Des commandants russes exécutent ou envoient délibérément à la mort des soldats refusant de combattre en Ukraine, selon une enquête du média indépendant Verstka, fondé par des journalistes d’investigation en exil. S’appuyant sur des témoignages, des vidéos, des plaintes officielles et documents internes, le média affirme avoir identifié 101 militaires russes accusés d’avoir assassiné, torturé ou puni à mort leurs propres subordonnés.
Au moins 150 décès ont été vérifiés par le média, un chiffre qui pourrait s’avérer bien plus élevé. Depuis le début de l’invasion russe, des rapports évoquent déjà des soldats tués par leur camp ou des unités de blocage empêchant toute retraite. Des accusations que le Kremlin rejette systématiquement.
Les méthodes de terreur internes sont décrites en détail dans le rapport de Verstka. Au fil des lignes, on découvre l’horreur des "tireurs d’exécution", soldats qui reçoivent l’ordre d’abattre les réfractaires, puis de jeter leurs corps dans des rivières ou des fosses peu profondes, en les enregistrant comme morts au combat. Autre technique commune, selon des témoignages : l’usage de drones et d’explosifs pour "achever" les blessés ou les fuyards. Dans plusieurs cas, des officiers auraient ordonné à des opérateurs de drones de larguer des grenades sur leurs propres hommes, maquillant ces meurtres en frappes ennemies.
Combats de "gladiateurs" et missions suicides
A ces meurtres s’ajoute parfois la barbarie. Selon Verstka, des soldats ayant désobéi auraient été jetés dans des fosses grillagées, arrosés et battus pendant des heures. Parfois même, contraints de se battre entre eux "dans des combats de gladiateurs à mort". Une vidéo diffusée en mai 2025 montre deux hommes torse nu dans une fosse tandis qu’une voix dit : "Le commandant Kama a dit que celui qui battra l’autre à mort sortira de la fosse". La voix poursuit : "Achève-le, qu’est-ce que tu attends ?", jusqu’à ce qu’un homme s’effondre.
Le média relie également plusieurs meurtres à des extorsions : des commandants exigeraient régulièrement des paiements pour éviter les missions suicides, ceux qui refusent étant éliminés. L’enquête décrit aussi des cas de soldats envoyés volontairement à la mort, déployés comme mayachki (des "balises") — forcés d’avancer devant les groupes d’assaut, sans équipement, pour attirer le feu ennemi.
Selon l’enquête, ces pratiques qui se limitaient au départ aux "unités pénales" composées d’anciens détenus, se sont désormais étendues à l’armée régulière. Verstka dit avoir obtenu des données biographiques sur plus de 60 d’entre eux. La plupart des auteurs identifiés sont des officiers de 30 à 40 ans, vétérans de campagnes précédentes. Le média affirme aussi que le bureau du procureur militaire russe a reçu près de 29 000 plaintes au premier semestre 2025, dont 12 000 pour des sanctions infligées par des supérieurs. Aucun des officiers responsables n’a à ce jour été poursuivi.
Donald Trump fait planer la menace d’une "action militaire" au Nigeria. Samedi 1er novembre, le président américain a déclaré avoir ordonné au Pentagone de se préparer à une possible opération dans ce pays d’Afrique subsaharienne peuplé par 230 millions d’habitants, accusant le Nigeria de ne pas faire assez pour endiguer la violence contre les chrétiens. Abuja nie, expliquant être victime d’un contexte de violences généralisées déconnectées du facteur religieux, et demande plutôt de l’aide aux Etats-Unis.
Sur Thruth Social, il a dénoncé le "massacre de masse" de chrétiens et menacé de "cesser immédiatement toute aide et assistance au Nigeria" si le gouvernement ne "bouge pas vite". Donald Trump a ajouté que les Etats-Unis "pourraient très bien entrer dans ce pays désormais discrédité, les armes à la main, pour anéantir complètement les terroristes islamiques qui commettent ces horribles atrocités". Il précise dans le même message : "Je donne par la présente instruction à notre Département de la Guerre de se préparer à une possible action. Si nous attaquons, ce sera rapide, vicieux et doux, tout comme les voyous terroristes attaquent nos CHERS chrétiens ! AVERTISSEMENT : LE GOUVERNEMENT NIGÉRIAN FERAIT MIEUX D’AGIR VITE !".
Le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, a répondu sur les réseaux sociaux : "Yes sir", publiant une capture d’écran des propos de Trump. Il a ajouté : "L’assassinat de chrétiens innocents au Nigeria — et partout — doit cesser immédiatement. Le Département de la Guerre se prépare à agir. Soit le gouvernement nigérian protège les chrétiens, soit nous tuerons les terroristes islamiques qui commettent ces horribles atrocités."
Un contexte de violences
Donald Trump affirme que "le christianisme fait face à une menace existentielle au Nigeria" à cause de "violations systématiques, continues et flagrantes de la liberté religieuse". Il a déjà désigné le pays comme "Country of Particular Concern" au titre de l’International Religious Freedom Act. Ces déclarations interviennent dans un contexte de violences complexes au Nigeria, où tant les chrétiens que les musulmans sont victimes d’attaques de groupes islamistes radicaux, ainsi que de conflits communautaires, ethniques et liés aux ressources. Selon la chaîne américaine CNN, "bien que les chrétiens figurent parmi les cibles, des rapports locaux indiquent que la plupart des victimes sont des musulmans vivant dans le nord majoritairement musulman du Nigeria".
Le président nigérian Bola Tinubu a rejeté ces accusations, affirmant que "la caractérisation du Nigeria comme religieusement intolérant ne reflète pas notre réalité nationale" et rappelant les "efforts constants et sincères du gouvernement pour sauvegarder la liberté de religion et de croyance pour tous les Nigérians". Son porte-parole, Bayo Onanuga, a dénoncé une "grossière exagération de la situation nigériane", précisant que "chrétiens, musulmans, églises et mosquées sont attaquées de manière aléatoire" et demandant "un soutien militaire américain" plutôt qu’une désignation comme nation d’intérêt particulier.
La police a affirmé, dimanche 2 novembre, écarter à ce stade un motif "terroriste" après l’attaque à l’arme blanche qui a fait au moins dix blessés, dont neuf graves, la veille dans un train près de Cambridge en Angleterre et pour lequel deux suspects ont été arrêtés.
"A ce stade, rien ne suggère qu’il s’agisse d’un incident terroriste", a déclaré un responsable de la British Transport Police, le superintendant John Loveless lors d’un bref point presse. Il a également précisé que les deux personnes interpellées pour "suspicion de tentative de meurtre", sont "un homme noir de 32 ans, de nationalité britannique, et un homme de 35 ans, de nationalité britannique et d’origine caribéenne".
Les forces de l’ordre ont été alertées d’un incident vers 19h40 locales (et GMT), suite au déclenchement du système d’alarme, et sont intervenues en gare de Huntingdon, située dans la région de la ville universitaire de Cambridge, à environ 120 kilomètres au nord de la capitale. Dans la nuit, la police des transports a fait état d’un bilan de 10 blessés hospitalisés dont neuf dont le pronostic vital est engagé.
"Ils ont un couteau !"
Des témoins interrogés par le journal The Times ont indiqué avoir vu un homme armé d’un grand couteau et des passagers se cacher dans les toilettes du train pour se protéger. Un témoin cité par plusieurs médias a indiqué avoir vu un homme courir dans le wagon, le bras ensanglanté, en criant : "Ils ont un couteau !". Un autre a rapporté avoir vu "du sang partout".
Olly Foster, cité par la BBC, a raconté avoir d’abord cru à une plaisanterie liée à Halloween lorsqu’il a entendu des passagers crier "Fuyez ! Il y a un type qui poignarde tout le monde". Il a décrit des sièges couverts de sang et un passager tentant de protéger une fillette lors de l’incident qui "semblait ne jamais devoir se terminer". Un autre passager cité par Sky News a rapporté avoir vu, une fois le train arrêté, des policiers faire usage de leur taser (pistoler à impulsion électrique) sur le quai pour maîtriser un homme armé d’un grand couteau.
"Nous menons actuellement des vérifications urgentes afin de déterminer ce qui s’est passé et il faudra peut-être un certain temps avant que nous soyons en mesure de confirmer quoi que ce soit", a averti le commissaire Chris Casey, cité dans un communiqué de la police des transports, appellant à ne pas "spéculer sur les causes de l’incident".
Avant même que n’émergent ces témoignages, le Premier ministre Keir Starmer avait qualifié sur X l’incident d'"extrêmement préoccupant". "Mes pensées vont à toutes les personnes touchées, et je remercie les services d’urgence pour leur réaction", a-t-il indiqué.
The appalling incident on a train near Huntingdon is deeply concerning.
My thoughts are with all those affected, and my thanks go to the emergency services for their response.
Anyone in the area should follow the advice of the police.
Le train où s’est produit l’attaque était parti à 18h25 de la ville de Doncaster (nord de l’Angleterre), avec pour destination la gare londonienne de King’s Cross. La compagnie ferroviaire London North Eastern Railway (LNER), qui exploite des liaisons ferroviaires dans l’est de l’Angleterre et en Écosse, a appelé les voyageurs à éviter tout déplacement, prévoyant des "perturbations majeures".
Dans un pays où la législation sur les armes à feu est très stricte, les violences à l’arme blanche ont fortement augmenté ces quinze dernières années en Angleterre et au Pays de Galles, selon des chiffres officiels. Le Premier ministre a qualifié par le passé la situation de "crise nationale". Le gouvernement Starmer a pris plusieurs mesures pour durcir l’accès aux armes blanches depuis son arrivée au pouvoir en juillet 2024. Près de 60 000 d’entre elles ont été saisies ou récupérées par la police en dix ans, avait indiqué mercredi la ministre de l’Intérieur Shabana Mahmood.
Cette attaque intervient un mois après l’attaque contre une synagogue au nord de Manchester, où un homme avait attaqué des fidèles armé d’un couteau. Deux personnes avaient été tuées, l’une d’entre elles d’une balle tirée par la police intervenue sur les lieux.
Le ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, a mis en garde samedi 1er novembre contre la méthode du "bras de fer" avec l’Algérie, quelques jours après l’adoption à l’Assemblée nationale d’une résolution du RN visant à "dénoncer" l’accord franco-algérien de 1968.
"Ceux qui font croire aux Français que le bras de fer et la méthode brutale sont la seule solution, la seule issue, se trompent. Ça ne marche pas, dans aucun domaine", a déclaré Laurent Nuñez au Parisien, ajoutant qu’il regrettait "les conditions dans lesquelles s’est déroulé ce vote". "Preuve" de l’inefficacité de cette méthode, "le canal est totalement coupé aujourd’hui avec Alger", a-t-il ajouté.
Depuis son arrivée au gouvernement, à rebours de son prédécesseur à Beauvau, Bruno Retailleau, Laurent Nuñez a souligné à plusieurs reprises la nécessité de renouer "le dialogue" avec Alger, mettant en avant les besoins de coopération sécuritaire notamment dans la lutte anti-djihadiste au Sahel.
Des relations au point mort
Le gel des relations entre la France et l’Algérie se traduit notamment par l’arrêt total de la coopération migratoire, explique Laurent Nuñez : "L’Algérie n’accepte plus ses ressortissants en situation irrégulière depuis le printemps dernier". En 2025, 500 éloignements forcés vers ce pays ont pu avoir lieu à fin octobre, contre 1 400 l’an dernier sur la même période, selon lui. Par conséquent, les centres de rétention administrative "sont occupés à plein" : "40 % des places sont occupées par des ressortissants algériens".
Le départ du gouvernement du précédent ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, partisan d’une ligne dure contre Alger, avait permis ces dernières semaines d’amorcer en coulisses des discussions entre la France et l’Algérie. Mais la secousse provoquée par l’adoption jeudi d’une résolution visant à dénoncer la convention du 27 décembre 1968 entre les deux pays télescope les prémices d’un dialogue.
Le traité signé six ans après la fin de la guerre d’Algérie, crée un régime d’immigration favorable pour les Algériens, qui n’ont pas besoin de visa spécifique pour rester plus de trois mois dans l’Hexagone et accèdent plus rapidement que les autres étrangers aux titres de séjour pour 10 ans, y compris dans le cadre du regroupement familial. Sa dénonciation est réclamée de longue date par la droite et l’extrême droite.
C’est un soulagement pour les constructeurs automobiles européens. La Chine a annoncé, samedi 1er novembre, assouplir son interdiction des exportations vers l’Europe des puces Nexperia, détenues par un fabricant chinois, mais produites aux Pays-Bas. Pékin avait en effet prohibé la mise sur le marché européen de ces composants électroniques, utilisés notamment dans l’automobile ou la fabrication d’électroménagers, en raison d’un différend avec La Haye. Cette dernière, souhaitant échapper aux sanctions américaines sur les entreprises chinoises, avait nationalisé in extremis Nexperia, s’attirant les foudres de Pékin.
La reprise des expéditions fait partie d’un accord commercial plus large, convenu par le président chinois Xi Jinping, et son homologue américain Donald Trump en Corée du Sud jeudi, selon le Wall Street Journal. Des représentants chinois et de l’Union européenne (UE) ont également discuté de la question lors de leur rencontre jeudi à Bruxelles.
Puces fabriquées en Europe
L’entreprise Nexperia est basée à Nimègue, aux Pays-Bas. En 2018, cette filiale de NXP (ex-Philips) est rachetée par des Chinois. Aujourd’hui, elle appartient au groupe Wingtech, spécialisé dans la fabrication de semi-conducteurs et partiellement détenu par l’Etat chinois. Les puces sont fabriquées en Europe avant d’être envoyées en Chine pour finition, puis vendues à nouveau sur le marché européen. 49 % des composants électroniques utilisés dans l’industrie automobile européenne sont ainsi fabriqués par Nexperia.
A l’époque, le rachat de NXP Semiconductors par Pékin n’alarme personne. L’industrie mondiale n’est pas encore totalement consciente du caractère stratégique de ces puces électroniques - elle s’en rendra compte avec la crise sanitaire de 2020 et les pénuries engendrées. En 2022, les Européens vont ainsi commencer à prendre des mesures pour tenter de contenir l’influence de la Chine dans ce domaine : le gouvernement britannique bloque par exemple le rachat par Nexperia de Newport Wafer Fab, fabriquant des plaques de silicium dans lesquelles sont fondues les puces. Londres parle à l’époque d’une question de "sécurité nationale".
Puis en 2024, Washington inscrit Wingtech sur sa liste noire des entreprises technologiques avec lesquelles il est interdit de commercer pour des questions de "sécurité nationale". Pour les Etats-Unis, l’entreprise a beau être basée aux Pays-Bas, son patron, le chinois Zhang Xuezheng, constitue une menace.
Zèle politique ?
Fin septembre 2025, l’entreprise, détenue à plus de 50 % par une entité chinoise, est frappée par une nouvelle réglementation américaine. Pris de panique, le ministre néerlandais de l’Economie décide de nationaliser Nexperia, grâce à une loi de 1952 sur la "disponibilité des biens", encore jamais invoquée auparavant. Le ministère de l’économie "craignait que Nexperia ne transfère sa production de semi-conducteurs de l’Europe vers la Chine, ce qui aurait signifié la perte d’un des plus importants producteurs de semi-conducteurs européens", assure l’ancien président de Nexperia, Frans Scheper, dans Mediapart.
Mais il pourrait aussi s’agir d’un geste politique, preuve de la fidélité des Pays-Bas envers les Etats-Unis. En 2023 déjà, le géant néerlandais ASML, qui fabrique des machines de photolithographie (essentielles à la production de puces électroniques avancées) avait été obligé d’abandonner ses ventes vers la Chine, son plus grand marché, en raison de pressions américaines.
Dans le cas présent, ce zèle envers Washington a "mis en danger l’approvisionnement de l’industrie automobile européenne. Car, en face, Washington est évidemment incapable de fournir l’UE en puces", remarque Mediapart. Dans la foulée, Pékin a interdit les réexportations de ces produits de la Chine vers l’Europe, créant la panique.
Guerre commerciale
"Sans ces puces, les sous-traitants ne peuvent pas construire les pièces détachées et les composants qu’ils fournissent aux constructeurs automobiles, ce qui fait courir le risque d’arrêts de production", écrit L’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA). Plus importante puissance automobile d’Europe, avec notamment les groupes Volkswagen, Mercedes et BMW, l’Allemagne a été l’une des premières à saluer des signes "positifs" après l’annonce chinoise.
Si le conflit est en pause, l’affaire n’en demeure pas moins "une démonstration très éloquente des tensions extrêmes entre la Chine et les Etats-Unis au sujet des semi-conducteurs, devenus encore plus stratégiques à l’heure de la course à l’intelligence artificielle", observe un connaisseur du secteur auprès des Echos. Et la situation est d’autant plus préoccupante que l’Europe peine à développer ses propres fabricants de semi-conducteurs. "Washington peut compter sur une influence militaire et politique forte, mais Pékin tient en grande partie l’économie européenne", résume Mediapart.
Fin septembre, les Pays-Bas ont nationalisé de force le fabricant chinois Nexperia, disposant d'usines sur son sol. En représailles, Pékin avait suspendu l'exportation de ces puces électroniques vers l'Europe.
Donald Trump a-t-il relancé une course effrénée à la bombe atomique ? Vendredi 31 octobre, le président américain a réitéré l’intention des Etats-Unis de reprendre les essais d’armes nucléaires, sans toutefois préciser de quels tests il s’agirait - suscitant la panique. L’annonce intervenait à quelques heures d’une rencontre avec le président chinois Xi Jinping. S’agissait-il d’un coup de bluff face aux menaces chinoises et russes ? Quel peut être l’effet de telles annonces sur le risque de prolifération nucléaire ?
Il faut savoir qu’en tant que signataire du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (Tice), Washington ne peut légalement procéder à une explosion. Reste à savoir si Donald Trump parlait donc d’essais impliquant réellement des détonations, ou bien d’essais sur des missiles. En effet, les Etats-Unis et d’autres pays procèdent régulièrement à des tests sur des missiles ne transportant pas d’ogive (c’est-à-dire de charge explosive).
La guerre en Ukraine accélère le risque d'escalade nucléaire
"Vous le saurez très bientôt, mais nous allons procéder à des tests, oui. D’autres pays le font aussi. S’ils le font, nous le ferons aussi", a assuré Donald Trump à bord de l’avion présidentiel Air Force One. Aucune puissance n’a cependant procédé officiellement à un essai nucléaire avec détonation depuis trois décennies - à l’exception de la Corée du Nord (à six reprises entre 2006 et 2017). La Russie, alors URSS, n’en a plus conduit depuis 1990 et la Chine depuis 1996.
Depuis quelques années, le nucléaire a effectué son grand retour sur la scène internationale, de quoi inquiéter les défenseurs de la non-prolifération. Ces essais "ne doivent jamais être permis", a insisté jeudi Farhan Haq, porte-parole adjoint du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres. "Nous ne devons pas oublier l’héritage désastreux des plus de 2 000 essais nucléaires menés ces 80 dernières années".
Si l'Iran place l'avancée vers l'arme atomique au coeur de sa politique depuis plus d'un demi-siècle, c'est surtout la guerre en Ukraine qui a fait office d'accélérateur, depuis 2022, avec un Vladimir Poutine menaçant constamment de recourir à l'arme nucléaire pour dissuader les Occidentaux de fournir un soutien militaire plus important à l’Ukraine. En 2024, la Russie a ainsi franchi un cap dans sa doctrine en considérant qu’une attaque provenant d’un pays ne disposant pas de l’arme nucléaire, mais soutenu par un pays la possédant, serait désormais considérée comme "une attaque conjointe".
Cette semaine, le président russe Vladimir Poutine s’est également félicité de l’essai final réussi d’un missile de croisière "d’une portée illimitée", puis de celui d’un drone sous-marin, deux engins à propulsion nucléaire, selon Moscou. Bien qu’affaiblie économiquement par la guerre, la Russie démontre ainsi qu’elle est toujours en mesure d’innover sur le plan militaire.
Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), la Russie dispose actuellement de 4 309 ogives nucléaires déployées ou stockées, contre 3 700 pour les Etats-Unis et 600 pour les Chinois. La France, elle, en possède 290. Viennent ensuite le Royaume-Uni (225), l’Inde (172), le Pakistan (170), Israël (90) et la Corée du Nord (50).
Tentation nucléaire
Et les velléités de renforcer l'arsenal nucléaire sont croissantes autour du Globe : "Les doutes qu’a fait peser Trump sur la solidité de la garantie de sécurité américaine vis-à-vis de ses alliés ont suscité de nouvelles tentations nucléaires. Si bien qu’aujourd’hui de nombreux pays, Corée du Sud, Taïwan, Japon, Arabie saoudite, Turquie, Pologne, ont des velléités proliférantes", résume Le Figaro.
L’autre menace est celle de la Corée du Nord, qui a procédé à plusieurs essais, le dernier en 2017. Elle affirmait à l’époque "avoir fait exploser un dispositif à hydrogène pouvant être embarqué sur un missile capable d’atteindre le territoire continental des Etats-Unis", selon leWashington Post, estimant la puissance de l’ogive à 100 kilotonnes, cinq fois la puissance de l’explosion contre la ville de Nagasaki en 1945.
"Fanfaronnades"
La Chine a elle doublé la taille de son arsenal nucléaire en cinq ans, passant de 300 à 600 têtes, ce qui ne l’a pas empêché de condamner les Etats-Unis, appelant à "des mesures concrètes pour préserver le système mondial de désarmement et de non-prolifération".
Reste à savoir la véracité des menaces du milliardaire américain. "Le président, qui accorde une grande importance aux apparences, a été piqué au vif par les fanfaronnades du président Poutine au sujet des essais nucléaires, ainsi que par les discours qui les accompagnent sur la puissance nucléaire russe (et le défilé chinois de septembre)", soulignait, sur X, William Alberque, l’ancien directeur du centre de non-prolifération de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).
Le président américain Donald Trump répond à des journalistes à bord de l'avion présidentiel Air Force One avant son départ de la base aérienne d'Andrews, près de Washington, le 31 octobre 2025
Sous l'impulsion des Etats-Unis de Donald Trump, le Conseil de sécurité de l'ONU a apporté vendredi un soutien inédit au plan marocain d'autonomie du Sahara occidental, l'estimant la solution "la plus réalisable" pour résoudre un conflit enlisé depuis des décennies, malgré l'hostilité de l'Algérie.
Le Sahara occidental, colonie espagnole jusqu'en 1975, est contrôlé en majeure partie par le Maroc mais considéré comme un territoire non autonome par les Nations unies. Un conflit y oppose Rabat aux indépendantistes du Front Polisario, soutenus par l'Algérie. Jusqu'alors, le Conseil de sécurité pressait le Maroc, le Polisario, l'Algérie et la Mauritanie de reprendre des négociations – interrompues depuis 2019 – pour parvenir à une "solution politique réalisable, durable et mutuellement acceptable".
"Clore définitivement ce dossier"
Mais à l'initiative des Américains, chargés de ce dossier au Conseil, la résolution adoptée par 11 voix pour, aucune contre et trois abstentions - l'Algérie ayant refusé de participer au vote - donne un coup de pouce au plan présenté par Rabat en 2007: une autonomie sous souveraineté marocaine pour ce vaste territoire désertique, riche en phosphate et aux eaux poissonneuses. Le texte estime ainsi qu'"une véritable autonomie sous souveraineté marocaine pourrait représenter la solution la plus réalisable".
Dans ce contexte, il appelle le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres et son émissaire sur ce dossier, Staffan de Mistura, à mener des négociations "sur la base" de ce plan pour parvenir à un accord mutuellement acceptable. "Nous ouvrons un nouveau chapitre victorieux dans le processus de consécration de la marocanité du Sahara, destiné à clore définitivement ce dossier", a réagi le roi du Maroc Mohammed VI, saluant un "changement historique" du Conseil.
Ce "vote historique" permet de créer "un élan" vers la paix, a également salué l'ambassadeur américain Mike Waltz, assurant de la détermination de Donald Trump dans ce dossier. "Nous pensons qu'une paix régionale est possible cette année", a-t-il affirmé, appelant toutes les parties à "utiliser les prochaines semaines" pour engager des discussions sérieuses. "L'élan politique est là, il est temps désormais d'avancer", a renchéri son homologue français Jérôme Bonnafont, saluant l'"approche nouvelle" du Conseil pour relancer les efforts de paix.
"Parodie"
Une position partagée ni par l'Algérie ni par le Polisario. Le texte "ne reflète pas suffisamment la doctrine onusienne en matière de décolonisation", a déclaré l'ambassadeur algérien Amar Bendjama, qui a refusé de participer au vote. "Cette résolution ne crée pas encore, le momentum et les conditions nécessaires" pour la réussite des efforts diplomatiques de Donald Trump, a-t-il ajouté.
Alger avait déjà regretté en avril la réaffirmation par Washington de son soutien à Rabat. Et ses relations avec Paris sont au plus bas depuis l'été 2024 et la reconnaissance par la France du plan marocain. Après l'annonce spectaculaire en 2020 par Donald Trump du soutien américain à cette proposition en échange d'une normalisation de ses relations avec Israël, le Maroc a obtenu successivement l'appui d'une série de pays dont l'Espagne, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni.
Le représentant du Front Polisario à New York, Sidi Omar, soulignant que le vote du Conseil ne représente pas une "reconnaissance de l'occupation militaire marocaine", a lui qualifié le plan de Rabat de "parodie" qui ne "vaut pas plus que le papier sur lequel il est écrit".
"Le Front Polisario réaffirme la détermination sans faille du peuple sahraoui dans sa lutte contre la libération, la résistance" et "l'indépendance", a-t-il déclaré à la presse, alors que le chef de la diplomatie du Polisario avait récemment indiqué qu'il serait prêt à accepter le plan uniquement si la population sahraouie le validait par référendum. L'ambassadeur russe Vassili Nebenzia, qui s'est abstenu, a lui espéré que la "charge de cowboy des Américains ne produise pas l'effet inverse en dégelant" le conflit.
Lors d'une réunion à huis clos du Conseil de sécurité début octobre, Staffan de Mistura avait répété ses inquiétudes sur le "flou" du plan marocain, selon le texte de son discours vu par l'AFP. "Il est désormais crucial que le Maroc donne plus de détails et développe sa proposition", y compris concernant "le principe d'autodétermination" du peuple sahraoui, avait-il insisté.
La résolution adoptée vendredi prolonge d'autre part d'un an la mission de maintien de la paix de l'ONU au Sahara occidental (Minurso), tout en demandant au secrétaire général d'en réaliser d'ici six mois une "évaluation stratégique".
A l'initiative des Etats-Unis de Donald Trump, le Conseil de sécurité de l'ONU a apporté vendredi son soutien au plan marocain d'autonomie du Sahara occidental
A l’heure où les premiers rayons du soleil commencent à peine à réchauffer les gelées nocturnes, ce 3 octobre, dans les régions de Kharkiv et Poltava, un bruit assourdissant déchire le silence matinal. Dans les airs, 35 missiles et une soixantaine de drones russes zèbrent le ciel. Leurs cibles : les sites de production du groupe public Naftogaz, la plus grande compagnie pétrolière et gazière d’Ukraine. Les dégâts sont terribles. Au cours de cette seule salve, la plus importante enregistrée par la société depuis le début du conflit, l’opérateur a perdu près de 60 % de ses capacités de production. Six nouvelles attaques suivront au cours du mois. "Les Russes frappent des installations clés liées à la production, au transport et au stockage du gaz dans plusieurs régions, retrace avec amertume Natalia Boyko, vice-présidente du conseil de surveillance de la société. La saison hivernale s’annonce très difficile…"
Naftogaz, qui fournit 12,5 millions de foyers ukrainiens, n’en est pourtant pas à sa première attaque du genre. En février, des bombardements lui avaient fait perdre la moitié de ses capacités de production. Si les réparations engagées en urgence lui avaient permis d’en restaurer une grande partie au fil de l’année, ces nouvelles frappes ont réduit à néant des mois de travaux, en pleine saison de chauffe. Pour combler le manque à venir et répondre aux besoins, le ministère de l’Energie n’a eu d’autre choix que d’annoncer des importations de gaz supplémentaires. L’enjeu est prioritaire : 70 % du vaste réseau de chauffage urbain en dépend.
Ensevelir les cibles sous un tapis de bombes
A l’approche du quatrième hiver de la guerre, la stratégie du Kremlin reste inchangée : briser la détermination de la population ukrainienne en la privant d’énergie alors que le thermomètre chute vers des températures négatives. Mais cette fois, Moscou a revu ses plans. "La tactique a évolué, remarque Oksana Ishchuk, spécialiste de l’énergie et directrice exécutive de l’institut ukrainien Centre for Global Studies Strategy XXI, à Kiev. Alors que les Russes dispersaient leurs moyens pour tenter de provoquer une panne générale sur l’ensemble de notre territoire lors des premières années de guerre, ils concentrent aujourd’hui leurs attaques sur certaines zones précises." L’objectif : condenser les feux pour ensevelir leur cible sous un tapis de bombes. Et anéantir, région par région, le système énergétique ukrainien.
Car le problème est aussi quantitatif. Là où les Russes n’envoyaient, il y a encore deux ans, qu’une dizaine de drones pouvant transporter une cinquantaine de kilos d’explosifs, ils sont désormais capables d’en tirer plusieurs centaines en même temps afin de saturer les défenses antiaériennes ukrainiennes et maximiser les dégâts. Dernier exemple en date à Tchernihiv, à deux heures de voiture de Kiev. Cette ville de 280 000 habitants a été victime d’une panne généralisée le 21 octobre à la suite d’une attaque de 100 drones kamikazes contre sa seule centrale électrique. Il faut dire que Moscou a considérablement musclé ses capacités de frappes à longue portée. D’après les services secrets ukrainiens, les usines russes sortiraient désormais 170 drones Shahed et leurres Gerbera par jour. En parallèle, la production de missiles aurait, elle, augmenté de 10 à 20 % en un an, selon les modèles.
Chez les professionnels de l’énergie, l’angoisse monte. "Les attaques sont déjà plus importantes que ce que l’on constatait il y a un ou deux ans, pointe avec anxiété Vitalii Zaichenko, président du conseil d’administration d’Ukrenergo, l’opérateur du réseau électrique ukrainien. La Russie frappe nos installations tous les jours, avec parfois cinquante drones au même endroit." Dès 2023, la société a annoncé un vaste plan visant à protéger ses équipements critiques grâce à plusieurs couches de défense, allant des simples sacs de sable à des bâtiments renforcés par des armatures en acier. A ce stade, la moitié des installations sont protégées par des structures en béton. L’ambition est de monter à 100 % d’ici à 2026.
Le système énergétique ukrainien à l'épreuve de l'invasion russe
Protection des infrastructures
Suffiront-elles à absorber le fracas des bombes russes ? "Le niveau de protection des infrastructures énergétiques est bien meilleur que lors de la première année de la guerre, relève Oksana Ishchuk. Mais aucune d’entre elles ne sera suffisante contre une frappe directe de missile balistique." Dans le pays, des critiques sur un manque de protections suffisantes ont commencé à monter. Interrogée le 25 octobre après une attaque ayant privé 25 000 personnes d’électricité dans la région de Kharkiv, la ministre ukrainienne de l’Energie Svitlana Hrynchuk les a toutefois balayées, jugeant qu'il restait difficile d'empêcher tout dommage face à l'intensité des bombardements, et que sans elles, "nous aurions déjà eu beaucoup plus de pannes". En dernier recours, l’opérateur Ukrenergo peut toujours compter sur ses 70 équipes mobiles de 1 500 agents et sur l’appui de ses alliés occidentaux pour la livraison des pièces essentielles aux travaux de réparation. "Nous sommes désormais capables de changer un autotransformateur en un mois, claironne, à Kiev, Vitalii Zaichenko. Pour nos collègues européens ou américains, cette opération en prend trois au minimum."
Au-delà du réseau, les craintes portent aussi sur les centrales électriques. Rien qu’en septembre, au moins 31 infrastructures énergétiques ont été prises pour cible. Si, avant la guerre, la capacité de production du pays s’élevait à 38 gigawatts (GW, un gigawatt correspondant aux besoins en électricité d’environ un million de personnes), celle-ci a fondu de plus de moitié au fil des trois ans et demi de guerre. En septembre, les autorités ukrainiennes ont estimé que 17,6 GW seraient disponibles pour la saison de chauffage. Ce qui ne laisse presque aucune marge en cas de nouvelles destructions, alors que le pic de la demande avait atteint 18 GW deux ans plus tôt. Or, la menace continue de planer. Lors de la plus grande attaque aérienne contre l’Ukraine depuis le début du conflit, les 7 et 8 septembre, au moins 19 drones sont tombés sur la centrale thermique de Trypilska Therman, en banlieue sud de Kiev. Elle venait pourtant à peine d’être reconstruite après sa destruction complète au printemps 2024.
Malgré une légère remontée, la capacité de production énergétique de l'Ukraine reste près de deux fois moindre à son niveau d'avant-guerre.
Un réseau caché de batteries
Face aux évolutions stratégiques russes, l’Ukraine n’a pas d’autre choix que d’innover. En témoigne sa dernière solution pour garder les lumières allumées malgré les bombardements : un réseau caché de batteries. D’une capacité de 200 mégawatts (MW), l’ensemble permet d’alimenter environ 600 000 foyers pendant deux heures. Soit l’équivalent de la moitié de Kiev. Ce réseau peut prendre le relais si une importante source de production est subitement indisponible, donnant aux ingénieurs, sur le terrain, un précieux temps pour éviter un nouveau black-out. "L’objectif essentiel est d’assurer un équilibrage - éviter les pics et les pannes - et soutenir la fiabilité du système en maintenant un certain niveau de fréquence au sein du réseau", décrit Oleksandr Selyschev, PDG de la branche Renouvelables de DTEK, le plus grand fournisseur privé d’énergie du pays, qui a chapeauté le programme.
Les six blocs de batteries sont entrés en fonctionnement le 1er octobre. Leur localisation est tenue secrète. Tout juste sait-on qu’ils sont répartis sur des sites entre les régions de Kiev et de Dnipro, à des endroits clés du réseau. Et qu’ils font l’objet de mesures de protection renforcées. Cette disposition limite le risque d’une seule attaque ciblant et endommageant un système centralisé. Pour ce projet à 125 millions d’euros, DTEK s’est allié avec l’Américain Fluence, spécialiste du stockage. La coopération a été aussi rapide qu’efficace, surtout dans un pays en guerre. Contrat signé en décembre 2024 ; préparation des sites secrets entre mars et mai ; finalisation de l’ensemble du réseau en août. "C’est vraiment impressionnant, admire Oleksandr Selyschev, car il faut en général deux ans pour réaliser ce type de travaux." En parallèle, une vingtaine d’ingénieurs électriciens ont suivi une formation avancée à l’étranger, sur des sites de Fluence en Allemagne et en Finlande.
Ce réseau de batteries est désormais l’un des plus grands d’Europe de l’Est. D’autres devraient bientôt suivre, puisque Ukrenergo a lancé plusieurs appels d’offres en ce sens, auxquels d’autres acteurs que DTEK ont répondu. L’Ukraine profite de la guerre pour faire évoluer l’ensemble de son système énergétique en le rendant plus résilient, efficace et décentralisé. Chaque hiver qui passe a des allures de test grandeur nature. Avec, toujours, la survie comme objectif principal.
L'ONU a appelé vendredi 31 octobre les Etats-Unis à cesser leurs frappes aériennes dans les Caraïbes et le Pacifique contre des bateaux qu'ils présentent comme appartenant à des narcotrafiquants, réclamant des enquêtes "rapides, indépendantes et transparentes".
"Ces attaques – et leur coût humain croissant – sont inacceptables. Les Etats-Unis doivent mettre fin à ces attaques et prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher les exécutions extrajudiciaires des personnes à bord de ces bateaux, quelles que soient les infractions criminelles qui leur sont reprochées", a déclaré le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Volker Türk, dans un communiqué.
15 attaques et 62 morts
Les Etats-Unis procèdent depuis début septembre à des frappes aériennes dans le Pacifique et surtout dans les Caraïbes contre des bateaux qu'ils présentent comme appartenant à des narcotrafiquants. Au total, le gouvernement Trump a revendiqué 15 attaques ces dernières semaines, faisant selon lui 62 morts, sans apporter la preuve de liens entre ces personnes et le narcotrafic.
Les "circonstances" de ces attaques "ne trouvent aucune justification dans le droit international", a dénoncé Volker Türk. Il rappelle que la lutte contre le trafic international de drogues relève "du maintien de l'ordre" et souligne qu'"en vertu du droit international des droits de l'homme, le recours intentionnel à la force létale n'est autorisé qu'en dernier recours contre des individus qui représentent une menace imminente pour la vie".
Or "d'après les informations très succinctes fournies publiquement par les autorités américaines, aucune des personnes se trouvant à bord des bateaux visés ne semblait représenter une menace imminente pour la vie d'autrui ni justifier l'usage de la force armée létale (...) en vertu du droit international", a-t-il ajouté.
Des enquêtes indépendantes demandées
Le Haut-Commissaire demande "des enquêtes rapides, indépendantes et transparentes sur ces attaques". "Comme nous le disons toujours, la responsabilité incombe à l'Etat. Il est du devoir et de la responsabilité de l'État concerné de mener des enquêtes. C'est la première étape, mais ces enquêtes doivent être rapides, approfondies et transparentes", a souligné une porte-parole du Haut-Commissaire, Ravina Shamdasani, lors d'un point de presse à Genève.
Des experts ont remis en question la légalité des frappes dans des eaux étrangères ou internationales, contre des suspects qui n'ont pas été interceptés ou interrogés. Le président américain justifie, lui, ce déploiement au nom du conflit armé contre des gangs classés "terroristes". Donald Trump accuse notamment le président vénézuélien Nicolas Maduro de faire partie d'un cartel. Ce dernier dément et dénonce des tentatives de déstabilisation de son pouvoir par les Etats-Unis.
La Russie a bombardé des installations énergétiques en Ukraine avec des centaines de drones et de missiles, faisant au moins quatre morts et de nombreux blessés, notamment des enfants, et provoquant d'importantes coupures de courant, a annoncé jeudi 30 octobre Kiev. Dans le même temps, l'armée russe a affirmé avoir conquis deux autres villages, Sadové dans la région de Kharkiv (nord-est) et Krasnoguirské dans celle de Zaporijjia (sud), où les forces ukrainiennes, en infériorité numérique, perdent progressivement du terrain. Ce vendredi, Kiev a appelé l'Union européenne à augmenter ses droits de douane sur les importations de produits russes n'étant pas encore soumis à des sanctions prises par Bruxelles depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine.
Les infos à retenir
⇒ L'Ukraine appelle l'UE à renforcer les droits de douane sur les importations russes
⇒ L'Ukraine a mené 160 frappes réussies sur des sites pétroliers russes en 2025
⇒ L'Ukraine remet un captif Russe à la Lituanie pour un procès pour crimes de guerre
L'Ukraine a mené 160 frappes réussies sur des sites pétroliers russes en 2025
L'Ukraine a effectué presque 160 frappes réussies contre des sites pétroliers russes depuis le début de l'année, a indiqué vendredi le chef du service de sécurité ukrainien (SBU). "Depuis le début de l'année, il y a eu presque 160 attaques réussies contre des installations d'extraction et de raffinage du pétrole" russes, a déclaré le général Vassyl Maliouk à des journalistes dont l'AFP.
Ces derniers mois, Kiev a mené de multiples frappes de drones sur des raffineries de pétrole en Russie, entraînant une hausse du prix de l'essence dans le pays. S'exprimant à la presse, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait estimé lundi que la Russie avait perdu plus de 20% de ses capacités de raffinage de pétrole à cause de ces attaques.
Vendredi, le chef du SBU, Vassyl Maliouk, a également affirmé que les services de renseignement ukrainiens, durant une opération conjointe avec d'autres forces ukrainiennes, avaient détruit il y a plus d'un an un missile balistique à portée intermédiaire russe Orechnik, lors d'une frappe sur le site de lancement de Kapoustine Iar, dans la région russe d'Astrakhan (sud-ouest). L'AFP n'est pas en mesure de confirmer cette affirmation de source indépendante.
Un porte-parole du SBU a affirmé à l'AFP que le missile avait été détruit "dans un hangar", dans la nuit du 8 au 9 juillet 2024, alors qu'il était "presque prêt" à être lancé.
A l'époque, des médias russes avaient rapporté des attaques de drones dans ce secteur et les autorités locales avaient affirmé que plus d'une vingtaine d'appareils ennemis avaient été abattus. En août 2025, le président Vladimir Poutine avait lui annoncé que Moscou avait lancé la production en série de l'Orechnik, une arme hypersonique de dernière génération capable de porter une charge nucléaire.
En novembre 2024, la Russie avait utilisé pour la première fois cet engin, sans charge nucléaire, pour frapper une usine militaire dans la ville de Dnipro, dans le centre de l'Ukraine.
L'Ukraine appelle l'UE à renforcer les droits de douane sur les importations russes
Kiev a appelé vendredi l'Union européenne à augmenter ses droits de douane sur les importations de produits russes n'étant pas encore soumis à des sanctions prises par Bruxelles depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine. "Si des produits ne sont pas visés par des sanctions (européennes), nous allons soulever la question de l'imposition de droits de douane", a déclaré Andriï Sybiga, chef de la diplomatie ukrainienne.
Selon lui, une telle manoeuvre pourrait permettre à l'UE de contourner l'opposition de la Hongrie et de la Slovaquie qui menacent de bloquer l'extension de sanctions contre Moscou. "Nous allons y travailler avec nos partenaires européens", a indiqué M. Sybiga lors d'un point presse conjoint avec le président Volodymyr Zelensky.
L'UE a déjà augmenté les droits de douane sur certaines marchandises russes, notamment les produits agricoles et les engrais, dans le cadre de ses paquets de sanctions contre Moscou après le début de l'invasion en 2022. Mais les sanctions nécessitent l'accord de tous les membres de l'UE, y compris Budapest et Bratislava.
En revanche, l'imposition de droits de douane ne nécessite que "la majorité qualifiée" de l'UE (au moins 15 membres de l'UE représentant ensemble au moins 65 % de la population totale du Bloc, NDLR), a souligné M. Sybiga. Selon lui, l'augmentation des tarifs douaniers de l'UE sur certains produits russes serait donc "l'un des moyens de renforcer les sanctions" européennes en évitant de possibles blocages de membres des 27.
Les marchandises russes sont soumises à des droits de douane de l'UE produit par produit, qui peuvent varier considérablement. Les importations de produits russes dans l'UE ont chuté de 62,7 milliards d'euros au premier trimestre 2022, avant le début de l'invasion, à 6,98 milliards d'euros au deuxième trimestre 2025, soit une baisse de 89%, selon les statistiques officielles européennes.
L'Ukraine remet un captif Russe à la Lituanie pour un procès pour crimes de guerre
L'Ukraine a remis à la Lituanie un militaire russe capturé par ses forces armées, afin qu'il y soit jugé pour crimes de guerre, a annoncé le parquet ukrainien vendredi 31 octobre. "Pour la première fois depuis le début de l’agression à grande échelle, l’Ukraine a remis un militaire russe à un État étranger, la Lituanie, afin qu’il soit poursuivi pour crimes de guerre", a déclaré le procureur général d’Ukraine Rouslan Kravtchenko sur les réseaux sociaux, qualifiant l’événement d’"historique pour la justice". "C’est un signal clair adressé à tous les criminels de guerre : vous ne pourrez vous soustraire à la justice dans aucun pays du monde libre. Justice sera faite", a-t-il poursuivit.
Le suspect, un officier haut gradé de la marine russe, est accusé de "détention illégale, torture et traitement inhumain des civils et prisonniers de guerre", notamment contre un citoyen lituanien, selon le procureur général. Le procureur détaille "des coups, des tortures par électrochocs, des suffocations, l’enfermement de personnes dans des coffres métalliques".
Le parquet lituanien l’accuse d’avoir, avec d'autres militaires de son unité, organisé un "camp" dans la ville ukrainienne de Melitopol, occupée par Moscou dès les premiers jours de son invasion de l’Ukraine en 2022, dans lequel "des civils et des prisonniers de guerre, dont un citoyen de la République de Lituanie, ont été détenus illégalement, torturés et humiliés".
Le suspect a été capturé par les forces de Kiev en août 2023 dans la région de Zaporijjia (sud), près du village de Robotyné, peut-on lire dans le communiqué. Selon le parquet de Vilnius, le suspect a été transféré en Lituanie mardi avant d’être placé en détention provisoire jeudi pour une période de trois mois. Il a été inculpé en Lituanie pour "crimes de guerre, torture, privation illégale de liberté et violations des Conventions de Genève" et risque la prison à perpétuité.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky fait une déclaration à la presse à son arrivée au sommet des dirigeants de l'Union européenne à Bruxelles, le 23 octobre 2025
Quelques semaines après le cessez-le-feu signé entre Israël et le Hamas, un rapport américain dévoilé par le Washington Post fait état de "plusieurs centaines" de violations potentielles des droits de l’homme à Gaza par l’armée israélienne lors de la guerre… qui pourraient justifier un arrêt de l’aide des Etats-Unis à leur allié.
Les officiels interrogés par le quotidien doutent toutefois du fait qu’Israël ne doive un jour rendre des comptes aux Etats-Unis sur ces actions, en raison de la longueur du processus d’examen et du statut particulier dont bénéficie le pays du Proche-Orient dans ce contexte.
Un ensemble de lois américaines comme base juridique
Le Washington Post eu accès à un rapport classifié d’un organisme de surveillance du gouvernement américain (Office of Inspector General) portant sur les actions de l’armée israélienne, qui bénéficie de l’aide des forces américaines.
Le lien juridique entre les actions d’Israël dans la bande de Gaza depuis les attaques du 7 octobre et l’intervention des Etats-Unis réside dans les lois dites "Leahy Laws", du nom du sénateur qui les a portées devant le Congrès dans les années 1990. Celles-ci interdisent au département d’Etat et au département de la Défense "d’utiliser des fonds pour apporter une assistance à des unités de forces de sécurité étrangères lorsqu’il existe des informations crédibles impliquant ces unités dans la commission de violations graves des droits humains", indique la page Internet du Département d’Etat américain (l’équivalent du ministère des Affaires étrangères en France). Il s’agit par exemple d’actes de torture, d’exécutions extrajudiciaires ou de disparitions forcées, précise le texte. En décembre 2024, plusieurs Palestiniens et Palestino-américains avaient déposé une plainte devant la justice américaine, accusant l’administration Biden de ne pas appliquer cette loi à Israël malgré les accusations d’exactions à Gaza, selon le Guardian.
La campagne militaire menée par Israël pendant deux ans à Gaza a mis ces textes de loi à l’épreuve, puisque les Etats-Unis fournissent au moins 3,8 milliards de dollars (environ 3,28 milliards d’euros) d’aide militaire à Israël chaque année. D’après un rapport du Congrès américain, en cumulé, Israël est le plus important récipiendaire d’aide américaine depuis la Seconde Guerre mondiale.
Malgré l’existence des Leahy Laws, de nombreux événements qui ont eu lieu dans la bande de Gaza depuis 2023 attendent encore d’être examinés. Comme la mort des collaborateurs de l’ONG World Central Kitchen en avril 2024, ou encore celle de plus de 100 Palestiniens regroupés à côté de camions d’aide humanitaire en février 2024, selon les autorités palestiniennes. L’administration Biden avait signalé ces deux cas au Congrès, indiquant que les Etats-Unis n’avaient pas encore rendu de "conclusions définitives" sur la question de l’utilisation d’armes américaines dans ces frappes.
"Des années" pour étudier les accusations envers Israël
Le rapport examine également la façon dont les violations potentielles des droits de l’homme par les pays auxquels les Etats-Unis portent assistance sont étudiées. Et décrit comment un "processus bureaucratique sur-mesure" mis en place par les administrations démocrates et républicaines successives avantage Israël par rapport aux autres pays accusés des mêmes faits. Dans le cas d’Israël, le protocole fait appel à des officiels plus haut placés et dure plus longtemps que pour les autres pays. Quand "une simple objection d’un officiel" suffit à suspendre l’aide militaire pour ces derniers, pour l’Etat hébreu, il faut qu’un groupe de travail composé notamment de l’ambassade américaine à Jérusalem parvienne à un accord. Ce groupe peut ensuite déclarer une entité "inéligible" à l’aide américaine, une décision qui doit être approuvée par le département d’Etat américain.
Résultat : jusqu’ici, les Etats-Unis n’ont jamais gelé une quelconque aide militaire à leur allié israélien, "malgré des preuves claires", selon un ancien officiel du Département d’Etat interrogé par le Washington Post. Les multiples violations potentielles des droits de l’homme au regard du droit américain par Israël pourraient donc mettre "des années" à être étudiées, selon les sources du quotidien, et même être oubliées.
Reste que ce rapport est le tout premier du gouvernement américain à reconnaître l’ampleur des actions de l’armée israéliennes qui pourraient tomber sous le coup de la loi américaine. Sa publication intervient alors que Donald Trump est en guerre contre les instances indépendantes de supervision de la bureaucratie américaine, puisqu’il a remercié 17 inspecteurs généraux depuis son retour à la Maison-Blanche. Ces organes de contrôle seraient, selon le président américain, "injustes". Pourtant, selon les informations du journal, ces instances sont justement en train de réunir des preuves sur le vol d’aide humanitaire par le Hamas à Gaza. Un sujet pourtant porté par l’administration Trump.
L'aide américaine à l'armée israélienne pourrait être gelée sous le coup d'une loi des années 1990 empêchant les Etats-Unis d'aider militairement un pays violant les droits de l'homme.
Une trêve d’un an… Reconductible. Les marchés financiers ont (un peu) soufflé, à l’issue de la rencontre à haut risque entre Donald Trump et Xi Jinping, ce 30 octobre à Busan (Corée du Sud). Au terme d’un tête-à-tête qualifié "d’extraordinaire" par le président américain, les deux dirigeants se sont entendus pour apaiser leur conflit commercial, six ans après leur dernière rencontre. C’était au sommet du G20 à Osaka (Japon) et déjà, Chine et États-Unis se livraient une guerre économique intense. Ce 30 octobre, plusieurs accords ont été trouvés – sur les terres rares, le soja ou les droits de douane liés au Fentanyl.
Mais "rien de formel n’a été signé", rappelle Alice Ekman. Pour cette spécialiste de la Chine, directrice de la recherche de l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne et auteure de Dernier vol pour Pékin (réédition Champs/Flammarion, 2024), cette rencontre n’est qu’une étape. Et elle n’atténue en rien la rivalité sino-américaine, qui dépasse largement le cadre commercial ou technologique.
L’Express : A l’issue de cette rencontre, Donald Trump a déclaré : "Sur une échelle de 1 à 10, nous sommes à 12." Partagez-vous cet optimisme ?
Alice Ekman : Non, ce n’est assurément pas une rencontre historique, mais une étape, parmi d’autres, en vue d’un éventuel accord. Pour l’heure, chaque partie peut se prévaloir de succès relatifs – comme le soulignent les comptes rendus américains et chinois, très différents dans leur ton et leur contenu. Cette réunion marque une pause dans l’escalade commerciale, mais celle-ci pourrait reprendre.
De manière générale, à chaque fois que les dirigeants américains et chinois se voient, on guette l’avènement de la fin de la guerre commerciale, mais celui-ci ne se matérialise finalement pas ! De toute façon, même s’il survenait, la rivalité sino-américaine perdurerait, car elle dépasse largement le cadre commercial ou technologique.
Plusieurs sujets importants n’ont pas été abordés, tel l’achat, par la Chine, de pétrole russe, ou Taïwan. Pourtant, ce n’était pas un manque de temps. La rencontre, qui devait durer 4 heures, s’est achevée au bout d’une heure quarante…
Oui, cette rencontre ne marque finalement que la reconduction de la trêve commerciale, qui devait expirer le 10 novembre. Non seulement il n’y a pas eu d’accord formel, mais les sujets les plus sensibles n’ont pas été évoqués. Les Etats-Unis et la Chine ont provisoirement réussi à échanger en "silo" - c’est-à-dire à séparer les questions commerciales et technologiques des grands enjeux militaires et géostratégiques (divergences sur l’Ukraine et sur Taïwan, entre autres). Pour le moment. Car ces questions sont étroitement liées et les dirigeants ne pourront plus les reléguer au second plan lors de leur prochaine rencontre. La rivalité idéologique demeure par ailleurs très forte entre les deux pays, quel que soit le président américain en place, et elle pourrait revenir sur le devant de la scène. On se souvient des échanges très tendus sur les prétendues failles de l’Amérique, de son système politique, vigoureusement pointés du doigt par la diplomatie chinoise lors du sommet d’Anchorage en Alaska en mars 2021, peu de temps après l’élection de Joe Biden. La Chine souhaitait clairement "faire la leçon" aux Etats-Unis. Cette volonté demeure.
Quelles seront les prochaines étapes ?
La visite de Donald Trump en avril 2026 pourrait mener à un accord commercial formel, et éventuellement substantiel. Mais rappelons-nous de l’accord dit de "phase 1" ("phase 1 deal") de janvier 2020, lors du premier mandat présidentiel de Donald Trump. Les objectifs de l’accord n’avaient pas été atteints, dans un contexte de crise de Covid-19 – la Chine n’avait finalement pas acheté les 200 milliards de dollars de produits américains supplémentaires, contrairement à ses engagements.
Quelles conséquences cette rencontre du 30 octobre peut-elle avoir sur l’Europe ?
Si une "phase 2 deal" était signée entre Pékin et Washington courant 2026, et les engagements respectés, cela pourrait avoir des conséquences négatives pour l’Europe, notamment si un engagement d’achat de produits américains par la Chine se faisait à terme au détriment des produits européens. En parallèle, les pressions commerciales américaines sur l’Union européenne pourraient s’intensifier.
Idéalement, les Etats-Unis devraient tenir l’Union européenne informée de son plan d’action vis-à-vis de la Chine, pas uniquement par élégance vis-à-vis de ses alliés – attente qui semble irréaliste alors que Donald Trump est président –, mais parce que Washington et Bruxelles ont intérêt à faire front commun pour mieux défendre leurs intérêts vis-à-vis de Pékin, et être davantage en position de force dans les négociations. Une relative convergence transatlantique sur la stratégie à adopter vis-à-vis de la Chine ferait sens, mais cela semble difficilement atteignable dans le contexte actuel. Les tensions entre les Etats-Unis et l’Europe, si elles perdurent, risque d’avoir un impact durable et particulièrement défavorable autant pour l’un que pour l’autre et de modifier les rapports de force mondiaux, alors que, de son côté, la Chine parvient à faire rapidement émerger une coalition de pays ouvertement antioccidentaux, qui coopèrent et se coordonnent de plus en plus efficacement.
> Alice Ekman sera l’invitée des Jeudis de L’Express le 13 novembre prochain à 12h00.
L’annonce surprise de Donald Trump, qui prétend vouloir reprendre les essais d’armes nucléaires, continue ce vendredi 31 octobre de susciter inquiétude et protestations dans le monde entier, sans même qu’ait été éclairci le sens réel de ses déclarations.
Des survivants japonais des bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki en août 1945, uniques occurrences de l’usage de l’arme suprême et symbole depuis du tabou militaire absolu, se sont joints à moult protestations diplomatiques. La directive du président républicain "va à l’encontre des efforts déployés par les nations du monde entier pour construire un monde pacifique sans arme nucléaire et est absolument inacceptable", a dénoncé l’organisation Nihon Hidankyo, dans une lettre à l’ambassade des Etats-Unis au Japon.
Le maire de Nagasaki, Shiro Suzuki, a pour sa part regretté que l’ordre présidentiel "piétine les efforts des peuples […] qui ont versé sang et larmes pour un monde" dénucléarisé.
Jeudi, Donald Trump a annoncé vouloir tester les armes nucléaires américaines, laissant planer le doute - à dessein ou non - sur son propos : test d’explosion d’ogives nucléaires, ou essai d’armement capables de les transporter ? "En raison des programmes d’essais menés par d’autres pays, j’ai demandé au ministère (de la Défense) de commencer à tester nos armes nucléaires sur un pied d’égalité" avec la Russie et la Chine, a-t-il déclaré sur son réseau Truth Social.
Or, nul pays n’a procédé à un essai nucléaire depuis trois décennies - à l’exception de la Corée du Nord (à six reprises entre 2006 et 2017). En revanche, de nombreuses puissances, Etats-Unis en tête, effectuent régulièrement des tests de vecteurs - missiles, sous-marins, avions de chasse ou autres.
"Sous aucune circonstance"
L’Iran, accusé par les Occidentaux et Israël de développer l’arme atomique malgré ses démentis, a jugé que les Etats-Unis faisaient porter "le risque de prolifération le plus dangereux au monde". L’annonce du président américain "est une mesure régressive et irresponsable" et une "menace grave pour la paix et la sécurité internationales", a déclaré sur X le chef de la diplomatie iranienne Abbas Araghchi. "Le monde doit s’unir pour demander des comptes aux États-Unis".
Dans un contexte géopolitique incandescent, et alors que la rhétorique nucléaire revient périodiquement au premier plan depuis l’invasion russe en Ukraine, en février 2022, Donald Trump a versé de l’huile sur le feu.
Les essais nucléaires "ne doivent jamais être permis, sous aucune circonstance", a déclaré un porte-parole de l'ONU. "Nous ne devons pas oublier l’héritage désastreux des plus de 2 000 essais nucléaires menés ces 80 dernières années", a ajouté Farhan Haq, porte-parole adjoint du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.
Jeudi, le vice-président américain J.D. Vance a appuyé les propos du chef de l’Etat, arguant de la nécessité de s’assurer que l’arsenal nucléaire national "était en état de marche et fonctionnait bien". "Pour être clair, nous savons qu’il fonctionne proprement, mais vous devez veiller à cela au fil du temps", a-t-il ajouté à propos de l’arsenal américain. Ce vendredi matin, depuis la Malaisie, c'est le ministre américain de la Défense Pete Hegseth qui a assuré qu'il était "très responsable", de la part des Etats-Unis, de "reprendre des essais" d'armes nucléaires : "Le Président a été clair, nous devons avoir une dissuasion nucléaire crédible", a-t-il fait valoir.
Obligations internationales
Reste que Washington est signataire du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (Tice). Faire exploser des ogives en constituerait une violation flagrante.
La décision de Donald Trump a semblé répondre aux manœuvres récentes de la Russie : cette semaine, le président russe Vladimir Poutine s’est félicité de l’essai final réussi d’un missile de croisière d'"une portée illimitée", puis de celui d’un drone sous-marin. Mais le Kremlin a jugé bon jeudi de préciser qu’il s’agissait bien d’essais d’armes capables de porter une ogive nucléaire et non de bombes elles-mêmes. "Nous espérons que le président Trump en a été informé correctement", a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Pékin, pour sa part, a émis le souhait que Washington respecte "sérieusement" ses obligations internationales et prenne "des mesures concrètes pour préserver le système mondial de désarmement et de non-prolifération nucléaires".
Washington et Moscou restent liés en principe par le traité de désarmement New Start, qui limite chaque partie à 1 550 ogives stratégiques offensives déployées et prévoit un mécanisme de vérifications, interrompues depuis deux ans. Le traité doit expirer en février.
A tout le moins, Donald Trump n’a semblé nullement ébranlé par les protestations qu’il a provoquées. Evoquant le blocage budgétaire qui paralyse actuellement son administration, il a réclamé un changement du règlement du Sénat pour sortir de l’impasse. "Il est temps pour les républicains de jouer leur 'CARTE TRUMP' et de mettre en œuvre ce qu’on appelle l’Option Nucléaire ", a-t-il écrit sur son Truth Social, comme une énième provocation.
Le président américain Donald Trump descend d'Air Force One à son arrivée à la base militaire Joint Base Andrews, dans le Maryland, près de Washington, aux Etats-Unis, le 30 octobre 2025
Alors que Donald Trump fête, le 5 novembre, le premier anniversaire de sa réélection à la Maison-Blanche, l’Europe en est toujours à se demander avec angoisse comment elle pourrait assumer seule son destin. Cinq dossiers géopolitiques de première importance disent le désarroi dans lequel les menées brutales du président américain ont plongé les dirigeants du Vieux Continent.
1. L’Ukraine
Depuis que Trump a stoppé les financements américains en faveur de Kiev, aider la nation ukrainienne à résister à l’agression russe est devenu un objectif vital pour la grande majorité des chefs d’Etat et de gouvernement européens. Ils s’en montrent pourtant bien peu capables. Une tentative de gager l’aide sur les avoirs russes gelés en Europe, discutée au Conseil européen du 23 octobre, a tourné court suite aux objections juridiques (fondées) de la Belgique. Or, les caisses de Kiev seront vides dès le début 2026.
2. La garantie de sécurité américaine
La rhétorique anti-européenne de l’administration Trump terrifie nombre de dirigeants de ce côté-ci de l’Atlantique, alors que la menace russe s’accentue. A plusieurs reprises, Washington a évoqué le projet d’une réduction des troupes américaines déployées en Europe. Les plans de l’Otan prévoient qu’en cas de coup dur, les 100 000 militaires américains présents (dont la moitié en Allemagne) seraient renforcés par 200 000 hommes supplémentaires. Ces plans pourraient bien être obsolètes. Sans compter le parapluie nucléaire américain, de plus en plus sujet à caution.
3. Le Proche-Orient
Trump discute de l’avenir de la bande de Gaza avec l’Arabie saoudite, le Qatar ou la Turquie… mais pas avec la France, l’Allemagne ou le Royaume-Uni. Sur une question géopolitique qui impacte directement leur sécurité, les Européens sont traités comme quantité négligeable. En termes de poids politique, il n’a pas servi à grand-chose que l’UE ait été, depuis des années, le principal financier de l’Autorité palestinienne. Même chose au sujet de l’Iran : Trump n’a pas pris la peine de prévenir ses "alliés" européens lorsqu’il a fait bombarder, le 21 juin, trois sites liés au programme iranien de fabrication de la bombe atomique.
4. Le commerce
Les Européens ont renoncé en août à déclencher des représailles aux droits de douane de 15 % que Trump leur a imposés de manière unilatérale. Conscients de leur faiblesse militaire, ils espéraient alors qu’en échange de leur docilité, le président américain soutiendrait l’Ukraine. Le compte n’y est pas, et le "deal" apparaît clairement pour ce qu’il est : un tribut payé par un vassal à son suzerain, pour une protection qui n’est même plus garantie.
5. Le Groenland
Même s’il a mis une sourdine à ses revendications, Trump n’a pas renoncé à ses visées sur ce territoire qui appartient au royaume du Danemark et dont l’annexion constituerait une violation gravissime de la souveraineté européenne. Or, les marques de soutien à Copenhague ont été rares et mesurées, à part celles émanant des voisins nordiques de Copenhague et aussi, de manière remarquable, de la France, par la voix d’Emmanuel Macron. Beaucoup de responsables européens préfèrent se taire, pour ne pas s’attirer les foudres de Trump. Raser les murs ne fera pas avancer l’autonomie stratégique européenne.
L’ordre du jour de l’administration Trump percute tout ce que l’Europe incarne. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les démocraties européennes ont pris pour boussole commune le respect du droit et la quête du consensus plutôt que le règne de la force et de l’intimidation. Elles ne savent pas comment réagir quand la démocratie américaine, leur modèle et protecteur, jette aux orties le cadre international patiemment construit depuis 1945.
Trump poursuit des flirts poussés avec les autocrates de la planète, du moins les plus puissants d’entre eux. Il ménage Xi Jinping et Vladimir Poutine ; il courtise le nord-coréen Kim Jong-un, qui possède l’arme nucléaire. Tout se passe comme s’il aspirait à un monde divisé en trois grandes zones d’influence, autour des Etats-Unis dans le monde anglophone et latino-américain, de la Chine en Asie orientale et de la Russie au cœur de l’Eurasie. Un monde qui ne laisserait aucune place à une Europe unie et attachée à ses valeurs démocratiques ; un monde que l’historien grec Thucydide décrivait-il y a déjà plus de deux millénaires, celui où "les forts font ce qu’ils peuvent et les faibles subissent ce qu’ils doivent".
Le président américain Donald Trump (d) et son homologue français Emmanuel Macron à l'issue d'une conférence de presse conjointe à la Maison Blanche, le 24 février 2025 à Washington
C'est une rhétorique qui a fait son retour dans la diplomatie mondiale depuis le début de l'invasion russe en Ukraine en février 2022. Brandie d'abord par Vladimir Poutine - qui s'est félicité dimanche de l'essai final réussi du missile de croisière Bourevestnik -, puis pas plus tard que ce jeudi 30 octobre, par Donald Trump - qui a été jusqu'à ordonner à son ministère de la défense de "commencer à tester" les armes nucléaires américaines.
S'il se matérialisait, ce scénario signerait une rupture avec l'interruption en vigueur depuis plus de trente ans. Mais pour Donald Trump, elle est justifiée compte tenu des agissements de la Chine et de la Russie, qui selon lui procéderaient "apparemment tous à des essais nucléaires". "S'ils font des essais, j'imagine qu'on doit en faire", a-t-il déclaré, sous l'oeil circonspect des experts, qui fournissent trois grilles de lecture possibles de ces dernières annonces.
Répondre aux tests russes
Première interprétation possible : Donald Trump pourrait faire référence aux essais de systèmes qui transportent les ogives - comme ceux que teste en ce moment Vladimir Poutine - et non aux essais d'ogives eux-mêmes. C'est en tous cas ce qu'a été tenté de penser, de prime abord, l'ancien directeur du centre de non-prolifération de l'Otan William Alberque, cité par l'AFP.
Une hypothèse qui aurait une portée limitée car les Etats-Unis, à l'instar de toutes les puissances nucléaires, testent déjà leurs armes. Il y a quelques semaines par exemple, les Etats-Unis ont tiré une volée de quatre Trident, les missiles balistiques mer-sol tirés à partir de sous-marins nucléaires lanceur d'engins. Mais d'autres déclarations à la presse poussent les experts à envisager d'autres possibilités.
Effectuer des tests "sous-critiques"
Alors que les ogives nucléaires sont régies par un traité, le TICE (traité d'interdiction complète des essais nucléaires), qui interdisent les essais nucléaires au-delà d'un certain dégagement d'énergie, la Chine et la Russie procéderaient à des tests "sous-critiques" respectant la limite mais s'en rapprochant.
De leur côté, "les Etats-Unis procèdent à des tests sous-critiques plus restrictifs, sans aucun dégagement d'énergie, aucune chaleur, aucune réaction critique", analyse auprès de l'AFP, Héloïse Fayet, chercheuse sur la dissuasion à l'Institut français des relations internationales (IFRI). Donald Trumppourrait à présent exiger de se mettre à niveau, "mais c'est un sujet extrêmement compliqué et je ne sais pas s'il entre dans ce degré de subtilité", juge-t-elle.
Reprise réelle des tests
Enfin, dernière hypothèse, maximaliste : la reprise des tests proprement dits. Si une grande partie des trumpistes y sont favorables, l'intérêt stratégique serait limité pour Washington, qui dispose déjà, comme les autres puissances nucléaires, d'un programme de simulation efficace. "Le seul intérêt serait politique", fait valoir Héloïse Fayet.
En mettant à exécution cette menace, Donald Trump pourrait tenter de pousser les Russes et les Chinois à la table des négociations, afin d'obtenir un accord tripartite de contrôle des armements. Et ce dans un contexte où l'architecture internationale sur la prolifération nucléaire tend à devenir obsolète. Le dernier accord liant Moscou et Washington, New Start, arrive à expiration en février, comme le rappelle Conflits.
Risque de retour de bâton
Certains spécialistes notent toutefois que ces essais pourraient se retourner contre les Etats-Unis. "Ce serait faire un cadeau à la Russie et à la Chine, qui développent de nouveaux types d'armes nucléaires et tireraient profit de la reprise des essais", analyse dans les colonnes du Wall Street Journal un ancien conseiller du président Bill Clinton, expert en armes de destruction massive.
Reste que ces dernières déclarations n'ont pas été du goût de Pékin, qui a appelé Washington à respecter "sérieusement" les obligations du TICE. D'autant que les Etats-Unis, dont le dernier essai remonte aux années 1990, se sont depuis engagés, comme la Russie et la Chine, à observer un moratoire sur les essais nucléaires souterrains.
Le sous-marin nucléaire d'attaque rapide USS Minnesota de la marine américaine, de classe Virginia, navigue au large des côtes de l'Australie occidentale, le 16 mars 2025
Peu l’avaient vu venir, mais ce passionné de course à pied a tout donné dans le sprint final. Vainqueur avec son parti centriste des élections législatives néerlandaises, selon les résultats encore provisoires, Rob Jetten a réussi l’exploit de devancer (d’une courte tête, quelques milliers de voix seulement) le Parti pour la liberté (PVV) du tribun d’extrême droite Geert Wilders. Il a toutes les chances de devenir le prochain Premier ministre, s’il parvient à former une coalition ce qui, même pour un athlète comme lui, peut prendre quelques mois aux Pays-Bas.
Libéral, européiste et pragmatique, le nouveau champion de la politique néerlandaise se voit comme un modèle à suivre par tous ceux qui veulent enrayer l’essor des forces populistes en Europe et ailleurs. "C’est un résultat électoral historique parce que nous avons montré, pas seulement aux Pays-Bas mais aussi au monde entier, qu’il était possible de battre les mouvements populistes et d’extrême droite", a-t-il lancé à ses partisans en liesse. "Des millions d’électeurs néerlandais ont tourné la page Wilders et dit adieu à la politique de la négativité et de la haine". Il entend renouer avec le cours traditionnellement pro-européen des Pays-Bas. "La situation de l’Europe sera désastreuse si nous ne renforçons pas l’intégration" entre les États membres, dit-il.
Le parti D66 de Jetten obtiendrait 26 élus sur les 150 députés de la chambre basse (Tweede Kamer) du Parlement, selon les projections (le résultat final des élections n’est pas attendu avant le 7 novembre). Il en aurait ainsi autant que le PVV de Wilders. Mais là où D66 triple presque son score (il n’avait que 9 élus dans la chambre sortante), le PVV en perd un tiers. À 38 ans, Jetten pourrait devenir le plus jeune chef de gouvernement de l’histoire néerlandaise. Le premier, aussi, à afficher sans complexe son homosexualité. Son compagnon est un joueur de hockey argentin qu’il a rencontré en faisant ses courses dans un supermarché.
L’attitude positive
À son programme politique, Jetten a inscrit l’accélération de la construction de logements (il en manque 400 000 dans le pays) avec la création de 10 villes nouvelles. En septembre, les sondages ne lui promettaient que 11 sièges. Il en a finalement obtenu plus du double. Sa recette ? Ce qu’il appelle l’attitude positive, c’est-à-dire la mise en avant de ce qui marche (la dette maîtrisée, l’économie qui fonctionne, le chômage bas…) plutôt que ce qui ne va pas (notamment les difficultés d’intégration des immigrés musulmans). L’inclusion, plutôt que la division. "Je suis le seul candidat positif, alors que Wilders est celui de la destruction", proclame-t-il.
Sa tactique ? Le heurt frontal avec l’extrême droite. Tout au long de sa campagne, il a présenté le scrutin comme un duel entre lui-même et Geert Wilders, le grand vainqueur des législatives précédentes il y a deux ans. Le PVV avait alors participé à une coalition gouvernementale focalisée sur la lutte contre les abus du système d’asile. Mais Wilders lui a retiré son soutien au début de l’été en reprochant à ses partenaires de ne pas être suffisamment déterminés. En provoquant des élections anticipées, l’homme aux cheveux blonds peroxydés espérait être en mesure de briguer le poste de chef du gouvernement, ce que les sondages lui laissaient entrevoir. Les électeurs en ont décidé autrement.
Rob Jetten date son entrée en politique du jour de l’assassinat par un islamiste fanatique, le 2 novembre 2004 à Amsterdam, du réalisateur de cinéma Theo van Gogh, l’arrière petit-neveu du peintre. Van Gogh avait déclenché une polémique avec un court-métrage, "Soumission", qui critiquait la place congrue réservée aux femmes dans l’islam. A l’annonce de son assassinat, des jeunes de l’équipe de football dans laquelle jouait Rob Jetten s’en prennent à une école primaire fréquentée par des enfants turcs. Lui cherche à s’interposer. Il a alors 17 ans. "J’avais toujours été intéressé par la politique mais c’est là que j’ai pris conscience, pour la première fois, que si on n’est pas d’accord avec quelque chose, il faut agir".
A 23 ans, Rob Jetten se fait élire au conseil municipal de Nimègue, en 2010. Sept ans plus tard, il est élu à la Tweede Kamer, où il devient chef du groupe parlementaire D66. En 2022, il fait son entrée au gouvernement de Mark Rutte, comme ministre du Climat et de l’Énergie. En 2024, il est brièvement ministre des Finances par intérim. Il entend désormais constituer une coalition de "forces positives et regardant vers l’avenir". Pour commander une majorité parlementaire, il aura besoin de trouver au moins trois partenaires, qui pourraient être les chrétiens-démocrates centristes du CDA, l’alliance entre travaillistes et écologistes (gauche) et le Parti populaire (VVD, centre droit) anciennement dirigé par Mark Rutte. Jetten devra faire preuve de patience : il est peu probable que son gouvernement, s’il parvient à le constituer, voit le jour avant le début de l’an prochain. En 2023, il avait fallu 7 mois.
Mercredi 29 octobre, la Cour des comptes italienne a rejeté le projet du gouvernement de relier la Sicile à la péninsule par un pont suspendu, dont la construction est évaluée à 13,5 milliards d’euros. Une décision vertement condamnée par l’exécutif de Giorgia Meloni, qui y perçoit une "ingérence des juges". Mais l’ambition de la cheffe du gouvernement d’extrême droite dépasse la simple question architecturale. Derrière ce pont pharaonique se cache un vieux rêve italien, hérité de l’Antiquité, et régulièrement ravivé par la droite, sous des prétextes différents. Aujourd’hui, c’est l’angle militaire que le gouvernement a choisi pour justifier son projet dispendieux.
Un serpent de mer italien
L’idée de relier la Sicile au continent à travers le détroit de Messine ne date pas d'hier. Et le gouvernement n’hésite pas à s'en revendiquer : "Nous avons attendu un siècle, nous attendrons un siècle et deux mois", avait déclaré le vice-Premier ministre, Matteo Salvini, après la décision de la Cour. Dès l’Antiquité, selon le Romain Pline l’Ancien, des barques et des tonneaux attachés entre eux auraient formé une passerelle permettant de transporter éléphants et marchandises depuis l'île.
Le projet s'ancre véritablement dans la politique au XIXe siècle, lors de l’unification du pays, puis est repris par Benito Mussolini dans les années 1940, dans le cadre de son projet impérial. En 1971, un premier projet de loi pour sa construction se solde en échec. Dans les années 2000, c’est au tour de Silvio Berlusconi, alors Premier ministre, de le remettre sur la table. Nouvel échec.
Mais dans l’opposition, le marronnier n’emballe pas. Si officiellement, le pont de Messine aurait pour objectif de stimuler le développement économique en Sicile, les nombreux naufrages qu’a connu le projet ont poussé Giorgia Meloni et son gouvernement à adopter une nouvelle stratégie de communication pour permettre son approbation : le présenter comme une infrastructure militaire.
Alors que la gauche et plusieurs mouvements locaux restent hostiles au chantier, l'argument militaire agace plus qu’il ne séduit. Selon Politico, un eurodéputé de la gauche italienne populiste a dénoncé : "C’est se moquer des citoyens et des engagements pris auprès de l’Otan. Je doute que ce bluff du gouvernement soit accepté". Et d'ajouter : "Le gouvernement devrait s’arrêter et éviter de se ridiculiser au niveau international, ce qui couvrirait l’Italie de ridicule".
Un camouflage militaire
Pourquoi alors donner des allures militaires à un pont civil ? Selon Politico, un responsable du Trésor italien aurait suggéré que classer le pont comme projet de défense permettrait au gouvernement de contourner certains des obstacles économiques et techniques : le coût pharaonique, la difficulté de construire dans cette zone sismique et la nécessité de déplacer les populations pendant les travaux.
Surtout, ériger le pont de Messine en investissement pour l’armée italienne, permettrait à Rome de booster ses dépenses militaires et le pays en a bien besoin. En 2024, l’Italie n’y a consacré que 1,49 % de son PIB, loin du seuil des 2 % fixés par l’Otan - un objectif que l'Alliance souhaite porter à 5 % d’ici 2035. L’Italie qui fait partie des pire élèves de l’alliance transatlantique serait soulagée d’un poids si elle pouvait ajouter les 13,5 milliards d’euros nécessaires à la construction du pont dans ses comptes.
D’autant plus que l’idée n’est pas complètement tirée par les cheveux. Techniquement, 1,5 % des 5 % demandés par l’Otan peuvent être consacrés à des "innovations" plus larges, dont les infrastructures militaires. Dans un rapport publié en avril, les autorités italiennes affirmaient que "le pont du détroit de Messine constitue une infrastructure fondamentale en ce qui concerne la mobilité militaire, compte tenu de la présence d’importantes bases de l'Otan dans le sud de l’Italie", le présentant comme un projet d'intérêt public prioritaire. Giorgia Meloni a même invoqué la menace russe, estimant que le pont serait un atout face à un Vladimir Poutine qui se "projette de plus en plus en Méditerranée".
Les Américains sceptiques
Mais ce nouvel étiquetage du pont de Messine n’emballe pas les Américains. S'ils n'ont pas encore rejeté officiellement le projet, leurs critiques sont à peine voilées. Le 2 septembre, l’ambassadeur américain auprès de l’Otan, Matthew Whitaker déclarait "avoir eu des conversations avec certains pays qui ont une vision très élargie des dépenses liées à la défense". Et le diplomate de cingler qu’il ne peut s’agir de "ponts qui n’ont aucune valeur militaire".
Selon Bloomberg, Washington souhaiterait s'assurer que ses alliés investissent dans des équipements utiles aux opérations militaires, et non dans des "exploits techniques extravagants".
L’argument militaire du pont de Messine apparaît donc avant tout comme un prétexte politique. Le projet semble davantage relever du vieux fantasme italien, popularisé par Mussolini, puis ressuscité par Giorgia Meloni. S’il restait un doute sur la dimension symbolique du chantier, le vice-Premier ministre, Antonio Tajani, l'a levé en proposant de baptiser le pont "Berlusconi", en hommage à son mentor.
Soirée de cocktail au siège de l’Otan, à Bruxelles. En cet automne 2009, militaires et diplomates trinquent à l’Alliance atlantique. Tous sont encore secoués. Il y a un peu plus d’un an, Moscou, qui semblait si bien s’entendre avec les Européens, a envahi la Géorgie. Le conflit a duré neuf jours : un cessez-le-feu a été signé sous l’égide de l’Union européenne. Paris peut s’en attribuer le mérite : la médiation entre les deux pays a été assurée par Nicolas Sarkozy. "A l’époque, Sarkozy convenait que les Russes avaient été un peu excessifs. Mais il était convaincu, comme Angela Merkel, qu’il fallait rattraper le coup et les ramener dans le concert des nations", se rappelle le général Michel Yakovleff, alors représentant du commandant suprême des forces alliées en Europe de l’Otan.
Au milieu des mondanités, des représentants polonais et baltes s’approchent de lui, la mine renfrognée. A leur yeux, l’Ouest se voile la face. Le Kremlin est embarqué dans une croisade révisionniste qui finira par frapper d’autres ex-satellites soviétiques, puis l’Europe elle-même. "Vous, les Français et les Allemands, vous ne comprenez pas la nature du régime russe. Quand vous l’aurez compris, vous le considérerez comme une menace", lui assurent-ils.
Effort de réarmement
Seize ans plus tard, leur mise en garde résonne autrement. L’écho est venu, ce 22 octobre, du chef d’état-major des armées lui-même. Devant les députés de la commission de la défense, le général Fabien Mandon a expliqué que l’armée française doit être "prête à un choc dans trois, quatre ans", face à la Russie qui "peut être tentée de poursuivre la guerre sur notre continent". Sa déclaration intervient alors que s’ouvrent les négociations du budget 2026, où le ministère des Armées est l’un des rares en hausse - une augmentation de 13 %, à 57,1 milliards d’euros.
Mais cet "effort de réarmement" dépasse le simple calendrier budgétaire. Depuis des semaines, les alertes se succèdent. Le 11 juillet, l’ancien chef d’état-major, Thierry Burkhard, a affirmé que Moscou considère désormais la France comme "son principal adversaire en Europe". La Russie, "puissance de nuisance", "est partie prenante de toutes les menaces", a-t-il insisté. A Berlin, les services de renseignement mettent aussi en garde contre un Kremlin susceptible "d’entrer en conflit militaire direct avec l’Otan" d’ici 2029. A Londres, le ministre de la Défense britannique John Healey constate une "augmentation de 30 % des navires russes menaçant les eaux britanniques". "La Russie nous challenge ; elle nous teste ; elle nous surveille", résume-t-il au micro de la BBC.
Une "négligence criminelle"
Désormais, pas une semaine ne se passe sans qu’une capitale européenne ne manifeste son inquiétude. Mobilisée en Ukraine, la Russie multiplie les provocations : incursions de drones dans le ciel européen ; survols brefs d’avions militaires en Lituanie ; cyberattaques et campagnes de désinformation. Ciblée par la guerre hybride russe, l’Europe veut réagir. "Les déclarations du général Mandon visent à préparer le pays psychologiquement et industriellement à un 'choc'. Cela peut aller des attaques hybrides à une atteinte directe à la souveraineté d’un allié, explicite l’historien Guillaume Lasconjarias. Le message est que nous ne pouvons pas nous contenter d’être des herbivores dans un monde de carnivores". La France aurait donc "trois à quatre ans" devant elle. Un délai ultra-contraint, à peine nécessaire pour donner de la visibilité à l’industrie de défense. Un délai fixé, surtout, par l’agressivité du voisin russe.
Le temps où seuls les Etats baltes mettaient en garde contre Moscou est terminé. Confrontés à la nécessité d’augmenter leurs dépenses militaires, incertains de la protection de l’allié américain, les Européens de l’Ouest ont radicalement révisé leur attitude en trois ans. "Il n’y a rien de controversé à dire que Moscou veut attaquer l’Europe, assure Keir Giles, consultant senior au sein du programme Russie et Eurasie du think-tank Chatham House et auteur de Russia’s war on everybody (Bloomsbury Publishing). La plupart des pays d’Europe occidentale ont fait preuve d’une négligence criminelle en omettant d’éduquer leur population au risque qu’elle encourt de voir son mode de vie lui être retiré".
Lire (et écouter) les Russes
Cette lucidité tardive pourrait presque exaspérer à l’Est. "Ils vous diraient qu’il fallait prêter attention aux propos des Russes pour s’en rendre compte", s’amuse le général Yakovleff. Ces derniers mois, les prises de position des proches du Kremlin donnent des sueurs froides aux Européens. Chez les intellectuels d’abord. En mars, Vladislav Sourkov, idéologue à l’origine du poutinisme, expliquait dans nos colonnes : "Le monde russe n’a pas de frontières. […] Nous nous étendrons donc dans toutes les directions, aussi loin que Dieu le voudra."
L’idéologie est secondée par la machine médiatique. Habitué des outrances, le présentateur vedette Vladimir Solovyov distille régulièrement des menaces contre "l’Europe satanique". "Nous disposons de suffisamment de munitions pour détruire la France ou le Royaume-Uni", s’est même vanté en 2023 l’ancien général Andrey Gurulyov, un de ses chroniqueurs. L’augmentation des budgets militaires européens n’a fait qu’accroître leur obsession. Cet été, Solovyov a suggéré de mener des frappes préventives sur le territoire européen : "Il n’y a aucun intérêt à attendre qu’ils se préparent. Il faut les détruire immédiatement".
De simples cabotinages ? En juillet 2025, l’ancien président russe Dmitry Medvedev a indiqué que la Russie "devait se tenir prête, et, si nécessaire, envisager des frappes préventives" contre l’Occident. Le 2 octobre, Poutine a surenchéri, lançant un avertissement à peine voilé depuis un forum à Sotchi : la Russie suit attentivement "la militarisation croissante de l’Europe". "La réponse aux menaces sera, pour le moins, très convaincante. Je dis bien la réponse. Nous n’avons nous-même jamais initié une confrontation militaire", a-t-il déclaré, accusant le Vieux Continent de mener "une escalade permanente" du conflit en Ukraine.
Révision de calendrier
Un épisode, à la veille de l’invasion, résume le changement de perception. Le 4 février 2022, les Etats-Unis mettent en garde contre une invasion russe en Ukraine pouvant "survenir à tout moment". Plusieurs pays, comme la Norvège ou le Royaume-Uni, font plier bagage à leurs personnels non-essentiels. Bruxelles tarde à y croire. Signe de l’incrédulité à Paris, il faut presque attendre minuit le 23 février pour que le Quai d’Orsay appelle les ressortissants français à "quitter sans délai" le pays. Six heures plus tard, Moscou lance son "opération militaire spéciale". Les capitales européennes découvrent, abasourdies, le retour de la guerre sur leur continent.
En Europe, les politiques et militaires se divisent entre ceux qui excusent Moscou, voyant dans la guerre une réponse à l’élargissement de l’Otan, et ceux qui alertent sur un risque de confrontation directe. "L’idée a aussi circulé que la Russie ne pourrait pas s’en prendre à un pays européen ou un membre de l’Otan comme elle était incapable de gagner contre l’Ukraine", observe Jean-Louis Thiériot, député (LR) de Seine-et-Marne et ex-ministre aux Anciens combattants. L’enlisement du conflit en Ukraine inquiète autant qu’il rassure. "Jusqu’au début de l’année 2024, l’Otan estimait encore qu’il faudrait entre dix et vingt ans à la Russie pour être prête à attaquer un des alliés en utilisant sa force militaire conventionnelle, reprend Keir Giles. Mais cette estimation a rapidement baissé".
La crainte de l’arsenal russe
La Russie a reconstitué ses forces militaires beaucoup plus rapidement que prévu. "L’armée [russe] est désormais plus nombreuse - de 15 % - qu’elle ne l’était lors de l’invasion de l’Ukraine, écrivait le 11 avril 2024 le général Christophe Cavoli, alors commandant suprême des forces alliées de l’Otan en Europe, dans une lettre adressée aux sénateurs américains. Au cours de l’année écoulée, la Russie a augmenté ses effectifs de première ligne de 360 000 à 470 000 hommes". En hommes comme en équipements, l’armée gagne en épaisseur. "La Russie est certes un peu à la peine dans le conflit, mais son armée bénéficie d’un budget considérable. Elle s’est aguerrie dans le conflit en Ukraine. Son appareil militaire monte rapidement en puissance", souligne Camille Grand, ex-secrétaire général adjoint de l’Otan de 2016 à 2022, désormais secrétaire général de l’Association des industries aérospatiales et de défense.
L’hypothèse d’un cessez-le-feu mal négocié hante les Européens. "L’arrêt des opérations en Ukraine permettrait aux Russes de se reconfigurer, estime le général (2S) Michel Yakovleff. Cela lui laissera le temps de se restructurer en fonction de ses enseignements". Dans ce contexte, les "trois ou quatre ans" évoqués par le général Mandon sont donc déterminants. "Les forces terrestres russes aujourd’hui mobilisées seraient alors disponibles pour être utilisées ailleurs. La Russie constitue déjà une réserve stratégique qu’elle pourrait utiliser contre un pays de l’Otan", estime Keir Giles.
Frappé par les sanctions internationales, Moscou n’est pas non plus tout à fait isolé, et s’appuie sur des livraisons massives de munitions depuis la Corée du Nord. En parallèle, la Russie multiplie les efforts pour développer son arsenal, et le fait savoir aux Européens. En novembre 2024, Vladimir Poutine menace par exemple de frapper Kiev avec le missile de moyenne portée Orechnik. Dans la foulée, le général Valery Gerasimov, chef d’état-major russe, affirme qu’il peut atteindre toute l’Europe. Ce 26 octobre, le président russe a sorti une carte similaire avec un autre missile, le Bourevenstnik. Cet "oiseau de tempête", "capable d’échapper à tous les systèmes de défense antimissile actuels et futurs", assure Poutine, a été introduit dans le but d’effrayer autant l’Ukraine que les Occidentaux.
Pour accroître sa crédibilité, la Russie tente de déployer ses forces militaires en Arctique. Certains de leurs navires et sous-marins s’orientent vers l’un des passages stratégiques les plus importants de l’Arctique vers l’Atlantique, au nord de l’Europe. "Si les sous-marins russes parviennent à faire cette jonction sans être détectés, ils pourraient potentiellement viser des capitales européennes avec leurs missiles, puis traverser l’Atlantique pour menacer la côte est des Etats-Unis", note un article du Financial Times datant de mai 2025.
Changement de théâtre
A cette guerre des nerfs s’ajoute un nouveau jeu d’alliances. Les stratèges occidentaux observent avec inquiétude la coopération entre Moscou et Pékin dans la zone arctique. En juillet 2024, les deux pays ont, entre autres, mené des patrouilles militaires conjointes dans le détroit de Béring en Arctique. "Des soldats nord-coréens sont présents en Ukraine. L’effort de guerre russe est soutenu par Pyongyang, des drones iraniens et de la technologie chinoise. On a longtemps prétendu séparer les théâtres d’opérations, remarque Camille Grand. Il faut réfléchir à l’interconnexion".
Les Européens redoutent désormais des soutiens croisés. En septembre 2024, une note du think-tank suédois SCEEUS observe la manière dont la Chine pourrait fournir à Moscou "une assistance militaire directe, ouverte, systématique et étendue, sous forme de systèmes d’armes, de munitions, d’équipements et de technologies. A l’inverse, il est également possible d’envisager un soutien militaire russe direct aux ambitions chinoises concernant Taïwan et l’Indo-Pacifique". Dans cette configuration, l’allié américain concentrerait la majorité de ses forces dans le Pacifique, délaissant le Vieux Continent.
L’Europe isolée
Le scénario noir a pris un peu plus corps cette année. Le 14 février 2025, le vice-président des Etats-Unis J.D. Vance fait la leçon aux Européens sur la scène de la conférence de sécurité, à Munich. Dans un discours véhément, il les enjoint à prendre "des mesures importantes dans les années à venir pour assurer [leur] propre défense". Dix jours plus tard, le chancelier allemand fraîchement élu, Friedrich Merz, s’affole : "Tous les signaux que nous recevons en provenance des Etats-Unis indiquent que l’intérêt pour l’Europe faiblit de manière significative". Ce 26 octobre, les Etats-Unis ont annoncé un retrait d’une de leurs brigades stationnées en Roumanie. "Ce n’est pas un retrait américain d’Europe ni un signe d’un engagement réduit envers l’Otan et l’article 5", a indiqué l’armée américaine dans un communiqué. Les 2 000 ou 5 000 hommes d’une brigade ne sont qu’une petite partie des 85 000 "Boys" déployés sur le continent. Mais cette décision est évidemment très scrutée dans le contexte actuel.
L’Europe est prise dans un tango diabolique : augmenter les dépenses militaires pour satisfaire Donald Trump, sans en faire trop pour ne pas le pousser à quitter le continent européen. "En Ukraine, Poutine a fait une erreur d’évaluation. Il a attaqué en sous-estimant les forces ukrainiennes. Il pensait réussir son opération spéciale en quelques semaines. Notre rôle est de faire prendre conscience aux Russes que toute nouvelle opération militaire d’ampleur serait conduite à l’échec", souligne Jean-Louis Thiériot.
Il serait tentant de penser que la France est à l’abri d’un conflit en raison de sa dissuasion nucléaire. Or en Europe, on craint aussi un scénario d’invasion "à bas bruit". En 2014, des hommes cagoulés et lourdement armés étaient apparus en Crimée. Ils se présentaient comme des forces locales venues défendre les séparatistes. La séquence s’est conclue par l’annexion russe. "Si d’autres petits hommes verts surgissent à Narva, en Estonie, voulant rattacher les russophones à la mère patrie, comment fait-on ? s’interroge Jean-Louis Thiériot. On ne va pas utiliser l’arme nucléaire. On est bien obligés de se battre avec une armée conventionnelle. On est bien obligés de gagner".
La Russie suit attentivement "la militarisation croissante de l’Europe", a averti Vladimir Poutine le 2 octobre dernier. Un avertissement à peine voilé.
Réarmer l'Europe. A Bruxelles, où chefs d'Etat et de gouvernement des 27 se sont réunis jeudi dernier, cet impératif était sur toutes les lèvres. Depuis, la Commission européenne planche sur des modes opératoires concrets. Et réfléchit notamment à un système de "mobilité militaire", rapporte le Financial Times. Objectif : favoriser l'entraide entre les pays pour déplacer des chars et de l'artillerie lourde à travers le continent en cas de guerre.
Améliorer les infrastructures de transport
Et ce, en permettant notamment aux gouvernements de se coordonner pour le partage de camions, de wagons et de ferries capables de transporter ce matériel. Mais aussi de déplacer des troupes à travers le bloc, si la Russie venait à poursuivre sa guerre au-delà de l'Ukraine, selon trois responsables au fait de ces plans, cités par le journal britannique.
Dès le mois prochain, la Commission entend ainsi formuler des propositions pour améliorer les infrastructures de transport (harmoniser les écartements des voies ferrées ou encore s'assurer que les ponts ne cèdent pas sous le poids de convois importants) et assouplir les formalités douanières. Des procédures jugées indispensables pour réduire le nombre de jours qu'il faudrait à une armée pour traverser l'UE.
Recenser les capacités de chaque Etat
Toujours selon le Financial Times, le plan de ressources partagées s'inspirerait de celui que les 27 utilisent pour lutter contre les incendies durant la période estivale. Cependant, le dispositif de défense serait bien plus complexe puisque les armées ne sont pas propriétaires de tous les moyens de transport qu'elles exploitent et ont pour habitude de louer avions et trains auprès d'opérateurs privés.
Dans un premier temps, la Commission envisagerait donc de demander aux Etats membres qu'ils recensent les moyens de transport dont ils disposent, pour faciliter la mobilité de l'armée, a fait savoir un responsable. La Commission examinerait également la possibilité, pour l'UE, de disposer de sa propre flotte de camions et de wagons de chemin de fer. Une option qui pourrait toutefois se révéler plus difficile à mettre en oeuvre, en l'état actuel du budget de l'UE.
Renforcer le budget de défense européen
Ces projets marquent une étape de plus dans le réarmement enclenché par Bruxelles ces derniers mois. L'Europe s'efforce de renforcer ses capacités de défense et de ranimer, dans ce cadre, l'Agence européenne de défense (AED), créée en 2004 mais sous-financée ces dernières années, au point que certains à Bruxelles la qualifient désormais de "belle endormie", rapportent Les Echos. L'agence, qui devrait retrouver un plus large rôle, aura la charge de rédiger, chaque automne, un rapport détaillant la progression du processus de réarmement.
Un processus entamé devant le désengagement américain de l'Otan - acté en pleine guerre en Ukraine. Mais devenu "brûlant" ces dernières semaines, sous le coup des incursions russes dans l'espace aérien européen. Au point que l'Allemagne, qui se rêve en armée "la plus forte d'Europe", a multiplié les investissements tout récemment dans le groupe d'armement Rheinmetall. Le dernier en date se chiffre, selon Politico, à plus de 88 milliards d'euros.
Long de 275 mètres, le pétrolier Lynx s’est, à la fin de l’été, retrouvé coincé dans la banquise arctique. Non équipé pour la glace, le navire russe a dû attendre plusieurs jours pour recevoir de l’aide. Il a finalement repris sa route à vitesse réduite en direction de la Chine, afin d’y livrer jusqu’à 150 000 tonnes de pétrole.
Si la catastrophe a cette fois-ci été évitée, Olivier Faury, spécialiste de la route maritime du Nord, alerte sur les risques "importants" pris par la Russie pour contourner les sanctions économiques. "S’il y avait une marée noire dans ces zones nordiques, ce serait une catastrophe écologique majeure, combinant un environnement vierge et une capacité d’intervention très limitée. Tous les ingrédients d’un désastre seraient réunis", avertit le professeur associé à l’EM Normandie. Entretien.
L’Express : La flotte fantôme russe, qui pourrait compter jusqu’à 1 400 pétroliers selon l’UE, pose-t-elle un risque en termes de sécurité maritime et d’environnement ?
Olivier Faury : En soi, une flotte de navire ne pose pas de problème, si elle est gérée correctement et que les réglementations sont respectées. Le problème ici réside dans ce que nous appelons les navires fantôme car ils coupent le système AIS qui permet de les localiser. Ce sont aussi des navires âgés, parfois mal entretenus et pas toujours bien assurés.
Ces navires ne sont pas toujours adaptés aux conditions de navigation en Arctique, impliquant la présence de glace ce qui les rend particulièrement sensibles aux chocs avec des plaques de glace dérivantes ou avec d’autres navires qui naviguent en convoi. Les risques sont d’autant plus importants que les bateaux russes, pétroliers ou gaziers, ne disposent pas de la classe de glace leur permettant de naviguer dans ces zones. Cela veut dire que leur coque n’est pas renforcée et qu’ils ne disposent pas non nécessairement d’un moteur assez puissant. Ils sont donc bien plus vulnérables aux éléments externes, d’autant plus que ces navires russes fantômes empruntent la route maritime du Nord reliant l’océan Atlantique à l’océan Pacifique, afin de notamment rejoindre la Chine.
En mars, la collision entre un porte-conteneurs et un pétrolier en mer du Nord a fait un mort. C’est grave, mais cela aurait pu être bien pire si les navires étaient plus éloignés des côtes car le temps d’intervention des secours serait allongé.
En Arctique, c’est une autre histoire… Même si le navire émet un signal, il est peut-être très compliqué d’intervenir. La présence de glace, le faible nombre de ports pouvant servir de refuge ou la capacité de réponse limitée sont autant de facteurs jouant le rôle de catalyseur en cas d’accident.
Le réchauffement climatique ne vient-il pas en "aide" aux navires russes ?
Si la tendance globale est à la fonte de la banquise, la glace ne disparaît pas. On se retrouve avec des plaques de glace dérivantes. Une glace qui dérive et un navire qui entre en collision, cela rappelle quelques mauvais souvenirs…
Les navires qui ne sont pas équipés glace risquent de rentrer en contact avec de la glace, ou se retrouver bloqués, et dans les deux cas, cela peut engendrer des dégâts sur la coque et engendrer de la pollution. Les navires non adaptés font aussi peser un réel danger sur un écosystème fragile au niveau de résilience très faible. S’il y avait une marée noire dans ces zones nordiques, ce serait une catastrophe écologique majeure, combinant un environnement vierge et une capacité d’intervention très limitée. Tous les ingrédients d’un désastre seraient réunis.
Ainsi, l’un des enjeux principaux pour mitiger les risques liés à cette navigation est de prédire l’état de la glace que le navire va rencontrer, à plus ou moins court terme en intégrant de nombreux paramètres (courants marins, courants dans l’air…).
Cependant, il y a aussi une composante économique. Un navire avec une classe de glace n’a pas le même prix qu’un navire non équipé pour ces zones. De plus, le passage du Nord-Est n’est ouvert que pendant quelques mois. L’un des moyens pour une navigation plus sécurisée est d’être assisté d’un brise-glace en plus d’avoir un navire à coque renforcé. Les sanctions économiques du fait de la guerre en Ukraine, ont fortement impacté la construction de gaziers de classe polaire expliquant les risques maritimes importants pris par les Russes.
Les Russes auraient pour objectif de construire des brise-glace nucléaires colossaux
The Barents Observer a révélé que le pétrolierLynx, qui faisait route entre Mourmansk et la Chine, a pendant plusieurs jours été coincé dans la banquise à 72° Nord, avant de recevoir de l’aide…
Le navire, qui transportait, selon ces informations, 150 000 tonnes de pétrole, n’avait pas la classe de glace. Ce pétrolier de la flotte fantôme a changé plusieurs fois de nom, de propriétaire et d’Etat de pavillon ces dernières années. Il est compliqué de savoir si on est passé près d’une catastrophe, mais dans tous les cas, quand un pétrolier est bloqué dans la glace sans l’équipement nécessaire, ce n’est jamais bon.
Dans une étude réalisée récemment avec mes co-auteurs Laurent Fedi, Laurent Etienne et Ali Cheaitou, nous avons montré que la première cause des accidents, ce n’est pas la glace, mais la vétusté des navires. La glace joue le rôle de catalyseur, aggravant la situation. Et s’il y a un problème dans l’Arctique, vous devez attendre plusieurs jours pour que des secours puissent accéder à votre navire.
A quel point les Chinois empruntent-ils aussi cette route du Nord ?
La Chine semble l’utiliser pour le transport de conteneurs, en alternative au canal de Suez. Dès 2018, Pékin a lancé une stratégie "route de la Soie polaire". Le groupe danois Maersk avait aussi testé cette route il y a quelques années, mais l’impact d’un potentiel accident sur leur image, et la difficulté à respecter le temps de transport ont sans doute eu raison de leur souhait de naviguer dans cette partie du globe. Des groupes comme CMA CGM ou Maersk doivent transporter des marchandises d’un point A à B en temps et en heure. Le problème avec l’Arctique, c’est que les conditions de météo restent imprévisibles. Les Chinois envoient eux des navires plus gros, plus au nord, mais qui sont donc plus isolés.
Le canal Suez voit passer environ 13 000 navires par an. Aujourd’hui, la route du Nord n’est empruntée que par une centaine de navires. On est donc encore très loin d’un vrai axe rival. Je ne pense pas que l’ambition des Russes soit de concurrencer Suez. Il s’agit plutôt d’exporter leur pétrole et gaz et, en même temps, faire passer des conteneurs. Avec le renouvellement de la flotte de brise-glace, les Russes auraient pour objectif de construire des brise-glace nucléaires colossaux. La nouvelle classe leader devrait permettre d’assurer une navigation toute l’année…
Les ressources dans l’Arctique deviennent moins difficilement accessibles, la navigation des bateaux est moins compliquée, les risques diminuent, même s’ils demeurent conséquents. Mais n’oublions pas que le réchauffement climatique provoque la fonte du permafrost, qui libère du méthane et impacte les infrastructures terrestres, les rendant plus difficiles et coûteuses à maintenir…
De plus, les difficultés que rencontre le canal de Panama pourraient relancer l’intérêt nord-américain pour le passage du Nord-Ouest qui passe le long des côtes canadiennes.
Au lendemain d’une journée de violences intenses dans la bande de Gaza, la situation reste extrêmement tendue au Proche-Orient. Dans la nuit de mardi à mercredi, l’armée israélienne avait frappé "des dizaines de cibles terroristes" en représailles à la mort de l’un de ses soldats, tué lors d’une attaque revendiquée par le Hamas. Ces bombardements ont fait plus de cent morts, selon la Défense civile et les hôpitaux de Gaza, avant qu’Israël n’annonce mercredi 29 octobre un retour au cessez-le-feu en vigueur depuis le 10 octobre. Donald Trump a assuré que la trêve "tenait malgré tout", tandis que les chancelleries européennes appelaient Israël à la retenue et le Hamas à respecter ses engagements.
Ce jeudi 30 octobre, la tension a gagné le sud du Liban. Une incursion israélienne dans le village frontalier de Blida a fait un mort, provoquant la colère de Beyrouth, qui dénonce une "agression flagrante contre la souveraineté libanaise".
Les infos à retenir
⇒ Une incursion israélienne fait un mort dans le sud du Liban
⇒ Les secouristes turcs dans l’attente du feu vert à Rafah
⇒ Des militaires et civils français envoyés en Israël pour superviser le plan de paix
Le Royaume-Uni débloque 4 millions de livres pour aider au déminage de Gaza
Le Royaume-Uni va débloquer une enveloppe de 4 millions de livres (4,5 millions d'euros) afin de soutenir les efforts de déminage de la bande de Gaza et permettre ainsi l'acheminement de l'aide humanitaire, a annoncé jeudi le ministère des Affaires étrangères.
Ce financement, qui est destiné au service de la lutte antimines de l'ONU (UNMAS), permettra de déployer davantage d'experts chargés de retirer les mines, bombes et autres munitions larguées sur ce territoire palestinien dévasté par deux ans et demi de guerre avec Israël, détaille le ministère.
Un employé municipal tué après une incursion israélienne dans le sud du Liban
Le président libanais Joseph Aoun a demandé ce jeudi à l’armée de "s’opposer à toute incursion israélienne", après que l’armée israélienne a mené dans la nuit une incursion meurtrière dans un village frontalier du sud du Liban, tuant un employé municipal. Israël a affirmé que son armée agissait contre le Hezbollah pro-iranien et avait ouvert le feu sur un "suspect", ajoutant qu’une enquête avait été ouverte. Sur X, le Premier ministre libanais Nawaf Salam a dénoncé "une agression flagrante contre les institutions de l’Etat libanais et sa souveraineté".
Un photographe de l’AFP a vu des impacts de balles sur le bâtiment de la municipalité de Blida. Dans la pièce où dormait l’employé municipal, Ibrahim Salamé, le sol, les couvertures et le matelas étaient maculés de sang. Les lunettes, les papiers et les cigarettes de la victime gisaient à proximité. L’homme dormait dans le bâtiment car c’était son tour de garde, a déclaré à l’AFP Hassan Hijazi, le président de la municipalité de Blida, dont la plupart des maisons ont été détruites lors de la dernière guerre. "Nous avons entendu les soldats israéliens crier, puis il y a eu des tirs […]", raconte à l’AFP Hicham Abdel Latif Hassan, neveu de la victime. Lorsque les soldats israéliens se sont retirés à l’aube, "nous l’avons retrouvé mort près de son matelas".
L’aviation israélienne a en outre mené jeudi matin des frappes sur deux villages du sud du Liban, relativement éloignés de la frontière, al-Jarmak et Mahmoudiyé, selon l’Ani, l’Agence nationale d’information libanaise.
Gaza : les secouristes turcs toujours bloqués par Israël à Rafah
L’équipe de secouristes turcs dépêchée par Ankara pour participer à la recherche des corps, y compris israéliens, dans les ruines de Gaza attend toujours le feu vert israélien à Rafah, a indiqué jeudi une source au ministère turc de la Défense. "La mission de l’Afad (l’Agence turque de gestion des catastrophes, NDLR) attend toujours à la frontière. Israël n’a toujours pas délivré d’autorisation", a ajouté cette source estimant qu'"Israël ne respectait pas toutes les conditions du cessez-le-feu".
"Israël n’autorise que partiellement (le passage de) l’aide humanitaire", a-t-elle précisé. Concernant la participation turque à une force internationale à Gaza, toujours suspendue à un feu vert du gouvernement israélien, les forces armées sont "prêtes", selon la même source. "Nous sommes en contact avec nos homologues. La Turquie est l’un des artisans du cessez-le-feu et a signé l’accord. Nous avons achevé tous les préparatifs nécessaires et nous attendons", a indiqué cette source. Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a affirmé son droit de veto sur les membres de la force internationale qui devrait sécuriser l’après-guerre dans le territoire palestinien, que son allié américain tente de mettre en place.
Des militaires et civils français en Israël pour le plan de paix à Gaza
La France a dépêché des civils et militaires en Israël pour participer à un centre de coordination mis en place par les Américains pour planifier et organiser l’après-guerre dans la bande de Gaza, a indiqué mercredi soir le chef de la diplomatie française. "Nous avons dépêché des personnels militaires et civils français dans l’équipe que les Etats-Unis ont déployée en Israël pour mettre en œuvre le plan de paix", a déclaré Jean-Noël Barrot, lors d’un entretien sur la chaîne LCI, précisant que ce centre se situait "entre Jérusalem et Tel-Aviv".
Le ministre n’a pas précisé le nombre de personnels déployés mais ils sont déjà arrivés sur place, selon une source proche du ministre interrogée par l’AFP. "La France est historiquement impliquée dans la recherche de la stabilité au Moyen-Orient", avait réagi l’état-major français interrogé par l’AFP la semaine dernière, évoquant l’envoi de trois officiers de liaison français. D’après l’entourage du ministre, ce nombre sera plus important.
"C’est une journée qu’on peut qualifier d’historique pour le RN", s’est aussitôt félicitée la cheffe des députés d’extrême droite Marine Le Pen, soulignant qu’il s’agissait du premier texte de son parti approuvé par l’Assemblée, en dépit des oppositions de la gauche, des macronistes et du gouvernement. Le texte était examiné dans le cadre de la niche parlementaire du parti, maître de l'ordre du jour dans l'hémicycle toute la journée.
Si la résolution n'a pas de valeur législative, Marine Le Pen a demandé au gouvernement de tenir "compte" du vote du Parlement sur son texte, qui appelle à dénoncer l'accord qui offre aux Algériens des clauses spécifiques en matière d'immigration et de séjour en France. "Nous considérons qu'il n'y a plus rien qui justifie le maintien de cette convention", a-t-elle insisté.
Gabriel Attal critiqué pour son absence
"Honte au RN" qui "continue sans fin les guerres du passé", a grondé en retour le leader Insoumis Jean-Luc Mélenchon, sur X.
Le texte a été soutenu par l'alliance RN-UDR, la moitié du groupe Les Républicains et la moitié du groupe Horizons, parti d'Edouard Philippe.
Le patron du PS Olivier Faure a lui fustigé le groupe macroniste. "Ils étaient où les macronistes ? Gabriel Attal absent", a-t-il écrit sur X, à propos de l'ancien Premier ministre, à la fois patron du parti macroniste et du groupe à l'Assemblée. "Il nous a manqué une voix. Cette voix qui nous a manqué pour faire face au RN, c'est celle de Gabriel Attal", a abondé devant les journalistes Cyrielle Chatelain, présidente du groupe écologiste.
Gabriel Attal a toutefois lui-même appelé à dénoncer l'accord de 1968, en janvier, pour "poser les limites et assumer le rapport de force avec l'Algérie", notamment à l'aune de l'arrestation de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal. Mais son groupe était contre le texte du RN.
Risque d'un "déferlement migratoire"
Le macroniste Charles Rodwell, auteur d'un récent rapport accablant contre ce même accord de 1968, avait justifié par avance un refus, au prétexte d'un supposé vide juridique qui risquerait de "provoquer un déferlement migratoire" dans l'Hexagone, analyse dénoncée par le RN.
Toutefois seuls 30 députés du groupe macroniste sur 92 étaient présents pour voter contre (trois se sont abstenus). Gabriel Attal était présent jeudi matin à un forum sur la transformation durable du tourisme. Il a cependant manqué des voix dans tous les groupes, y compris à gauche (52 députés LFI sur 72 ont participé au vote, 53 socialistes sur 69, 32 écologistes sur 38, six députés du groupe communiste et ultramarin sur 17). Douze députés MoDem ont pris part au scrutin (10 contre, deux abstentions) et trois députés Liot sur 22 (deux pour, un contre).
"Aucune raison de ne pas voter ce que nous voulons pour notre pays"
"Quand le RN porte des projets ou des convictions que nous partageons, il n'y a aucune raison (...) de ne pas voter ce que nous voulons pour notre pays", a justifié le chef des élus de droite, Laurent Wauquiez, rappelant que sa formation avait "porté" la même résolution il y a deux ans.
Du côté du parti d'Édouard Philippe également, "nous demandons cette dénonciation", a souligné le député Sylvain Berrios, soutenant un texte présenté comme "un mandat donné au gouvernement pour qu'il fasse son travail".
L'exécutif entend pourtant "privilégier la voie de la renégociation dans le cadre d'un dialogue exigeant avec l'Algérie", a expliqué le ministre des Relations avec le Parlement, Laurent Panifous, assurant que Paris n'aurait "rien à gagner à une aggravation de la crise" déjà prégnante avec Alger.
Moscou a de nouveau frappé un grand coup dans la démonstration de sa puissance militaire. Lors d’un échange avec des soldats blessés de la guerre en Ukraine ce mercredi 29 octobre, Vladimir Poutine a révélé que la Russie venait de tester une arme inédite : le drone sous-marin Poséidon, un appareil à propulsion nucléaire que le président qualifie d’"impossible à intercepter". Selon lui, cette torpille géante aurait non seulement été lancée depuis un sous-marin porteur, mais en plus, son réacteur nucléaire aurait fonctionné "pendant un certain temps". Un exploit que le chef du Kremlin a décrit comme "un immense succès".
Cette annonce intervient dans un climat de tension grandissante avec Washington. Quelques jours plus tôt, Moscou avait provoqué la colère de Donald Trump en se félicitant du test d’un missile de croisière à propulsion nucléaire, le Bourevestnik. Le président américain avait publiquement mis en garde son homologue russe contre une nouvelle escalade, l’invitant à "mettre fin à la guerre en Ukraine plutôt que de tester des missiles". Unavertissement ignoré par Vladimir Poutine, qui persiste à exhiber ses armes les plus redoutables.
Un monstre des profondeurs : les caractéristiques du Poséidon
Le Poséidon n’est pas une surprise pour les observateurs du monde militaire. Déjà en 2018, dans son discours sur l’état de la nation, Vladimir Poutine avait dévoilé cette arme futuriste parmi une série d’"innovations stratégiques" censées redéfinir l’équilibre nucléaire mondial. Conçu comme un véhicule autonome à propulsion nucléaire, ce drone sous-marin incarne une nouvelle génération d’armes dites de représailles, capables d’échapper à toute interception connue.
Long de près de vingt mètres et pesant une centaine de tonnes, le Poséidon serait capable de filer sous l’eau à plus de 60 nœuds, soit environ 110 à 130 kilomètres-heure et à plus d’un kilomètre de profondeur, selon les informations de l’agence de presse officielle russe TASS. Toujours d’après cette même source, sa discrétion serait telle qu’aucun système sonar existant ne pourrait le repérer. Moscou affirme qu’il pourrait emporter une ogive nucléaire de 100 mégatonnes, l’équivalent de deux fois la puissance de la bombe la plus dévastatrice jamais testée. Résultat : l’arme serait en mesure de provoquer, en explosant près des côtes, un tsunami radioactif suffisant pour submerger et rendre inhabitables des villes côtières.
Le président russe n’a pas précisé la distance parcourue par l’engin lors de ce dernier essai, mais il a vanté sa supériorité absolue : "La puissance du Poséidon dépasse largement celle de notre missile intercontinental Sarmat", a-t-il déclaré, affirmant que cette technologie n’a "été vue nulle part dans le monde".
D’après des sources russes, le drone serait alimenté par un réacteur miniature "cent fois plus petit" que ceux des sous-marins classiques, mais tout aussi performant, si ce n’est plus. Cette arme hors du commun est censée être déployée à terme sur le Belgorod, un sous-marin nucléaire géant mis en service en 2022, spécialement aménagé pour accueillir ce colosse des mers. Certains experts occidentaux doutaient encore récemment de son existence réelle, voyant dans les premières images diffusées à la télévision d’État en 2015 un simple outil de propagande. Mais le test confirmé par le Kremlin semble prouver que le Poséidon n’est pas un mythe.
Une escalade dans la course mondiale aux armements
L’apparition du Poséidon dans l’arsenal russe s’inscrit dans une logique de surenchère militaire engagée depuis plusieurs années. Le Kremlin présente ces avancées comme une réponse directe à ce qu’il décrit comme une course mondiale à l’armement, dominée par les États-Unis, la Russie et la Chine.
Les essais successifs du Bourevestnik et du Poséidon apparaissent comme autant de signaux adressés à Washington. "La Russie ne cédera jamais aux pressions occidentales", a martelé Vladimir Poutine, alors même que ses relations avec Donald Trump se sont nettement dégradées ces dernières semaines.
Dans cette escalade, Vladimir Poutine a également évoqué le déploiement prochain d’une nouvelle arme de son arsenal : le missile intercontinental Sarmat. Mais ce dernier n’a jamais quitté son silo lors du dernier essai, explosant dans la foulée. Une démonstration de puissance ratée, qui n’empêche pas la Russie de poursuivre son objectif : prouver au monde sa supériorité militaire, sur terre comme en mer.
Défiant les avertissements de Donald Trump, Vladimir Poutine a annoncé mercredi 29 octobre le test d’un drone sous-marin russe à capacité nucléaire, quelques jours après avoir annoncé l’essai d’un missile qui a été critiqué par le président américain. La réaction de ce dernier à cette nouvelle annonce n’a pas tardé : le locataire de la Maison-Blanche, dont les efforts pour mettre fin à la guerre en Ukraine n’ont donné aucun résultat concret jusqu’ici, a ordonné jeudi la relance des essais d’armes nucléaires des Etats-Unis, interrompus depuis plus de 30 ans.
Les infos à retenir
⇒ Le Kremlin dit que ses récents tests d'armements n'étaient pas des "essais nucléaires"
⇒ Des frappes russes massives sur l’Ukraine provoquent des coupures d’électricité
⇒ Donald Trump assure que Washington et Pékin vont "travailler ensemble" sur la guerre en Ukraine
Londres en "contact" avec Kiev après l'arrestation d'un Britannique pour espionnage
Le Royaume-Uni a assuré jeudi être en "contact étroit" avec les autorités ukrainiennes, après l'arrestation la veille à Kiev d'un Britannique soupçonné d'espionnage pour le compte de la Russie. "Nous sommes au courant des informations selon lesquelles un ressortissant britannique a été arrêté en Ukraine. Nous restons en contact étroit avec les autorités ukrainiennes", a déclaré un porte-parole du bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth à l'AFP.
Mercredi, les Services de sécurité ukrainiens (SBU) avait annoncé l'arrestation et le placement en détention d'un ancien instructeur militaire européen pour espionnage, sans toutefois spécifier ni sa nationalité ni son poste. Selon cette source, les services de sécurité russes (FSB) avaient donné au suspect des instructions sur la fabrication d'engins explosifs et fourni une arme de poing et des munitions.
Le parquet ukrainien a ensuite précisé que cet homme était un "citoyen du Royaume-Uni et d'Irlande du Nord" et qu'il était arrivé en Ukraine en 2024 pour travailler comme instructeur pour former des militaires dans le sud du pays, avant de travailler avec les gardes-frontières.
D'après le parquet, il a commencé à collaborer avec Moscou et le FSB quelques mois plus tard et "a accepté de transmettre des informations militaires en échange d'argent". Placé en détention après avoir été arrêté à Kiev, il encourt jusqu'à 12 ans d'emprisonnement et la confiscation de ses biens.
Le Kremlin dit que ses récents tests d'armements n'étaient pas des "essais nucléaires"
Le Kremlin a tempéré jeudi ses récentes annonces sur les essais d'un drone sous-marin et d'un missile russes à capacité nucléaire, en soulignant qu'il ne s'agissait pas "d'essais nucléaires" à proprement parler, après la décision du président américain, Donald Trump, de relancer des tests d'armes nucléaires.
Donald Trump a ordonné jeudi le test d'"armes nucléaires" américaines, mais il n'a pas précisé s'il s'agissait d'essais d'armements pouvant transporter des ogives nucléaires, ou directement d'essais d'ogives nucléaires, ce que les Etats-Unis n'ont pas fait depuis 1992. Donald Trump a justifié cette annonce par "des programmes d'essais menés par d'autres pays", sans nommer explicitement la Russie, et a affirmé que Washington testerait ses armes "sur un pied d'égalité".
"En ce qui concerne les essais du Poséidon et du Bourevestnik, nous espérons que le président Trump en a été informé correctement. Cela ne peut pas être considéré comme un essai nucléaire", a réagi jeudi le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. "Tous les pays s'occupent du développement de leur défense", mais ces derniers essais russes "ne constituent pas un essai nucléaire", a-t-il insisté. "Le président Trump a mentionné des essais nucléaires présumés d'autres pays. Jusqu'ici, nous n'avons eu aucune information sur de tels essais", a-t-il ajouté.
Des frappes russes massives sur l’Ukraine provoquent des coupures d’électricité
Des bombardements russes sur les infrastructures ukrainiennes ont privé d’électricité une grande partie du pays dans la nuit de mercredi à jeudi et fait plusieurs blessés selon les autorités ukrainiennes. "La Russie lance une nouvelle fois une attaque massive au missile et au drone contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes", a dénoncé la ministre ukrainienne de l’Energie, Svitlana Grintchouk, sur les réseaux sociaux.
Les équipements des centrales thermiques de plusieurs régions d’Ukraine "ont été sérieusement endommagés" selon le fournisseur d’énergie DTEK, qui déplore la "troisième attaque massive contre ses centrales thermiques depuis octobre".
L’attaque a aussi fait 15 blessés dans la ville de Zaporijia (sud-est), selon le chef de l’administration militaire régionale Ivan Fedorov sur Telegram. "Parmi les blessés, on compte six enfants - trois filles et trois garçons. Les enfants sont âgés de 3 à 6 ans", a-t-il ajouté.
Donald Trump assure que Washington et Pékin vont "travailler ensemble" sur la guerre en Ukraine
Le président américain Donald Trump a assuré jeudi que Washington et Pékin allaient "travailler ensemble" sur la guerre en Ukraine, après une rencontre avec son homologue chinois Xi Jinping en Corée du Sud. "L’Ukraine a été abordée de manière très forte. Nous en avons parlé pendant longtemps, et nous allons tous les deux travailler ensemble pour voir si nous pouvons obtenir quelque chose", a-t-il déclaré aux journalistes à bord d’Air Force One. Xi Jinping va "nous aider", a-t-il assuré.
Mardi, Volodymyr Zelensky avait appelé Donald Trump à faire pression sur Xi Jinping pour qu’il réduise son soutien à la Russie au cours de leur rencontre. "Si le président Trump parvient à avoir des discussions, à prendre des décisions et à obtenir un accord avec la Chine pour réduire les importations d’énergie russe, je pense que cela nous aidera tous", avait-il lancé au cours d’une conférence de presse à Kiev.
Un Germano-Russe condamné à six ans de prison pour des projets de sabotage en Allemagne
Un Germano-Russe accusé d'avoir espionné pour le compte de Moscou et préparé des actes de sabotages en Allemagne visant l'aide fournie à l'Ukraine a été condamné jeudi à six ans de prison par un tribunal de Munich (sud), ses deux complices écopant de peines de prison avec sursis.
Depuis l'invasion à grande échelle de l'Ukraine en février 2022, Berlin est devenu à la fois le plus important soutien européen de Kiev et une cible privilégiée d'actes de sabotage, de campagnes de désinformation, d'intimidation et d'espionnage, une "guerre hybride" attribuée au Kremlin. La Russie dément systématiquement être derrière ces affaires et incidents.
Le principal suspect Dieter Schmidt, accusé d'avoir fait des repérages de cibles potentielles, a été condamné pour activité de renseignement et "appartenance à un groupe terroriste à l'étranger", a déclaré le juge. Ce binational germano-russe a échangé des informations avec une personne liée aux services de renseignement russes pendant plusieurs mois, à partir d'octobre 2023, en vue d'éventuels actes de sabotage. Il a notamment transmis des photos et vidéos faites lors de repérages.