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Reçu aujourd’hui — 26 novembre 2025 L'Express

Russie : quand des selfies trahissent la localisation d’enfants enlevés en Ukraine

26 novembre 2025 à 13:35

Depuis le début de la guerre en Ukraine, en février 2022, plusieurs dizaines de milliers de jeunes Ukrainiens ont été volés par la Russie, en violation complète du droit international. Chargé par le Département d’Etat américain d’étudier l’étendue du phénomène, le Humanitarian Research Lab (HRL), un laboratoire de l’université de Yale, estime leur nombre total à 36 000.

L’été dernier, L’Express consacrait une longue enquête au sujet, plusieurs personnalités signant alors un appel à l’opinion internationale dénonçant "une opération délibérée d’effacement de l’identité" de ces enfants déportés par la Russie.

A l’occasion d’un déplacement à Stockholm pour un séminaire au Parlement suédois consacré à ces rapts, lundi 24 novembre, le directeur du HRL est revenu auprès de l’AFP sur le travail de son laboratoire, confiant notamment avoir d’abord cru être face à une mission impossible : "Comment retrouver des enfants dissimulés et protégés par les services de sécurité russes ? Dans une affaire d’enlèvement où nous ne disposons que d’internet et d’images satellites ?".

Des selfies pour se faire bien voir

Mais une erreur commise par les Russes a finalement facilité la tâche : des selfies de responsables locaux russes en compagnie d’enfants ukrainiens. "Les responsables locaux, cherchant à se faire bien voir du Kremlin, se prenaient en photo aux côtés des enfants dans les bus", explique Nathaniel Raymond. "Le plus 'drôle' dans cette histoire", relate-t-il, c’est qu’ils avaient oublié de désactiver les services de localisation sur leurs téléphones. "Nous avons donc pu extraire la latitude et la longitude de la position de ces responsables, puis nous avons vu sur les photos que nous pouvions identifier les appareils, y compris leurs Apple Watch. On a commencé à creuser", raconte-t-il.

Les informations sont partagées avec les autorités ukrainiennes. Depuis, en analysant d’autres données accessibles, notamment les photos officielles publiées par les autorités russes, le HRL a réussi à mettre en évidence 210 camps de rééducation et militaires à travers la Russie, où se trouvent une partie des enfants ukrainiens.

Après le mandat d’arrêt émis contre Vladimir Poutine par la Cour pénale internationale (CPI) en 2023, les autorités russes ont toutefois cessé toute publication de ce type d’informations en ligne : "Ils commencent à nettoyer la scène du crime, à déplacer les enfants", souligne le directeur du HRL, selon qui le sort de ces enfants doit être une priorité absolue dans les négociations actuelles.

Mi-septembre, un rapport du HRL accablait Moscou, en décrivant comment les enfants ukrainiens déportés étaient forcés de suivre une "rééducation" pro-russe, et pour certains un entraînement militaire. Dans une partie des établissements où ils sont détenus, ces enfants ont été impliqués dans la production d’équipements militaires pour les forces armées russes, notamment des drones, des détecteurs de mines, des robots et des chargeurs rapides pour fusils d’assaut.

© AFP

Une marche exigeant le retour des enfants ukrainiens kidnappés par la Russie, à Londres, le 1er juin 2025.

"Voici ce que j'ai dit à Trump..." : l'intégralité de la conversation entre Steve Witkoff et un conseiller de Vladimir Poutine

26 novembre 2025 à 13:20

L'affaire relance les accusations de collusion entre l'administration américaine et le Kremlin, au moment où les pourparlers de paix sur le conflit ukrainien se poursuivent. Steve Witkoff, émissaire spécial de Donald Trump, a donné des conseils à un conseiller de Vladimir Poutine sur la manière d'introduire auprès du président américain un plan de règlement du conflit en Ukraine, selon une conversation téléphonique révélée mardi 25 novembre par Bloomberg. "Cette histoire prouve une chose : l'émissaire spécial Witkoff parle à des responsables à la fois en Russie et en Ukraine presque chaque jour pour obtenir la paix, ce qui est exactement ce pour quoi le président Trump l'a nommé", a réagi le directeur de communication de la Maison-Blanche Steven Cheung, dans une déclaration transmise à l'AFP. Le président américain a lui aussi pris la défense de son émissaire spécial, qui doit rencontrer le président russe la semaine prochaine à Moscou. Tout en indiquant n'avoir pas entendu la conversation en question, Donald Trump a jugé qu'il s'agissait d'une technique de négociation "standard".

L'Express vous propose la retranscription de cet échange, daté du 14 octobre, entre l'ancien homme d'affaires américain et Iouri Ouchakov, conseiller diplomatique du président russe, dans lequel est évoqué un futur plan de règlement du conflit, inspiré de celui annoncé peu auparavant pour mettre fin à la guerre à Gaza. Nous analysons davantage le contexte de cette conversation dans cet article.

Steve Witkoff : Salut Iouri.

Iouri Ouchakov : Oui Steve, salut, comment vas-tu ?

Steve Witkoff : Bien Iouri. Et toi ?

Iouri Ouchakov : Ça va. Félicitations mon ami. [Cet échange intervient après le cessez-le-feu à Gaza, entré en vigueur le 11 octobre, sous la pression des Etats-Unis]

Steve Witkoff : Merci.

Iouri Ouchakov : Tu as fait un excellent travail. Vraiment un excellent travail. Merci beaucoup. Merci, merci.

Steve Witkoff : Merci Iouri, et merci pour ton soutien. Je sais que ton pays l’a soutenu et je t’en remercie.

Iouri Ouchakov : Oui, oui, oui. Tu sais, c’est pour cela que nous avons suspendu l’organisation du premier sommet russo-arabe. [Un sommet entre la Russie et la Ligue arabe, prévu le 15 octobre à Moscou, avait été reporté en raison de l’implication de plusieurs pays arabes dans la mise en œuvre du cessez-le-feu à Gaza]

Steve Witkoff : Oui.

Iouri Ouchakov : Oui, parce que nous pensons que tu fais le vrai travail là-bas dans la région.

Steve Witkoff : Écoute. Je vais te dire quelque chose. Je pense que si nous arrivons à régler la question Russie-Ukraine, tout le monde sautera de joie.

Iouri Ouchakov : Oui, oui, oui. Oui, tu n’as qu’un seul problème à résoudre. [Rires]

Steve Witkoff : Lequel ?

Iouri Ouchakov : La guerre russo-ukrainienne.

Steve Witkoff : Je sais ! Comment règle-t-on ça ?

Iouri Ouchakov : Mon ami, je veux juste ton avis. Tu penses que ce serait utile si nos chefs parlaient au téléphone ?

Steve Witkoff : Oui, je le pense.

Iouri Ouchakov : Vraiment ? Et quand cela pourrait être possible ?

Steve Witkoff : Je pense que dès que tu le suggères, mon gars est prêt à le faire.

Iouri Ouchakov : D’accord, d’accord.

Steve Witkoff : Iouri, Iouri, voici ce que je ferais. Ma recommandation.

Iouri Ouchakov : Oui, s’il te plaît.

Steve Witkoff : Je ferais l’appel et je réitérerais que vous félicitez le président pour cet accomplissement, que vous l’avez soutenu, que vous respectez le fait que c’est un homme de paix et que vous êtes vraiment heureux de ce qui s’est passé. Je dirais cela. Je pense qu’à partir de là, ce sera un très bon appel.

Parce que - laisse-moi te dire ce que j’ai dit au président. Je lui ai dit que vous, que la Fédération de Russie a toujours voulu un accord de paix. C’est ma conviction. Je lui ai dit que je le croyais. Et je pense que le problème, c’est que nous avons deux nations qui ont du mal à trouver un compromis, et quand elles y parviendront, nous aurons un accord de paix. Je pense même qu’on pourrait établir une sorte de plan de paix en 20 points, comme nous l’avons fait pour Gaza. Nous avons mis en place un plan Trump en 20 points pour la paix, et je me dis qu’on pourrait peut-être faire la même chose avec vous. Mon point, c’est que…

Iouri Ouchakov : D’accord, d’accord mon ami. Je pense que ce point précis pourrait être discuté par nos dirigeants. Eh Steve, je suis d’accord avec toi : il félicitera, il dira que M. Trump est un véritable homme de paix, etc. Il dira cela.

Steve Witkoff : Peut-être qu’il pourrait dire au président Trump : tu sais, Steve et Iouri ont évoqué un plan de paix similaire en 20 points, et cela pourrait être quelque chose qui pourrait faire avancer un peu les choses, que nous sommes ouverts à ce genre de pistes, à explorer ce qu’il faudra pour parvenir à un accord de paix. Maintenant, entre toi et moi, je sais ce qu’il faudra pour obtenir un accord : Donetsk et peut-être un échange territorial quelque part. Mais je dis que plutôt que d’en parler de cette façon, parlons de manière plus optimiste, car je pense qu’on va y arriver. Et je pense, Iouri, que le président me laissera beaucoup de marge de manœuvre pour parvenir à un accord.

Iouri Ouchakov : Je vois…

Steve Witkoff : … Donc si nous pouvons créer cette opportunité, dire que nous avons eu une conversation, je pense que cela pourrait mener à de grandes choses.

Iouri Ouchakov : D’accord, d’accord.

Steve Witkoff : Et une autre chose : Zelensky vient à la Maison-Blanche vendredi.

Iouri Ouchakov : Je sais. [Rires]

Steve Witkoff : Je vais assister à cette réunion parce qu’ils veulent que je sois présent, mais je pense que si possible nous devrions faire cet appel avec ton patron avant cette réunion de vendredi.

Iouri Ouchakov : Avant, avant… oui ?

Steve Witkoff : Exact.

Iouri Ouchakov : D’accord, d’accord. Je prends note de ton conseil. J’en discute avec mon patron et je reviens vers toi, d’accord ?

Steve Witkoff : D’accord Iouri, je te parle bientôt.

Iouri Ouchakov : Très bien, très bien. Merci beaucoup. Merci.

Steve Witkoff : Au revoir.

Iouri Ouchakov : Au revoir.

[Fin de l’appel]

© afp.com/Ludovic MARIN

L'émissaire américain Steve Witkoff avant une réunion avec le président français Emmanuel Macron à l'Elysée, le 17 avril 2025 à Paris

Une association humanitaire pour couverture : cette nouvelle affaire d’ingérence russe en France

26 novembre 2025 à 12:14

Nouvelle affaire d’ingérence russe sur le sol français. Trois personnes ont été mises en examen et écrouées à Paris dans une enquête pour espionnage économique et propagande prorusse, après la découverte d’affiches en faveur de Moscou sur l’Arc de triomphe. L’un des suspects, Vyacheslav P., ressortissant russe de 40 ans, a été identifié grâce à la vidéosurveillance en train de les coller début septembre, a indiqué mardi 25 novembre le parquet, après des informations dévoilées par Le Parisien et le site spécialisé Intelligence Online.

Il aurait ensuite fait un compte rendu téléphonique à la fondatrice de l’association SOS Donbass, Anna Novikova, Franco-Russe de 40 ans, soupçonnée d’avoir sollicité des cadres d’entreprises françaises pour obtenir des informations économiques. Née en Sibérie, celle-ci était déjà surveillée par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) depuis le début de l’année : le contre-espionnage avait relevé "des agissements susceptibles de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation", déclenchant l’ouverture d’une enquête préliminaire. Un juge d’instruction a ensuite été désigné, en mars, enquêtant notamment pour "intelligence avec une puissance étrangère", un délit puni de 10 ans d’emprisonnement.

La troisième personne écrouée est un homme de 63 ans né en Seine-Saint-Denis, Vincent P, l’actuel président de l’association. Les trois suspects ont passé 96 heures en garde à vue, selon Le Parisien et Intelligence Online, dans le cadre d’une enquête ouverte par le parquet de Paris et confiée à la DGSI. "Placés en détention provisoire, ils ont été ensuite déférés devant le juge des libertés et de la détention (JLD) qui a décidé de leur maintien derrière les barreaux", indique Intelligence Online.

Une association d’aide humanitaire comme couverture

Un quatrième mis en examen, Bernard F., 58 ans, né à Paris, a pu pour sa part échapper à la détention provisoire. Mais il a été placé sous un strict contrôle judiciaire, qui l’oblige à pointer une fois par semaine au commissariat et remettre ses papiers d’identité, mais lui interdit aussi toute activité associative en lien avec "la politique internationale de la France, la politique de la Russie ou l’aide aux personnes en raison du conflit armé russo-ukrainien".

Déclarée en septembre 2022 auprès de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques, l’association SOS Donbass – pour Sud Ouest solidarité Donbass – se présentait comme une structure d’aide humanitaire, chargée d’organiser des collectes de fonds et des convois pour les civils de l’Est de l’Ukraine. Mais selon la DGSI, elle aurait en réalité servi de couverture à des activités d’espionnage et de déstabilisation. Une méthode bien connue des services russes, régulièrement accusés d’infiltrer des associations, ONG ou structures culturelles pour en faire des relais d’influence en Europe, comme le rappelle Le Parisien.

A noter que l’association SOS Donbass est à l’origine d’une campagne d’affichage organisée depuis mi-2024 à travers la France par ses membres et sympathisants, qui placardent des posters "La Russie n’est pas mon ennemi". Intelligence Online rapporte qu’elle était également dans le viseur de la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), après que ses membres ont organisé plusieurs manifestations devant les sites du groupe d’armement KNDS. Toujours selon cette source, une autre structure semble unir les trois protagonistes de l’affaire : l’Association des cosaques de France.

Directement recrutés par les services secrets russes ?

Autre élément clé révélé par Le Parisien : les enquêteurs soupçonnent qu’Anna Novikova et Vincent P. aient été directement recrutés par les services secrets russes. Lors de déplacements effectués pour l’association, notamment au Donbass, ils auraient été approchés par des officiels russes. Ces rencontres auraient servi de porte d’entrée vers des hauts gradés du renseignement, qui les auraient ensuite "retournés", selon les conclusions des investigations.

Les affaires de possible ingérence étrangère se sont multipliées ces derniers mois en France, depuis les mains rouges sur le Mur des Justes au Mémorial de la Shoah et des cercueils au pied de la tour Eiffel en 2024. Fin avril, le Mémorial de la Shoah avait été visé, ainsi que trois synagogues, par des jets de peinture. Trois Serbes avaient été mis en examen et écroués à Paris, suspectés d’avoir dégradé ces lieux "dans le but de servir les intérêts d’une puissance étrangère", possiblement la Russie.

© PAVEL PAVLOV / ANADOLU AGENCY / Anadolu via AFP

L'association SOS Donbass servait en réalité de couverture à des activités d'espionnage et de déstabilisation.

Face à Donald Trump, l'Europe doit avoir l’envie d’être unie, par Eric Chol

26 novembre 2025 à 12:00

"quod donare mora nequit annua, dat brevis hora". Il advient en une heure ce qui n’arrive pas en une année. Ce pourrait être la nouvelle devise de Donald Trump qui, depuis son retour sur le trône de la Maison-Blanche, impose un rythme d’enfer à l’ensemble de la planète. Quand on le croit à fond, le président continue d’accélérer. Tant pis pour ceux qui peinent à suivre. Droits de douane, paix au Proche-Orient, volonté de mettre fin la guerre entre l’Ukraine et la Russie : son agenda ne désemplit pas. Les diplomates américains, eux, rasent les murs : le promoteur immobilier new-yorkais, préfère ses "envoyés spéciaux", Steve Witkoff et son gendre Jared Kushner.

Sidérés, les dirigeants européens se prennent claque sur claque. Ce fut en février la leçon de démocratie agressive de J.D. Vance, numéro deux des Etats-Unis, lors de la conférence de Munich. Puis la scène humiliante pour Volodymyr Zelensky dans le bureau Ovale de la Maison-Blanche. Nouveau camouflet cet été, lorsque le président américain, entre deux parties de golf, convoque dans sa résidence écossaise Ursula von der Leyen et impose ses tarifs commerciaux à l’Europe. Sourire crispé de la présidente de la Commission de Bruxelles, que l’on voit lever le pouce de la victoire aux côtés d’un Donald Trump jubilant.

A peine remise, l’Europe assiste le 13 octobre, tel un spectateur désengagé, au sommet pour la paix à Gaza, organisé par le maître du monde à Charm el-Cheikh, en Égypte. Rebelote quand surgit le fameux plan en 28 points, concocté en secret par les émissaires américains connectés à Moscou, pour imposer les termes d’une paix ressemblant fort à une capitulation de Kiev. Tétanisée, l’Europe tente de lever la voix. "Cette posture d’indignation, est, en elle-même, un aveu d’impuissance", note l’écrivain Giuliano da Empoli, qui intervenait au colloque "Ici c’est l’Europe" organisé par L’Express le 24 novembre à Strasbourg.

"S’unir pour faire l’Europe"

"Sortir de la sidération, de l’humiliation. Proposer une voie alternative en échappant au calendrier de la Maison-Blanche. Mais l’Europe en a-t-elle encore les moyens ? Oui si elle se rassemble. Depuis la crise du canal de Suez de 1956, et le fiasco de l’opération militaire lancée par Paris et Londres, un fiasco qui s’explique à l’époque par l’absence de soutien des Etats-Unis et la menace d’un 'holocauste nucléaire' des Russes, la France et l’Angleterre ont appris qu'elles ne seront plus jamais des puissances comparables aux Etats-Unis et l’Union soviétique. L’Allemagne non plus d’ailleurs", écrivait dans ses mémoires Christian Pineau, ancien ministre des Affaires étrangères. "Il leur reste donc un seul moyen de jouer dans le monde un rôle décisif : c’est de s’unir pour faire l’Europe".

L’humiliation de Suez a précédé de quelques mois le traité de Rome, acte de naissance de la future Union européenne. Près de 70 ans plus tard, les 27 ont acquis la taille suffisante pour cesser de vivre dans l’ombre d’un président américain qui ose tout et qui réclame de la part de ses alliés d’hier de la gratitude. "La gratitude n’est pas un sentiment efficace en politique. C’est une erreur d’en tenir compte", disait le chancelier Metternich.

© afp.com/Brendan SMIALOWSKI

Ursula von der Leyen (G) et Donald Trump (D), en Ecosse, le 27 juillet 2025

Guerre en Ukraine : les troublantes conversations de Steve Witkoff avec la Russie

26 novembre 2025 à 09:55

Le ton est chaleureux entre la Russie et les Etats-Unis, quitte à se dire quelques mots doux derrière le combiné. L’agence Bloomberg a révélé mardi 25 novembre deux conversations téléphoniques qui soulèvent de sérieux doutes sur la proximité entre l’émissaire de la Maison-Blanche, Steve Witkoff, et ses interlocuteurs russes. Au fil des échanges, entièrement retranscrits sur la base d’un enregistrement audio, ce proche de Donald Trump semble s’écarter de son rôle de médiateur : loin de chercher à rapprocher Moscou et Kiev, il adopte une posture largement favorable au Kremlin.

La première conversation téléphonique, le 14 octobre, est entre Steve Witkoff et le conseiller diplomatique de Vladimir Poutine, Iouri Ouchakov, qui fut ambassadeur russe à Washington. Au bout du fil, Steve Witkoff ne se contente pas d’exposer une position américaine, mais il conseille son interlocuteur sur la manière d’aborder son patron. Steve Witkoff suggère ainsi au conseiller russe de programmer un appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine avant la visite du président ukrainien Volodymyr Zelensky à la Maison-Blanche, prévue le 17 octobre.

Il recommande même d’utiliser l’accord sur Gaza comme levier pour séduire Donald Trump, suggérant que Vladimir Poutine félicite son homologue américain pour ce qu’il a accompli au Proche-Orient. En effet, la veille de cet échange téléphonique, l’ex-magnat de l’immobilier savourait le succès de sa campagne pour mettre fin à la guerre dans l’enclave palestinienne. "La veille, il était devenu le premier président américain à s’adresser à la Knesset israélienne depuis 2008, après avoir obtenu la libération des 20 derniers otages encore en vie détenus par le Hamas", recontextualise Bloomberg. Aux conseils de Steve Witkoff, s’ajoutent quelques flatteries à destination du chef du Kremlin. "J’ai dit au président que vous, que la Fédération de Russie avait toujours voulu un accord de paix. C’est ce que je crois", déclare l’Américain, ajoutant avoir "le plus profond respect pour le président Poutine".

Trois jours en Floride avec Kirill Dmitriev

Et d’ajouter, plus loin : "De vous à moi, je sais ce qu’il faudra pour conclure un plan de paix : Donetsk, et un échange de territoire quelque part." A noter que Bloomberg n’a pas été en mesure de confirmer précisément quelles propositions la Russie a partagées avec les États-Unis, ni dans quelle mesure elles ont influencé le plan final en 28 points. Une chose est sûre : cet appel aurait servi d’accélérateur pour organiser un coup de fil entre Trump et Poutine, le 16 octobre 2025. À la suite de cet appel, Steve Witkoff a également rencontré Kirill Dmitriev, un autre conseiller de haut rang du Kremlin. Le site Axios a rapporté que le financier avait passé trois jours avec lui et d’autres responsables américains à Miami, en Floride, du 24 au 26 octobre. Un porte-parole de Kirill Dmitriev a refusé de commenter.

Bloomberg a aussi publié la retranscription d’une autre conversation, entre Iouri Ouchakov toujours et ce même Kirill Dmitriev. L’échange a eu lieu le 29 octobre selon l’agence américaine, qui le retranscrit en anglais et dans sa version originale, en russe. "Je pense que nous allons faire ce papier à propos de notre position, et je vais le faire circuler de manière informelle", déclare Kirill Dmitriev. "Je ne pense pas qu’ils prendront exactement notre version mais au moins ce sera aussi proche que possible", poursuit-il, dans ce qui semble être une référence à des responsables américains.

"Cette histoire prouve une chose : l’émissaire spécial Witkoff parle à des responsables à la fois en Russie et en Ukraine presque chaque jour pour obtenir la paix, ce qui est exactement ce pour quoi le président Trump l’a nommé", a commenté mardi soir le directeur de communication de la Maison-Blanche Steven Cheung, dans une déclaration transmise à l’AFP. Interrogé sur les révélations de Bloomberg, Donald Trump a pour sa part déclaré ne pas en avoir entendu l’enregistrement, mais a estimé qu’il s’agissait d’une "négociation standard". Côté russe, Iouri Ouchakov a lui aussi réagi auprès de la télévision publique : "Je parle assez souvent à Steve Witkoff, mais le contenu de ces conversations est confidentiel."

© afp.com/Vyacheslav PROKOFYEV

Le négociateur sur les questions économiques du Kremlin, Kirill Dmitriev (g) et l'émissaire du président américain, Steve Witkoff, lors d'une rencontre à Saint-Pétersbourg, le 11 avril 2025

Ukraine : le Kremlin juge "inutiles" les efforts des Européens pour jouer un rôle dans les discussions

26 novembre 2025 à 10:48

A en croire le président américain Donald Trump, il ne reste que "quelques points de désaccord" à régler : l’activité diplomatique s’est accélérée, mardi 25 novembre, pour trouver une issue à la guerre en Ukraine, alors que les frappes russes se poursuivent sans répit. L’émissaire spécial américain Steve Witkoff doit se rendre à Moscou "la semaine prochaine" pour discuter avec le président russe Vladimir Poutine, a dit le président américain. Ce dernier a aussi indiqué qu’il espérait pour sa part rencontrer le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le président russe, mais "seulement quand l’accord pour terminer cette guerre sera conclu ou aura atteint les phases finales" de discussion. Le secrétaire à l’Armée de terre américain Dan Driscoll, après avoir mené des discussions avec les Russes à Abou Dhabi, va de son côté se réunir avec les Ukrainiens.

Les infos à retenir

⇒ Steve Witkoff rencontrera Vladimir Poutine à Moscou la semaine prochaine, dit Donald Trump

⇒ Le Kremlin juge "inutiles" les efforts des Européens pour jouer un rôle dans les négociations

⇒ L'Europe soutiendra l'Ukraine sans relâche jusqu'à la paix, promet Ursula von der Leyen

Le Kremlin juge "inutiles" les efforts des Européens pour jouer un rôle dans le règlement du conflit

Le Kremlin a jugé ce mercredi "inutiles" les efforts des Européens pour jouer un rôle dans le règlement du conflit en Ukraine, au moment où l'activité diplomatique s'accélère autour d'un plan américain visant à mettre fin à près de quatre ans de guerre. "Les Européens cherchent à se mêler de toutes ces affaires, de manière tout à fait inutile, il me semble", a déclaré à la télévision publique russe le conseiller diplomatique du Kremlin, Iouri Ouchakov.

Ce dernier a par ailleurs fait état de "certains points positifs" dans le plan américain, tout en assurant n'en avoir encore discuté "en détail avec personne". "Certains points, on peut dire qu'ils sont positifs, mais beaucoup d'autres nécessitent une discussion spéciale entre experts", a déclaré à la télévision publique russe le conseiller diplomatique du Kremlin, Iouri Ouchakov

L'Europe soutiendra l'Ukraine sans relâche jusqu'à la paix, promet Ursula von der Leyen

L'Europe soutiendra l'Ukraine sans relâche jusqu'à ce qu'elle obtienne une paix "juste et durable", a affirmé mercredi la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, devant les députés européens à Strasbourg. "L'Europe doit maintenir la pression sur la Russie, jusqu'à ce qu'il y ait une paix juste et durable. Et je veux être très claire : l'Europe se tiendra aux côtés de l'Ukraine et la soutiendra à chaque étape".

"C'est important que des travaux sur un texte concret aient commencé", a-t-elle ajouté alors que les négociations pour mettre fin au conflit en Ukraine se sont accélérées. "Nous savons tous que des efforts supplémentaires sont nécessaires. Mais je crois, grâce au travail accompli ces derniers jours à Genève par l'Ukraine, les États-Unis et nous autres Européens, que nous disposons désormais d'un point de départ", a salué la cheffe de l'exécutif européen.

Mardi, Ursula von der Leyen a participé à une visioconférence de la "coalition des volontaires" qui soutiennent Kiev, l'occasion pour elle de réaffirmer les priorités de l'UE, qu'elle a répétées devant les députés européens. Parmi celles-ci, l'absence de limitations des forces armées ukrainiennes qui mettraient le pays à la merci d'une nouvelle invasion, des garanties de sécurité pour dissuader la Russie de toute nouvelle agression, ou encore le respect de la souveraineté et des frontières de l'Ukraine. En outre, la Commission est en train de finaliser une proposition juridique sur la mobilisation des avoirs russes gelés, afin de financer un prêt de 140 milliards d'euros à l'Ukraine, a-t-elle confirmé. 

L’émissaire américain Steve Witkoff rencontrera Vladimir Poutine à Moscou la semaine prochaine, dit Donald Trump

L’émissaire américain Steve Witkoff doit rencontrer le président russe Vladimir Poutine la semaine prochaine à Moscou pour discuter du plan pour trouver une issue à la guerre en Ukraine, a assuré mardi Donald Trump, évoquant la présence possible de son gendre sur place. "Steve Witkoff y va, peut-être avec Jared (Kushner). Je ne suis pas certain que Jared y aille, mais il est impliqué dans le processus, c’est un type intelligent", a déclaré le président américain à la presse à bord de son avion.

Le Kremlin a confirmé ce mercredi cette visite : "Un accord préliminaire a été atteint sur sa visite à Moscou la semaine prochaine", a déclaré le conseiller diplomatique du Kremlin, Iouri Ouchakov, à la télévision publique russe. Il a précisé qu'un certain "nombre d'autres représentants de l'administration" américaine liés au dossier ukrainien accompagneraient Steve Witkoff.

Cette annonce survient alors que le média Bloomberg a révélé une conversation téléphonique au cours de laquelle Steve Witkoff a donné des conseils à un conseiller de Vladimir Poutine sur la manière d’introduire auprès du président américain un plan de règlement du conflit en Ukraine. "Cette histoire prouve une chose : l’émissaire spécial Witkoff parle à des responsables à la fois en Russie et en Ukraine presque chaque jour pour obtenir la paix, ce qui est exactement ce pour quoi le président Trump l’a nommé", a réagi le directeur de communication de la Maison Blanche Steven Cheung, dans une déclaration transmise à l’AFP.

Nouvelle attaque russe "massive" à Zaporijia

Les services de secours ukrainiens ont annoncé que la ville de Zaporijia (sud) avait subi une attaque russe "massive" dans la nuit de mardi à mercredi. Le bilan de ces frappes, qui ont touché une trentaine d'immeubles, a été porté à 18 blessés, a indiqué Ivan Fedorov, chef de l'administration militaire de la région.

Pour Volodymyr Zelensky, "beaucoup dépend" désormais de Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a estimé mardi que les "principes" d’un plan américain révisé pour mettre fin à la guerre avec la Russie pourraient conduire à des "accords plus profonds", mais que "beaucoup dépend" désormais de Washington.

"Je compte sur une coopération active continue avec la partie américaine et avec le président (Donald) Trump. Beaucoup dépend de l’Amérique, car la Russie accorde la plus grande attention à la force américaine", a-t-il ajouté dans son adresse quotidienne à la population, notant qu’il est "particulièrement cynique" que Moscou continue à frapper son pays pendant que des pourparlers de paix sont en cours.

Espionnage et ingérence au profit de la Russie : trois personnes écrouées à Paris

Trois personnes ont été mises en examen et écrouées à Paris dans le cadre d’une double affaire d’espionnage économique au profit de Moscou et d’ingérence après la découverte d’affiches prorusses sur l’Arc de triomphe. L’un des mis en examen, Vyacheslav P., un Russe de 40 ans, a été reconnu par vidéosurveillance en train de coller début septembre ces affiches à la gloire de la Russie, a précisé le parquet, interrogé sur des informations dévoilées par Le Parisien et Intelligence Online.

Il en aurait ensuite rendu compte au téléphone à la fondatrice de l’association SOS Donbass, une Franco-Russe de 40 ans soupçonnée d’avoir approché des cadres d’entreprises françaises pour obtenir des renseignements économiques. Cette dernière, Anna Novikova, née en Sibérie, était depuis au moins le début de l’année dans le radar de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

© AFP

Le conseiller diplomatique du Kremlin, Iouri Ouchakov, à Moscou le 27 octobre 2025.

France-Algérie : des petits arrangements entre espions dans les années 1980 et 1990

26 novembre 2025 à 06:00

Depuis l’été dernier, les relations entre la France et l’Algérie se dégradent de jour en jour. Derniers événements en date : les condamnations du journaliste français Christophe Gleizes et de l’écrivain Boualem Sansal à respectivement sept et cinq ans de prison. Et comme souvent dans ces moments de tensions, on essaye de regarder en arrière pour tenter de mieux comprendre l’actualité. A L’Express, trois journalistes se sont penchés sur la relation ambivalente entre ces deux pays. Mais ils se sont intéressés à une histoire un peu particulière : celle des batailles d’espionnage.

Pour leur enquête, ils ont rassemblé de très nombreux documents dans des dossiers, classés par ordre chronologique. Des photos d’espions infiltrés, des preuves écrites de kidnappings, des archives sur des assassinats cachés… ces dossiers contiennent tous les éléments pour faire le récit des guerres secrètes franco-algériennes.

Les premières archives présentes dans notre dossier du jour ne concernent ni l’Algérie, ni la France, mais l’Iran. Et elles datent de 1978. Cette année-là, le pays est parcouru par des grèves massives et des manifestations quotidiennes de plus en plus violentes. Cette révolution oblige le Shah d’Iran, Mohammad Reza Pahlavi, à l’exil.

L’ayatollah Khomeiny, qui a orchestré ces événements depuis la France, retourne dans son pays, où il est accueilli en héros. L’Iran se transforme alors radicalement pour devenir un régime islamiste. Un tournant majeur pour la région, mais aussi pour le monde.

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Cet épisode a été présenté par Charlotte Baris, écrit et monté par Solène Alifat et réalisé par Jules Krot.

Crédits : INA, LCP

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© ABDELHAK SENNA - ANDRE DURAND / AFP

A local reads a newspaper in the street 13 January 1992, the day after the High Security Council headed by Prime Minister Sid Ahmed Ghozali decided to suspend the second round of voting, scheduled 16 January, in Algeria's first free elections since independence in 1962, in which the fundamentalist FIS was assured of winning an absolute majority. AFP PHOTO SENNA/DURAND (Photo by ANDRE DURAND and ABDELHAK SENNA / AFP)
Reçu hier — 25 novembre 2025 L'Express

Les Etats-Unis désignent le "Cartel des Soleils" comme "organisation terroriste"… alors qu’il n’existe pas vraiment

25 novembre 2025 à 19:45

Quiconque parviendra à arrêter le président vénézuélien, Nicolas Maduro, sera récompensé de 50 millions de dollars. C’est du moins la promesse folle de l’administration de Donald Trump, qui accuse le dirigeant latino-américain d’être à la tête d’un réseau de narcotrafic, le "Cartel des Soleils", officiellement classé "organisation terroriste étrangère" ce lundi 24 novembre par les Etats-Unis.

"Le Venezuela rejette de manière catégorique, ferme et absolue le nouveau et ridicule mensonge du Secrétaire du Département d'Etat, Marco Rubio", a aussitôt réagi Caracas dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères, qui dénonce un prétexte pour "justifier une intervention illégitime et illégale contre le Venezuela".

L’existence de ce "cartel" est de fait contredite par de nombreux spécialistes des questions criminelles et de stupéfiants en Amérique latine. Ce nom, qui évoque les épaulettes des généraux vénézuéliens ornées d’un soleil doré dont le nombre augmente à mesure que le rang s’élève, est apparu dans la presse en 1993, six ans avant l’arrivée au pouvoir de l’ex-président Hugo Chavez, dans une affaire impliquant deux généraux visés par une enquête pour trafic de drogue. "L’expression "Cartel des Soleils" a été inventée par des journalistes vénézuéliens. [Mais] cette organisation n’existe pas", a déclaré auprès du New York Times Phil Gunson, analyste principal à l’International Crisis Group, qui vit au Venezuela.

Une corruption étatique

Voilà pourquoi, ni l’Evaluation nationale annuelle des menaces liées à la drogue de l’administration américaine en charge du sujet (DEA), qui décrit en détail les principales organisations de trafic, ni le rapport mondial annuel sur les drogues de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), n’a jamais mentionné l’organisation. Toutefois, "il ne fait aucun doute qu’il y a une complicité entre des individus liés au pouvoir et le crime organisé", poursuit Phil Gunson, bien que "des preuves directes et irréfutables n’aient jamais été présentées".

Un constat partagé par InSight Crime, un groupe de réflexion spécialisé dans la criminalité et la sécurité en Amérique latine, pour qui le trafic de drogue est en effet fortement ancré au sein du gouvernement vénézuélien. Dans cette perspective, "le Cartel des Soleils est plus précisément un système de corruption dans lequel profitent des responsables militaires et politiques en collaborant avec des trafiquants de drogue", indique-t-il, avant de préciser que l’idée selon laquelle Maduro dirigeait le Cartel des Soleils était "une simplification excessive".

Des frappes de bateaux

Vraie existence ou pas, cette accusation et la surveillance accrue du président vénézuélien s’inscrivent dans une opération planifiée de plus grande envergure visant les embarcations soupçonnées de trafic de drogue pour le compte de cartels sud-américains. Depuis le 2 septembre, l’armée américaine, sur ordre de Donald Trump, a bombardé 21 de ces bateaux, faisant 83 victimes, lors d’opérations qui semblaient initialement se concentrer sur des suspects vénézuéliens, mais qui se sont étendues aux Colombiens. Plus tôt, le département d’Etat américain avait associé le président vénézuélien à l’ancienne guérilla colombienne des FARC et à ses dissidences actuelles.

Ce Cartel des Soleils "est une invention de l’extrême droite pour renverser des gouvernements qui ne leur obéissent pas", a justement réagi le président colombien de gauche Gustavo Petro, plus proche de Nicolas Maduro que de Donald Trump. La dirigeante de l’opposition vénézuelienne, Maria Corina Machado, a au contraire soutenu la position américaine contre le "système criminel" de Nicolas Maduro, les Etats-Unis ne reconnaissant pas sa victoire à l’élection de juillet 2024.

© afp.com/Vincent Thian

Le président américain Donald Trump s'exprime lors du 13e sommet Asean - États-Unis dans le cadre du 47e sommet de l'Asean à Kuala Lumpur, le 26 octobre 2025 en Malaisie

Bruxelles valide les efforts de la France pour réduire son déficit, malgré des doutes pour 2026

25 novembre 2025 à 17:13

La Commission européenne a estimé mardi 25 novembre que la France respectait les engagements qu'elle avait pris pour réduire son déficit public colossal, tout en notant l'"incertitude considérable" entourant le projet de budget pour 2026. Dans son avis sur les perspectives budgétaires des 27 Etats membres, présenté devant le Parlement européen, la Commission a souligné que le projet de budget du gouvernement Lecornu était "conforme" aux recommandations émises dans le cadre de la procédure de déficit excessif lancée en juillet 2024 contre la France.

La Commission a donné jusqu'en 2029 à Paris pour redresser la barre et ramener son déficit en dessous de 3 % du PIB, la limite prévue par le Pacte de stabilité européen.

Une "incertitude considérable"

Dans son avis, Bruxelles note que selon ses propres prévisions publiées mi-novembre, le déficit public français devrait redescendre à 4,9 % du PIB l'an prochain contre 5,5% cette année, des niveaux très proches des prévisions du gouvernement, qui table sur un déficit de 4,7 % en 2026 après 5,4 % en 2025. "Cependant, cette évaluation est entourée d'une incertitude considérable, vu les discussions parlementaires toujours en cours", prévient l'exécutif européen.

La France n'est pas le seul pays membre sous le coup d'une procédure pour déficit excessif : c'est le cas aussi de l'Autriche, la Belgique, l'Italie, la Hongrie, Malte, la Pologne, la Slovaquie et la Roumanie, et la Commission a annoncé en outre vouloir placer sous cette procédure un dixième Etat, la Finlande. Selon ses projections, ce pays devrait voir son déficit public, qui dépasse la barre des 3 % du PIB depuis l'an dernier, atteindre 4,5 % cette année, puis 4 % l'an prochain.

Helsinki avait invoqué la forte augmentation de ses dépenses militaires sur fond de guerre en Ukraine pour justifier le dérapage de ses comptes publics, mais la Commission estime que cela n'explique pas en totalité l'augmentation de ses dépenses publiques ces dernières années.

Blanc-seing à l'Allemagne

En revanche, Bruxelles a donné un blanc-seing à l'Allemagne, pays qui a abandonné sa prudence budgétaire des années précédentes pour se réarmer, et dont le déficit devrait dépasser 3 % du PIB cette année et grimper à 4 % l'an prochain, selon ses projections.

© afp.com/Nicolas TUCAT

Des drapeaux de l'Union européenne à Bruxelles, le 11 septembre 2025

Andrius Kubilius sur la menace russe : "Il faut prendre au sérieux les alertes de nos services de renseignement"

25 novembre 2025 à 17:00

Quand on est né à Vilnius et que l’on a un voisin qui s’appelle la Russie, on connaît le sens du mot menace. Depuis septembre 2024, Andrius Kubilius occupe le poste de Commissaire européen à la défense. Un poste créé sur mesure pour cet ancien Premier ministre de Lituanie, qui ferraille sans relâche pour que l’Union européenne prenne réellement conscience de la menace qui pèse sur elle. Invité au colloque Europe de L’Express, qui s’est tenu à Strasbourg le 24 novembre, il nous livre ses réflexions sur le plan de paix de Donald Trump et sur la Russie d’après-Poutine. Verbatim.

Un plan de paix européen

"Nous passons notre temps à discuter des plans de paix américains, mais il serait beaucoup plus intéressant que nous, Européens, élaborions notre propre plan avec les Ukrainiens, puis que nous en discutions avec nos partenaires, à Washington, pour aboutir à un document final. Il est crucial que celui-ci empêche des agressions futures contre l’Ukraine et l’Europe. Or, certaines dispositions inscrites dans le plan initial américain auraient incité Poutine à des attaques futures contre l’Ukraine et l’Europe.

Il est par exemple inacceptable de diminuer les capacités de l’armée ukrainienne ou de décréter que l’Ukraine ne fera jamais partie de l’Otan. Pourquoi Vladimir Poutine demande-t-il ça ? Deux possibilités : soit il craint que l’Otan utilise le territoire ukrainien pour attaquer la Russie, ce qui est, de mon point de vue, complètement absurde. L’Otan est une alliance de défense qui ne planifie jamais d’opération agressive ; soit il prévoit d’agresser de nouveau l’Ukraine un jour, et son appartenance à l’Otan lui poserait problème."

Attaque russe

"Il faut prendre au sérieux les avertissements des services de renseignement allemands, danois et français, qui évoquent la possibilité que la Russie teste militairement un membre de l’Otan ou de l’UE dans les deux ou trois prochaines années. Il faut donc accroître nos capacités de défense - ce que nous sommes en train de faire.

S’il y a un jour une agression de la Russie contre un membre de l’Otan ou de l’UE, que ce soit dans la mer Baltique, en Pologne ou dans des pays voisins, il faudra être prêt, d’autant que l’armée russe est plus forte qu’en 2022. Elle possède des millions de drones. Face à elle, il y a l’armée ukrainienne, très aguerrie. A cet égard, nous devrions intégrer les capacités de l’industrie de défense ukrainienne à nos propres capacités, ce devrait être l’une des priorités stratégiques, car cela nous rendrait beaucoup plus forts."

Espace Schengen militaire

"Il faut adapter les ponts, les routes et les tunnels pour faciliter la mobilité militaire. Dans le prochain budget 2028-2034, nous investirons 17 milliards d’euros dans la mise à niveau des infrastructures. Ce n’est pas suffisant. Pourquoi met-on actuellement 45 jours pour acheminer des renforts ? Parce qu’à chaque frontière, de l’Espagne à la mer Baltique, il faut demander une permission de passage. Et cela prend souvent plusieurs jours pour l’obtenir. Pour régler ce problème, une nouvelle loi entrera en vigueur en 2027. Elle permettra d’obtenir un permis de circuler unique en trois jours."

Russie post-Poutine

"Une Russie agressive, néo impérialiste et autoritaire est une menace pour la paix de tout le continent. L’Europe doit aider la Russie à se transformer et à revenir à une certaine normalité. Par le passé, les Européens sont parvenus à assurer la paix sur le continent européen – notamment après la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’il a fallu résoudre les'conflits tectoniques'entre la France et l’Allemagne.

Aujourd’hui, nous n’avons pas de stratégie pour résoudre les nouveaux problèmes tectoniques. Certes, personne ne peut prédire comment la Russie va évoluer, mais son histoire montre que les changements peuvent survenir très vite. Nous devons être prêts. L’un des moyens à notre disposition consiste à investir fortement dans le succès de l’Ukraine, car celui-ci pourra, à son tour, inciter le peuple russe à chercher une alternative. Cette guerre n’est pas seulement une tragédie pour l’Ukraine, mais aussi pour la Russie. Et la raison de la tragédie, c’est le régime de Poutine. Nous ne pourrons pas transformer le pays tant qu’il sera au pouvoir, mais il y aura un jour une Russie post-Poutine. Ce sera peut-être pire, mais peut-être mieux… Alors investissons dans cette transformation, même si celle-ci demeure très incertaine."

© Claudio Centonze/European Commission

Depuis septembre 2024, Andrius Kubilius occupe le poste de Commissaire européen à la défense.

"Quel est l'intérêt d'être à 27 si c'est pour avoir le poids du Luxembourg ?" : les indiscrétions du colloque européen de L'Express

26 novembre 2025 à 11:31

Strasbourg, sans doute la seule ville de France où la gare vous accueille sur l’air de l’Ode à la joie, l’hymne européen signé Beethoven. Ce 24 novembre, L’Express a investi la "capitale de l’Europe" pour un colloque exceptionnel consacré à l’avenir de notre continent et à ses défis, réunissant des personnalités de premier plan dans tous les domaines.

Devant nos lecteurs strasbourgeois, ces voix européennes ont sonné l’alerte face aux menaces extérieures, alors qu’à Genève nos diplomates tentent de sauver l’Ukraine des méandres du plan Trump. Elles nous ont aussi fourni de nombreux motifs d’espoir, soulignant les réelles forces qui font avancer notre continent. "Ecouter de tels intervenants, c’est comme déguster de la mousseline, à la fois léger et très nourrissant", nous confieront des lecteurs ravis à la fin de l’événement.

Giuliano da Empoli et Ursula von der Leyen, "Première ministre du Luxembourg"

Pour ouvrir notre colloque Ici c’est l’Europe, L’Express a fait appel à l’écrivain préféré de nos dirigeants, celui dont les livres s’empilent sur les tables de chevet d’Emmanuel Macron ou de Mette Frederiksen. Lui-même se définit comme "moitié suisse, moitié italien et moitié français" : à l’évidence, Giuliano da Empoli maîtrise davantage les coulisses du pouvoir que les mathématiques. Sur scène, l’auteur du Mage du Kremlin (800 000 exemplaires vendus chez Gallimard) observe avec son œil malicieux l’état d’esprit des Européens depuis un an : "le second mandat de Donald Trump nous fait passer du scandale à la sidération. Au début, la logique du scandale impliquait le fait qu’il s’agissait d’une exception, de quelque chose d’inouï. Avec le second Trump, nous sommes tous hypnotisés, dans une logique de sidération constante."

Pas question, toutefois, pour l’ancien conseiller de Matteo Renzi de se satisfaire de cet état de choc permanent. Dans son dernier essai, L’heure des prédateurs (Gallimard, avril 2025), Giuliano da Empoli décrypte ces nouveaux jeux de puissances, dont l’Europe semble spectatrice. "L’administration américaine est dans une logique de confrontation, nous sommes dans une posture de soumission politique", regrette l’auteur, taclant au passage la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, "qui se comporte comme si elle était la Première ministre du Luxembourg"… Sa déférence envers Donald Trump l’été dernier en Ecosse, pour signer un accord commercial humiliant pour l’Europe sur un terrain de golf, ne passe pas auprès de Giuliano da Empoli : "Je n’ai rien contre ce pays, mais quel est l’intérêt d’être ensemble, à Vingt-Sept, si c’est pour avoir le poids international du Luxembourg ?"

Sur scène, Andrius Kubilius n’en dira pas autant de la présidente de la Commission européenne. Il faut dire que l’ancien Premier ministre de Lituanie siège désormais à sa table, en tant que commissaire européen à la Défense, poste de première ligne s’il en est. Face aux lecteurs de L’Express, il reconnaît toutefois sa "fatigue" de constater que le rôle des Européens se réduit à discuter en permanence des plans de Donald Trump pour l’Ukraine, comme ces derniers jours… "Les Américains présentent leurs plans, puis nous les corrigeons, résume Andrius Kubilius. Il serait beaucoup plus intéressant que nous élaborions, nous Européens, un plan de paix pour l’Ukraine, puisque nous connaissons ce sujet, que nous pouvons développer ce plan avec les Ukrainiens, puis en discuter avec nos partenaires, Washington entre autres, pour aboutir à un plan final. La paix en Ukraine est absolument nécessaire et doit arriver sans encourir des agressions futures contre l’Ukraine ou contre l’Europe."

En coulisses aussi, on discute de l’impuissance européenne face aux ogres Donald Trump, Xi Jinping et Vladimir Poutine. L’entrepreneur et essayiste français Mathieu Laine débat avec le patron des patrons polonais, Maciej Witucki, autour d’un café. "L’Europe est née d’un printemps de la liberté au sortir de la Seconde Guerre mondiale, nous sommes à la fin de l’été de la liberté et nous rentrons dans l’automne de la liberté, qui est le temps des hommes forts", constate le Français, fondateur du cabinet de conseil Altermind. Pas de quoi décourager son interlocuteur polonais : "ce sentiment d’urgent qui augmente partout en Europe est positif, les actions de Trump ou de la Chine peuvent nous rendre plus forts, à condition de rester ouverts", martèle Maciej Witucki.

Le débat Sarah Knafo - Nathalie Loiseau

Alors que, sur scène, Antoine Monin raconte le succès mondial de Spotify, plateforme musicale basée à Stockholm qui atteint 713 millions d’auditeurs dans le monde, deux députées européennes se préparent en loges à un débat bien plus corrosif : Nathalie Loiseau, membre du parti Horizons d’Édouard Philippe, et Sarah Knafo, du parti Reconquête d’Éric Zemmour. Deux visions de l’Europe, deux visions de la souveraineté. Une même envie d’échanger, grâce à L’Express. "Ce qui est un drame, c’est de ne parler qu’avec ceux avec lesquels on est d’accord, nous glisse Nathalie Loiseau, qui préside la commission spéciale sur le bouclier européen de la démocratie. La démocratie, c’est être capable de débattre, d’écouter et de répondre à des avis différents. Sarah Knafo a été élue, comme moi."

Même verdict dans le camp d’en face. "Nous n’avons pas les mêmes idées, mais on se parle et c’est déjà énorme", sourit Sarah Knafo, entourée par deux photographes de son équipe. La jeune eurodéputée se définit comme patriote, partisane de "l’Europe des nations", mais opposée au "Frexit", une sortie de la France de l’Union européenne. Elle était à l’inauguration de Donald Trump en janvier et lui reconnaît le mérite de nous avoir "sortis de notre torpeur face aux Etats-Unis, mais l’Europe reste endormie face à la Chine". Lorsque nous l’interrogeons, l’eurodéputée Reconquête va plus loin : "Est-ce que je considère Trump comme un allié ? Non, je le considère comme un laboratoire. Je vois un mouvement et des aspirations communes qui l’ont porté au pouvoir et qui j’espère nous porterons demain au pouvoir : il est sorti de l’aspect nostalgique et décliniste pour se concentrer sur des aspects plus ambitieux, pro technologie, pro innovation, notamment avec le ralliement de Peter Thiel." Comme l’esquisse d’un mouvement Maga à l’européenne.

Sur scène, le débat entre les deux eurodéputées sera tendu, malgré les bonnes intentions. Sarah Knafo revendique d’entrer "dans une logique d’intérêt national" où chaque pays européen devrait choisir les projets sur lesquels avancer et avec qui. "Je suis heureuse de voir que Sarah Knafo découvre l’Europe, comme Tintin découvrait l’Amérique", réplique Nathalie Loiseau, assurant que "le fait de travailler en groupes de pays plus déterminés que les autres, c’est à peu près aussi vieux que l’Europe et c’est ce qui fait que l’on a créé [l’espace] Schengen, que l’on a créé l’euro."

A la sortie du débat, une vingtaine de soutiens de Sarah Knafo se bousculent pour prendre un selfie avec le bras droit d’Éric Zemmour, partageant souvent un discours radical sur l’immigration et "la fin du christianisme".

Une superpuissance économique qui s’ignore

Pour cet événement, L’Express voulait aussi souligner la réelle puissance de notre continent, trop souvent cachée derrière les discours défaitistes. "Avez-vous déjà entendu un leader américain, chinois ou indien, dire : nous sommes en retard, il n’y a pas de capital, nous n’avons pas d’idées, c’est impossible de faire des affaires chez nous…, souligne Anna Stellinger, directrice générale adjointe de la Confédération des entreprises suédoises. Il nous faut du courage, des tripes."

Sur scène, le 24 novembre, lors du colloque Europe de L'Express : notre journaliste Béatrice Mathieu ; Enrique Martinez, CEO de Fnac Darty ; Anna Stellinger, directrice générale adjointe de la Confédération des entreprises suédoises et Maciej Witucki, président de la confédération Lewiatan.
Sur scène, le 24 novembre, lors du colloque Europe de L'Express : notre journaliste Béatrice Mathieu ; Enrique Martinez, CEO de Fnac Darty ; Anna Stellinger, directrice générale adjointe de la Confédération des entreprises suédoises et Maciej Witucki, président de la confédération Lewiatan.

"Le seul espoir des Européens, c’est l’Europe, renchérit Maciej Witucki, président de l’équivalent du Medef polonais. Il n’y a pas un pays européen qui peut, seul, faire face à des puissances globales. Les prévisions indiquaient que l’Allemagne aurait un PIB inférieur à l’Inde dans deux ans, elles ont déjà été rattrapées en réalité. Il n’y a pas l’Europe de l’Est et l’Europe du Nord, il y a une Europe, et soit elle avance ensemble, soit elle coule ensemble."

C’est aussi la conclusion du rapport remis par Mario Draghi à la Commission européenne, en septembre 2024, véritable baromètre des défis européens. "Mais ce rapport est très, très noir, relativise Anna Stellinger dans un français parfait. D’après ce rapport, l’Europe aurait même à craindre pour sa propre existence… Dans de nombreux pays européens, notamment les pays nordiques, nous avons du mal à nous retrouver dans cette image-là : nous n’avons quasiment pas de dette publique, nous avons des marchés des capitaux qui fonctionnent, il y a du capital, et nous sommes systématiquement placés parmi les pays les plus innovants au monde !"

L’entrepreneuse suédoise, très applaudie par le public de L’Express, poursuit : "Là où Mario Draghi a raison, c’est qu’il manque du capital en Europe, du capital-risque, de l’investissement et là, la comparaison avec les Etats-Unis devient très pertinente. Vous savez qu'en 2023, nous avions à peu près 2,3 billions d’euros [2 300 milliards d’euros] d’actifs dans des fonds de pension en Europe ? C’est une somme considérable, mais cette somme n’est pas investie, ou très peu. Si on mettait cet argent de manière durable et flexible dans nos économies, on aurait un coût d’investissement absolument gigantesque."

Prenons de la hauteur !

Pour son colloque européen, L’Express a, comme à son habitude, aussi pris de la hauteur. Avec Hélène Huby déjà, fondatrice de The Exploration Company et concurrente du SpaceX d’Elon Musk. En visio depuis Brême, en Allemagne, avec derrière elle une capsule prototype que son entreprise franco-allemande a envoyée dans l’espace en juin dernier. "Notre vision est de maîtriser l’ensemble de la chaîne du transport spatial, fusées, capsules et véhicules lunaires, y compris les lanceurs, détaille Hélène Huby. L’avantage d’une capsule, d’abord, c’est que l’Europe n’en a pas : nous apportons à l’Europe une technologie nouvelle puisque, aujourd’hui, pour faire voler les astronautes, l’Europe utilise les véhicules américains. C’est aussi à travers des symboles comme celui-là que l’Europe prend conscience de qui elle est et que l’Europe définit son propre niveau d’ambition."

Sur la scène du colloque Europe de L'Express, à Strasbourg le 24 novembre, le directeur adjoint de la rédaction, Sébastien Le Fol, interviewe Hélène Huby, fondatrice de The Exploration Company.
Sur la scène du colloque Europe de L'Express, à Strasbourg le 24 novembre, le directeur adjoint de la rédaction, Sébastien Le Fol, interviewe Hélène Huby, fondatrice de The Exploration Company.

Et pour prendre de la hauteur, quoi de plus approprié que la littérature européenne, si bien racontée par William Marx, professeur au Collège de France. Pour le public de L’Express, l’auteur d’Un été avec Don Quichotte (Éditions des Equateurs/France Inter, 2024) propose de "considérer l’Europe comme un roman, genre européen par excellence" : "L’Europe consiste à construire une histoire ensemble, une aventure, un peu comme Don Quichotte partant sur les routes de la Mancha […] Je crois que ce qui nous rend européens, c’est la lecture de la littérature. Les grands romanciers ont voyagé à travers toute l’Europe, Joyce, par exemple, Irlandais, passé par Paris, par Trieste, ville frontière là aussi par excellence. Le roman est le genre de toutes les frontières."

Et William Marx d’en prendre pour preuve la libération de Boualem Sansal, auteur franco-algérien, libéré des geôles d’Alger grâce à l’intervention du président allemand : "La leçon de cette histoire, c’est qu’il a été emprisonné en tant qu’écrivain français, mais a été libéré en tant qu’écrivain européen." Sans doute la plus belle des leçons pour notre continent.

Ce colloque aura été l’occasion de célébrer les talents européens à travers la remise de prix de L’Express de l’année dans quatre catégories :

- le prix de l’Essai européen : Giuliano da Empoli, pour L’heure des prédateurs (Gallimard)

- le prix de la Science : professeure Bana Jabri, directrice de l’institut Imagine

- le prix de l’Entreprise européenne : Spotify

- le prix de l’Avenir européen : Hélène Huby, fondatrice de The Exploration Company

© Charlotte Krebs/L'Express

Eric Chol, directeur de la rédaction de L'Express, a remis le prix de l'essai européen de l'année à Giuliano da Empoli pour "L'heure des prédateurs" (Gallimard), le 24 novembre 2025 à Strasbourg.

Réservistes mobilisés et coupures internet : comment la Russie tente de lutter contre les drones ukrainiens

25 novembre 2025 à 15:31

C’est un décret passé relativement inaperçu, mais qui a changé la donne dans la stratégie déployée par la Russie pour faire face aux drones ukrainiens. Le 4 novembre dernier, Vladimir Poutine a autorisé le déploiement de réservistes afin de renforcer la protection d’infrastructures stratégiques comme les raffineries de pétrole, régulièrement visées par des frappes destinées à tarir la rente d’hydrocarbures finançant l’effort de guerre du Kremlin.

Cette mesure, qui permet à la Russie de mobiliser environ deux millions de personnes selon les parlementaires, évite une annonce officielle, et d’éventuelles résistances : à l’automne 2022, le Kremlin avait dû se résoudre à une mobilisation partielle devant la résistance farouche des Ukrainiens, poussant des milliers de jeunes hommes à fuir le pays. Ces réservistes, qui suivent un entraînement militaire annuel et perçoivent une modeste indemnité mensuelle, ont jusqu’à présent été exemptés de combats en Ukraine, sauf s’ils se sont portés volontaires.

Si les autorités russes ont déjà déployé un dense réseau de systèmes de défense aérienne autour de la résidence de Vladimir Poutine à Valdaï, ainsi qu’autour du quartier huppé de Roublevka, où résident de nombreuses personnalités politiques, elles peinent encore à assurer une protection adéquate des centaines de raffineries de pétrole disséminées à travers le pays, ainsi que des autres installations industrielles liées au conflit. Résultat : avec ces frappes ukrainiennes, les automobilistes sont désormais confrontés à des pénuries d’essence ainsi qu’à des hausses de prix, avec un diesel vendu 35 % plus cher à la pompe dans certaines régions, tandis que les prix de l’essence battent des records, rapporte le quotidien russe Kommersant du 3 octobre.

Des coupures d’internet

En parallèle, et toujours dans l’optique de se prémunir des attaques de drones, les autorités russes ont mis en place une nouvelle réglementation visant à perturber électroniquement leur vol. Depuis le 10 novembre, tous les utilisateurs de téléphones portables de retour de l’étranger voient leur connexion automatiquement bloquée pendant 24 heures, une période de "désactivation" des cartes SIM destinée à empêcher les drones d’utiliser les réseaux mobiles civils pour transmettre des données télémétriques, des vidéos ou des signaux de contrôle.

Plusieurs coupures généralisées d’Internet ont également débuté en mai et se sont poursuivies tout au long de l’été jusqu’à l’automne. En novembre, 57 régions russes ont signalé en moyenne des interruptions quotidiennes de leurs réseaux de téléphonie mobile, selon Na Svyazi, un groupe militant qui surveille ces coupures. Avec des répercussions concrètes sur la vie des Russes : cartes de crédit inutilisables dans les transports en commun, distributeurs automatiques de billets hors service ou encore applications de messagerie indisponibles, les appels sur WhatsApp et Telegram, très utilisés dans le pays, étant restreints depuis août.

Des solutions de compromis

"La Russie habitue sa population à une existence quasi militaire prolongée et l’incite à se préparer à des sacrifices accrus à mesure que la guerre s’éternise", déclare auprès du Guardian Andreï Kolesnikov, expert politique indépendant basé à Moscou. Et si le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a affirmé que ces coupures étaient "absolument justifiées et nécessaires", l'analyste Kateryna Stepanenko, de l'Institute for the Study of War basé à Washington, a assuré au contraire qu'elles n'avaient pas permis de freiner l'intensité des attaques de drones ukrainiennes, "compte tenu du nombre de frappes que nous avons constatées ces derniers mois contre des raffineries de pétrole russes", rapporte The Independent.

Face au mécontentement grandissant d’une partie de la population - des familles d'enfants diabétiques expliquant par exemple qu'elles ne pouvaient pas surveiller la glycémie de leurs enfants via des applications dédiées au moment des coupures -, plusieurs responsables locaux ont toutefois réfléchi à des solutions de compromis. A l’image du gouverneur de la région de l’Amour, Vassili Orlov, qui a envisagé, le 6 novembre, la mise en place de bornes wifi publiques, selon le quotidien local Amourskaïa Pravda.

A l’échelle fédérale, le ministère du Numérique a aussi récemment établi des "listes blanches" de sites accessibles même en cas d’interruption d’Internet – parmi eux, les portails de service public et des géants locaux comme Yandex (équivalent russe de Google) ou Wildberries, référence du commerce en ligne. En outre, les autorités russes ont imposé à l’ensemble de la population l’installation depuis septembre de la messagerie russe MAX, considérée par ses détracteurs comme un outil de surveillance. L’application assume en effet de partager les données des utilisateurs avec les autorités sur demande, et les experts soulignent l’absence de chiffrement de bout en bout.

© afp.com/Genya SAVILOV

Un drone de l'armée ukrainienne pendant un vol d'entraînement dans l'est de l'Ukraine, le 12 août 2025

La Chine profite des sanctions contre la Russie pour lui vendre au prix fort ses fournitures de guerre

25 novembre 2025 à 13:41

Les exportateurs chinois ont nettement augmenté les prix des biens essentiels qu’ils vendent au secteur militaro-industriel russe, profitant de la dépendance accrue du Kremlin face aux sanctions occidentales. C’est la conclusion d’une étude récente de l’Institut des économies émergentes de la Banque de Finlande (Bofit), citée notamment par le Financial Times.

Selon celle-ci, les prix des produits soumis au contrôle des exportations expédiés depuis la Chine vers la Russie ont augmenté de 87 % en moyenne entre 2021 et 2024. À titre de comparaison, le prix de produits similaires expédiés ailleurs n’a augmenté que de 9 % sur la même période.

Par conséquent, ces hausses de prix restreindraient la capacité de Moscou à acquérir des technologies sensibles, alors même que la Russie parvient à contourner une partie des sanctions en s’appuyant sur des fournisseurs chinois. Un haut responsable occidental chargé des sanctions a confirmé cette dynamique au Financial Times. Il estime que le fait que des entreprises chinoises "exploitent" les acheteurs russes peut être considéré comme "un résultat plutôt positif". Selon lui, "augmenter le prix d’un bien de 80 % revient à presque diviser par deux ce que les clients peuvent réellement acheter".

"Parfois il s’agit tout simplement de vol"

Alors que les échanges bilatéraux entre les deux pays sont passés de 146,9 milliards de dollars en 2021 à un niveau record de 254 milliards de dollars en 2024, le Bofit indique que cette hausse est principalement due à l’augmentation des prix plutôt qu’à une hausse des volumes. "Les importations de roulements à billes chinois ont progressé de 76 % en valeur, mais ont reculé de 13 % en volume", reprend ainsi le Moscow Times.

De quoi donner raison à cette source proche du gouvernement russe, qui constatait cet été auprès de Reuters que Pékin agit avant tout dans son propre intérêt : "La Chine ne se comporte pas comme une alliée […] Parfois, elle profite de la situation, parfois il s’agit tout simplement de vol." Une autre source anonyme, toujours auprès de Reuters, souligne que la Russie demeure fortement dépendante de la technologie chinoise. "Sans eux, nous n’aurions pas pu fabriquer un seul missile, encore moins un drone […]. S’ils avaient voulu, la guerre serait terminée depuis longtemps."

Des sanctions qui ont "limité les capacités technologiques de la Russie"

Les auteurs de l’étude du Bofit, Iikka Korhonen et Heli Simola, se sont concentrés sur le commerce des "machines et appareils mécaniques", une catégorie clé pour l’industrie de défense russe. Ils concluent que les sanctions ont "limité les capacités technologiques de la Russie en faisant grimper le prix des importations de biens essentiels", rapporte le Financial Times.

Moscou cherche activement à faire lever les sanctions occidentales - un sujet présent dans le plan de paix en 28 points récemment discuté entre les États-Unis et la Russie — présenté à l’Ukraine. De son côté, Pékin nie fournir des armes létales à Moscou et affirme s’opposer aux sanctions "unilatérales" freinant le commerce entre entreprises chinoises et russes. Reste à savoir si cette alliance russo-chinoise résistera à cet aléa économique.

© AFP

Vladimir Poutine et Xi Jinping à Moscou, le 8 mai 2025.

Narcotrafic : un tsunami européen

25 novembre 2025 à 11:10

© afp.com/Handout

Une France submergée par le narcotrafic: c'est le tableau brossé par une commission d'enquête sénatoriale, qui propose la création d'un parquet anti-stups et d'une "DEA à la française"

Ces trois jours où Donald Trump a fait vaciller le multilatéralisme

25 novembre 2025 à 10:28

S’il n’est pas complètement mort, le multilatéralisme est KO debout, sous les coups des Américains, en cette fin novembre. Tout un symbole : après avoir frappé un bloc de bois pour clôturer le G20 qui se tenait dans son pays, le président sud-africain a transmis le 23 novembre son marteau à une chaise vide. Et pour cause : ni Donald Trump, qui boycottait ce sommet, ni aucun responsable américain n’étaient présents pour le traditionnel passage de relais à l’hôte du prochain rendez-vous, en 2026 : à savoir les Etats-Unis, qui comptent l'organiser dans un complexe de golf appartenant à la famille Trump...

"Le G20 arrive peut-être à la fin d’un cycle", a euphémisé sur place Emmanuel Macron, notant que cette instance "avait beaucoup de mal" à régler "les grandes crises internationales". De fait, si cette réunion, séchée par plusieurs autres dirigeants et minée par les rivalités politiques, s'est conclue par une déclaration commune, celle-ci se contente d’appeler à "une paix juste, globale et durable, au Soudan, en République démocratique du Congo, dans les territoires palestiniens occupés et en Ukraine".

L'Ukraine, évoquée au détour d'une phrase. Alors qu'au cours du même week-end, les dirigeants européens présents à Johannesburg s'étaient réunis en catastrophe pour discuter du "plan de paix" en 28 points présenté par les Américains aux Ukrainiens, qui reprenait la plupart des revendications du Kremlin, et équivalait à une capitulation pour Kiev.

Pour compléter ce triste tableau, à 8 600 kilomètres de là, au Brésil, où Trump n’avait pas non plus daigné envoyer le moindre représentant, la COP30 avait elle aussi accouché, quelques jours plus tôt, d’une déclaration lénifiante et non contraignante. Le communiqué final ne mentionne aucune feuille de route pour sortir des énergies fossiles.

Donald Trump ne pense qu'à ses intérêts

Pris par surprise par un plan de paix rendu public au moment où des sanctions américaines contre deux géants pétroliers russes devaient entrer en vigueur, Ukrainiens et Européens, qui jouent leur avenir, sont parvenus à l’amender. Mais il apparaît de plus en plus clairement que Trump, loin de se préoccuper du sort des Ukrainiens ou de la sécurité de l’Europe, ne pense cyniquement qu’à ses intérêts : apparaître comme un faiseur de paix (fut-elle bancale) et relancer les affaires avec la Russie.

Le multilatéralisme crée une "légitimité" qui ne peut être obtenue par la puissance seule, aimait à dire le géopolitologue américain Joseph Nye, disparu cette année et inventeur du concept de "soft power". Une analyse méprisée par Washington et Moscou, à l'heure où seuls les rapports de force prévalent.

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Le président américain Donald Trump à Washington, le 18 novembre 2025, aux Etats-Unis

"Les résistants russes nous donnent une leçon de courage" : nos lecteurs réagissent à l’actualité

25 novembre 2025 à 10:00

Pour qui voter ?

Bruno Saintes, La Rochelle (Charente-Maritime)

Mais pour qui va-t-on pouvoir voter lors des prochaines élections nationales ? Pour des extrêmes aux programmes aussi fantaisistes qu’irréalistes et dangereux ? Un Parti socialiste qui persiste dans ses errements économiques (retraite, 35 heures, gratuité totale des soins, …) ? Des LR qui oublient un peu vite qu’ils ont été 14 à voter contre la réforme des retraites en 2023 et 25 pour sa suspension en 2025 ? Un bloc central dont on peine à déterminer les contours économiques et politiques ? L’absence de positions claires et compréhensibles de chacun de nos partis constitue le plus grand risque pour notre démocratie et pour la France. (Jordan Bardella, les affres de la jeunesse, L’Express du 20 novembre).

Hommage aux résistants

Roger Moresco, Perpignan (Pyrénées-Orientales)

Bravo à vos deux journalistes pour leur article consacré aux résistants de l’ombre en Russie. Ils sont certes minoritaires au sein d’une population russe majoritairement acquise à Poutine et à son régime en raison d’une propagande intense, mais quelle leçon de courage ils nous donnent, eux qui risquent leur vie en permanence ! Comme l’ont fait pendant la Seconde guerre mondiale les résistants français, eux aussi minoritaires, mais farouchement attachés au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Depuis le premier jour de l’invasion, un drapeau ukrainien est présent dans mon appartement et il y restera jusqu’à la victoire finale car la démocratie finit toujours par triompher des dictatures. (Face à Poutine, ces résistants de l’ombre, L’Express du 13 novembre).

La Chine avance quand l’Occident recule

​Bruno Lonchampt, Dole (Jura)

Comment reprocher à la Chine d’occuper tout ce que nous lui abandonnons, l’industrie, les médicaments, les vêtements bas de gamme, les jouets ? Dans sa zone d’influences, les peuples considérés comme des minorités n’ont aucun droit ; leurs langues et leurs cultures sont étouffées. L’exploitation des ressources naturelles du haut plateau tibétain, au premier rang desquels l’eau, la construction de routes et de voies ferrées sur le permafrost et les glaciers, de barrages démesurés sur les fleuves au profit des zones les plus peuplées à l’est de l’Empire révèlent une économie coloniale. Néanmoins, l’Occident lui a donné les JO et l’accès à l’OMS sans contreparties. Nous sommes pris au piège de nos choix de facilité et l’irréversible est en marche. (Comment la Chine a englouti l’Europe, l’Express du 6 novembre).

Scénario noir

Michel Mondamey, Saint-Chamond (Loire)

​Avec ses locomotives, le CAC 40 a crû de 9 % depuis le début de l’année. Ces grands groupes réalisent l’essentiel de leurs activités à l’international, mais leurs profits sont taxés en France. S’il advenait que ces groupes s’exilent fiscalement (qu’est ce qui les retient ?), cela grèverait dangereusement les recettes budgétaires de l’Etat et mettrait à mal notre recherche. Leurs choix d’investissements se porteraient sur leurs zones d’activité principale ou les Etats-Unis avec, en conséquence, des pertes d’emploi. Pour boucler leurs budgets, nos gouvernements successifs n’auraient alors d’autre choix qu’augmenter le recours à l’emprunt dont on connaît les conséquences sur les taux d’intérêt… Et la spirale de la décadence s’accélérerait. Evitons ce scénario noir ! ("Trop, c’est trop : nous refusons de voir la France s’enliser", par un collectif de dirigeants d’entreprise*, L’Express du 13 novembre).

Faire face à Trump

Yves Léauté, Daux (Indre-et-Loire)

Quand donc l’Union européenne, reprenant à son compte la catilinaire célèbre de Cicéron, va-t-elle demander à Trump de cesser d’abuser de notre patience et lui faire comprendre qu’il franchit les limites du supportable ? Pour ce faire, encore faudrait-il qu’elle sache montrer les dents, et si besoin mordre, en tout cas ne plus adopter une posture servile. (Martin Sion (Ariane Group) : "Toutes les grandes nations ont instauré une préférence nationale… sauf l’Europe", L’Express du 13 novembre).

Louis-Henri de La Rochefoucauld est le lauréat du prix Interallié

Journaliste et critique littéraire à L’Express, Louis-Henri de La Rochefoucauld est le lauréat du prix Interallié 2025, dernière grande récompense de la saison, pour son roman L’Amour moderne (Robert Laffont). Le jury présidé par l’académicien Jean-Marie Rouart a distingué un vaudeville aussi savoureux que mélancolique, qui offre une vision désabusée des relations amoureuses au XXIe siècle. L’Amour moderne l’a emporté dès le premier tour face aux livres de Nathan Devers, Christian Authier et Fabrice Pliskin. Notre ami rejoint ainsi un palmarès prestigieux dans lequel on retrouve Karine Tuil, Michel Houellebecq, Florian Zeller, Antoine Blondin, Félicien Marceau, Paul Nizan ou André Malraux, premier lauréat de l’Interallié en 1930.

© Laura Wächter

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Plan de paix de Donald Trump : comment la Maison-Blanche trahit l’Ukraine

25 novembre 2025 à 09:35

Le soi-disant plan de paix de Donald Trump pour l’Ukraine est venu confirmer les pires craintes nourries de ce côté-ci de l’Atlantique, où l’on soupçonne le président américain de vouloir s’entendre avec Vladimir Poutine sur le dos non seulement de Kiev, mais aussi de l’Europe entière. Au-delà du diktat révoltant imposé à l’Ukraine, qui n’a pourtant pas perdu la guerre imposée par l’agresseur russe, au-delà du parti pris pro-Poutine choisi par la Maison-Blanche, au-delà du peu de cas que Washington fait de l’avis de ses "alliés", c’est l’ensemble des projets de l’Union européenne pour asseoir son autonomie stratégique et garantir la sécurité européenne face à l’impérialisme poutinien que le projet percute de plein fouet. Plusieurs de ses dispositions sont orthogonales aux efforts déployés conjointement par les Etats membres de l’Union européenne et les autres alliés de Kiev (Royaume-Uni, Norvège, Canada…) pour aider le pays agressé à résister aux attaques de Moscou, alors qu’approche le quatrième anniversaire de l’invasion.

Le mémorandum a été concocté depuis la fin du mois d’octobre, dans le plus grand secret, par trois hommes : d’un côté, les émissaires de la Maison-Blanche Steve Witkoff, promoteur immobilier new-yorkais et partenaire de golf de Trump, et Jared Kushner, gendre du président, et de l’autre, l’envoyé spécial du Kremlin, Kirill Dmitriev. Cet économiste russe né à Kiev il y a 50 ans et formé à l’Université de Stanford et à la Harvard Business School aux Etats-Unis est depuis 2011 le PDG du fonds souverain russe, et à ce titre l’un des maillons importants de la verticale du pouvoir poutinienne. Il est aussi, selon le Wall Street Journal, un partenaire d’affaires de longue date de Jared Kushner.

La publication de leur document a provoqué choc et effroi dans les capitales européennes, qui depuis le renoncement américain consécutif à l’accession de Trump au pouvoir supportent la quasi-totalité de l’aide financière et militaire occidentale à l’effort de défense ukrainien. La lecture du texte multipliait les motifs d’alarme aux yeux des dirigeants européens : limitations imposées à la souveraineté de l’Ukraine et à ses forces armées, absence de tout cessez-le-feu préalable à des négociations de paix, transfert de territoires ukrainiens à la Russie – y compris la partie de l’oblast de Donetsk que les troupes du Kremlin n’ont pas conquise –, grand flou autour des garanties de sécurité qui seraient accordées à Kiev en échange de sa soumission, et enfin omission de toute réparation demandée à Moscou pour les destructions causées en Ukraine alors que les Européens, eux, étaient priés de passer à la caisse.

Perdre sa dignité ou perdre un grand allié

Comme l’a résumé Anne Applebaum, la chroniqueuse du magazine américain The Atlantic, le projet trumpien "affaiblit l’Ukraine, disjoint l’Amérique de l’Europe et prépare le terrain à une guerre de plus grande ampleur dans le futur". Et dans l’immédiat, il bénéficie surtout à quelques investisseurs proches du pouvoir à Moscou et à Washington, aux dépens de pratiquement tous les autres protagonistes. Car outre la capitulation déguisée imposée à Kiev, le texte prévoit aussi la levée des sanctions, le déblocage des avoirs russes gelés par les Occidentaux et la reprise d’une coopération économique de grande ampleur entre l’Amérique et la Russie.

En endossant ce texte qui revenait à récompenser Moscou pour son agression non provoquée, Donald Trump a une fois de plus montré à quel point il néglige non seulement le sort de l’Ukraine indépendante et démocratique, mais aussi la sécurité de ses alliés européens, qui ne veulent à aucun prix de tout ce qui pourrait ressembler une restauration au XXIe siècle de la doctrine de "souveraineté limitée" imposée pendant la guerre froide par l’URSS à ses satellites d’Europe centrale. Le dilemme posé par le plan Witkoff-Kushner-Dmitriev, crûment résumé par le président Volodymyr Zelensky – perdre sa dignité, ou perdre un grand allié – est de fait celui que la politique erratique de Donald Trump adresse à l’Europe tout entière.

Pour une fois, les Européens ont réagi sans tarder pour tenter de modifier le plan américain. "Il importe à nos yeux qu’un plan de paix pour l’Ukraine ne puisse pas être établi sans notre accord sur des questions touchant aux intérêts européens et à la souveraineté européenne", a dit le chancelier allemand Friedrich Merz. De premiers entretiens tenus dans l’urgence à Genève, dimanche 23 novembre, par les Européens et les Ukrainiens avec le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio ont permis d’amender le texte initial dans un sens un peu moins défavorable à l’Ukraine, tout en le réduisant à 19 points au lieu de 28.

Les Européens contraints de clarifier leurs positions

Les dispositions affectant directement les intérêts européens, en particulier la levée progressive des sanctions, la mobilisation des avoirs russes gelés (qui sont, pour l’essentiel, logés en Belgique), l’adhésion de l’Ukraine à l’UE (autorisée dans le plan Trump) et son admission future à l’Otan (interdite), ainsi que la question des relations entre l’Otan et la Russie, vont continuer à faire l’objet de discussions transatlantiques. Il en est de même pour ce qui concerne le déploiement envisagé en Ukraine dans le cadre d’une force de réassurance composée par la "Coalition des volontaires" créée par des pays de l’Otan avec notamment des contingents français, britanniques et turcs, pour surveiller et garantir sur le terrain l’application d’un éventuel cessez-le-feu. La version initiale du projet américain excluait tout déploiement de militaires otaniens en Ukraine.

Comme en février, après un entretien catastrophique entre Trump et Zelensky à la Maison-Blanche, comme en août, après un sommet en Alaska entre Trump et Poutine, les pays européens réunis autour du trio de tête constitué par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, se sont mobilisés avec efficacité pour tenter de sauver ce qui pouvait encore l’être et d’infléchir les positions américaines les plus outrancières. Mais la leçon des épisodes précédents est claire : le culbuto diplomatique trumpien reprend à chaque fois, après un certain temps, sa position favorable au Kremlin. Dans quelle mesure les amendements européens seront-ils cette fois-ci vraiment pris en compte par la Maison-Blanche ? Au moins, l’ultimatum imposé par Washington à Volodymyr Zelensky, qui fut dans un premier temps sommé d’avaliser le plan avant le jour de la fête américaine de Thanksgiving jeudi 27 novembre, semblait avoir été levé à l’heure où ces lignes étaient écrites.

Face à la levée de boucliers de ses alliés, Trump a comme souvent louvoyé, en affirmant d’un côté que le plan n’était pas son dernier mot, tout en critiquant de l’autre les dirigeants ukrainiens pour leur "ingratitude" supposée. Vladimir Poutine de son côté a cherché à maximiser ses gains. Selon le Kremlin, il a "noté que ces propositions sont conformes aux discussions du sommet russo-américain en Alaska et, en principe, peuvent servir de base à un règlement pacifique final". Les amendements européens, en revanche, ne sont "pas du tout constructifs et ne nous conviennent pas", a dit Youri Ouchakov, un conseiller diplomatique de Poutine. Le seul point positif du mémorandum est qu’il a contraint les Européens, pour la première fois, à clarifier leurs propres propositions de paix pour l’Ukraine. Mais en l’absence de toute approche occidentale un tant soit peu cohérente et unifiée face à Moscou, la guerre continue, alimentée par la détermination de Vladimir Poutine à soumettre l’Ukraine, à installer à Kiev un pouvoir favorable à Moscou et à infliger par la même occasion une défaite stratégique majeure aux Européens.

© AFP

Donald Trump à la Maison-Blanche, le 21 novembre 2025.

Ukraine, service national, budget… Ce qu’il faut retenir de l’interview d’Emmanuel Macron

25 novembre 2025 à 09:01

Emmanuel Macron a accordé ce mardi 25 novembre un entretien à RTL, au cours duquel il a notamment appelé à ne pas se montrer "faible" face à la "menace" de la Russie, tout en excluant l’envoi de "nos jeunes en Ukraine", alors qu’il s’apprête à annoncer cette semaine l’instauration d’un nouveau service national volontaire.

Un appel à ne pas se montrer "faible" face à la "menace" de la Russie

Dénonçant la guerre hybride menée par Moscou, le président a appelé à ne pas être "faible" face à la "menace" de la Russie qui a "une posture beaucoup plus agressive". "Nous aurions tort d’être faibles face à cette menace. Et donc si nous voulons nous protéger, nous Français, ce qui est ma seule obsession, nous devons montrer que nous ne sommes pas faibles avec la puissance qui nous menace le plus", a-t-il déclaré.

"Si nous sommes faibles en Ukraine, si on dit 'c'est plus notre problème, au fond, ils sont très loin', […] on va laisser tomber l’Ukraine", a prévenu Emmanuel Macron. "Ce jour-là, vous donnez un signal de faiblesse […] à la Russie qui, au fond, depuis dix ans, a fait un choix stratégique, c’est de redevenir une puissance impériale, c’est-à-dire d’avancer partout", a-t-il développé.

Le chef de l’Etat, qui participera dans l’après-midi à une réunion par visioconférence de la coalition des soutiens de l’Ukraine, a également affirmé que c’était "aux Européens de décider" comment utiliser les actifs russes gelés, que Donald Trump propose dans son plan de paix d’investir dans des projets menés par les Etats-Unis pour reconstruire l’Ukraine. "Les Européens sont les seuls qui ont à dire, parce que ça fait partie du plan, ce qu’on fera avec les actifs russes gelés qui sont détenus par les Européens", a-t-il tranché.

DOCUMENT RTL / M6 INFO - Menace russe : "Nous aurions tort d'être faibles face à cette menace. Si nous voulons nous protéger, nous devons montrer que nous ne sommes pas faibles avec la puissance qui nous menace le plus"@EmmanuelMacron au micro de @ThomasDespre dans #RTLMatin pic.twitter.com/9aoWM0lKgh

— RTL France (@RTLFrance) November 25, 2025

Pas question d'"envoyer nos jeunes en Ukraine"

Emmanuel Macron a aussi assuré ce mardi que le nouveau service national volontaire qu’il s’apprête à annoncer n’implique aucunement d'"envoyer nos jeunes en Ukraine". Le chef de l’Etat a confirmé qu’il préciserait jeudi "la transformation du service national universel vers une nouvelle forme", sans fournir plus de précisions.

"Il faut vraiment, en tout cas tout de suite, supprimer toute idée confuse qui consisterait à dire qu’on va envoyer nos jeunes en Ukraine. C’est pas du tout le sens de cette affaire", a-t-il insisté.

Emmanuel Macron se rendra jeudi sur un site de l’armée de terre à Varces (Isère), au sein de la 27e Brigade d’infanterie de montagne (BIM), afin d’annoncer un "nouveau cadre pour servir au sein de nos armées" et répondre à l'"envie d’engagement" de la jeunesse. "Il est très clair que nous devons renforcer le pacte armée-Nation", a-t-il plaidé ce mardi matin.

Budget : "bon espoir" pour un compromis

Sur la question du budget, Emmanuel Macron a dit avoir "bon espoir" que "les forces parlementaires dont c’est la responsabilité" trouvent un compromis "dans les prochaines semaines", alors que le PLF a été rejeté en première lecture à l’Assemblée.

"Si les responsables politiques qui sont au Parlement sont inquiets, plutôt que de commenter leur inquiétude, qu’ils s’occupent de bâtir des compromis pour le pays qu’ils aiment", a-t-il déclaré. Les responsables politiques à l’Assemblée "ont une responsabilité : soit de bâtir des coalitions comme font nos voisins allemands, comme font d’autres voisins, soit de trouver des compromis pour que les textes puissent être votés", a-t-il insisté en répétant que "ce n’était pas la responsabilité du président de la République". Ne voulant pas "faire de la politique fiction", il a refusé de dire s’il envisageait une dissolution de l’Assemblée si celle-ci ne votait pas de budget à la fin de l’année.

Il a par ailleurs assuré que "notre pays est beaucoup plus fort que beaucoup de gens veulent le dire". "Il est fort militairement parce qu’on a fait des investissements, qu’on a l’armée la plus efficace d’Europe. Il est fort diplomatiquement, la France est écoutée partout en Europe, en Afrique, en Asie. Elle est beaucoup plus forte qu’on ne le dit économiquement. Regardez les derniers chiffres, la moitié de la croissance de la zone euro, c’est la France", a-t-il plaidé.

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Emmanuel Macron s'exprime au siège du Commandement de l'espace, à Toulouse, le 12 novembre 2025.

Etats-Unis : les Frères musulmans dans le viseur de Donald Trump

25 novembre 2025 à 07:43

Le président américain Donald Trump a signé dans la soirée du lundi 24 novembre un décret enclenchant un processus au terme duquel les branches des Frères musulmans dans certains pays doivent être désignées comme "organisations terroristes étrangères".

Le texte publié par la Maison-Blanche note que les antennes des Frères musulmans "au Liban, en Jordanie et en Egypte", le pays où ce mouvement a été fondé en 1928, "commettent ou encouragent et soutiennent des campagnes de violence et de déstabilisation qui nuisent à leurs propres régions, à des citoyens américains ou à des intérêts américains".

C’est au chef de la diplomatie Marco Rubio et au ministre des Finances Scott Bessent qu’il reviendrait de mener à bout le processus de désignation. La classification comme "organisation terroriste étrangère" permet, outre la pression politique, de prendre une série de mesures financières et administratives : gel des avoirs, interdiction de transactions, interdiction d’entrée sur le territoire américain, etc.

Interdiction dans plusieurs pays

Israël, allié des Etats-Unis, s’est félicité de cette décision du président Trump : "C’est important, non seulement pour Israël, mais aussi pour les pays arabes voisins qui ont souffert durant des décennies du terrorisme des Frères musulmans", a jugé sur X son ambassadeur auprès des Nations unies, Danny Danon, citant le Liban, l’Egypte et la Jordanie.

La confrérie des Frères musulmans, organisation transnationale implantée dans de nombreux pays, a longtemps été le principal mouvement d’opposition en Egypte malgré des décennies de répression. Aujourd’hui considérée dans le pays comme une organisation "terroriste", elle a été rayée du paysage politique après le bref mandat d’un an (2012-2013) de l’un des leurs, le président d’alors Mohamed Morsi mort en prison en 2019.

La confrérie porte le projet d’un islam politique conservateur. Le mouvement a été interdit dans plusieurs autres pays, dont l’Arabie saoudite et plus récemment, en avril, la Jordanie. La Jordanie a imputé à la confrérie des "activités de nature à déstabiliser le pays", notamment la fabrication et le stockage de roquettes et explosifs. En France, le président Emmanuel Macron a consacré cette année deux conseils de défense et de sécurité nationale à "l’entrisme" des Frères musulmans.

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Donald Trump lors de son arrivée à Londres, le 18 septembre 2025.

Volodymyr Zelensky "prêt à aller de l'avant" avec le plan américain pour mettre fin à la guerre

25 novembre 2025 à 21:26

Les frappes continuent à l’est de l’Europe. L’Ukraine et la Russie ont toutes deux fait état, ce mardi 25 novembre, de frappes aériennes "massives" de l’ennemi sur leurs territoires respectifs, avec au moins trois morts recensés dans la région russe de Rostov et au moins six du côté ukrainien.

Ces nouvelles attaques aux missiles et aux drones interviennent alors que la Russie, qui a menacé d’intensifier les bombardements si Kiev n’acceptait pas le plan en 28 points du président américain Donald Trump pour mettre fin au conflit, a rejeté lundi une contre-proposition européenne à ce projet considéré comme largement favorable à ses intérêts.

Les infos à retenir

⇒ Donald Trump envoie son émissaire Steve Witkoff auprès de Vladimir Poutine à Moscou

⇒ La dernière version du projet de plan américain pour une résolution du conflit est "significativement meilleure" pour Kiev

⇒ Donald Trump assure être "très proche" d'un accord sur l'Ukraine

Les "principes" du nouveau projet américain pourraient conduire à des "accords plus profonds", estime Volodymyr Zelensky

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a estimé mardi dans son adresse quotidienne que les "principes" d'un plan américain révisé pour mettre fin à la guerre avec la Russie pourraient conduire à des "accords plus profonds", mais et que "beaucoup dépend" désormais de Washington.

"Je compte sur une coopération active continue avec la partie américaine et avec le président (Donald) Trump. Beaucoup dépend de l'Amérique, car la Russie accorde la plus grande attention à la force américaine", a-t-il ajouté, notant qu'il est "particulièrement cynique" que Moscou continue à frapper son pays pendant que des pourparlers de paix sont en cours.

Juste avant, Volodymyr Zelensky avait indiqué à ses alliés qu'il était prêt à "aller de l'avant" avec le plan américain pour mettre fin à la guerre contre la Russie, mais qu'il contenait encore des "points sensibles" qu'il souhaite discuter avec son homologue américain Donald Trump. "Ce cadre est sur la table et nous sommes prêts à aller de l'avant ensemble", a-t-il déclaré aux dirigeants de la Coalition des volontaires, selon une copie de son discours.

Donald Trump envoie son émissaire Steve Witkoff auprès de Vladimir Poutine à Moscou

Donald Trump a annoncé mardi avoir demandé à son émissaire spécial Steve Witkoff de se rendre à Moscou pour discuter avec Vladimir Poutine des "quelques points de désaccord" empêchant la conclusion d'un accord avec l'Ukraine.

Précisant qu'en parallèle le secrétaire à l'Armée de terre Dan Driscoll négocierait avec les Ukrainiens, le président américain a ajouté sur son réseau Truth Social que pour sa part, il espérait rencontrer le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le président russe, mais "seulement quand l'accord pour terminer cette guerre sera conclu ou aura atteint les phases finales" de discussion.

La dernière version du projet de plan "significativement meilleure" pour Kiev

La dernière version du projet de plan américain pour une résolution du conflit en Ukraine est "significativement meilleure" pour Kiev, avec notamment une armée conservant 800 000 hommes contre 600 000 militaires dans la première version du plan, a indiqué mardi à l'AFP une source proche du dossier.

"L'Ukraine, les Etats-Unis et les Européens ont rendu la proposition américaine fonctionnelle (...) et elle est désormais significativement meilleure" pour Kiev, a-t-elle dit, précisant que cette version ne contient pas 28 points comme précédemment. Selon cette source proche du dossier s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, certaines questions parmi les plus sensibles, telles que les questions territoriales, pourront être "discutées à un niveau présidentiel".

Donald Trump assure être "très proche" d'un accord sur l'Ukraine

Donald Trump a déclaré mardi que les Etats-Unis étaient "très proches" de conclure un accord visant à mettre fin à la guerre en Ukraine. "Ce n'est pas facile", a affirmé le président américain à la Maison-Blanche, mais "je pense que nous sommes très proches d'un accord. Nous verrons bien".

Emmanuel Macron estime qu'il n'y a "clairement pas de volonté russe d'avoir un cessez-le-feu"

Emmanuel Macron a estimé mardi qu'il "n'y a aujourd'hui clairement pas de volonté russe d'avoir un cessez-le-feu", appelant à "continuer de mettre la pression" sur la Russie pour qu'elle négocie. Selon le chef de l'Etat, Moscou n'a pas non plus montré de "volonté de discuter" du projet de plan américain pour l'Ukraine amendé après des discussions entre Américains, Ukrainiens et Européens à Genève le week-end dernier.

Il a aussi affirmé qu'il faudrait "une armée ukrainienne forte" et sans "limitation" pour dissuader la Russie d'attaquer de nouveau même en cas d'accord de paix, ce qui va à l'encontre des exigences de Moscou. "Des discussions à Genève ont montré qu'il ne devait pas y avoir de limitation à l'armée ukrainienne. Nous avons planifié tout ce qu'il fallait pour le faire", a-t-il déclaré à des journalistes, à l'issue d'une visioconférence avec les soutiens de Kiev.

Une "solution" pour "sécuriser des financements" pour l'Ukraine sur la base des actifs russes gelés sera "finalisée dans les prochains jours", a par ailleurs déclaré Emmanuel Macron. Ces actifs gelés sont "extrêmement importants" et "aussi un moyen de pression" sur la Russie, a dit le président français. "Nous allons finaliser dans les prochains jours, en coordonnant avec tous les pays européens les plus concernés et évidemment avec l'Union européenne et la Commission européenne, une solution qui permette de sécuriser des financements, donne de la visibilité à l'Ukraine, mais maintienne cette pression", a-t-il ajouté.

Entre Kiev et Moscou, des points "sensibles" mais "pas insurmontables" encore en discussion

La Maison-Blanche a indiqué mardi que des discussions supplémentaires avec l'Ukraine et la Russie étaient nécessaires pour régler "quelques détails sensibles, mais pas insurmontables", en affirmant que d'"immenses progrès" avaient été faits.

"La semaine passée, les Etats-Unis ont fait d'immenses progrès en vue d'un accord de paix en faisant venir à la fois l'Ukraine et la Russie à la table des négociations. Il reste à régler quelques détails sensibles mais pas insurmontables, qui demanderont des discussions supplémentaires entre l'Ukraine, la Russie et les Etats-Unis", a déclaré sa porte-parole Karoline Leavitt sur X.

"Il y a enfin une chance de réaliser de vrais progrès vers une bonne paix", dit Emmanuel Macron

Emmanuel Macron a affirmé mardi qu'il y avait "enfin une chance de réaliser de vrais progrès vers une bonne paix" entre l'Ukraine et la Russie, en ouverture d'une visioconférence de la "coalition des volontaires" qui soutiennent Kiev.

"Mais la condition absolue pour une bonne paix, c'est une série de garanties de sécurité très robustes, et pas des garanties uniquement sur le papier", a prévenu le président français, précisant que le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio se joindrait aussi à cette réunion de la coalition composée principalement de pays européens désireux de fournir ces garanties à l'Ukraine.

Réunions "secrètes" entre Américains et Russes à Abou Dhabi

Des réunions "secrètes" sur l'Ukraine entre Américains et Russes se sont tenues lundi et devraient se poursuivre ce mardi à Abou Dhabi, pour tenter d'avancer sur un cessez-le-feu, ont affirmé mardi des médias américains et britanniques.

Selon notamment la chaîne américaine ABC News et le quotidien britannique Financial Times (FT), le secrétaire américain à l'Armée, Dan Driscoll conduit la délégation américaine aux Emirats arabes unis. Le FT affirme aussi, sur la foi de deux sources proches des discussions, que le patron des services de renseignement militaire ukrainien est présent aux pourparlers, sans pouvoir préciser s'il s'agissait d'une réunion tripartite ou de rencontres séparées.

Les discussions entre le secrétaire américain à l'Armée de terre Dan Driscoll et une délégation russe sur un éventuel accord pour mettre fin au conflit en Ukraine "se déroulent bien", a indiqué mardi un porte-parole. "Les pourparlers se déroulent bien et nous restons optimistes", a déclaré le lieutenant-colonel Jeff Tolbert, rendant compte de ces discussions qui se tiennent depuis lundi soir à Abou Dhabi.

Selon le FT et la chaîne ABC, les discussions portent désormais sur un plan en 19 points. ABC indique que parmi les points supprimés figurent la future taille de l'armée ukrainienne et l'amnistie de principe accordée aux parties au conflit.

L'Ukraine souhaite une rencontre entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump cette semaine

L'Ukraine souhaite organiser cette semaine une visite de Volodymyr Zelensky aux Etats-Unis pour des négociations avec Donald Trump sur le plan américain visant à mettre fin à la guerre avec la Russie, a insisté mardi un négociateur ukrainien clé. "Nous avons hâte d'organiser la visite du président de l'Ukraine aux États-Unis dès que possible en novembre pour finaliser les étapes restantes et parvenir à un accord avec le président Trump", a déclaré sur X le secrétaire du Conseil de sécurité ukrainien Roustem Oumerov.

Ces derniers jours, Donald Trump a de nouveau haussé le ton contre le président ukrainien, l'appelant vendredi à accepter son plan. "Il faudra bien que cela lui plaise, et si cela ne lui plaît pas, alors, vous savez, ils n'auront qu'à continuer à se battre", a-t-il lancé, avant d'affirmer le lendemain que le plan en question n'était pas sa dernière offre.

Nouvelle nuit d’attaques aériennes massives en Ukraine et en Russie

Le chef de la diplomatie ukrainienne a dénoncé comme une "réaction terroriste" au plan américain visant à mettre la fin à la guerre les frappes russes de la nuit. "Poutine a donné sa réaction terroriste aux propositions de paix des États-Unis et du président Trump, en lançant une volée de missiles et de drones sur l'Ukraine", a déclaré sur X Andriï Sybiga.

L'Ukraine comme la Russie ont fait état mardi matin de frappes aériennes "massives" de l'ennemi sur leurs territoires. Les autorités ukrainiennes ont fait état d’au moins six morts à Kiev, où plusieurs séries d’explosions ont retenti tôt, selon des journalistes de l’AFP, après une alerte aérienne déclenchée dans tout le pays. Le ministère de l’Energie a de son côté rapporté "une attaque massive combinée de l’ennemi contre les infrastructures énergétiques".

En Russie, au moins trois personnes sont mortes cette nuit et huit ont été blessées lors d’une attaque ukrainienne contre Taganrog et le district voisin de Neklinovsky, au bord de la mer d'Azov, dans la région de Rostov, a annoncé sur Telegram le gouverneur régional Iouri Slioussar. Au total, la défense aérienne russe a intercepté 249 drones ukrainiens au-dessus du pays dans la nuit de lundi à mardi, a annoncé le ministère de la Défense. Sur ce total, 116 drones ont été abattus au-dessus de la mer Noire, 76 dans la région de Krasnodar, 23 dans la péninsule annexée de Crimée et 16 dans la région de Rostov, a précisé le ministère.

Emmanuel Macron appelle à ne pas se montrer "faible" face à la "menace" de la Russie

Emmanuel Macron a appelé ce mardi sur RTL à ne pas être "faible" face à la "menace" de la Russie qui a "une posture beaucoup plus agressive". "Nous aurions tort d'être faible face à cette menace. Et donc si nous voulons nous protéger, nous Français, ce qui est ma seule obsession, nous devons montrer que nous ne sommes pas faibles avec la puissance qui nous menace le plus", a déclaré le chef de l'Etat, soulignant par ailleurs que le nouveau service national volontaire qu'il s'apprête à annoncer n'implique aucunement d'"envoyer nos jeunes en Ukraine".

La Roumanie déploie de nouveau des avions de chasses face à des incursions de drones

La Roumanie a annoncé deux nouvelles incursions de drones dans son espace aérien mardi matin et le déploiement de plusieurs avions de chasse, après une nuit de frappes massives aériennes russes en Ukraine voisine.

Le premier drone a "traversé l’espace aérien national" depuis Valcove en Ukraine vers la zone de Chilia Veche dans le comté de Tulcea en Roumanie (sud-est), a précisé le ministère de la Défense, en ajoutant que "deux avions Eurofighter Typhoon allemands ont été dépêchés depuis la base aérienne Mihail Kogălniceanu pour surveiller la situation" à 6h28. A 7h11, les Eurofighter ont signalé "un contact radar avec la cible au-dessus du territoire ukrainien, en dehors de l'espace aérien roumain", a ajouté le ministère.

Deux autres avions de chasse ont décollé une vingtaine de minutes plus tard depuis la base de Borcea, des F-16 Fighting Falcon de l'armée roumaine, et une deuxième intrusion de drone a été détectée par les systèmes radar dans l’espace aérien roumain dans la région de Galati, a ajouté le ministère, précisant que "la situation est surveillée par le ministère de la Défense nationale".

La Maison-Blanche juge "complètement fallacieux" de dire que Donald Trump favorise la Russie

La porte-parole de la Maison-Blanche a qualifié lundi soir de "complètement fallacieuse" l’idée selon laquelle le président américain Donald Trump et son gouvernement favoriseraient la Russie dans les pourparlers pour mettre fin au conflit en Ukraine. "L’idée selon laquelle les Etats-Unis d’Amérique ne seraient pas engagés à égalité avec les deux belligérants pour mettre fin à la guerre est totalement et complètement fallacieuse", a dit Karoline Leavitt lors d’un échange avec la presse. Vendredi 21 novembre, elle avait répété qu’il s’agissait d’un "bon plan à la fois pour la Russie et pour l’Ukraine".

© afp.com/Ozan KOSE

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky à Ankara, en Turquie, le 19 novembre 2025

France-Algérie : l’espionnage derrière la bataille du pétrole en 1971

25 novembre 2025 à 06:00

Depuis l’été dernier, les relations entre la France et l’Algérie se dégradent de jour en jour. Derniers événements en date : les condamnations du journaliste français Christophe Gleizes et de l’écrivain Boualem Sansal à respectivement sept et cinq ans de prison. Et comme souvent dans ces moments de tensions, on essaye de regarder en arrière pour tenter de mieux comprendre l’actualité.

A L’Express, trois journalistes se sont penchés sur la relation ambivalente entre ces deux pays. Mais ils se sont intéressés à une histoire un peu particulière : celle des batailles d’espionnage.

Pour leur enquête, ils ont rassemblé de très nombreux documents dans des dossiers, classés par ordre chronologique. Des photos d’espions infiltrés, des preuves écrites de kidnappings, des archives sur des assassinats cachés… Ces dossiers contiennent tous les éléments pour faire le récit des guerres secrètes franco-algériennes.

Dans ce deuxième dossier, il y a d’abord un document dont on a déjà parlé hier : les accords d’Evian, signés en mars 1962.

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Cet épisode a été présenté par Charlotte Baris, écrit et monté par Solène Alifat et réalisé par Jules Krot.

Crédits : INA, Le Monde

Musique et habillage : Emmanuel Herschon/Studio Torrent

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© DR

Rachid Tabti a pénétré la diplomatie française en son coeur en séduisant une secrétaire du Quai d'Orsay.
Reçu avant avant-hier L'Express

Etats-Unis : la justice annule deux inculpations téléguidées par Donald Trump contre ses bêtes noires

24 novembre 2025 à 20:24

Une juge fédérale a annulé, ce lundi 24 novembre, deux inculpations téléguidées par Donald Trump, contre l’ancien directeur du FBI James Comey et la procureure générale de l’Etat de New York, Letitia James, cibles de la vindicte du président américain.

Donald Trump a maintes fois exprimé pendant sa campagne électorale sa volonté de se venger de tous ceux qu’il considère comme des ennemis personnels. James Comey, 64 ans, est devenu le 25 septembre la première de ces personnalités à être inculpée depuis son retour au pouvoir, avant Letitia James, 67 ans, le 9 octobre.

Une juge fédérale a invalidé lundi la nomination de Lindsey Halligan, la procureure choisie par Donald Trump, qui avait engagé ces poursuites, et prononcé en conséquence l’abandon des poursuites dans les deux dossiers. Lors d’une audience la semaine dernière, cette juge s’était montrée très sceptique sur la légalité de la désignation de la procureure, promettant de rendre une décision à ce sujet d’ici la fête de Thanksgiving, le 27 novembre.

La magistrate laisse néanmoins la possibilité au ministère de la Justice de présenter un nouvel acte d’accusation dans les deux affaires mais dans le cas de James Comey le délai de prescription des faits qui lui sont reprochés a expiré fin septembre. James Comey et Letitia James ont introduit d’autres recours en annulation des poursuites, arguant notamment du fait qu’elles étaient motivées par la seule "rancune personnelle" du président américain. La justice ne s’est pas encore prononcée sur ces arguments.

Procureur acculé à la démission

En septembre, Donald Trump avait publiquement fait pression sur sa ministre de la Justice, Pam Bondi, s’étonnant sur sa plateforme Truth Social que James Comey et Letitia James n’aient toujours pas été inculpés, de même qu’un sénateur démocrate. Après avoir poussé à la démission le procureur du district est de Virginie, le président républicain l’avait aussitôt remplacé à ce poste stratégique par Lindsey Halligan, une conseillère de la Maison Blanche.

Une autre bête noire de Donald Trump, son ancien conseiller à la sécurité nationale lors de son premier mandat, John Bolton, a été inculpé le 16 octobre de divulgation et de rétention de documents relevant de la défense nationale.

James Comey était accusé d’avoir menti sous serment en niant, en réponse à une question d’un sénateur, avoir autorisé son adjoint à être cité sous couvert d’anonymat dans les médias sur des enquêtes sensibles conduites par le FBI. James Comey avait été brutalement limogé lors du premier mandat de Donald Trump en 2017, alors que la police fédérale enquêtait sur d’éventuelles ingérences russes dans la campagne présidentielle de 2016.

Letitia James était elle visée par deux chefs d’accusation de fausses déclarations lors de l’obtention d’un prêt bancaire. Letitia James avait fait condamner Donald Trump à une amende de près d’un demi-milliard de dollars en février 2024. Cette condamnation pour fraude a été annulée en août par une cour d’appel de l’Etat de New York, qui a estimé cette amende "excessive", une décision dont elle a fait appel.

© Brendan Smialowski and TIMOTHY A. CLARY / AFP

Montage photos avec l'ancien directeur du FBI James Comey et la procureure générale de l'Etat de New York Letitia James.

Guerre en Ukraine : la Hongrie de Viktor Orban, premier soutien du plan de paix de Donald Trump

24 novembre 2025 à 20:00

Un appui franc et massif à Donald Trump. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban affiche son soutien au plan controversé proposé par le président américain pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Annoncé la semaine dernière, ce projet en 28 points, dont la forme s’inspire du texte ayant permis de signer le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas à Gaza, inclut plusieurs mesures destinées à mettre fin au conflit meurtrier. Rédigé sans consultation des Européens, ce nouveau "plan Trump" prévoit par exemple la cession à Moscou de plusieurs territoires ukrainiens conquis par la Russie, ainsi que leur reconnaissance de facto par Washington. De faire craindre à Kiev – et aux principales puissances du Vieux Continent – une sorte de capitulation, près de quatre ans après de l’invasion russe de 2022.

Empêcher le versement d’une nouvelle aide européenne

Eurosceptique, Viktor Orban n’a jamais cessé de mettre en avant ses liens avec le Kremlin. Au début de l’été 2024, il s’était ainsi déplacé à Moscou pour rencontrer Vladimir Poutine, sans demander l’accord du reste des 27 pays membres de l’Union européenne. L’épisode avait suscité l’ire de nombre de ses homologues sur le continent. Aujourd’hui, le Premier ministre hongrois les exhorte à adhérer sans réserve au projet américain pour mettre un terme à la guerre en Ukraine. "Les Européens doivent soutenir immédiatement et sans condition l’initiative de paix des Etats-Unis", a-t-il écrit samedi dans une lettre envoyée à Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne.

Dans ce document, révélé par Politico, le conservateur enjoint par ailleurs l’UE à "entamer des négociations autonomes et directes avec la Russie". Viktor Orban, dont les relations avec Kiev sont glaciales, voit surtout dans ce plan une opportunité pour gêner l’envoi d’une nouvelle aide financière de l’UE à l’Ukraine. En effet, les différents pays européens planchent depuis plusieurs mois sur l’utilisation d’avoirs gelés russes, qui pourraient servir à verser 140 milliards d’euros de nouveaux fonds à Kiev sous forme de "prêt de réparation". "[La Hongrie] ne soutient pas l’envoi par l’Union européenne d’une aide financière supplémentaire à l’Ukraine sous quelque forme que ce soit", précise de cette manière Viktor Orban dans sa lettre.

Relations glaciales entre Kiev et Budapest

Le chef de file du Fidesz, au pouvoir à Budapest depuis plus de 15 ans, s’est montré ces derniers mois particulièrement rétif à toute nouvelle aide financière européenne. Début octobre, lors d’un sommet informel à Copenhague (Danemark), il avait critiqué ce principe, qualifiant l’Ukraine de "pays qui n’a pas l’argent pour s’entretenir lui-même". Un mois plus tard, il avait également fait part de sa volonté de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour "porter plainte" après la décision de l’UE actant un embargo total en Europe sur les hydrocarbures russes d’ici à 2027. Une hérésie selon Viktor Orban, dont le pays demeure extrêmement dépendant du pétrole et du gaz russe – des ressources qui permettent à Moscou de financer sa guerre.

La position de la Hongrie au sujet de ce plan Trump reste minoritaire en Europe. Comme dévoilé par Reuters dimanche, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont élaboré une contre-proposition d’un plan de paix sur la base de la mouture proposée par le milliardaire républicain. Ce week-end, le chancelier allemand Friedrich Merz a fait part de sa circonspection sur une éventuelle percée des "négociations" vers une trêve en Ukraine. "Je ne suis pas encore convaincu que les solutions souhaitées par le président Trump seront trouvées dans les prochains jours", a ajouté le dirigeant depuis le sommet du G20 à Johannesburg (Afrique du Sud).

Giorgia Meloni défend aussi le plan Trump

Le président américain avait initialement dit attendre une réponse favorable de Volodymyr Zelensky à son plan d’ici à jeudi. Pour accélérer les discussions, plusieurs hauts responsables ukrainiens et américains, dont le secrétaire d’État Marco Rubio et l’envoyé spécial de Donald Trump, Steve Witkoff, se sont réunis ces derniers jours à Genève (Suisse). Un rendez-vous qui a permis à Kiev d'"inclure des points extrêmement sensibles" dans les échanges, a assuré le président ukrainien, tout en soulignant que l’avènement d’une "paix réelle" nécessitait "beaucoup plus".

Viktor Orban n’est toutefois pas l’unique défenseur de la proposition américaine sur l’Ukraine. Réputée proche de Donald Trump, la Première ministre italienne Giorgia Meloni s’est désolidarisée ce lundi du plan alternatif conçu par les puissances du groupe E3 (France, Allemagne, Royaume-Uni). "Je ne pense pas que la question soit de travailler sur une contre-proposition complète", a-t-elle lancé depuis Luanda (Angola), en marge d’un sommet entre l’UE et l’Union africaine. "Il y a de nombreux points acceptables dans le plan que nous avons lu." Comme rapporté samedi par les médias du pays, le Premier ministre slovaque populiste Robert Fico, réputé proche du pouvoir russe, considère pour sa part que ce document constitue "une très bonne base" pour mener les tractations pour conclure la paix en Europe.

© afp.com/Ludovic MARIN

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban s'adresse à la presse à l'issue d'un sommet au Bella Center de Copenhague, au Danemark, le 2 octobre 2025.

Au large du Royaume-Uni, ces incursions russes à répétition qui testent l'Otan

24 novembre 2025 à 16:29

Les eaux territoriales britanniques semblent devenues des voies de navigation familières aux navires russes. Quelques jours après l’interception d’un bâtiment du ministère de la Défense russe, le Yantar, quelques semaines après celle d’un destroyer de 163 mètres lourdement équipé, le Koulakov, le secrétaire d’Etat à la Défense John Healey a annoncé dimanche 23 novembre que deux nouveaux bâtiments appartenant à la flotte de Moscou venaient d’être reconduits vers d’autres eaux. Après les avoir suivis au cours des deux dernières semaines, dans le détroit de Douvres et dans la Manche, le HMS Severn, un navire de patrouille de la Royal Navy, a escorté la corvette RFN Stoikiy ainsi que le pétrolier Yelnya vers les eaux internationales, où un bâtiment de l’Otan a pris le relais. Le ministre anglais a signalé une hausse de 30 % des incursions de navires russes dans les eaux britanniques au cours des deux dernières années.

La semaine passée, le Yantar, suspecté de cartographier les câbles sous-marins britanniques, avait été pris dans les filets de la marine britannique, mais non sans résistance. La frégate de la Royal Navy qui le suivait ainsi que plusieurs bateaux de la marine marchande ont vu leur GPS se brouiller. Les marins russes, selon les déclarations du ministre, ont même été jusqu’à diriger des faisceaux laser vers les pilotes de la Royal Air Force qui les survolaient. "Tout ce qui entrave, perturbe ou met en danger les pilotes aux commandes d’avions militaires britanniques est extrêmement dangereux", avait tempêté John Healey lors d’une conférence de presse. Avant d’ajouter : "Mon message à la Russie et à Poutine est celui-ci : on vous voit. On sait ce que vous faites." Healey a déclaré avoir modifié les règles d’engagement de la marine afin que les navires britanniques puissent suivre les navires russes de plus près, à une distance équivalente à celle d’un terrain de football.

Des dépenses militaires contraintes par les restrictions budgétaires ?

Fidèle à sa ligne de dénégation, la même que celle qui prévaut lors des récents survols de drones un peu partout en Europe, et récemment en France, Moscou a répondu par le biais de son ambassade à Londres que le gouvernement britannique cherchait à "attiser une hystérie militariste", et ajouté que le Yantar s’adonnait des activités de recherche océanographique…

Ces événements interviennent dans un contexte tendu pour le gouvernement de Keir Starmer, qui doit publier son nouveau budget mercredi. John Healey plaide en faveur d’une augmentation des dépenses de défense et le Premier ministre Keir Starmer s’est engagé en ce sens, mais le gouvernement doit également combler un déficit de plusieurs milliards de livres sterling. Ce qui n’est pas sans conséquences sur ses contributions au niveau européen : selon Politico, alors que Bruxelles demandait au Royaume-Uni d’abonder à hauteur de 4,5 à 6,5 milliards d’euros le fonds Safe (Security Action for Europe), qui prévoit 150 milliards d’euros pour financer en commun des achats d’armement européen, le Royaume-Uni n’aurait proposé… qu’entre 200 et 300 millions d’euros.

© afp.com/Handout

Photo d'archive du ministère russe de la Défense.
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