Pourquoi le rachat de Warner Bros par Netflix inquiète Hollywood
Friends, la saga Harry Potter ou la série Game of Thrones… Le géant du streaming Netflix a annoncé vendredi 5 décembre le rachat pour près de 83 milliards de dollars du studio de cinéma et de télévision historique Warner Bros Discovery (WBD) dans un communiqué commun. Cela lui permet d’acquérir un immense catalogue de films mais aussi le prestigieux service de streaming HBO Max. Une transaction qui va "avoir un impact sur l’industrie du divertissement pendant des décennies", prédit le média Bloomberg.
Il s’agit de la plus grosse opération du genre dans le domaine du divertissement depuis le rachat de la Fox par Disney (71 milliards de dollars) en 2019. Le communiqué précise que les actionnaires de Warner recevront pour chaque action 23,30 dollars en espèces et 4,50 dollars en actions Netflix - loin des seulement 8 dollars de l’action Warner Bros Discovery en avril dernier.
Quel impact pour les salles de cinéma ?
Netflix a la réputation de ne diffuser que quelques films dans les salles de cinéma pour des durées limitées, des avant-premières ou "généralement afin de pouvoir prétendre à des récompenses telles que les Oscars", rappelle Bloomberg. Le streaming à domicile est sa vocation principale. Cité par le New York Times, le directeur général de Cinema United, une association professionnelle représentant 30 000 écrans de cinéma aux États-Unis, a qualifié le rachat par Netflix de "menace sans précédent pour le secteur mondial de l’exploitation cinématographique". "Des cinémas fermeront, des communautés souffriront, des emplois seront perdus", a déclaré Michael O’Leary. Selon l’association, le retrait des films produits par Warner Bros provoquerait le même effet que la suppression de "25 % du box-office annuel national".
Netflix s’engage à maintenir les activités actuelles de Warner Bros. "Pour l’instant, vous pouvez compter sur le fait que tous les films prévus pour une sortie en salles par Warner Bros continueront d’être projetés dans les cinémas", a déclaré lors d’une conférence téléphonique avec des investisseurs le 5 décembre, Ted Sarandos, co-PDG de Netflix. Mais comme le souligne le New York Times, ce dernier avait aussi déclaré en avril lors d’un événement que le "consommateur" souhaitait "regarder des films chez lui", et avait qualifié les salles de cinéma d'"idée dépassée". Repéré par les Echos, un communiqué du syndicat des producteurs américains met en garde Netflix : "Nos studios historiques sont plus que de simples bibliothèques de contenus : leurs archives renferment le caractère et la culture de notre nation."
Va-t-il y avoir un monopole du secteur ?
La vente doit être achevée au troisième trimestre 2026. Selon le New York Post, des responsables de la Maison-Blanche se seraient récemment inquiétés de la possible acquisition de WBD par Netflix, risquant selon eux de donner à la plateforme vidéo une position dominante sur le marché américain des contenus. Des députés démocrates ont également assuré qu’ils allaient "suivre de près" cet accord.
Du côté des employés du secteur, c’est l’inquiétude. La Writers Guild of America, qui représente plus de 12 000 scénaristes, a également demandé à "bloquer" cette fusion dans un communiqué, note le New York Times. "Le rachat de l’un de ses principaux concurrents par le géant mondial du streaming est précisément ce que les lois antitrust visent à empêcher." L’association s’inquiète aussi d’une "dégradation des conditions de travail pour tous les professionnels du divertissement, une hausse des prix pour les consommateurs et une réduction du volume et de la diversité des contenus proposés".
Paramount, rachetée cette année par David Ellison, fils de Larry Ellisson, fervent partisan du président Donald Trump, avait cherché à se positionner pour racheter WBD. D’après Bloomberg, les avocats de Paramount ont écrit une lettre déclarant que le processus d’enchères avait été biaisé en faveur de Netflix.
Quelles conséquences sur les emplois ?
Selon le même média, la transaction devra a minima faire l’objet d’un examen pendant un an ou plus "par les autorités de régulation de plusieurs juridictions, notamment le ministère américain de la Justice et l’Union européenne", avant de pouvoir être définitivement validée. Netflix vise à réaliser entre 2 et 3 milliards de dollars d’économies. Selon Greg Peters, le co-PDG de Netflix, cité par Bloomberg, la majeure partie de ces économies proviendra de la réduction des frais généraux et administratifs. Des suppressions d’emploi ont eu lieu précédemment lorsque Disney a racheté la Fox pour 71,3 milliards de dollars en 2019, et également cette année lorsque Skydance Media (dirigé par David Ellison) a pris le contrôle de Paramount, avec le licenciement de plus de 2 000 employés en octobre.
Le PDG de Warner Bros, David Zaslav, pourrait aussi sauter. Il n’était pas présent lors de l’annonce de l’accord par Netflix et n’a pas fait de commentaire public depuis. Selon des sources de Bloomberg, "aucun rôle spécifique ne lui a été attribué au sein des sociétés fusionnées".

© afp.com/Patrick T. Fallon