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Reçu aujourd’hui — 4 décembre 2025 L'Express

Camps de "rééducation" : Kiev accuse Moscou d’envoyer des enfants ukrainiens en Corée du Nord

4 décembre 2025 à 15:26

L'Ukraine a accusé jeudi 4 décembre la Russie d'envoyer vers des camps de "rééducation" en Corée de Nord des enfants ukrainiens "enlevés" par Moscou dans les territoires occupés par l'armée russe. Dans un communiqué, le médiateur ukrainien pour les droits humains, Dmytro Loubinets, a évoqué de nouvelles "informations" faisant état de l'existence de camps en Corée du Nord où des enfants ukrainiens sont soumis, selon lui, à une "russification" et une "militarisation" forcées.

"Chaque enfant doit être retrouvé, protégé et ramené chez lui. Les enfants ukrainiens ne peuvent pas être des armes entre les mains de l'agresseur", a plaidé Dmytro Loubinets.

165 "camps de rééducation"

La veille, lors d'une audition devant le Sénat américain, Kateryna Rachevska, une responsable d'une ONG ukrainienne, Regional Center for Human Rights, a déclaré que son organisation avait recensé 165 "camps de rééducation" pour enfants ukrainiens enlevés par Moscou. Selon elle, ces lieux se trouvent dans les territoires ukrainiens occupés, en Russie, au Bélarus et en Corée du Nord.

Kateryna Rachevska a affirmé que, selon son ONG, deux enfants venant respectivement de la Crimée annexée et de la partie de la région de Donetsk sous contrôle russe avaient notamment été envoyés dans un camp à Songdowon, en Corée du Nord, à 9 000 km de l'Ukraine. "On y enseignait aux enfants à 'détruire les militaristes japonais' et ils ont rencontré des anciens combattants (nord-coréens, NDLR) qui avaient attaqué en 1968 le navire Pueblo de l'US Navy", a-t-elle affirmé, une attaque qui avait alors suscité une crise entre Washington et Pyongyang.

Moscou assure avoir sauvé ces enfants

L'Ukraine accuse la Russie d'avoir enlevé au moins 20 000 enfants ukrainiens depuis le début de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine, en février 2022, et que seuls 1 850 d'entre eux ont pu être récupérés.

En 2023, la Cour pénale internationale a émis un mandat d'arrêt contre Vladimir Poutine pour la "déportation illégale" d'enfants des zones occupées d'Ukraine vers la Russie. Moscou dément ces accusations, assurant avoir sauvé ces enfants de la guerre et avoir mis en place des procédures pour les réunir avec leurs familles.

L'Assemblée générale de l'ONU a appelé mercredi au retour immédiat et inconditionnel des enfants ukrainiens "transférés de force" en Russie, une question sensible dans les très difficiles négociations en cours sur un éventuel accord entre Kiev et Moscou pour trouver une issue au conflit, le plus meurtrier en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale.

© © Adrien Vautier / Le Pictorium

Le 22 mars 2023, à Kiev. Nikita 10 ans, Dyana, 14 ans et Yana 11 ans débarquent tout juste après plus de 5 mois de déportation côté russe. Ils avaient disparu sans bruit, dans la tourmente de la guerre, le vendredi 07 octobre 2022 à Kherson. Les déportations illégales de petits Ukrainiens, qui valent à Vladimir Poutine un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale, concernent plus de 16 000 mineurs identifiés emmenés sur le sol russe ou dans les territoires occupés. Mais en réalité, les autorités ignorent combien d'enfants doivent être recherchés.

Cryptos, Bourses, gestionnaires d’actifs… Bientôt un super gendarme financier européen ?

4 décembre 2025 à 13:11

Confier à un puissant gendarme la surveillance d’une large partie des acteurs financiers de l’UE : c’est la mesure phare d’un projet dévoilé ce jeudi 4 décembre par Bruxelles qui pourrait bouleverser la régulation financière du continent, en quête d’autonomie face aux Etats-Unis de Donald Trump. La Commission européenne a détaillé une série de propositions visant à confier à l’autorité européenne des marchés financiers Esma (une agence ayant pour l’instant un simple rôle de coordination) des pouvoirs renforcés au détriment des régulateurs nationaux.

Un premier pas vers la création d’un marché des capitaux européen unifié, à même de rivaliser avec les autres puissances financières mondiales, selon Bruxelles. "Ne pas agir ne mènera qu’à une voie : une Europe qui investit trop peu, croît trop lentement et se fait distancer sur le plan géopolitique", a déclaré la Commissaire aux Services financiers Maria Luis Albuquerque, lors d’une conférence de presse.

Des Etats trop laxistes

Le projet envisage de transférer à l’Esma la supervision et l’octroi des licences d’exercice pour les prestataires de services liés aux cryptomonnaies. Ce rôle revient pour le moment aux autorités nationales, mais certains Etats sont accusés d’être trop laxistes. L’Esma a relevé des manquements à Malte, où le secteur est florissant, et qui s’oppose logiquement à toute centralisation.

L’institution aurait aussi la charge de surveiller toutes les infrastructures de marchés "significatives", c’est-à-dire ayant une taille suffisamment importante ou des activités transfrontalières. Cela concernerait les places boursières, mais aussi les chambres de compensation qui servent d’intermédiaire pour sécuriser et réaliser des transactions, ou les dépositaires centraux qui les enregistrent. L’Esma aurait enfin un "rôle de surveillance renforcé" des "grands groupes de gestion d’actifs". Elle pourrait aller jusqu’à suspendre les permis européens des fonds en cas de manquement grave de leur gestionnaire et d’inaction des autorités locales.

Pour assurer ces missions, l’Esma, qui réunit les représentants des autorités nationales avec un rôle surtout consultatif, serait dotée d’un nouvel exécutif indépendant, avec des pouvoirs renforcés.

Le projet pourrait provoquer un vif débat entre Etats membres. Si la France pousse pour donner plus de pouvoir à l’Esma, basée à Paris, le Luxembourg, place forte de la gestion d’actifs en Europe, tient à conserver une régulation nationale adaptée aux demandes locales. L’Allemagne qui cherche à préserver la place de Francfort, se dit favorable "à un renforcement de la convergence", mais veut que cela "apporte une valeur ajoutée", selon son ministère des Finances.

© afp.com/JAMES ARTHUR GEKIERE

La Commission européenne veut créer un super gendarme financier.

L’Union européenne ouvre la porte à une nouvelle génération d’OGM non "transgéniques"

4 décembre 2025 à 12:57

Les députés européens et les Etats membres ont scellé un accord dans la nuit du mercredi 3 au jeudi 4 décembre pour développer les plantes issues de nouvelles techniques génomiques (NGT) dans l’agriculture au sein de l’UE.

Qualifiées de "nouveaux OGM" par leurs détracteurs, ces NGT permettent de modifier le génome d’une plante mais sans introduire d’ADN étranger, contrairement aux OGM de première génération. Les semences obtenues par NGT sont donc bien des organismes génétiquement modifiés mais ne sont pas "transgéniques".

Les gros syndicats agricoles soutiennent ces techniques pour développer des variétés plus résistantes aux aléas climatiques et moins gourmandes en engrais. L’eurodéputée suédoise Jessica Polfjärd (PPE, droite), rapporteure de ce texte, s’est réjouie d’une "avancée majeure". "Cette technologie permettra de cultiver des plantes résistantes au changement climatique et d’obtenir des rendements plus élevés sur des surfaces plus réduites", a-t-elle assuré. Le centriste français Pascal Canfin a lui aussi salué une "excellente nouvelle", avec "davantage de solutions pour lutter contre les pénuries d’eau, la sécheresse, la hausse des températures".

Pas d’autorisation dans l’agriculture biologique

Le compromis assouplit les règles actuelles pour une partie des NGT, dits de catégorie 1 qui, sous réserve d’un nombre limité de mutations, seront considérés comme équivalents aux variétés conventionnelles. Les NGT résistantes aux herbicides ou produisant des insecticides ne seront pas autorisées sur le marché, au nom de la durabilité. Et dans l’agriculture biologique, aucune NGT ne sera autorisée.

L'autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) s'était montrée favorable à l'approche de Bruxelles visant à autoriser une partie des NGT. Plus prudente, l'agence sanitaire française, l'Anses, avait quant à elle préconisé dans un avis de 2024 une évaluation "au cas par cas" des "risques sanitaires et environnementaux" avant toute mise sur le marché.

Le débat sur ces biotechnologies est tendu en Europe, où cette édition génomique est aujourd’hui classée dans la catégorie des OGM, tous interdits à la culture, à l’exception du maïs Monsanto 810, cultivé sur de petites surfaces en Espagne et au Portugal. La simplification des règles était réclamée par la puissante organisation agricole Copa-Cogeca, comme par les grands semenciers, au nom de la compétitivité européenne face aux Etats-Unis et à la Chine, qui autorisent les NGT. Le Copa-Cogeca, qui regroupe les syndicats agricoles majoritaires, appelait à "libérer le potentiel" des NGT afin de placer "l'Europe sur un pied d'égalité avec ses principaux concurrents". 

"On joue aux apprentis sorciers"

Des organisations environnementales et le secteur de l’agriculture biologique dénoncent à l’inverse une pente dangereuse qui pourrait faire "courir des risques majeurs pour notre agriculture et notre alimentation", avance l’ONG Pollinis. L’une de ses responsables Charlotte Labauge pointe notamment l’absence d’étiquetage dans les produits finaux, "une atteinte grave aux droits fondamentaux des consommateurs", estime-t-elle. Selon l’accord, la présence de NGT de catégorie 1 devra figurer sur les sacs de semences achetés par les agriculteurs, mais pas dans l’étiquetage du produit final.

Les débats se sont éternisés pendant plusieurs mois au sein de l’Union européenne sur cette question de la traçabilité ainsi que sur les brevets dont pourront bénéficier ces NGT. Des Etats redoutaient que ces brevets viennent déstabiliser le secteur agricole. Des ONG mettent aussi en garde contre une concentration de brevets onéreux aux mains de multinationales, au détriment de petits agriculteurs.

Au Parlement, le socialiste français Christophe Clergeau a critiqué le compromis scellé dans la nuit. "On joue aux apprentis sorciers, on enlève aux consommateurs leur liberté de choix" et "on jette les agriculteurs dans les bras de grands groupes internationaux", a-t-il affirmé auprès de l’AFP.

Cet accord, notamment soutenu par le Danemark, qui occupe la présidence tournante de l’Union européenne jusqu’à fin décembre, doit désormais être approuvé une dernière fois par les Etats membres et le Parlement européen, pour entrer en vigueur. Entre la phase de test des nouvelles variétés et leur commercialisation, il faudra plusieurs années avant que des aliments produits avec des NGT arrivent dans les assiettes des Européens.

© afp.com/JOEL SAGET

Récolte du blé à Saint-Philbert-sur-Risle, dans l'Eure, le 15 août 2021

"Vladimir Poutine savoure la situation" : les négociations sur l’Ukraine vues de l’étranger

4 décembre 2025 à 12:31

Alors que les négociateurs américains font depuis plusieurs jours des allers-retours entre Vladimir Poutine et les équipes ukrainiennes, de New York à Londres, les analyses de la presse anglophone semblent converger vers une conclusion : les pourparlers de paix pilotés depuis Washington butent surtout sur Vladimir Poutine, tandis que la Maison-Blanche de Donald Trump fait face à des choix qui pourraient laisser l’Ukraine encore plus isolée.

Le New York Times rappelle d’abord l’échec du calendrier fixé par Donald Trump : "Le président voulait que Moscou et Kiev parviennent à un accord d’ici Thanksgiving". Un ultimatum politique qui s’est rapidement heurté à la réalité d’un Kremlin inflexible et d’une Ukraine incapable d’accepter les concessions exigées, concernant notamment certains des territoires actuellement occupés par les troupes russes, que les deux camps refusent de céder.

Résultat : Donald Trump se retrouve "face à un ensemble de choix difficiles, mais familiers", estime le quotidien américain. Celui-ci évoque un dilemme désormais assumé à Washington : faire pression sur Kiev ou reconnaître l’échec d’une stratégie menée à marche forcée. Après une rencontre organisée mardi à Moscou entre Steve Witkoff, Jared Kushner et Vladimir Poutine, considérée par beaucoup comme un échec, une délégation ukrainienne retrouve ce jeudi 4 décembre les négociateurs de Donald Trump, faisant tout de même subsister l’espoir d’un certain progrès.

Quelle que soit l’issue, il semble désormais clair que Donald Trump "devra attendre — peut-être des semaines, peut-être même au-delà du quatrième anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, fin février" juge le New York Times.

L’obstacle, c’est Poutine

Pour CNN, l’équation est encore plus simple. "Vladimir Poutine ne veut pas d’accord, et le fait qu’on le supplie d’en envisager un est pour lui une situation qu’il savoure" estime la chaîne de télévision progressiste américaine.

Même constat sans détour pour le quotidien britannique The Guardian, pour qui la possibilité d’un accord de paix se heurte à "un obstacle inévitable et insoluble : Poutine lui-même". Le quotidien britannique estime que la rencontre à Moscou n’a servi qu’à réitérer les exigences russes, en attendant que le rapport de force politique américain évolue au profit de la Russie. Avant de critiquer la diplomatie parallèle menée par des proches de Donald Trump. "Poutine ne veut pas voir Witkoff venir à Moscou pour mener ces discussions" pointe le média, relevant l’irritation du Kremlin face à une négociation menée par des "dealmakers" sans légitimité institutionnelle.

CNN détaille également les conséquences pour l’Ukraine. "On ne peut pas sous-estimer les dégâts causés au moral ukrainien", rappelle le média, soulignant qu’entre sanctions fluctuantes, menaces de couper l’aide militaire et déclarations contradictoires, Washington mine la résilience d’un pays déjà épuisé après quatre années de conflit.

La menace de l’échec américain

"Donald Trump est pris entre le marteau et l’enclume" tranche quant à lui The Telegraph, qui décrit un président acculé. D’un côté, par une Russie inflexible, et de l’autre par une Ukraine soutenue par des Européens qui refusent les concessions envisagées par Washington. Et de décrire un scénario que redoutent les Européens : "Il existe une réelle possibilité que Donald Trump décide de se retirer du cœur des négociations de paix et de se laver les mains de la guerre", pour se recentrer sur ses priorités intérieures ou sur d’autres dossiers internationaux, juge le journal.

Dans les médias anglophones, un même diagnostic se dessine donc : le Kremlin dicte fermement le tempo des négociations, convaincu que le temps joue en sa faveur, tandis que l’Ukraine paie le prix de l’imprévisibilité américaine et des signaux contradictoires envoyés par la Maison-Blanche. Donald Trump, qui cherche une victoire rapide à afficher, voit au contraire s’éloigner la perspective d’un accord.

© AFP

Le Guardian pointe l’irritation du Kremlin face à une négociation menée par des "dealmakers" sans légitimité institutionnelle.

Condamnation de Christophe Gleizes en Algérie : Emmanuel Macron promet d’agir pour "sa libération"

4 décembre 2025 à 10:10

Emmanuel Macron a "appris avec une profonde inquiétude la condamnation en appel" à sept ans de prison du journaliste français Christophe Gleizes en Algérie, a déclaré ce jeudi 4 décembre l’Elysée. "Il lui adresse ses pensées ainsi qu’à sa famille. Nous continuerons d’agir auprès des autorités algériennes pour obtenir sa libération et son retour en France dans les plus brefs délais", a ajouté la présidence française au lendemain de la décision de justice.

Emprisonné depuis juin pour "apologie du terrorisme", le journaliste sportif, collaborateur des magazines So Foot et Society, a vu mercredi sa peine de sept ans d’emprisonnement confirmée.

"On regrette cette décision. Dont acte. […] Il y a des discussions en cours, on va les poursuivre avec la partie algérienne" et la question de la libération de Christophe Gleizes "sera un élément déterminant", a de son côté commenté le ministre de l’Intérieur sur France 2. "Nous allons peser de tout notre poids pour obtenir la libération" de Christophe Gleizes, et ce sera "un élément majeur des discussions en cours", a insisté Laurent Nuñez.

Christophe Gleizes, 36 ans, s’était rendu en Algérie en mai 2024 pour un article sur le club de football le plus titré du pays, la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK), basé à Tizi Ouzou, à 100 kilomètres à l’est d’Alger. Arrêté le 28 mai 2024 et placé sous contrôle judiciaire, il avait été condamné en juin dernier pour "apologie du terrorisme" en première instance à sept ans de prison et est depuis incarcéré.

Appel à une grâce présidentielle

Cette première condamnation avait été prononcée au pic d’une grave crise entre la France et l’Algérie, marquée notamment par le retrait des deux ambassadeurs et des expulsions réciproques de diplomates. Christophe Gleizes dispose désormais d’une semaine pour se pourvoir en cassation.

"On appelle à la grâce présidentielle, on appelle à la libération dès demain", a déclaré ce jeudi sur France Inter Maxime Gleizes, frère cadet du journaliste. "Avec la diplomatie entre la France et l’Algérie qui semblait s’apaiser, on avait beaucoup d’espoir […] On a cru à sa libération hier soir, et là, on a ce sentiment d’avoir été menés en bateau", a-t-il déploré. "J’ai l’impression d’être un peu Don Quichotte qui se bat contre les moulins à vent, mais on est encore là […] et donc on se mobilise", a-t-il ajouté.

"La grâce présidentielle serait la possibilité de liberté la plus proche", a-t-il expliqué. La stratégie reste toutefois incertaine. "Si on passe en cassation, une grâce présidentielle pourrait aussi être possible… Mais il faudrait arrêter la procédure de cassation. Donc on est en discussion avec RSF, So Press (le groupe pour lequel travaille le journaliste, ndlr) et ma famille pour savoir quelle sera la meilleure procédure", a-t-il précisé.

Sur RTL, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, libéré le mois dernier après près d’un an d’incarcération en Algérie, s’est dit quant à lui "effondré parce que l’État algérien n’avait pas besoin de poursuivre dans cet acharnement" et a dénoncé en Algérie "une dictature qui n’arrive pas à se corriger, à prendre des manières un peu plus civilisées". "Elle est brutale et méchante et cruelle", a-t-il jugé.

© afp.com/Handout

Le journaliste Christophe Gleizes, sur une photographie sans lieu ni date, diffusée le 30 janvier 2025 par sa famille

Ukraine : Donald Trump assure que Vladimir Poutine "veut mettre fin à la guerre"

4 décembre 2025 à 12:42

Donald Trump se veut rassurant : ses équipes ont eu "l’impression" au cours des derniers jours d’intenses pourparlers que "Vladimir Poutine veut mettre fin à la guerre", a déclaré mercredi le président américain. Une faible garantie qui pourrait ne pas s’avérer suffisante pour les responsables ukrainiens, qui rencontrent ce jeudi 4 décembre à nouveau l’émissaire américain Steve Witkoff. Pendant ce temps, le président français cherche le soutien de la Chine, seul pays à pouvoir influencer la Russie sur le sujet de l’Ukraine, durant une visite diplomatique en grande pompe à Pékin, qui durera jusqu’à vendredi.

Les infos à retenir :

⇒ Donald Trump assure que Vladimir Poutine "veut mettre fin à la guerre"

⇒ Emmanuel Macron demande à la Chine de coopérer sur l’Ukraine

⇒ Londres et Oslo vont traquer ensemble les sous-marins russes

Londres et Oslo vont traquer ensemble les sous-marins russes

Le Royaume-Uni et la Norvège ont signé ce jeudi un nouvel accord de coopération dans la défense, prévoyant d’opérer ensemble une flotte de frégates pour "traquer les sous-marins russes" en Atlantique Nord, face à l'exacerbation des tensions avec Moscou.

Cet accord intervient quelques mois après l’annonce de l’achat par la Norvège d’au moins cinq frégates de Type 26 du groupe britannique BAE Systems, pour un montant de 10 milliards de livres (11,5 milliards d’euros). Il "porte (notre relation) à un niveau encore supérieur", s'est félicité le Premier ministre britannique Keir Starmer, qui a reçu son homologue norvégien Jonas Gahr Støre à Downing Street. Ce dernier a loué un partenariat "très important". "Nous partageons une vision très similaire des défis de sécurité qui nous attendent, et nous voulons les anticiper et non les subir", a-t-il insisté.

Avec cet accord, les deux pays opéreront bientôt de façon "interchangeable" une flotte d’au moins 13 frégates, huit Britanniques et celles commandées par Oslo. Capable de "se déployer rapidement où que ce soit", elle veillera notamment à "traquer les sous-marins russes et protéger les infrastructures critiques britanniques", et patrouillera entre le Groenland, l'Islande et le Royaume-Uni, afin notamment de défendre les câbles sous-marins, électriques et les gazoducs, essentiels à la sécurité de l'Europe.

Infrastructures attaquées en Ukraine : Berlin promet une nouvelle aide malgré un scandale de corruption

L''Allemagne a promis jeudi une aide supplémentaire de 100 millions d'euros à l'Ukraine pour réparer ses infrastructures énergétiques attaquées par la Russie mais veillera "strictement" à son utilisation, en plein scandale de corruption qui ébranle le gouvernement de Kiev.

Ces 100 millions d'euros seront transférés par le ministère allemand de l'Économie et de l'Énergie, via la banque publique KfW, au Fonds de soutien énergétique de l'Ukraine (UESF), fondé en 2022. S'ajoutant à une autre aide récente de 60 millions d'euros, la contribution allemande atteindra au total 550 millions d'euros d'ici fin 2025, la plus importante du fonds, ajoute le communiqué.

En Ukraine, les habitants sont confrontés quotidiennement à des coupures de courant et de chauffage à cause des frappes russes sur le réseau énergétique. Les efforts pour soutenir les infrastructures d'énergie en Ukraine se sont néanmoins compliqués avec l'éclatement d'un scandale de détournement de fonds dans le secteur, affaiblissant considérablement le président ukrainien Volodymyr Zelensky en pleine invasion russe.

Vladimir Poutine fera son bilan de l'année le 19 décembre

Vladimir Poutine fera son "bilan de l'année" le 19 décembre en répondant à des questions de journalistes et de citoyens, a annoncé jeudi le Kremlin, près de quatre ans après le début de l'offensive russe contre l'Ukraine et en pleine activité diplomatique pour trouver une issue au conflit.

"Le chef de l'Etat fera en direct le bilan de l'année écoulée et répondra aux questions des journalistes et des habitants de notre pays", a indiqué la présidence russe dans un communiqué, précisant que l'événement débutera à 10h00. Cet exercice dure généralement plusieurs heures. Le dirigeant répond à des questions sur toutes sortes de sujets, qu’il s'agisse de géopolitique, de politique intérieure ou de problèmes locaux d'infrastructure ou du quotidien des Russes.

Le face-à-face de Vladimir Poutine avec la presse est organisé depuis 2001, un an après son arrivée au pouvoir au Kremlin. Il n'avait pas eu lieu entre 2008 et 2012, quand il occupait le poste de Premier ministre.

La Turquie appelle Kiev et Moscou à épargner les infrastructures énergétiques

La Turquie a prié la Russie et l'Ukraine de "laisser les infrastructures énergétiques en dehors de la guerre", après des attaques ukrainiennes contre un terminal pétrolier russe et des navires de la flotte fantôme utilisée par Moscou pour contourner les sanctions occidentales.

"Nous disons à toutes les parties, en Russie et en Ukraine: laissez les infrastructures énergétiques en dehors de cette guerre, car cela a un impact fort sur le quotidien des populations", a répété le ministre turc de l'Énergie Alparslan Bayraktar à plusieurs journalistes, dont une correspondante de l'AFP.

Citant les attaques russes et ukrainiennes contre les infrastructures du camp ennemi, le ministre turc a jugé nécessaire de "maintenir les flux énergétiques ininterrompus en mer Noire, dans nos détroits, ainsi que dans les pipelines", avertissant que toute perturbation aurait des répercussions sur les marchés mondiaux.

Vladimir Poutine veut la paix, selon Donald Trump

Donald Trump a assuré mercredi 3 décembre que ses équipes avaient eu "l’impression" que le président russe "voulait mettre fin à la guerre", au lendemain d’une "très bonne rencontre" à Moscou entre le président russe et son émissaire Steve Witkoff. Le président américain n’a toutefois pas donné de précision sur la suite des négociations. "Ce qui ressortira de cette rencontre ? Je ne peux pas vous le dire", a-t-il d’ailleurs tempéré.

Depuis deux semaines, Washington cherche à faire adopter un plan pour mettre fin à la guerre. Mais la recherche d’un compromis est très difficile, alors que sur le front l’armée russe continue d’avancer lentement malgré des pertes considérables. Les tractations continuent ce jeudi avec une rencontre en Floride entre le négociateur ukrainien Roustem Oumerov et Steve Witkoff, qui sera accompagné par le gendre du président Jared Kushner.

Emmanuel Macron presse la Chine sur l’Ukraine

Le président français Emmanuel Macron a pressé jeudi son homologue chinois Xi Jinping d’oeuvrer à mettre fin à la guerre en Ukraine, lors d’une visite en grande pompe à Pékin. "Nous devons continuer à nous mobiliser en faveur de la paix et de la stabilité dans le monde. Et de l’Ukraine aux différentes régions du monde qui sont touchées par la guerre, la capacité que nous avons à œuvrer ensemble est déterminante", a déclaré Emmanuel Macron après un entretien restreint et avant des discussions en format élargi. "J'espère que la Chine pourra se joindre à notre appel et à nos efforts pour parvenir dans les meilleurs délais à tout le moins à un cessez-le-feu", a-t-il aussi dit plus tard, lors d'une apparition commune devant les médias.

Xi Jinping a de son côté rejeté fermement toute part de responsabilité dans la crise ukrainienne. "La Chine soutient tous les efforts pour la paix" et "continuera à jouer un rôle constructif pour une solution à la crise", a-t-il dit. "En même temps, elle s'oppose fermement à toute tentative irresponsable visant à rejeter la faute ou à diffamer quiconque", a-t-il ajouté alors qu'Emmanuel Macron n'a publiquement formulé aucun grief.

L'ONU réclame le retour des enfants ukrainiens enlevés

L’Assemblée générale de l'ONU a appelé mercredi au retour immédiat et inconditionnel des enfants ukrainiens transférés de force en Russie, un point particulièrement sensible dans les négociations autour d’un éventuel accord de paix entre Kiev et Moscou. La résolution, non contraignante, a été adoptée par 91 voix pour, 12 contre – dont la Russie – et 57 abstentions. Elle exige que Moscou assure "le retour rapide, sûr et inconditionnel de tous les enfants ukrainiens transférés ou déportés de force". Elle appelle également la Russie à mettre fin immédiatement à toute pratique de transfert forcé, de déportation, de séparation familiale ou d’endoctrinement d’enfants ukrainiens.

L’Ukraine accuse la Russie d’avoir enlevé au moins 20 000 enfants ukrainiens depuis le début de la guerre, l'"opération d’enlèvements d’Etat la plus importante de l’histoire" a déclaré à la tribune avant le vote la vice-ministre ukrainienne des Affaires étrangères Mariana Betsa, notant que plus de 1 850 d’entre eux avaient pu être récupérés.

Les Européens jugent possible une guerre avec la Russie

51 % des Européens jugent qu’il y a un risque élevé ou "très élevé" que la Russie puisse entrer en guerre avec leur pays dans les prochaines années, selon un sondage publié jeudi par la revue française Le Grand Continent. "La Russie représente donc, de très loin, la menace de guerre étatique la plus structurante dans l’opinion européenne", analyse la publication rattachée à l’Ecole normale supérieure française.

Le sondage a été effectué dans neuf pays de l’UE (France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Pologne, le Portugal, la Croatie, la Belgique et les Pays-Bas) sur plus de 9 000 personnes en tout. En Pologne, frontalière de la Russie et de son allié biélorusse, 77 % des sondés considèrent ce risque comme élevé ou très élevé. Ils sont 54 % en France ou 51 % en Allemagne. A l’opposé des Polonais, 65 % des sondés italiens jugent le risque faible ou inexistant.

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Donald Trump a assuré mercredi 3 décembre que ses équipes avaient eu "l’impression" que le président russe "voulait mettre fin à la guerre".

"Signal Gate" : le chef du Pentagone accusé d’avoir mis l’armée américaine en danger

4 décembre 2025 à 09:44

Un organe indépendant au sein du Pentagone a estimé que le ministre américain de la Défense Pete Hegseth avait mis ses propres troupes en danger en utilisant en mars dernier l’application de messagerie Signal pour discuter de frappes au Yémen, ont rapporté mercredi 3 décembre les médias américains. Les Etats-Unis avaient mené une campagne militaire début 2025 contre les rebelles houthis au nom de la protection de la liberté de navigation et du commerce international transitant par la mer Rouge.

Pete Hegseth n’est pas le seul à se voir reprocher l’usage de Signal : l’ancien conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, Mike Waltz, avait été écarté début mai, après les révélations d’un journaliste du magazine The Atlantic, ajouté par mégarde à un groupe de discussion sur Signal portant sur ces frappes.

Cette fois, l’enquête menée par un organisme indépendant au sein du ministère de la Défense a conclu que Pete Hegseth, inclus dans ce groupe de discussion, a mis l’armée en danger, selon les médias américains. La conversation contenait des messages dans lesquels Pete Hegseth dévoile l’heure des frappes quelques heures avant qu’elles n’aient lieu, mais aussi des informations sur les équipements militaires employés.

"L’affaire est close"

Une préoccupation majeure, selon les enquêteurs, est que si les détails de l’attaque à venir avaient été divulgués ou piratés à partir de l’application commerciale, qui n’est pas conçue pour transmettre des informations classifiées, les Houthis auraient pu savoir quand s’attendre à ce que les pilotes américains soient dans les airs, et leur tirer dessus. Le représentant Adam Smith, démocrate de haut rang au sein du Comité des services armés de la Chambre, a accusé dans un communiqué : "La façon dont Pete Hegseth a choisi de communiquer ces informations a mis les militaires en danger".

Pourtant, le porte-parole de Pete Hegseth a annoncé sur X que "les conclusions de l’enquête constituent "une exonération TOTALE" du ministre. Elle "démontre ce que nous savions depuis le début : aucune information classée secret n’a été partagée", a ajouté Sean Parnell, assurant que "l’affaire est close".

De fait, comme le précise la chaîne américaine ABC News, si le rapport de l’inspecteur général du ministère de la Défense a conclu que les informations partagées par Pete Hegseth avaient initialement été classifiées, il reconnaît également que "même si le partage d’informations aussi sensibles était potentiellement risqué, le secrétaire à la Défense a droit à certains pouvoirs de déclassification en vertu de la loi". Des sources ont donc déclaré au média américain que "bien que Hegseth ait violé les protocoles de sa propre agence, il n’a pas enfreint la loi".

Le Pentagone déjà sous le feu des critiques

Ces révélations surviennent au moment où le chef du Pentagone est déjà dans la tourmente médiatique, en raison de frappes menées par l’armée américaine dans le Pacifique mais surtout les Caraïbes, dans le cadre d’une campagne dite de lutte contre le narcotrafic, sans que des preuves n’aient été fournies sur des liens entre les bateaux visés et les cartels de drogue. L’administration du président Trump est critiquée pour ces frappes, dont la légalité est mise en doute par les experts. Au cœur de la récente polémique : une opération au cours de laquelle les forces américaines ont lancé une seconde salve contre un navire déjà touché, tuant des survivants. Au total, plus de 80 personnes ont été tuées dans cette campagne militaire.

Au Yémen, les frappes américaines ont cessé en mai, après un accord entre les Etats-Unis et les rebelles Houthis. Ces derniers avaient mené plusieurs opérations en mer Rouge contre des navires liés selon eux à Israël, ainsi qu’à ses plus proches alliés comme les Etats-Unis, disant ainsi soutenir les Palestiniens de Gaza, bombardés et assiégés par Israël après l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023.

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Dans une conversation Signal, Pete Hegseth avait dévoilé l'heure de frappes américaines au Yémen quelques heures avant qu'elles n'aient lieu, mais aussi des informations sur les équipements militaires employés. 

En Chine, Emmanuel Macron presse Xi Jinping sur l’Ukraine et les déséquilibres commerciaux

4 décembre 2025 à 08:14

Le président français Emmanuel Macron a pressé ce jeudi 4 décembre son homologue chinois Xi Jinping d’œuvrer à mettre fin à la guerre en Ukraine et à corriger les déséquilibres commerciaux, lors d’une visite en grande pompe à Pékin.

"Nous devons continuer à nous mobiliser en faveur de la paix et de la stabilité dans le monde. Et de l’Ukraine aux différentes régions du monde qui sont touchées par la guerre, la capacité que nous avons à œuvrer ensemble est déterminante", a déclaré Emmanuel Macron après un entretien restreint et avant des discussions en format élargi. "Nous avons, nous le savons, beaucoup de voies de convergence, nous avons parfois des désaccords, mais nous avons la responsabilité de savoir les dépasser, de trouver des mécanismes de coopération, de règlement des différends pour un multilatéralisme efficace auquel nous croyons", a ajouté le dirigeant français.

"J'espère que la Chine pourra se joindre à notre appel et à nos efforts pour parvenir dans les meilleurs délais à tout le moins à un cessez-le-feu", a-t-il aussi dit plus tard, lors d'une apparition commune devant les médias, pendant laquelle il a dit avoir "longuement évoqué" avec son homologue l'Ukraine, "menace vitale pour la sécurité européenne".

Pour sa part, Xi Jinping a assuré que la Chine entendait coopérer avec la France pour "écarter toute interférence" et "rendre le partenariat stratégique général entre la Chine et la France plus stable". Il a surtout rejeté fermement toute part de responsabilité dans la crise ukrainienne. "La Chine soutient tous les efforts pour la paix" et "continuera à jouer un rôle constructif pour une solution à la crise", a-t-il dit. "En même temps, elle s'oppose fermement à toute tentative irresponsable visant à rejeter la faute ou à diffamer quiconque", a-t-il ajouté alors qu'Emmanuel Macron n'a publiquement formulé aucun grief.

La Chine assure constamment vouloir la paix. Mais elle n’a jamais condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. Partenaire économique et politique primordiale de la Russie, elle est le premier pays acheteur de combustibles fossiles russes au monde, y compris de produits pétroliers, alimentant ainsi la machine de guerre. Des Européens l’accusent de fournir des composants militaires à Moscou. Lors de son précédent voyage à Pékin en 2023, Emmanuel Macron avait appelé Xi Jinping à "ramener la Russie à la raison". Le président chinois a réservé un traitement privilégié à son homologue russe Vladimir Poutine en septembre en l’invitant, avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un à un défilé militaire géant célébrant les 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Déficit commercial

Le président chinois, accompagné de son épouse Peng Liyuan, a reçu Emmanuel Macron et son épouse Brigitte dans le cadre monumental du Palais du peuple, décor des congrès du Parti communiste chinois. Ils ont écouté les hymnes nationaux et passé en revue la garde, avant d’être salués par des enfants auxquels Emmanuel Macron a adressé un baiser de la main.

Le chef de l’Etat français, arrivé mercredi soir, accompagné également par 35 dirigeants de grands groupes (Airbus, EDF, Danone..) et d’entreprises familiales, du luxe à l’agroalimentaire, a assisté à la signature d’un certain nombre de contrats. Il s’agit de la quatrième visite d’Etat en Chine d’Emmanuel Macron depuis qu’il a été élu président en 2017. Xi Jinping a lui-même été reçu en France en grande pompe en 2024 et l’Elysée présente le temps que Xi Jinping passera avec Emmanuel Macron d’ici à vendredi, y compris à titre privé, comme un signe de l’importance de la relation.

Cependant, les différends avec la France et, plus largement l’Europe, sont profonds. Outre le fait que l'Europe voudrait voir la Chine user de son influence pour mettre fin à la guerre à ses portes, les déséquilibres commerciaux constituent un autre lourd contentieux, avec les pratiques commerciales chinoises jugées déloyales, des voitures électriques à l'acier. La relation entre la Chine et l’Union européenne se caractérise par un déficit commercial massif (357,1 milliards de dollars) en défaveur de l’UE.

Investissements croisés

Emmanuel Macron semble avoir été entendu dans son appel à des investissements croisés, avec un partage de technologies comparable à celui opéré par les Européens et qui a contribué au décollage économique de Pékin, synonyme de création d'emplois et de valeur ajoutée. Une lettre d'intention a été signée en ce sens.

"Les deux parties se sont engagées à promouvoir le développement équilibré des relations économiques et commerciales bilatérales, à accroître les investissements réciproques et à offrir un environnement commercial équitable, transparent, non discriminatoire et prévisible pour les entreprises des deux pays", a dit Xi Jinping, dont le pays a livré en 2025 aux Etats-Unis une intense guerre commerciale aux retombées mondiales.

Comme en France en 2024, les deux couples présidentiels se retrouveront vendredi dans un cadre plus informel à Chengdu, dans la province du Sichuan (sud-ouest), berceau des pandas géants devenus des ambassadeurs de la Chine à travers le monde.

© afp.com/Ludovic MARIN

Le président chinois Xi Jinping et le président français Emmanuel Macron au Palais du Peuple à Pékin, le 4 décembre 2025

En Inde, la tournée de Vladimir Poutine qui bouscule l’idée d’une Russie isolée

4 décembre 2025 à 05:45

Avant même d’atterrir sur le sol indien ce jeudi 4 décembre, Vladimir Poutine peut se frotter les mains. Pour sa première visite dans la capitale indienne depuis le début de la guerre en Ukraine, à l’occasion du 23e sommet annuel Inde-Russie, le chef du Kremlin peut espérer signer de juteux contrats. Au programme : des discussions sur l’achat éventuel de davantage de systèmes antiaériens russe S400 et d’avions de chasse modernes Su-57 sur lesquels lorgne New Delhi alors que la Russie reste son principal fournisseur de matériel militaire. Egalement au menu, la question des approvisionnements russes en pétrole. Et pour cause : le vide laissé par les Européens a ouvert grand les vannes pour le sous-continent.

"L’Inde veut profiter de la décote sur le brut russe provoquée par les sanctions occidentales pour acheter du pétrole au-dessous du prix de marché international, pointe Julien Vercueil, économiste spécialiste de la Russie à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). La conséquence est tout à fait spectaculaire pour les exportations russes vers l’Inde : si l’on compare à 2021, elles ont au total été multipliées par plus de sept en 2024." Résultat, la Russie est devenue le premier fournisseur de brut de l’Inde, allant jusqu’à représenter près de 40 % de ses approvisionnements en 2025. Une manne que Moscou espère inscrire dans la durée, à l’heure où les pressions américaines sur New Delhi menacent de réduire ces livraisons.

Mais au-delà des contrats, ce voyage offre surtout une exceptionnelle vitrine au chef du Kremlin pour montrer qu’en dépit des sanctions occidentales, il continue d’entretenir, photos officielles à l’appui, des relations cordiales avec toute une partie du monde. "Le fait est que les sanctions contre la Russie n’ont pas réussi à porter un coup fatal à ses relations commerciales, note Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du centre Russie-Eurasie de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Bien que la Russie soit isolée par rapport à l’Europe, ce n’est pas le cas avec les pays du Sud global, avec lesquels les liens se sont même renforcés ces dernières années."

Relation avec le Sud global

L’Inde n’est pas seule sur la liste. Selon une étude publiée en novembre par l’Ifri, le volume des échanges commerciaux entre la Russie et plusieurs pays du Golfe, Emirats arabes unis et Arabie saoudite en tête, ou d’anciennes républiques soviétiques comme l’Arménie et la Géorgie, a augmenté depuis le début de la guerre. Entre 2019 et 2023, les échanges commerciaux entre Moscou et Abou Dhabi sont ainsi passés de 3,5 à 9,5 milliards de dollars, sur fond d’importation de technologie à double usage (civil et militaire) et d’implantation d’entreprises russes dans ce pays "dont les infrastructures et les services développés minimisent les risques juridiques et logistiques liés aux sanctions".

"Du point de vue économique, la Russie a maintenu des liens internationaux avec de nombreux pays du Sud global, souligne Julien Vercueil. Cela a été un facteur clé de l’adaptation à court terme de son économie à l’effet repoussoir de la guerre et des sanctions. Mais elle peine à aller plus loin que les échanges commerciaux et à attirer des investissements." "De nombreux pays se trouvent sur la corde raide entre l’envie de profiter de la situation et d’acheter des matières premières à bas prix, et dans le même temps la volonté de ne pas aller trop loin, pour éviter de s’aliéner l’Occident, qui reste le partenaire commercial principal", résume Tatiana Kastouéva-Jean.

"Une levée de son isolement"

Sur le front diplomatique, Moscou est toutefois sorti de son isolement. En témoignent les visites officielles effectuées en Russie par plus d’une soixantaine de chefs d’Etat ou de gouvernement depuis le début de la guerre en Ukraine. Si une majorité provient de pays du sud ou de l’espace post-soviétique, on y trouve aussi également quelques Européens. Comme le Premier ministre hongrois Viktor Orban, à trois reprises, dont la dernière fois le 28 novembre pour consolider ses approvisionnements en pétrole et gaz russe. Ou le Premier ministre slovaque Robert Fico, seul dirigeant d’un pays de l’Union européenne à avoir assisté aux commémorations du 80e anniversaire de la victoire contre l’Allemagne nazie, à Moscou le 9 mai 2025.

Encore mieux pour le président russe, le retour au pouvoir de Donald Trump a entériné un réchauffement inédit des relations avec Washington après la présidence Biden, avec en point d’orgue le sommet en Alaska en août dernier - la première visite de Vladimir Poutine aux Etats-Unis depuis 2015.

Poutine "a bénéficié d’une levée de son isolement, il a obtenu des photos avec le président Trump, il a obtenu un dialogue public, avait critiqué Volodymyr Zelensky un mois plus tard en interview. Et je pense que cela ouvre la voie à Poutine pour d’autres sommets et formats." Les multiples rencontres organisées depuis au Kremlin avec l’émissaire de Trump, Steve Witkoff, ne sauraient lui donner tort.

Renforcement des alliances traditionnelles

Moscou a en parallèle élevé à un niveau sans précédent ses partenariats avec ses alliés traditionnels. Au premier rang desquels la Chine, qui est aujourd’hui de loin son premier partenaire commercial et représente 30 % de ses exportations et 40 % des importations - notamment de semi-conducteurs et composants à double usage essentiels à la machine de guerre russe. Signe des temps, le chef du Kremlin était assis à la place d’honneur, à la droite du président Xi Jinping, pour assister en septembre, à Pékin, au défilé militaire commémorant la fin de la Seconde Guerre mondiale.

A ses côtés sur le tapis rouge, le leader nord-coréen Kim Jong-un, autre soutien crucial, avec lequel Poutine avait signé un partenariat stratégique un an plus tôt lors d’un voyage à Pyongyang. Rouage essentiel dans l’effort de guerre russe, le régime nord-coréen lui aurait fourni pas moins de 4 à 6 millions d’obus depuis 2023, ainsi qu’environ 12 000 hommes pour reprendre le contrôle de la région de Koursk l’an dernier. Tout comme l’Iran, avec qui Moscou a conclu en janvier de cette année un autre "traité de partenariat stratégique global" et dont les conseillers ont été cruciaux pour produire en masse des drones Shahed - envoyés quotidiennement en salves de centaines d’engins sur l’Ukraine - dans l’usine russe de Ielabouga. Malgré sa guerre inique, la Russie continue d’engranger des soutiens.

© afp.com/Alexander NEMENOV

Narendra Modi (g) et le président russe Vladimir Poutine (d) lors d'une visite du premier ministre indien au Kremlin à Moscou le 9 juillet 2024
Reçu hier — 3 décembre 2025 L'Express

Cette alléchante proposition faite par le Soudan au Kremlin, en échange de livraisons d’armes

3 décembre 2025 à 18:43

Jusqu’à 150 000 personnes décédées de la violence, de la famine ou des maladies, des dizaines de milliers de déplacés : depuis avril 2023, la guerre civile fait rage au Soudan. La Russie, de son côté, pourrait tirer un avantage considérable de cette situation macabre : le gouvernement militaire de Khartoum, mis en difficulté par le conflit avec les groupes rebelles, aurait proposé à Moscou d’établir une base navale russe en mer Rouge, en échange de la fourniture de matériel militaire.

Le Wall Street Journal indique, en effet, que les autorités auraient proposé en octobre à la Russie, d’installer une base maritime à Port-Soudan, ou sur un autre point d’ancrage en mer Rouge, pour une durée de 25 ans. Un atout pour étendre son influence militaire sur le continent africain, mais aussi sur cet axe commercial - l’une des routes les plus empruntées au monde.

Quatre navires de guerre stationnés

L’infrastructure serait en capacité d’accueillir 300 soldats russes et quatre navires en simultané, dont des bâtiments à propulsion nucléaire. Cette perspective inquiète les Etats-Unis, qui voient d’un mauvais œil l’influence croissante de Moscou et de Pékin en Afrique. "Ce serait un développement préoccupant pour les Etats-Unis, qui s’efforcent d’empêcher la Russie et la Chine de contrôler les ports africains où elles pourraient réarmer et moderniser leurs navires de guerre et, potentiellement, bloquer des voies maritimes vitales", analyse le quotidien.

Situé au milieu de la mer Rouge, Port-Soudan offrirait aux Russes une excellente base pour surveiller le trafic maritime entre l’Europe et l’Asie transitant par le canal de Suez, une route par laquelle s’effectue 12 % du commerce mondial. "Le Kremlin bénéficierait également d’un accès privilégié aux concessions minières lucratives du Soudan, troisième producteur d’or d’Afrique", relève le WSJ.

Première base en Afrique

Une proposition qui devrait mériter toutes les attentions de la Russie, qui ne dispose plus de base militaire à l’étranger. La seule qu’elle possédait, à Tartous, en Syrie, lui a filé entre les mains lors de la chute de son allié Bachar al-Assad, en 2024, conduisant le nouveau gouvernement d’Ahmed al-Charaa à suspendre l’accord entre les deux pays, jusqu’à nouvel ordre. Or, les activités navales russes sont limitées par ce manque de points de ravitaillement et de manutention. Une base en mer Rouge leur permettrait de transiter plus longtemps en Méditerranée, ou dans l’océan Indien.

La Chine, elle, détient déjà une série de ports commerciaux qu’elle a construits en Afrique, dans le cadre de sa vaste stratégie des nouvelles routes de la soie, ainsi qu’une base militaire à Djibouti. Située sur le détroit de Bab el-Mandeb, aux portes de la mer Rouge et du golfe d'Aden, elle offre une position stratégique… à une dizaine de kilomètres à peine de la base américaine de Camp Lemonnier, en Somalie.

Aussi, la proposition du gouvernement soudanais intervient alors que l’influence russe perd du terrain sur le continent africain. En une décennie, des forces paramilitaires russes, comme le groupe Wagner, étaient parvenues à gagner en importance, en jouant les hommes de main de certains Etats comme le Mali ou la République centrafricaine. Mais depuis la disparition de la tête de Wagner, Evgueni Prigojine, dans un accident d’avion après sa tentative de rébellion avortée contre Vladimir Poutine, ces milices privées ont perdu en influence politique et financière en Afrique.

Khartoum appelle à l’aide

De son côté, l’offre faite par le régime soudanais à Moscou apparaît comme un symptôme de son essoufflement face aux Forces de soutien rapide - qui ont certes été expulsées de la capitale, mais qui ont conquis en octobre la totalité du Darfour, à l’ouest du Soudan, massacrant au passage de nombreux civils. En échange, Khartoum exige en effet que Moscou lui livre des systèmes antiaériens russes de pointe et d’autres armements à des prix préférentiels.

L’idée n’est pas nouvelle : en 2017, déjà, le dictateur soudanais Omar el-Bechir avait tenté de s’assurer le parapluie russe de la même façon, mais sans parvenir à un accord avec Vladimir Poutine. Quelques mois plus tard, il était défait par un soulèvement. Néanmoins, il n’est pas sûr que l’accord aboutisse cette fois-ci. "Les conditions de sécurité ne sont toujours pas réunies du côté russe puisque la guerre civile au Soudan continue", remarque Igor Delanoë, chercheur associé à l’IRIS et spécialiste de la Russie, dans Le Figaro.

Reste à savoir également si cette alliance ne sera pas mise à mal par les Etats-Unis : dans le WSJ, un responsable soudanais explique en effet que, bien que le Soudan ait besoin d’armes, "un accord avec la Russie pourrait engendrer des problèmes avec les Etats-Unis et l'Union européenne", auquel le pays devra faire face. L’année dernière, Khartoum avait ainsi refusé le soutien de Téhéran en échange de l’établissement d’une base militaire iranienne dans son pays, de peur de s’attirer les foudres de Washington et de son allié israélien.

© AFP

Le président Vladimir Poutine et le général soudanais Abdel Fattah al-Burhan, lors d'un sommet Russie-Afrique à Sochi, en 2019.

Les croisades de la mouvance Maga : enquête sur les réseaux trumpistes en Europe

3 décembre 2025 à 17:00

"Un jour, elle sera présidente de la République". Parole d’apôtre Maga ("Make America Great Again") sur… Marion Maréchal. Nous sommes à Rome, le 4 février 2020 : la petite-fille de Jean-Marie Le Pen monte sur la scène de la National Conservatism Conference, grand-messe de l’ultradroite internationale, où sont conviés Viktor Orban et Giorgia Meloni. Escarpins et minijupe noirs, accent à couper au couteau, assurance remarquée. Dans le public, un certain Rod Dreher tweete : "Marion Maréchal prononce en ce moment même un discours formidable." Et prophétise : "Un jour, elle sera présidente de la République. Tant mieux pour la République." Le journaliste américain est un intime du futur vice-président J.D. Vance, il sera bientôt l’un des artisans de son ascension éclair. Le genre d’ami précieux pour qui rêve de conquérir le pouvoir. Bonne nouvelle pour ses disciples, Rod Dreher a pris, depuis peu, ses quartiers en Europe. L’essayiste conservateur s’est installé en 2022 à Budapest, séduit par le "modèle Orban". Directeur du projet "Network" au Danube Institute, un think tank financé par l’Etat hongrois, il s’active tous azimuts pour évangéliser le Vieux Continent. De Dubrovnik à Bruxelles, il professe dans les conférences "Mega" (pour "Make Europe Great Again") et au Parlement européen, réseaute, facilite en février 2025 la visite en Slovaquie du milliardaire Peter Thiel (ex-conseiller de Trump et sponsor de J.D. Vance), accompagne Viktor Orban à la Maison-Blanche début novembre et, à ses heures perdues, tresse des lauriers à la patronne du parti d’extrême droite allemand AfD : "Je regrette juste qu’elle soit lesbienne, car je veux un rencard avec la géniale Alice Weidel !" badine-t-il sur X, ce 13 novembre.

Mais ce n’est pas tout. Car X – plus de 580 millions d’utilisateurs actifs – est soupçonné d’avoir manipulé ses algorithmes pour favoriser les contenus publiés par l’AfD en amont du scrutin. Une étude pilotée par quatre universités américaines et européennes a fait sa propre expérience. Les chercheurs ont créé deux faux comptes X, qui ont suivi la même liste de 64 politiciens allemands, soit 7 à 9 membres de chaque parti fédéral - du 3 au 31 janvier 2025. Résultat accablant : "Les publications des membres de l’AfD apparaissaient le plus fréquemment dans le fil d’actualité "Pour vous", représentant 37,9 % des publications, alors même que ces élus n’ont publié que 15,2 % des tweets." Elon Musk n’a pas visé au hasard l’Allemagne, première puissance de l’Union européenne. "Il a tiré les leçons de l’échec de Steve Bannon en 2018, qui a tenté de créer un mouvement nationaliste européen, en vain. A l’époque, il avait notamment été rejeté par l’AfD, rappelle le politologue bulgare Ivan Krastev. Le message de Musk est clair : si vous voulez changer l’Europe, vous devez changer l’Allemagne."

Les associations chrétiennes intégristes américaines financent de plus en plus de projets en Europe.
Les associations chrétiennes intégristes américaines financent de plus en plus de projets en Europe.

Outre-Rhin, les autorités françaises redoutent une tentative similaire à l’approche de la présidentielle de 2027. "Les réseaux Maga font désormais partie des acteurs habituels de la menace, on serait étonné qu’il ne se passe rien, confie une source sécuritaire haut placée. Nous menons une opération permanente pour surveiller les activités de cette nébuleuse sur les réseaux sociaux." La France serait, au même titre que l’Allemagne, un trophée de taille. L’administration américaine y connaît ses sympathisants. A vrai dire, elle a l’embarras du choix : la "pépite" Marion Maréchal, adoubée depuis son premier discours au rendez-vous des conservateurs américains, la CPAC, en 2018, dans le Maryland ? La nouvelle venue, Sarah Knafo, élue Reconquête au Parlement européen ? Ou Jordan Bardella au Rassemblement national ? La première a les faveurs de tous - "l’une des personnes les plus impressionnantes au monde", dixit Steve Bannon – mais une surface politique moindre, sur le papier. Le dernier a perdu des points le 21 février dernier, lorsqu’il a annulé in extremis sa participation à la dernière CPAC après le salut nazi du même Bannon. "S’ils sont malins, ils misent sur plusieurs chevaux en même temps" glisse notre source. Et via plusieurs canaux… Le patron de la Heritage Foundation Kevin Roberts, a rencontré les trois clans fin mai, lors d’une visite à Paris. Au même moment, une délégation du département d’État américain a vu des hauts responsables du Rassemblement national, selon l’agence Reuters. A sa tête, Samuel D. Samson, conseiller principal auprès du Bureau pour la démocratie, les droits de l’homme et le travail. L’homme, jusqu’alors inconnu du grand public, s’est fait remarquer en publiant, le 27 mai, via une newsletter du département d’Etat, un appel à former une "alliance civilisationnelle" entre les Etats-Unis et l’Europe. Le texte, paru dans l’entre-deux tours de la présidentielle polonaise, fait écho au discours de J.D. Vance, prononcé trois mois plus tôt à Munich. Entre les lignes, le fonctionnaire dévoile une nouvelle doctrine américaine n’excluant pas le changement de régime en Europe : "Le secrétaire d’État Rubio a clairement indiqué que le département d’État agirait toujours dans l’intérêt national américain. Le recul démocratique en Europe n’affecte pas seulement les citoyens européens, mais aussi, de plus en plus, la sécurité et les liens économiques des États-Unis", écrit-il, suggérant que l’Europe doit être envisagée comme une affaire domestique.

Des émissaires trumpistes se rendent de plus en plus régulièrement pour tenter d'évangéliser le Vieux Continent.
Des émissaires trumpistes se rendent de plus en plus régulièrement pour tenter d'évangéliser le Vieux Continent.

De fait, Washington a de plus en plus d’alliés de l’autre côté de l’Atlantique. Chez les dirigeants, il y a le prototype, Orban, modèle assumé de Trump ; le polonais Nawrocki, président depuis août 2025 avec le soutien officiel de la Maison-Blanche ; l’italienne Giorgia Meloni, qui a reçu, en septembre 2024, des mains d’Elon Musk, le "Global Citizen Award" du think tank américain Atlantic Council.

Mais c’est sans doute au Parlement européen que le mouvement Maga trouve le plus de "camarades". Les dernières élections ont sérieusement grossi les rangs de l’extrême droite, dispersée dans trois groupes : les Conservateurs et réformistes européens, les Patriotes pour l’Europe et l’Europe des nations souveraines. Au total, ils forment un ensemble de 187 députés sur 720 sièges, soit le quart de l’hémicycle. Sans surprise, ce sont eux que les lobbies Maga ciblent en premier pour peser sur la fabrique de l’Europe… La branche bruxelloise de l’ONG Transparency International n’a pas tardé à s’en apercevoir, en épluchant les rencontres des élus avec des lobbyistes déclarés dans le registre européen. Sur les 47 rendez-vous listés entre octobre 2024 et mai 2025, 38 ont été organisés avec des députés apparentés à l’extrême droite.

"Agenda Europe"

Parmi les organisations recensées dans cette base de données, la Heritage Foundation, auteure du fameux "Project 2025", que Donald Trump applique quasiment à la lettre. Liée aux très influents think tanks hongrois Mathias Corvinus Collegium (MCC) et polonais Ordo Uris, elle a ses entrées à Bruxelles. Tout comme le Heartland Institute, connu pour son climatoscepticisme. Après avoir poussé Trump a quitté les accords de Paris sur le climat en 2017, il conseille aujourd’hui le parti de Nigel Farage au Royaume-Uni. Au cœur de cette constellation de lobbyistes, l’Alliance Defending Freedom (ADF) se distingue par son zèle. Ce lobby juridique chrétien est l’un des plus influents aux États-Unis, dirigé entre 2017 et 2022 par un ami personnel de Trump, Mike Harris, lequel a été directement impliqué dans l’effort pour invalider les résultats de la présidentielle de 2020. L’ADF est active en Europe depuis les années 2010 contre l’avortement et les droits des minorités sexuelles. Entre 2023 et 2024, elle a dépensé plus de 1,1 million d’euros pour ses activités européennes, le double de l’année précédente. Elle est épaulée dans ses combats par une autre organisation juridique : l’ECLJ (European Center for Law and Justice), branche européenne de l’American Center for Law and Justice, dirigée par Jay Sekulow, ancien avocat… de Donald Trump. "Ce groupe travaille systématiquement à changer la perception de ce que sont les droits humains. Il est très actif à Bruxelles et au sein du Conseil de l’Europe, qui abrite la Cour européenne des droits de l’homme", souligne Kenneth Haar, chercheur au Corporate Europe Observatory, spécialisé dans l’influence des lobbies sur les politiques publiques de l’UE.

Cet activisme forcené paie. Le 22 octobre 2020, l’ECJL jubile : le tribunal constitutionnel polonais déclare inconstitutionnel l’avortement en cas de "malformation grave et irréversible" du fœtus ou de "maladie incurable ou potentiellement mortelle". Des avortements "eugéniques", juge depuis toujours l’ECJL, qui a fourni des arguments juridiques en faveur de cette décision. L’aboutissement d’un long combat, mené par une myriade d’autres organisations sœurs. "Le mouvement ‘antigenre’ a commencé à s’organiser en Europe à partir de 2013, quand le Royaume-Uni et la France ont autorisé le mariage pour tous, rappelle Neil Datta, directeur exécutif du Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs. Tout à coup, ce qui passait pour une excentricité nordique est devenu ‘mainstream’ chez deux poids lourds de l’UE du monde occidental."

C’est cette année-là que les colères s’agglomèrent en un mouvement secret regroupant des lobbies ultraconservateurs américains et européens. Son nom ? "Agenda Europe". Sa stratégie est clairement énoncée lors du sommet organisé en 2014, où l’on retrouve, tout naturellement, l’Alliance Defending Freedom. Son patron, Paul Coleman, y anime une session sur "La pénétration des institutions internationales", insiste sur l’importance pour les organisations défendant "la cause" de se faire accréditer dans toutes les institutions pertinentes : Conseil des droits humains des Nations Unies, Conseil de l’Europe et à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Dans son manifeste, intitulé Restaurer l’ordre naturel : un agenda pour l’Europe, le réseau est on ne peut plus clair : il faut "faire entrer les bonnes personnes dans les bonnes institutions" et "dresser une liste des postes clés qui seront prochainement vacants." "Avec l’arrivée de Trump en 2016, on a vu cette infrastructure se consolider. Les liens transatlantiques se sont développés, grâce à des relais importants en Hongrie et en Pologne, où la droite conservatrice était déjà au pouvoir, poursuit Neil Datta. Avec Trump 2, on observe la professionnalisation de ces réseaux." Une nouvelle donne décuple leur force de frappe, aux Etats-Unis comme à l’étranger : le ralliement des géants de la tech au trumpisme.

En Europe aussi, les militants anti-avortement font dorénavant cause commune avec les détracteurs du Digital Service Act sur la lutte contre une pseudo "censure", les premiers pour des motifs idéologiques, les seconds pour protéger leur juteux business. Furieux contre ce DSA, Donald Trump a donné des consignes limpides à ses diplomates pour "abroger et/ou de modifier la DSA ou les lois européennes ou nationales connexes restreignant l’expression en ligne", selon un télégramme du 4 août signé par le secrétaire d’État américain Marco Rubio, révélé par Reuters.

Des reculs au Parlement européen

En réalité, le travail de sape avait commencé bien plus tôt. En témoigne un vote passé inaperçu le 17 juin passé. Ce mardi-là, les eurodéputés sont appelés à donner leur position sur un projet de loi visant à améliorer la capacité des pays de l’UE à lutter efficacement contre les abus sexuels sur les enfants. Proposition approuvée à une large majorité (599 voix sur 720). Mais le diable se cache dans les détails. Car soixante-deux élus ont préféré s’abstenir, dont 48 apparentés à un des trois groupes d’extrême droite du Parlement. "On aurait pu croire que ces formations, qui prétendent jour et nuit défendre la veuve et de l’orphelin, voteraient pour protéger les enfants… Mais non ! Pour eux, la liberté des plateformes numériques passe avant tout", soupire Nathalie Loiseau.

Cette fois-ci, les réfractaires n’ont pas obtenu gain de cause, puisque le Parlement s’est massivement prononcé pour cette réglementation. Dans bien d’autres cas, l’Europe a plié. Sous la pression de l’administration américaine et de ses relais, quantité de projets de lois ont été sabordés ou simplement ajournés. A commencer par le DSA, adopté dans la douleur, beaucoup plus permissif, in fine, que sa version initiale. Son application fait maintenant trembler les chancelleries et n’a, à ce jour, pas donné grand résultat. Sur l’intelligence artificielle, les 27 se voulaient pionniers pour donner un cadre à l’usage de cette technologie émergente. Las ! L’adoption de cet arsenal a été reportée d’au moins un an.

Quant à la directive européenne sur le devoir de vigilance, censée contraindre les grandes entreprises commerçant avec l’UE à prévenir les violations de droits humains et les dommages environnementaux, elle a été votée le 13 novembre dernier… mais vidée de sa substance. Le think tank trumpiste Heartland Institute l’avait qualifiée en mars de "plus grande menace pour la souveraineté américaine depuis la chute de l’Union soviétique." Le voilà rassuré : le Parlement européen a considérablement réduit le périmètre de cette directive : seules les sociétés de plus de 5 000 salariés, avec un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros seront finalement concernées. Victoire ultime pour ces défenseurs de "l’America First", le président français Emmanuel Macron et son homologue allemand se sont prononcés pour la suppression pure et simple de cette directive en vertu d’une "simplification" face, notamment, à la concurrence chinoise.

Là est le combat final, pour la mouvance Maga : convaincre, au-delà des frontières de l’extrême droite. Rompre les derniers maillons du "cordon sanitaire". Mission accomplie au Parlement européen, où la droite traditionnelle du PPE vote aujourd’hui sans complexe avec les trois groupes assis à sa droite. Que dire de cette lettre ouverte, signée par neuf chefs d’Etats et de gouvernements de l’UE – y compris la sociale-démocrate danoise Mette Frederiksen - le 23 mai dernier, appelant à remettre en cause la Convention européenne des droits de l’homme, accusée de freiner leur politique migratoire ? Qu’elle a fait des heureux, de Washington à Moscou, en passant par Budapest. "Il est certain que les Etats-Unis, l’Europe et la Russie atteindront un haut degré de compréhension mutuelle et de coopération", nous assurait en mars dernier le mage du Kremlin, Vladislav Sourkov. "C’est une question de survie de la grande civilisation nordique" concluait l’inventeur du poutinisme. Les ponts sont déjà jetés. Reste quelques places fortes à conquérir. Prochaine étape : Paris 2027.

© Marion Maréchal/Youtube

L’essayiste conservateur américain Rod Dreher lors une conférence intitulée "Rebâtir l'Europe dans les pas de Saint Benoît" avec Marion Maréchal et Laurence Trochu au Parlement européen de Strasbourg le 12 mars 2025

Algérie : le journaliste français Christophe Gleizes condamné en appel à 7 ans de prison

3 décembre 2025 à 16:36

Un effondrement pour les proches du reporter Christophe Gleizes. Un mois après la libération par Alger de l’intellectuel franco-algérien Boualem Sansal, on aurait pu espérer une issue similaire pour son homologue, le journaliste français, arrêté le 28 mai 2024, alors qu’il préparait un reportage sportif. Mais il n’en est rien : ce mercredi 3 décembre, la Cour d’appel de Tizi-Ouzou a confirmé la condamnation à 7 ans de prison du journaliste Christophe Gleizes, 36 ans, emprisonné depuis juin pour "apologie du terrorisme".

"La cour confirme le jugement rendu en première instance", a en effet déclaré le président de la juridiction à l’issue de ce nouveau procès - une annonce qui a suscité la consternation dans la salle. Ses proches, interrogés par l’AFP, se sont dits "effondrés". "Je suis sous le choc. Dans tous les scénarios envisagés, je ne me suis jamais imaginé celui de la confirmation du verdict. Tous les signaux étaient positifs sur un apaisement des relations" entre les deux pays, a ajouté Sylvie Godard, la mère du reporter.

"Apologie du terrorisme"

Le journaliste avait pourtant exhorté, mercredi 3 décembre, à la "clémence" la Cour d’appel de Tizi-Ouzou, juste avant que le parquet ne réclame un alourdissement à dix ans de sa première condamnation pour "apologie du terrorisme".

A la barre, l’accusé de 36 ans, condamné à sept ans de prison en première instance, a demandé "pardon", reconnaissant avoir fait "beaucoup d’erreurs journalistiques malgré (ses) bonnes intentions", selon un journaliste de l’AFP présent dans la salle où se trouvaient aussi la compagne et les parents du reporter. Christophe Gleizes a notamment reconnu qu’il aurait dû demander un visa de journaliste et pas de touriste avant de partir en reportage en Algérie.

Peu après son témoignage, le représentant du parquet a requis une peine de dix ans à son encontre. "L’accusé n’est pas venu en Algérie pour accomplir un travail journalistique mais (pour commettre) un acte hostile", a affirmé le magistrat qui n’a pas été identifié.

Collaborateur des magazines français So Foot et Society, Christophe Gleizes s’était rendu en Algérie en mai 2024 pour un article sur le club de football le plus titré du pays, la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK), basé à Tizi-Ouzou, à 100 kilomètres à l’est d’Alger.

Seul journaliste français détenu à l’étranger, il avait été arrêté le 28 mai 2024 à Tizi-Ouzou et placé sous contrôle judiciaire jusqu’à son premier procès, pour "être entré dans le pays avec un visa touristique, pour apologie du terrorisme et possession de publications dans un but de propagande nuisant à l’intérêt national", selon l’ONG Reporters sans frontières (RSF).

Le tribunal lui a demandé mercredi s’il savait que le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) avait été classé en mai 2021 comme terroriste par les autorités algériennes quand il avait rencontré son président, Ferhat Mehenni, à Paris en octobre de la même année. "Je n’étais pas au courant et j’ai honte de le dire. Cela porte atteinte à mes compétences. J’avais complètement raté cette info", a-t-il répondu.

Christophe Gleizes a assuré s’être "profondément remis en question" : "Ces erreurs m’ont permis de réfléchir", a-t-il dit, assurant n’avoir "aucune rancœur" à l’encontre de l’Algérie. Des sanglots dans la voix, il a ajouté n’avoir "qu’une seule douleur, celle d’être coupé de (sa) famille", demandant à pouvoir "la retrouver".

Victime collatérale du conflit entre Paris et Alger, son avocat français, Emmanuel Daoud, espérait "une issue favorable", à la faveur d’un "apaisement des relations" entre les deux pays. La France, de son côté, a mercredi dit "regretter vivement" la décision de la justice algérienne.

La brouille entre l’Algérie et la France avait été déclenchée par le soutien total apporté en juillet 2024 par Paris au plan d’autonomie marocain pour le territoire disputé du Sahara occidental, puis s’était envenimée après l’arrestation en novembre suivant de Boualem Sansal, un critique notoire du pouvoir algérien.

"Un journaliste n’est pas un activiste"

De nombreux médias français ainsi que RSF et des syndicats de journalistes avaient appelé la semaine passée dans une tribune à une remise en liberté de Christophe Gleizes, qui n’a selon eux "commis aucun crime". Il "n’a rien à faire en prison, il n’est coupable que d’avoir exercé son métier de journaliste sportif et d’aimer le football algérien", a déclaré fin octobre Thibaut Bruttin, directeur général de RSF.

"Nous devons expliquer aux magistrats d’appel qu’un journaliste ne fait pas de politique", "n’est pas un idéologue", "pas un activiste", a souligné Me Daoud avant l’audience. Il a fait part de sa surprise, disant "avoir rarement vu un dossier aussi vide qui se terminait par une condamnation aussi sévère". Le journaliste a désormais huit jours pour se pourvoir en Cassation, selon le président de la Cour.

© AFP

Le journaliste français Christophe Gleizes a été condamné lundi 30 juin à sept ans de prison par la justice algérienne.

Terres rares : l'Europe accélère pour tenter de réduire sa dépendance à la Chine

3 décembre 2025 à 16:22

L'Union européenne va aider à financer et à accélérer le développement des projets de production de terres rares et autres matières premières critiques pour réduire sa dépendance à la Chine, dont la mainmise sur ces matériaux essentiels à l'économie génère de fortes tensions. "Aujourd'hui, l'Europe apporte sa réponse à la nouvelle situation géopolitique mondiale", et elle "acte son indépendance sur les matières premières critiques", a souligné le vice-président de la Commission Stéphane Séjourné, en présentant mercredi ces mesures à la presse.

L'UE débloque près de 3 milliards d'euros

La Commission européenne va notamment débloquer près de 3 milliards d'euros pour financer des projets stratégiques dans l'extraction, le raffinage et le recyclage de ces minerais et métaux indispensables à de nombreux secteurs, sur le Vieux Continent et dans des pays partenaires. Elle mobilisera pour ce faire des fonds issus de programmes européens et de la Banque européenne d'investissement.

Elle va en outre créer début 2026 un Centre européen des matières premières critiques. "Il aura trois principales missions : 'monitorer' et évaluer les besoins, acheter en commun pour le compte des États membres et stocker et livrer en fonction des besoins des entreprises", a expliqué Stéphane Séjourné.

Autre action concrète, Bruxelles veut restreindre en début d'année prochaine les exportations des rebuts et déchets d'aimants permanents (qui sont fabriqués à partir de terres rares et servent à de nombreux usages industriels), pour favoriser leur recyclage en Europe. L'UE prévoit aussi des restrictions plus ciblées aux exportations de déchets d'aluminium et pourrait faire de même pour le cuivre.

Les terres rares sont des éléments métalliques devenus essentiels pour des pans entiers de l'économie, en particulier l'industrie automobile, les énergies renouvelables, le numérique ou la défense. Ils servent à la fabrication d'aimants puissants, de catalyseurs ou de composants électroniques. La Chine, qui concentre la majorité des réserves mondiales de terres rares, domine non seulement l'extraction des minerais, mais a développé en plus un quasi-monopole sur le raffinage. Elle exerce une mainmise similaire sur certains métaux stratégiques, comme le gallium utilisé dans les semi-conducteurs.

L'UE prise en étau entre la Chine et les Etats-Unis

L'Europe s'était dotée il y a deux ans d'une loi qui visait à sécuriser ses approvisionnements en matières premières "critiques". L'UE se retrouve en effet prise en étau entre la Chine, qui a multiplié cette année les mesures de restriction à ses exportations de terres rares, et les Etats-Unis de Donald Trump, qui négocient des accords bilatéraux tous azimuts pour sécuriser leurs propres approvisionnements.

Le Commissaire européen chargé du Commerce Maros Sefcovic a également présenté une mise à jour de la doctrine de l'UE en matière de "sécurité économique", avec là aussi des mesures visant à galvaniser l'autonomie de l'Europe. "Autour du monde, les échanges commerciaux servent d'armes, les chaînes d'approvisionnement sont sous pression" et "les dépendances économiques se transforment en pression politique, et cela affecte tous les jours nos entreprises et leur compétitivité", a-t-il estimé.

La doctrine existante, qui était la première du genre, est pourtant toute récente : elle date de 2023 et visait à l'époque à tirer les leçons de la pandémie de Covid-19 puis de la guerre en Ukraine, deux crises qui ont illustré l'extrême fragilité des chaînes d'approvisionnement européennes. Or, les tensions géopolitiques et commerciales, comme le bras de fer sur les droits de douane avec les Etats-Unis de Donald Trump, ont poussé Bruxelles à remettre l'ouvrage sur le métier.

La doctrine actualisée prévoit d'assouplir et de moderniser l'utilisation des principaux outils déjà à la disposition de Bruxelles : contrôle des investissements directs étrangers, restrictions à l'exportation de certains biens, diversification des pays fournisseurs, et à les compléter si nécessaire. "Nous allons faire un usage plus stratégique et assumé de nos outils existants, nous en développerons d'autres si besoin, et nous allons améliorer notre collecte de renseignements économiques", a souligné Maros Sefcovic.

© afp.com/STR

Chargement de terres rares dans le port de Lianyungang, le 5 septembre 2010 dans l'est de la Chine

François Chimits : "Face à la déferlante de produits chinois, la réponse de l'UE n'est pas à la hauteur"

3 décembre 2025 à 16:06

Pour sa quatrième visite d’Etat en Chine, du 3 au 5 décembre, Emmanuel Macron, qui était accompagné en 2023 par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, sera bien seul face à Xi Jinping. Le programme est pourtant ambitieux : le président français compte mettre l’accent sur la réduction des déséquilibres économiques entre l’Europe et la Chine, tout en essayant d’inciter cette dernière à exercer son influence sur la Russie, afin d’avancer vers un accord de paix durable en Ukraine.

Il y a urgence. Les discussions avec Vladimir Poutine s’enlisent et, sur le plan commercial, le déficit de l’Europe par rapport à la Chine ne cesse de se creuser : il a atteint 304,5 milliards d’euros en 2024 (après 291 milliards en 2023), et 310 milliards sur douze mois glissants à fin octobre. Le déficit français à l’égard de la Chine est lui, resté stable en 2024, à 47 milliards. Dans un mouvement inverse de celui des dernières décennies, Emmanuel Macron cherchera aussi à attirer des investissements chinois sur des secteurs de pointe afin de bénéficier de transferts technologiques.

La tâche s’annonce toutefois rude pour le chef de l’Etat français, tant le rapport de force est à l’avantage de Pékin, face à une Europe désunie, analyse François Chimits, responsable des projets Europe à l’Institut Montaigne. Entretien.

L'Express : Le déficit commercial de l'Europe par rapport à la Chine ne cesse de s'accroître. Comment l’expliquez-vous ?

François Chimits : On observe un redoutable effet ciseau, avec d'un côté une érosion dans le temps long de la compétitivité industrielle européenne - due principalement au choc énergétique lié à la guerre en Ukraine -, et de l’autre, une dynamique ahurissante, côté chinois, de gains de compétitivité.

Une partie de ce phénomène tient à la montée en puissance d’une Chine déjà à la pointe du développement technologique et industriel dans certains secteurs (comme l'industrie verte, le digital ou des segments de la chimie). S'ajoute à cela le soutient étatique massif à ses industries stratégiques, ce qui recouvre un nombre très important de secteurs en Chine. La concurrence est donc complètement faussée pour un certain nombre d'acteurs européens.

Comment analysez-vous la déferlante d’exportations chinoises ?

La montée en gamme est spectaculaire dans un certain nombre de secteurs technologiques et industriels, au point qu’un second choc chinois est maintenant évoqué. La Chine se démarque par l’intensité de l’effort mis sur la recherche et les investissements. En réalité, après les années de Covid, on voit actuellement se matérialiser les effets du virage techno-industriel opéré par Xi Jinping autour de 2016-2017. Le numéro un chinois en a fait la priorité absolue de l’Etat-parti, délaissant celui de doper la consommation en améliorant le pouvoir d’achat des classes moyennes. Cela a conduit à une réorientation claire des flux de capitaux vers ces acteurs, qui ont compris que la compétitivité ne devait pas être uniquement fondée sur le prix, mais contribuer à la poursuite d'un objectif d'indépendance technologique dans des secteurs critiques.

Ces énormes quantités de production industrielle ne pouvant pas être absorbées par le marché intérieur, cette dynamique s’est logiquement traduite par un accroissement des exportations, devenues essentielles à certains secteurs, et le principal, si ce n’est le seul, moteur de l’économie chinoise ces trois dernières années. Et ce, d’autant que la concurrence féroce sur les secteurs prioritaires réduit considérablement les taux de marge en Chine. En réalité, pour rentabiliser les investissements fortement encouragés par les politiques étatiques de Pékin, les acteurs chinois sont presque condamnés à aller chercher des profits sur les marchés extérieurs.

Inversement, les produits européens ont du mal à pénétrer en Chine…

Le marché chinois, sur lequel l’Europe avait fondé sa stratégie ces deux dernières décennies, n’a absolument pas tenu ses promesses. Pensez qu’il représente désormais pour les Européens un marché à l’export plus faible que celui de la Suisse !

Cette atonie s'explique d'une part, par l'ambition chinoise de remplacer les technologies étrangères ; et d'autre part, par cette réorientation politique vers le soutien à sa production domestique, qui grève la consommation des ménages en Chine.

Le déficit commercial avec la Chine n'est-il pas voué à se creuser, ce pays étant de plus en plus compétitif et cherchant à être de plus en plus autonome sur les industries stratégiques ?

Oui, en l’état absolument. Mais la non-soutenabilité du modèle chinois peut toutefois ralentir cette tendance. L’absence de consommation en interne et la faiblesse des prix ne permettent en effet pas de rentabiliser les investissements effectués dans certains secteurs.

Il va falloir que la Chine soit augmente ses prix assez substantiellement, en diminuant la concurrence domestique, soit accroisse sa demande domestique, notamment en instaurant un système de protection sociale pour les classes moyennes qui fait pour l'instant cruellement défaut. L'autre variable, c'est la réponse européenne.

Quelles sont les répercussions de cette vague de produits chinois sur la France ?

La France est relativement moins touchée que d’autres pays, mais pour des mauvaises raisons. Etant le pays le plus désindustrialisé du G20, nous sommes, en toute logique, moins exposés à ce second choc chinois. Nous avions subi de plein fouet le premier, dans les années 2000-2010, qui avait principalement fragilisé les secteurs du textile et des industries lourdes (construction, logistique, infrastructures…), où la France , de par l’histoire de son développement plutôt étatique, occupait des positions fortes.

Le problème, toutefois, c'est que ce second choc chinois vient percuter nos ambitions de renouveau industriel. Les quelques pôles de réindustrialisation qui ont émergé ces dernières années et sont donc encore jeunes, sont particulièrement exposés... Je pense au secteur des batteries électriques, à l’acier et à l’aluminium verts, à quelques entreprises de chimie… Et bien sûr à l’automobile : la concurrence chinoise n'encourage pas les constructeurs à développer leurs capacités de production en France.

L'Europe fait-elle ce qu’il faut pour se protéger contre la concurrence chinoise ? Elle a augmenté l’an dernier les droits de douane sur les véhicules électriques, mais est-ce suffisant ?

"Non, même si elle fait beaucoup plus que par le passé. La salve de mesures de défense commerciale prises l’an dernier a certes été sans précédent : l’UE a ouvert 26 enquêtes pour concurrence déloyale à l’encontre d’acteurs chinois. Mais notre réponse a beau s’accélérer, elle n’arrive pas à tenir le rythme face à une concurrence et des surcapacités chinoises d’une ampleur phénoménale.

La Chine concentre environ 35% de la valeur ajoutée industrielle mondiale, et autant des exportations manufacturières. Nous n’avons jamais connu, dans l’époque moderne, une telle concentration. Donc, quand cet acteur connaît des déséquilibres importants et qu’au même moment, le marché américain se ferme, l'Europe devient inévitablement le récipiendaire d'une quantité astronomique de produits.

Face à cette déferlante, notre manque de coordination à 27 et nos lourdeurs administratives ne nous permettent pas d’apporter une réponse d’ampleur équivalente. A fortiori quand certains de nos acteurs industriels ont fait le pari de la production en Chine, ce qui complexifie la réponse politique…

Et il ne s’agit pas tant de naïveté que d’une difficulté à nous mettre d’accord à 27 : entre Etats, mais aussi entre nos différentes industries. Par exemple, si vous mettez des barrières douanières sur l’acier chinois, vous allez contenter le secteur de l’acier européen, mais d’autres secteurs en aval se plaindront de devoir payer un acier européen plus cher que leurs concurrents internationaux ayant eux accès à l’acier chinois… Maintenant, répliquez cela pour 27 Etats aux bases industrielles assez divergentes, et vous comprendrez mieux la difficulté à opposer un vrai front cohérent…

Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, avait posé comme priorité en 2023 le "derisking" (la réduction des risques) par rapport à la Chine. En clair, limiter la dépendance à certains composants critiques. Cet objectif semble loin d’être atteint…

Effectivement, notre dépendance à certains bien critiques ne cesse de s’accroître, avec encore des illustrations récentes concernant les terres rares ou les semi-conducteurs.

Pourtant, à partir de 2017-2019, les décideurs européens, notamment à l’initiative de la France, ont pris conscience que notre dépendance à la Chine pour certains produits critiques nous mettait en situation de vulnérabilité et posait de graves problèmes de souveraineté. D’où l’ambition, largement portée par la Commission, de bâtir une stratégie pour répondre à ce défi.

Le problème, c’est que la Commission a été freinée par les Etats. Pour changer le statu quo, il faut se coordonner à 27 pour prendre des mesures et en supporter les conséquences, face à un acteur chinois qui ne se prive pas d’exercer une coercition économique dès qu’on contrevient à ses intérêts.

On l’a vu lorsque l’UE a décidé de taxer les véhicules électriques chinois, pourtant dans le respect des règles internationales : la Chine a pris des mesures de rétorsion politiques pour essayer de mettre à mal l’unité européenne. Le coup de semonce tiré par Pékin en octobre, avec cette décision - désormais suspendue pour un an – de contrôler les exportations de tous les produits contenant des terres rares, a par exemple aussi tempéré les ardeurs européennes.

En fin de compte, les Européens continuent d’achopper sur la même question : quel niveau de pression et de rétorsion chinoises est-on prêt à supporter ensemble pour mener à bien nos ambitions de derisking ? Et la réalité, c’est que depuis les premières déclarations sur le sujet, la situation s’est dégradée.

Autre motif de frustration pour les Européens, les investissements chinois ne sont pas toujours à la hauteur de leurs attentes…

Sous Xi Jinping, toute décision en Chine est redevenue politique. Les Chinois surveillent et contrôlent étroitement leurs investissements à l’étranger. On l’a vu en Europe, les investissements chinois dans les batteries et des véhicules électriques, ont été réorientés vers des pays plutôt conciliants à l’égard de la Chine. Inversement, ceux qui étaient destinés à des pays favorables à des mesures de protection contre la Chine ont été nettement moins dynamiques.

Face à cela, on observe effectivement beaucoup de frustration côté européen... Et certains acteurs – Etats ou entreprises - cherchent à se montrer conciliants pour décrocher des investissements chinois.

Lors de son déplacement en Chine, du 3 au 5 décembre, Emmanuel Macron compte aborder la question des déséquilibres commerciaux. A-t-il les moyens de peser ?

Pour tenir le rapport de force dans les négociations avec la Chine, il faut agir à l'échelon européen. Or, on peut se demander dans quelle mesure Emmanuel Macron se rend en Chine avec un soutien et une ligne claire des Européens sur le sujet. Les visites à venir du chancelier allemand Friedrich Merz et du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez au premier trimestre 2026 font craindre des Européens en ordre dispersé, qui viennent chacun essayer d'obtenir pour leur pays un moindre mal. Or c’est exactement ce que recherche la Chine, qui préfère des relations bilatérales, où le déséquilibre des masses en jeu se fait le plus ressentir.

Cela étant dit, on peut espérer du président français qu'il contribue à porter le message que sans action de rééquilibrage très fort de la part des autorités chinoises, le marché européen va continuer à se fermer.

Que peut-il obtenir ?

La question se pose. A fortiori quand il semblerait que les intentions de la France pour sa présidence du G7, l’an prochain, soient d’organiser une discussion collective sur les grands déséquilibres économiques mondiaux incluant les pays émergents, en vue de faire émerger de nouvelles règles. Cet agenda-là, qui rend la Chine nécessaire dans la présidence française du G7, risque d'atténuer l’éventuelle volonté de fermeté d’Emmanuel Macron.

L’ouverture du marché chinois, qui était la demande traditionnelle, l’est de moins en moins, tant la concurrence domestique y est forte. Emmanuel Macron y va pour essayer d’obtenir à la fois un réajustement de la politique domestique vers la consommation et des investissements stratégiques. En clair, moins de subventions de la part de l’Etat chinois à ses acteurs, plus de consommation en Chine, et plus d'investissements substantiels dans certains secteurs en Europe. Ces secteurs sont ceux où l’apport chinois paraît nécessaire à une forme de rattrapage, et ne correspondent pas aux secteurs où Pékin aimerait voir se raffermir les coopérations, souvent plus sensibles pour nos enjeux de sécurité nationale.

Dans ce rapport de force, les Européens doivent impérativement rendre plus crédible l’érection de nouvelles barrières aux frontières du marché unique si rien ne change, et cela malgré une résilience incertaine aux éventuelles rétorsions chinoises. Pas simple.

© AFP

Le président français Emmanuel Macron serre la main du président chinois Xi Jinping lors d'une réunion bilatérale en marge du sommet du G20 à Rio de Janeiro, au Brésil, le 19 novembre 2024.

Proche-Orient : ce que l'on sait des discussions pour réduire la tension entre le Liban et Israël

3 décembre 2025 à 15:58

Des responsables civils libanais et israélien participent mercredi 3 décembre à une réunion du mécanisme de surveillance du cessez-le-feu dans le sud du Liban, premières discussions directes depuis plus de 40 ans entre les deux pays toujours en état de guerre. Cette réunion intervient alors qu'Israël menace d'une escalade au Liban, où il continue de viser le Hezbollah malgré le cessez-le-feu en cours depuis un an, accusant la formation pro-iranienne de se réarmer.

Des civils au comité de surveillance du cessez-le-feu

Israël a annoncé mercredi l'envoi d'un émissaire pour une rencontre avec des responsables au Liban, présentant cela comme une "première tentative pour établir une base de relations et de coopération économique" entre les deux pays ennemis depuis des décennies. La présidence libanaise a pour sa part annoncé mercredi avoir nommé un ancien diplomate à la tête de la délégation libanaise aux réunions du mécanisme et indiqué qu'Israël avait fait de même.

Le comité de surveillance du cessez-le-feu est réuni mercredi au siège des forces de l'ONU à Naqoura, localité libanaise frontalière d'Israël, a indiqué à l'AFP une source proche des participants. Elle a précisé que les délégations du Liban et d'Israël y sont dirigées par des civils, et que l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus participe à la réunion.

Des militaires représentaient jusqu'à présent le Liban et Israël aux réunions de cet organisme dirigé par les Etats-Unis et qui comprend également la France et l'ONU. La délégation libanaise évitait tout contact direct avec la partie israélienne, selon une source diplomatique qui a requis l'anonymat.

Le désarmement du Hezbollah est "crucial"

La rencontre intervient au lendemain de réunions de Mme Ortagus avec des responsables israéliens, dont le ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, qui a affirmé sur X que "le désarmement du Hezbollah est crucial pour l'avenir du Liban et la sécurité d'Israël". L'émissaire américaine est par la suite attendue au Liban.

En novembre, l'émissaire américain Tom Barrack avait estimé que des négociations directes entre le Liban et Israël pourraient être la clé pour réduire la tension. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou "a chargé le directeur par intérim du Conseil de sécurité nationale d'envoyer un représentant de sa part à une réunion avec des responsables gouvernementaux et économiques au Liban", a indiqué un communiqué de son bureau sans plus de précisions.

Peu auparavant, la porte-parole de la présidence libanaise, Najat Charafeddine, a avait annoncé dans un communiqué à la télévision que "le président Joseph Aoun a décidé de charger l'ancien ambassadeur Simon Karam de présider la délégation libanaise aux réunions du mécanisme". Elle a précisé que cette décision avait été prise "suite à la demande des Etats-Unis (...) et après avoir été informés qu'Israël acceptait de joindre un membre non militaire à sa délégation".

Le président libanais s'était déclaré prêt à des négociations avec Israël, brisant un tabou entre les deux pays toujours en état de guerre. En 1983, après l’invasion israélienne du Liban, les deux pays avaient mené des contacts directs qui avaient abouti à la signature d’un accord prévoyant l’établissement de relations entre eux, mais il n'a jamais été ratifié.

"Une escalade semble inévitable"

Depuis plusieurs semaines, la presse israélienne multiplie les articles sur la possible imminence d'une nouvelle campagne militaire israélienne contre le Hezbollah au Liban. Selon la radio-télévision publique israélienne, "Israël se prépare à une escalade majeure au Liban à la lumière du renforcement militaire en cours du Hezbollah", a affirmé la radio-télévision publique israélienne mercredi.

"Washington tente d'apaiser les tensions, mais des responsables israéliens affirment qu'une escalade semble inévitable", a-t-elle ajouté. Il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour Israël, avait déclaré le ministre de la Défense israélien Israël Katz le 26 novembre. "Nous ne permettrons aucune menace contre les habitants du nord (d'Israël), et une pression maximale continuera à être exercée et même s'intensifiera", avait-il dit devant le Parlement israélien, avançant pour preuve "l'élimination" le 23 novembre à Beyrouth du chef militaire du Hezbollah, Haitham Ali Tabatabai. Le chef du Hezbollah, Naïm Qassem, a déclaré le 28 novembre que son mouvement se réservait "le droit de répondre" en temps voulu à cet assassinat.

© afp.com/Jalaa MAREY

Poste de surveillance de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), sur la frontière avec Israël le 16 novembre 2025

Guerre en Ukraine : un instructeur militaire britannique soupçonné d’espionner pour la Russie

3 décembre 2025 à 13:48

Les autorités ukrainiennes ont arrêté à Kiev Ross David Cutmore, un ancien militaire britannique de 40 ans originaire de Dunfermline, soupçonné d’avoir espionné pour la Russie. Selon les procureurs ukrainiens, il aurait aussi été recruté par le FSB, les services de sécurité russes, pour "mener des assassinats ciblés sur le territoire de l’Ukraine" entre 2024 et 2025. Si l’information a été révélée par le journal britannique The Times le 2 décembre, l’arrestation a eu lieu fin octobre devant sa résidence à Kiev. Arrivé début 2024 dans la ville de Mykolaïv dans le sud de l’Ukraine comme instructeur militaire, après avoir servi auparavant au Moyen-Orient avec l’armée britannique, Ross David Cutmore avait ensuite rejoint une unité de gardes-frontières.

D’après des sources sécuritaires citées par The Times, l’homme serait le suspect principal de l’enquête ukrainienne. Le FSB l’aurait repéré après la publication "d’annonces offrant ses services" dans des groupes en ligne prorusses. Selon The Independant, c’est fin septembre 2024 qu’il quitte ses activités d’instructeur dans l’armée ukrainienne, et déménage à Odessa pour établir un contact avec un agent russe. Il aurait par la suite été approché par des agents du renseignement russe, selon The Times, qui lui auraient offert 6 000 dollars en échange d’informations sensibles sur les positions de militaires ukrainiens autour de la ville.

Espionnage et préparation d’explosifs

Auprès du Guardian, le bureau du procureur de Kiev précise qu'"en mai 2025, Ross David Cutmore a transmis les coordonnées des emplacements d’unités ukrainiennes, des photographies de leur site d’entraînement et des informations sur du personnel militaire pouvant être utilisées pour identifier ce dernier". D’après les autorités, "en outre, l’analyse de sa correspondance a confirmé qu’il avait effectué d’autres tâches au bénéfice des services spéciaux russes". Le SBU, l’agence de renseignement ukrainienne, affirme que les contacts russes du Britannique lui auraient également envoyé des instructions pour fabriquer un engin explosif improvisé ainsi que les coordonnées d’une cache où il a récupéré un pistolet et deux chargeurs.

"Le service de contre-espionnage a démasqué à l’avance le collaborateur ennemi, documenté ses crimes et l’a arrêté à son lieu de résidence temporaire dans la capitale ukrainienne" s’est félicité le SBU. Celui-ci indique que "l’enquête se poursuit afin d’établir toutes les circonstances du crime et sa qualification supplémentaire. L’auteur est en détention. Il risque jusqu’à 12 ans de prison, avec confiscation de ses biens."

Impliqué dans trois meurtres sur gage ?

Mais l’ancien soldat britannique pourrait avoir déjà frappé. D’après les médias ukrainiens, Ross David Cutmore est en effet soupçonné d’avoir fourni des armes destinées à tuer les militants ukrainiens Demyan Hanul et Iryna Farion, ainsi que le député Andriy Parubiy, tous assassinés par des tueurs à gages. Des informations auxquelles le père de l’inculpé a réagi auprès de The Independant cette semaine : "Cela a été un choc pour moi. Je suis simplement sans voix", a-t-il affirmé.

Depuis l’invasion totale de 2022, l’Ukraine a accueilli des milliers de combattants étrangers, dont de nombreux vétérans, répondant à l’appel de Volodymyr Zelensky. Le Times note que Ross David Cutmore figurait en août dernier parmi les donateurs d’un projet de mémorial dédié aux étrangers morts au combat en Ukraine. Le Foreign Office britannique a réagi en déclarant : "Nous apportons une assistance consulaire à un Britannique détenu en Ukraine. Nous restons en contact étroit avec les autorités ukrainiennes".

© Anadolu via AFP

Des soldats ukrainiens s'entraînent dans le Donetsk, le 10 août 2023. (Photo d'illustration)

Soupçons de fraude : pourquoi l’ex-cheffe de la diplomatie de l’UE Federica Mogherini a été inculpée

3 décembre 2025 à 11:02

L’ex-cheffe de la diplomatie de l’Union européenne, Federica Mogherini, a été inculpée ce mercredi 3 décembre en Belgique, au cœur d’un scandale de corruption. Elle est inculpée pour usage frauduleux de fonds européens, dans le cadre d’une enquête sur l’attribution par l’UE d’un contrat de formation de futurs diplomates au Collège d’Europe, une école de Bruges qu’elle dirige actuellement. Ce contrat représenterait quelque 654 000 euros, selon une source européenne de l’AFP.

Selon le parquet européen, qui supervise les investigations, deux autres suspects ont été interpellés mardi à Bruxelles, comme elle : un haut responsable de la Commission européenne, Stefano Sannino, ainsi que le directeur adjoint du Collège d’Europe. Tous deux ont également été inculpés après une journée d’interrogatoire par la police belge. Les trois suspects ont été remis en liberté sous conditions dans la nuit, a précisé à l’AFP une porte-parole du parquet européen, qui ajoute que "ces accusations concernent des faits de fraude et de corruption dans le cadre de marchés publics, de conflit d’intérêts et de violation du secret professionnel".

Des contrats de formation attribués au Collège d’Europe

Le Collège d’Europe à Bruges est un établissement réputé qui forme de nombreux fonctionnaires européens, et Federica Mogherini en est la rectrice depuis septembre 2020. La responsable italienne de 52 ans dirige également depuis août 2022 l’Académie diplomatique de l’UE, le programme qui se retrouve au cœur de l’enquête du parquet européen.

L’enquête porte sur des soupçons de favoritisme et de concurrence déloyale dans l’attribution en 2021-2022 à cet établissement, par le service diplomatique de l’UE (EEAS) — dont Federica Mogherini fut la cheffe de 2014 à 2019 — d’un programme de formation pour futurs diplomates. Les enquêteurs cherchent à déterminer si l’appel d’offres pour ce contrat a été faussé et si le Collège d’Europe a été averti à l’avance des critères de sélection nécessaires pour le décrocher.

Levée de l’immunité par le parquet européen

Une série de perquisitions a été menée mardi par la police belge au siège de l’EEAS à Bruxelles, dans plusieurs bâtiments du Collège d’Europe à Bruges, ainsi qu’aux domiciles des suspects, conduisant à ces trois interpellations. Avant cette opération, le parquet européen avait réclamé la levée de l’immunité dont bénéficiaient plusieurs suspects, ce qui lui a été accordé, a souligné le parquet européen, sans citer de noms ni de fonctions.

Officiellement institué en 2021, le parquet européen est un organe indépendant de l’UE chargé de lutter contre la fraude aux fonds de l’Union et toute autre infraction portant atteinte à ses intérêts financiers (corruption, blanchiment de capitaux, fraude transfrontalière à la TVA). Cette instance supranationale est compétente pour enquêter, poursuivre et traduire en justice les auteurs de telles infractions, un pouvoir inédit que ne possédait pas notamment l’Office européen de lutte antifraude (Olaf). L’enquête a été confiée par le parquet à un juge d’instruction d’Ypres, en Flandre-Occidentale, la province belge où se situe Bruges.

© afp.com/JOHN THYS

Federica Mogherini a été cheffe de la diplomatie de l'UE de 2014 à 2019.

Narcotrafic : l’étonnante grâce accordée par Donald Trump à l’ex-président du Honduras

3 décembre 2025 à 10:10

Il avait été condamné à 45 ans de prison ferme pour trafic de drogue aux Etats-Unis… et a finalement été gracié par Donald Trump lundi 1er décembre. À la surprise générale, l’ex-président du Honduras Juan Orlando Hernandez est sorti de sa prison de Virginie-Occidentale alors que son pays traverse des élections tendues. "Après presque quatre années de douleur, d’attente et d’épreuves difficiles, mon mari est à nouveau un homme libre, en vertu de la grâce présidentielle", a annoncé son épouse mardi.

L’homme était pourtant accusé d’être responsable d’avoir inondé les Etats-Unis de drogue lorsqu’il était au pouvoir, jugé coupable d’avoir aidé à expédier des centaines de tonnes de cocaïne sur le sol américain. Cette libération tranche donc avec la rhétorique antidrogue qui constitue l’un des fers de lance de Donald Trump. Le président s’est justifié de son choix lors d’un échange avec la presse mardi : "C’était une horrible chasse aux sorcières orchestrée par Biden. Beaucoup de gens au Honduras m’ont demandé de le faire. Et je l’ai fait". "S’il y a des trafiquants de drogue dans votre pays […], on n’envoie pas forcément le président en prison pour 45 ans" a ajouté Donald Trump, qui a fait de la lutte contre le narcotrafic son leitmotiv dans ses relations avec l’Amérique latine.

Le Honduras, dont Juan Orlando Hernandez a été le chef d’Etat de 2014 à 2022, est l’un des pays les plus violents de la région, du fait principalement des gangs qui contrôlent le trafic de drogue et le crime organisé. Le procès fédéral de l’ancien président à New York avait mis en lumière la manière dont il aurait "maintenu le Honduras comme un bastion du commerce mondial de la drogue", rappelle le New York Times, et "orchestré une vaste conspiration en matière de trafic qui, selon les procureurs, a permis aux cartels de récolter des millions de dollars". Selon les procureurs américains, sous "JOH", le Honduras était devenu un "narco-État", une "super autoroute" par laquelle passait une grande partie du trafic de drogue de la Colombie vers les États-Unis. Durant son procès, l’ex-président s’était vanté de "bourrer de drogue le nez des gringos".

Une lettre flatteuse qui change tout

En dépit de cette condamnation historique et de l’absence totale de preuves pour appuyer les affirmations de Donald Trump, selon qui l’ancien président a été victime d’un complot politique, un élément semble avoir débloqué la situation de Juan Orlando Hernandez. Comme l’écrit le journal espagnol El Pais,"une lettre pleine d’éloges adressée à Donald Trump semble être la clé qui a ouvert la porte de sa prison". "Comme vous, président Trump, j’ai subi des persécutions politiques", écrit Hernandez dans ce courrier de quatre pages, publié par le média américain Axios. L’ex-chef d’Etat y affirme qu’il n’y a pas de preuves suffisantes contre lui et accuse l’administration Biden-Harris de l’avoir emprisonné "pour des motifs politiques". Il soutient que sa condamnation est "injuste" et basée sur "des témoignages de trafiquants violents et de menteurs professionnels".

Dans sa missive, Juan Orlando Hernandez fait surtout appel à l’ego du président américain. "Je trouve de la force en vous, Monsieur, dans votre résilience qui vous a permis de revenir à cette grande fonction malgré la persécution et les poursuites auxquelles vous avez fait face — parce que vous vouliez rendre sa grandeur à votre pays. Ce que vous avez accompli est sans précédent et véritablement historique […] Votre résilience face à une persécution politique incessante m’a profondément inspiré".

La Maison-Blanche assure que Trump n’a pas lu ce message flatteur avant d’annoncer la grâce. Dans un éditorial, le Wall Street Journal met toutefois en garde contre les implications d’une telle décision : "Quelle étrange tournure des événements. Peut-être que Donald Trump pense jouer aux échecs géopolitiques, mais il a une longue histoire de forte sensibilité à la flatterie, et sa grâce non expliquée sape l’État de droit et les procureurs qui ont fait condamner M. Hernandez".

L’ambition sud-américaine de Donald Trump

Plus largement, la volonté de Donald Trump de s’immiscer dans la présidentielle au Honduras pourrait aussi avoir été bénéfique à l’ancien président sud-américain. Le milliardaire républicain, qui multiplie les faits d’ingérence dans les affaires intérieures de pays alliés ou non, a pesé de tout son poids ces dernières semaines pour faire élire le candidat du Parti national (PN) de l'ex-dirigeant, l’homme d’affaires Nasry Asfura, 67 ans. "Cela ne peut pas être permis, surtout maintenant que, avec la victoire électorale de 'Tito' Asfura, le Honduras se dirige vers un grand succès politique et financier", a ajouté Donald Trump concernant l’emprisonnement de Juan Orlando Hernandez. Cette grâce intervient alors que le pays retient son souffle pour savoir qui a gagné la présidentielle de dimanche.

Le président américain juge que l’Amérique latine fait partie de la sphère d’influence américaine et a adopté une posture interventionniste dans la région, invoquant notamment la lutte contre le narcotrafic contre les pays dirigés par la gauche, à commencer par le Venezuela. Il n’hésite pas à conditionner l’aide américaine à la bonne volonté des gouvernements, à ses affinités avec leurs dirigeants voire aux résultats des consultations électorales. Mais il exerce aussi une forte pression militaire. Les Etats-Unis ont déployé leur plus grand porte-avions ainsi qu’une flottille de navires de guerre et d’avions de chasse dans les Caraïbes, dans le cadre d’opérations antidrogue visant particulièrement le Venezuela, ennemi de Washington.

© afp.com/Orlando SIERRA

Juan Orlando Hernandez avait été extradé aux Etats-Unis pour être jugé pour trafic de drogue en avril 2022.

Ukraine, commerce… Ces nombreux dossiers au menu de la visite d’Emmanuel Macron en Chine

3 décembre 2025 à 08:41

C’est sa quatrième visite d’État en Chine : Emmanuel Macron entame ce mercredi 3 décembre un voyage de trois jours à Pékin afin de défendre les intérêts français et européens, de l’Ukraine aux échanges commerciaux, sur fond de contentieux croissants avec le géant asiatique.

Le président français, attendu vers 17h00 locales (10h00 heure française) dans la capitale chinoise, entrera dans le vif du sujet jeudi avec son homologue Xi Jinping, après une séquence privée, la visite des jardins de Qianlong à la Cité interdite, à son arrivée. Les deux dirigeants se retrouveront aussi vendredi à Chengdu, dans la province du Sichuan (centre), berceau des pandas géants devenus des ambassadeurs de la Chine à travers le monde, pour une rencontre plus informelle.

Emmanuel Macron est accompagné de son épouse Brigitte, de six ministres (Affaires étrangères, Economie, Agriculture, Environnement, Enseignement supérieur, Culture) et 35 patrons de grands groupes (Airbus, EDF, Danone..) ou d’entreprises plus familiales, du luxe à l’agroalimentaire.

"Nous voulons, et ce sera l’objet de la conversation stratégique avec le président Xi Jinping, que l’Europe soit respectée comme un grand partenaire de la Chine", a insisté l’Elysée à la veille de la visite.

Guerre en Ukraine

Sujet prioritaire, la guerre en Ukraine et par ricochet la sécurité du Vieux continent, alors que les discussions s’intensifient pour tenter de mettre fin aux hostilités. Emmanuel Macron va appeler une nouvelle fois Xi Jinping à "peser" sur la Russie, partenaire stratégique de la Chine, pour la "convaincre" d’accepter un cessez-le-feu.

Si elle appelle régulièrement à des pourparlers de paix, la Chine n’a toutefois jamais condamné Moscou pour l’invasion de l’Ukraine et revendique une neutralité dans ce dossier. Elle est aussi accusée par les Occidentaux de soutenir l’effort de guerre de la Russie en lui livrant notamment des composants pour son industrie de défense.

"Nous comptons sur la Chine, membre permanent comme nous, du Conseil de sécurité (..) pour peser sur la Russie, pour que la Russie et Vladimir Poutine, en particulier, puissent enfin se résoudre à un cessez-le-feu", a déclaré lundi le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, alors que les négociations s’intensifient vers une sortie de crise. "La Chine peut exercer un rôle essentiel pour amener la Russie de Vladimir Poutine à prendre la bonne décision", a-t-il insisté sur la radio France Culture.

Déficit commercial

Autre enjeu clé de la visite, le déficit commercial abyssal entre la France et la Chine, qui a doublé en dix ans pour atteindre 47 milliards d’euros en 2024. La Chine compense des "surcapacités" de production par une hausse de ses exportations, ce qui emporte un certain nombre de "risques géopolitiques", de la "fermeture de marchés" à la "récession", a averti mardi un conseiller du président Macron.

Dans ce contexte, Paris souhaite que les entreprises chinoises investissent plus en France et partagent les innovations qu’elles maîtrisent dans les "mobilités durables, les batteries ou le photovoltaïque". Le géant français du combustible nucléaire Orano s’est ainsi associé au chinois XTC New Energy pour la production de matériaux critiques à Dunkerque, dans le nord de la France. De la même manière, une filiale du chinois Envision fabrique des batteries de voitures électriques pour le groupe Renault à Douai (nord).

La Chine est aussi accusée de "concurrence déloyale" vis-à-vis de l’Europe en subventionnant massivement son industrie. La France se retrouve ainsi dans le viseur de Pékin, avec une série d’enquêtes visant ses exportations (cognac, produits laitiers, viande porcine etc..) et des surtaxes potentielles à la clé, pour avoir soutenu une hausse des droits de douane européens sur les voitures électriques en provenance de Chine. "Ces questions-là feront l’objet de discussions au plus haut niveau" durant la visite, promet la présidence française, jugeant ces enquêtes "inacceptables".

Shein et droits humains

Le sujet des terres rares sera aussi "certainement abordé" par les deux présidents, ajoute-t-elle alors que la Chine, qui domine la production mondiale en la matière, encadre sévèrement ses exportations. Les terres rares sont des métaux et minerais essentiels pour des pans entiers de l’économie, en particulier l’industrie automobile, les énergies renouvelables ou la défense.

A l’inverse, le géant du e-commerce chinois Shein est dans le collimateur de la France - et de l’UE - après la vente de produits illégaux dont des poupées pédopornographiques. Paris réclame la suspension pour trois mois minimum du site en France.

Signe toutefois que la relation économique reste fluide, plusieurs accords seront signés durant la visite, relève l’Élysée qui rappelle, sans plus de précisions, la "profondeur des échanges en matière aéronautique, énergétique ou agroalimentaire".

Emmanuel Macron abordera aussi la question des droits humains en Chine, assure la présidence. "Toutes les questions seront traitées dans le cadre du dialogue entre les deux présidents", promet-on à Paris. L’organisation International Campaign for Tibet (ICT) l’exhorte à "demander la libération immédiate et inconditionnelle" de Zhang Yadi, une défenseuse des droits des Tibétains arrêtée en Chine en juillet et qui risque jusqu’à 15 ans de prison pour "incitation au séparatisme".

© afp.com/Ludovic MARIN

Le président Emmanuel Macron accueille son homologue chinois Xi Jinping (d) à l'Elysée, le 6 mai 2024 à Paris

Cette victoire des républicains dans le Tennessee n’a pas de quoi rassurer Donald Trump

3 décembre 2025 à 07:58

C’est ce qui s’appelle une victoire en demi-teinte. Les républicains ont remporté mardi 2 décembre une législative partielle dans le Tennessee, mais avec une marge bien plus faible que celle obtenue par Donald Trump dans cette circonscription en 2024, envoyant de nouveaux signaux d’alarme pour la majorité présidentielle à moins d’un an des élections de mi-mandat.

Selon les projections du New York Times, CNN et NBC, le républicain Matt Van Epps l’a emporté avec environ 53 %, soit autour de huit points d’écart sur sa rivale démocrate Aftyn Behn. Soit bien moins que les 22 points d’avance récoltés par Donald Trump à la dernière présidentielle dans ce fief conservateur.

"Félicitations à Matt Van Epps pour sa GRANDE victoire au Congrès dans le grand Etat du Tennessee", a rapidement salué Donald Trump sur son réseau Truth Social, usant de majuscules à son habitude. "Encore une grande soirée pour le Parti républicain !!!", a insisté le président américain, dénonçant encore une fois l’opposition de "gauche radicale", alors que les démocrates ont récemment remporté plusieurs scrutins, suscitant des inquiétudes dans les rangs du camp présidentiel.

Ce scrutin était destiné à remplacer un élu républicain démissionnaire dans une circonscription de plus de 800 000 habitants, qui traverse le Tennessee du nord au sud en passant par une partie de la capitale, Nashville.

"A trois personnes de perdre la majorité"

Matt Van Epps partait globalement favori. Mais dans un sondage d’Emerson College paru la semaine dernière, le républicain était crédité de seulement 48 % d’intentions de vote contre 46 % pour sa rivale démocrate. De quoi donner l’espoir à l’opposition de faire basculer cette circonscription historiquement ancrée à droite, et de grignoter un peu plus l’écart au Congrès, où les républicains ne disposent que d’une étroite marge de manœuvre.

"Nous sommes littéralement à trois personnes de perdre la majorité" à la Chambre des représentants, avait déclaré lundi Tim Burchett, élu républicain du Tennessee. "Vous pouvez avoir une épidémie de mauvaise grippe qui touche le Congrès, et nous perdons la majorité. C’est dire l’importance de cette élection".

Après l’avoir longtemps considéré comme gagné d’avance, les pontes du Parti républicain ont décidé finalement de tourner leur attention vers ce scrutin, avec notamment la participation du chef républicain de la Chambre, Mike Johnson, à plusieurs événements de campagne sur place.

Donald Trump lui-même a tenté de faire pencher la balance en faveur de Matt Van Epps, ancien officier dans l’armée de 42 ans. Sur Truth Social, il avait notamment accusé la candidate démocrate de 36 ans d’être une femme qui "vous prendra vos armes, qui veut des frontières ouvertes, du transgenre pour tous, des hommes dans les sports féminins", mais aussi qui déteste "le christianisme et la country", alors que le Tennessee est la capitale mondiale de ce genre musical. "VOTEZ, VOTEZ, VOTEZ POUR MATT VAN EPPS", avait-il écrit dans une nouvelle publication mardi matin.

Un échec pour Donald Trump

En réponse à ces attaques, Aftyn Behn, ancienne travailleuse sociale, avait reproché au président d’être "incapable d’avoir un plan pour faire face aux coûts croissants de la santé et pour s’assurer que les travailleurs du Tennessee puissent se payer des soins, leurs courses, leurs factures".

Car si le nom du locataire de la Maison-Blanche n’était pas sur les bulletins de vote, cette législative partielle semblait faire figure de référendum sur son début de second mandat, et en particulier sur sa gestion de l’économie. Après des défaites cuisantes pour les républicains lors d’élections début novembre à travers le pays, l’absence d’une large victoire de Matt Van Epps représente un échec pour le président.

Dans son sondage de la semaine dernière, Emerson College souligne que 49 % des interrogés dans la circonscription ont une opinion défavorable du travail de Donald Trump, contre 47 % d’opinions favorables. Un chiffre qui représente "un retournement marquant" par rapport à la présidentielle l’an dernier, a estimé Spencer Kimball, directeur exécutif de l’institut de sondage d’Emerson College.

© afp.com/Brett Carlsen

Le candidat républicain Matt Van Epps le 1er décembre 2025, à Franklin, dans le Tennessee, aux Etats-Unis

Immigration : ce fossé qui sépare le PS des socialistes danois

3 décembre 2025 à 07:45

Juillet 2025, le Danemark prend la présidence du Conseil de l’Union européenne, et Mette Frederiksen perturbe les eurodéputés. Tantôt la gauche applaudit quand la Première ministre danoise défend corps et âme le Pacte Vert face aux coups de canif venus de la droite. Et tantôt la gauche "regarde ses pompes" – confidence d’un socialiste français. Car la sociale-démocrate appelle aussi à "renforcer les frontières extérieures, réduire l'afflux de migrants vers l'Europe et contribuer à stabiliser les pays voisins de l'UE en rendant le processus de retour plus facile et plus efficace". "Les citoyens ont le droit de se sentir en sécurité dans leur propre pays!", insiste-t-elle.

Dans les couloirs strasbourgeois, François-Xavier Bellamy, patron européen Les Républicains, est tout sourire. "Si on avait des socialistes comme ça chez nous…" Et un collègue Rassemblement national, encore ému, de lui répondre : "On serait à 3 % !" Les deux hommes continueront ainsi à se désoler ou se rassurer, c’est selon.

"Ils passent de l’État-providence à la préférence nationale"

"Je ne veux pas faire baisser l’extrême droite en reprenant ses arguments", dit le patron du PS Olivier Faure. Si Mette Frederiksen est parfois érigée en exemple, ça n’est certainement pas de son fait. Quand il était ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau a, lui, accueilli à Beauvau son homologue d’alors Kaare Dybvad, pour vanter les "résultats remarquables" de ce partenaire. De son côté, Jordan Bardella a pèleriné vers Copenhague, encourageant la France à "aller vers un tel modèle, en ayant le courage de rompre avec le politiquement correct et l’impuissance d’Etat". Bref, la moitié de la classe politique de l’Hexagone a les yeux de Chimène pour cette gauche si… pragmatique ! Une façon pour ses droitiers contempteurs de grimer les socialistes français en "naïfs". Car le PS s’étrangle en observant la politique menée par ses pairs danois. "Ils passent quand même de l’État-providence à la préférence nationale…", souffle Boris Vallaud, président du groupe parlementaire socialiste.

"Ici, le débat sur le coût social de l’immigration est moins central qu’au Danemark où l’État-providence est un marqueur identitaire, analyse Catherine Wihtol de Wenden, spécialiste des questions de migrations. En France, il tourne autour de la sécurité et de l’insécurité culturelle, de l’islam…" Si le modèle danois, celui d’un pays de 6 millions d’habitants à la seule frontière et dépourvu d’histoire coloniale, est difficilement exportable, la gauche tricolore contribue à creuser le fossé avec les inquiétudes de l’électorat.

Inaudibles

Selon l’enquête "Fractures Françaises" pour Le Monde, la délinquance et l’immigration arrivent en deuxième place des préoccupations des Français. 65 % des interrogés estiment qu’il y a "trop d’étrangers en France". Il n’a jamais eu lieu, mais Olivier Faure avait accepté de débattre de "l’identité nationale", une idée lancée depuis Matignon par François Bayrou. L’essentiel de la gauche est tombé sur le premier secrétaire du PS, l’accusant de légitimer les mots de l’adversaire. Dommageable, car la question migratoire fait aussi clivage à gauche : selon cette même étude plus d’un quart des sympathisants LFI et EELV croient au surnombre d’étrangers, plus d’un tiers de ceux du PS. Dans ce débat fourre-tout, il aurait été l’occasion pour les roses - qui ferraillent à l’époque pour que les médias s’en fassent l’écho - de mettre en lumière leurs propositions en matière d’immigration, adoptées en 2023.

Mais quand les gauches scandinaves, britanniques ou allemandes évoluent vers plus de fermeté, les Français s’y refusent toujours. "Notre position demeure convenue alors que nous aurions intérêt à reprendre l’offensive sur ce sujet", admet Luc Broussy, président du conseil national du PS. "Depuis toujours, le PS fait en sorte que cette question sorte du débat public puisqu’il considère qu’il n’y a que des coups à prendre. Ce qui les a conduits à la fin des années 1980 à rechercher un consensus autour de "l’intégration", résume le politiste Pierre-Nicolas Baudot, spécialiste du PS et de "la politisation de la question immigrée". Pour le reste, ils ont promu un antiracisme "moral" sans toutefois produire de programme d’ampleur sur ce sujet". "Au’Français-immigrés même patron, même combat', les socialistes ont ainsi substitué un soutien aux’racisés', pour reprendre le vocabulaire d’Olivier Faure, un objectif qui ne peut aider ceux qui n’ont que leur force de travail à vendre, à avoir conscience de leur commune situation", observe Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).

Une partie de la gauche intellectuelle - certains contributeurs à la Fondation Jean-Jaurès - incite les sociaux-démocrates français au tour de vis migratoire. Dans une note pour le think tank, Bassem Asseh et Daniel Szeftel appellent la gauche à accepter la "définition d’orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration par le Parlement", façon "Mitterrand 1981", histoire de renouer avec "l’héritage historique" du PS. Dans un autre rapport de la même fondation, intitulé "La troisième gauche", Danois, Suédois et Britanniques deviennent des exemples à suivre pour reconquérir les classes populaires. Mais au Parti socialiste un ange est passé, deux fois. Les murs de la "vieille maison" ont en revanche tremblé à la lecture d’un récent éditorial du journal Le Monde. "Si la gauche veut regagner les classes populaires, elle ne peut plus faire l’impasse sur l’immigration", enjoignait le quotidien. Sans être entendu.

© afp.com/Thibaud MORITZ

Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, à l'Assemblée nationale, Paris, le 31 octobre 2025

Ukraine : les récents "succès de l'armée russe" ont influencé les pourparlers, affirme le Kremlin

3 décembre 2025 à 11:48

Les intenses discussions diplomatiques menées depuis plusieurs jours n’ont toujours pas permis de trouver de compromis sur la question qui pourrait résoudre ou enliser définitivement le conflit en Ukraine : celle de l’avenir des territoires occupés par la Russie, qui représentent 19 % du pays. Le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio salue tout de même "des progrès", tandis que le Kremlin s’est félicité d'"une discussion constructive" après une rencontre à Moscou entre Vladimir Poutine et l’émissaire de Donald Trump, Steve Witkoff. Est-ce vraiment un bon signe pour l’Ukraine ? Pendant ce temps, Emmanuel Macron est arrivé à Pékin ce 3 décembre, où il compte bien faire des négociations pour la paix en Ukraine l’une des priorités de ses requêtes à la Chine.

Les infos à retenir :

⇒ La Russie se dit prête à rencontrer des responsables américains "autant que nécessaire"

⇒ Les récents "succès de l'armée russe" ont influencé les pourparlers sur l'Ukraine, dit le Kremlin

⇒ La Commission européenne présente son plan pour financer l'Ukraine

Une "paix juste" en Ukraine est peu probable, estime le président de Finlande

Tout accord visant à mettre fin aux combats en Ukraine a peu de chances de remplir les conditions nécessaires à une paix juste, a jugé mercredi le président de Finlande.

Les pays européens oeuvrent actuellement pour préserver l'indépendance, la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine, a assuré Alexander Stubb dans un entretien à la chaîne de télévision finlandaise MTV3. "Mais en réalité, la paix peut soit être bonne, soit mauvaise, soit une forme de compromis", a-t-il dit. "La réalité, c'est que nous, les Finlandais, devons aussi nous préparer pour le moment où la paix sera rétablie, et que toutes les conditions d'une paix juste dont nous avons tant parlé au cours des quatre dernières années ont peu de chances d'être réunies".

Le président n'a pas précisé ce qu'une paix injuste signifierait pour la Finlande, qui partage une frontière de 1.340 kilomètres avec la Russie. Le pays nordique a fermé sa frontière avec son voisin en décembre 2023, conséquence d'une montée des tensions entre les deux pays après l'invasion de l'Ukraine.

La Commission européenne présente son plan pour financer l'Ukraine

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a présenté mercredi à Bruxelles le plan de l'UE pour financer l'Ukraine sur deux ans, et la "mettre en position de force" dans les négociations avec la Russie. Cette proposition prévoit deux options visant à couvrir une partie des besoins de financement de l'Ukraine pour 2026 et 2027, estimés à 137 milliards d'euros : un emprunt ou une utilisation des avoirs gelés russes en Europe, dont l'essentiel se trouve en Belgique.

"Aujourd'hui, nous proposons de couvrir les deux tiers des besoins de financement de l'Ukraine pour les deux prochaines années. Cela représente 90 milliards d'euros", a indiqué Ursula von der Leyen devant la presse. Le dernier tiers devra être assuré par "les partenaires internationaux", comme la Grande-Bretagne, le Canada ou le Japon, a-t-elle ajouté.

"Nous devons augmenter les coûts de la guerre pour l'agression de Poutine, et la proposition d'aujourd'hui nous donne les moyens de le faire", a-t-elle assuré. "Et puisque la pression est le seul langage auquel le Kremlin répond, nous pouvons également l'intensifier", a-t-elle encore affirmé.

La décision de recourir à un emprunt européen, qui nécessite l’unanimité des Etats membres, se heurte aux réticences de certains d'entre eux et à l'opposition radicale de la Hongrie. La Commission n'a pas caché qu'elle privilégiait dans ces conditions le recours aux avoirs russes gelés, mais doit encore convaincre la Belgique.

Les récents "succès de l'armée russe" ont influencé les pourparlers sur l'Ukraine, dit le Kremlin

Les succès rencontrés par l'armée russe ces dernières semaines sur le front "ont influencé" les pourparlers sur l'Ukraine, a affirmé mercredi le Kremlin, au lendemain de la rencontre à Moscou entre Vladimir Poutine et l'émissaire américain Steve Witkoff.

"Nos soldats russes, par leurs exploits militaires, ont contribué à rendre les évaluations des moyens de règlement pacifique de la part des partenaires étrangers plus adéquates", a ajouté le conseiller diplomatique du président russe, Iouri Ouchakov.

La Russie se dit prête à rencontrer des responsables américains "autant que nécessaire"

Le Kremlin a affirmé ce mercredi être prêt à rencontrer "autant que nécessaire" des responsables américains pour trouver une issue au conflit en Ukraine, après la réunion à Moscou entre le président Vladimir Poutine et l’émissaire américain Steve Witkoff. "Nous apprécions la volonté politique du président Trump de continuer à chercher des solutions […] Nous sommes tous prêts à nous rencontrer autant que nécessaire pour parvenir à un règlement pacifique", a déclaré à la presse le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, lors de son point presse quotidien auquel participait l’AFP.

Vladimir Poutine et Steve Witkoff ont discuté près de cinq heures hier au Kremlin du plan de paix américain, récemment ajusté après des consultations avec Kiev. Sur la question des territoires occupés par la Russie en Ukraine, qui représentent environ 19 % du pays, "aucune solution de compromis n’a encore été choisie", même si "certaines propositions américaines peuvent être discutées", a précisé à l’issue de cette rencontre le conseiller diplomatique du Kremlin, Iouri Ouchakov. Il a toutefois salué une discussion constructive et la volonté des deux parties de poursuivre leurs efforts.

Pourparlers sur l’Ukraine : le négociateur de Kiev va s’entretenir à Bruxelles avec les Européens

Le négociateur de Kiev dans les pourparlers pour mettre fin à la guerre en Ukraine, Roustem Oumerov, va rencontrer les Européens mercredi à Bruxelles au lendemain de la réunion à Moscou entre les émissaires américains et Vladimir Poutine, a indiqué le dirigeant ukrainien Volodymyr Zelensky. Après Bruxelles, ce négociateur et le chef d’état-major des forces armées ukrainiennes, Andriï Gnatov, "commenceront les préparatifs d’une réunion avec les envoyés du président Trump aux Etats-Unis", a-t-il dit sur X.

Interdiction du gaz russe : l’UE "se condamne" à "accélérer" sa perte de puissance, dit Moscou

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a salué ce mercredi une "nouvelle ère" d’indépendance énergétique vis-à-vis de Moscou, après qu’un accord a été trouvé entre eurodéputés et Etats européens pour interdire toutes les importations de gaz russe dans l’UE à l’automne 2027. Il s’agit d’un compromis entre le Parlement européen, qui souhaitait une interdiction plus rapide, et les Etats membres qui voulaient prendre un peu plus de temps.

Pour les gazoducs, l’interdiction des contrats de long terme, les plus sensibles car ils courent parfois sur des dizaines d’années, entrera en vigueur le 30 septembre 2027, sous réserve que les stocks soient suffisants, et s’appliquera au plus tard le 1er novembre 2027. Pour le gaz naturel liquéfié, le GNL, l’interdiction des contrats longs s’appliquera dès le 1er janvier 2027, conformément aux annonces de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen pour sanctionner la Russie.

L’exécutif européen a opté pour une proposition législative plutôt que des sanctions, car elle peut être adoptée à la majorité qualifiée des Etats membres. Le but est d’éviter un veto de la Hongrie et de la Slovaquie, considérées comme proches de Moscou et fermement opposées à ces mesures.

"L’Europe se condamne à des sources d’énergie plus coûteuses, ce qui inévitablement entraînera des conséquences pour l’économie européenne et une diminution de sa compétitivité", a réagi ce matin le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. "Cela ne fera qu’accélérer le processus amorcé ces dernières années de perte par l’économie européenne de son potentiel de leadership", a-t-il encore jugé.

Des pays de l’Otan promettent plus d’un milliard d’aide militaire à l’Ukraine

Plusieurs pays de l’Otan ont annoncé mercredi plus d’un milliard d’aide militaire supplémentaire à l’Ukraine, et appelé Moscou à cesser ses menaces ainsi qu’à ouvrir des négociations sérieuses avec Kiev.

Les ministres des Affaires étrangères de l’Otan ont commencé une réunion à Bruxelles au lendemain de nouveaux pourparlers entre la Russie et les Etats-Unis à Moscou, mais en l’absence du chef de la diplomatie américaine Marco Rubio. "Les pourparlers de paix sont en cours, c’est une bonne chose, mais en même temps, nous devons nous assurer que, pendant qu’ils se déroulent, et sans savoir quand ils prendront fin, l’Ukraine soit dans la position la plus forte possible pour continuer le combat", a affirmé mercredi le secrétaire général de l’Otan Mark Rutte.

Plusieurs ministres ont souligné l’absence de volonté de paix du Kremlin à l’issue de ces discussions à Moscou. "Le président Poutine devrait cesser les fanfaronnades et les effusions de sang et être prêt à venir à la table des négociations pour soutenir une paix juste et durable pour l’Ukraine", a jugé la cheffe de la diplomatie britannique Yvette Cooper, alors que le dirigeant russe a affirmé mardi que son pays était prêt à une guerre contre l’Europe si celle-ci décidait de la déclencher.

La proposition de l’UE sur les avoirs russes ne répond pas aux inquiétudes de la Belgique

La proposition de la Commission européenne, qui veut utiliser les avoirs russes pour financer un prêt à l’Ukraine, "ne répond pas aux inquiétudes" de la Belgique et reste "la pire des options", a affirmé ce mercredi le chef de la diplomatie belge Maxime Prévot. "Nous avons un sentiment de frustration de ne pas avoir été écoutés", a déclaré le ministre des Affaires étrangères à son arrivée à une réunion de l’Otan.

La Commission européenne doit préciser mercredi comment elle entend financer un prêt de réparation de 140 milliards d’euros à Kiev, en s’appuyant sur les avoirs de l’Etat russe gelés en Europe.

Washington fait état de "quelques progrès" dans les discussions

Le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio a fait état de "quelques progrès" dans les négociations avec la Russie pour tenter de trouver un accord mettant fin à la guerre en Ukraine, lors d’un entretien diffusé mardi. "Ce que nous avons essayé de faire, et je pense que nous avons fait quelques progrès, est de déterminer ce qui pourrait convenir aux Ukrainiens et leur donner des garanties de sécurité pour l’avenir", a-t-il déclaré sur la chaîne Fox News.

Après leur entretien avec les Russes à Moscou, Steve Witkoff et Jared Kushner pourraient rencontrer mercredi en Europe une délégation de Kiev, selon une source ukrainienne à l’AFP.

L’Ukraine au menu d’une visite d’Emmanuel Macron en Chine

Le président français entame ce mercredi sa quatrième visite d’État en Chine afin de défendre les intérêts français et européens. Sujet prioritaire, l’Ukraine sera abordée, et par ricochet la sécurité du Vieux continent, alors que les discussions s’intensifient pour tenter de mettre fin aux hostilités avec la Russie. Emmanuel Macron va appeler une nouvelle fois Xi Jinping à "peser" sur la Russie, partenaire stratégique de la Chine, pour la "convaincre" d’accepter un cessez-le-feu. Si elle appelle régulièrement à des pourparlers de paix, la Chine n’a toutefois jamais condamné Moscou pour l’invasion de l’Ukraine et revendique une neutralité dans ce dossier.

© AFP

Sur cette photo diffusée par l'agence russe Sputnik, Vladimir Poutine, accompagné de Kirill Dmitriev et Iouri Ouchakov, rencontre l'envoyé spécial américain Steve Witkoff et le gendre de Donald Trump, Jared Kushner, au Kremlin à Moscou, le 2 décembre 2025.

Nigel Farage, l’agent russe et la "Poutine-Trump connection"

3 décembre 2025 à 05:45

Lorsque la police antiterroriste l’a arrêté à l’aéroport de Manchester, en septembre 2021, Nathan Gill s’apprêtait à embarquer dans un avion pour Moscou. Il avait tout d’un homme sans histoire et sans reproche, bon père de famille gallois et électeur du parti conservateur dévoué à Dieu, à sa femme et à leurs cinq enfants. Ancien évêque resté membre actif de l’église des mormons, il avait eu une révélation, un soir de 2005, en voyant apparaître à la télévision l’homme politique qui serait désormais son nouvel objet d’adoration : Nigel Farage, le nationaliste britannique d’extrême droite, alors député du parti europhobe Ukip au Parlement européen puis leader victorieux du référendum sur le Brexit, repérable à ses pintes de bière et à son bagou populiste.

Elu député Ukip en 2014, Nathan Gill avait accompagné Farage quand il fonda le parti Reform UK, avatar du Ukip, et dirigé sa branche galloise (Reform UK Wales). L’une de ses ex-collègues de parti, Alexandra Philips, l’a décrit ainsi au Times : "Il n’était pas le plus grand esprit politique de sa génération. Je pense que lorsque les Russes veulent former quelqu’un, ils savent cibler la bonne personne." Nationaliste, trumpiste, antieuropéen et, cerise sur le gâteau, un peu fade : quelle proie plus parfaite pour les agents des services secrets russes ? Gill vient d’être condamné à dix ans et demi de prison au Royaume-Uni pour avoir accepté de l’argent en échange de déclarations publiques pro russes sur l’Ukraine.

Encombrante amitié

L’histoire n’est ni anecdotique, ni anodine. D’abord parce que Nigel Farage a cessé d’être un bouffon anglais en costume bariolé pour devenir un prétendant crédible au poste de Premier ministre : les sondages donnent à Reform UK une avance d’une douzaine de points sur le Labour au pouvoir, et d’une quinzaine de points sur les conservateurs. Ensuite parce que Farage, tel Trump vis-à-vis de son encombrant Epstein, peine à se distancier de ce Gill qu’il connaîtrait soi-disant à peine, alors que des photos et des camarades de parti témoignent de la grande proximité des deux hommes.

Enfin, parce que les demandes pressantes d’enquête interne sur les interférences entre Reform UK et la Russie pourraient s’étendre au-delà du Royaume-Uni, tant Nathan Gill apparaît comme un cas exemplaire de la guerre hybride menée par Vladimir Poutine dans toute l’Europe : pénétration dans les territoires de l’Otan par des avions, des navires ou des drones, cyberattaques, sabotages, désinformation, ingérences électorales, soutiens aux partis d’extrême droite eurosceptiques, infiltrations au plus haut niveau… jusqu’aux Etats-Unis, où l’enregistrement de la conversation entre Youri Ouchakov, conseiller diplomatique de Poutine, et Steve Witkoff, promoteur particulier de Trump, bidouillant leur insensé "plan de paix" en Ukraine, est la preuve de plus, accablante, d’une Amérique passée au service de la Russie contre les intérêts de ses alliés de l’Otan.

Obsession antieuropéenne

Une "Poutine-Trump connection" a pris corps en Europe et elle a sa logique. Le Brexit de 2016, encouragé par Poutine comme par Trump, a facilité l’élection du président américain la même année, inspiré par les mêmes bases nationalistes, identitaires et populistes. Nigel Farage est un proche de Donald Trump qui l’a associé à sa campagne, a déclaré qu'il espérait l'avoir comme ambassadeur du Royaume-Uni et l’a reçu à la Maison-Blanche. C’est à Farage, et non au Premier ministre Keir Starmer, que le vice-président américain J.D. Vance a rendu visite lors de vacances en Angleterre. C’est le même Farage qui, comme Marine Le Pen, a clamé son admiration pour Poutine et repris la propagande d’une pauvre Russie victime de l’agression de ses voisins. Et qui a pour compagne officielle la Française Laure Ferrari, ex-cadre du parti Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan, liée à l’ex stratège de Trump Steve Bannon.

Telle est la diplomatie trumpo-poutinienne : une vaste filière politique connectée par une obsession antieuropéenne et par une complaisance parfois collaborationniste envers la Russie. On connaît bien en France cette musique prorusse sifflotée à droite comme à gauche sous un gentil déguisement pacifiste, et qui étend la détestation de l’UE à celle de l’Otan. Le Royaume-Uni, lui, se démarquait jusqu’ici par la lucidité unanime des deux principaux partis du Parlement, travailliste et conservateur, sur le danger de l’expansionnisme russe en Europe. 75 % de son opinion publique soutient l’aide à l’Ukraine. Mais avec le parti de Farage en pleine ascension, même les Britanniques sont atteints. Poutine est arrivé dans la bergerie.

© afp.com/CARLOS JASSO

Le dirigeant de Reform UK, Nigel Farage, s'exprime lors d'une conférence de presse, à Londres, le 26 novembre 2025.
Reçu avant avant-hier L'Express

La visite de Viktor Orbán à Moscou jette un froid sur les relations entre la Hongrie et la Pologne

2 décembre 2025 à 20:02

C’est une annonce qui a le mérite d’être claire. Alors que le président polonais Karol Nawrocki devait rencontrer son homologue polonais, Viktor Orbán, le 4 décembre prochain, le premier a purement et simplement annulé. En cause : le voyage du dirigeant hongrois à Moscou, a justifié le chef du bureau international du président polonais.

Viktor Orbán et Vladimir Poutine ont en effet tenu des pourparlers au Kremlin vendredi dernier au sujet du sort des raffineries russes sanctionnées. Un voyage qui a coïncidé avec les efforts de Washington pour obtenir un accord de paix entre la Russie et l’Ukraine. "Le geste de Nawrocki marque un nouveau tournant : l’amitié millénaire s’enfonce dans des profondeurs sans précédent", commente le journal en ligne Valasz Online depuis Budapest. Une décision "sensible pour le pouvoir hongrois, car Nawrocki est un conservateur qui avait été félicité par Orban après sa victoire à la présidentielle", et "plusieurs experts le présentaient comme celui capable de renouer les relations politiques [entre les deux pays]", souligne le site.

"Pas confiance dans les accords de paix"

Mais, "Viktor Orbán a rencontré Vladimir Poutine à plusieurs reprises depuis 2022 et ses opinions pro-russes sont bien connues, alors qu’est-ce qui est différent cette fois-ci ?", s’interroge le média polonais TVP World. Viktor Orbán, un proche allié du président américain Donald Trump, est largement considéré comme le leader le plus favorable au Kremlin de l’Union européenne. Il a longtemps essayé de se faire passer pour un négociateur potentiel pour mettre fin à la guerre de la Russie en Ukraine, bien que ses "missions de paix" autoproclamées aient bouleversé les alliés de l’UE. Après une rencontre de plusieurs heures avec le président Vladimir Poutine au Kremlin, il a annoncé son intention de continuer les importations d’hydrocarbures russes, dont dépend la Hongrie, défiant à nouveau l’Union européenne sur ce sujet.

Paradoxalement, le président Nawrocki, qui "prône constamment la recherche de moyens réels de mettre fin à la guerre en Ukraine a décidé de limiter le programme de sa visite en Hongrie exclusivement au sommet des présidents", a déclaré Marcin Przydacz, son principal conseiller pour les affaires étrangères, dans un post sur le réseau social X. "Karol Nawrocki n’a pas une once de confiance dans les accords que Vladimir Poutine signerait, parce que la Russie de Poutine n’honore pas les accords", avait déjà déclaré Marcin Przydacz la semaine dernière, rappelle l’agence de presse Bloomberg.

Désillusions et embarras

"Ce qui a changé, c’est le choc qui est arrivé sous la forme du plan de paix Witkoff-Dmitriev. Une fois qu’il a commencé à circuler fin novembre, il a sapé le fondement de la position de politique étrangère de Nawrocki", poursuit le média polonais TVP World. Le président polonais croyait que la garantie de sécurité américaine était ferme. A Washington au cours de l’été, il avait obtenu une assurance personnelle de Donald Trump que les niveaux de troupes américaines en Pologne ne seraient pas réduits, rappelle le média. "Avec cette promesse en main, le président polonais s’est senti suffisamment protégé pour poursuivre une ligne ouvertement anti-UE, souvent anti-allemande, et construire son identité politique autour de la proximité avec Trump", souligne la chaîne. Mais, le plan de paix en 28 points de Steve Witkoff et Kirill Dmitriev a supprimé ce réconfort, avec notamment les concessions territoriales de l’Ukraine.

A Kiev, le changement de programme du président polonais a en tout cas été salué comme "une très bonne décision" par le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Andrii Sybiga. Il a applaudi "un fort sens de la solidarité" et un "engagement en faveur de l’unité et de la sécurité de l’Europe à un moment critique", dans un post dimanche soir sur X.

© afp.com/SAUL LOEB

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban le 7 novembre 2025, à Washington, aux Etats-Unis
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