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Reçu aujourd’hui — 25 novembre 2025 L'Express

La Chine profite des sanctions contre la Russie pour lui vendre au prix fort ses fournitures de guerre

25 novembre 2025 à 13:41

Les exportateurs chinois ont nettement augmenté les prix des biens essentiels qu’ils vendent au secteur militaro-industriel russe, profitant de la dépendance accrue du Kremlin face aux sanctions occidentales. C’est la conclusion d’une étude récente de l’Institut des économies émergentes de la Banque de Finlande (Bofit), citée notamment par le Financial Times.

Selon celle-ci, les prix des produits soumis au contrôle des exportations expédiés depuis la Chine vers la Russie ont augmenté de 87 % en moyenne entre 2021 et 2024. À titre de comparaison, le prix de produits similaires expédiés ailleurs n’a augmenté que de 9 % sur la même période.

Par conséquent, ces hausses de prix restreindraient la capacité de Moscou à acquérir des technologies sensibles, alors même que la Russie parvient à contourner une partie des sanctions en s’appuyant sur des fournisseurs chinois. Un haut responsable occidental chargé des sanctions a confirmé cette dynamique au Financial Times. Il estime que le fait que des entreprises chinoises "exploitent" les acheteurs russes peut être considéré comme "un résultat plutôt positif". Selon lui, "augmenter le prix d’un bien de 80 % revient à presque diviser par deux ce que les clients peuvent réellement acheter".

"Parfois il s’agit tout simplement de vol"

Alors que les échanges bilatéraux entre les deux pays sont passés de 146,9 milliards de dollars en 2021 à un niveau record de 254 milliards de dollars en 2024, le Bofit indique que cette hausse est principalement due à l’augmentation des prix plutôt qu’à une hausse des volumes. "Les importations de roulements à billes chinois ont progressé de 76 % en valeur, mais ont reculé de 13 % en volume", reprend ainsi le Moscow Times.

De quoi donner raison à cette source proche du gouvernement russe, qui constatait cet été auprès de Reuters que Pékin agit avant tout dans son propre intérêt : "La Chine ne se comporte pas comme une alliée […] Parfois, elle profite de la situation, parfois il s’agit tout simplement de vol." Une autre source anonyme, toujours auprès de Reuters, souligne que la Russie demeure fortement dépendante de la technologie chinoise. "Sans eux, nous n’aurions pas pu fabriquer un seul missile, encore moins un drone […]. S’ils avaient voulu, la guerre serait terminée depuis longtemps."

Des sanctions qui ont "limité les capacités technologiques de la Russie"

Les auteurs de l’étude du Bofit, Iikka Korhonen et Heli Simola, se sont concentrés sur le commerce des "machines et appareils mécaniques", une catégorie clé pour l’industrie de défense russe. Ils concluent que les sanctions ont "limité les capacités technologiques de la Russie en faisant grimper le prix des importations de biens essentiels", rapporte le Financial Times.

Moscou cherche activement à faire lever les sanctions occidentales - un sujet présent dans le plan de paix en 28 points récemment discuté entre les États-Unis et la Russie — présenté à l’Ukraine. De son côté, Pékin nie fournir des armes létales à Moscou et affirme s’opposer aux sanctions "unilatérales" freinant le commerce entre entreprises chinoises et russes. Reste à savoir si cette alliance russo-chinoise résistera à cet aléa économique.

© AFP

Vladimir Poutine et Xi Jinping à Moscou, le 8 mai 2025.

Narcotrafic : un tsunami européen

25 novembre 2025 à 11:10

© afp.com/Handout

Une France submergée par le narcotrafic: c'est le tableau brossé par une commission d'enquête sénatoriale, qui propose la création d'un parquet anti-stups et d'une "DEA à la française"

Ces trois jours où Donald Trump a fait vaciller le multilatéralisme

25 novembre 2025 à 10:28

S’il n’est pas complètement mort, le multilatéralisme est KO debout, sous les coups des Américains, en cette fin novembre. Tout un symbole : après avoir frappé un bloc de bois pour clôturer le G20 qui se tenait dans son pays, le président sud-africain a transmis le 23 novembre son marteau à une chaise vide. Et pour cause : ni Donald Trump, qui boycottait ce sommet, ni aucun responsable américain n’étaient présents pour le traditionnel passage de relais à l’hôte du prochain rendez-vous, en 2026 : à savoir les Etats-Unis, qui comptent l'organiser dans un complexe de golf appartenant à la famille Trump...

"Le G20 arrive peut-être à la fin d’un cycle", a euphémisé sur place Emmanuel Macron, notant que cette instance "avait beaucoup de mal" à régler "les grandes crises internationales". De fait, si cette réunion, séchée par plusieurs autres dirigeants et minée par les rivalités politiques, s'est conclue par une déclaration commune, celle-ci se contente d’appeler à "une paix juste, globale et durable, au Soudan, en République démocratique du Congo, dans les territoires palestiniens occupés et en Ukraine".

L'Ukraine, évoquée au détour d'une phrase. Alors qu'au cours du même week-end, les dirigeants européens présents à Johannesburg s'étaient réunis en catastrophe pour discuter du "plan de paix" en 28 points présenté par les Américains aux Ukrainiens, qui reprenait la plupart des revendications du Kremlin, et équivalait à une capitulation pour Kiev.

Pour compléter ce triste tableau, à 8 600 kilomètres de là, au Brésil, où Trump n’avait pas non plus daigné envoyer le moindre représentant, la COP30 avait elle aussi accouché, quelques jours plus tôt, d’une déclaration lénifiante et non contraignante. Le communiqué final ne mentionne aucune feuille de route pour sortir des énergies fossiles.

Donald Trump ne pense qu'à ses intérêts

Pris par surprise par un plan de paix rendu public au moment où des sanctions américaines contre deux géants pétroliers russes devaient entrer en vigueur, Ukrainiens et Européens, qui jouent leur avenir, sont parvenus à l’amender. Mais il apparaît de plus en plus clairement que Trump, loin de se préoccuper du sort des Ukrainiens ou de la sécurité de l’Europe, ne pense cyniquement qu’à ses intérêts : apparaître comme un faiseur de paix (fut-elle bancale) et relancer les affaires avec la Russie.

Le multilatéralisme crée une "légitimité" qui ne peut être obtenue par la puissance seule, aimait à dire le géopolitologue américain Joseph Nye, disparu cette année. Une analyse méprisée par Washington et Moscou, à l'heure où seuls les rapports de force prévalent.

© afp.com/Brendan SMIALOWSKI

Le président américain Donald Trump à Washington, le 18 novembre 2025, aux Etats-Unis

"Les résistants russes nous donnent une leçon de courage" : nos lecteurs réagissent à l’actualité

25 novembre 2025 à 10:00

Pour qui voter ?

Bruno Saintes, La Rochelle (Charente-Maritime)

Mais pour qui va-t-on pouvoir voter lors des prochaines élections nationales ? Pour des extrêmes aux programmes aussi fantaisistes qu’irréalistes et dangereux ? Un Parti socialiste qui persiste dans ses errements économiques (retraite, 35 heures, gratuité totale des soins, …) ? Des LR qui oublient un peu vite qu’ils ont été 14 à voter contre la réforme des retraites en 2023 et 25 pour sa suspension en 2025 ? Un bloc central dont on peine à déterminer les contours économiques et politiques ? L’absence de positions claires et compréhensibles de chacun de nos partis constitue le plus grand risque pour notre démocratie et pour la France. (Jordan Bardella, les affres de la jeunesse, L’Express du 20 novembre).

Hommage aux résistants

Roger Moresco, Perpignan (Pyrénées-Orientales)

Bravo à vos deux journalistes pour leur article consacré aux résistants de l’ombre en Russie. Ils sont certes minoritaires au sein d’une population russe majoritairement acquise à Poutine et à son régime en raison d’une propagande intense, mais quelle leçon de courage ils nous donnent, eux qui risquent leur vie en permanence ! Comme l’ont fait pendant la Seconde guerre mondiale les résistants français, eux aussi minoritaires, mais farouchement attachés au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Depuis le premier jour de l’invasion, un drapeau ukrainien est présent dans mon appartement et il y restera jusqu’à la victoire finale car la démocratie finit toujours par triompher des dictatures. (Face à Poutine, ces résistants de l’ombre, L’Express du 13 novembre).

La Chine avance quand l’Occident recule

​Bruno Lonchampt, Dole (Jura)

Comment reprocher à la Chine d’occuper tout ce que nous lui abandonnons, l’industrie, les médicaments, les vêtements bas de gamme, les jouets ? Dans sa zone d’influences, les peuples considérés comme des minorités n’ont aucun droit ; leurs langues et leurs cultures sont étouffées. L’exploitation des ressources naturelles du haut plateau tibétain, au premier rang desquels l’eau, la construction de routes et de voies ferrées sur le permafrost et les glaciers, de barrages démesurés sur les fleuves au profit des zones les plus peuplées à l’est de l’Empire révèlent une économie coloniale. Néanmoins, l’Occident lui a donné les JO et l’accès à l’OMS sans contreparties. Nous sommes pris au piège de nos choix de facilité et l’irréversible est en marche. (Comment la Chine a englouti l’Europe, l’Express du 6 novembre).

Scénario noir

Michel Mondamey, Saint-Chamond (Loire)

​Avec ses locomotives, le CAC 40 a crû de 9 % depuis le début de l’année. Ces grands groupes réalisent l’essentiel de leurs activités à l’international, mais leurs profits sont taxés en France. S’il advenait que ces groupes s’exilent fiscalement (qu’est ce qui les retient ?), cela grèverait dangereusement les recettes budgétaires de l’Etat et mettrait à mal notre recherche. Leurs choix d’investissements se porteraient sur leurs zones d’activité principale ou les Etats-Unis avec, en conséquence, des pertes d’emploi. Pour boucler leurs budgets, nos gouvernements successifs n’auraient alors d’autre choix qu’augmenter le recours à l’emprunt dont on connaît les conséquences sur les taux d’intérêt… Et la spirale de la décadence s’accélérerait. Evitons ce scénario noir ! ("Trop, c’est trop : nous refusons de voir la France s’enliser", par un collectif de dirigeants d’entreprise*, L’Express du 13 novembre).

Faire face à Trump

Yves Léauté, Daux (Indre-et-Loire)

Quand donc l’Union européenne, reprenant à son compte la catilinaire célèbre de Cicéron, va-t-elle demander à Trump de cesser d’abuser de notre patience et lui faire comprendre qu’il franchit les limites du supportable ? Pour ce faire, encore faudrait-il qu’elle sache montrer les dents, et si besoin mordre, en tout cas ne plus adopter une posture servile. (Martin Sion (Ariane Group) : "Toutes les grandes nations ont instauré une préférence nationale… sauf l’Europe", L’Express du 13 novembre).

Louis-Henri de La Rochefoucauld est le lauréat du prix Interallié

Journaliste et critique littéraire à L’Express, Louis-Henri de La Rochefoucauld est le lauréat du prix Interallié 2025, dernière grande récompense de la saison, pour son roman L’Amour moderne (Robert Laffont). Le jury présidé par l’académicien Jean-Marie Rouart a distingué un vaudeville aussi savoureux que mélancolique, qui offre une vision désabusée des relations amoureuses au XXIe siècle. L’Amour moderne l’a emporté dès le premier tour face aux livres de Nathan Devers, Christian Authier et Fabrice Pliskin. Notre ami rejoint ainsi un palmarès prestigieux dans lequel on retrouve Karine Tuil, Michel Houellebecq, Florian Zeller, Antoine Blondin, Félicien Marceau, Paul Nizan ou André Malraux, premier lauréat de l’Interallié en 1930.

© Laura Wächter

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Plan de paix de Donald Trump : comment la Maison-Blanche trahit l’Ukraine

25 novembre 2025 à 09:35

Le soi-disant plan de paix de Donald Trump pour l’Ukraine est venu confirmer les pires craintes nourries de ce côté-ci de l’Atlantique, où l’on soupçonne le président américain de vouloir s’entendre avec Vladimir Poutine sur le dos non seulement de Kiev, mais aussi de l’Europe entière. Au-delà du diktat révoltant imposé à l’Ukraine, qui n’a pourtant pas perdu la guerre imposée par l’agresseur russe, au-delà du parti pris pro-Poutine choisi par la Maison-Blanche, au-delà du peu de cas que Washington fait de l’avis de ses "alliés", c’est l’ensemble des projets de l’Union européenne pour asseoir son autonomie stratégique et garantir la sécurité européenne face à l’impérialisme poutinien que le projet percute de plein fouet. Plusieurs de ses dispositions sont orthogonales aux efforts déployés conjointement par les Etats membres de l’Union européenne et les autres alliés de Kiev (Royaume-Uni, Norvège, Canada…) pour aider le pays agressé à résister aux attaques de Moscou, alors qu’approche le quatrième anniversaire de l’invasion.

Le mémorandum a été concocté depuis la fin du mois d’octobre, dans le plus grand secret, par trois hommes : d’un côté, les émissaires de la Maison-Blanche Steve Witkoff, promoteur immobilier new-yorkais et partenaire de golf de Trump, et Jared Kushner, gendre du président, et de l’autre, l’envoyé spécial du Kremlin, Kirill Dmitriev. Cet économiste russe né à Kiev il y a 50 ans et formé à l’Université de Stanford et à la Harvard Business School aux Etats-Unis est depuis 2011 le PDG du fonds souverain russe, et à ce titre l’un des maillons importants de la verticale du pouvoir poutinienne. Il est aussi, selon le Wall Street Journal, un partenaire d’affaires de longue date de Jared Kushner.

La publication de leur document a provoqué choc et effroi dans les capitales européennes, qui depuis le renoncement américain consécutif à l’accession de Trump au pouvoir supportent la quasi-totalité de l’aide financière et militaire occidentale à l’effort de défense ukrainien. La lecture du texte multipliait les motifs d’alarme aux yeux des dirigeants européens : limitations imposées à la souveraineté de l’Ukraine et à ses forces armées, absence de tout cessez-le-feu préalable à des négociations de paix, transfert de territoires ukrainiens à la Russie – y compris la partie de l’oblast de Donetsk que les troupes du Kremlin n’ont pas conquise –, grand flou autour des garanties de sécurité qui seraient accordées à Kiev en échange de sa soumission, et enfin omission de toute réparation demandée à Moscou pour les destructions causées en Ukraine alors que les Européens, eux, étaient priés de passer à la caisse.

Perdre sa dignité ou perdre un grand allié

Comme l’a résumé Anne Applebaum, la chroniqueuse du magazine américain The Atlantic, le projet trumpien "affaiblit l’Ukraine, disjoint l’Amérique de l’Europe et prépare le terrain à une guerre de plus grande ampleur dans le futur". Et dans l’immédiat, il bénéficie surtout à quelques investisseurs proches du pouvoir à Moscou et à Washington, aux dépens de pratiquement tous les autres protagonistes. Car outre la capitulation déguisée imposée à Kiev, le texte prévoit aussi la levée des sanctions, le déblocage des avoirs russes gelés par les Occidentaux et la reprise d’une coopération économique de grande ampleur entre l’Amérique et la Russie.

En endossant ce texte qui revenait à récompenser Moscou pour son agression non provoquée, Donald Trump a une fois de plus montré à quel point il néglige non seulement le sort de l’Ukraine indépendante et démocratique, mais aussi la sécurité de ses alliés européens, qui ne veulent à aucun prix de tout ce qui pourrait ressembler une restauration au XXIe siècle de la doctrine de "souveraineté limitée" imposée pendant la guerre froide par l’URSS à ses satellites d’Europe centrale. Le dilemme posé par le plan Witkoff-Kushner-Dmitriev, crûment résumé par le président Volodymyr Zelensky – perdre sa dignité, ou perdre un grand allié – est de fait celui que la politique erratique de Donald Trump adresse à l’Europe tout entière.

Pour une fois, les Européens ont réagi sans tarder pour tenter de modifier le plan américain. "Il importe à nos yeux qu’un plan de paix pour l’Ukraine ne puisse pas être établi sans notre accord sur des questions touchant aux intérêts européens et à la souveraineté européenne", a dit le chancelier allemand Friedrich Merz. De premiers entretiens tenus dans l’urgence à Genève, dimanche 23 novembre, par les Européens et les Ukrainiens avec le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio ont permis d’amender le texte initial dans un sens un peu moins défavorable à l’Ukraine, tout en le réduisant à 19 points au lieu de 28.

Les Européens contraints de clarifier leurs positions

Les dispositions affectant directement les intérêts européens, en particulier la levée progressive des sanctions, la mobilisation des avoirs russes gelés (qui sont, pour l’essentiel, logés en Belgique), l’adhésion de l’Ukraine à l’UE (autorisée dans le plan Trump) et celle de son admission à l’Otan (interdite), et la question des relations entre l’Otan et la Russie, vont continuer à faire l’objet de discussions transatlantiques. Il en est de même pour ce qui concerne le déploiement envisagé en Ukraine dans le cadre d’une force de réassurance composée par la "Coalition des volontaires" créée par des pays de l’Otan avec notamment des contingents français, britanniques et turcs, pour surveiller et garantir sur le terrain l’application d’un éventuel cessez-le-feu. La version initiale du projet américain excluait tout déploiement de militaires otaniens en Ukraine.

Comme en février, après un entretien catastrophique entre Trump et Zelensky à la Maison-Blanche, comme en août, après un sommet en Alaska entre Trump et Poutine, les pays européens réunis autour du trio de tête constitué par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, se sont mobilisés avec efficacité pour tenter de sauver ce qui pouvait encore l’être et d’infléchir les positions américaines les plus outrancières. Mais la leçon des épisodes précédents est claire : le culbuto diplomatique trumpien reprend à chaque fois, après un certain temps, sa position favorable au Kremlin. Dans quelle mesure les amendements européens seront-ils cette fois-ci vraiment pris en compte par la Maison-Blanche ? Au moins, l’ultimatum imposé par Washington à Volodymyr Zelensky, qui fut dans un premier temps sommé d’avaliser le plan avant le jour de la fête américaine de Thanksgiving jeudi 27 novembre, semblait avoir été levé à l’heure où ces lignes étaient écrites.

Face à la levée de boucliers de ses alliés, Trump a comme souvent louvoyé, en affirmant d’un côté que le plan n’était pas son dernier mot, tout en critiquant de l’autre les dirigeants ukrainiens pour leur "ingratitude" supposée. Vladimir Poutine de son côté a cherché à maximiser ses gains. Selon le Kremlin, il a "noté que ces propositions sont conformes aux discussions du sommet russo-américain en Alaska et, en principe, peuvent servir de base à un règlement pacifique final". Les amendements européens, en revanche, ne sont "pas du tout constructifs et ne nous conviennent pas", a dit Youri Ouchakov, un conseiller diplomatique de Poutine. Le seul point positif du mémorandum est qu’il a contraint les Européens, pour la première fois, à clarifier leurs propres propositions de paix pour l’Ukraine. Mais en l’absence de toute approche occidentale un tant soit peu cohérente et unifiée face à Moscou, la guerre continue, alimentée par la détermination de Vladimir Poutine à soumettre l’Ukraine, à installer à Kiev un pouvoir favorable à Moscou et à infliger par la même occasion une défaite stratégique majeure aux Européens.

© AFP

Donald Trump à la Maison-Blanche, le 21 novembre 2025.

Ukraine, service national, budget… Ce qu’il faut retenir de l’interview d’Emmanuel Macron

25 novembre 2025 à 09:01

Emmanuel Macron a accordé ce mardi 25 novembre un entretien à RTL, au cours duquel il a notamment appelé à ne pas se montrer "faible" face à la "menace" de la Russie, tout en excluant l’envoi de "nos jeunes en Ukraine", alors qu’il s’apprête à annoncer cette semaine l’instauration d’un nouveau service national volontaire.

Un appel à ne pas se montrer "faible" face à la "menace" de la Russie

Dénonçant la guerre hybride menée par Moscou, le président a appelé à ne pas être "faible" face à la "menace" de la Russie qui a "une posture beaucoup plus agressive". "Nous aurions tort d’être faibles face à cette menace. Et donc si nous voulons nous protéger, nous Français, ce qui est ma seule obsession, nous devons montrer que nous ne sommes pas faibles avec la puissance qui nous menace le plus", a-t-il déclaré.

"Si nous sommes faibles en Ukraine, si on dit 'c'est plus notre problème, au fond, ils sont très loin', […] on va laisser tomber l’Ukraine", a prévenu Emmanuel Macron. "Ce jour-là, vous donnez un signal de faiblesse […] à la Russie qui, au fond, depuis dix ans, a fait un choix stratégique, c’est de redevenir une puissance impériale, c’est-à-dire d’avancer partout", a-t-il développé.

Le chef de l’Etat, qui participera dans l’après-midi à une réunion par visioconférence de la coalition des soutiens de l’Ukraine, a également affirmé que c’était "aux Européens de décider" comment utiliser les actifs russes gelés, que Donald Trump propose dans son plan de paix d’investir dans des projets menés par les Etats-Unis pour reconstruire l’Ukraine. "Les Européens sont les seuls qui ont à dire, parce que ça fait partie du plan, ce qu’on fera avec les actifs russes gelés qui sont détenus par les Européens", a-t-il tranché.

DOCUMENT RTL / M6 INFO - Menace russe : "Nous aurions tort d'être faibles face à cette menace. Si nous voulons nous protéger, nous devons montrer que nous ne sommes pas faibles avec la puissance qui nous menace le plus"@EmmanuelMacron au micro de @ThomasDespre dans #RTLMatin pic.twitter.com/9aoWM0lKgh

— RTL France (@RTLFrance) November 25, 2025

Pas question d'"envoyer nos jeunes en Ukraine"

Emmanuel Macron a aussi assuré ce mardi que le nouveau service national volontaire qu’il s’apprête à annoncer n’implique aucunement d'"envoyer nos jeunes en Ukraine". Le chef de l’Etat a confirmé qu’il préciserait jeudi "la transformation du service national universel vers une nouvelle forme", sans fournir plus de précisions.

"Il faut vraiment, en tout cas tout de suite, supprimer toute idée confuse qui consisterait à dire qu’on va envoyer nos jeunes en Ukraine. C’est pas du tout le sens de cette affaire", a-t-il insisté.

Emmanuel Macron se rendra jeudi sur un site de l’armée de terre à Varces (Isère), au sein de la 27e Brigade d’infanterie de montagne (BIM), afin d’annoncer un "nouveau cadre pour servir au sein de nos armées" et répondre à l'"envie d’engagement" de la jeunesse. "Il est très clair que nous devons renforcer le pacte armée-Nation", a-t-il plaidé ce mardi matin.

Budget : "bon espoir" pour un compromis

Sur la question du budget, Emmanuel Macron a dit avoir "bon espoir" que "les forces parlementaires dont c’est la responsabilité" trouvent un compromis "dans les prochaines semaines", alors que le PLF a été rejeté en première lecture à l’Assemblée.

"Si les responsables politiques qui sont au Parlement sont inquiets, plutôt que de commenter leur inquiétude, qu’ils s’occupent de bâtir des compromis pour le pays qu’ils aiment", a-t-il déclaré. Les responsables politiques à l’Assemblée "ont une responsabilité : soit de bâtir des coalitions comme font nos voisins allemands, comme font d’autres voisins, soit de trouver des compromis pour que les textes puissent être votés", a-t-il insisté en répétant que "ce n’était pas la responsabilité du président de la République". Ne voulant pas "faire de la politique fiction", il a refusé de dire s’il envisageait une dissolution de l’Assemblée si celle-ci ne votait pas de budget à la fin de l’année.

Il a par ailleurs assuré que "notre pays est beaucoup plus fort que beaucoup de gens veulent le dire". "Il est fort militairement parce qu’on a fait des investissements, qu’on a l’armée la plus efficace d’Europe. Il est fort diplomatiquement, la France est écoutée partout en Europe, en Afrique, en Asie. Elle est beaucoup plus forte qu’on ne le dit économiquement. Regardez les derniers chiffres, la moitié de la croissance de la zone euro, c’est la France", a-t-il plaidé.

© AFP

Emmanuel Macron s'exprime au siège du Commandement de l'espace, à Toulouse, le 12 novembre 2025.

Etats-Unis : les Frères musulmans dans le viseur de Donald Trump

25 novembre 2025 à 07:43

Le président américain Donald Trump a signé dans la soirée du lundi 24 novembre un décret enclenchant un processus au terme duquel les branches des Frères musulmans dans certains pays doivent être désignées comme "organisations terroristes étrangères".

Le texte publié par la Maison-Blanche note que les antennes des Frères musulmans "au Liban, en Jordanie et en Egypte", le pays où ce mouvement a été fondé en 1928, "commettent ou encouragent et soutiennent des campagnes de violence et de déstabilisation qui nuisent à leurs propres régions, à des citoyens américains ou à des intérêts américains".

C’est au chef de la diplomatie Marco Rubio et au ministre des Finances Scott Bessent qu’il reviendrait de mener à bout le processus de désignation. La classification comme "organisation terroriste étrangère" permet, outre la pression politique, de prendre une série de mesures financières et administratives : gel des avoirs, interdiction de transactions, interdiction d’entrée sur le territoire américain, etc.

Interdiction dans plusieurs pays

Israël, allié des Etats-Unis, s’est félicité de cette décision du président Trump : "C’est important, non seulement pour Israël, mais aussi pour les pays arabes voisins qui ont souffert durant des décennies du terrorisme des Frères musulmans", a jugé sur X son ambassadeur auprès des Nations unies, Danny Danon, citant le Liban, l’Egypte et la Jordanie.

La confrérie des Frères musulmans, organisation transnationale implantée dans de nombreux pays, a longtemps été le principal mouvement d’opposition en Egypte malgré des décennies de répression. Aujourd’hui considérée dans le pays comme une organisation "terroriste", elle a été rayée du paysage politique après le bref mandat d’un an (2012-2013) de l’un des leurs, le président d’alors Mohamed Morsi mort en prison en 2019.

La confrérie porte le projet d’un islam politique conservateur. Le mouvement a été interdit dans plusieurs autres pays, dont l’Arabie saoudite et plus récemment, en avril, la Jordanie. La Jordanie a imputé à la confrérie des "activités de nature à déstabiliser le pays", notamment la fabrication et le stockage de roquettes et explosifs. En France, le président Emmanuel Macron a consacré cette année deux conseils de défense et de sécurité nationale à "l’entrisme" des Frères musulmans.

© AFP

Donald Trump lors de son arrivée à Londres, le 18 septembre 2025.

Guerre en Ukraine : des réunions "secrètes" entre Américains et Russes à Abou Dhabi

25 novembre 2025 à 12:24

Les frappes continuent à l’est de l’Europe. L’Ukraine et la Russie ont toutes deux fait état, ce mardi 25 novembre, de frappes aériennes "massives" de l’ennemi sur leurs territoires respectifs, avec au moins trois morts recensés dans la région russe de Rostov et au moins six du côté ukrainien.

Ces nouvelles attaques aux missiles et aux drones interviennent alors que la Russie, qui a menacé d’intensifier les bombardements si Kiev n’acceptait pas le plan en 28 points du président américain Donald Trump pour mettre fin au conflit, a rejeté lundi une contre-proposition européenne à ce projet considéré comme largement favorable à ses intérêts.

Les infos à retenir

⇒ Nouvelle nuit d’attaques aériennes massives en Ukraine et en Russie

⇒ Emmanuel Macron appelle à ne pas se montrer "faible" face à la "menace" de la Russie

⇒ Des Américains rencontrent des Russes à Abou Dhabi

Réunions "secrètes" entre Américains et Russes à Abou Dhabi

Des réunions "secrètes" sur l'Ukraine entre Américains et Russes se sont tenues lundi et devraient se poursuivre aujourd'hui à Abou Dhabi, pour tenter d'avancer sur un cessez-le-feu, ont affirmé mardi des médias américains et britanniques.

Selon notamment la chaîne américaine ABC News et le quotidien britannique Financial Times (FT), le secrétaire américain à l'Armée, Dan Driscoll conduit la délégation américaine aux Emirats arabes unis. Le FT affirme aussi, sur la foi de deux sources proches des discussions, que le patron des services de renseignement militaire ukrainien est présent aux pourparlers, sans pouvoir préciser s'il s'agissait d'une réunion tripartite ou de rencontres séparées.

A Moscou, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov n'a ni confirmé, ni infirmé ces réunions. "Je n'ai rien à vous dire. Nous suivons les informations des médias", a-t-il déclaré aux journalistes des médias d'État.

Selon le FT et la chaîne ABC, les discussions portent désormais sur un plan en 19 points. ABC indique que parmi les points supprimés figurent la future taille de l'armée ukrainienne et l'amnistie de principe accordée aux parties au conflit.

L'Ukraine souhaite une rencontre entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump cette semaine

L'Ukraine souhaite organiser cette semaine une visite de Volodymyr Zelensky aux Etats-Unis pour des négociations avec Donald Trump sur le plan américain visant à mettre fin à la guerre avec la Russie, a insisté mardi un négociateur ukrainien clé. "Nous avons hâte d'organiser la visite du président de l'Ukraine aux États-Unis dès que possible en novembre pour finaliser les étapes restantes et parvenir à un accord avec le président Trump", a déclaré sur X le secrétaire du Conseil de sécurité ukrainien Roustem Oumerov.

Ces derniers jours, Donald Trump a de nouveau haussé le ton contre le président ukrainien, l'appelant vendredi à accepter son plan. "Il faudra bien que cela lui plaise, et si cela ne lui plaît pas, alors, vous savez, ils n'auront qu'à continuer à se battre", a-t-il lancé, avant d'affirmer le lendemain que le plan en question n'était pas sa dernière offre.

Nouvelle nuit d’attaques aériennes massives en Ukraine et en Russie

Le chef de la diplomatie ukrainienne a dénoncé comme une "réaction terroriste" au plan américain visant à mettre la fin à la guerre les frappes russes de la nuit. "Poutine a donné sa réaction terroriste aux propositions de paix des États-Unis et du président Trump, en lançant une volée de missiles et de drones sur l'Ukraine", a déclaré sur X Andriï Sybiga.

L'Ukraine comme la Russie ont fait état mardi matin de frappes aériennes "massives" de l'ennemi sur leurs territoires. Les autorités ukrainiennes ont fait état d’au moins six morts à Kiev, où plusieurs séries d’explosions ont retenti tôt, selon des journalistes de l’AFP, après une alerte aérienne déclenchée dans tout le pays. Le ministère de l’Energie a de son côté rapporté "une attaque massive combinée de l’ennemi contre les infrastructures énergétiques".

En Russie, au moins trois personnes sont mortes cette nuit et huit ont été blessées lors d’une attaque ukrainienne contre Taganrog et le district voisin de Neklinovsky, au bord de la mer d'Azov, dans la région de Rostov, a annoncé sur Telegram le gouverneur régional Iouri Slioussar. Au total, la défense aérienne russe a intercepté 249 drones ukrainiens au-dessus du pays dans la nuit de lundi à mardi, a annoncé le ministère de la Défense. Sur ce total, 116 drones ont été abattus au-dessus de la mer Noire, 76 dans la région de Krasnodar, 23 dans la péninsule annexée de Crimée et 16 dans la région de Rostov, a précisé le ministère.

Emmanuel Macron appelle à ne pas se montrer "faible" face à la "menace" de la Russie

Emmanuel Macron a appelé ce mardi sur RTL à ne pas être "faible" face à la "menace" de la Russie qui a "une posture beaucoup plus agressive". "Nous aurions tort d'être faible face à cette menace. Et donc si nous voulons nous protéger, nous Français, ce qui est ma seule obsession, nous devons montrer que nous ne sommes pas faibles avec la puissance qui nous menace le plus", a déclaré le chef de l'Etat, soulignant par ailleurs que le nouveau service national volontaire qu'il s'apprête à annoncer n'implique aucunement d'"envoyer nos jeunes en Ukraine".

Le chef de l'Etat, qui participera dans l'après-midi à une réunion par visioconférence de la coalition des soutiens de l'Ukraine, a également affirmé que c'était "aux Européens de décider" comment utiliser les actifs russes gelés, que Donald Trump propose dans son plan de paix d'investir dans des projets menés par les Etats-Unis pour reconstruire l'Ukraine. "Les Européens sont les seuls qui ont à dire, parce que ça fait partie du plan, ce qu'on fera avec les actifs russes gelés qui sont détenus par les Européens", a-t-il déclaré.

La Roumanie déploie de nouveau des avions de chasses face à des incursions de drones

La Roumanie a annoncé deux nouvelles incursions de drones dans son espace aérien mardi matin et le déploiement de plusieurs avions de chasse, après une nuit de frappes massives aériennes russes en Ukraine voisine.

Le premier drone a "traversé l’espace aérien national" depuis Valcove en Ukraine vers la zone de Chilia Veche dans le comté de Tulcea en Roumanie (sud-est), a précisé le ministère de la Défense, en ajoutant que "deux avions Eurofighter Typhoon allemands ont été dépêchés depuis la base aérienne Mihail Kogălniceanu pour surveiller la situation" à 6h28. A 7h11, les Eurofighter ont signalé "un contact radar avec la cible au-dessus du territoire ukrainien, en dehors de l'espace aérien roumain", a ajouté le ministère.

Deux autres avions de chasse ont décollé une vingtaine de minutes plus tard depuis la base de Borcea, des F-16 Fighting Falcon de l'armée roumaine, et une deuxième intrusion de drone a été détectée par les systèmes radar dans l’espace aérien roumain dans la région de Galati, a ajouté le ministère, précisant que "la situation est surveillée par le ministère de la Défense nationale".

La Maison-Blanche juge "complètement fallacieux" de dire que Donald Trump favorise la Russie

La porte-parole de la Maison-Blanche a qualifié lundi soir de "complètement fallacieuse" l’idée selon laquelle le président américain Donald Trump et son gouvernement favoriseraient la Russie dans les pourparlers pour mettre fin au conflit en Ukraine. "L’idée selon laquelle les Etats-Unis d’Amérique ne seraient pas engagés à égalité avec les deux belligérants pour mettre fin à la guerre est totalement et complètement fallacieuse", a dit Karoline Leavitt lors d’un échange avec la presse. Vendredi 21 novembre, elle avait répété qu’il s’agissait d’un "bon plan à la fois pour la Russie et pour l’Ukraine".

© NurPhoto via AFP

Le secrétaire à l'Armée américaine Dan Driscoll à la Maison-Blanche, le 11 août 2025.

France-Algérie : l’espionnage derrière la bataille du pétrole en 1971

25 novembre 2025 à 06:00

Depuis l’été dernier, les relations entre la France et l’Algérie se dégradent de jour en jour. Derniers événements en date : les condamnations du journaliste français Christophe Gleizes et de l’écrivain Boualem Sansal à respectivement sept et cinq ans de prison. Et comme souvent dans ces moments de tensions, on essaye de regarder en arrière pour tenter de mieux comprendre l’actualité.

A L’Express, trois journalistes se sont penchés sur la relation ambivalente entre ces deux pays. Mais ils se sont intéressés à une histoire un peu particulière : celle des batailles d’espionnage.

Pour leur enquête, ils ont rassemblé de très nombreux documents dans des dossiers, classés par ordre chronologique. Des photos d’espions infiltrés, des preuves écrites de kidnappings, des archives sur des assassinats cachés… Ces dossiers contiennent tous les éléments pour faire le récit des guerres secrètes franco-algériennes.

Dans ce deuxième dossier, il y a d’abord un document dont on a déjà parlé hier : les accords d’Evian, signés en mars 1962.

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Cet épisode a été présenté par Charlotte Baris, écrit et monté par Solène Alifat et réalisé par Jules Krot.

Crédits : INA, Le Monde

Musique et habillage : Emmanuel Herschon/Studio Torrent

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© DR

Rachid Tabti a pénétré la diplomatie française en son coeur en séduisant une secrétaire du Quai d'Orsay.
Reçu hier — 24 novembre 2025 L'Express

Etats-Unis : la justice annule deux inculpations téléguidées par Donald Trump contre ses bêtes noires

24 novembre 2025 à 20:24

Une juge fédérale a annulé, ce lundi 24 novembre, deux inculpations téléguidées par Donald Trump, contre l’ancien directeur du FBI James Comey et la procureure générale de l’Etat de New York, Letitia James, cibles de la vindicte du président américain.

Donald Trump a maintes fois exprimé pendant sa campagne électorale sa volonté de se venger de tous ceux qu’il considère comme des ennemis personnels. James Comey, 64 ans, est devenu le 25 septembre la première de ces personnalités à être inculpée depuis son retour au pouvoir, avant Letitia James, 67 ans, le 9 octobre.

Une juge fédérale a invalidé lundi la nomination de Lindsey Halligan, la procureure choisie par Donald Trump, qui avait engagé ces poursuites, et prononcé en conséquence l’abandon des poursuites dans les deux dossiers. Lors d’une audience la semaine dernière, cette juge s’était montrée très sceptique sur la légalité de la désignation de la procureure, promettant de rendre une décision à ce sujet d’ici la fête de Thanksgiving, le 27 novembre.

La magistrate laisse néanmoins la possibilité au ministère de la Justice de présenter un nouvel acte d’accusation dans les deux affaires mais dans le cas de James Comey le délai de prescription des faits qui lui sont reprochés a expiré fin septembre. James Comey et Letitia James ont introduit d’autres recours en annulation des poursuites, arguant notamment du fait qu’elles étaient motivées par la seule "rancune personnelle" du président américain. La justice ne s’est pas encore prononcée sur ces arguments.

Procureur acculé à la démission

En septembre, Donald Trump avait publiquement fait pression sur sa ministre de la Justice, Pam Bondi, s’étonnant sur sa plateforme Truth Social que James Comey et Letitia James n’aient toujours pas été inculpés, de même qu’un sénateur démocrate. Après avoir poussé à la démission le procureur du district est de Virginie, le président républicain l’avait aussitôt remplacé à ce poste stratégique par Lindsey Halligan, une conseillère de la Maison Blanche.

Une autre bête noire de Donald Trump, son ancien conseiller à la sécurité nationale lors de son premier mandat, John Bolton, a été inculpé le 16 octobre de divulgation et de rétention de documents relevant de la défense nationale.

James Comey était accusé d’avoir menti sous serment en niant, en réponse à une question d’un sénateur, avoir autorisé son adjoint à être cité sous couvert d’anonymat dans les médias sur des enquêtes sensibles conduites par le FBI. James Comey avait été brutalement limogé lors du premier mandat de Donald Trump en 2017, alors que la police fédérale enquêtait sur d’éventuelles ingérences russes dans la campagne présidentielle de 2016.

Letitia James était elle visée par deux chefs d’accusation de fausses déclarations lors de l’obtention d’un prêt bancaire. Letitia James avait fait condamner Donald Trump à une amende de près d’un demi-milliard de dollars en février 2024. Cette condamnation pour fraude a été annulée en août par une cour d’appel de l’Etat de New York, qui a estimé cette amende "excessive", une décision dont elle a fait appel.

© Brendan Smialowski and TIMOTHY A. CLARY / AFP

Montage photos avec l'ancien directeur du FBI James Comey et la procureure générale de l'Etat de New York Letitia James.

Guerre en Ukraine : la Hongrie de Viktor Orban, premier soutien du plan de paix de Donald Trump

24 novembre 2025 à 20:00

Un appui franc et massif à Donald Trump. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban affiche son soutien au plan controversé proposé par le président américain pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Annoncé la semaine dernière, ce projet en 28 points, dont la forme s’inspire du texte ayant permis de signer le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas à Gaza, inclut plusieurs mesures destinées à mettre fin au conflit meurtrier. Rédigé sans consultation des Européens, ce nouveau "plan Trump" prévoit par exemple la cession à Moscou de plusieurs territoires ukrainiens conquis par la Russie, ainsi que leur reconnaissance de facto par Washington. De faire craindre à Kiev – et aux principales puissances du Vieux Continent – une sorte de capitulation, près de quatre ans après de l’invasion russe de 2022.

Empêcher le versement d’une nouvelle aide européenne

Eurosceptique, Viktor Orban n’a jamais cessé de mettre en avant ses liens avec le Kremlin. Au début de l’été 2024, il s’était ainsi déplacé à Moscou pour rencontrer Vladimir Poutine, sans demander l’accord du reste des 27 pays membres de l’Union européenne. L’épisode avait suscité l’ire de nombre de ses homologues sur le continent. Aujourd’hui, le Premier ministre hongrois les exhorte à adhérer sans réserve au projet américain pour mettre un terme à la guerre en Ukraine. "Les Européens doivent soutenir immédiatement et sans condition l’initiative de paix des Etats-Unis", a-t-il écrit samedi dans une lettre envoyée à Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne.

Dans ce document, révélé par Politico, le conservateur enjoint par ailleurs l’UE à "entamer des négociations autonomes et directes avec la Russie". Viktor Orban, dont les relations avec Kiev sont glaciales, voit surtout dans ce plan une opportunité pour gêner l’envoi d’une nouvelle aide financière de l’UE à l’Ukraine. En effet, les différents pays européens planchent depuis plusieurs mois sur l’utilisation d’avoirs gelés russes, qui pourraient servir à verser 140 milliards d’euros de nouveaux fonds à Kiev sous forme de "prêt de réparation". "[La Hongrie] ne soutient pas l’envoi par l’Union européenne d’une aide financière supplémentaire à l’Ukraine sous quelque forme que ce soit", précise de cette manière Viktor Orban dans sa lettre.

Relations glaciales entre Kiev et Budapest

Le chef de file du Fidesz, au pouvoir à Budapest depuis plus de 15 ans, s’est montré ces derniers mois particulièrement rétif à toute nouvelle aide financière européenne. Début octobre, lors d’un sommet informel à Copenhague (Danemark), il avait critiqué ce principe, qualifiant l’Ukraine de "pays qui n’a pas l’argent pour s’entretenir lui-même". Un mois plus tard, il avait également fait part de sa volonté de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour "porter plainte" après la décision de l’UE actant un embargo total en Europe sur les hydrocarbures russes d’ici à 2027. Une hérésie selon Viktor Orban, dont le pays demeure extrêmement dépendant du pétrole et du gaz russe – des ressources qui permettent à Moscou de financer sa guerre.

La position de la Hongrie au sujet de ce plan Trump reste minoritaire en Europe. Comme dévoilé par Reuters dimanche, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont élaboré une contre-proposition d’un plan de paix sur la base de la mouture proposée par le milliardaire républicain. Ce week-end, le chancelier allemand Friedrich Merz a fait part de sa circonspection sur une éventuelle percée des "négociations" vers une trêve en Ukraine. "Je ne suis pas encore convaincu que les solutions souhaitées par le président Trump seront trouvées dans les prochains jours", a ajouté le dirigeant depuis le sommet du G20 à Johannesburg (Afrique du Sud).

Giorgia Meloni défend aussi le plan Trump

Le président américain avait initialement dit attendre une réponse favorable de Volodymyr Zelensky à son plan d’ici à jeudi. Pour accélérer les discussions, plusieurs hauts responsables ukrainiens et américains, dont le secrétaire d’État Marco Rubio et l’envoyé spécial de Donald Trump, Steve Witkoff, se sont réunis ces derniers jours à Genève (Suisse). Un rendez-vous qui a permis à Kiev d'"inclure des points extrêmement sensibles" dans les échanges, a assuré le président ukrainien, tout en soulignant que l’avènement d’une "paix réelle" nécessitait "beaucoup plus".

Viktor Orban n’est toutefois pas l’unique défenseur de la proposition américaine sur l’Ukraine. Réputée proche de Donald Trump, la Première ministre italienne Giorgia Meloni s’est désolidarisée ce lundi du plan alternatif conçu par les puissances du groupe E3 (France, Allemagne, Royaume-Uni). "Je ne pense pas que la question soit de travailler sur une contre-proposition complète", a-t-elle lancé depuis Luanda (Angola), en marge d’un sommet entre l’UE et l’Union africaine. "Il y a de nombreux points acceptables dans le plan que nous avons lu." Comme rapporté samedi par les médias du pays, le Premier ministre slovaque populiste Robert Fico, réputé proche du pouvoir russe, considère pour sa part que ce document constitue "une très bonne base" pour mener les tractations pour conclure la paix en Europe.

© afp.com/Ludovic MARIN

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban s'adresse à la presse à l'issue d'un sommet au Bella Center de Copenhague, au Danemark, le 2 octobre 2025.

Au large du Royaume-Uni, ces incursions russes à répétition qui testent l'Otan

24 novembre 2025 à 16:29

Les eaux territoriales britanniques semblent devenues des voies de navigation familières aux navires russes. Quelques jours après l’interception d’un bâtiment du ministère de la Défense russe, le Yantar, quelques semaines après celle d’un destroyer de 163 mètres lourdement équipé, le Koulakov, le secrétaire d’Etat à la Défense John Healey a annoncé dimanche 23 novembre que deux nouveaux bâtiments appartenant à la flotte de Moscou venaient d’être reconduits vers d’autres eaux. Après les avoir suivis au cours des deux dernières semaines, dans le détroit de Douvres et dans la Manche, le HMS Severn, un navire de patrouille de la Royal Navy, a escorté la corvette RFN Stoikiy ainsi que le pétrolier Yelnya vers les eaux internationales, où un bâtiment de l’Otan a pris le relais. Le ministre anglais a signalé une hausse de 30 % des incursions de navires russes dans les eaux britanniques au cours des deux dernières années.

La semaine passée, le Yantar, suspecté de cartographier les câbles sous-marins britanniques, avait été pris dans les filets de la marine britannique, mais non sans résistance. La frégate de la Royal Navy qui le suivait ainsi que plusieurs bateaux de la marine marchande ont vu leur GPS se brouiller. Les marins russes, selon les déclarations du ministre, ont même été jusqu’à diriger des faisceaux laser vers les pilotes de la Royal Air Force qui les survolaient. "Tout ce qui entrave, perturbe ou met en danger les pilotes aux commandes d’avions militaires britanniques est extrêmement dangereux", avait tempêté John Healey lors d’une conférence de presse. Avant d’ajouter : "Mon message à la Russie et à Poutine est celui-ci : on vous voit. On sait ce que vous faites." Healey a déclaré avoir modifié les règles d’engagement de la marine afin que les navires britanniques puissent suivre les navires russes de plus près, à une distance équivalente à celle d’un terrain de football.

Des dépenses militaires contraintes par les restrictions budgétaires ?

Fidèle à sa ligne de dénégation, la même que celle qui prévaut lors des récents survols de drones un peu partout en Europe, et récemment en France, Moscou a répondu par le biais de son ambassade à Londres que le gouvernement britannique cherchait à "attiser une hystérie militariste", et ajouté que le Yantar s’adonnait des activités de recherche océanographique…

Ces événements interviennent dans un contexte tendu pour le gouvernement de Keir Starmer, qui doit publier son nouveau budget mercredi. John Healey plaide en faveur d’une augmentation des dépenses de défense et le Premier ministre Keir Starmer s’est engagé en ce sens, mais le gouvernement doit également combler un déficit de plusieurs milliards de livres sterling. Ce qui n’est pas sans conséquences sur ses contributions au niveau européen : selon Politico, alors que Bruxelles demandait au Royaume-Uni d’abonder à hauteur de 4,5 à 6,5 milliards d’euros le fonds Safe (Security Action for Europe), qui prévoit 150 milliards d’euros pour financer en commun des achats d’armement européen, le Royaume-Uni n’aurait proposé… qu’entre 200 et 300 millions d’euros.

© afp.com/Handout

Photo d'archive du ministère russe de la Défense.

Huit mois avant la fin de sa mission, le Doge d’Elon Musk démantelé en catimini

24 novembre 2025 à 12:32

Une fermeture aussi discrète que son ouverture fut fracassante. Institué par décret au premier jour de la seconde présidence Trump et piloté par celui qui était alors son précieux allié, Elon Musk, le Doge (de son vrai nom "département de l’efficacité gouvernementale") aurait cessé ses activités huit mois avant la fin prévue de son contrat, selon les déclarations de son directeur de la gestion du personnel, Scott Kupor, à Reuters. Ses fonctions ont été transférées à l’OPM (l’agence gouvernementale de ressources humaines). Scott Kupor a néanmoins tenu à préciser dimanche 23 novembre sur X que "les principes du Doge restent bien vivants : déréglementation, élimination de la fraude, du gaspillage et des abus, restructuration de la fonction publique fédérale, priorité accordée à l’efficacité."

Le Doge fut le symbole d’un assaut sans précédent mené contre les agences fédérales et leurs employés, dans l’objectif proclamé de colossales économies : 1 000 milliards de dollars à l’horizon de septembre dernier, selon les ambitions d’Elon Musk. L’une de ses plus retentissantes décisions fut la suppression de l’USAID, l’Agence américaine pour le développement international, active à travers le monde via des politiques de vaccination, de prévention du paludisme et de lutte contre le sida. D’abord réduite à peau de chagrin, elle a été fermée en juillet. Une étude menée par une épidémiologiste de l’université de Boston, Brooke Nichols, estime que plus de 600 000 personnes à travers le monde sont déjà mortes des suites de cette décision.

Des économies invérifiables

Exit les fonctionnaires, place à l’IA : au nom de l’optimisation, le Doge a multiplié les coupes claires au sein de nombreuses administrations, à commencer par le Département de l’éducation, dont le budget a été amputé de plus de 500 millions de dollars et dont nombre des prérogatives ont été transférées à d’autres agences. La Social Security Administration (sécurité sociale) fut une autre cible de choix : non seulement les suppressions de postes ont entraîné de nombreux retards dans le traitement des demandes des administrés, mais les données personnelles de plus de 300 millions d’Américains ont été mises en danger par l’incurie des équipes du Doge, selon un lanceur d’alerte. La méthode fut explosive, les fonctionnaires licenciés à tour de bras l’apprenant par email. En mai, plus de 200 000 d’entre eux avaient été congédiés. Le Doge a déclaré que l’ensemble de ces licenciements et réductions avait permis d’économiser des milliards de dollars, mais aucune étude officielle ne vient étayer ces assertions.

L’activité du Doge a décliné de façon concomitante à la disgrâce de son chef, survenue après ses critiques cinglantes de la dispendieuse One Big Beautiful Bill voulue par Donald Trump et votée en juillet. Les équipes ont commencé peu après à déserter les bureaux. Comme le rapporte Reuters, les têtes pensantes ont été recasées, à commencer par Joe Gebbia, cofondateur d’Airbnb, chargé depuis par Donald Trump d’améliorer le visuel des sites gouvernementaux : son studio a notamment lancé des sites web pour recruter des agents des forces de l’ordre. Quant à Elon Musk, il semble revenu en odeur de sainteté à Washington, puisqu’il figurait parmi les convives du dîner donné en grande pompe pour le prince saoudien Mohammed ben Salmane la semaine passée.

© afp.com/Oliver Contreras

Elon Musk montre son t-shirt "Doge" à son arrivée à la Maison-Blanche, à Washington, le 9 mars 2025

Choyée par Donald Trump, la Russie de Vladimir Poutine n'est forte que de la faiblesse européenne

24 novembre 2025 à 12:00

Deux abstentions. Il aura fallu coup sur coup deux abstentions récentes de Moscou au Conseil de sécurité pour illustrer symboliquement la grande faiblesse géopolitique de la Russie ; d’abord en abandonnant le partenaire algérien face au Maroc et à ses alliés sur le dossier du Sahara occidental, ensuite faute de la moindre influence proche-orientale face au plébiscite du plan Trump pour Gaza.

Déjà l’attaque de l’Ukraine avait alerté sur l’isolement ou le manque d’influence alternative de Moscou. A trois reprises, de 2022 à 2024, l’Assemblée générale des Nations unies avait condamné l’offensive russe par plus de 140 voix contre 8 et une trentaine d’abstentions. Les abstentionnistes furent entre autres puissances la Chine, l’Inde, l’Arabie saoudite ou encore le Brésil, et les "alliés" des Etats minuscules, faillis, indigents ou déjà inféodés (Biélorussie). Rien qu’au Moyen-Orient, en moins de deux ans, Moscou a subi la perte du fidèle allié syrien, l’affaiblissement du partenaire iranien, et donc le plan américain pour Gaza dans lequel la Russie n’aura aucun rôle. L’Arabie saoudite a rejoint les Brics (à la cohérence archi douteuse) ? Elle vient surtout de demander une alliance militaire intégrée et des escadrilles de F-35 à Washington !

Sur le plan technologique, aucun investissement sérieux n’a été consenti par Poutine depuis 2000, les budgets de Recherche & Développement et de formation ingénieuriale sont sacrifiés, d’où un faible nombre de brevets déposés. Conséquence directe : depuis la déchirure du tissu relationnel entre Russie et Occident liée à l’attaque de l’Ukraine, celle-ci s’inféode à l’économie chinoise. Cette tendance lourde devrait se poursuivre sous l’effet conjugué des sanctions occidentales, de l’accélération phénoménale du high-tech chinois, et surtout du désintérêt idéologique total du Kremlin pour cette dimension pourtant sans cesse plus essentielle de la puissance. Ajoutons que si la rente quasi perpétuelle de brut et gaz naturel permet à Moscou d’éviter toute banqueroute, cet atout est relativisé par les coûts d’acquisition très bas exigés par Pékin et New Delhi, et par une Opep peu disposée à consentir aux exigences russes en termes de production et donc de prix.

La Russie, forte de la relative faiblesse européenne

Sur le plan militaire, l’armée russe peut frapper durement les troupes ennemies et les infrastructures civiles et énergétiques de l’Ukraine par missiles et ses drones (importés de Corée du Nord et d’Iran pour la plupart), mais ne peut pas percer le front face à une armée moins nombreuse et moins équipée, et éviter de lourdes pertes humaines et matérielles. Chasseurs bombardiers prudemment maintenus hors du rayon d’action des missiles ukrainiens, chars médiocres, marine ridiculisée en mer Noire, revers des mercenaires de l’Africa Corps (ex Wagner) face à des va-nu-pieds djihadistes au Sahel, faible détermination des troupes et pertes abyssales dans une situation démographique générale déjà désastreuse, etc. Le moins que l’on puisse dire est que la Russie ne triomphe guère. Quant aux alliés militaires, ils se comptent sur… un doigt !

Seule la Corée du Nord, dont dix mille soldats se sont fait étriller sur le front ukrainien mais qui fournit effectivement des munitions, correspond à ce statut objectif depuis 2024. Et, contrairement à ce que certains écrivent paresseusement en galvaudant le terme, il n’existe aucune alliance militaire avec Pékin et Téhéran, seulement des rapports de fournisseurs (indociles du reste) à client. Ajoutons, fait sans précédent depuis 1945, la relégation au deuxième rang de la Russie comme exportateur d’armements, en l’espèce derrière… la France. Ce signal faible passé inaperçu traduit en réalité une situation doublement alarmante : non seulement le Kremlin ne parvient pas à imposer à des Etats déjà clients d’acheter davantage, ni à en trouver de nouveaux (dans un monde qui pourtant se réarme tous azimuts !), mais encore les entreprises russes s’avèrent technologiquement dépassées par des fabricants occidentaux, chinois, israéliens et autres. Certes, la Russie demeure bien le deuxième producteur d’armes - loin - derrière les Etats-Unis, mais l’essentiel de sa production part directement sur le destructeur front ukrainien.

Au fond, la Russie contemporaine de Vladimir Poutine est surtout forte de la relative faiblesse européenne et de la complaisance mercantiliste et idéologique de Donald Trump. Les deux n’auront peut-être qu’un temps…

Frédéric Encel, essayiste et géopolitologue, est professeur à la Paris School of Business (PSB) et maître de conférences à Sciences Po.

© afp.com/-

Vladimir Poutine dans un poste de commandement en un lieu inconnu, selon des images diffusées par le Kremlin, le 20 novembre 2025

Tensions entre la Chine et le Japon : ces missiles près de Taïwan qui inquiètent Pékin

24 novembre 2025 à 11:57

La Chine a jugé lundi 24 novembre "dangereux" le projet réaffirmé du Japon de déployer des missiles sol-air sur Yonaguni, l’île nippone la plus proche de Taïwan, elle-même au cœur d’un regain de tension entre Pékin et Tokyo.

Le ministère chinois des Affaires étrangères a réagi à des propos tenus dimanche par le ministre japonais de la Défense Shinjiro Koizumi et rapportés par la presse, selon lesquels le projet d’installer ces missiles était "en bonne voie".

"Le déploiement d’armes offensives par le Japon sur les îles du sud-ouest voisines de Taïwan vise délibérément à créer des tensions régionales et à provoquer une confrontation militaire", a dit une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning, lors d’un point presse régulier. "Cette tendance, conjuguée aux propos erronés de la Première ministre (japonaise) Sanae Takaichi, est extrêmement dangereuse", a-t-elle déclaré.

"La Chine est déterminée"

La Chine et le Japon sont engagés dans une vive querelle depuis que la Première ministre japonaise a affirmé le 7 novembre que des opérations armées contre Taïwan pourraient justifier une intervention militaire japonaise pour défendre l’île. La Chine, qui revendique Taïwan comme faisant partie de son territoire, voit dans ces paroles une provocation.

"La Chine est déterminée et capable de défendre sa souveraineté territoriale nationale", a dit Mao Ning. "La Chine ne permettra jamais aux forces japonaises d’extrême droite de renverser le cours de l’histoire, elle ne permettra jamais les ingérences de la part de forces extérieures dans les affaires taïwanaises, ni la renaissance du militarisme japonais", a-t-elle dit en se référant à la défaite du Japon à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le gouvernement taïwanais a au contraire défendu les propos du ministre japonais de la Défense. Le Japon "a le droit de faire le nécessaire pour protéger la sécurité de son propre territoire", a dit à des parlementaires le vice-ministre taïwanais des Affaires étrangères Wu Chih-chung. "L’île de Yonaguni est très proche de Taïwan, et le Japon est en train d’y renforcer ses installations militaires […] Nous pensons que cela sert nos intérêts nationaux puisque le Japon n’a aucune revendication territoriale, ni aucune hostilité à l’encontre de Taïwan", a-t-il dit.

Yonaguni abrite depuis 2016 une base des Forces d’autodéfense japonaises, malgré les objections initiales des habitants. Tokyo a annoncé son intention d’y déployer des missiles sol-air à moyenne portée pour la défendre contre les attaques de missiles et d’aéronefs.

© afp.com/Kazuhiro NOGI

La Première ministre japonaise Sanae Takaichi fait un discours à la Chambre des représentants à Tokyo, le 24 octobre 2025

En Belgique, une grève massive et "historique" contre le plan d’austérité du gouvernement

24 novembre 2025 à 11:31

"La Belgique à l’arrêt : une paralysie inédite", titre le quotidien Le Soir. De son côté, La Libre Belgique évoque une "suspension de temps" doublée d’une "parenthèse historique". Trains supprimés, vols annulés, crèches fermées : la Belgique se prépare, ce lundi 24 novembre, à trois jours de grève contre les réformes envisagées par le gouvernement De Wever pour redresser les finances publiques, comparées à un "démantèlement social" par les syndicats.

Le mouvement dénonçant la "casse sociale" du gouvernement est organisé en trois temps. Les transports publics et les chemins de fer lancent le bal lundi. L’exploitant des chemins de fer belges, la SNCB, a prévu une circulation limitée à un train sur deux, voire un sur trois selon les lignes. Plusieurs Eurostar reliant Bruxelles à Paris ont également été annulés.

Ils doivent ensuite être rejoints, mardi, par les services publics : les crèches, administrations, hôpitaux… "Les enseignants se joindront aussi à la grève les 25 et 26 novembre, alors que le service public de Wallonie, le ministère de la Communauté française, les administrations locales et provinciales débrayeront pendant les trois jours. Le secteur de la santé devrait également prendre part aux protestations", précise Le Soir. Une grève interprofessionnelle est prévue mercredi. L’étendue précise des perturbations est encore incertaine.

Un accord budgétaire trouvé

Hasard du calendrier ou non, un accord de gouvernement sur une trajectoire pluriannuelle d’économies budgétaires a été conclu dans la nuit de dimanche à lundi autour du Premier ministre Bart De Wever. L’accord augmente le niveau d’économies par rapport à ce qu’envisageait la coalition au pouvoir début 2025 et prévoit quelques nouvelles recettes via notamment le doublement de la taxe sur les comptes-titres ou des relèvements de TVA sur certains produits.

Au total, un peu plus de 9 milliards d’euros ont été trouvés." L’effort est réalisé à 60 % par des dépenses réduites, à 40 % par des recettes nouvelles", résume Le Soir. "J’ai sauvé l’Etat-Providence du précipice, en prenant des mesures impopulaires, c’est vrai, mais j’ai un salaire élevé et aujourd’hui je pense l’avoir mérité", se réjouit le Premier ministre.

Un des pires niveaux d’endettement de la zone euro

Ce qui n’empêchera pas la grève de frapper le pays, avec un effet très concret dans le ciel : aucun vol commercial ne décollera mercredi depuis les deux principaux aéroports belges, Bruxelles-Zaventem et Charleroi, leurs sociétés exploitantes anticipant un fort taux de grévistes parmi le personnel chargé des contrôles de sécurité. "La fédération patronale flamande Voka estime, sur la base d’une enquête, que la production d’une entreprise flamande sur dix sera paralysée ou fortement perturbée", souligne de son côté De Morgen, le quotidien néerlandophone.

Ce mouvement social a été lancé à l’initiative des trois principaux syndicats belges, FGTB, CSC et CGSLB, engagés dans un bras de fer avec le Premier ministre. La Belgique affiche un des pires niveaux d’endettement de la zone euro, avec la Grèce, l’Italie et la France. Au pouvoir depuis février, le conservateur flamand réclame au pays un gros effort d’économies. Mais au bout de dix mois d’exercice, il a surtout à son actif la limitation à deux ans des allocations chômage, adoptée cet été par le Parlement, et peine à transformer l’essai sur les autres gros dossiers.

Pour les syndicats, les trois jours de grève sont un appel à l’ensemble du gouvernement pour "mettre fin au démantèlement social". Le syndicat socialiste FGTB a accusé le Premier ministre de faire preuve de "mépris" et de "manque de respect" vis-à-vis de ce mouvement social. Les syndicats ont lancé de nombreux appels à la mobilisation depuis l’installation du gouvernement De Wever. La participation a fluctué selon les actions. L’une des manifestations les plus importantes a eu lieu mi-octobre, quand des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues de Bruxelles contre des coupes budgétaires jugées "brutales". Moins de deux mois plus tard, les Belges sont de nouveau dans la rue.

© afp.com/Nicolas TUCAT

Des manifestants s'opposaient déjà à la politique budgétaire du gouvernement De Wever, à Bruxelles, le 14 octobre 2025. Quelques semaines plus tard, la grogne sociale est toujours là.

Guerre en Ukraine : ce que contient la contre-proposition des Européens au plan américain

24 novembre 2025 à 10:14

L’offensive européenne se dessine. Selon l’agence Reuters, Londres, Paris et Berlin ont rédigé une contre-proposition au plan de paix américain pour l’Ukraine, dévoilée dimanche 23 novembre. La première ébauche de Washington - rédigée sans les alliés européens - avait été rejetée en l’état par Kiev et jugée par nombre d’observateurs bien trop favorable à Moscou. La nouvelle mouture européenne publiée en intégralité sur le site de l’agence, ne rompt pas avec l’approche américaine, puisqu’elle en reprend la structure point par point. Mais le texte apporte quelques modifications.

Alors que les Etats-Unis et l’Ukraine ont affirmé dans la nuit de dimanche à lundi qu’un "futur accord" de paix "devra pleinement respecter la souveraineté" ukrainienne - après des pourparlers qualifiés de "constructifs" à Genève - la copie révisée du camp européen s’aligne sur ce principe en le réaffirmant explicitement : "La souveraineté de l’Ukraine doit être réaffirmée", déclare ainsi le premier point.

Vient ensuite une autre proposition : la conclusion d'"un accord de non-agression complet" entre la Russie, l’Ukraine et l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) destiné à lever les zones grises des trente dernières années. Une formulation proche de celle du plan américain, mais avec un glissement notable : là où Washington mentionnait "l’Europe", les Européens inscrivent clairement "Otan".

Autre point très important : la troisième proposition du plan américain - qui suggérait que la Russie n’envahisse pas ses voisins et que l’Otan ne s’étende pas davantage - disparaît du texte européen. Dans cette version, l’intégration de l’Ukraine à l’Alliance n’est plus exclue, mais explicitement conditionnée au consensus des alliés : "L’adhésion de l’Ukraine à l’Otan dépend du consensus des membres de l’Alliance, qui n’existe pas", rappelle le document. Celui-ci demande un dialogue direct Russie-Otan, immédiatement après la signature d’un accord de paix, pour ouvrir un cycle de "désescalade" et de clarification stratégique.

Un important volet économique

Par ailleurs, les garanties de sécurité à offrir à Kiev sont renforcées par le projet européen : limitation des effectifs militaires ukrainiens à 800 000 hommes en temps de paix (au lieu de 600 000 dans le plan américain), absence de troupes de l’Otan en Ukraine mais stationnement d’avions de chasse de l’Alliance en Pologne, comme le prévoyait le plan de Washington.

L’Europe introduit aussi un important volet économique. Comme le prévoyait déjà le plan américain, Kiev sera éligible à l’adhésion à l’UE, avec un accès préférentiel au marché européen dès la phase d’évaluation. Bruxelles confirme aussi un paquet mondial de mesures pour reconstruire l’Ukraine, incluant la création d’un fonds de développement pour l’Ukraine, la réhabilitation des zones touchées par la guerre ou encore la reprise de l’extraction de minéraux et de ressources naturelles. Ce qu’elle ajoute à ce vaste plan de reconstruction ? Un partenariat entre les Etats-Unis et l’Ukraine "pour restaurer, développer, moderniser et exploiter les infrastructures gazières ukrainiennes (pipelines et installations de stockage)".

Un allègement des sanctions russes "par phases"

Concernant la Russie, les Européens se montrent moins conciliants que leurs alliés américains. Alors que ces derniers prévoient une réintégration de la Russie dans l’économie mondiale, Bruxelles rajoute une temporalité : "l"allègement des sanctions discuté et convenu par phases et au cas par cas." Les deux versions s’accordent cependant sur un retour de la Russie au sein du G8.

Cependant, sur les questions territoriales, les Européens rompent avec la ligne maximaliste de Kiev. L’Ukraine s’engagerait ainsi à ne pas récupérer militairement les territoires occupés. De futures négociations commenceraient à partir de la "ligne de contact actuelle", avec une interdiction de modifier ultérieurement tout accord par la force. Le plan modifié par les Européens comprend une task force conjointe de sécurité - incluant Etats-Unis, Ukraine, Russie et Européens - qui garantirait la mise en œuvre de l’accord.

Une amnistie totale qui disparaît

Et sur l’après ? Dans le projet européen, la question de l’amnistie totale pour toutes les parties impliquées dans ce conflit disparaît. A la place, une vision assez large : "Des mesures seront prises pour répondre aux souffrances des victimes du conflit."

Reste que tout ne fait pas consensus au sein du camp européen. La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, a défendu dimanche l’idée que le plan américain "contient déjà de nombreux points acceptables" et qu’il n’était "pas nécessaire de présenter une contre-proposition complète". Selon elle, la discussion porte davantage sur certains nœuds — territoires, reconstruction, armée ukrainienne — que sur le cadre général proposé par Washington. Reste à savoir si les différentes parties trouveront un terrain d’entente.

© AFP

Le chef du cabinet de Volodymyr Zelensky Andriy Yermal, et le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio à Genève, en Suisse, après des pourparlers le 23 novembre 2025.

Liban : qui était le chef du Hezbollah tué dans une frappe israélienne ?

24 novembre 2025 à 09:10

Le Hezbollah libanais a confirmé dans la soirée du dimanche 23 novembre la mort du chef militaire Haitham Ali Tabatabai, qualifié par Israël de chef d’état-major de la formation pro-iranienne, dans une frappe israélienne sur la banlieue sud de Beyrouth, qui a fait cinq morts au total selon les autorités libanaises.

C’est le plus haut responsable du Hezbollah à être tué depuis la fin, il y a près d’un an, de la guerre meurtrière qui a opposé le mouvement islamiste à l’Etat-hébreu et dont il est sorti décapité.

Haitham Ali Tabatabai, présenté par l’armée israélienne comme "le plus important commandant du Hezbollah", avait été promu chef militaire du mouvement chiite après la mort des principaux responsables militaires de ce dernier durant la guerre avec Israël. Son nom reste largement inconnu du grand public libanais.

Visé par des sanctions américaines

Selon une source proche de la formation pro-iranienne, Tabatabai était auparavant "responsable du dossier du Yémen" au sein du Hezbollah, qui soutient les rebelles houthis. Il avait également occupé des fonctions en Syrie où le mouvement islamiste soutenait militairement le pouvoir déchu de Bachar el-Assad, selon les Etats-Unis. Toujours selon cette source, Tabatabai était basé à l’étranger et était "revenu au Liban pendant la guerre". Son père est d’origine iranienne et sa mère libanaise, mais il a la nationalité libanaise, d’après la même source.

Les Etats-Unis ont imposé des sanctions contre lui en 2016, le désignant comme "terroriste". Le Trésor américain a offert une récompense allant jusqu’à 5 millions de dollars pour des informations à son sujet, précisant qu’il était "également connu sous le nom d’Abou Ali Tabatabai". Washington le présentait alors comme "un chef militaire clé du Hezbollah qui a commandé les forces spéciales du groupe en Syrie et au Yémen".

"Vétéran"

Selon l’armée israélienne, Tabatabai était "un vétéran" du Hezbollah qu’il a rejoint dans les années 1980 et y a occupé "une série de postes" importants, "dont la direction des opérations du Hezbollah en Syrie". Le Hezbollah a militairement soutenu le pouvoir de Bachar el-Assad lors de la guerre civile en Syrie, jusqu’à sa chute en décembre 2024. Les Houthis du Yémen font partie, avec le Hezbollah, de ce que l’Iran qualifie "d’axe de la résistance" contre Israël.

Outre le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, Israël a tué, notamment dans des frappes ciblées, les principales figures militaires du mouvement : Fouad Chokr, le chef militaire, Ibrahim Aqil, qui commandait la force al-Radwan, l’unité d’élite, et Ali Karaké, le numéro trois militaire. Malgré le cessez-le-feu entré en vigueur il y a près d’un an, Israël poursuit ses attaques au Liban, affirmant vouloir empêcher le Hezbollah de reconstituer ses forces.

Dénonçant "une violation flagrante du cessez-le-feu de novembre 2024 et une atteinte brutale à la souveraineté nationale du Liban", l’Iran a "fermement" condamné ce lundi "l’assassinat lâche du grand commandant de la résistance islamique libanaise, le martyr Haitham Ali Tabatabai".

Benyamin Netanyahou a de son côté assuré dimanche qu’Israël "ne permettra pas au Hezbollah de reconstruire son pouvoir" et appelé le gouvernement libanais à "respecter son engagement à désarmer" le mouvement. Le Premier ministre israélien, qui avait juré de "faire tout le nécessaire" pour empêcher un renforcement du mouvement pro-iranien, "a ordonné l’attaque sur recommandation du ministre de la Défense et du chef d’état-major", selon ses services.

© afp.com/Ibrahim AMRO

Des personnes ramassent des gravats sur le site d'une frappe israélienne dans la banlieue sud de Beyrouth le 23 novembre 2025.

Boualem Sansal : détention, Bruno Retailleau… L’écrivain gracié par l'Algérie sort du silence

24 novembre 2025 à 08:05

Pour sa première prise de parole depuis sa libération par l’Algérie et son retour en France, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a assuré dimanche 23 novembre avoir toujours voulu "la réconciliation" entre les deux pays, en reconnaissant que sa parole était bridée par les enjeux diplomatiques.

"Je suis depuis toujours pour la réconciliation entre la France et l’Algérie", a déclaré Boualem Sansal dans le journal de 20h00 de France 2, en estimant que les deux pays avaient "raté le coche" après l’indépendance de l’ancienne colonie en 1962. "Soixante années sont passées, on est encore en train d’utiliser des discours de la guerre de libération", a-t-il déploré.

Sa parole est-elle bridée par les enjeux diplomatiques, lui a demandé le journaliste Laurent Delahousse ? "Oui, en quelque sorte, je ne vous parle pas de manière naturelle […], je contrôle chacun de mes mots", a-t-il concédé. "Je pense à Christophe Gleizes", journaliste français emprisonné en Algérie et qui sera jugé en appel le 3 décembre, a-t-il enchaîné.

🔴⚡️ "C'est compliqué. On a besoin de quelques jours pour mettre les mots exacts sur les événements"

Les premiers mots de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal après sa libération. #JT20h pic.twitter.com/cN0uAJoXrQ

— Le20h-France Télévisions (@le20hfrancetele) November 23, 2025

Incarcéré en Algérie pendant un an pour certaines prises de position sur son pays natal, Boualem Sansal, 81 ans, a retrouvé la liberté le 12 novembre. Il a été gracié par le président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui a répondu favorablement à une demande des autorités allemandes.

"Tout est parti de là"

L’écrivain, qui était au cœur d’une crise diplomatique entre Alger et Paris, est rentré en France mardi, après avoir d’abord été transféré à Berlin pour des soins médicaux, et a été reçu par Emmanuel Macron dès son retour. Un retour discret, hors de la vue des médias.

Selon lui, les positions de la France sur le Sahara occidental, sujet de tensions entre l’Algérie et le Maroc, ont en partie motivé son arrestation. Fin juillet 2024, le président français avait apporté son soutien total à un plan d’autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental, revendiqué depuis 50 ans par les indépendantistes du Polisario soutenus par Alger.

"Tout est parti de là", a estimé Boualem Sansal, selon qui cela a déclenché "une guerre" entre la France et l’Algérie. "En bonne santé" après avoir été traité "de manière remarquable" pour son cancer de la prostate, il a dit avoir appris sa libération seulement "la veille". Cela a suivi sa rencontre en prison avec "un monsieur très autoritaire", qu’il pensait être un membre "des services secrets" ou "un personnage très important".

"Il disait toujours : 'Dans l’hypothèse où vous sortez, est-ce que vous allez continuer vos critiques sur l’Algérie ?' J’ai dit 'Monsieur, je n’ai jamais critiqué l’Algérie, je critique un régime, je critique des gens, je critique une dictature'", a raconté l’écrivain.

Bruno Retailleau, un "ami"

Il a en outre affirmé que Bruno Retailleau était son "ami", tout en admettant que l’ex-ministre de l’Intérieur, très ferme face à l’Algérie, avait pu être "d’une certaine manière" un obstacle à sa libération. "Il offrait à l’Algérie l’occasion de rebondir sur : 'Regardez, c’est notre ennemi, ils nous détestent, etc'. Mais avec ou sans Bruno Retailleau, ils auraient réagi de la même manière avec n’importe qui", a jugé l’écrivain.

Écrivain dissident admirateur de Camus et Orwell, polémiste révéré par les droites françaises, Boualem Sansal purgeait en Algérie une peine de cinq ans de prison notamment pour "atteinte à l’unité nationale". Le romancier avait été condamné pour avoir notamment déclaré en octobre 2024 au média français d’extrême droite Frontières que l’Algérie avait hérité sous la colonisation française de régions appartenant précédemment, selon lui, au Maroc.

Cet ancien haut fonctionnaire en Algérie avait été arrêté le 16 novembre 2024 à son arrivée à l’aéroport d’Alger avant d’être emprisonné, aggravant le froid diplomatique entre la France et son ancienne colonie.

Le retour médiatique de Boualem Sansal a été soigneusement orchestré. Outre le 20h00 de France 2, il s’est exprimé dans Le Figaro à qui il a expliqué avoir écrit "au moins dix fois" à Abdelmadjid Tebboune pour demander sa libération. Après de premières lettres "très accusatoires", il a décidé "d’être plus stratège" : "Je lui ai expliqué que la seule solution, c’était de me libérer, de réconcilier l’Algérie avec la France". A France Inter, il a assuré vouloir retourner bientôt dans son pays natal. "Si vous subissez une injustice, vous cherchez naturellement à obtenir réparation. Pour moi, aller (en Algérie) et ressortir" serait "une grosse réparation", a-t-il déclaré selon de premiers extraits diffusés par la radio.

© AFP

Boualem Sansal sur le plateau de France 2, le 23 novembre 2025, pour sa première interview depuis sa libération.

Ukraine : la contre-proposition européenne au plan américain n'est "pas constructive", juge le Kremlin

24 novembre 2025 à 18:42

A l’issue de négociations en Suisse ce dimanche 23 novembre, la Maison-Blanche a salué dans un communiqué commun avec la délégation ukrainienne des "pourparlers constructifs, concentrés sur l’objectif et respectueux, insistant sur l’engagement commun de parvenir à une paix juste et durable". Les discussions de Genève, officiellement closes, se sont tenues sur la base du projet de plan en 28 points du président américain Donald Trump visant à mettre fin au conflit provoqué par près de quatre ans d’invasion russe. Résultat : les Etats-Unis et l’Ukraine ont affirmé qu’un "futur accord" de paix "devra pleinement respecter la souveraineté" de Kiev. Un premier pas.

Les infos à retenir

⇒ Pour le Kremlin, la contre-proposition européenne au plan américain pour l'Ukraine n'est "pas constructive"

⇒ L’Europe devra donner son accord à tout plan de paix, prévient Friedrich Merz

⇒ Volodymyr Zelensky salue les avancées des pourparlers mais dit qu’une "paix réelle" nécessite "beaucoup plus"

Pour le Kremlin, la contre-proposition européenne au plan américain pour l'Ukraine n'est pas constructive

Le Kremlin a indiqué ce lundi que la contre-proposition européenne à un plan américain en 28 points pour mettre fin à la guerre en Ukraine n'était pas constructive et ne convenait pas à la Russie.

"En ce qui concerne les plans qui circulent, ce matin (lundi) nous avons appris l'existence d'un plan européen qui, à première vue, n'est pas du tout constructif et ne nous convient pas", a déclaré le conseiller diplomatique de Vladimir Poutine, Iouri Ouchakov, selon l'agence de presse de presse officiel TASS.

L’Europe devra donner son accord à tout plan de paix pour l’Ukraine, prévient Friedrich Merz

Les Européens devront approuver tout aspect impliquant leur sécurité dans un futur accord mettant fin à la guerre en Ukraine, a prévenu ce lundi le chancelier allemand, Friedrich Merz. "Il est important pour nous qu’un plan de paix pour l’Ukraine ne puisse être établi sans notre accord sur des questions touchant aux intérêts européens et à la souveraineté européenne", a déclaré le chef de gouvernement allemand en marge du sommet UE-Afrique à Luanda, la capitale de l’Angola.

Le dirigeant a par ailleurs jugé improbable une "percée" cette semaine dans les négociations sur un plan de paix pour l’Ukraine, insistant sur le fait que la Russie devait rejoindre les négociations. "La Russie doit être présente à la table (des négociations). Si cela se concrétise, chaque effort aura été justifié, et dans le cas contraire, il faudra redoubler d’efforts. C’est un processus laborieux […], je ne m’attends pas à une percée cette semaine", a-t-il déclaré.

Un peu plus tôt, un porte-parole du gouvernement allemand avait souligné l’importance "pour l’Europe que les intérêts de l’Ukraine soient pris en compte […], que les intérêts de l’Europe soient garantis et que rien de ce qui concerne l’Europe ne se fasse sans l’Europe". "À notre avis, c’est le cas à l’heure actuelle et c’est pourquoi nous saluons les progrès réalisés jusqu’à présent", avait ajouté Sebastian Hille.

Négociations sur l’Ukraine : l’UE salue un "nouvel élan"

Le président du Conseil européen, Antonio Costa, a salué lundi un "nouvel élan dans les négociations de paix" sur l’Ukraine, à l’issue d’une rencontre de dirigeants européens à Luanda, en Angola. "Il reste encore du travail à faire mais il y a une base solide pour avancer", a estimé de son côté la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. "Les questions qui concernent directement l’Union européenne, comme les sanctions, l’élargissement ou les actifs (russes) gelés, réclament l’implication totale et des décisions de l’Union européenne", a souligné Antonio Costa.

Volodymyr Zelensky salue les avancées des pourparlers mais dit qu’une "paix réelle" nécessite "beaucoup plus"

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a salué ce lundi des avancées au lendemain de pourparlers à Genève entre Américains, Ukrainiens et Européens, mais a estimé qu’il fallait "beaucoup plus" pour parvenir à une "paix réelle" avec la Russie.

"Dans les étapes que nous avons coordonnées avec la partie américaine, nous avons réussi à inclure des points extrêmement sensibles", a indiqué Volodymyr Zelensky lors d’une conférence virtuelle en Suède. "Ce sont des étapes importantes, mais pour parvenir à une paix réelle, il faut plus, beaucoup plus", a-t-il ajouté.

Washington et Kiev affirment qu’un accord de paix maintiendra la "pleine souveraineté" de l’Ukraine

Les Etats-Unis et l’Ukraine ont affirmé dans la nuit de dimanche à lundi qu’un "futur accord" de paix pour mettre fin au conflit avec la Russie "devra pleinement respecter la souveraineté" de Kiev, à l’issue de pourparlers "constructifs" à Genève entre Américains, Ukrainiens et Européens. La Maison-Blanche a par ailleurs salué ces discussions en Suisse, en présence du secrétaire d’Etat Marco Rubio, qui ont constitué "un pas en avant significatif" vers un règlement de paix dans ce pays européen en guerre. Le chef de la diplomatie américaine s’était dit auparavant "très optimiste" sur la possibilité de conclure "très vite" un accord, même si de nombreuses inconnues demeurent.

Un bref communiqué commun publié à l’issue de ces discussions précise qu’au terme de leurs échanges diplomatiques, les Etats-Unis et l’Ukraine ont "rédigé une nouvelle version, affinée, d’un cadre (pour un accord) de paix".

Ukraine : 4 morts et 17 blessés dans une attaque russe contre Kharkiv

Une attaque russe nocturne sur la ville ukrainienne de Kharkiv, la deuxième plus peuplée du pays avant l’invasion lancée par Moscou en février 2022, a fait quatre morts et 17 blessés, a annoncé son maire dans la nuit de dimanche à lundi. "On dénombre 17 blessés. Quatre personnes ont trouvé la mort", a déclaré Igor Terekhov, maire de cette ville proche de la frontière russe. "Malgré les négociations" de paix concernant l’Ukraine, "les troupes russes ont attaqué […] des immeubles d’habitation", a-t-il ajouté.

D’après les services d’urgence, les frappes ont été conduites au moyen de drones, ont détruit des bâtiments et provoqué des incendies dans trois immeubles résidentiels et une infrastructure civile. La Russie cible quasi quotidiennement le pays au moyen de drones ou de missiles. Les infrastructures énergétiques sont particulièrement visées, faisant craindre un rude hiver en Ukraine. Kiev vise de son côté régulièrement des dépôts et raffineries de pétrole et d’autres installations côté russe.

© afp.com/Alexander KAZAKOV

Le président russe Vladimir Poutine lors d'une réunion au Kremlin, le 23 septembre 2025 à Moscou

Au Mali, l’étau djihadiste se resserre : Bamako ne tient plus qu’à un fil

24 novembre 2025 à 05:45

Depuis l’été dernier, leur avancée semble inexorable. "Aujourd’hui, les djihadistes sont présents partout au Mali", assure Mohammed A. Pour ce marchand touareg, qui commerce entre Bamako, Tombouctou et Kayes, croiser leur chemin au cours de ces longues traversées du Sahel est devenu une sorte de "routine". "Malheureusement, quand on n’a pas le choix, on finit par s’habituer à tout", lâche-t-il, résigné, au bout d’une ligne téléphonique instable.

"Le plus souvent, ils se déplacent à motos, ils arrêtent les convois de marchandises, parfois pour les brûler, parfois pour se servir, et ils contrôlent les transports de voyageurs", précise ce père de famille, qui avoue tout de même avoir eu "la peur au ventre" plusieurs fois en les voyant. Fin octobre, les djihadistes ont annoncé que "tous les axes autour de Bamako" seraient désormais considérés comme des "zones de guerre" et ont imposé la séparation entre hommes et femmes dans les transports.

"Ils sont aussi présents dans les villes, comme à Tombouctou, où, habillés en civils, ils font de la surveillance et tentent d’accroître leur influence sur les populations", poursuit-il, assurant qu’il est lui-même régulièrement approché pour rejoindre leurs rangs dans un contexte économique de plus en plus tendu.

Ces dernières semaines, mieux valait ne pas avoir besoin d’un médecin

Historiquement implanté dans le nord et le centre du pays, le Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (GSIM), la filiale sahélienne d’Al-Qaeda, étend désormais son influence vers l’Ouest, tout près des frontières sénégalaises et mauritaniennes, mais aussi vers le Sud, exerçant une pression sans précédent sur la capitale Bamako. Aujourd’hui, l’armée régulière ne contrôlerait plus que 25 % du territoire malien.

Blocus sur le carburant

Un peu plus de quatre ans après l’arrivée au pouvoir de la junte souverainiste, suite au coup d’Etat du général Assimi Goïta, désormais président autoproclamé, rien ne semble avoir arrêté la percée islamiste dans ce pays du Sahel. Pas même le soutien opérationnel des mercenaires russes du groupe Wagner, renommé Africa Corps en juin dernier, qui ont pris la place des troupes françaises, arrivées en 2014 (opération Barkhane) et reparties en 2022.

En plus de leurs attaques armées, les djihadistes mènent désormais une stratégie d’étranglement de l’économie malienne, en imposant des blocus sur le carburant et en ciblant principalement la capitale et ses trois millions d’habitants. Sans accès à la mer, Bamako demeure dépendant de ses voisins, dont le Sénégal, la Côte d’Ivoire et, surtout, la Guinée - ces trois pays représentant 90 % des importations. Depuis début septembre, les camions-citernes en provenance de ces pays sont systématiquement détruits ou dérobés par les djihadistes.

Résultat, la capitale manque cruellement de carburant. Sur les 600 stations-service de la ville, seule une centaine, identifiable aux kilomètres de queues qu’elles provoquent, parvient à être ravitaillée. "J’ai attendu presque 72 heures pour faire le plein", raconte Souleymane D., entrepreneur dans le BTP. Comme beaucoup de Bamakois, il a vu son activité économique largement altérée par ces blocus. "Sans essence, l’économie tourne au ralenti et l’accès à l’électricité est difficile", déplore-t-il, alors que l’accès à l’énergie repose grandement sur des groupes électrogènes. Après deux semaines de fermeture ordonnée par les autorités en raison de la pénurie, les écoles et les universités ont rouvert le 17 novembre, grâce à une récente arrivée de camions-citernes en provenance de Côte d’Ivoire, escortés par l’armée sur plusieurs centaines de kilomètres. "Ces dernières semaines, mieux valait ne pas avoir besoin d’un médecin, car les hôpitaux ne tournaient presque plus", témoigne le jeune homme, ajoutant que la situation s’est récemment améliorée depuis que des escortes militaires ont été mises en place. Désormais, 200 à 300 camions parviennent à rejoindre Bamako toutes les semaines, contre plus de 1 200 avant le blocus. Reste que, dans de nombreuses localités du centre et du sud, l’essence n’arrive toujours pas. Mopti et ses 550 000 habitants sont ainsi privés d’électricité depuis un mois, comme Bandiagara.

Enlèvements de travailleurs étrangers

Pour déstabiliser le pouvoir malien, le GSIM a multiplié les attaques contre des entreprises détenues par des investisseurs étrangers. Depuis cet été, plus d’une quinzaine d’assauts ont été recensés, notamment dans la région aurifère de Kayes, à l’ouest. Simultanément, le nombre d’enlèvements de travailleurs étrangers s’est accru. Entre mai et octobre 2025, 22 personnes de nationalité chinoise, égyptienne, indienne et émiratie ont été prises en otage par le groupe terroriste, selon l’ONG Acled, spécialisée dans la collecte et l’analyse de données sur les conflits armés. Un record. "Les rançons ont toujours constitué une source de financement pour les djihadistes. Elles leur permettent d’équiper, de payer mais aussi de recruter des combattants", indique Héni Nsaibia, chercheur au sein d’Acled.

Selon le journal Le Monde, le GSIM aurait récemment obtenu une rançon record de 43 millions d’euros en échange de la libération, le 29 octobre, d’un membre de la famille régnante Al-Maktoum de Dubaï, enlevé le 23 septembre. "La stratégie de multiplication des enlèvements est double, poursuit Heni Nsaibia. Elle vise aussi à "dissuader les investissements étrangers et la coopération économique avec le régime". Avec un certain succès. Alors que les Chinois ont récemment suspendu leurs opérations de minage, les Etats-Unis, la France, l’Allemagne et l’Italie ont appelé leurs citoyens à quitter le territoire malien début novembre.

Jamais la pression des djihadistes n’a été aussi forte. A tel point que l’hypothèse d’une chute de Bamako aux mains du Groupe de soutien de l’islam et des musulmans et de son chef Iyad Ag Ghali, ennemi public numéro de l’opération Barkhane en son temps et poursuivi depuis 2017 par la CPI pour crimes contre l’humanité et crime de guerre, n’a pas manqué d’être évoquée. Pour autant, l’hypothèse est peu probable à ce stade, selon plusieurs observateurs de la région interrogés par L’Express, faute de capacités militaires ou de gouvernance suffisante. "L’objectif du GSIM est de prendre Bamako, mais ses membres veulent que la junte tombe d’elle-même, poussée par le ras-le-bol des populations", résume Peer de Jong, fondateur de l’institut Themiis. "Aujourd’hui, les djihadistes ne sont pas sur un modèle d’action terroriste dure, mais sur une stratégie de prise de pouvoir lente avec une vision sur le long terme", poursuit l’ancien aide de camp de François Mitterrand et de Jacques Chirac.

Impôt islamique et port du voile obligatoire

En dehors de Bamako, le GSIM tente de gagner en influence et de lisser son image auprès des populations. "Quand ils arrivent dans une localité, ils négocient un accord de non-agression avec les chefs coutumiers", indique un avocat bamakois originaire d’un village du sud, récemment tombé entre leurs mains. Comme des garants d’un ordre social et sécuritaire, "ils essaient de gagner le cœur des Maliens et de se présenter comme une alternative crédible face à une junte et des supplétifs russes qui ont commis d’innombrables exactions", analyse un observateur.

Dans le même temps, le GSIM met en place ses lois et règlements, de gré ou de force, dont l’imposition de la zakat (l’impôt islamique) ou l’obligation de porter le voile pour les femmes. Et le groupe n’hésite pas à exécuter ceux qu’il considère comme non alignés, y compris des civils. Le 6 novembre dernier, une jeune tiktokeuse qui publiait du contenu pro junte sur les réseaux sociaux a été abattue sur la place publique de sa ville, Tonka, dans la région de Tombouctou. "Dès que tu prends parti pour le GSIM ou pour les militaires maliens, tu risques ta vie, regrette notre commerçant, Mohammed. A. Les uns et les autres accusent souvent les civils de trahison avec des conséquences souvent sanglantes."

Coincés entre les exactions et menaces incessantes des deux camps, de nombreux Maliens ont choisi de fuir. Sur le camp de Mbera, dans l’extrême sud-est de la Mauritanie, leur nombre a plus que doublé entre 2023 et 2025, selon l’UNHCR, l’agence onusienne pour les réfugiés, passant de 70 000 à 160 000, et même à plus de 290 000 selon Nouakchott, en comptant les arrivées hors camp. "Depuis le début de l’année, on vivait au rythme des violences de Wagner, témoigne Fatou, arrivée la semaine dernière depuis la ville de Léré, carrefour essentiel vers Bamako. Mais avec le blocus djihadiste, plus rien n’entrait dans la ville, ni carburant, ni nourriture, alors on est partis."

Selon d’autres témoignages, le GSIM aurait donné un ultimatum aux habitants de la localité, qu’ils considèrent comme "acquise aux forces armées maliennes", pour les faire partir. Aux frontières sud du pays, des mouvements de population similaires sont constatés. Le 13 novembre, la Côte d’Ivoire a annoncé un renforcement de la sécurité à sa frontière nord, en réponse à un afflux "inhabituel" de réfugiés maliens. De son côté, la junte malienne, dont la plupart des opposants ont été arrêtés et écroués ces derniers mois, minimise les actions du GSIM, attribuant les blocus à "un désarroi" plutôt qu’à une montée en puissance du groupe terroriste. Jusqu’à présent, Bamako tient, quadrillé par les blindés de l’armée, au détriment du reste du pays, déjà largement rongé par le cancer djihadiste.

© dpa Picture-Alliance via AFP

Un soldat de l'armée malienne, le 15 décembre 2022 à Bamako. (Photo d'illustration)
Reçu avant avant-hier L'Express

Kirill Dmitriev, l’homme de Poutine dans l’ombre des négociations pour le plan de paix en Ukraine

23 novembre 2025 à 17:23

Derrière le plan de paix américain en 28 points dévoilé jeudi 20 novembre, se cache un nom rarement cité ouvertement : celui du Russe Kirill Dmitriev. Peu connu du grand public mais bien installé dans les réseaux du pouvoir russe, ce financier de 50 ans est l’un des principaux artisans du document qui reprend les lignes rouges de Moscou sur l’issue du conflit en Ukraine. Aux côtés de l’homme d’affaires américain Steve Witkoff, il serait l'un des architectes de la feuille de route américaine repoussée par Kiev qui l'a jugée trop favorable à la Russie.

Né en 1975 à Kiev, Kirill Dmitriev évite toutefois de se présenter comme Ukrainien. Le média indépendant russe The Bell souligne qu’il préfère se définir comme "enfant de l’Union soviétique". A noter que sa naturalisation russe, survenue au début des années 2000, reste entourée de zones d’ombre : selon plusieurs sources, le renseignement militaire russe (GRU) aurait facilité sa transition au moment où commençait son ascension dans la finance.

À la fin des années quatre-vingt, Kirill Dmitriev suit sa famille aux États-Unis. Diplômé de la prestigieuse université de Stanford, il passe brièvement en tant que stagiaire par le cabinet de consultants McKinsey, qui lui permet de poursuivre un cursus à Harvard. Il entame sa carrière en tant que principal associé dans la société d’investissement Delta Private Equity Partners dont l’un des fonds - Delta Capital Fund - est connu pour avoir été l’une des sociétés les plus rentables dans l’histoire financière russe. Il dirige ensuite le fonds ukrainien Icon Private Equity, lié à l’entourage de l’ancien président ukrainien Leonid Koutchma précise Novaïa Gazeta Europe.

Un proche du Kremlin

En 2011, il est nommé directeur du Fonds russe d’investissement direct (RFPI) – un outil clé du Kremlin pour attirer des capitaux étrangers. C’est à ce moment qu’il entre réellement dans le cercle stratégique de Vladimir Poutine. L’Express soulignait déjà en février dernier son rôle dans la conclusion de l’accord "OPEP + "entre Moscou et Riyad en 2016, qui a permis de stabiliser les prix du pétrole après plusieurs années de tensions. Reuters lui attribue également un rôle discret mais décisif dans certaines négociations d’échanges de prisonniers avec Washington.

Sa proximité avec le pouvoir russe ne se limite pas à l’économie. Il est marié à Natalia Popova, une proche de Katerina Tikhonova, la fille de Vladimir Poutine selon The Insider, repris par nos confrères du Courrier International. Selon plusieurs médias, cette double appartenance - homme d’affaires et membre du cercle restreint du Kremlin - expliquerait sa présence dans le processus de négociation de plan de paix. Dans The Guardian, qui le décrit comme un homme "à l'ambition démesurée", un chercheur avance même que son influence a repris de la vigueur depuis la perspective d’un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Lors du premier mandat du républicain, il est devenu le principal négociateur de Vladimir Poutine à Washington, rôle qui s'est renforcé sous son actuel mandat.

Si Kiev se méfie aujourd’hui de son rôle, ce n’est pas seulement pour ses liens avec Moscou. La fuite du plan intervient en effet alors que l’Ukraine est ébranlée par un scandale de corruption. Or, certains observateurs y voient une stratégie calculée. Un jour avant la révélation du document, Kirill Dmitriev déclarait, selon L’Opinion, que "les révélations sur l’époque de Zelensky rendent la paix beaucoup plus probable."

© afp.com/Evelyn Hockstein

Kirill Dmitriev est un homme d'affaires qui appartient au cercle restreint du Kremlin.

Israël frappe Beyrouth contre le "chef d’état-major du Hezbollah", faisant un mort et 21 blessés

23 novembre 2025 à 16:40

Israël a annoncé dimanche avoir mené une frappe visant le chef d'état-major du Hezbollah dans la banlieue sud de Beyrouth, après que Benjamin Netanyahou a juré de "faire tout le nécessaire" pour empêcher un renforcement du mouvement pro-iranien. Cette attaque, la cinquième contre ce bastion du Hezbollah dans la capitale depuis le cessez-le-feu entre Israël et le mouvement islamiste entré en vigueur fin novembre 2024, a fait un mort et 21 blessés, selon les autorités libanaises.

Dans cette zone densément peuplée, la frappe a touché les troisième et quatrième étages d'un immeuble de neuf étages, autour duquel des ambulances se sont rassemblées tandis que des secouristes inspectaient les appartements, a constaté un journaliste de l'AFP. Le Hezbollah a confirmé qu'une de ses "personnalités" était visée, sans préciser son identité ni si elle avait été tuée, ce que n'ont pas non plus fait les autorités israéliennes et libanaises.

Le président libanais Joseph Aoun a appelé la communauté internationale à "intervenir sérieusement et avec force pour mettre fin aux attaques contre le Liban" menées par Israël. Le bureau de Benjamin Netanyahou a annoncé dans la foulée que sur ordre du Premier ministre, l'armée israélienne venait d'"attaquer au cœur de Beyrouth, le chef d'état-major du Hezbollah qui a dirigé le renforcement et l'armement de l'organisation terroriste".

Benjamin Netanyahu "a ordonné l'attaque sur recommandation du ministre de la Défense et du chef d'état-major", a ajouté son bureau. L'armée israélienne avait déclaré peu avant avoir mené "une frappe précise visant un terroriste clé du Hezbollah à Beyrouth", sans plus de détails.

"Prévenir toute menace"

Shosh Bedrosian, porte-parole de Benjamin Netanyahu, a ensuite affirmé à la presse ne pas pouvoir "donner le nom de la cible". "Israël prend ses décisions de manière indépendante", a-t-elle précisée, interrogée pour savoir si les Etats-Unis avaient été tenus au courant de l'attaque.

Washington, qui fait partie avec Paris d'un comité international chargé de surveiller l'application du cessez-le-feu, n'a pas été prévenu à l'avance de l'attaque, a affirmé le correspondant israélien du site d'information Axios, citant deux responsables américains. Plus tôt dans la matinée, Benjamin Netanyahu avait prévenu que son pays ferait "tout ce qui est nécessaire" pour empêcher un renforcement du Hezbollah au Liban et du Hamas dans la bande de Gaza. "Nous continuons à frapper le terrorisme sur plusieurs fronts", a-t-il déclaré lors d'une réunion de son cabinet.

Israël a récemment intensifié ses frappes dans les bastions du Hezbollah au sud et à l'est du Liban, où il affirme viser le mouvement chiite qu'il accuse de violer le cessez-le-feu en se réarmant et réactivant ses infrastructures. "Nous continuerons à agir avec force pour prévenir toute menace contre les habitants du nord et l'Etat d'Israël. Quiconque lèvera la main contre Israël verra sa main coupée", a martelé le ministre israélien de la Défense, Israël Katz.

Les autorités libanaises accusent pour leur part régulièrement Israël de violer l'accord de cessez-le-feu conclu sous médiation américaine, en poursuivant ses frappes sur leur territoire et en continuant d'occuper cinq points stratégiques du sud du territoire libanais. Les Etats-Unis font pression sur le gouvernement libanais pour qu'il oblige le Hezbollah, sorti très affaibli de son année de conflit avec Israël, à rendre ses armes conformément à l'accord de cessez-le-feu, ce que le groupe a jusqu'à présent refusé de faire, tout en s'abstenant jusque-là de riposter aux frappes israéliennes.

© Anadolu via AFP

BEYROUTH, LIBAN - 23 NOVEMBRE : Vue des dégâts causés par l'attaque menée par l'armée israélienne dans le quartier de Dahieh, qui aurait visé un haut responsable du Hezbollah, malgré le cessez-le-feu en vigueur à Beyrouth, au Liban, le 23 novembre 2025. L'armée israélienne a déclaré dans un bref communiqué avoir mené une « frappe précise visant un terroriste clé du Hezbollah à Beyrouth. Détails à suivre. » Le Hezbollah n'a pas encore publié de communiqué concernant cette frappe. Houssam Shbaro / Anadolu (Photo par Houssam Shbaro / Anadolu via AFP)

En Russie, tout étranger doit désormais servir dans l’armée pour obtenir un permis de séjour

23 novembre 2025 à 15:22

C’est désormais officiel. Ecrit noir sur blanc. Depuis la signature de l’oukase n° 821 par le chef d’Etat russe, Vladimir Poutine, le 5 novembre 2025, la règle est la suivante : tout homme étranger âgé de 18 à 65 ans devra s’engager dans l’armée pour espérer obtenir un permis de séjour ou une naturalisation en Russie. Un contrat d’un an est théoriquement requis. Dans la pratique, il lie le soldat jusqu’à la fin de l'"opération militaire spéciale" en Ukraine - une durée donc indéfinie.

Si elle semble désormais gravée dans la juridiction russe, cette stratégie n’est pas nouvelle. Depuis les premiers mois de la guerre, des témoignages ont évoqué des pressions exercées sur des migrants originaires du Caucase ou d’Asie centrale. Certains travaillaient dans la restauration ou comme chauffeurs de taxi, rapporte Le Monde. Alors que leur statut précaire - absence de papiers d’identité à jour, renouvellement difficile de titre de séjour - les rendait vulnérables sur le sol russe, des centaines auraient été menacés d’expulsions s’ils refusaient de signer un engagement militaire. Dans certains cas, des personnes migrantes sans papiers auraient été placées dans des centres de rétention et sommés de "choisir".

Avec l’oukase 821, le système officieux est entériné et le champ de personnes concernées élargi. En effet, tout homme vivant déjà en Russie et souhaitant s’y établir durablement est désormais visé. Concrètement, si le candidat veut obtenir un permis de séjour ou déposer une demande de naturalisation, il devra présenter l’un des trois documents suivants : un contrat d’au moins un an avec les forces armées russes, un certificat de démobilisation ou un certificat médical d’inaptitude au service militaire. Un exemple concret ? Un Français marié à une Russe ne pourra plus obtenir de permis de séjour permanent sans signer un contrat avec l’armée.

Une stratégie militaire

Face caméra et sur les médias d’Etat, le chef du Kremlin parle d’une procédure administrative nouvelle liée à l’état de guerre, sans dire clairement qu’il s’agit de compenser la pénurie de combattants sur le terrain. En février 2025, The Center for Strategic and International Studies, think tank américain, estimait le nombre de victimes, depuis le 24 février 2022, à 1 million côté russe (dont 250 000 morts), rappelait le New York Times.

Si aucune donnée officielle n’a été publiée sur le nombre d’étrangers déjà recrutés de cette façon, les estimations varient entre 17 000 et 20 000 hommes toutes nationalités confondues. Un chiffre qui pourrait gonfler à plusieurs centaines de milliers si l’on inclut les citoyens venant des pays de l’ex-URSS, comme le rappellent toujours nos confrères du Monde. Par ailleurs, la nouvelle législation ne dit pas tout : le contrat d’un an n’implique pas de retour possible sur simple demande à l’issue du délai. Une fois intégré, le soldat reste au front tant que dure l’intervention militaire en Ukraine.

L’année dernière, un oukase précédent avait déjà tenté d’attirer des recrues : tout homme acceptant de servir dans l’armée se voyait promettre la nationalité russe. Certains y ont cru, pensant y voir un moyen de contourner la lourdeur administrative. Désormais, ce n’est plus une option, mais bel et bien une condition.

Par ailleurs, cette stratégie ne répond pas seulement aux besoins de l’armée. Elle s’inscrit aussi dans une politique migratoire de plus en plus rigide. Ainsi en 2024, plus de 80 000 personnes migrantes ont été expulsées de Russie pour violation des règles d’entrée et de séjour des étrangers, rapportait au début de l’année le site de l’agence Tass, s’appuyant sur des sources internes au Service fédéral des huissiers de justice. Une proportion qui a quasiment doublé par rapport à l’année 2023. Dans un tel climat, le contrat militaire fonctionne comme une solution imposée : partir au front ou quitter le pays.

© afp.com/MAXIM SHIPENKOV

Le président russe Vladimir Poutine, impose, depuis début novembre, 2025, un contrat militaire à tout ressortissant étranger désireux de vivre en Russie
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