Encore une mauvaise nouvelle pour l’Ukraine. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a indiqué que le bouclier de confinement recouvrant le réacteur accidenté de Tchernobyl, en Ukraine, ne remplit désormais plus pleinement sa fonction de protection contre les radiations. En février dernier, un drone explosif russe a touché le sarcophage, provoquant une brèche dans la structure d’acier censée isoler le site.
Achevé en 2019 dans le cadre d’un programme soutenu par l’Union européenne, le "New Safe Confinement" (également nommé l'Arche de Tchernobyl) venait coiffer le premier sarcophage en béton très dégradé, construit dans la précipitation après l’accident nucléaire du 26 avril 1986. Cet ouvrage de très haute technicité, qui avait nécessité un investissement de près de 1,5 milliard d’euros, avait été conçu pour durer un siècle. Longue de 257 mètres, haut de 108 mètres et pesant 36 000 tonnes — l’équivalent d’une centaine de Boeing 747 —, "cette arche devait résister à des conditions extrêmes : températures allant de – 43 °C à + 45 °C, vents violents comparables à ceux d’une tornade de catégorie 3 et séismes de magnitude 7", nous explique Vincent Houard, ingénieur nucléaire et membre de l’Observatoire Energie & Climat de l’Institut Sapiens.
Pensé pour garantir le confinement radioactif et permettre le démantèlement progressif du réacteur accidenté en toute sûreté, ce dôme métallique a été construit par le consortium Novarka (Bouygues Construction et Vinci Construction), puis lentement déplacé sur rails afin de recouvrir l’ancienne structure.
Des risques sécuritaires
Selon l’AIEA, le récent impact a provoqué des dommages compromettant l’intégrité de la structure. La mission d’inspection "a confirmé que la structure de protection avait perdu ses principales fonctions de sécurité, notamment sa capacité de confinement, mais a également constaté qu’il n’y avait pas de dommages permanents aux structures porteuses ou aux systèmes de surveillance", a informé le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, dans un communiqué.
Concrètement, le sarcophage métallique présente désormais une ouverture, ce qui signifie qu’il n’est plus totalement étanche. "Cette perte d’étanchéité fait peser un risque de dispersion de poussières radioactives, même si aucun relâchement n’a été constaté à ce stade. Elle peut aussi permettre à l’eau de s’infiltrer à l’intérieur, notamment lors de fortes pluies, ce qui pourrait, à terme, endommager la structure et ses équipements", explique Vincent Houard.
"Impossible d’envisager le retrait de l’arche"
Rafael Grossi a indiqué que des réparations provisoires avaient déjà été réalisées, tout en soulignant qu’"une restauration complète reste indispensable pour prévenir toute dégradation supplémentaire et garantir la sûreté nucléaire à long terme". L’AIEA a précisé, dimanche 7 décembre, que le site entreprendrait des réparations temporaires supplémentaires pour soutenir le rétablissement de la fonction de confinement de l’arche protectrice en 2026, avec le soutien de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), "ouvrant la voie à une restauration complète une fois le conflit terminé" avec la Russie.
Pour Vincent Houard, l’option la plus simple serait de reboucher la brèche. Une "intervention délicate", qui nécessiterait le recours à des entreprises hautement spécialisées, capables d’opérer en environnement contaminé. En revanche, retirer l’arche n’est pas une option : "le risque d’émanations radioactives est trop élevé", précise l’ingénieur nucléaire. Le calendrier des travaux reste toutefois incertain. Leur lancement dépendra notamment des financements mobilisés. "Le projet s’annonce coûteux et pourrait s’étaler sur plusieurs années. En attendant, des inspecteurs sont mobilisés sur place afin de surveiller l’absence de fuite."
Photo diffusée par les services d'urgence ukrainiens, le 14 février 2025, montrant l'arche de confinement endommagée de l'ancienne centrale nucléaire de Tchernobyl à la suite d'une attaque de drone
Emmanuel Macron hausse le ton face à la Chine, qu'il menace de droits de douane "dans les tout prochains mois" si Pékin ne prend pas des mesures pour réduire le déficit commercial qui ne cesse de se creuser avec l'Union européenne". Je leur ai dit que, s'ils ne réagissaient pas, nous, Européens, serions contraints, dans les tout prochains mois, de prendre des mesures fortes (...) à l'instar des Etats-Unis, comme par exemple des droits de douane sur les produits chinois", a déclaré le président français, de retour d'un voyage officiel en Chine, dans un entretien dans le quotidien français Les Echos, publié dimanche.
Washington impose de forts tarifs douaniers sur les produits chinois, qui ont toutefois été réduit de 57% à 47% dans le cadre d'un accord, annoncé fin octobre entre les deux pays. "La Chine vient percuter le coeur du modèle industriel et d'innovation européen, historiquement basé sur la machine-outil et l'automobile", relève Emmanuel Macron.
Résistance allemande
Et le protectionnisme de l'administration Trump ne fait qu'aggraver les choses. "Elle accroît nos problèmes en redirigeant les flux chinois massivement sur nos marchés", met en avant le président français. "Aujourd'hui, nous sommes pris entre les deux et c'est une question de vie ou de mort pour l'industrie européenne", déplore-t-il. Mais il reste conscient que la constitution d'un front commun européen sur la question n'est pas facile, l'Allemagne, très présente en Chine, n'étant "pas encore totalement sur notre ligne".
Lors de sa visite en Chine, Emmanuel Macron a réitéré que l'Europe, pour réduire son déficit commercial avec la Chine, devait accepter des investissements chinois. "Nous ne pouvons pas constamment importer. Les entreprises chinoises doivent venir sur le sol européen", plaide-t-il dans Les Echos. Une dizaine de secteurs sont concernés, parmi lesquels les batteries, le raffinage de lithium, l'éolien, le photovoltaïque, les véhicules électriques, les pompes à chaleur air-air, les produits d'électroniques grand public, les technologies de recyclage, la robotique industrielle ou encore les composants avancés. Mais les investissements chinois en Europe "ne doivent pas être prédateurs, c'est-à-dire être faits à des fins d'hégémonie et de création de dépendances", souligne Emmanuel Macron.
De son côté, selon lui, l'UE doit se protéger dans les secteurs les plus vulnérables - comme l'automobile face au rouleau compresseur des véhicules électriques chinois - et parallèlement "réengager une politique de compétitivité". Cela passe par "la simplification, l'approfondissement du marché unique, des investissements dans l'innovation, une juste protection de nos frontières, un aboutissement de notre union douanière (...) et une politique monétaire ajustée", développe-t-il.
Le président français Emmanuel Macron (2e g), son épouse Brigitte Macron (g), le président chinois Xi Jinping (2e d) et sonépouse Peng Liyan (d) visitent le site séculaire du barrage du Dujiangyan, dans la province du Sichuan, le 5 décembre 2025
Alors que la guerre en Ukraine s’inscrit dans la durée, le recrutement de soldats est devenu, en Russie, un enjeu économique à part entière. En 2025, un mécanisme parallèle, fondé sur des primes et des gratifications à la performance, s’est progressivement imposé avec l’appui des autorités locales. Au cœur de ce dispositif, une logique simple, résumée par une formule largement diffusée : "Amène ton ami." Désormais, chaque engagement facilité par un intermédiaire peut donner lieu à une rémunération envers ce dernier, versée pour avoir orienté un volontaire vers le ministère de la Défense, souligne Courrier International.
Sur Telegram, VKontakte ou le site d’annonces Avito, les propositions d’enrôlement se multiplient, accompagnées d’arguments soigneusement sélectionnés : "pas de combats", "affectation en deuxième ligne", "dettes effacées". Présentées comme de simples opportunités professionnelles, ces promesses masquent toutefois une organisation bien plus structurée. Selon plusieurs médias indépendants russes, dont VotTak, média russophone affilié à la chaîne biélorusse Belsat, le recrutement militaire s’est imposé comme une activité lucrative à part entière, où mettre des hommes en relation avec l’armée est devenu un travail rémunéré.
"Dans au moins 21 régions, les administrations locales proposent une prime, parfois massive, pour chaque volontaire amené au centre de recrutement", rappellent nos confrères de Courrier International. Exemple à Pelym, petite ville de l’Oural, la municipalité verse ainsi à ces chasseurs de tête 500 000 roubles (5 500 euros) par recrue, auxquels s’ajoutent 50 000 roubles (559 euros) issus du budget régional. En moyenne, rappelle VotTak, l’État se déleste de 100 000 roubles (environ 1 100 euros) "pour chaque nouveau contractuel". Une aubaine pour certaines familles alors que l’inflation frôlait les 8 % en Russie au mois de septembre dernier.
Des réseaux informels structurés
D’après le média indépendant Verstka, le recrutement militaire obéit désormais à des logiques proches de celles d’un circuit économique organisé. On retrouve des profils très variés parmi les recruteurs : d’anciens cadres des ressources humaines en reconversion, des femmes au foyer maîtrisant les codes des réseaux sociaux, ou encore des intermédiaires locaux bien introduits. Certains développent même des réseaux informels structurés, capables d’adresser chaque jour plusieurs dizaines de volontaires aux centres d’enrôlement, dans l’objectif de percevoir une rémunération à chaque engagement conclu.
Comme l’a analysé le réseau Axel Springer Global Reporters Network pour Politico, plus de 80 gouvernements régionaux russes sont aujourd’hui mis en concurrence pour fournir des effectifs à l’armée. Les régions recourent à des agences de ressources humaines, qui s’appuient à leur tour sur des recruteurs indépendants. Leur mission ? Diffuser les annonces, sélectionner les candidats et les accompagner dans leurs démarches. "Ce qui était au départ une solution de fortune en temps de guerre s’est mué en une industrie quasi commerciale de chasse de têtes", résume le site américain.
La cible : "des hommes socialement vulnérables"
Pour les hommes russes, la guerre tend ainsi à se présenter comme un emploi parmi d’autres, avec des critères d’exclusion qui se sont assouplis. "Ces mesures ciblent une population spécifique : les hommes socialement vulnérables", explique la politologue Ekaterina Schulmann dans Politico qui dresse leur portrait. "Des hommes endettés, ayant un casier judiciaire, peu informés sur les questions financières, ou piégés par des microcrédits abusifs. Des personnes marginalisées, sans perspectives."
Cette orientation, impulsée par Vladimir Poutine, vise à porter les effectifs des forces armées russes à 1,5 million de soldats. Malgré des pertes humaines considérables depuis 2022 — plus d’un million de soldats auraient été tués ou grièvement blessés en Ukraine selon l’état-major général des forces armées ukrainiennes — Moscou continue de renouveler ses effectifs, en privilégiant désormais les leviers financiers à la contrainte directe. De quoi inquiéter ses voisins européens.
Le Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orban a annoncé l'envoi d'une délégation d'hommes d'affaires en Russie dans les prochains jours, pour préparer l'après-guerre en Ukraine, samedi lors d'un meeting à quelques mois des élections législatives dans son pays. Cette mission se concentrera sur des coopérations économiques et s'inscrit dans la volonté de "penser dès maintenant au monde d’après-guerre et d'après les sanctions", a-t-il déclaré devant un millier de personnes réunies dans une salle de sport à Kecskemét, dans le centre de la Hongrie.
Acquérir des raffineries détenues pas les Russes en Europe
Viktor Orban, rare dirigeant européen proche à la fois du président américain Donald Trump et du président russe Vladimir Poutine, a affirmé discuter à la fois avec les Américains et les Russes, "même si je ne peux pas révéler tous les détails", a-t-il dit. "Il faut anticiper, car si Dieu nous aide et que la guerre se termine sans que nous y soyons entraînés, et si le président américain réussit à réintégrer la Russie dans l’économie mondiale, que les sanctions sont démantelées, nous nous retrouverons dans un tout autre espace économique", a-t-il encore déclaré.
Selon les médias hongrois, la compagnie pétrolière et gazière hongroise MOL envisage d'acquérir des raffineries et des stations-service en Europe, détenues par les groupes russes Lukoil et Gazprom soumis à des sanctions américaines ainsi que des participations dans des sites de production au Kazakhstan et en Azerbaïdjan — des sujets qui auraient été évoqués lors de la rencontre entre Viktor Orban et Donald Trump début novembre à Washington.
Fin novembre, Viktor Orbán s'est rendu à Moscou où il a promis à Vladimir Poutine de poursuivre les importations d'hydrocarbures russes dont la Hongrie continue de dépendre, défiant une nouvelle fois l'Union européenne sur le sujet.
Le dirigeant hongrois n'a en effet pas cherché à diversifier réellement les importations de son pays depuis le déclenchement de l'offensive russe en Ukraine en février 2022, contrairement à nombre de ses voisins européens.
Il a annoncé en novembre avoir saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour s'opposer à la décision par la majorité des États membres d'approuver en octobre le principe d'une interdiction, d'ici fin 2027, des importations de gaz naturel russe.
Tout sourire, chemise hawaïenne et lunettes de soleil aviateur, Huang Chu-jung se présente sur sa page Facebook comme un grand-père taïwanais inoffensif. Cette photo, datant de novembre 2024, est la dernière publiée sur son compte. Quelques mois plus tard, en février 2025, l’homme est arrêté, soupçonné d’être à la tête d’un cercle d’espionnage pour le compte de la Chine. L’affaire a fait l’effet d’une bombe à Taïwan : cet ancien assistant d’un conseiller municipal avait en effet infiltré le cœur du pouvoir, recrutant trois informateurs au sein du DPP, le parti honni de Pékin pour ses racines indépendantistes, et qui dirige l’île depuis 2016.
C’est un an après ce changement de cap politique, que Huang semble entrer en action. Certains médias taïwanais rapportent qu’il aurait été approché dès 2003 par les services secrets chinois - c’était alors un homme d’affaires -, lors d’un de ses fréquents voyages sur le continent. Il recrute un conseiller auprès du Bureau présidentiel et un assistant de Joseph Wu, ministre des Affaires étrangères de 2018 à 2024. Ho Ren-chieh, qui a travaillé en étroite collaboration avec le chef de la diplomatie taïwanaise pendant tout son mandat, a ainsi pu transmettre des fichiers confidentiels, telles que des conversations avec des dignitaires étrangers, via une application de jeu sur téléphone, cryptée par les services secrets chinois.
Contacté par L’Express, le ministère des Affaires étrangères se dit "consterné", ces fuites pouvant "porter préjudice aux résultats diplomatiques accumulés pendant de nombreuses années".Même si ce cas de vol d’informations n’a pas encore eu de conséquences trop graves sur la sécurité nationale,il révèle les failles du système de contrôle du personnel au sein des institutions les plus sensibles.
Pour avoir recruté des espions et partagé des informations secrètes, Huang, le "gentil grand-père", aurait touché au moins 6 millions de dollars taïwanais (165 670 euros) pour l’ensemble de ses opérations, même s’il est difficile de retracer précisément les transferts d’argent.
"Sortons le portefeuille !"
Sa première recrue, Chiu Shih-yuan,occupait alors un poste de directeur adjoint de l’Académie pour la démocratie, un institut fondé par le DPP pour former ses membres politiques (il semble désormais inactif). Sur les réseaux sociaux, l'homme affiche une vie de faste, incompatible avec un salaire de militant du DPP, qui attire les soupçons.Sur une photo publiée en 2023, sa femme montre fièrement un sac d’emballage Hermès devant la boutique de luxe, à Munich, avec cette légende : "Sortons le portefeuille !".
Assistants de députés ou de ministres, haut gradés dans l’armée, soldats, directeurs de temples religieux, mafieux, influenceurs ou encore entrepreneurs : les services secrets chinois, tels une hydre invisible, se glissent dans toutes les strates de la société. Non seulement pour récolter de précieuses informations, mais aussi pour fragiliser la cohésion de la population taïwanaise face à la Chine, qui considère l’île comme l'une de ses provinces et juge l'unification "inévitable". En mars, le président taïwanais Lai Ching-te a tiré la sonnette d'alarme dans un discours : 64 personnes ont été poursuivies en 2024 pour espionnage au profit de la Chine, un chiffre trois fois plus élevé qu’en 2021. Au total, le nombre de personnes infiltrées pourrait dépasser les 5 000, selon Liu Te-liang, ex-directeur des renseignements militaires de Taïwan, que L’Express a pu rencontrer.
Casquette vissée sur la tête et vêtu d’un sweat-shirt, le sexagénaire parle discrètement et scrute de temps à autre les clients, dans un café de Taipei. A la retraite depuis 2018, il se sent toujours comme un homme traqué : "Après mon départ, je savais que les services de renseignement chinois, et notamment leur unité militaire, ne me laisseraient pas tranquille. C’est pourquoi j’ai fait profil bas pendant sept ans", confie-t-il. A peine huit mois après avoir quitté ses fonctions, une lettre manuscrite lui parvient, en provenance d’une mystérieuse entreprise de gaz chinoise, avec cette annonce : "La société Gitech Energy Technology Co. Ltd. basée au Sichuan recherche un partenaire à Taïwan". "Dès que j’ai vu l’enveloppe, j’ai su qu’ils me cherchaient. Leur objectif était clair : me signaler qu’ils savaient où je me trouvais et me pousser à collaborer", poursuit notre témoin.
Comme nombre d’anciens militaires, il est une cible de choix pour les espions chinois. D’après le Bureau de la sécurité nationale, sur les 64 personnes inculpées pour espionnage l’an dernier, 43 sont des militaires actifs ou retraités. Pourtant, le règlement est strict : pendant dix ans après leur départ, il leur est interdit de se rendre en Chine, à Macao ou à Hongkong. Liu Te-liang s’est lui-même fixé une règle : ne pas quitter le pays quoiqu’il arrive.
Les militaires agissent pour des motifs financiers
Rares sont les agents secrets chinois à poser le pied sur l’île. Exception notable : en 2015, les Taïwanais ont réussi à intercepter sur leur sol Zhen Xiaojiang, un ancien capitaine de l’Armée populaire de libération qui avait recruté des haut gradés de l’armée et transmis des informations militaires classifiées. Depuis, "toutes les personnes arrêtées sont des Taïwanais, jamais des Chinois",remarque Nieh Jui-i, avocat à Taipei et chargé de la défense des militaires soupçonnés d’espionnage. "Le PCC est intelligent : lorsqu’il recrute un intermédiaire pour aller corrompre des militaires, les responsables eux-mêmes n’entrent quasiment jamais à Taïwan. Ils opèrent depuis Hongkong, Macao ou le Japon", abonde Wang Cheng-hao, procureur du Parquet de Taïwan.
Ce sont les "intermédiaires" taïwanais - souvent des militaires à la retraite, donc - qui se chargent de sélectionner et approcher les profils jugés intéressants. "Il existe deux catégories de recruteurs : la première, ce sont ceux animés par une idéologie. Ils adhèrent aux idées de la Chine et souhaitent l’unification. La deuxième, ce sont des individus dont la position sur Pékin est floue, et qui sont avant tout motivés par l’argent", résumeLin Ta, autre procureur du Parquet.
Environ 70 à 80 % des militaires agiraient pour des motifs financiers, selon l’avocat Nieh Jui-i. De fait, les militaires endettés sont des profils particulièrement recherchés par les Chinois, qui leur proposent des missions en apparence sans danger.Ainsi, les vols de renseignement ne relèvent pas toujours de secrets d’Etat : "Dans une affaire, il s’agissait d’un tableau de service décrivant les horaires des tours de garde de nuit [sur un site sensible]. En soi, cela n’a pas de véritable valeur stratégique mais ils l’achètent tout de même" confie le procureur Lin Ta. En 2023, parmi les cas d’espionnage dans l’armée, les accusés ont pu toucher des sommes allant de 15 000 à 460 000 euros.
Derrière ce type d’opérations, se dissimule cependant une stratégie bien huilée : "Ils vous appâtent d’abord avec un leurre, puis, une fois que vous mordez à l’hameçon, la mécanique s’enclenche, petit à petit"poursuit le magistrat. Pris dans un engrenage, l’espion doit alors dérober toujours plus de renseignements. Les services chinois n’hésitent pas à faire peur pour pousser une recrue à aller plus loin. "Je me souviens d’une affaire où un soldat avait fourni des documents bons pour la poubelle. Un jour, ils lui ont donné rendez-vous en Chine : ils l’ont enfermé dans un terrain de basket et l’ont assis au milieu seul pendant plusieurs heures", relate le procureur. Isolé hors de son pays, l’espion craint alors d’être condamné par la justice chinoise, ou dénoncé à ses supérieurs.
Défection en vidéo
Au-delà des risques pour la sécurité nationale, ces opérations d’espionnage relèvent surtout de la guerre psychologique. "Les documents ne sont pas toujours utiles en eux-mêmes, mais les fuites peuvent montrer à quel point l’armée est perméable", analyse l’avocat Nieh Jui-i.Sur une photo datée de 2020, un colonel de l’armée taïwanaise en uniforme brandit une pancarte prouvant sa défection : "En cas de guerre entre les deux rives du détroit, je ferai de mon mieux dans mon travail pour servir la patrie et accomplir la glorieuse réunification pacifique", peut-on lire en caractères chinois. La photo a d’autant plus choqué que le colonel était en poste à Kinmen, un territoire taïwanais situé à seulement 3 kilomètres de la Chine et subissant régulièrement le harcèlement des garde-côtes et des drones chinois.Dans le même ordre d’idée,des officiers ont été payés en 2023 pour se filmer en train d’affirmer leur soumission à l’Armée populaire de Chine.
De tels messages contribuent à casser la confiance déjà fragile des Taïwanais envers leur propre armée : seule la moitié des habitants estiment que l’armée a les compétences nécessaires pour protéger le pays, selon un rapport publié l’an dernier par l’'Institut national de recherche sur la défense et la sécurité de Taïwan. Mis en cause, le ministère de la Défense soutient que son programme d’éducation dans les casernes pour lutter contre les infiltrations donne des résultats.
Les quatre espions arrêtés au sein du DPP cette année, longtemps restés sous les radars, posent en revanche la question de la sensibilisation à ce sujet dans la classe politique. Huang Chu-jung et Chiu Shih-yuan ont notamment pu sans difficultés rencontrer les services chinois en Thaïlande et à Macao. "Aujourd’hui, au sein du DPP, on doit signaler nos déplacements, mais cela ne concerne pas les assistants. Comme ils ne sont pas membres du parti, tout dépend des règles que chaque député impose à son propre bureau. Dans le nôtre, on interdit à tout le monde d’aller en Chine, mais dans d’autres, les assistants peuvent tout à fait s’y rendre" commente Puma Shen, député du DPP et spécialiste des techniques d’infiltration chinoises. De fait, les assistants échappent à la surveillance du parti. "Celui-ci n’intervient pour enquêter qu’après un incident : s’il y a une dénonciation, une accusation de corruption ou d’infraction", déplore notre ancien directeur des renseignements militaires, pour qui le DPP devrait se doter de son propre service de renseignements, à l’instar de l’armée.
Étonnamment, nombre de cas d’espionnage échappent à des poursuites ou à des peines conséquentes. Même lorsque les accusés enfreignent la loi sur la sécurité nationale, la justice se montre parfois clémente : en 2024, deux officiers retraités de l’armée de l’air, pourtant de connivence avec un espion chinois, ont été condamnés chacun à seulement deux ans et seize mois de prison. Et Huang Chu-jung, le recruteur d’espions au sein du DPP, n’a écopé fin septembre que de dix ans de réclusion.
"Dans l’armée américaine, tout le monde sait que si vous êtes arrêté pour espionnage, c’est pratiquement la fin de votre vie. Vous allez en prison pour au moins vingt ou vingt-cinq ans, voire à perpétuité", commente John Dotson, ancien officier du renseignement naval et directeur de Global Taiwan Institute, basé à Washington DC. Toutefois, au moment où la menace chinoise ne cesse de grandir (comme en témoignent les exercices militaires chinois devenus presque routiniers dans le détroit), les procureurs affirment se montrer désormais moins tolérants à l’égard des affaires d’espionnage.
Encore faudrait-il que la justice dispose des outils adéquats. A ce titre, l’affaire "Wang Ping-chung" a laissé un mauvais souvenir. Membre du parti pro-unification "xindang", cet homme et quatre autres personnes ont été accusés en 2018 de développer des organisations d’espionnage pour le compte de la Chine. Toutefois, faute de preuve suffisante, les hommes ont été acquittés. "Le tribunal a tranché : tant qu’ils n’ont pas posé cette question précise à leurs contacts : 'Acceptez-vous de travailler pour le Parti communiste chinois ?' alors il n’y a pas infraction", regrette le procureur Wang Cheng-hao, qui a porté l’affaire devant la Cour suprême taïwanaise, sans succès.
Pour lui, ce dossier pose la question "de la frontière entre les libertés fondamentales et la protection de la sécurité nationale dans un régime démocratique". Le sujet du renforcement de la surveillance est particulièrement sensible pour la jeune démocratie encore marquée par son passé dictatorial. "Nous ne voulons pas devenir un autre Hongkong, où la loi sur la sécurité nationale de la République populaire de Chine a paralysé la société civile. Mais d’autre part, nous sommes conscients d’être confrontés à une menace grave", observe Su Yen-tu, professeur de droit à l’Academia Sinica, à Taipei. Si elle ne veut pas devenir un paradis pour espions chinois, l’île n’a cependant pas d’autre choix que d’en finir avec l’angélisme.
Assistants de députés ou de ministres, haut gradés dans l’armée, soldats, directeurs de temples religieux ou encore entrepreneurs : les services secrets chinois se glissent dans toutes les strates de la société taïwanaise.
Friends, la saga Harry Potter ou la série Game of Thrones… Le géant du streaming Netflix a annoncé vendredi 5 décembre le rachat pour près de 83 milliards de dollars du studio de cinéma et de télévision historique Warner Bros Discovery (WBD) dans un communiqué commun. Cela lui permet d’acquérir un immense catalogue de films mais aussi le prestigieux service de streaming HBO Max. Une transaction qui va "avoir un impact sur l’industrie du divertissement pendant des décennies", prédit le média Bloomberg.
Il s’agit de la plus grosse opération du genre dans le domaine du divertissement depuis le rachat de la Fox par Disney (71 milliards de dollars) en 2019. Le communiqué précise que les actionnaires de Warner recevront pour chaque action 23,30 dollars en espèces et 4,50 dollars en actions Netflix - loin des seulement 8 dollars de l’action Warner Bros Discovery en avril dernier.
Quel impact pour les salles de cinéma ?
Netflix a la réputation de ne diffuser que quelques films dans les salles de cinéma pour des durées limitées, des avant-premières ou "généralement afin de pouvoir prétendre à des récompenses telles que les Oscars", rappelle Bloomberg. Le streaming à domicile est sa vocation principale. Cité par le New York Times, le directeur général de Cinema United, une association professionnelle représentant 30 000 écrans de cinéma aux États-Unis, a qualifié le rachat par Netflix de "menace sans précédent pour le secteur mondial de l’exploitation cinématographique". "Des cinémas fermeront, des communautés souffriront, des emplois seront perdus", a déclaré Michael O’Leary. Selon l’association, le retrait des films produits par Warner Bros provoquerait le même effet que la suppression de "25 % du box-office annuel national".
Netflix s’engage à maintenir les activités actuelles de Warner Bros. "Pour l’instant, vous pouvez compter sur le fait que tous les films prévus pour une sortie en salles par Warner Bros continueront d’être projetés dans les cinémas", a déclaré lors d’une conférence téléphonique avec des investisseurs le 5 décembre, Ted Sarandos, co-PDG de Netflix. Mais comme le souligne le New York Times, ce dernier avait aussi déclaré en avril lors d’un événement que le "consommateur" souhaitait "regarder des films chez lui", et avait qualifié les salles de cinéma d'"idée dépassée". Repéré par les Echos, un communiqué du syndicat des producteurs américains met en garde Netflix : "Nos studios historiques sont plus que de simples bibliothèques de contenus : leurs archives renferment le caractère et la culture de notre nation."
Va-t-il y avoir un monopole du secteur ?
La vente doit être achevée au troisième trimestre 2026. Selon le New York Post, des responsables de la Maison-Blanche se seraient récemment inquiétés de la possible acquisition de WBD par Netflix, risquant selon eux de donner à la plateforme vidéo une position dominante sur le marché américain des contenus. Des députés démocrates ont également assuré qu’ils allaient "suivre de près" cet accord.
Du côté des employés du secteur, c’est l’inquiétude. La Writers Guild of America, qui représente plus de 12 000 scénaristes, a également demandé à "bloquer" cette fusion dans un communiqué, note le New York Times. "Le rachat de l’un de ses principaux concurrents par le géant mondial du streaming est précisément ce que les lois antitrust visent à empêcher." L’association s’inquiète aussi d’une "dégradation des conditions de travail pour tous les professionnels du divertissement, une hausse des prix pour les consommateurs et une réduction du volume et de la diversité des contenus proposés".
Paramount, rachetée cette année par David Ellison, fils de Larry Ellisson, fervent partisan du président Donald Trump, avait cherché à se positionner pour racheter WBD. D’après Bloomberg, les avocats de Paramount ont écrit une lettre déclarant que le processus d’enchères avait été biaisé en faveur de Netflix.
Quelles conséquences sur les emplois ?
Selonle même média, la transaction devra a minima faire l’objet d’un examen pendant un an ou plus "par les autorités de régulation de plusieurs juridictions, notamment le ministère américain de la Justice et l’Union européenne", avant de pouvoir être définitivement validée. Netflix vise à réaliser entre 2 et 3 milliards de dollars d’économies. Selon Greg Peters, le co-PDG de Netflix, cité par Bloomberg, la majeure partie de ces économies proviendra de la réduction des frais généraux et administratifs. Des suppressions d’emploi ont eu lieu précédemment lorsque Disney a racheté la Fox pour 71,3 milliards de dollars en 2019, et également cette année lorsque Skydance Media (dirigé par David Ellison) a pris le contrôle de Paramount, avec le licenciement de plus de 2 000 employés en octobre.
Le PDG de Warner Bros, David Zaslav, pourrait aussi sauter. Il n’était pas présent lors de l’annonce de l’accord par Netflix et n’a pas fait de commentaire public depuis. Selon des sources de Bloomberg, "aucun rôle spécifique ne lui a été attribué au sein des sociétés fusionnées".
Cette décision, adoptée par huit voix contre trois, devrait être suivie par les autorités fédérales américaines et conduire à la fin de l'actuelle politique de prévention du pays, en vigueur depuis plus de 30 ans. Donald Trump s'est félicité sur son réseau Truth Social d'une "très bonne décision".
Selon la nouvelle recommandation, l'administration d'une première dose de vaccin contre l'hépatite B - sur trois - dans les premières heures de la vie d'un enfant ne serait plus systématiquement recommandée aux bébés dont la mère a été testée négative.
Ce changement majeur a été immédiatement dénoncé par des associations de soignants comme injustifié et même dangereux, en raison notamment des failles dans le dépistage des mères aux Etats-Unis et de la possibilité que les nouveau-nés soient contaminés par d'autres personnes de leur entourage. Cela "entraînera une augmentation des infections par l'hépatite B chez les nourrissons et les enfants", a ainsi fustigé Susan Kressly, présidente de l'Académie américaine de pédiatrie.
Le Comité consultatif sur les pratiques de vaccination (ACIP), entièrement remanié plus tôt cette année par le ministre vaccinosceptique Robert Kennedy Jr. a également recommandé qu'un test sérologique puisse être réalisé après une première injection pour évaluer la nécessité de doses futures.
"Causer du tort"
L'hépatite B est une maladie virale du foie qui peut notamment être transmise par la mère lors de l'accouchement et qui expose les personnes touchées à un risque élevé de décès par cirrhose ou cancer du foie. La recommandation de vacciner l'ensemble des nouveau-nés, soutenue par l'OMS, avait été instaurée aux Etats-Unis en 1991 et a permis de quasiment éradiquer les infections chez les jeunes dans le pays, selon les autorités.
En amont du vote, le docteur Cody Meissner, l'une des rares voix dissidentes du comité entièrement remanié par le ministre Robert Kennedy Jr, connu pour ses positions antivaccins, avait exhorté ses collègues à ne pas changer les recommandations en vigueur. "En modifiant la formulation de cette recommandation, nous causons du tort", avait-il alerté.
D'autres membres défendaient au contraire une mesure permettant d'aligner la politique vaccinale américaine sur celle d'autres pays comme la France, malgré les avertissements d'experts pointant les problèmes de surveillance et d'accès aux soins spécifiques aux Etats-Unis.
Vaccinations en chute
Désormais composé de personnalités pour beaucoup critiquées pour leur manque d'expertise ou pour avoir relayé de fausses informations sur les vaccins, le groupe avait déjà modifié en septembre les recommandations vaccinales sur le Covid-19 et la rougeole. Il a également entrepris vendredi une révision plus large du calendrier vaccinal des enfants, des travaux auxquels a participé l'avocat américain Aaron Siri, un proche de Robert Kennedy Jr. connu pour avoir relayé comme lui des théories infondées sur le sujet.
Cette initiative suscite l'inquiétude au sein de la communauté médicale américaine, qui accuse le groupe de chercher à restreindre les accès aux vaccins, alors même que les taux de vaccination du pays évoluent à la baisse depuis la pandémie et font craindre le retour de maladies contagieuses mortelles, comme la rougeole.
En réaction, plusieurs institutions scientifiques américaines et Etats démocrates ont récemment annoncé cesser de suivre les recommandations de ce groupe et élaborer leurs propres directives. Au sein même du Parti républicain, la décision de l'ACIP vendredi a fait des remous, le sénateur Bill Cassidy, médecin de formation, ayant exhorté sur X les autorités fédérales à ne pas la mettre en oeuvre.
Une fois adoptées, ces recommandations dictent la prise en charge ou non de certains vaccins par des assurances et programmes des vaccinations. Un détail qui compte dans un pays où le prix d'un seul vaccin peut s'élever à plusieurs centaines de dollars.
ATLANTA, GÉORGIE - 5 DÉCEMBRE : Le Dr Robert Malone s'exprime lors d'une réunion du Comité consultatif sur les pratiques d'immunisation (ACIP) du CDC, le 5 décembre 2025 à Atlanta, en Géorgie. L'ACIP se réunit pour voter sur les modifications du calendrier de vaccination des enfants et le report des vaccins contre l'hépatite B. Elijah Nouvelage/Getty Images/AFP (Photo par Elijah Nouvelage / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP)
Au moins, les choses sont claires. L’Europe est seule, à ses risques et périls. L’Amérique de Donald Trump partage avec la Russie de Vladimir Poutine et la Chine de Xi Jinping l’objectif de vassaliser le Vieux continent. La nouvelle Stratégie nationale de sécurité, révélée le 4 décembre par la Maison-Blanche, lève les derniers doutes. Washington s’y affranchit de toute responsabilité envers la sécurité de ses alliés et multiplie les reproches à leur encontre.
Le document présente l’Union européenne non seulement comme un compétiteur économique déloyal et un passager clandestin sécuritaire mais aussi, ce qui est nouveau, comme un adversaire idéologique. C’est même le seul désigné ainsi à travers le monde, mis à part l’Iran et les terroristes islamistes qui, eux, ne sont cités qu’en passant. L’Europe, véritable obsession, y est mentionnée à 54 reprises.
Le texte prétend que si l’immigration se poursuit, le Vieux continent ne sera "plus reconnaissable" dans 20 ans voire moins, avec des pays qui deviendraient "en majorité non-européens". La fiabilité des engagements auxquels les alliés ont souscrit en pâtirait. Venant d’une nation d’immigrants, dont la construction s’est accompagnée du génocide des peuples premiers, l’accusation est pour le moins déplacée. D’autant qu’aux États-Unis, la proportion des personnes nées à l’étranger est aujourd’hui plus élevée que dans l’Union européenne.
La feuille de route officielle de la politique étrangère de Donald Trump reprend les termes du discours choc prononcé par son vice-président en février 2025 à Munich. J.D. Vance y affirmait que la menace numéro un pour la liberté et la démocratie européennes n’émanait pas de Moscou mais du refus des élites d’associer l’extrême droite au pouvoir. La Stratégie de sécurité se fixe pour objectif de "cultiver la résistance" au sein des nations européennes en promettant le soutien de Washington aux "partis patriotiques". Ce terme renvoie à la manière dont se définissent des partis comme l’AfD allemande, le RN français et le Fidesz hongrois, trois mouvements plus que bienveillants envers Vladimir Poutine.
On peut y voir une déclaration de guerre politique de l’Amérique trumpiste contre le mode de vie européen. En cherchant à séduire la Russie dans l’espoir vain qu’elle se détache de la Chine, en renonçant à tout principe moral au profit d’une diplomatie du donnant-donnant, en traitant même ses plus fidèles alliés comme des délinquants, la Maison-Blanche creuse le fossé au sein de "l’Occident collectif" honni par Poutine. D’autant qu’elle s’abstient dans le même document de toute critique à l’égard de Moscou et de Pékin.
La Chine y est décrite comme un simple rival économique et la Russie comme une grande puissance eurasiatique qui aurait besoin d’une "stabilité stratégique" que les Européens auraient tort de ne pas lui fournir. Leurs dirigeants s’aveugleraient en nourrissant des "attentes irréalistes" de la guerre en Ukraine alors qu’une "large majorité" de leurs populations souhaiterait la paix. Que la Russie soit responsable de centaines de milliers de morts depuis son invasion de l’Ukraine en 2022 est passé sous silence.
Inversion des responsabilités, incohérences… La Stratégie de sécurité de la Maison-Blanche ne se compare en rien aux documents intellectuellement charpentés que rédigeaient au XXe siècle des stratèges américains comme Henry Kissinger et Zbigniew Brzezinski. Il faut néanmoins la prendre au sérieux, car elle dévoile sans fard les intentions de Washington. Les Etats-Unis et l’Europe ne rament plus ensemble dans la même direction. Les chefs d’Etat et de gouvernement européens doivent s’adapter à une situation que très peu d’entre eux avaient prévue. La tactique consistant à caresser Donald Trump dans le sens du poil a échoué.
Cela ne peut qu’avoir des conséquences négatives sur l’issue du conflit en Ukraine. Alors que la position de Kiev est périlleuse sur le champ de bataille, que le soutien occidental a faibli du fait de l’arrêt de l’aide américaine, que la Chine renforce à l’inverse son appui à la Russie, les Européens savent désormais qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour éviter une défaite stratégique de première grandeur. A cet égard, la question de la mobilisation des avoirs russes gelés pour aider l’Ukraine, qui doit être débattue au Conseil européen des 18 et 19 décembre, sera un test de la détermination de l’UE et de sa capacité à peser sur le cours des événements à venir, contre Moscou mais aussi contre Washington.
La rivalité entre Sam Altman, directeur général du champion de l'intelligence artificielle OpenAI (à l’origine de ChatGPT), et Elon Musk, qui dirige entre autre SpaceX et Tesla, se poursuit. Selon des informations du Wall Street Journal, Sam Altman a envisagé au cours de l’été de réunir des fonds pour acquérir ou s’associer à une entreprise de fusées, avec en vue notamment un fabricant appelé Stoke Space. Si, selon le quotidien américain, les négociations sont actuellement au point mort, il est évident qu'une telle entreprise concurrencerait directement son éternel rival, le patron de l'entreprise aérospatiale SpaceX.
Une fusée pour rivaliser
"Dois-je créer une entreprise de fusées ?", s’était déjà interrogé Sam Altman lors d’un podcast en juin avec son frère. Les discussions avec Stoke Space se seraient intensifiées à l’automne, selon des personnes proches des négociations s'étant confiées au Wall Street journal, avec la proposition d’OpenAI d’investir dans la société et de devenir actionnaire majoritaire - soit plusieurs milliards de dollars au fil du temps.
Sam Altman n'est pas le seul à vouloir chasser sur les terres de l'homme le plus riche du monde. Plusieurs sociétés de lancement tentent de concurrencer SpaceX dans le domaine aérospatial privé, notamment Blue Origin (l’entreprise de Jeff Bezos), Rocket Lab et Stoke Space (fondée en 2020 par d’anciens employés de Blue Origin). Cette dernière est en train de développer une fusée, appelée Nova, que l’entreprise souhaite entièrement réutilisable. Mais la création d’une nouvelle fusée "est semée d’embûches techniques et réglementaires et peut souvent prendre une décennie", souligne le quotidien financier américain. Démarrer avec une société existante comme Stoke Space aurait donc permis au cofondateur d’OpenAI de se retrouver rapidement sur les rails pour concurrencer directement avec Elon Musk, sachant que SpaceX planche également sur le projet d'une fusée réutilisable.
Une concurrence sur tous les plans
Les deux hommes, auparavant amis et cofondateurs avec neuf autres personnes d’OpenAI, sont devenus rivaux sur fond de divergence stratégique quant à la gestion de la start-up il y a quelques années, ayant mené Elon Musk à quitter l’entreprise en 2018. Comme le remarque le quotidien espagnol El Pais, "le succès de ChatGPT […] n’a fait qu’alimenter la rivalité croissante entre les entreprises de d'Altman et de Musk", poussant ce dernier a lancer en 2023 xAI, une start-up concurrente d’intelligence artificielle, pour finalement attaquer OpenAI en justice en 2024.
Depuis, la lutte s'intensifie entre les deux patrons. Sam Altman a récemment lancé Merge Labs, une start-up spécialisée dans les interfaces cerveau-ordinateur - rivale de Neuralink créée par Elon Musk - ainsi qu'un réseau social qui pourrait concurrencer X - également propriété de du Sud-Africain. En février dernier, rappelle encore El Pais, "un consortium dirigé par Musk" a proposé d’acheter pour 97,4 milliards de dollars la fondation qui contrôle OpenAI. Sam Altman, a alors riposté sur X, avec ironie : "Non merci, mais on peut acheter Twitter pour 9,74 milliards si vous voulez."
no thank you but we will buy twitter for $9.74 billion if you want
Actuellement, Musk semble un coup d'avance, avec un objectif annoncé vendredi de valorisation de SpaceX à 800 milliards de dollars, soit la plus élevée au monde pour une société non cotée. Si une telle opération a lieu, l'entreprise aérospatiale dépasserait alors OpenAI, valorisée à "seulement" 500 milliards de dollars début octobre. Une perspective qui ne va pas apaiser les tensions.
Des data centers dans l’espace
Mais outre les fusées, l’intérêt de Sam Altman pour le spatial n’est pas totalement neuf, puisque comme le rappelle le Wall Street Journal, il s’est déjà intéressé à la possibilité de construire des centres de données dans l’espace, utilisant l’énergie solaire pour fonctionner - tout comme Jeff Bezos d’Amazon, Elon Musk ou Sundar Pichai de Google. Selon une analyse de 2025 du cabinet de consultants McKinsey, la demande mondiale en capacité de centres de données "pourrait augmenter à un taux annuel compris entre 19 et 22 % entre 2023 et 2030". Or, cela "augmente le risque d’un déficit d’approvisionnement", car selon le cabinet, "il faudrait construire en moins d’un quart du temps au moins deux fois la capacité des centres de données construits depuis 2000." La demande en énergie pour l’usage de l’IA serait le "principal facteur de ce déficit". En clair, faire monter en puissance des entreprises dans l’IA, comme OpenAI, ne peut pas aller sans développer la capacité des centres de données.
Au début de l’année, Sam Altman a ainsi investi via OpenAI 18 milliards de dollars dans une nouvelle société de centres de données, appelée Stargate, aux côtés de SoftBank. "Je pense qu’à terme, une grande partie du monde sera recouverte de centres de données", déclarait-il déjà cet été dans un podcast américain. "Peut-être construirons-nous une grande sphère de Dyson autour du système solaire et dirons-nous : "En fait, cela n’a aucun sens de les installer sur Terre."
"Un grand jour" : la cérémonie de tirage au sort du Mondial-2026 a débuté vendredi 5 décembre au Kennedy Center de Washington, sous l'égide de Donald Trump et très haute surveillance. "C'est un grand jour et c'est un sport formidable", a clamé le président américain sur le tapis rouge de la grande salle de spectacles de Washington qui accueille l'événement.
Donald Trump est ensuite allé s'asseoir au balcon en compagnie du président de la FIFA, Gianni Infantino, dont il est proche, et non loin du Premier ministre canadien Mark Caney et de la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum, co-organisateurs. Sur la scène, Gianni Infantino a fait applaudir les trois dirigeants. "C'est le plus grand événement que l'humanité ait jamais vu (...), cela va être stratosphérique", a-t-il déclaré avec emphase. Auparavant le ténor Andrea Bocelli avait entonné l'air "Nessun Dorma" ("Que personne ne dorme") tiré de l'opéra Turandot de Giacomo Puccini, sous les applaudissements du public.
En effet durant près de deux heures, c'est un véritable show qui va se dérouler dans l'imposante salle de spectacle située dans la capitale américaine, aux abords de laquelle un imposant dispositif de sécurité a été mis en place, obligeant les personnes accréditées à patienter parfois presque deux heures, sous la neige, pour y pénétrer. Cet évènement en mondovision constitue le premier temps fort de ce tournoi hors-normes organisé dans trois pays (Etats-Unis, Mexique, Canada), pour déterminer le parcours des 48 équipes - une première - lancées dans la course à la succession de l'Argentine de Lionel Messi.
L'invité de marque est à n'en pas douter le président américain lui-même. Le milliardaire républicain, revenu à la Maison-Blanche en janvier, a fait de la Coupe du monde 2026 un événement central de son second mandat, en dépit des inquiétudes que font peser sur le déroulement de l'épreuve ses prises de position tous azimuts contre ses voisins mexicain et canadien, sa politique migratoire ou ses menaces de priver de rencontres certaines villes dirigées par les démocrates.
Une bromance savamment entretenue par les deux hommes
Donald Trump a trouvé un allié de poids en la personne du patron de la Fifa, Gianni Infantino, avec qui il n'en finit pas d'afficher sa proximité, comme encore lors du début de la cérémonie. Le dirigeant italo-suisse, présent à son investiture et convié plusieurs fois dans le Bureau Ovale, a bien compris la nécessité de se rapprocher du président des Etats-Unis, où auront lieu 78 des 104 matches programmés du 11 juin au 19 juillet prochain, dont la finale au MetLife Stadium (New Jersey).
Cette "bromance", savamment entretenue par les deux hommes au nom d'intérêts stratégiques mutuels, s'est poursuivie durant la cérémonie, avec l'attribution à Trump du premier "Prix de la paix de la Fifa". Le dirigeant républicain a reçu sur scène un trophée ainsi qu'une médaille. "C'est l'un des plus grands honneurs de ma vie, nous avons sauvé des millions de vie", a affirmé le dirigeant républicain, citant le Congo, l'Inde, le Pakistan, "tant de guerres auxquelles nous avons réussi à mettre fin" ou à éviter.
La Fifa avait annoncé en novembre la création de ce prix, censé récompenser "les énormes efforts d'individus qui unissent les gens et apportent l'espoir aux générations futures". Il ne faisait aucun doute que le président américain serait le premier lauréat.
L'ONG de défense des droits de l'homme Human Rights Watch a déploré vendredi dans un communiqué qu'il n'y ait eu "aucune transparence" autour de ce choix. Elle a annoncé avoir demandé à la Fifa "une liste des candidats, des juges, des critères", mais n'avoir pas obtenu de réponse.
Lot de consolation
Un lot de consolation en mondovision pour le chef d'Etat américain qui se targue d'avoir mis un terme à huit conflits dans le monde depuis son retour au pouvoir. Les experts jugent toutefois ce chiffre exagéré, soit parce que son intervention a été inexistante ou minimale dans certains processus de paix, soit parce que ses efforts de médiation n'ont pas, dans certains cas, réellement mis fin aux affrontements armés. Donald Trump n'en estime pas moins mériter le prix Nobel de la Paix, qui est allé cette année à l'opposante vénézuélienne Maria Corina Machado.
Entre autres lots de consolation, le président américain a déjà été nommé à la tête d'un "conseil pour la paix" chargé de superviser la mise en oeuvre de l'accord sur Gaza, et il vient de donner son nom à un "Institut de la paix" siégeant à Washington.
L'opposition démocrate et nombre d'associations de défense des droits de l'homme accusent le milliardaire de mener une politique plus belliqueuse que pacifique, en déployant l'armée dans certaines villes américaines, en multipliant les expulsions de migrants ou en déclenchant des frappes contre des embarcations en mer des Caraïbes. S'il se veut le "président de la paix", Donald Trump est aussi un dirigeant fasciné par la puissance militaire, qui a insisté pour que le ministère de la Défense américain soit renommé en "ministère de la Guerre".
Donald Trump (à gauche) recevant le prix de la Paix de la Fifa des mains de Gianni Infantino le 5 décembre 2025 au Kennedy Center de Washington lors du tirage au sort de la Coupe du monde 2026 de football
L'Union européenne a infligé vendredi 5 décembre une amende de 120 millions d'euros à X, le réseau social d'Elon Musk, au risque d'une nouvelle confrontation avec le président américain Donald Trump.
Avant même l'officialisation de cette décision, le vice-président américain J.D. Vance avait dénoncé la démarche européenne. "L'UE devrait défendre la liberté d'expression au lieu de s'en prendre à des entreprises américaines pour des foutaises", a-t-il lancé, s'attirant un message de remerciement d'Elon Musk.
L'amende contre X "n'a rien à voir avec de la censure", a répondu la vice-présidente de la Commission européenne chargée du numérique, Henna Virkkunen, interrogée par des journalistes. "Nous ne sommes pas là pour imposer les amendes les plus élevée, mais pour nous assurer que nos lois sur le numérique soient respectées".
Le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio a estimé vendredi que l'amende infligée par l'Union européenne à X, constituait une "attaque contre le peuple américain par des gouvernements étrangers". "L'amende de 140 millions de dollars infligée par la Commission européenne n'est pas seulement une attaque contre X, c'est une attaque contre toutes les plateformes technologiques américaines et le peuple américain par des gouvernements étrangers", a fustigé Marco Rubio sur X, en ajoutant que "l'époque de la censure des Américains en ligne est révolue".
Première amende imposée à une plateforme dans le cadre du DSA
L'amende annoncée par Bruxelles est la première imposée à une plateforme dans le cadre du règlement sur les services numériques, ou DSA. Cette loi phare est entrée en vigueur il y a deux ans pour lutter contre les contenus illégaux et dangereux en ligne, et impose des obligations renforcées aux plus grandes plateformes actives dans l'UE.
Cette sanction ne porte que sur les seules infractions notifiées en juillet 2024 à X, lorsque l'UE avait accusé simultanément la plateforme de tromperie des utilisateurs avec les coches bleues censées certifier les sources d'informations, de transparence insuffisante autour des publicités, et de non respect de l'obligation d'accès aux données internes par des chercheurs agréés.
Les coches bleues étaient à l'origine attribuées par l'ex-Twitter à des utilisateurs au terme d'un processus de vérification de leur identité, afin d'aider à déjouer les impostures. Mais après avoir racheté le réseau social en 2022 pour 44 milliards de dollars, et l'avoir rebaptisé X, Elon Musk a réservé ces badges aux abonnés payants, au risque selon Bruxelles d'induire en erreur les utilisateurs.
L'UE a élargi entre-temps son enquête sur X à des soupçons de non respect de ses obligations en matière de contenus illégaux et de désinformation, mais n'a pas terminé ses investigations sur ces autres sujets.
Les investigations concernant la désinformation se poursuivent
Ce dossier a pris une connotation très politique en raison de la très forte proximité entre Elon Musk et le président américain Donald Trump, jusqu'à leur rupture fracassante en juin. Ces dernières semaines, les relations entre les deux milliardaires se sont quelque peu réchauffées, sans être revenues au beau fixe.
Mais quoi qu'il en soit, Washington n'a cessé cette année de critiquer les lois européennes contre les abus des géants de la tech, les accusant de cibler les champions américains. Fin novembre, des responsables américains en visite à Bruxelles ont appelé l'Europe à assouplir ces lois, en échange d'une baisse des droits de douane américains sur l'acier européen. Une forme de marchandage aussitôt rejetée par les responsables européens, qui ont réaffirmé le droit souverain de l'Union européenne à adopter et appliquer ses propres lois.
Par ailleurs, la Commission a défendu le montant de la sanction prononcée contre X, alors qu'elle pouvait théoriquement, pour chacune des infractions constatées, frapper le fournisseur de la plateforme à hauteur de 6 % de son chiffre d'affaires mondial annuel. "Nous avons estimé que c'était proportionné", et "cela prend en compte "la nature, la gravité et la durée des infractions commises, a expliqué Mme Virkkunen. Mais elle a rappelé que les investigations concernant la désinformation et les contenus illégaux sur X se poursuivaient et a dit s'attendre à ce qu'elles soient bouclées "plus vite".
Parallèlement, la Commission a annoncé avoir accepté des engagements de la plateforme d'origine chinoise TikTok qui répondaient à des griefs qu'elle lui avait adressés, concernant ses obligations de transparence en matière de publicité.
La vision de Donald Trump en matière de relations internationales expliquée en longueur. L’administration du président américain a publié, dans la nuit du jeudi 4 au vendredi 5 décembre, un document sur sa "stratégie de défense nationale". En 33 pages, ce texte rappelle les priorités du milliardaire républicain au niveau diplomatique. Alors qu’il se vante ces derniers temps du nombre de guerres qu’il serait parvenu à interrompre, Donald Trump expose ici sa volonté de ne pas intervenir dans de nouveaux conflits. "Les affaires d’autres pays ne sont notre préoccupation que si leurs activités menacent directement nos intérêts", précise ainsi le document.
"Réajuster" la présence américaine dans le monde
Les sympathisants de son mouvement Maga ("Make America Great Again") promeuvent justement généralement le fait de ne pas impliquer les États-Unis dans de nouveaux conflits guerriers. Lors de ses différentes campagnes présidentielles, Donald Trump a d’ailleurs souvent répété cette idée. Mais ses déclarations menaçantes depuis son retour au pouvoir – contre le Nigeria, le Groenland, le Canada… – ont parfois pu donner à sa base une impression inverse à cette logique.
Ici, dans ce plan, l’administration républicaine réaffirme finalement la volonté d’un "réajustement" de la présence militaire américaine dans le monde. Pour elle, il s’agit désormais de "répondre aux menaces urgentes sur notre continent" tout en mettant en œuvre "un éloignement des théâtres dont l’importance relative pour la sécurité nationale américaine a diminué ces dernières années ou décennies". Selon la même source, l’influence de Washington en Amérique latine doit néanmoins être renforcée. Dans la lignée de la doctrine Monroe instaurée au XIXe siècle outre-Atlantique, il est nécessaire selon Donald Trump de "renforcer la suprématie américaine" sur l’ensemble du continent. Les récentes opérations militaires de l’US Army dans la mer des Caraïbes et la pression exercée sur le Venezuela font écho à cette ambition.
Par ailleurs, ce document évoque l’enjeu migratoire comme la principale menace encourue par les États-Unis. "L’ère des migrations de masse doit prendre fin", est-il écrit dans cette note. "La sécurité des frontières est l’élément principal de la sécurité nationale." Depuis le début de son deuxième mandat présidentiel, Donald Trump a considérablement durci sa politique contre l’immigration. "Nous devons protéger notre pays contre les invasions, non seulement contre les migrations incontrôlées, mais aussi les menaces transfrontalières telles que le terrorisme, les drogues, l’espionnage et la traite des êtres humains", exhorte le document.
Critiques acerbes contre l’Europe
Dans le sillage des critiques adressées par le vice-président américain J.D. Vance à Munich (Allemagne) l’hiver dernier, cette "stratégie de défense nationale" fustige par ailleurs des pans entiers des politiques menées sur le continent européen, qui, à en croire ce document, serait menacé "d’effacement civilisationnel". "Si les tendances actuelles se poursuivent, [l’Europe] sera méconnaissable dans 20 ans ou moins". Toujours d’après cette source, les décisions européennes "sapent la liberté politique et la souveraineté, les politiques migratoires qui transforment le continent et créent des tensions, la censure de la liberté d’expression et la répression de l’opposition politique, la chute des taux de natalité, ainsi que la perte des identités nationales".
Washington émet aussi le voeu que "l’Europe reste européenne, retrouve sa confiance en elle-même sur le plan civilisationnel et abandonne son obsession infructueuse pour l’asphyxie réglementaire". De quoi faire promptement réagir Berlin, le ministre des affaires étrangères Johann Wadephul estimant que l’Allemagne n’avait pas besoin de "conseils venant de l’extérieur", notamment sur "la liberté d’expression" ou "l’organisation des sociétés libres".
Enfin, la relation entre Chine et États-Unis est aussi mentionnée parmi la trentaine de pages, disponibles en ligne sur le site de la Maison-Blanche. Après plusieurs mois de guerre douanière, Washington entend désormais "rééquilibrer la relation économique de l’Amérique avec la Chine, en donnant la priorité à la réciprocité et à l’équité pour rétablir l’indépendance économique des États-Unis". Sur le plan militaire, le Japon et la Corée du Sud sont appelés à faire davantage pour soutenir la défense de Taïwan face à la Chine. "Nous devons inciter ces pays à augmenter leurs dépenses de défense, en mettant l’accent sur les capacités nécessaires pour dissuader les adversaires" de s’en prendre à l’île, estime le document.
Le Bundestag a approuvé ce vendredi 5 décembre le maintien du service militaire basé sur le volontariat, au terme d’âpres débats au sein de la coalition sur le moyen de renforcer une armée en manque de recrues.
Les conservateurs (CDU-CSU) du chancelier Friedrich Merz souhaitaient au départ réintroduire une forme de conscription obligatoire pour les hommes et par tirage au sort, se heurtant à l’opposition du parti allié social-démocrate, de tradition plus pacifiste. La coalition a fini par s’entendre sur une version non-coercitive.
Le nouveau texte prévoit que tous les hommes de 18 ans pourront demander à faire un service militaire d’une durée minimum de 6 mois. Ils devront auparavant passer un examen médical et remplir un questionnaire sur leur disponibilité et leur volonté de servir dans l’armée. Les femmes pourront aussi s’inscrire sur la base du volontariat.
Ces dispositions seront introduites à partir de mi-2027, a précisé un communiqué du ministère de la défense, sous réserve de l’acceptation par le Bundesrat, la chambre haute du parlement allemand.
Le service militaire devrait rester volontaire "si tout se passe aussi bien que nous l’espérons", a déclaré lors des débats le ministre de la Défense Boris Pistorius. Mais un élargissement du dispositif pourrait être nécessaire si la situation sécuritaire "venait à se détériorer" et que les objectifs en matière d’effectifs de la Bundeswehr n’étaient pas atteints, a-t-il ajouté. Toutefois cette étape nécessiterait un nouveau vote au Bundestag.
Le parti d’extrême droite AfD, les Verts et le parti de gauche Die Linke ont voté contre l’actuel texte. "Cette loi n’offre aucune garantie" que les soldats en service resteront sur le sol national, a dénoncé Desiree Becker, députée de Die Linke.
Les objectifs de l’Otan prévoient que l’Allemagne porte ses effectifs militaires à 460 000 soldats, dont 260 000 militaires d’active et 200 000 réservistes. La Bundeswehr en est loin, avec respectivement 182 000 et 49 000 soldats dans chaque catégorie. Pour moderniser l’armée allemande, mal équipée et en sous-effectif depuis des décennies, les députés avaient déjà adopté en mars un plan pour renforcer les dépenses militaires dans les années à venir.
Les partis de la coalition au pouvoir en Allemagne se sont accordés sur un service militaire basé sur le volontariat, afin de renforcer une armée en manque de recrues.
Plusieurs drones ont survolé dans la soirée du jeudi 4 décembre la base sous-marine de l’Île Longue (Finistère), qui abrite les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de la dissuasion nucléaire française, a appris l’AFP auprès de la gendarmerie.
Cinq drones ont été détectés techniquement jeudi soir, vers 19h30, au-dessus de la base, qui borde la rade de Brest. Un dispositif de lutte anti-drones et de recherches a été mis en place. Le bataillon de fusiliers marins, qui assure la protection de la base, a effectué plusieurs tirs anti-drones, selon la même source.
"Aucun lien avec une ingérence étrangère" établi
Une enquête judiciaire va être ouverte vendredi par le parquet militaire de Rennes, a indiqué à l'AFP la préfecture maritime de l'Atlantique. "Les infrastructures sensibles n'ont pas été menacées" par ce survol, a toutefois précisé le capitaine de frégate Guillaume Le Rasle, porte-parole de la préfecture maritime.
"Il est trop tôt pour caractériser" l'origine des drones, a précisé Guillaume Le Rasle. Il a cependant estimé que ces vols au-dessus de la base sous-marine de l'Île Longue avaient "pour objectif d'inquiéter la population".
Aucun drone n'a été abattu ni de pilote identifié lors du survol de la base abritant les sous-marins de la dissuasion nucléaire française, dans la rade de Brest (Finistère), a indiqué vendredi à l'AFP le parquet de Rennes. "Aucun lien avec une ingérence étrangère n'est donc fait", a précisé le procureur Frédéric Teillet, en précisant que les fusiliers marins avaient "procédé à un tir de brouilleur et non pas d'arme à feu".
Pas une première
Les survols de drones dans cette zone interdite ne sont pas rares. Dans la nuit du 17 au 18 novembre, un survol de drone "au-dessus de la presqu’île de Crozon", dont fait partie l’Île Longue, avait été signalé, mais sans survol d’emprise militaire.
Sanctuaire de la dissuasion nucléaire française, la base de l’Île Longue est protégée par 120 gendarmes maritimes en coordination avec les fusiliers marins. La base assure la maintenance des quatre SNLE français, dont l’un au moins est en permanence en mer pour assurer la dissuasion nucléaire.
Les conditions de luminosité étaient particulièrement bonnes jeudi soir au-dessus de la rade de Brest, en raison de la pleine Lune et de son orbite proche de la Terre, un épisode fréquent appelé super Lune. Les signalements de survols de drones se sont multipliés dans des aéroports et autres sites sensibles, dont militaires, ces derniers mois en Europe du nord, les dirigeants de ces pays voyant la main de Moscou derrière ces actions.
Alors que les discussions diplomatiques sur le conflit en Ukraine se poursuivent, Vladimir Poutine n’a montré aucun signe d’assouplissement jeudi 4 décembre, à l’occasion d’un déplacement en Inde. Le président russe a estimé que les négociations en cours étaient "complexes", mais qu’il fallait s’y "engager" plutôt que de les entraver, dans un entretien diffusé par une chaîne de télévision indienne. "Parvenir à un consensus entre des parties en conflit n’est pas chose aisée, mais je crois que le président Trump s’y emploie sincèrement", a-t-il dit selon des propos traduits par India Today. "Je pense que nous devons nous engager dans cet effort plutôt que d’y faire obstruction", a-t-il ajouté, faisant allusion aux Européens que Moscou accuse de vouloir empêcher un accord. Dans une adresse télévisée, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a de son côté assuré que son pays était "prêt à faire face à toute éventualité".
Les infos à retenir
⇒ Emmanuel Macron appelle à accroître "la pression sur l’économie russe"
⇒ Vladimir Poutine dit qu'il va continuer de "livrer du pétrole sans interruption" à l'Inde
⇒ Friedrich Merz en Belgique pour "convaincre" Bart De Wever sur les avoirs russes gelés
De nouvelles discussions entre Ukrainiens et Américains prévues ce vendredi à Miami
De nouveaux entretiens entre Ukrainiens et Américains sont prévus ce vendredi à Miami en Floride pour discuter du plan américain visant à mettre fin à la guerre avec la Russie, a indiqué à l'AFP un responsable à Kiev.
"Oui, une nouvelle réunion est attendue aujourd'hui", a déclaré Oleksandre Bevz, conseiller du chef de la présidence ukrainienne. Il a précisé que le négociateur en chef de Kiev, Roustem Oumerov, était sur place.
Emmanuel Macron appelle à accroître "la pression sur l’économie russe"
Le président français Emmanuel Macron a appelé ce vendredi à maintenir "l’effort de guerre" en faveur de l’Ukraine et accroître "la pression sur l’économie russe", et a plaidé en Chine pour l’unité entre Européens et Américains vis-à-vis de la Russie. "Il faut maintenir l’effort de guerre, poursuivre les pourparlers qui préparent la paix, mais accroître la pression en particulier sur l'économie russe", a dit Emmanuel Macron devant des journalistes.
"L’unité entre les Américains et les Européens sur la question ukrainienne est indispensable", a-t-il ajouté. "Il ne faut surtout céder à aucun esprit de division entre Européens et Américains. Nous avons besoin des États-Unis pour avoir la paix. Les États-Unis d'Amérique ont besoin de nous pour que cette paix soit robuste et durable", a-t-il dit.
Selon l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, Emmanuel Macron, le chancelier allemand Friedrich Merz et d'autres dirigeants européens ont exprimé leur méfiance vis-à-vis de l'administration Trump au moment où celle-ci tente de négocier la fin de la guerre en Ukraine. Le président français n'a pas répondu ce vendredi à la question de savoir s'il avait bien parlé de risque de trahison américaine. Mais il a assuré qu'Européens et Américains étaient "sur la même ligne en matière des garanties de sécurité" que devait obtenir l'Ukraine.
Vladimir Poutine dit qu'il va continuer de "livrer du pétrole sans interruption" à l'Inde
Le président russe Vladimir Poutine, reçu ce vendredi par le Premier ministre indien Narendra Modi, a déclaré que Moscou continuerait "de livrer du pétrole sans interruption" à New Delhi. "La Russie fournit de manière fiable du pétrole, du gaz, du charbon et tout ce qui est nécessaire au développement énergétique de l'Inde", a-t-il expliqué. "Nous sommes prêts à continuer des livraisons sans interruption de pétrole pour l'économie indienne en croissance rapide", s'est-il engagé, alors que le chef du gouvernement indien est sous pression des Etats-Unis pour qu'il cesse ces achats de produits pétroliers russes, en pleine guerre en Ukraine.
Un peu plus tôt devant la presse, Narendra Modi a salué son invité comme un "véritable ami" et s'est montré optimiste sur une résolution pacifique du conflit russo-ukrainien. "Nous devons tous retrouver le chemin de la paix", a-t-il insisté. "Merci pour vos efforts visant à trouver un règlement à cette situation", lui a répondu Vladimir Poutine, louant par ailleurs les relations "profondes historiquement" et "de très grande confiance dans la coopération militaire et technique" entre l’Inde et la Russie.
Friedrich Merz en Belgique pour "convaincre" Bart De Wever sur les avoirs russes gelés
Le chancelier allemand Friedrich Merz se rend ce vendredi en Belgique pour "convaincre" son homologue belge du bien-fondé du plan de la Commission européenne de recourir aux avoirs russes gelés en Europe, a-t-il expliqué jeudi soir. "Je veux discuter […] de la manière dont nous pouvons faire avancer ma proposition, que la Commission a maintenant traduite en textes juridiques", a-t-il souligné lors d’une conférence de presse jeudi soir.
Mercredi, l’exécutif européen a présenté un plan pour financer l’Ukraine sur deux ans, mais l’une des options retenues, un recours aux avoirs russes gelés en Europe, se heurte toujours à l’hostilité de la Belgique. Car c’est dans ce pays qu’est basée la société Euroclear, qui détient quelque 210 milliards d’euros de ces avoirs, sur 235 milliards en tout dans l’UE.
"Je ne veux pas le persuader", a dit Friedrich Merz à propos de son homologue belge, mais "le convaincre que la voie que nous proposons ici est la bonne" pour "aider l’Ukraine". Selon la proposition de la Commission européenne, l’Allemagne "serait l’un des États garants possibles pour une sécurisation correspondante de ces actifs", a-t-il rappelé.
Nouvelle alerte de sécurité dans le ciel européen. Tandis que les cas de survols de drones inconnus se multiplient sur le Vieux Continent depuis septembre, un nouvel épisode de ce type a eu lieu en Irlande, en début de semaine. Mais cette fois, l’affaire est évoquée avec encore plus de gravité. La raison ? L’avion du président ukrainien Volodymyr Zelensky, arrivé lundi 1er décembre à Dublin pour y rencontrer les dirigeants du pays, venait d’atterrir à l’aéroport de la capitale irlandaise quand l’incident est survenu.
Des drones sur la trajectoire prévue de l’avion de Zelensky
Que s’est-il passé précisément ? La presse irlandaise révèle que plusieurs drones - quatre ou cinq selon les sources – ont donc été repérés au large de Dublin. Plus inquiétant : comme l’explique le site web local The Journal, ces mystérieux engins ont été détectés dans la zone d’exclusion aérienne mise en place par les autorités du pays pendant la visite de Volodymyr Zelensky. L’avion du dirigeant a atterri en avance vers 23 heures, soit juste avant que les drones ne soient localisés… sur la trajectoire de l’appareil, à l’heure de passage initialement prévue par le plan de vol. Un bateau appartenant à la marine irlandaise, présent dans la zone, a ensuite été à son tour survolé. Le navire n’a pas pu intervenir pour neutraliser les drones.
D’après plusieurs sources interrogées par l’Irish Times, le président ukrainien n’aurait pas été véritablement mis en danger par ces machines. Les autorités s’orienteraient en priorité vers l’hypothèse d’une volonté de perturber le trafic aérien. Toutefois, l’origine inconnue de ces drones interroge. Le lieu de leur lancement demeure flou et aucun débris n’a été retrouvé depuis les faits. D’après les médias irlandais, il s’agirait de modèles de drones militaires, de grande taille et sophistiqués. Signe de la sensibilité du sujet, les forces de sécurité irlandaises n’ont pas souhaité apporter des détails sur les circonstances de l’affaire.
Nombreuses incursions en Europe ces derniers mois
"Le soutien des forces de défense à l’opération de sécurité […] a été déployé avec succès par de multiples moyens, permettant finalement une visite sûre et réussie du président Zelensky en Irlande", a simplement souligné un porte-parole de la défense irlandaise, sans souhaiter commenter davantage les faits. Toujours selon l’Irish Times, une des pistes envisagées pour expliquer l’incident est celle d’une implication des services de sécurité russes. Un tel scénario marquerait une nouvelle étape dans la guerre hybride menée par la Russie vis-à-vis des puissances européennes. D’autres sources relèvent néanmoins auprès du quotidien irlandais qu’aucune preuve n’a pour le moment été apportée pour appuyer cette hypothèse.
Roumanie, Pays-Bas, Allemagne… Depuis le début de l’automne, de nombreux pays européens ont été touchés par des incursions de drones, survolant entre autres des aéroports, des sites sensibles ou des bases militaires. Le mois dernier, la Belgique a fait appel à l’aide de plusieurs alliés – l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni – pour l’assister face aux menaces répétées de ces engins au-dessus de plusieurs installations stratégiques du pays. Mi-septembre, l’aéroport de Copenhague (Danemark) avait également été survolé par des drones inconnus. Paris avait alors dépêché de manière temporaire des militaires pour soutenir le royaume scandinave face à ce danger.
L’Australie peut pousser un soupir de soulagement. Le Pentagone a réaffirmé jeudi 4 décembre l’engagement de Washington dans le pacte militaire Aukus conclu avec Londres et Canberra au détriment de la France, qui prévoit notamment la vente à l’Australie de trois sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire.
Ce pacte avait été signé par Washington en 2021, sous l’administration de Joe Biden, avec le Royaume-Uni et l’Australie afin de chercher à juguler l’influence de la Chine dans le Pacifique. L’administration du président Donald Trump a toutefois demandé en juin un réexamen de l’accord, déclenchant des inquiétudes côté australien.
Au terme de cinq mois d’examen, le Pentagone a conclu que le pacte était "en accord avec la politique 'Amérique d’abord' du président Trump", a déclaré jeudi le porte-parole du Pentagone Sean Parnell dans un communiqué. "Conformément aux directives du président Trump selon lesquelles Aukus doit progresser 'à plein régime', le passage en revue a identifié des opportunités pour placer Aukus sur les bases les plus solides possibles", a-t-il ajouté, sans donner plus de précisions.
Défis techniques
Selon Joe Courtney, élu du Connecticut particulièrement impliqué dans ce dossier, l’examen a permis de vérifier que "ce plan s’accorde avec la défense des intérêts de notre pays en termes de sécurité nationale". "Il est important de noter que l’accord Aukus de 2021 a survécu à trois changements de gouvernement dans les trois pays et reste toujours solide", a-t-il souligné dans un communiqué.
Le projet présente toutefois de grands défis techniques. Le ministre américain de la Défense Pete Hegseth a reconnu un "fossé" entre les capacités de production actuelles et celles requises pour mener à bien et à temps la construction, aux Etats-Unis, des sous-marins. "La vente de trois sous-marins de classe Virginia à partir de 2032" n’est toutefois pas remise en question, estime Joe Courtney, pour qui le Congrès va soutenir les chantiers navals américains chargés de la construction.
Coup de poignard dans le dos français
A Canberra, le ministre de l’Industrie de la défense, Pat Conroy, s’est déclaré vendredi satisfait des conclusions américaines. L’Australie suivra "ses conclusions et ses recommandations pour améliorer encore davantage Aukus", a-t-il assuré, relevant qu’il appartenait à Washington de décider de publier ou pas le document.
L’annonce de ce pacte en 2021 avait été vécue à Paris comme un coup de poignard dans le dos car il avait vu Canberra annuler brutalement un mégacontrat avec la France pour des sous-marins conventionnels. Celui-ci portait sur la construction de 12 sous-marins conventionnels français qui auraient été construits en Australie.
Aukus prévoit, en plus de la livraison des sous-marins nucléaires d’attaque de classe Virginia, la fourniture à partir de 2040 d’une flotte de sous-marins furtifs également à propulsion nucléaire, pour un coût total d’environ 235 milliards de dollars sur 30 ans. Le contrat annulé aux dépens du français Naval Group aurait coûté quatre fois moins cher.
Le sous-marin nucléaire d'attaque rapide USS Minnesota de la marine américaine, de classe Virginia, navigue au large des côtes de l'Australie occidentale, le 16 mars 2025
Ces pourparlers vont-ils vraiment aboutir ? Les États-Unis se montrent proactifs ces dernières semaines pour tenter de mettre un terme à la guerre en Ukraine, menée par le Kremlin depuis désormais près de quatre ans. Après le déplacement en Russie de Steve Witkoff et Jared Kushner, les émissaires de Donald Trump, plus tôt dans la semaine, de nouvelles discussions doivent avoir lieu entre les parties américaine et ukrainienne ce vendredi 5 décembre, en Floride (États-Unis), précise le Wall Street Journal. Mi-novembre, l’administration du président républicain avait également présenté un plan de paix en 28 points, sur le modèle de celui signé au Proche-Orient, comme cadre de ces négociations. Cette proposition reprenait un certain nombre de revendications de Moscou, ce qui avait suscité l’inquiétude des Européens.
Préoccupations européennes
Laissés à l’écart des échanges, les dirigeants des États du Vieux Continent n’ont pas vu leurs doutes se tarir à la lumière des derniers développements. Au contraire : leur méfiance à l’égard du pouvoir américain sur le dossier ukrainien a rarement paru aussi grande. Ce jeudi, le quotidien allemand Der Spiegel a révélé une série de notes secrètes, issues d’une réunion par téléphone de plusieurs chefs d’État et de gouvernement européens. Les principales puissances des 27 étaient représentées lors de cet appel, tenu lundi. Ces échanges traduisent de vives préoccupations vis-à-vis du cadre diplomatique imposé par Washington pour mener les tractations avec Kiev et Moscou.
Le président français Emmanuel Macron, le chancelier allemand Friedrich Merz, la Première ministre italienne Giorgia Meloni, le Premier ministre polonais Donald Tusk, le président finlandais Alexander Stubb, le secrétaire général de l’Otan Mark Rutte ou encore la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen participaient à l’appel. C’est aussi le cas de la Première ministre danoise Mette Frederiksen, du Premier ministre norvégien Jonas Gahr Støre et du président du Conseil européen, Antonio Costa. Tous faisaient face au président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Les propos exprimés lors de cette réunion avaient vocation à rester confidentiels.
"Nous ne pouvons pas laisser l’Ukraine seule avec ces types"
D’après Der Spiegel, Friedrich Merz se serait montré particulièrement suspicieux à l’égard de Washington. Les Américains "se jouent de vous et de nous", a-t-il lancé au dirigeant ukrainien, l’appelant à "faire très attention dans les prochains jours". Le profil des négociateurs américains, Steve Witkoff en tête, a de quoi susciter des craintes dans le camp européen. "Nous ne pouvons pas laisser l’Ukraine et Volodymyr seuls avec ces types", a abondé Alexander Stubb, toujours selon le journal allemand. Le Finlandais constitue pourtant l’un des rares dirigeants d’un pays de l’UE qui trouve grâce aux yeux de Donald Trump, avec qui il a déjà partagé une partie de golf. Mark Rutte a pour sa part exhorté les Européens à "protéger" le président ukrainien.
Emmanuel Macron, lui, aurait évoqué lors de cet appel "le risque" selon lequel les États-Unis pourraient "trahir" l’Ukraine "sur la question des territoires sans qu’il y ait de garantie claire en matière de sécurité". "Nous avons notre propre compte-rendu de cet échange, dans lequel ce mot ne figure pas", a néanmoins démenti l’Élysée, interrogé par l’AFP. "Le président de la République a fait connaître publiquement sa position sur les négociations en cours entre Russie et les États-Unis, qui n’est pas différente en privé." Hormis cette mise au point, le reste des capitales européennes n’a pas souhaité réagir aux fuites publiées par le prestigieux média allemand. Silence radio, également, du côté américain.
Le Premier ministre polonais Donald Tusk, le chancelier allemand Friedrich Merz et le président français Emmanuel Macron, lors d'un sommet à Tirana (Albanie), le 16 mai 2025.
Les rencontres clés se sont multipliées cette semaine autour de la guerre en Ukraine. D’abord, Emmanuel Macron recevait pour la deuxième fois en quinze jours le président Volodymyr Zelensky. Le président de la République s'est montré mesuré: "Pour le plan de paix complet, il faudra l’Ukraine autour de la table, la Russie autour de la table et les Européens autour de la table, donc ce n'est pas encore maintenant"."Nous devons également veiller à ce que le Russie n'ait pas l’impression d’obtenir une récompense pour cette guerre" a ajouté le président ukrainien.
Au même moment, une délégation ukrainienne se trouvait aux Etats-Unis, pour échanger avec le secrétaire d’Etat Marco Rubio. Puis, c’était au tour de Steve Witkoff, l’émissaire américain, d’être reçu à Moscou par Vladimir Poutine, qui a refusé le plan présenté, précisant que "les Européens n'ont pas de programme de paix, ils sont du côté de la guerre".
C’est donc une semaine décisive pour les négociations qui vient de s’écouler, alors que le plan russo-américain présenté le 21 novembre avait choqué l’Europe et l’Ukraine. Chaque point est depuis largement discuté : qu’il s’agisse des territoires occupés, des forces de sécurité garantes de la paix, des avoirs russes gelés... ou encore de la tenue d’élections en Ukraine... Un point crucial sur lequel nous éclaire Paul Véronique, journaliste au service Monde de L’Express.
C’est un objet volant triangulaire, devenu tristement célèbre pour son utilisation répétée contre des villes ukrainiennes par la Russie. Les Etats-Unis vont s’inspirer des drones iraniens à bas coût Shahed-136, pour concevoir leur propre unité de drones kamikazes - la première déployée au Moyen-Orient.
Cette annonce s’inscrit dans la stratégie du secrétaire de la Défense américain, Pete Hegseth, baptisée "Domination par les drones", "visant à acquérir ces systèmes aériens bon marché fabriqués par des entreprises américaines et rapidement déployables sur le terrain", explique le Wall Street Journal. Cette initiative vise à relancer le développement de l’arsenal du Pentagone, tout en simplifiant les procédures d’achat.
C’est en effet l’une des leçons de la guerre qui se déroule actuellement aux portes de l’Europe : les conflits actuels et de demain auront un important recours à ces objets volants - rudimentaires certes, mais efficaces, reproduisibles rapidement et surtout, à moindre coût financier. "L’objectif est d’équiper chaque unité de l’armée de terre de petits drones d’attaque unidirectionnels d’ici la fin 2026", précise le WSJ.
Alternative bon marché
Le 3 décembre 2025, le Commandement central des Etats-Unis (CENTCOM) a ainsi lancé un groupe de travail, la Task Force Scorpion Strike, ayant pour but le déploiement de cette unité de drones d’attaques unidirectionnels (c’est-à-dire, conçus pour atteindre une cible spécifique, et délivrer une charge explosive). Ces drones FLM 136, appelés aussi LUCAS (acronyme en anglais de "Système d’attaque de combat sans pilote à faible coût"), sont élaborés par l’entreprise américaine SpektreWorks, basée en Arizona.
Ces drones "possèdent une grande autonomie et sont conçus pour fonctionner de manière autonome. Ils peuvent être lancés à l’aide de différents mécanismes, notamment des catapultes, des systèmes de décollage assisté par fusée et des systèmes mobiles terrestres et embarqués", précise le CENTCOM, dans un communiqué. Ils représentent également une alternative bon marché aux drones utilisés actuellement, les MQ-9 Reaper, d’une valeur de 16 millions de dollars - contre seulement 35 000 dollars pièce pour leur petit frère, LUCAS.
Dissuasif
"Équiper plus rapidement nos combattants aguerris de drones de pointe témoigne de l’innovation et de la puissance militaire américaine, ce qui dissuade les acteurs malveillants", déclare également l’amiral Brad Cooper, commandant du CENTCOM, en communiqué.
Le déploiement des drones FLM 136 intervient deux ans après que trois soldats américains ont été tués par des engins similaires, sur une base américaine de Jordanie, appelée Tour 22. "Au Moyen-Orient, où les adversaires utilisent des systèmes bon marché pour cibler les troupes américaines, le Pentagone s’éloigne des systèmes complexes qui mettent des années à être déployés sur le terrain", analyse ainsi le WSJ. L’escadron non identifié qui exploitera les drones LUCAS est actuellement basé au Moyen-Orient, mais dans un lieu tenu secret, précise le site spécialisé The Aviationist.
Il est commun que des armées étrangères s’inspirent d’autres fabrications pour concevoir leurs propres prototypes. L’Iran récupérait elle-même des drones américains accidentés, comme le RQ-170 Sentinel, utilisé par la CIA, pour analyser leur fabrication. Même chose dans la guerre en Ukraine, où les deux camps ont utilisé la rétro-ingénierie des systèmes de l’adversaire.
Néanmoins, il semblerait que malgré son gabarit similaire, le FLM 136 ne soit pas une copie parfaite, et ait des performances inférieures à celles du Shahed 136. Le modèle iranien "possède une autonomie d’environ 1 350 milles nautiques [2 500 kilomètres, NDLR]" et "une charge utile de 50 kilos" contre seulement "350 milles nautiques [650 kilomètres], une endurance de six heures et une charge utile de 18 kilos", compare The Aviationist.
Un drone iranien Shahed-136 présenté dans le parc aérospatial des gardiens de la révolution, à Téhéran. C'est ce modèle qui a inspiré les nouveaux drones américains FLM 136, bientôt déployés au Moyen-Orient.
Chez les Inuits, le sens de l’humour relève de la politesse. N’en avoir aucun contrevient à la norme sociale, tout comme la mauvaise humeur, très mal vue. Pour les 57 000 habitants du Groenland, le comique, les fous rires, mais aussi les moqueries sont un mode de communication. Dans Les derniers rois de Thulé (1953), le géographe Jean Malaurie décrit une scène à l’intérieur d’un igloo où l’exubérance joyeuse contraste avec la rigueur glaciale de l’extérieur. La langue locale, le kalaallisut, est elle-même propice aux plaisanteries en raison de ses mots à rallonge. Une prononciation approximative est du plus bel effet comique. Ainsi "tukalaarivugut" ("Nous nous reverrons") peut facilement s’entendre "tutilaarivugut" ("La prochaine fois, nous dormirons sous la même couverture"). Mais, avec Donald Trump, fini de rigoler !
Dans l'Atlantique Nord, un territoire géant convoité par Washington.
Depuis son retour à la Maison-Blanche, le président "Maga" multiplie les coups de pressions sur le Groenland, où Washington possède une base aérienne depuis la Seconde Guerre mondiale – devenue, récemment, une base militaire d’observation spatiale. Cette hostilité, Mette Frederiksen ne l’a pas vu arriver. Depuis six ans pourtant, Donald Trump annonce son intention d’acquérir l’immense île – quatre fois la superficie de la France. L’ancienne colonie danoise, devenue semi-autonome en 2009, est "essentielle à la sécurité des Etats-Unis", déclare-t-il en 2019. Lorsque la Première ministre danoise qualifie l’idée d’absurde, c’est aussitôt la crise diplomatique. Donald Trump annule une visite d’Etat à Copenhague : il juge Mette Frederiksen "désagréable".
"A l’époque, tout le monde a pris l’idée de Trump pour une lubie extravagante, se souvient l’expert finlandais de l’Arctique Harri Mikkola. Mais, en fait, il était carrément sérieux." La preuve ? Washington rouvre alors un consulat à Nuuk. Mais quelques mois plus tard, ouf, Joe Biden est élu président. Et Mette Frederiksen n’envisage pas un instant un retour de Donald Trump au pouvoir. Quatre ans plus tard, le républicain américain remet ça ! Dès le mois de décembre 2024, alors qu’il n’est pas encore en poste, il écrit sur son réseau Truth social que l’acquisition du Groenland est une "absolue nécessité".
En janvier, il téléphone à Mette Frederiksen pour la pressuriser. Auprès de la chaîne NBC, il insiste : "Nous aurons le Groenland, 100 % sûr." Et, une fois à la Maison-Blanche, il envoie son vice-président, J.D. Vance, en service commandé sur la base spatiale de Pittufik. Son fils aîné, Donald Jr., lui, avait débarqué à Nuuk en janvier, quelques heures seulement, pour faire des selfies. A nouveau interrogé en mai, le président des Etats-Unis répète qu’il "ne peut exclure une annexion". Depuis, c’est le silence radio. Mais jusqu’à quand ? "Si nous avons appris quelque chose, c’est que Mette Frederiksen sait résister au gros temps, que soit face à Trump ou face à Poutine", constate, à Copenhague, l’expert militaire Rasmus Dahlberg. "Je ne partage pas ses idées de gauche, mais j’ai du respect pour son leadership en tant que chef de gouvernement", ajoute cet auteur d’ouvrages historiques – et fan de Bob Dylan.
La Première ministre danoise Mette Frederiksen, le 2 avril 2025 à Nuuk au Groenland (Danemark)
De fait, face à Trump, la Première ministre a navigué aussi habilement qu’Erik le Rouge, premier Viking à poser le pied sur la terra incognita groenlandaise, en 985, et à la coloniser. "Tirant la leçon de 2019, elle a eu l’habileté de faire profil bas sans affronter Trump publiquement", complète l’expert danois Sten Rynning, qui vient de publier Nato, un ouvrage (non traduit en français) sur l’histoire de l’Otan. En coulisse, elle appelle toutefois à la rescousse ses partenaires de l’Union européenne, dont Emmanuel Macron, qui se rend à Nuuk en juin pour déclarer que "ce territoire n’est ni à vendre, ni à prendre".
Les Danois sont sous le choc
Elle annonce aussi un plan d’investissement de près de 4 milliards d’euros destinés à la sécurité de l’île, dont 16 avions de chasse américains F-35, des drones, deux navires brise-glace, une base de surveillance navale sur la côte Est, un port militaire à Nuuk. "Enfin, le Danemark mobilise le soft power du Conseil circumpolaire inuit (qui représente quelque 200 000 Inuits d’Alaska, du Canada, du Groenland et de Sibérie), indignés par l’unilatéralisme de Trump", explique Mikaa Mered, spécialiste du Groenland et auteur des Mondes polaires (PUF, 2019).
Un an après les provocations trumpiennes, les Danois sont encore sous le choc. "Leur déception est d’autant plus grande que leur pays, membre fondateur de l’Otan, a toujours été l’un des alliés les plus proches de Washington, reprend, en Finlande, Harri Mikkola, de l’Institut finlandais des affaires internationales (Fiia). Le Danemark a notamment perdu 43 soldats en Afghanistan – 200 autres ont été blessés. Aujourd’hui, la réputation des Etats-Unis auprès des Danois est au plus bas." Entre Mette Frederiksen et Donald Trump, la relation est polaire. D’ailleurs, en août dernier, la Première ministre était absente du bureau Ovale lors de la réunion consacrée à l’Ukraine, où Trump recevait plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement (Macron, Starmer, Merz, Meloni, Stubb, Zelensky et, pour l’UE et l’Otan, von der Leyen et Rutte). Et cela, alors que la Danoise assumait la présidence tournante de l’UE…
En parlant de l’annexion du Groenland mais aussi du Canada, Donald Trump agresse deux alliés otaniens d’un coup
Mikaa Blugeon-Mered
L’Américain a également semé la pagaille au sein du Conseil de l’Arctique. Composé de huit nations, ce forum intergouvernemental créé en 1996 était déjà amputé de la Russie, suspendue depuis 2023. "En parlant de l’annexion du Groenland mais aussi du Canada, dont il affirme qu’il pourrait devenir le 51e Etat américain, Donald Trump agresse deux alliés otaniens d’un coup, observe Mikaa Blugeon-Mered. Ce faisant, il a involontairement resserré les liens entre Copenhague et Nuuk." En mai, le Danemark a en effet cédé au Groenland la présidence tournante du Conseil de l’Arctique, afin d’y représenter le royaume scandinave – qui comprend le Groenland, les îles Féroé et le Danemark.
Et, en septembre, Mette Frederiksen a présenté des excuses officielles pour le terrible crime colonial "de stérilisation" commis par Copenhague – et évoqué dans l’excellent Alors tu veux acheter le Groenland…*, qui résume en 140 pages tout ce qu’il faut savoir sur la vaste île. Dans les années 1960 et 1970, Copenhague a mené une politique de contraception forcée en imposant la pose de stérilets sur 4 500 jeunes femmes inuites, soit la moitié de la population fertile de l’île. Un douloureux passé… qui ne passe pas.
Les Groenlandais ne veulent pas être Américains
Pendant ce temps, de nombreux stratèges américains se projettent, eux, dans l’avenir. Leur analyse : le Groenland constitue un enjeu majeur dans le cadre de la rivalité avec la Chine et son allié russe. Et cela, dans au moins trois domaines : l’énergie, la défense et le transport. Très dominante sur le marché, la Chine produit aujourd’hui 70 % des "terres rares", ces métaux essentiels qui entrent dans la fabrication des fuselages d’avion, des radars, des batteries ou des smartphones. Or, après la Chine et la Russie, le Groenland est le troisième endroit du monde où l’on trouve cette ressource en quantité. Deux mines sont déjà exploitées au Groenland, qui réduisent la dépendance vis-à-vis de Pékin.
Deuxième sujet : la défense. Comme au temps de la guerre froide, la région polaire est le premier endroit de la planète où voleraient les missiles entre la Russie et les Etats-Unis en cas de conflit nucléaire. Il est donc nécessaire d’y maintenir une présence stratégique. C’est de là que peuvent être repérés, avec quinze minutes d’avance sur leur point d’arrivée, les missiles ennemis. En outre, l’île danoise constitue une pièce majeure dans le puzzle de l’Atlantique Nord. Tout comme l’Islande, le Svalbard et la Scandinavie, les Américains la considèrent comme une zone tampon et un poste avancé pour leur défense, à l’instar de Hawaï ou de Guam, qui procurent aux Etats-Unis de la "profondeur stratégique" dans le Pacifique.
Enfin, la fonte de la calotte glaciaire est en train de redéfinir le commerce international. La route du nord-est (voir la carte, ci-contre) est déjà navigable pendant deux mois d’été, ce qui réduit de 40 % le temps de trajet par rapport à la route traditionnelle du canal de Suez. L’autre voie arctique, le long du Canada, bloquée par des accumulations de glace, est plus compliquée à emprunter. "L’Arctique est la région la plus isolée du monde mais elle est traversée par tous les grands enjeux", conclut l’ex-sénateur français André Gattolin, connaisseur du sujet de longue date.
Par un hasard du calendrier, les Groenlandais ont, cette année, été appelés aux urnes et ont élu un nouveau gouvernement de coalition, qui se dit hostile au rattachement avec les Etats-Unis. Et, selon un récent sondage, si les habitants devaient choisir, 55 % opteraient pour la nationalité danoise, 8 % pour la nationalité américaine. "Trumpip tassumanngilanga", c’est-à-dire : "Trump n’a pas apprécié."
Paru en 2025, Alors tu veux acheter le Groenland..., par Elizabeth Buchanan (éd. Saint-Simon) résume en 140 pages tout ce qu'il faut savoir sur le Groenland.
*Alors tu veux acheter le Groenland… Des Vikings à Trump, par Elizabeth Buchanan (Saint-Simon). Préface de Mikaa Blugeon-Mered.
Après "Sleepy Joe" - le surnom donné à l’ex-président Joe Biden pour ses moments d’absences en plein débat, ou sa capacité à s’assoupir lors de réunions publiques - va-t-on s’habituer à voir Donald Trump piquer un somme en plein conseil des ministres ? C’est ce qui est arrivé, mardi 2 décembre, au président américain, et peu plus tôt, le mois dernier, lors d’une réunion dans le bureau Ovale - lui valant le joyeux surnom de "Dozy Don" (le Donald somnolent).
Une situation d’autant plus cocasse que le président, qui fêtera ses 80 ans en juin prochain, a ouvert la réunion de mardi en fustigeant un article du New York Timess’interrogeant sur sa santé et remarquant qu’il était moins actif que lors de son premier mandat, en 2017. Le journal souligne que le milliardaire a réduit son nombre d’apparitions publiques ou de déplacements dans le pays, et que son agenda a été allégé, avec un programme se déroulant plutôt l’après-midi. L’article attire également l’attention sur un IRM passé en octobre.
"Plus vif qu’il y a 25 ans"
Mais pour Donald Trump les journalistes à l’origine de cette enquête sont "complètement fous". "Je vous le dirai quand quelque chose n’ira pas", a-t-il assuré, disant se sentir "plus vif qu’il y a 25 ans". Une tirade qui semble avoir vidé Donald Trump de son énergie pour le reste de l’après-midi… Ce dernier ayant commencé à piquer du nez environ quinze minutes après, selon CNN.
Sur les images de la télévision américaine, on le voit ainsi fermer les yeux pendant de longues minutes, à plusieurs reprises. Y compris lors d’une intervention d’un membre de son cabinet complimentant sa politique, ou encore, lorsque le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio, assit à ses côtés, lance une blague à laquelle Donald Trump ne réagit quasiment pas.
President Trump appeared to doze off during a Cabinet meeting on Tuesday. As members of his cabinet heaped praise on the president, his eyes appeared to close multiple times as they spoke. #cnn#news#politics
Une scène qui a valu des railleries à "Dozy Don", obligeant la porte-parole de la Maison-Blanche à le défendre dans la presse, assurant que Donald Trump avait écouté religieusement "et dirigé l’intégralité de la réunion marathon de trois heures du Cabinet". D’autant que c’est la seconde fois, en un mois, que Donald Trump lutte acharnement pour ne pas cligner des yeux en public, comme le 6 novembre dans le bureau Ovale, où il est apparu enfoncé dans son fauteuil, disposé à une bonne sieste.
Ces événements auraient presque pu passer inaperçus… si Donald Trump n’avait pas passé ces dernières années à se moquer de la sénilité de Joe Biden, dont le cancer a été révélé après la campagne. Le républicain, de retour au pouvoir après une campagne marquée par ses meetings où il haranguait la foule pendant des heures, adore jouer la comparaison avec son rival, qui avait renoncé à se présenter à sa réélection après une performance désastreuse à un débat et des pressions internes.
En 2021, après que Joe Biden a semblé s’endormir lors d’une conférence sur le climat en Ecosse, Donald Trump déclarait déjà : "Personne qui a un véritable enthousiasme et une véritable conviction à propos d’un sujet ne s’endormira jamais !". Plus récemment, en janvier 2025, il est revenu à la charge au moment de la publication de photos de Joe Biden en vacances : "La seule chose que j’admire chez Sleepy Joe est la suivante. Il va à la plage, s’allonge sur un transat et en quelques minutes, il dort, avec des caméras qui le regardent", s’était-il moqué.
Doutes sur sa santé
La santé du président de la première puissance mondiale est souvent l’objet de spéculations. Donald Trump, plus vieux chef d’Etat américain à avoir prêté serment, le sait, et voue une obsession à balayer toute suspicion sur son état de santé.
En 2015, il était même allé jusqu’à faire écrire une fausse lettre à un médecin, rappelle CNN. "Durant le premier mandat de Trump, le Dr Harold Bornstein, qui avait écrit une lettre élogieuse sur sa santé, a déclaré que Trump avait dicté toute cette lettre. Celle-ci affirmait de manière invraisemblable que Trump serait 'la personne la plus saine jamais élue à la présidence', alors qu’il avait près de 70 ans à l’époque et qu’il était notoirement réfractaire à l’exercice physique", rappelle la chaîne de télévision.
Récemment, les critiques récurrentes sur un manque de transparence de la Maison-Blanche sur la santé du président ont forcé son médecin officiel à finalement communiquer cette semaine, assurant que l’examen était "préventif" et avait démontré une "excellente" santé cardiovasculaire du président. Nous voilà donc rassurés.
Le Royaume-Uni a convoqué jeudi 4 décembre l’ambassadeur russe et sanctionné l’intégralité du renseignement militaire de ce pays après qu’une enquête a conclu à la "responsabilité morale" du président Vladimir Poutine dans la mort d’une Britannique, empoisonnée au Novitchok en 2018.
Moscou a toujours nié être impliqué
Dawn Sturgess, mère de famille de 44 ans, est décédée en juillet 2018 en Angleterre, quelques mois après la tentative d’empoisonnement de l’ex-agent double russe Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia, qui ont eux survécu. L’affaire avait provoqué une crise diplomatique entre la Russie et le Royaume-Uni, et des expulsions réciproques de diplomates, un fait sans précédent depuis la fin de la Guerre froide. Moscou a toujours nié être impliqué.
Dawn Sturgess est la "victime innocente d’une tentative d’assassinat menée par des agents d’une organisation étatique russe dans les rues de Salisbury", ville du sud-ouest de l’Angleterre, a conclu Anthony Hugues, président de l’enquête indépendante qui rendait ses conclusions jeudi.
Le ministère britannique des Affaires étrangères a annoncé dans la foulée avoir convoqué l’ambassadeur russe, Andreï Kelin, et infligé des sanctions contre "l’intégralité" du renseignement militaire russe (GRU), jugé responsable de la mort de Dawn Sturgess. "Les empoisonnements de Salisbury ont choqué la nation et les conclusions d’aujourd’hui rappellent avec gravité le mépris du Kremlin pour les vies d’innocents. La mort inutile de Dawn est une tragédie", a déclaré le Premier ministre Keir Starmer, cité dans le communiqué du Foreign Office.
La conduite des agents du GRU, "de leurs supérieurs et de ceux qui ont autorisé la mission, y compris le président Poutine, a été incroyablement irresponsable", a souligné l’ancien juge Anthony Hugues. "Il existe un lien direct entre les actions de ces individus et la mort de Dawn Sturgess. Ils portent, à eux seuls, la responsabilité morale de cet évènement", a-t-il insisté.
Le 4 mars 2018, Sergueï et Ioulia Skripal avaient été retrouvés inconscients sur un banc de Salisbury, puis hospitalisés dans un état grave. Quatre mois plus tard, Dawn Sturgess s’est servie de ce qu’elle pensait être un parfum, dans un flacon trouvé par son compagnon dans une poubelle à Amesbury, à une quinzaine de kilomètres de là.
Les agents russes impliqués ont "imprudemment jeté cette bouteille dans un lieu public ou semi-public avant de quitter Salisbury. Ils n’ont pas pris en considération le danger de mort ou de blessures graves pour un nombre incalculable d’innocents", a déclaré Anthony Hughes. Outre le GRU, les nouvelles sanctions visent onze personnes "responsables d’activités hostiles pour le compte de l’Etat russe", y compris pour le GRU.
En juillet dernier, le Royaume-Uni avait déjà sanctionné 18 personnes et trois unités du renseignement militaire russe, accusées "d’avoir mené une campagne malveillante en ligne pendant plusieurs années". Trois agents des services de renseignement russes ont été inculpés dans l’enquête pénale britannique sur la mort de Dawn Sturgess, et sont sous le coup de mandats d’arrêt. S’il souligne des "manquements" dans la manière dont les autorités ont géré les mesures de sécurité autour de Sergueï Skripal, le rapport d’enquête publié jeudi n’a pas conclu que les autorités britanniques avaient sous-estimé le risque d’assassinat qui pesait sur lui et sa fille à l’époque.
"Les seules mesures qui auraient pu éviter l’attaque auraient consisté à le cacher complètement sous une toute nouvelle identité et à empêcher toute forme de contact entre lui et sa famille. En 2018, le risque n’était pas suffisamment grave pour justifier des précautions aussi importantes", a déclaré M. Hughes.
Pour protéger leur sécurité, Sergueï et Ioulia Skripal, qui vivent cachés sous protection policière, n’ont pas été auditionnés lors de l’enquête publique. Mais l’ancien agent double avait lui aussi directement mis en cause le président russe dans son témoignage écrit. "L’enquête a conclu que Dawn avait été une victime totalement innocente", ont salué ses proches après la parution du rapport. Mais ils se disent très "inquiets" par les questions "laissées sans réponse" dans le rapport, qui "ne contient aucune recommandation" pour éviter qu’un tel drame ne se reproduise.
Le président russe Vladimir Poutine porte la "responsabilité morale" de la mort en 2018 d'un Britannique, victime collatérale de l'empoisonnement au Novitchok de l'ex-agent double russe Sergueï Skripal, selon les conclusions d'un enquête indépendante publiées jeudi.
L'Ukraine a accusé jeudi 4 décembre la Russie d'envoyer vers des camps de "rééducation" en Corée de Nord des enfants ukrainiens "enlevés" par Moscou dans les territoires occupés par l'armée russe. Dans un communiqué, le médiateur ukrainien pour les droits humains, Dmytro Loubinets, a évoqué de nouvelles "informations" faisant état de l'existence de camps en Corée du Nord où des enfants ukrainiens sont soumis, selon lui, à une "russification" et une "militarisation" forcées.
"Chaque enfant doit être retrouvé, protégé et ramené chez lui. Les enfants ukrainiens ne peuvent pas être des armes entre les mains de l'agresseur", a plaidé Dmytro Loubinets.
165 "camps de rééducation"
La veille, lors d'une audition devant le Sénat américain, Kateryna Rachevska, une responsable d'une ONG ukrainienne, Regional Center for Human Rights, a déclaré que son organisation avait recensé 165 "camps de rééducation" pour enfants ukrainiens enlevés par Moscou. Selon elle, ces lieux se trouvent dans les territoires ukrainiens occupés, en Russie, au Bélarus et en Corée du Nord.
Kateryna Rachevska a affirmé que, selon son ONG, deux enfants venant respectivement de la Crimée annexée et de la partie de la région de Donetsk sous contrôle russe avaient notamment été envoyés dans un camp à Songdowon, en Corée du Nord, à 9 000 km de l'Ukraine. "On y enseignait aux enfants à 'détruire les militaristes japonais' et ils ont rencontré des anciens combattants (nord-coréens, NDLR) qui avaient attaqué en 1968 le navire Pueblo de l'US Navy", a-t-elle affirmé, une attaque qui avait alors suscité une crise entre Washington et Pyongyang.
Moscou assure avoir sauvé ces enfants
L'Ukraine accuse la Russie d'avoir enlevé au moins 20 000 enfants ukrainiens depuis le début de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine, en février 2022, et que seuls 1 850 d'entre eux ont pu être récupérés.
En 2023, la Cour pénale internationale a émis un mandat d'arrêt contre Vladimir Poutine pour la "déportation illégale" d'enfants des zones occupées d'Ukraine vers la Russie. Moscou dément ces accusations, assurant avoir sauvé ces enfants de la guerre et avoir mis en place des procédures pour les réunir avec leurs familles.
L'Assemblée générale de l'ONU a appelé mercredi au retour immédiat et inconditionnel des enfants ukrainiens "transférés de force" en Russie, une question sensible dans les très difficiles négociations en cours sur un éventuel accord entre Kiev et Moscou pour trouver une issue au conflit, le plus meurtrier en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Le 22 mars 2023, à Kiev. Nikita 10 ans, Dyana, 14 ans et Yana 11 ans débarquent tout juste après plus de 5 mois de déportation côté russe. Ils avaient disparu sans bruit, dans la tourmente de la guerre, le vendredi 07 octobre 2022 à Kherson. Les déportations illégales de petits Ukrainiens, qui valent à Vladimir Poutine un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale, concernent plus de 16 000 mineurs identifiés emmenés sur le sol russe ou dans les territoires occupés. Mais en réalité, les autorités ignorent combien d'enfants doivent être recherchés.