuite, la force des troupes américaines se trouve dans la culture "ascendante" qui permet à ses militaires d’évaluer une situation sur le terrain et de prendre des décisions. L’armée chinoise se construit, elle, autour de l’exact inverse : "Elle ne bougera pas le petit doigt tant qu’elle n’aura pas reçu d’ordre de ses supérieurs."

Aussi, le professeur conclu : "Au niveau opérationnel, certains événements ont montré qu’ils ne sont peut-être pas aussi bons qu’ils le prétendent." Référence, entre autres, à la collision entre deux navires de guerre chinois pendant l’été 2025. "Tout art de la guerre repose sur la duperie", écrivait ainsi Sun Tzu, le plus célèbre militaire chinois de l’histoire, au Ve siècle avant Jésus-Christ.

© Xinhua via AFP

Le président chinois Xi Jinping, également secrétaire général du Comité central du Parti communiste chinois et président de la Commission militaire centrale, passe en revue les troupes lors de son inspection de la garnison de l'Armée populaire de libération de la Chine stationnée dans la Région administrative spéciale de Macao, dans le sud de la Chine, le 20 décembre 2024. (Xinhua/Li Gang)

Garanties de sécurité en Ukraine : Volodymyr Zelensky juge nécessaire la présence de troupes étrangères

29 décembre 2025 à 15:11

Donald Trump a estimé, dimanche 28 décembre, être plus près que jamais d’un accord de paix en Ukraine, après une rencontre en Floride avec Volodymyr Zelensky et un entretien avec Vladimir Poutine, sans toutefois détailler aucune avancée concrète.

S’exprimant depuis sa résidence Mar-a-Lago à Palm Beach, en Floride, où il a reçu le dirigeant ukrainien en présence de plusieurs hauts-responsables des deux pays, le président américain s’est montré résolument optimiste mais évasif, assurant que les prochaines semaines diraient si la guerre peut prendre fin.

Les infos à retenir :

⇒ Volodymyr Zelensky juge la présence de troupes étrangères en Ukraine nécessaire dans le cadre des garanties de sécurité

⇒ Vladimir Poutine affirme que les troupes russes "avancent avec assurance" en Ukraine

⇒ Donald Trump propose de s’exprimer devant le Parlement ukrainien sur son plan de paix

Volodymyr Zelensky juge la présence de troupes étrangères en Ukraine nécessaire dans le cadre des garanties de sécurité

Le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, a estimé ce lundi que le déploiement dans son pays de troupes étrangères serait une garantie de sécurité nécessaire et "réelle" pour dissuader la Russie de l’attaquer à nouveau. "Pour être honnête, oui", a répondu M. Zelensky lors d’une conférence de presse en ligne, interrogé sur le fait de savoir s’il considérait cette option comme nécessaire. "Je crois que la présence de troupes internationales constitue une réelle garantie de sécurité, un renforcement des garanties de sécurité que nos partenaires nous offrent déjà", a-t-il ajouté.

Les Etats-Unis ont proposé à l’Ukraine des garanties de sécurité "solides" pour une période de 15 ans prolongeable face à la Russie, a indiqué par ailleurs le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ajoutant avoir demandé à Washington une durée plus longue lors de sa rencontre dimanche avec Donald Trump.

"Je voulais vraiment que ces garanties soient plus longues. Et je lui ai dit que nous voulons vraiment considérer la possibilité de 30, 40, 50 ans", a indiqué Volodymyr Zelensky, précisant que son homologue américain lui avait assuré qu’il allait réfléchir à cette possibilité. Selon Volodymyr Zelensky, l’obtention par Kiev de garanties de sécurité sera la condition pour la levée en Ukraine de la loi martiale en vigueur depuis le premier jour de l’invasion russe de février 2022 et qui interdit notamment aux hommes ukrainiens mobilisables (âgés entre 25 et 60 ans), sauf autorisation spéciale, de quitter le pays.

Le président ukrainien a par ailleurs affirmé lundi que tout plan pour mettre fin à la guerre entre l’Ukraine et la Russie devra être signé par Kiev, Moscou, Washington et les Européens.

Vladimir Poutine affirme que les troupes russes "avancent avec assurance" en Ukraine

Le président russe Vladimir Poutine a affirmé ce lundi que les forces russes "avancent avec assurance" tout le long de la ligne de front en Ukraine, notamment dans les régions du Donbass, de Zaporijia et de Kherson.

Les troupes "avancent avec assurance, en perçant les défenses de l'ennemi. Les unités des Forces armées ukrainiennes se replient partout, sur l'ensemble de la ligne de contact", a-t-il affirmé lors d'une réunion sur la situation sur le front ukrainien retransmise à la télévision, disant aussi que la prise de territoires dans le Donbass (est) et dans les régions méridionales de Zaporijia et Kherson se déroule "conformément au plan".

Donald Trump propose de s’exprimer devant le Parlement ukrainien sur son plan de paix

"Ça a été une négociation très difficile", a dit dimanche à Mar-a-Lago le président américain, évoquant de "nombreux progrès". "Je ne veux pas dire quand, mais je pense que nous allons y arriver", a-t-il poursuivi, proposant aussi de venir s’exprimer devant le Parlement ukrainien pour faire avancer son plan de paix.

Prenant la parole à ses côtés, Volodymyr Zelensky s’est également voulu enthousiaste, parlant de "grandes avancées", notamment "90 %" du plan de paix américain en vingt points "approuvé", des "garanties de sécurité" pour l’Ukraine "approuvées" pour certaines et "presque approuvées" pour d’autres, ainsi "un plan de prospérité en cours de finalisation". Une rencontre aux Etats-Unis avec Volodymyr Zelensky et les dirigeants européens est prévue en janvier, a déclaré le président ukrainien.

Volodymyr Zelensky jouait gros à travers la rencontre avec son homologue américain, soucieux surtout d’obtenir l’imprimatur de Donald Trump sur une nouvelle version du plan de paix présenté par Washington il y a près d’un mois, retravaillé après d’âpres négociations réclamées par Kiev qui jugeait la première version beaucoup trop proche des revendications russes. "Il y aura des garanties de sécurité. Elles seront fortes. Et les pays européens sont très impliqués", a assuré dimanche le président américain sur le perron de Mar-a-Lago.

Emmanuel Macron annonce une réunion des alliés de Kiev début janvier à Paris

En parallèle, le président français Emmanuel Macron a annoncé lundi une réunion des alliés de Kiev à Paris début janvier, autour des garanties de sécurité pour l’Ukraine dans le cadre d’un accord de paix.

"Nous réunirons les pays de la Coalition des volontaires à Paris début janvier pour finaliser les contributions concrètes de chacun", a écrit sur X Emmanuel Macron, qui avait auparavant échangé avec ses homologues ukrainien Volodymyr Zelensky et américain Donald Trump, aux côtés de plusieurs autres dirigeants européens. "Nous progressons sur les garanties de sécurité qui seront centrales pour construire une paix juste et durable", a affirmé le dirigeant français, qui s’est également entretenu seul avec Volodymyr Zelensky.

© afp.com/Jim WATSON

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) et le président américain Donald Trump à Mar-a-Lago, à Palm Beach (Floride), aux Etats-Unis, le 28 décembre 2025

L’Unesco, un nid d’espions en plein Paris : "C’est une couverture rêvée"

29 décembre 2025 à 08:45

5 mai 2021, nouveau message inattendu sur mon adresse email. "Cher Monsieur, nous avons lu avec grand intérêt votre enquête sur Sciences Po parue cette semaine dans l’Express", écrit un certain Varl Soudbarov. "consultant international". Cet émissaire veut parler d’un autre sujet : Audrey Azoulay, la directrice générale de l’Unesco, récemment cooptée au conseil d’administration de la grande école française. "Des diplomates de l’Unesco ont signalé que d’après son contrat avec l’Unesco, Audrey Azoulay ne peut occuper d’autres fonctions", prétend l’homme d’affaires. Problème, renseignements pris, cette incompatibilité n’en est pas une. D’ailleurs, Varl Soudbarov n’existe pas.

Derrière ce pseudonyme se cache un service de renseignement. Après quelques échanges, les masques tombent : Soudbarov propose de me rediriger "en off" vers un diplomate, membre de la délégation à l’Unesco d’une grande puissance régionale, réputée pour l’agressivité de ses agents secrets. Son objectif ? Que j’écrive un article sur de soi-disant "collusions d’intérêts" d’Audrey Azoulay.

Les espions se sentent chez eux à l’Unesco. Ils ont raison de ne pas se considérer vraiment en France. Si l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture a son siège physique place de Fontenoy, dans le septième arrondissement de Paris, juridiquement, ses représentants possèdent un statut spécifique, similaire à celui de diplomate en ambassade. Les envoyés des 194 pays membres bénéficient de l’immunité pénale… sans même s’accréditer auprès de la France. "Toutes les institutions internationales connaissent ce phénomène d’espionnage, facilité par des procédures d’accréditation spécifiques. Comme l'ONU, qu’on appelle la maison de verre", pointe Laurent Stefanini, ambassadeur de France auprès de l’Unesco entre 2016 et 2019.

Une annexe plus anonyme rue Miollis

En principe, l’Unesco pourrait traquer ces faux diplomates. "En pratique, on n’a ni légitimité pour imposer quoi que ce soit aux États, ni parfois la conscience de ce qui se passe", invoque une source proche de l’organisation. La majorité des délégations n’est pas logée dans l’édifice principal en tripode, ce joyau d’architecture moderne inauguré en 1958, mais dans une annexe plus anonyme rue Miollis, à une dizaine de minutes à pied… et surtout à l’abri de la plupart des regards. "L’Unesco, c’est une couverture assez rêvée. La culture, ça permet d’aller partout, personne ne vérifie ce que vous faites, vous avez du temps libre", détaille Jérôme Poirot, ex-coordonnateur-adjoint du renseignement à l’Elysée.

En 2023, la Belgique expulse Igor Goriachev, "représentant commercial-adjoint" de l’ambassade de Russie à Bruxelles. Le diplomate est accusé de piloter une cellule du SVR, le renseignement extérieur russe. Son poste précédent ? Deuxième secrétaire de la délégation de Moscou à l’Unesco. Les services de Vladimir Poutine sont réputés particulièrement friands des facilités que permet l’organisation internationale à Paris. L’ombre de l’Unesco plane même sur la plupart des scandales de l’espionnage russe en France. Francis Temperville, ingénieur du CEA convaincu d’avoir livré des secrets nucléaires à l’URSS, en 1989 et 1990 ? Traité par Valentin Makarov, qu’il pensait Suédois, en réalité troisième secrétaire à la délégation soviétique à l’Unesco. Pierre-Charles Pathé, un journaliste qui écrivait sur commande du KGB ? Arrêté le 5 juillet 1979, alors qu’il échange des documents avec Igor Kouznetsov, diplomate à l’Unesco. Georges Pâques, la taupe du Kremlin au sommet de l’Otan, interpellé en août 1963 ? Manipulé par Vladimir Khrenov, deuxième conseiller à l’Unesco.

Le gouvernement français ne s’y trompe probablement pas, en avril 1983, lorsqu’il expulse quarante-sept espions soviétiques… dont douze à l’Unesco, où ils opèrent depuis des locaux discrets, rue de Prony, dans le dix-septième arrondissement parisien.

Un diplomate chinois

En 1989, le contre-espionnage tient également une belle prise lorsqu’il convainc Zhao Fusan, diplomate chinois et membre du conseil exécutif de l’Unesco, de faire défection afin de protester contre le massacre des manifestants de la place Tiananmen. Une manœuvre baptisée opération "Fu Manchu". Les policiers français ont eu moins de répondant en laissant, pendant des années, se développer une "filière roumaine" au sein de l’organisation. Le redoutable Mihai Caraman, chef des espions de Bucarest à Paris, y implante dans les années 1960 des agents au physique avantageux, afin de séduire des fonctionnaires bien placées lors de cocktails, relate le journaliste Thierry Wolton, dans Le KGB en France.

"L’Unesco, c’est aussi des cocktails, des colloques tous les jours, où vous pouvez faire de l’approche. Ça fait naturel", note Bernard Squarcini, ex-directeur du contre-espionnage français. Le 6 avril 2025, la police française a d’ailleurs retenu une diplomate russe à Roissy pendant 24 heures pour des vérifications. Elle se rendait… à une conférence à l’Unesco. Les espions de l’Est n’ont pas le monopole de la méthode. En mai 1992, Henri Plagnol, haut fonctionnaire au conseil d’Etat, profite d’un cocktail place Fontenoy lorsqu’il est abordé par Mary-Ann Baumgartner, cheffe d’entreprise américaine… et agente clandestine de la CIA. Elle sera expulsée du territoire français trois ans plus tard.

Il a dérobé le dossier d’un candidat soviétique

Malgré leur relation tourmentée avec l’institution, les Etats-Unis suivent de très près ce qui s’y joue. Dans L’Unesco racontée par ses anciens, un livre publié en 2006, Raymond Johnson, fonctionnaire américain de l’organisation pendant les années 1960, détaille comment il a dérobé le dossier d’un candidat soviétique, dans les archives du siège : "J’entrai, admiratif, dans la grande pièce où se trouvaient les rayonnages de dossiers ; j’y cherchai et trouvai celui du méchant soviétique. Je le portai ensuite (nerveux… car quand même…) à ma Délégation. […] Deux jours après je le récupérai et le remis en place, sans que personne ne s’en rendît compte. Petite victoire américaine dans la guerre Froide de l’époque – grâce à ma très humble personne."

"L’Unesco promeut un programme mondialiste et idéologique", a cinglé le département d’Etat américain dans son communiqué de retrait de l’Unesco, en juillet 2025, Will Scharf, conseiller de Donald Trump, brocardant un "biais antiaméricain". Soit… exactement le discours tenu à la fondation de l’institution, en 1945. "L’Unesco est en danger de tomber aux mains du Komintern", écrit Jefferson Caffery, ambassadeur des Etats-Unis en France, au département d’Etat, en mars 1947. L’URSS n’y adhère pourtant qu’en 1954.

A cette époque, si les tentatives de noyautage soviétique ne font aucun doute, les Américains ne sont pas en reste. Dans sa thèse consacrée à l’Unesco de 1945 à 1974, l’historienne Chloé Maurel exhume le pacte secret entre la diplomatie américaine et… Vittorino Veronese, directeur général de l’organisation de 1958 à 1961. Cet avocat italien transmet des éléments confidentiels sur l’URSS aux Etats-Unis, et va jusqu’à quitter son poste à un moment qu’il juge opportun pour Washington. "La démission de Veronese, loin d’être improvisée sous le coup de la maladie et de la fatigue, est un geste tactique mûrement pesé, qui vise à favoriser l’élection d’un nouveau directeur général favorable au camp atlantiste", écrit Chloé Maurel. Clin d’œil cinématographique, dans Charade (1963), le thriller d’espionnage de Stanley Donen, avec Audrey Hepburn et Cary Grant, l’héroïne officie comme interprète à l’organisation Euresco… ou plutôt à l’Unesco, puisqu’une scène est jouée devant le bâtiment de la place Fontenoy.

Depuis une vingtaine d’années, les luttes d’influence prennent des formes renouvelées. Au sein de l’Unesco s’est développé un étonnant trafic de passeport diplomatique, contre lequel l’institution ne peut rien, souveraineté des Etats oblige. Une dizaine d’îles des Caraïbes ou du Pacifique se choisiraient comme ambassadeur des personnalités sans aucun lien avec le pays… mais au compte en banque bien fourni. Un récent article du Parisien chiffre le tarif de ces combines à un million d’euros par nomination.

Effet pervers, ces personnalités ou leur numéro deux mettraient volontiers leur vote aux enchères, un marchandage apprécié par la Russie ou la Chine. "Ce phénomène des désignations de complaisance simplifie l’entrisme de certains pays", remarque le consultant Nicolas Hénin, spécialiste des guerres d’influence. Comme une continuation de l’ingérence par d’autres moyens.

© Hippolyte Jacquet

Les espions se sentent chez eux à l’Unesco.

Donald Trump reçoit Volodymyr Zelensky en Floride pour discuter du plan de paix pour l'Ukraine

28 décembre 2025 à 18:08

Le président ukrainien doit rencontrer son homologue américain à Mar-a-Lago à 19 heures (heure de Paris). Un appel téléphonique entre des dirigeants européens, Volodymyr Zelensky et Donald Trump est prévu dans la foulée.

Le président ukrainien reconnaît que deux points de blocage majeurs apparaissent dans les pourparlers entre Washington et Kiev : le sort de la région du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, et le contrôle d’une centrale nucléaire occupée par la Russie.

Ces rencontres surviennent alors que plus d'un million de foyers ukrainiens sont sans électricité samedi dans la capitale Kiev et sa région après de nouvelles frappes russes massives survenues dans la nuit et ayant fait deux morts.

18h

Trump dit avoir eu un appel "très productif" avec Poutine, avant de rencontrer Zelensky

Donald Trump a dit dimanche avoir eu un appel "très productif" avec son homologue russe Vladimir Poutine, moins de deux heures avant le début de sa rencontre prévue avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky en Floride.

"Je viens d'avoir un bon entretien téléphonique, très productif, avec le président russe Vladimir Poutine, avant ma rencontre, aujourd'hui à 13H00, avec le président ukrainien Zelensky", a écrit le président américain sur son réseau Truth Social.

16h03

Un entretien téléphonique avec les Européens est prévu après la rencontre Zelensky-Trump, selon Kiev

Un appel téléphonique entre des dirigeants européens et les présidents ukrainien et américain est prévu dimanche après la rencontre entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump en Floride, a annoncé un porte-parole de Kiev.

Est prévu un "appel téléphonique entre le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le président américain Donald Trump avec les dirigeants européens", a indiqué aux journalistes Serguiï Nykyforov, le porte-parole de M. Zelensky, précisant que "la liste définitive des participants est encore en cours d'élaboration".

21h05

Volodymyr Zelensky a "le plein soutien" des Européens avant de rencontrer Trump

Les dirigeants des principaux pays européens, du Canada, de l'UE et de l'Otan ont assuré samedi le président ukrainien Volodymyr Zelensky de "leur plein soutien" avant sa rencontre avec Donald Trump, a indiqué le chancelier allemand Friedrich Merz. Au cours d'une visioconférence organisée lors de son escale au Canada, à la veille d'une rencontre cruciale en Floride avec le président américain, Volodymyr Zelensky a informé ses soutiens "de l'état d'avancement des négociations", a précisé le porte-parole du dirigeant allemand, Stefan Kornelius, dans un communiqué.

Friedrich Merz a aussi assuré que les efforts des Européens et du Canada pour "une paix durable et juste en Ukraine" se feraient "en étroite coordination avec les États-Unis". Volodymyr Zelensky doit s'entretenir avec Donald Trump à propos des "questions sensibles" que sont le sort du Donbass ukrainien et les garanties de sécurité occidentales pour l'Ukraine, dans le cadre des négociations sur la plan américain visant à mettre fin à bientôt quatre ans de guerre avec la Russie.

En dépit de ces efforts diplomatiques, des frappes russes massives sur Kiev et sa région ont tué deux personnes et laissé plus d'un million de foyers sans électricité. Ces nouvelles frappes montrent que la Russie "ne veut pas mettre fin à la guerre", a déclaré Volodymyr Zelensky, avant son départ pour le Canada et les Etats-Unis.

20h42

Les frappes russes en Ukraine montrent la "détermination de la Russie à prolonger la guerre"

Emmanuel Macron a condamné samedi les frappes massives russes sur la ville de Kiev et sa région, qui illustrent, selon lui, la détermination de la Russie à prolonger la guerre qu'elle a déclenchée", selon son entourage. "Le Président de la République a exprimé la condamnation par la France de la nouvelle vague de frappes russes intervenue dans la nuit en Ukraine. Il a souligné que cette vague de frappes illustrait à nouveau le contraste entre la disposition de l'Ukraine à bâtir une paix et durable et la détermination de la Russie à prolonger la guerre qu'elle a déclenchée il y a près de 4 ans, y compris en continuant de s'attaquer aux civils", a indiqué cette source.

Le président français s'est exprimé lors d'un appel téléphonique entre des dirigeants européens et le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui se trouve à Halifax (Canada) à la veille d'une rencontre avec le président américain Donald Trump dimanche en Floride.

Dans la nuit de vendredi à samedi, Kiev a été visée par plus de 519 drones et 40 missiles, dont respectivement 474 et 29 ont été abattus, selon l'armée de l'air ukrainienne. Ces attaques, qui visaient comme lors des précédentes frappes des infrastructures énergétiques, ont fait deux morts et une quarantaine de blessés à Kiev et dans sa région, ont indiqué les autorités locales.

Emmanuel Macron a souligné samedi "la nécessité de continuer à œuvrer dans ces jours-ci pour la paix, en insistant sur le besoin d'un cessez-le-feu adossé à des garanties de sécurité robustes et durables pour l'Ukraine", qui "seront centrales pour tout règlement", selon la même source. "La France est déterminée à travailler étroitement avec les États-Unis sur ce sujet en s'appuyant sur le travail réalisé dans le cadre de la Coalition des Volontaires qu'elle co-préside avec le Royaume-Uni et qui associe 35 pays", poursuit l'entourage du président français. "Le Président de la République a rappelé que les Européens devaient être pleinement associés aux discussions sur les sujets les concernant", a-t-on ajouté.

19h22

Obtenir la paix en Ukraine nécessite "une Russie prête à coopérer", dit le Premier ministre du Canada

Le Premier ministre canadien Mark Carney a insisté samedi sur le fait que tout accord de paix en Ukraine nécessiterait "une Russie prête à coopérer", alors qu'il rencontrait au Canada Volodymyr Zelensky, en route vers la Floride pour s'entretenir avec Donald Trump. "Nous avons les moyens et la possibilité (d'obtenir) d'une paix juste et durable (en Ukraine), mais cela nécessite une Russie prête à coopérer", a déclaré Mark Carney lors d'un bref échange à la presse à Halifax aux côtés du président ukrainien, qui doit rencontrer dimanche son homologue américain.

Les dirigeants canadien et ukrainien devaient avoir un échange bilatéral puis participer ensuite à un appel avec des dirigeants européens. Ces échanges porteront sur les négociations en cours pour tenter de mettre fin à ce conflit en cours depuis près de quatre ans, à la veille de la réunion entre les présidents ukrainien et américain qui doit porter sur l'épineuse question des territoires et celles des garanties de sécurité occidentales. "Demain, j'aurai, je l'espère, une réunion très importante et très constructive avec le président Trump", a déclaré samedi Volodymyr Zelensky depuis Halifax au Canada.

Ces rencontres surviennent alors que plus d'un million de foyers ukrainiens sont sans électricité samedi dans la capitale Kiev et sa région après de nouvelles frappes russes massives survenues dans la nuit et ayant fait deux morts. "Cette attaque constitue, une fois de plus, la réponse de la Russie à nos efforts de paix. Et cela montre vraiment que Poutine ne veut pas la paix, alors que nous la voulons", a insisté le président ukrainien.

Condamnant la "barbarie" de ces frappes, le Premier ministre canadien Mark Carney a insisté sur le besoin de soutenir "l'Ukraine en cette période difficile". Il a ainsi annoncé une nouvelle aide économique de 2,5 milliards de dollars canadiens (1,5 milliard d'euros) qui devrait selon lui permettre de débloquer des financements internationaux "afin d'entamer" le processus de reconstruction de l'Ukraine.

© afp.com/Genya SAVILOV

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky à Kiev, en Ukraine, le 4 décembre 2025

Trois satellites iraniens lancés depuis la Russie : ce nouveau signe de proximité entre Téhéran et Moscou

28 décembre 2025 à 17:13

Un nouvel échange de bons procédés entre Téhéran et Moscou. Soutien actif du Kremlin dans sa guerre menée en Ukraine sur le plan de l’armement, l’Iran a cette fois bénéficié ce dimanche 28 décembre des installations aérospatiales russes pour lancer trois satellites dans l’espace.

Ces engins, Zafar-2, Paya et Kowsar 1.5, tous fabriqués localement, "ont été lancés dans l’espace par une fusée Soyouz depuis le Centre spatial Vostochny en Russie", s’est félicitée la télévision iranienne. Isolé sur la scène internationale, le régime des mollahs dispose d’une industrie aérospatiale autonome capable de concevoir notamment des fusées et des satellites.

Poursuite du programme spatial iranien

Les trois "satellites d’observation" lancés ce dimanche ont été conçus par "le secteur privé", a souligné l’agence de presse officielle Irna. D’après la même source, l’appareil nommé "Paya" est considéré comme "le satellite d’imagerie de fabrication nationale le plus avancé" et le plus lourd (150 kilos). Il a recours à l’intelligence artificielle pour améliorer la résolution des images, qui seront destinées à la "gestion des ressources en eau", la "surveillance environnementale" et la "cartographie", a précisé l’agence.

Bien qu’isolé au niveau international, l'Iran poursuit son propre programme spatial. Le pays assure que ces activités sont pacifiques et conformes à une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. Fin 2024, l’Iran avait pour la première fois lancé simultanément trois satellites avec le lanceur Simorgh construit par le ministère iranien de la Défense. Les technologies lancées dimanche seront placées en orbite à 500 kilomètres de la Terre. Elles auront une durée de vie de trois à cinq ans. D’après Fars, une autre agence proche du pouvoir iranien, le lanceur russe Soyouz a cette fois été préféré, car il s’agit de l’un des "plus fiables au monde […] pour le transport de satellites sensibles".

Crainte des pays occidentaux

L’Iran a déjà procédé à une dizaine de lancements de satellites ces deux dernières années, dont l’un en juillet depuis la même base en Russie. En septembre 2024, Téhéran avait aussi mis en orbite en septembre sa plus lourde charge utile spatiale, comprenant un satellite et un remorqueur spatial, à l’aide d’un lanceur développé au sein de ses frontières, selon les médias officiels. Les autorités du pays disposent notamment d’un centre de lancement spatial à Semnan, dans l’est du pays, ainsi qu’à Chabahar, dans le sud-est du pays, au bord du golfe d'Oman.

Les pays occidentaux craignent que ces systèmes de lancement de satellites intègrent des technologies interchangeables avec celles des missiles balistiques, potentiellement capables de transporter une ogive nucléaire. Téhéran réfute ces accusations et nie chercher à se doter de l’arme atomique. Sans convaincre la communauté internationale, interpellée par ses taux élevés d’enrichissement d’uranium. En juin dernier, l’armée américaine avait frappé plusieurs sites liés au programme nucléaire iranien, dans le sillage de nombreux raids aériens menés par Israël dans le pays.

© Handout / Russian Space Agency Roscosmos / AFP

L'Iran a lancé trois satellites fabriqués localement depuis le site de Vostochny, en Russie, ce dilmanche 28 décembre.

Le "probiv", ce marché illégal de données qui se retourne contre le Kremlin en Russie

28 décembre 2025 à 16:29

C’est un système méconnu, propre à la société russe. Le "probiv", une pratique illégale de récupération de données sensibles, est désormais dans le viseur du Kremlin. Longtemps tolérés, voire utilisés par les autorités russes, les outils numériques permettant d’obtenir tout genre d’informations personnelles liées à des particuliers, des entreprises ou des administrations, sont dorénavant proscrits par Moscou. Depuis fin 2024, l’accès ou la diffusion de telles données volées est puni jusqu’à 10 ans de prison par la loi russe. Un changement de doctrine brutal, après des années de laisser-faire du pouvoir, qui n'empêche toutefois pas la pratique de se poursuivre au nez et à la barbe des autorités.

Un système utilisé à la fois par les pro et les anti-Poutine

Concrètement, comment est organisé le "probiv" (du russe "percer") ? Comme expliqué par le média indépendant russe Mediazona, proche de l’opposition à Vladimir Poutine, ce réseau permet à n'importe qui d'acheter, pour quelques dollars sur des applications comme Telegram ou sur le dark web, des informations personnelles de toute personne en Russie que l'on souhaite surveiller. Ce réseau se structure en deux offres. L’une est disponible à tout un chacun, quand l’autre, plus développée, est réservée à certains professionnels, comme les détectives privés, ou des sociétés évoluant dans le domaine de la sécurité. Dans un cas comme dans l’autre, les vendeurs monnayent l’accès à des informations personnelles issues d’administrations publiques, d’organismes étatiques ou d’entreprises à l’activité sensible. Pour ce faire, ils s’appuient sur un large réseau de fonctionnaires, salariés ou policiers corrompus à même de leur transmettre de telles bases de données.

Ces éléments (numéros de plaques d’immatriculation, adresses personnelles, passeports, relevés d'appels, géolocalisation téléphonique…) sont ensuite mis sur le marché pour être achetés, parfois à bas coût. Dans un article consacré au sujet, The Guardian explique qu’avant les récentes restrictions, ce marché profitait aussi bien au pouvoir russe qu’à ses détracteurs. Alors que la presse est très contrôlée en Russie, certains journalistes indépendants ont certes pu recourir au "probiv" pour travailler sur des affaires. L’unité des services secrets russes à l’origine de l’empoisonnement de l'opposant anti-Poutine Alexeï Navalny, en 2020, a pu être dévoilée dans les médias par ce biais. Mais, dans le même temps, les forces de l’ordre utilisaient aussi cette méthode pour museler toute forme de rébellion. Le "probiv" permettait ainsi de faire gagner du temps aux policiers lors de leurs enquêtes.

Un article du New York Times décrivait en 2021 un phénomène "presque exclusivement russe". "Il y a quelques années, Roman Dobrokhotov, fondateur de The Insider en 2013, se trouvait à Kiev, rapporte le quotidien new-yorkais. Il raconte avoir demandé à un journaliste local où trouver les relevés téléphoniques d'une personne sur laquelle il menait des recherches et avoir été surpris d'apprendre que ce n'était pas une pratique courante. Il a alors compris que 'la Russie est sans doute le pays le plus transparent au monde', ajoutant : 'Avec dix dollars, on peut trouver n'importe quelle information sur n'importe qui.'"

Pirates informatiques ukrainiens

Pourquoi donc les autorités russes ont-elles soudainement décidé de restreindre le fonctionnement de ce réseau d’information parallèle ? Plusieurs raisons peuvent l’expliquer. D’une part, de nombreux malfaiteurs profitaient du "probiv" pour obtenir des informations dans l’optique de commettre des escroqueries. Leur procédé consiste à soutirer, lors d’arnaques téléphoniques, de l’argent à leurs victimes grâce à ces renseignements.

Autre facteur encore plus déterminant : l’utilisation par l'Ukraine de ces données pour déstabiliser son voisin russe. Depuis l’invasion du territoire ukrainien par les troupes du Kremlin en février 2022, des hackeurs pro-Kiev parviennent ainsi régulièrement à s’engouffrer dans ces fuites de données. Ils publient ensuite en ligne des informations sensibles venues d’administrations ou d’entreprises russes. AlfaBank, une importante banque russe, a notamment été touchée l’an dernier par une action de ce type.

Plusieurs personnalités liées au "probiv" ont été ciblées par Moscou ces derniers mois. Les responsables d’UserBox, un des principaux bots utilisés en Russie pour cet usage, ont été arrêtés. D’autres opérateurs ont transféré leurs activités à l’étranger pour échapper aux sanctions. Mais les résultats de cette nouvelle politique ne sont pas forcément escomptés. Selon le journaliste russe Andrei Zakharov, collaborateur de la BBC et auteur d’un livre sur le "probiv", ces services "publient" désormais "des fuites sensibles les unes après les autres". "Avant, ils collaboraient encore avec les services de sécurité, ou bien, ils y réfléchissaient à deux fois avant de divulguer des informations extrêmement sensibles", développe-t-il, auprès du Guardian. "Maintenant, ils n’ont plus aucun contrôle."

© Ramil Sitdikov / POOL / AFP

Le président russe Vladimir Poutine, le 26 septembre 2025, à Moscou (Russie).

Espagne : malgré les déboires qui s’accumulent, le maintien sur un fil de Pedro Sánchez au pouvoir

28 décembre 2025 à 13:05

Une défaite électorale au pire moment pour Pedro Sánchez. Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) du Premier ministre en poste à Madrid a essuyé de mauvais résultats le 21 décembre dans les urnes, lors d’un scrutin régional organisé en Estrémadure, dans l’ouest de l'Espagne. Dans cette région longtemps acquise à la gauche, le Partido popular (PP), principale formation à droite de l’autre côté des Pyrénées, l’a de nouveau emporté, comme lors du dernier scrutin. Cette déroute est loin d’être anecdotique pour les socialistes, car elle pourrait préfigurer l’accord redouté par la gauche au niveau national.

En effet, bien qu’arrivé en tête en Estrémadure, le PP a besoin des voix des élus du parti d’extrême-droite Vox pour obtenir une majorité au sein de l’assemblée régionale et pouvoir gouverner. Un schéma, qui, s’il se répétait au moment des élections législatives, constituerait une véritable menace pour les socialistes et Pedro Sánchez. Le PSOE a d’ailleurs fait de ce scénario un argument pour convaincre les Espagnols de continuer à lui accorder sa confiance. Mais le Premier ministre, au pouvoir depuis 2018 et plus fragilisé que jamais, est-il la personnalité idoine à gauche pour incarner cette alternative à une alliance entre la droite et les nationalistes ? Celui-ci croit en tout cas toujours à sa stratégie et compte bien rester en poste jusqu’à la fin de son mandat, en 2027.

Affaires de corruption et #MeToo interne

Pourtant, les nuages s’accumulent au-dessus de l’avenir de son gouvernement. Avec, ces derniers mois, des procédures judiciaires qui ternissent particulièrement l’image de Pedro Sánchez. Plusieurs de ses proches sont ainsi soupçonnés d’être impliqués dans différentes affaires de corruption. José Luis Abalos, ex-ministre des Transports et réputé proche du Premier ministre, est ainsi accusé d’avoir perçu des pots-de-vins dans le cadre de l’octroi de marchés publics. Des soupçons similaires pèsent sur l’ancien numéro 3 du PSOE Santos Cerdán. Pire encore, la proche famille du Premier ministre est concernée par ce genre de mise en cause. Son épouse Begoña Gómez est citée dans plusieurs dossiers, notamment de détournement de fonds, quand son frère, le chef d’orchestre David Sánchez, doit être jugé pour trafic d’influence.

Au total, une dizaine d’enquêtes liées à la corruption concernent le PSOE depuis l’arrivée de Pedro Sánchez au palais de la Moncloa. De quoi mettre à mal la promesse du socialiste d’éradiquer ce fléau en politique. Un argument qu’il mettait en avant en 2018, lorsque le PP, le parti de son prédécesseur Mariano Rajoy, était lui-même englué dans un scandale XXL de corruption. Mais ce n’est pas tout. Les actuels déboires judiciaires de la formation de gauche se combinent avec une série d’accusations de violences sexistes et sexuelles (VSS) par des cadres du parti. Plusieurs maires, un sénateur ou encore un responsable interne ont été mis en cause par des plaignantes pour des comportements inappropriés à caractère sexuel. Et, là encore, un proche du Premier ministre a été épinglé : son ex-conseiller gouvernemental Francisco Salazar.

Le traitement des signalements au sein du parti de Pedro Sánchez, qui a fait de son soutien aux combats féministes un des piliers de sa politique, a par ailleurs été pointé du doigt. "Il y a beaucoup de machisme à nettoyer au sein du PSOE", a notamment accusé, auprès du site web Articulo 14, une des militantes ayant pris la parole pour dénoncer l’une des figures socialistes mise en cause. Tant pour la corruption qu’au sujet de ces accusations de VSS, le PSOE est donc accusé de n’avoir pas vraiment pris au sérieux les enjeux de ces problématiques. Le Premier ministre, lui, a tenté de tempérer les dysfonctionnements constatés au sein de son parti, jurant agir de façon "ferme" sur ces deux thèmes.

Coalition à l’avenir incertain

Sur le plan politique, Pedro Sánchez est également très affaibli. Formée en 2023, cette coalition formée avec le parti de gauche radicale Sumar semble menacée. Les responsables de ce dernier ont réclamé un remaniement en profondeur son gouvernement, ce que le Premier ministre se refuse à faire jusqu’à présent. Cet automne, la rupture de son alliance avec les indépendantistes catalans de Junts, emmenés par leur chef de file Carles Puigdemont, a encore un peu plus compliqué l’équation. Plus qu’une chute rapide de son gouvernement, difficilement imaginable à court terme par la fragmentation du paysage politique espagnol, l’inertie apparaît comme le principal danger pour Pedro Sánchez. Pour la troisième année consécutive, les parlementaires ont ainsi échoué à faire voter un budget pour le pays.

Le Premier ministre pourrait-il se contenter d’une telle situation ? Le dirigeant a pour lui de très bons résultats économiques. La croissance va tutoyer les 3 % en 2025, à la faveur d’un secteur touristique florissant, de l’immigration légale incitée par Madrid et de fonds du plan de relance européen – dont a largement bénéficié l’Espagne – investis de manière pertinente. "L’absence de budget peut même, à court terme, s’avérer paradoxalement bénéfique : certaines dépenses ne pouvant être modifiées, la dépense publique n’augmente pas, ce qui peut contribuer à contenir, voire à réduire, le déficit", expliquait le professeur d’économie à l’IE University de Madrid, Juan Carlos Martinez Lazaro, dans un entretien accordé au Monde le 21 décembre. Le taux de chômage toujours élevé (autour de 10 %) et la crise du logement contrebalancent néanmoins ce bilan économique plutôt positif.

L’année 2026 risque d’être décisive pour l’avenir de Pedro Sánchez et de son équipe. Plusieurs élections régionales y seront organisées en Aragon, en Andalousie et en Castille-et-León. De nouvelles déconvenues socialistes mettraient véritablement à mal le socle gouvernemental centré autour du PSOE. Pendant ce temps, les adversaires du Premier ministre, eux, restent en embuscade. Dans un article, El País prédit les douze prochains mois à venir comme "l’année de la tempête parfaite pour le gouvernement". "Dans l’opposition, le PP et Vox pensent que Sánchez va tomber comme un fruit mûr et que la droite va faire une entrée fracassante à La Moncloa avec une forte majorité et une faiblesse de la gauche, qui lui permettra de rêver d’y rester plusieurs années", écrit donc le grand quotidien national. Et ce quitte à attendre, en 2027, le départ du socialiste… qui n’a pas renoncé à refaire acte de candidature pour un nouveau mandat.

© afp.com/Borja Puig de la Bellacasa

Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, lors d'une prise de parole à Madrid (Espagne), le 8 septembre 2025.

Nouveau scandale en Ukraine : des députés accusés de corruption à la veille de la rencontre Zelensky-Trump

27 décembre 2025 à 17:50

L'agence anticorruption ukrainienne (NABU) a accusé samedi plusieurs députés d'avoir accepté des pots-de-vin en échange de leur vote au Parlement et tenté de perquisitionner des bureaux gouvernementaux à Kiev, un nouveau scandale révélé juste après le départ du président Volodymyr Zelensky pour les Etats-Unis. Le NABU a indiqué sur Telegram avoir "mis au jour un groupe criminel organisé comprenant des membres actuels du Parlement" qui "recevaient systématiquement des avantages illégaux pour voter à la Rada".

Des enquêteurs ont tenté de perquisitionner des locaux de comités parlementaires à Kiev mais en ont été empêchés par les forces de sécurité, a précisé cette instance. "Entraver les actions d'enquête constitue une violation directe de la loi", a-t-elle averti. Le service de sécurité de l'Etat a ensuite indiqué sur Facebook que les enquêteurs du NABU "ont été autorisés à entrer dans le quartier gouvernemental", où se situent les locaux de nombreuses institutions. Le NABU n'a pas précisé si des arrestations avaient eu lieu dans cette affaire.

Départ de Zelensky pour la Floride

Ce nouveau scandale de corruption au sein de l'Etat ukrainien éclate juste après le départ de Volodymyr Zelensky pour la Floride, où il doit rencontrer son homologue américain Donald Trump dans le cadre des négociations sur le plan visant à mettre fin à la guerre avec la Russie. La présidence ukrainienne avait déjà été déstabilisée par un vaste scandale de corruption portant sur le détournement présumé de près de 100 millions de dollars dans le secteur énergétique impliquant un proche ami de Volodymyr Zelensky, qui se trouve aujourd'hui en fuite à l'étranger. Cette affaire avait poussé à la démission deux ministres et le puissant chef de l'administration présidentielle Andriï Iermak, également cité, qui était le négociateur privilégié avec Washington.

Si l'Ukraine est dotée d'une agence anticorruption, le NABU, et d'un parquet spécialisé, le SAP, les affaires dévoilées se traduisent rarement par des condamnations en justice. Créé en 2014 sous pression européenne et américaine, le NABU est une instance dotée uniquement d'un pouvoir d'enquête et dont le directeur est nommé par le cabinet des ministres, mais qui jouit d'une indépendance au sein de l'appareil ukrainien.

Cet été, la présidence avait tenté de priver le NABU et le SAP de leur indépendance en subordonnant leurs activités au procureur général, qui répond lui-même à Volodymyr Zelensky. Ce dernier avait dû faire marche arrière face à la levée de boucliers au sein de la société civile et chez les alliés occidentaux de Kiev. Cette tentative avait provoqué les premières manifestations d'ampleur en Ukraine depuis le début de l'invasion russe en 2022.

La corruption est un mal endémique en Ukraine comme dans nombre d'autres pays de l'ex-URSS, notamment la Russie. Depuis le début de l'invasion russe en 2022, de multiples affaires ont été révélées, y compris dans l'armée et le secteur de la défense. Les militants anticorruption se plaignent de faire l'objet de pressions politiques et d'un harcèlement judiciaire visant à entraver leur travail.

© AFP

Le président Volodymyr Zelensky s'adresse aux membres du parlement ukrainien à Kiev, le 16 octobre 2024.

"Génocide" des chrétiens au Nigeria : ce qu’il faut comprendre des frappes américaines visant des djihadistes de l'Etat islamique

27 décembre 2025 à 17:27

Il se pose en défenseur des communautés chrétiennes. Le jeudi 25 décembre, Donald Trump a annoncé que les Etats-Unis avaient mené de "nombreuses" frappes meurtrières contre l'Etat islamique, dans l’Etat de Sokoto, au nord-ouest du Nigeria. Le dirigeant américain accuse l’organisation terroriste, qui sévit dans le pays le plus peuplé d’Afrique de l’Ouest, de perpétrer des crimes qu’il qualifie de "massacres de chrétiens", affirmant que ces derniers subissent une "menace existentielle" de l’ordre du "génocide". Une lecture confessionnelle de ce conflit complexe, remise en question par de nombreux experts. L’Express fait le point sur la situation.

⋅ Pourquoi Donald Trump a-t-il officiellement ordonné ces frappes ?

Les Etats-Unis ont annoncé avoir mené, le jour de Noël, plusieurs frappes contre des positions de l’Etat islamique dans le nord-ouest du Nigeria, à la demande des autorités nigérianes. Ces frappes ont été menées par des missiles guidés tirés depuis des drones évoluant à moyenne altitude, "depuis des plateformes maritimes basées dans le golfe de Guinée", a précisé vendredi soir le ministre nigérian de l’Information, Mohammed Idris. "Au total, 16 munitions de précision guidées par GPS ont été déployées à l’aide de plateformes aériennes sans pilote MQ-9 Reaper, neutralisant avec succès des éléments de l’Etat islamique qui tentaient de pénétrer au Nigeria depuis le corridor sahélien", a-t-il détaillé dans un communiqué.

Donald Trump, lui, a justifié cette intervention par la nécessité de répondre à ce qu’il a qualifié de "massacres de chrétiens" par le groupe terroriste, et s’est félicité que "tous les camps" djihadistes visés par l’armée américaine ont été "décimés", dans une interview diffusée le 26 décembre par le média Politico. Une grande partie des violences récentes dans l’État de Sokoto — une région à majorité musulmane - est imputable à un groupe appelé Lakurawa, d’après l’Armed Conflict Location and Event Data Project (ACLED). Certains analystes, y compris ceux d’ACLED, associent ce groupe à l’État islamique, tandis que d’autres affirment que Lakurawa est affilié à une organisation rivale affiliée à Al-Qaïda.

⋅ Les chrétiens font-ils l’objet d’un massacre comme l’affirme Donald Trump ?

"L’essentiel des violences dites religieuses concerne en réalité des musulmans tués par d’autres musulmans, notamment dans le cadre des actions de la mouvance Boko Haram. Il existe bien sûr des attaques ciblant des chrétiens, parfois contre des églises, mais elles restent très minoritaires", affirme aux Echos Marc-Antoine Pérouse de Montclos, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (l’IRD).

Au Nigeria, la violence est en effet protéiforme, et varie selon les régions. Dans le nord-est, les militants de Boko Haram et de l’État islamique sont actifs ; dans le nord-ouest, les bandits – dont certains sont liés à des groupes islamistes – prédominent ; et dans le centre du pays, les conflits entre agriculteurs chrétiens et éleveurs musulmans sont monnaie courante, mais avant tout pour des raisons foncières et politiques, liées à l’accès à la terre et aux ressources.

"Les zones que les Américains ont frappées et au-dessus desquelles ils mènent leurs opérations de surveillance aérienne ne sont pas les régions dans lesquelles on a enregistré le plus de morts dans la communauté chrétienne. Les chrétiens sont surtout victimes de la violence dans la Middle Belt, au cœur d’un intense conflit entre éleveurs et agriculteurs. Mais il serait extrêmement difficile de conduire des frappes dans cette région sans risquer de faire des victimes collatérales", appuie Nnamdi Obasi, chercheur à l’International Crisis Group, interrogé par RFI.

⋅ Que dit le Nigeria ?

Le Nigeria conteste la grille de lecture confessionnelle imposée par Donald Trump. Au micro de la BBC, le ministre nigérian des Affaires étrangères, Yusuf Maitama Tuggar, a déclaré qu’il s’agissait d’une "opération conjointe" contre des "terroristes", et qu’elle "n’avait rien à voir avec une religion en particulier". Après des discussions entre les ministères américain et nigérian de la Défense, Tuggar a indiqué que le secrétaire d’État Marco Rubio l’avait appelé jeudi soir. Durant leur conversation de 19 minutes, le ministre nigérian a insisté sur le fait que les communications relatives aux frappes ne devaient pas être "entravées par la question religieuse", et a ensuite rapporté cette conversation au président nigérian, Bola Ahmed Tinubu, qui a approuvé les frappes. "Cela fait partie de notre lutte contre l’insécurité. Cette opération sera un effort conjoint continu de lutte contre le terrorisme au Nigeria jusqu’à ce que nous démantelions leurs cellules au Nigeria et aux abords de nos frontières", a-t-il encore affirmé au Washington Post.

Car dans l’État de Sokoto et dans le nord du pays, les extrémistes imposent des versions de plus en plus strictes de la loi islamiste, exigeant par exemple des résidents qu’ils respectent des codes vestimentaires conservateurs et qu’ils suppriment la musique de leurs téléphones. Pour Malik Samuel, chercheur principal chez Good Governance Africa, qui étudie les militants islamistes depuis plus de dix ans, cela explique que de nombreux Nigérians accueillent favorablement cette intervention américaine, alors qu’ils accusent leur gouvernement de ne pas avoir fait assez pour "résister" face à cette menace. En revanche, pour ce spécialiste, le terme de "génocide" utilisé par Donald Trump est là encore inexact, et son affirmation selon laquelle des militants de l’Etat islamique auraient été touchés est "douteuse", explique-t-il au Washington Post.

⋅ Quelle serait la vraie raison de l’intervention de Donald Trump ?

"Cette séquence s’inscrit dans une dynamique engagée dès le début de l’année 2025, lorsque des représentants d’églises évangéliques nigérianes ont été auditionnés au Congrès américain, dénonçant un prétendu génocide et appelant à des sanctions contre le gouvernement nigérian. Cette rhétorique, portée par des milieux religieux conservateurs, trouve un écho particulier aux Etats-Unis, où ces courants constituent une base électorale importante de Donald Trump", éclaire Marc-Antoine Pérouse de Montclos, toujours dans Les Echos.

Fin octobre, à l’issue de cette campagne de lobbying, l’administration Trump avait en effet réinscrit le Nigeria sur la liste des pays "particulièrement préoccupants" en matière de liberté de culte, débouchant sur des pressions diplomatiques et des sanctions à l’égard du pays. Dans la foulée, le président américain avait enchaîné les menaces contre ce "pays en disgrâce", liste le think tank indépendant International Crisis Group : coupe dans les aides financières, menace d’intervention militaire, restriction de l’octroi de visas aux Nigérians, etc.

"L’attaque contre l’EI au Nigeria est-elle liée à une campagne antiterroriste plus vaste ? Ou ces frappes visent-elles à apaiser les chrétiens des États-Unis qui constituent une partie de l’électorat du président ?", a d’ailleurs fait mine de s’interroger Colin P. Clarke, directeur exécutif du Soufan Center, une société de renseignement et de conseil basée à New York, dans un courriel adressé au New York Times. "Je suis tout à fait favorable à la lutte contre Daech en Afrique, mais sa raison d’être ne devrait pas être idéologique ou religieuse", a-t-il ajouté, estimant que "les États-Unis devraient démanteler la menace que représente Daech en Afrique car elle constitue un risque pour la sécurité nationale et les intérêts américains".

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Le président américain Donald Trump dans sa résidence de Mar-a-Lago, à Palm Beach, le 22 décembre 2025 en Floride

Accès à la mer Rouge, coopération économique... Pourquoi Israël est le premier Etat à reconnaître le Somaliland ?

27 décembre 2025 à 12:30

C’est une décision qui enflamme une grande partie de l’Afrique. Vendredi 26 décembre, Israël est devenu le premier pays au monde à reconnaître le Somaliland, un territoire situé à la pointe nord-ouest de la Somalie, comme un Etat "indépendant et souverain". De la taille environ de la Tunisie, cette république autoproclamée a déclaré unilatéralement son indépendance en 1991, et fonctionne depuis en autonomie, avec ses propres monnaie, armée et police. Jusqu’à présent, elle n’était reconnue officiellement par aucun pays, ce qui la maintenait dans un certain isolement politique et économique malgré sa situation à l’entrée du détroit de Bab Al-Mandeb, sur l’une des routes commerciales les plus fréquentées au monde reliant l’océan Indien au canal de Suez.

Très vite, la Somalie a condamné une "attaque délibérée contre sa souveraineté", estimant que cette reconnaissance par Israël exacerbait "les tensions politiques et sécuritaires dans la Corne de l’Afrique, la mer Rouge et le golfe d’Aden, le Moyen-Orient et la région au sens large", a averti le bureau du premier ministre somalien, Hamza Abdi Barre, dans un communiqué.

Une pluie de condamnations

L’annonce israélienne a provoqué également un concert de condamnations dans la région, notamment de la part de Djibouti, de l’Egypte mais aussi de la Turquie qui a dénoncé la "politique expansionniste" d’Israël et une "ingérence manifeste dans les affaires intérieures de la Somalie". Le ministère des affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, lui, s’est inquiété de cette annonce de reconnaissance, affirmant qu’Israël avait "déjà évoqué le Somaliland comme destination pour l’expulsion de représentants du peuple palestinien, en particulier depuis la bande de Gaza". Sur ce sujet, la Somalie a réaffirmé son soutien "indéfectible" aux droits légitimes du peuple palestinien, "notamment à son droit à l’autodétermination et son rejet catégorique de l’occupation, des déplacements forcés." "A cet égard, la Somalie n’acceptera jamais de rendre le peuple palestinien apatride", a ajouté Mogadiscio.

Interrogé par le New York Post sur une éventuelle reconnaissance américaine, Donald Trump a de son côté simplement répondu "non", avant de nuancer : "Nous allons étudier cela", puis de conclure : "Est-ce qu’il y a vraiment des gens qui savent ce qu’est le Somaliland ?"

Sécuriser l’accès à la mer rouge

Quelle mouche a donc piqué Israël ? Selon une note de juillet du think-tank américain Atlantic Council, le renforcement des liens avec le Somaliland permmettrait en effet à Israël de "sécuriser son accès à la mer Rouge" pour faciliter sa lutte contre les rebelles houthistes du Yémen - des soutiens du Hamas qui ont mené plusieurs attaques contre des navires commerciaux et des cibles militaires - "et de contrebalancer l’influence régionale des puissances rivales, tout en consolidant la présence de ses alliés". "À ceux qui se moquent des raisons pour lesquelles Israël s’engagerait au Somaliland : regardez la carte. Le Somaliland est situé sur le golfe d'Aden, à proximité du détroit de Bab el-Mandeb, un point de passage stratégique pour le commerce et l’énergie mondiaux. De l’autre côté du golfe, les Houthis, soutenus par l’Iran, bombardent Israël et ses navires. Le Somaliland offre la stabilité, des ports, un accès aux renseignements et une plateforme non iranienne sur la mer Rouge", a commenté de son côté Mark Dubowitz, directeur général du think tank Foundation for Defense of Democracies, cité par Bloomberg.

Après cette annonce, Benyamin Nétanyahou a évoqué une "belle occasion d’élargir" un partenariat entre les deux pays, notamment dans les domaines économique et agricole. Une déclaration "conjointe et mutuelle" a été signée par les deux parties et le Somaliland a exprimé son intention de rejoindre les accords d’Abraham, un processus qui, en 2020, avait vu plusieurs pays arabes normaliser leurs relations avec Israël. Le ministre des affaires étrangères israélien, Gideon Saar, a déclaré vendredi que les deux pays allaient établir "des relations diplomatiques complètes, avec la nomination d’ambassadeurs et l’ouverture d’ambassades", et le président du Somaliland a été invité en Israël.

© afp.com/oliver contreras

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'adresse à la presse depuis le Capitole, à Washington, le 7 février 2025

Prisonniers en Ukraine, deux soldats nord-coréens rêvent d'une "nouvelle vie" en Corée du Sud

27 décembre 2025 à 11:39

Déployés aux côtés des Russes sur le front ukrainien, blessés au combat puis faits prisonniers, les deux soldats nord-coréens captifs en Ukraine rêvent à présent d'une "nouvelle vie" en Corée du Sud. Un souhait qu'ils ont formulé dans une lettre, pour la première fois avec leurs mots. "Grâce au soutien du peuple sud-coréen, de nouveaux rêves et de nouvelles aspirations ont commencé à prendre racine", expliquent-ils dans ce texte, daté de fin octobre et adressé à une ONG de Séoul qui l'a transmis à l'AFP mercredi. Début novembre, Gyeore-eol Nation United, un groupe d'aide aux transfuges, avait déjà rapporté que ces militaires voulaient faire défection en Corée du Sud. Cette fois en revanche, ils s'expriment directement dans un écrit signé de leurs noms, qui sont gardés secrets pour les protéger.

Les deux hommes, prisonniers depuis janvier après avoir été blessés sur le champ de bataille, remercient ceux qui leur viennent en aide en les "encourageant" et en "voyant cette situation non pas comme une tragédie, mais comme le début d'une nouvelle vie". "Nous croyons fermement que nous ne sommes jamais seuls et considérons les Sud-Coréens comme nos propres parents et frères et sœurs, et nous avons décidé de trouver leur étreinte", ajoutent les soldats.

Du Sud ou du Nord, tous les Coréens sont considérés comme des citoyens de Corée du Sud à part entière, en vertu de la Constitution. Même si les deux Corées sont techniquement toujours en guerre, leur conflit s'étant soldé en 1953 par un armistice et non un traité de paix. Les Nord-Coréens captifs ont remis leur lettre lors du tournage fin octobre d'un entretien, co-organisé par Gyeore-eol Nation United, pour un documentaire, en un lieu dont l'emplacement n'est pas connu. "Les deux ont demandé au producteur, à la fin de l'interview, de les emmener au Sud", avait alors dit à l'AFP Jang Se-yul, directeur de Gyeore-eol Nation United. "Ils ont supplié l'intervieweuse de promettre qu'elle reviendrait les chercher", avait poursuivi Jang Se-yul, qui a lui-même fui la Corée du Nord dans les années 2000. La vidéo de cette interview n'est pas encore disponible, mais devrait être publiée en janvier, selon Jang Se-yul.

"Condamnation à mort"

Le Nord a activement participé à l'effort de guerre de Moscou depuis l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, fournissant du matériel à son allié et, selon le renseignement sud-coréen, quelque 10 000 troupes. Les soldats de Pyongyang ont notamment été déployés dans la région russe de Koursk, partiellement occupée par les forces ukrainiennes entre août 2024 et le printemps 2025.

Mi-décembre, l'agence officielle de Pyongyang avait fait état de la mort de neuf soldats d'une unité du génie militaire nord-coréenne qui avait été déployée pour déminer la région de Koursk. Mais au total, selon les estimations sud-coréennes, au moins 600 militaires nord-coréens sont morts et des milliers ont été blessés. Le renseignement de Séoul a de plus indiqué que les militaires de Pyongyang avaient pour ordre de se suicider afin d'éviter d'être capturés.

Le parlementaire sud-coréen Yu Yong-weon, qui a rendu visite aux prisonniers en Ukraine en février, a raconté que les deux soldats avaient vu des camarades se faire exploser avec des grenades. Les renvoyer en Corée du Nord serait donc comme "une condamnation à mort", a-t-il prévenu. A Séoul, le ministère des Affaires étrangères a appelé l'Ukraine à ne pas "rapatrier de force les prisonniers de guerre nord-coréens", et demandé que leur volonté de rallier le Sud soit respectée.

Pyongyang n'a reconnu avoir envoyé des troupes en Russie qu'en avril, et concédé que certains étaient morts. Les analystes pensent que le Nord reçoit une aide financière, des technologies militaires et des livraisons de nourriture et d'énergie de la part de la Russie en échange de son appui.

© afp.com/Jung Yeon-je

Photo prise à Séoul, le 24 décembre 2025, montrant une copie d'une lettre écrite le 28 octobre 2025 par des prisonniers de guerre nord-coréens en Ukraine

Ukraine : ce que l’on sait de la prochaine rencontre entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky

27 décembre 2025 à 10:26

C’est une rencontre attendue. Ce dimanche 28 décembre, le président ukrainien Volodymyr Zelensky et son homologue américain Donald Trump doivent se réunir en Floride, pour échanger notamment sur le sujet très sensible des territoires occupés par la Russie. Peu avant les négociations, le locataire de la Maison-Blanche avait un message très clair pour son homologue. Volodymyr Zelensky "n’aura rien tant que je ne donne pas mon accord", a-t-il averti dans un entretien accordé vendredi au site Internet Politico. "Je pense que ça se passera bien avec lui. Je pense que ça se passera bien avec [le président russe Vladimir] Poutine", a-t-il encore déclaré, précisant qu’il s’apprêtait à échanger prochainement avec le dirigeant russe, "autant de fois que je le souhaiterai".

Les pourparlers en vue d’un règlement du conflit se sont accélérés ces dernières semaines, à la suite de la présentation d’un plan dévoilé par Donald Trump. Alors que ce document était considéré initialement par Kiev et les Européens comme trop favorable à Moscou, Volodymyr Zelensky a dévoilé cette semaine les détails d’une nouvelle mouture, retravaillée mais critiquée par Moscou, qui a accusé l’Ukraine de vouloir "torpiller" les négociations. Cette version prévoit un gel de l’actuelle ligne de front sans offrir de solution immédiate concernant les revendications territoriales de la Russie, qui occupe plus de 19 % de l’Ukraine. "Nous avons un programme chargé", avait déclaré vendredi le président ukrainien à des journalistes, évoquant une rencontre "pendant le week-end" qui a ensuite été confirmée par son cabinet. Le chef d’État sera reçu par Donald Trump dans sa résidence floridienne de Mar-a-Lago, où il passe les fêtes de fin d’année.

Un accord peu probable

Selon Volodymyr Zelensky, les discussions porteront sur les "questions sensibles" du sort du Donbass, une région industrielle et minière de l’est de l’Ukraine que Moscou revendique, et de la centrale nucléaire de Zaporijjia (Sud) occupée par les soldats russes. Les deux hommes évoqueront aussi les garanties de sécurité que les Occidentaux pourraient fournir à l’Ukraine dans le cadre d’un éventuel accord de paix avec la Russie, a-t-il poursuivi. "Il y a certaines questions dont nous ne pouvons discuter qu’au niveau des dirigeants", a expliqué le président ukrainien, qui s’est entretenu vendredi avec plusieurs dirigeants européens dont le chancelier allemand Friedrich Merz, ainsi qu’avec le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte.

Du côté russe, l’accord semble néanmoins peu probable. Car contrairement à la version originale rédigée par les Américains et présentée il y a plus d’un mois, le nouveau texte ne comprend plus aucune obligation juridique de non-adhésion à l’Otan pour l’Ukraine, un chiffon rouge pour Moscou qui l’a présentée comme l’une des causes de la guerre. Le nouveau texte "diffère radicalement" de ce qui avait été négocié entre Washington et Moscou, a constaté vendredi le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, appelant à revenir aux ententes antérieures, faute de quoi "aucun accord ne pourra être conclu". Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a fait savoir qu’un "contact téléphonique" avait "eu lieu" entre Russes et Américains mais a refusé d’en révéler les détails, car "la diffusion de ces informations pourrait avoir un impact négatif sur le processus de négociation".

En attendant une percée dans les négociations, l’armée russe a accéléré ses avancées ces derniers mois. Mardi, les troupes ukrainiennes avaient dit s’être retirées de Siversk, une ville de l’est, face aux assauts ennemis. Une prise facilitant l’approche des dernières grandes cités du Donbass encore sous contrôle ukrainien, Kramatorsk et Sloviansk. Vendredi, non loin du front dans le nord-est, deux personnes ont été tuées et quatre blessées dans une frappe russe sur Kharkiv, la deuxième ville d’Ukraine.

© afp.com/Mandel NGAN, ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Ce combo montre de gauche à droite le président ukrainien Volodymyr Zelensky à Whasington le 18 août 2025, le président américain Donald Trump le 22 août 2025 à Washington et le président russe Vladimir Poutine à Anchorage, Alaska, le 15 août 2025
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