Service militaire volontaire : les inspirations européennes d’Emmanuel Macron
Trente ans après sa suppression par Jacques Chirac, le service militaire fait son retour en France. Emmanuel Macron en a annoncé les contours, ce jeudi 27 novembre, sur la base militaire de Varces, en Isère : il se fera sur la base du volontariat, pendant une durée de 10 mois et accueillera 3 000 jeunes dès l’été 2026. Alors que la menace russe s’accentue, le président dit accélérer la réforme de notre armée, qui compte 200 000 militaires d’active et bénéficiera, avec ce service national, "d’un appui en profondeur, au cœur de la nation", selon le chef de l’Etat.
En coulisses, l’Elysée explique que la France rejoint seulement le grand mouvement européen d’appel sous les drapeaux. "On regarde chez nos voisins et une grande partie d’entre eux ont un service militaire, obligatoire ou non, souligne un conseiller du président : soit ils l’ont maintenu, soit ils l’ont rétabli, soit ils sont en train de le rétablir, ce qui correspond à l’état des menaces qui pèsent sur nous, partenaires européens." Les équipes françaises ont notamment observé de près les pays du nord de l’Europe, comme la Norvège, et en discutent régulièrement avec leurs homologues allemands, qui tentent eux aussi de réinstaurer le service militaire.
Norvège : un service militaire prestigieux
Début 2024, la princesse Ingrid Alexandra de Norvège a fait la fierté de sa famille (royale) : à 19 ans, la deuxième dans la ligne de succession au trône a été sélectionnée pour réaliser son service militaire. Un honneur, après un processus de sélection encore plus rigoureux que celui des meilleures universités du pays. Chaque année, l’armée norvégienne appelle environ 11 000 jeunes sous les drapeaux, hommes et femmes, pour une durée comprise entre 12 et 19 mois. Face à la menace russe, en 2024, les autorités norvégiennes ont entrepris d’augmenter de 50 % le nombre de conscrits d’ici à 2036.
Si la conscription est obligatoire pour tous les Norvégiens de 19 à 44 ans, la taille de leur armée (23 000 soldats) ne permet d’accueillir que les profils les plus recherchés et les plus performants. "Les armées modernes n’ont pas forcément besoin de masse, mais de soldats extrêmement compétents et d’une population entraînée en cas d’attaque", pointe une source militaire française. Ce modèle norvégien inspire toute l’Europe, dont Emmanuel Macron, puisqu’un quart des jeunes conscrits décident ensuite de faire carrière dans l’armée.
Suède : une sélection plus rigoureuse et ouverte aux femmes
Le premier pays à s’être inspiré du modèle norvégien est aussi son plus proche voisin, la Suède. Après avoir supprimé le service militaire en 2010, Stockholm l’a remis en place en 2018 et vient de l’étendre aux femmes, avec un processus de sélection digne des meilleures écoles : un quart des 110 000 jeunes suédois sont appelés chaque année pour réaliser des tests physiques et intellectuels, puis les meilleurs d’entre eux effectuent entre 9 et 15 mois de service militaire.
"La loi suédoise précise que la sélection ne se fait pas en fonction de votre volonté de faire votre service, mais en fonction de vos compétences, explique David Bergman, chercheur à l’Université de défense de Suède. C’est un processus complet qui repose sur l’aptitude, au moyen de tests physiques, psychologiques et d’évaluation de l’intelligence. Il permet de recruter aussi bien des cuisiniers que des conducteurs de char, des chefs d’escouade ou des sous-mariniers." Par classe d’âge, ils sont ainsi 8 000 Suédois à suivre une formation militaire, soit deux fois plus qu’il y a sept ans. Objectif : 12 000 conscrits d’ici à 2032.

Danemark : le service militaire étendu, symbole d’un changement de cap
Longtemps, Copenhague a été l’un des mauvais élèves de l’Otan, avec seulement 1,37 % de son PIB consacré à la Défense en 2022. "Mais le Danemark a complètement changé sa posture militaire", indique Izabela Surwillo, spécialiste des questions de Défense au Danish Institute for International Studies. Ses dépenses militaires ont atteint 2 % de son PIB en 2024 et devraient atteindre 3,2 % en cette fin d’année 2025.
Symbole de ce revirement, l’évolution du service militaire votée le 1er juillet dernier : à compter de 2027, la conscription obligatoire s’ouvre aux femmes et passe de 4 à 11 mois. Tous ceux d’une classe d’âge tirés au sort doivent se rendre sous les drapeaux, ce qui concerne pour l’heure 4 700 Danois chaque année. L’objectif est d’atteindre 6 500 conscrits d’ici à 2033. "Pour l’instant au Danemark, l’engagement de la société est en retard par rapport aux engagements militaires, avec un discours public encore timide à propos de l’armée et des lacunes importantes dans les infrastructures, soulève Izabela Surwillo. Ce changement va de pair avec l’idée que toute la nation doit se rassembler face aux menaces."
Allemagne : un plan similaire à celui de la France
Deux semaines avant les annonces d’Emmanuel Macron, le gouvernement allemand dévoilait son propre projet de service militaire volontaire : d’une durée de douze mois, il doit concerner 20 000 jeunes Allemands dès l’été 2026. L’Allemagne met les moyens pour attirer les conscrits : un salaire de 2 600 euros brut et la possibilité pour chaque engagé de passer son permis de conduire pendant son séjour à l’armée. "Les Allemands réinstaurent un service militaire davantage pour répondre à un besoin de recrutement, pose une source militaire française. Or, nous n’avons pas ce genre de difficulté puisque nous recrutons chaque année les jeunes que l’on souhaite." Le salaire des appelés français devrait davantage tourner autour de 1 000 euros par mois.
En Allemagne, tous les hommes de 18 ans auront l’obligation de remplir un questionnaire, afin de déterminer leurs compétences et leur volonté de servir dans l’armée. Les femmes, elles, peuvent le faire de manière volontaire. L’objectif : avoir 30 000 conscrits chaque année d’ici à 2030, date évoquée par les services de renseignements allemands pour une entrée en guerre de la Russie contre l’Otan. Les débats au Bundestag doivent débuter le 4 décembre.
Belgique : donner l’envie de servir
Début novembre, 149 000 Belges âgés de 17 ans ont reçu un courrier à leur domicile : "Félicitations ! L’année prochaine, vous aurez 18 ans : une étape importante et un moment décisif pour votre avenir. Le ministère de la Défense vous offre d’ores et déjà une opportunité unique : l’année de service militaire volontaire." Toutefois, les places sont chères pour ce retour de la conscription chez nos voisins, qui l’avait arrêtée en 1995 : seules 500 sont disponibles pour l’année prochaine, avec un salaire de 2 100 euros net par mois.

© AFP