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Reçu aujourd’hui — 11 décembre 2025 L'Express

Panneaux solaires : ces composants chinois qui menacent le réseau électrique américain

11 décembre 2025 à 19:20

Une cyberattaque pourrait-elle provoquer une coupure de courant géante aux Etats-Unis ? C’est ce que craignent plusieurs officiels, entreprises du secteur de l’énergie et experts en sécurité américains. En cause : la dépendance des Etats-Unis aux onduleurs chinois. Ces composants convertissent l’électricité produite par les panneaux solaires en courant compatible avec le réseau électrique.

Selon une étude du spécialiste de la veille stratégique Strider Technologies relayée par le Washington Post, près de 85 % des fournisseurs d’équipements interrogés utilisent des onduleurs fabriqués par des entreprises qui ont des liens avec l’armée ou le gouvernement chinois. Ces entreprises représentent 12 % de l’électricité générée à l’échelle des Etats-Unis. Selon plusieurs experts en cybersécurité interrogés par le journal, ces appareils sont vulnérables aux cyberattaques et peuvent provoquer des coupures d’électricité en cascade.

"De sérieuses implications sur la sécurité nationale"

Le rapport de Strider prévient que le gouvernement chinois, grâce au contrôle qu’il exerce sur les entreprises fabricant ces onduleurs et leurs réseaux, pourrait manipuler ou perturber le réseau américain "en cas de crise". La Chine a les armes, reste à savoir si et quand elle va les utiliser. Interrogé par le Washington Post, un ancien dirigeant de Southern Company, un des plus grands fournisseurs d’énergie américains, estime que ces composants vulnérables pourraient même perturber d’autres secteurs comme la finance ou la communication.

Les estimations autour de l’ampleur de la menace varient, mais l’inquiétude a en tout cas gagné les hautes sphères politiques américaines, note le journal. La Commission d’examen économique et de sécurité Etats-Unis-Chine, créée par le Congrès américain, a évoqué les onduleurs chinois dans un rapport publié en novembre dernier. Elle souligne une "vulnérabilité ayant de sérieuses implications sur la sécurité nationale". Et cite un exemple : en novembre 2024, un "certain nombre" d’onduleurs installés dans des foyers américains ont été désactivés par leur fabricant chinois. Il ne s’agissait certes pas d’un sabotage, mais d’un mécanisme de vérification intégré aux onduleurs. Le cas montre toutefois que ces composants peuvent être manipulés à distance, expose la commission. La Chine pourrait par ailleurs arrêter les ventes ou restreindre l’accès aux onduleurs pour porter atteinte aux Etats-Unis.

Réguler l’importation des onduleurs chinois ?

La Chine dément les accusations, qui ne sont, selon un mail de l’ambassade relayé par le Washington Post, "sans aucun fondement, au mépris des faits" concernant les réalisations de la Chine dans le domaine des infrastructures énergétiques. Reste que les Etats-Unis cherchent à s’affranchir de ces composants vulnérables. Dans son effort d’investissement dans les énergies renouvelables, le pays s’est largement appuyé sur des composants chinois abordables, dont la production est subventionnée par le gouvernement chinois.

Les Etats-Unis peinent à leur faire concurrence. L’administration de Joe Biden avait bien tenté de subventionner davantage de technologies américaines pour les énergies renouvelables. Mais les fonds ont ensuite été coupés par son successeur, Donald Trump, qui ne cache pas son désamour pour les énergies renouvelables, auxquelles il préfère les énergies fossiles. Le Département de l’énergie assure quant à lui que l’administration du président s’engage à réduire la dépendance de l’industrie aux chaînes de valeur étrangères.

L’équation est d’autant plus difficile à résoudre que les Etats-Unis souffrent d’une crise énergétique, ce qui rend les régulateurs réticents à renforcer les règles de sécurité sur les composants.

52 législateurs américains ont ainsi proposé de restreindre l’importation d’onduleurs chinois. Leur demande faisait suite à des révélations de Reuters selon lesquelles des dispositifs de communication non autorisés avaient été trouvés dans des onduleurs utilisés aux Etats-Unis.

L’Europe n’est pas épargnée. En mai dernier, un rapport de SolarPower Europe avait déjà tiré la sonnette d’alarme sur la vulnérabilité des onduleurs chinois, mal sécurisés. Une évolution de la réglementation européenne est nécessaire, avance le rapport.

© afp.com/Mark Felix

Dans son effort d'investissement dans les énergies renouvelables, le pays s'est largement appuyé sur des onduleurs chinois abordables mais vulnérables aux cyberattaques.

De la RDC à la Thaïlande : Donald Trump, faiseur de paix… ou faiseur d'illusions ?

11 décembre 2025 à 19:08

Sur scène, quelques instants après avoir reçu le "prix de la paix de la Fifa", créé par un de ses proches, Donald Trump se vante d'avoir "sauvé des millions de vie", citant le Congo, l'Inde, le Pakistan, "tant de guerres de guerres auxquelles nous avons réussi à mettre fin" ou à éviter. Huit guerres au total. Mais premier hic, deux d’entre elles n’ont jamais existé.

La Serbie et le Kosovo - qui ont, certes, des relations particulièrement tendues - ont signé en 2020 un accord de normalisation économique en présence du président américain. Mais un accord de paix, jamais. L’autre peace deal qui n’en est pas un : des tensions autour d’un méga barrage construit sur le Nil par l’Ethiopie, que l’Egypte perçoit comme une "menace existentielle". Donald Trump ne semble pas avoir joué un rôle pour apaiser les discordes, loin de s’être depuis dissipées.

Second hic, les six autres accords ont montré quelques fragilités. Un bilan finalement compromettant pour l’homme qui brigue ouvertement le prix Nobel de la paix.

"Passer un coup de téléphone"

Depuis le 26 octobre, Donald Trump s’érige en artisan de l'"accord historique" signé entre la Thaïlande et le Cambodge. Une signature officielle faisant suite au cessez-le-feu obtenu avec l’aide de la Chine et de la Malaisie en juillet, dont l’Américain s’était attribué toute la gloire. Mais le dernier accord en date n’aura tenu que deux semaines, suspendu par la Thaïlande le 10 novembre après l’explosion d’une mine terrestre à proximité de la frontière.

Dimanche 7 décembre, les hostilités ont repris, faisant au moins 19 morts. Les affrontements sont "plus intenses cette fois qu’en juillet", a assuré à l’AFP Lay Non, un habitant ayant fui un village cambodgien. Plus de 500 000 personnes ont été contraintes d’évacuer les zones de combats.

Un accord instable donc, signé à la va-vite, plus rapide que qualitatif. Le premier ministre thaïlandais, Anutin Charnvirakul, en est conscient : "Entre dirigeants, il ne s’agit pas seulement de passer un coup de téléphone. Il y aura un rendez-vous prévu et des sujets précis à aborder".

Peace deals ou business deals

Et Donald Trump est familier de ces signatures plus médiatiques que diplomatiques. A Washington, le 4 décembre, devant un parterre de caméras, il parvient à un accord entre la République démocratique du Congo et le Rwanda. Ce qu’il qualifie de "miracle", n’aura en pratique aucun effet sur l’Est Congolais, région en proie au conflit depuis plus de 30 ans.

Ce mardi 9 décembre, le groupe armé M23, qui combat l’armée congolaise a pénétré dans la ville stratégique d’Uvira. Une "gifle" à Washington, dans les termes du Burundi voisin, dont le président avait déjà alerté de la précarité de l’accord. "S’engager sur un plan de paix est une chose, le mettre en œuvre en est une autre", ébruitait Evariste Ndayishimiye.

Pourtant Donald Trump semblait optimiste pour l’avenir. Lors de la cérémonie de signature il déclare à proximité des oreilles du Monde : "Ils [Congolais et Rwandais] ont passé tant de temps à s’entretuer, maintenant ils vont passer du temps à s’étreindre […] et profiter économiquement des Etats-Unis". Le mot-clé : économie. Un paramètre qui semble être au cœur de la stratégie de la Maison-Blanche. Et le président congolais n’a pas manqué d’abreuver ses désirs avec la proposition d’un accès préférentiel pour Washington à ses richesses minières.

Une impression de déjà-vu ? Lorsqu’il était question de la guerre en Ukraine menée par la Russie, le président américain proposait sa protection à son homologue Volodymyr Zelensky… en échange des ressources minérales de son pays. Car finalement les "peace deals" du dirigeant milliardaire ressemblent plus à des business deals.

Des réussites qui demeurent fragiles

Certains accords payent plus que d’autres. C’est le cas du cessez-le-feu entre Israël et Gaza, arraché par Donald Trump, comme promis, quelques mois après son retour au pouvoir. Une réussite plus grande en apparence qu’en pratique. Car si cessez-le-feu il y a eu, son maintien reste précaire.

Depuis le 10 octobre, date de son entrée en vigueur, des violences ont continué à exploser. 370 Palestiniens ont perdu la vie dans des frappes israéliennes, ainsi que de trois soldats de l’Etat Hébreu. Et la deuxième phase du plan américain, destiné à consolider le cessez-le-feu peine à se mettre en place. Une dépouille d’otage - dont la restitution est exigée par Israël pour engranger la suite du plan de paix - est toujours retenue par le Hamas. Quant au mouvement islamiste, il estime que la deuxième étape "ne peut pas commencer" tant qu’Israël "poursuit ses violations de l’accord", a affirmé mardi à l’AFP un membre de son bureau politique, Hossam Badran. Un schéma qui se reproduit dans d’autres conflits où Donald Trump s’est impliqué.

En juin, Israël a lancé une offensive contre l’Iran pour empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique. Attaque à laquelle les Etats-Unis se sont rapidement joints. 12 jours plus tard, Washington a annoncé un "cessez-le-feu total" entre les deux pays. Une trêve dont la stabilité reste incertaine, le guide suprême iranien, Ali Khamenei, refusant de céder sur la question de l’enrichissement d’uranium.

Quant à l’Arménie et l’Azerbaïdjan qui se sont livrés deux guerres au sujet de la région contestée du Karabakh, leurs dirigeants ont paraphé en août, à la Maison-Blanche, un projet d’accord de paix. Mais l’aboutissement d’une signature officielle demeure incertain.

Enfin, des affrontements entre le Pakistan et l’Inde ont fait plus de 70 morts en mai 2025. Lorsque Donald Trump a annoncé un cessez-le-feu entre les pays d’Asie du Sud, le Premier ministre indien, Narendra Modi, a nié toute implication étrangère dans la résolution du conflit.

© afp.com/Jia Haocheng

Donald Trump (à gauche) recevant le prix de la Paix de la Fifa des mains de Gianni Infantino le 5 décembre 2025 au Kennedy Center de Washington lors du tirage au sort de la Coupe du monde 2026 de football

Catherine Fieschi : "Sur l’Europe, Jordan Bardella est plus proche de Giorgia Meloni que de Marine Le Pen"

11 décembre 2025 à 18:00

Des grandes formations de la droite populiste piaffent aux portes du pouvoir en France mais aussi au Royaume-Uni ou en Allemagne. Ils y participent déjà depuis des années en Pologne ou en Italie. Chercheuse au centre Robert Schuman de l’Institut universitaire européen (IUE) à Florence, Catherine Fieschi décrypte et compare leurs programmes économiques, qui sont plus divers qu’il n’y paraît. Entretien.

L'Express : Comment définir les projets économiques des partis populistes de droite en Europe ?

Catherine Fieschi : Leur attitude plus ou moins illibérale est le marqueur principal de leur politique en matière socio-économique. Les plus attachés à une politique économique et sociale illibérale sont très présents dans les pays d’Europe centrale et orientale, en particulier le PiS en Pologne et Fidesz en Hongrie. Chez eux, il y a un protectionnisme affirmé couplé à une vraie politique de protection sociale - même si celle-ci exclut les étrangers. De l’autre côté, on trouve des partis plutôt enclins au libéralisme économique, avec l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), Reform UK au Royaume-Uni, Vox en Espagne et surtout Fratelli en Italie. Entre les deux, il y a des cas hybrides, avec le RN français et le PVV néerlandais.

Et leur vision anti-immigration les réunit tous ?

Avec des nuances ! Il est plus facile d’être non libéral et de s’opposer à l’immigration. En revanche, défendre en même temps le libéralisme économique et le refus de l’immigration est une contradiction. Giorgia Meloni, la présidente du Conseil italien, est celle qui l’a le mieux résolue, bien qu’elle l’ait fait en sous-main. Elle use d’une rhétorique agressive contre les migrants tout en faisant preuve de pragmatisme quant aux besoins de main-d’œuvre de son industrie, avec des régularisations massives. Mais le fait de s’être positionnée comme quelqu’un qui prend à bras-le-corps ces sujets migratoires rassure sa population : l’immigration, qui était la première préoccupation exprimée par les Italiens dans les sondages, est redescendue, selon les mois, à la quatrième ou cinquième place.

Quant à l’Europe, elle fait l’objet de critiques plus ou moins virulentes selon les partis…

Tous sont critiques de l’Europe mais Meloni et son parti Fratelli d’Italia se distinguent là aussi, en faisant preuve d’un grand pragmatisme. Certes, les 194 milliards d’euros prévus pour l’Italie dans le plan de relance de l’Union européenne les ont aidés : vu la taille de la carotte, Meloni a fait ce qu’il fallait, en mettant ses pas dans ceux de son prédécesseur Mario Draghi. Mais il y a aussi quelque chose de plus profond chez elle : elle doit tenir compte du fait qu’être pro-européen fait partie de l’ADN du pays. Comme Viktor Orban, elle prétend vouloir changer l’Europe de l’intérieur. En revanche, Marine Le Pen est plus anti-européenne, plus farouchement souverainiste et infiniment plus méfiante vis-à-vis des institutions bruxelloises. Si elle dirigeait la France, Marine Le Pen ferait moins de cas de l’Union européenne que Meloni. Ce serait moins vrai pour Jordan Bardella, dont le discours sur l’Europe est plus proche de celui de Meloni que de celui de Le Pen.

Dans quelle mesure la rhétorique anti-élite développée par ces partis populistes vise-t-elle aussi les élites économiques, grands patrons et entrepreneurs ?

De ce point de vue, l’AfD est intéressante parce qu’elle a été fondée comme un parti plutôt intellectuel et élitiste, par des économistes opposés à la monnaie unique européenne. Elle a évolué pour devenir anti-élite mais elle a gardé sa ligne anti-euro et elle a maintenu un côté plutôt libéral. Elle ménage les grandes entreprises allemandes et surtout ce tissu dense de PME qui constitue pour elle un réservoir de votes.

La critique de l’Europe naît aussi du rejet de la mondialisation. Comment se situe la galaxie nationale populiste sur ce thème ?

Le plus intéressant est Reform UK, le parti de Nigel Farage, issu du Brexit. Les électeurs qui ont voté pour la sortie de l’Union européenne en 2016 regroupaient à la fois ceux qui rejetaient la mondialisation et l’immigration et ceux qui, comme Boris Johnson, chantaient les louanges de "Global Britain". Tous se sont retrouvés dans le Brexit mais pour des raisons fondamentalement différentes. C’est pourquoi Reform UK, qui a hérité de cette contradiction, est plus libéral et plus ouvert à la mondialisation que ses homologues européens.

Cependant, même sur le continent, les critiques contre la mondialisation contiennent aussi une grande part de cynisme. Le PiS polonais, par exemple, est à la fois très critique de la mondialisation et très pro américain. Et cela ne date pas de Donald Trump ! En Hongrie, c’est encore plus marqué : la Chine est l’investisseur numéro un dans ce pays, mais cela n’empêche pas Orban d’afficher son hostilité à la mondialisation… La ligne plus ou moins pro-business est un meilleur critère des politiques qu’ils mènent que leurs déclarations contre la mondialisation, qui sont de la rhétorique.

Au RN le positionnement antimondialisation s’accompagne d’un discours de défense de l’État providence, est-ce une ligne qu’on retrouve ailleurs ?

Oui mais pas partout, pas chez Meloni notamment. Elle s’est attaquée dès son arrivée au pouvoir au revenu minimum garanti, héritage des populistes de gauche du parti Cinq Étoiles. Dans d’autres pays où l’Etat s’aligne sur l’Eglise catholique, comme en Pologne et en Hongrie, on défend beaucoup l’État providence. L’AfD est un cran en dessous, car elle met moins l’emphase sur la protection des Allemands que sur la "dé-protection" des immigrés. En France, le calcul de Marine Le Pen était de pouvoir à la fois parler aux classes moyennes du sud et aux populations plus modestes du nord de l’Hexagone. Bardella cherche aussi à ménager la chèvre et le chou mais au fond, il est sur une ligne soucieuse de rassurer les entreprises.

Sur l’environnement, y a-t-il unanimité des populistes contre les mesures écologiques contraignantes ?

L’attachement à l’énergie nucléaire est une thématique présente dans les positions de l’AfD comme au RN. Et dans tous ces partis populistes de droite, il y a un rejet du Pacte vert européen. Tout comme l’immigration, il s’agit là d’une thématique très technique, perçue comme émanant de Bruxelles. Dans un cas comme dans l’autre, on fait passer l’élite bruxelloise pour une entité déconnectée qui se fiche de ce que pense l’homme de la rue et qui lui impose des réglementations incompréhensibles. C’est du pain bénit pour le discours populiste. Il faut y ajouter la critique des énergies renouvelables, des éoliennes et des panneaux solaires accusés de défigurer la nature, patrimoine du peuple. La critique s’exprime moins en Europe centrale et orientale, parce que les Verts y sont moins présents. Le positionnement sur l’agriculture est lui aussi différenciant. Certains comme le RN, les Fratelli ou le PiS polonais défendent bec et ongles la Politique agricole commune, d’autres y voient plus un sujet de débat.

L’incapacité de ces partis à former un groupe commun au Parlement européen reflète-t-elle une vraie divergence politique ou plutôt des jeux de pouvoir ?

L’éclatement actuel reflète avant tout le désaccord sur la Russie ! Cependant, il y a aussi des animosités plus personnelles, avec par exemple Marine Le Pen qui refuse de siéger avec l’AfD pour ne pas ruiner sa stratégie de "dédiabolisation". Et comme tous ces partis sont nationalistes, il est compliqué pour eux de conclure des alliances transfrontières… Ils sont tous alignés sur l’idée de se désaligner. Mais ils savent que former un groupe parlementaire est utile pour obtenir des financements et de l’influence politique.

A partir de toutes ces réflexions, peut-on esquisser une typologie des partis populistes de droite ?

On peut construire une matrice en mettant en abscisse les pragmatiques libéraux d’un côté et les dogmatiques illibéraux de l’autre, et en ordonnée l’euroscepticisme plus ou moins prononcé de chaque parti. On pourrait ainsi définir quatre groupes, les libéraux anti-UE avec l’AfD et Bardella, les non-libéraux anti-UE avec notamment Marine Le Pen, les libéraux pragmatiques avec les Fratelli d'Italia, les non-libéraux pragmatiques avec le Fidesz de Viktor Orban… Mais puisque l’AfD et le RN n’ont jamais participé au gouvernement, il est difficile de savoir s’ils sont vraiment pragmatiques. En outre, tous ces partis ne marchent pas comme un seul homme, ils sont traversés par des courants et des débats.

© afp.com/ROMEO BOETZLE

Le président du RN Jordan Bardella le 6 octobre 2025 à Strasbourg

L'Otan appelle à "tester" Vladimir Poutine pour voir "s'il veut la paix en Ukraine"

11 décembre 2025 à 17:26

Le chef de l'Otan a appelé jeudi 11 décembre à "tester" Vladimir Poutine pour déterminer s'il "veut la paix en Ukraine" en établissant un plan soutenu par les Etats-Unis et l'Europe, après la remise par Kiev à Washington d'une nouvelle mouture pour mettre fin à la guerre.

"Est-ce que je pense que les Etats-Unis et l'Europe parviendront à s'entendre sur la question de l'Ukraine ? Oui, j'en suis convaincu", a dit le secrétaire général de l'Alliance, Mark Rutte, au cours d'un débat à Berlin. "Suis-je sûr que les Russes accepteront ? Je ne sais pas. C'est le test", a-t-il ajouté, appelant à voir si Poutine "est sérieux".

Il a également une nouvelle fois jugé que le président russe ne s'arrêterait pas à l'Ukraine si les Européens n'investissaient pas massivement dans leur défense. "Si vous aimez la langue allemande et que vous ne voulez pas parler russe, c'est crucial d'investir massivement dans la défense, c'est une condition sine qua non, car sinon (Poutine) ne s'arrêtera pas à l'Ukraine", a martelé Mark Rutte.

Pékin, la "bouée de sauvetage" de la Russie

Dans un discours prononcé avant le débat organisé par la Conférence de la sécurité de Munich, l'ancien Premier ministre néerlandais a par ailleurs reproché à Pékin d'être la "bouée de sauvetage" de la Russie. "Sans le soutien de la Chine, la Russie ne pourrait pas continuer à livrer cette guerre. Par exemple, environ 80 % des composants électroniques essentiels (présents à bord) des drones russes et d'autres systèmes sont fabriqués en Chine", a-t-il dit.

Ce pays, l'un des principaux partenaires commerciaux de la Russie, revendique une certaine neutralité dans le conflit en Ukraine mais elle s'est abstenue de condamner l'invasion russe et a, depuis son déclenchement, approfondi ses relations avec Moscou.

En outre, pour Mark Rutte, si l'Ukraine se retrouvait "sous le joug de l'occupation russe", cela coûterait très cher aux Etats faisant partie de l'Alliance atlantique, une organisation qui devrait alors "augmenter considérablement sa présence militaire le long de son flanc oriental". Ce jeudi, la Russie a revendiqué la prise de la ville de Siversk, dans l'est de l'Ukraine, l'un des derniers verrous sur ce front qui empêchent les forces russes de s'approcher des grandes cités régionales de Kramatorsk et de Sloviansk. Comptant environ 11.000 habitants avant la guerre, cette ville est aujourd'hui en grande partie détruite.

Au dernier sommet de l'Otan à la Haye fin juin, ses pays membres ont promis de consacrer d'ici à 2035 5 % de leur PIB (au moins 3,5 % pour les dépenses strictement militaires et 1,5 % à des dépenses liées à la sécurité). Les Etats-Unis de Donald Trump ont mis une pression considérable pour que l'Europe dépense plus pour sa propre sécurité, l'accusant d'avoir profité des décennies durant des largesses américaines.

© afp.com/Tobias SCHWARZ

Le chancelier allemand Friedrich Merz (d) et le secrétaire général de l'Otan, Mark Rutte lors d'une conférence de presse à Berlin, le 11 décembre 2025

Avion de combat du futur : les parties prenantes européennes tentent de sortir de l’impasse

11 décembre 2025 à 15:58

Le projet d’envergure de lancer un avion de combat européen verra-t-il le jour ? L’ambitieux chantier du Scaf (NDLR : système de combat aérien du futur), lancé en 2017 par Emmanuel Macron et Angela Merkel, bat de l’aile. Il s’agit en effet d’un projet commun entre l’Allemagne, la France et l’Espagne, dont l’avionneur Dassault est le maître d’œuvre et dans lequel Airbus est engagé aussi au nom d’industriels allemands et espagnols. Or, les parties prenantes s’écharpent sur la gouvernance.

Les trois pays concernés tentent de sauver les meubles avant la fin de l’année. Est-ce la réunion de la dernière chance ? L’ordre du jour n’a pas été précisé, mais le gouvernement allemand indique sur son site que les ministres de la Défense allemand, Boris Pistorius, et français, Catherine Vautrin, se rencontreront ce jeudi à Berlin. Ils seront ensuite rejoints par leur homologue espagnole, Margarita Robles.

Dassault veut faire cavalier seul

La réunion a lieu alors qu’Airbus et Dassault affichent publiquement leurs désaccords sur la répartition du travail. En septembre dernier, Eric Trappier, le PDG de Dassault Aviation - qui fabrique le Rafale - avait déclaré que son groupe était capable de développer le Scaf "tout seul". Il avait également réclamé une révision de la gouvernance paritaire à trois (avec Allemagne et Espagne) du projet. Le futur Scaf est en effet composé d’un avion, de drones accompagnateurs et d’un "cloud de combat" qui connecte le tout. Selon la chaîne de télévision allemande Tagesschau, le dirigeant de Dassault serait prêt à coopérer avec Airbus sur les drones et le cloud, mais estime avoir les compétences clés pour construire l’avion de combat, en atteste la réussite de son Rafale.

Une vision qui n’a pas plu à Airbus. Le président du comité d’entreprise d’Airbus Defense & Space, Thomas Pretzl, a, à plusieurs reprises - dans les médias ou lors de réunions - abordé l’hypothèse d’un programme Scaf sans la France. Il a d’ailleurs cosigné avec le vice-président du puissant syndicat de l’industrie allemande IG Metall, Jürgen Kerner, une lettre adressée lundi aux ministres allemands de la Défense, Boris Pistorius, et des Finances, Lars Klingbeil. Les deux hommes ont indiqué ne "plus faire confiance à Dassault" sur le programme d’avion de combat européen. L’avionneur français s’est selon eux "complètement disqualifié en tant que partenaire fiable au sein de l’Europe en cette période de menace aiguë". "Dassault n’a jusqu’à présent pas renoncé à exiger la prise en charge intégrale du développement de l’avion de combat", ajoute le courrier d’IG Metall. "Nous aimons travailler avec des entreprises françaises", assure IG Metall, "mais pas avec Dassault".

En réponse, le syndicat patronal des industries métallurgiques (UIMM), présidé par Eric Trappier, a fait part mercredi de son "étonnement" face à la déclaration d’IG Metall, qui souhaite d’après elle "évincer un fleuron technologique français de l’aviation militaire du projet européen d’avion de combat". "Les entreprises de l’industrie française ne sauraient accepter une telle position visant à écarter les intérêts industriels de la France de ce projet stratégique", a-t-elle ajouté.

Un "chemin de croix"

Mercredi également, le patron exécutif d’Airbus reconnaissait les difficultés des parties prenantes à s’entendre. Guillaume Faury, interrogé sur France Inter, a qualifié de "chemin de croix" le processus de construction d’une industrie européenne de défense, notamment à travers le Scaf. Ce dernier doit remplacer les Rafale français et les Eurofighter allemands et espagnols d’ici 2040, dans un contexte de menace croissante de la part de la Russie. Si, selon le dirigeant, le programme "va se faire", il a toutefois regretté le "différent assez significatif avec Dassault "sur la façon de conduire le développement de l’avion".

"Le Scaf, c’est un système de combat dans lequel il y a un avion, des drones, ce qu’on appelle un cloud de combat, un système digital dans lequel l’ensemble des objets sont connectés" a-t-il rappelé. "Quels sont les modes de coopération sur chacun des piliers, ce n’est pas encore acquis", a-t-il dit.

Le plan B de l’Allemagne

L’Allemagne, de son côté, prépare déjà "un plan B, voire un plan C", rapporte la Tagesschau. Airbus pourrait ainsi se concentrer sur le système de drones et de leur connexion via le "cloud de combat".

Par ailleurs, le ministre italien de la Défense, Guido Crosetto, a évoqué début décembre une possible participation de l’Allemagne à un autre programme, le GCAP. Ce dernier cherche à faire voler un avion de combat de nouvelle génération d’ici 2035 et réunit l’Italie, le Japon et le Royaume-Uni. "L’Allemagne pourrait probablement rejoindre ce projet dans le futur", a déclaré le ministre, selon Reuters. Airbus & Defense aurait également envisagé de coopérer avec la Pologne et la Suède, rapporte la Tagesschau. L’administration allemande a quant à elle souligné la nécessité de trouver une solution d’ici la fin de l’année.

© AFP

En septembre dernier, Eric Trappier, le PDG de Dassault Aviation avait déclaré que son groupe était capable de développer le Scaf "tout seul".

Pourquoi les Etats-Unis sont maintenant considérés comme une menace par le renseignement danois

11 décembre 2025 à 12:45

C’est une première. Jamais encore les renseignements militaires danois n’avaient exprimé aussi clairement leurs inquiétudes concernant les États-Unis dans leur évaluation annuelle des menaces. Dans un rapport de 64 pages intitulé "Udsyn 2025" et publié ce mercredi 10 décembre, le service de renseignement de la défense danois (FE) ne se contente pas, cette année, de décrire uniquement la menace russe ou la montée en puissance de la Chine : il s’attarde sur la politique américaine menée par Donald Trump. Un nouveau facteur d’incertitudes dont se préoccupe le FE.

Les Etats-Unis "n’excluent plus le recours à la force militaire" contre leurs alliés

"Les Etats-Unis utilisent leur puissance économique, y compris la menace de droits de douane élevés, pour imposer leur volonté, et n’excluent plus le recours à la force militaire, même contre leurs alliés", peut-on lire dans le document.

Ce rapport est également l’occasion pour le FE d’évoquer l’intensification des activités militaires dans l’Arctique qui, selon lui, rappelle les inquiétudes partagées depuis plusieurs années par les dirigeants européens face à la doctrine "America First".

Le rapport note aussi que l’attention croissante portée par Washington à la concurrence stratégique avec la Chine "crée une incertitude quant à son rôle de principal garant de la sécurité en Europe". Autrement dit, un pivot américain vers l’Asie pourrait affaiblir la protection dont bénéficie historiquement le continent.

Dans une interview accordée au journal de centre-gauche danois Politiken, le directeur du FE, Thomas Ahrenkiel, a justifié le choix d’inclure les Etats-Unis dans le rapport : Ils "ont été le garant de notre sécurité pendant des générations, ce qui accroît l’incertitude en matière de politique de sécurité. […] La situation est grave, c’est pourquoi nous nous efforçons davantage de décrire et d’analyser cet aspect", explique-t-il. Le directeur a toutefois souligné dans ses déclarations publiques que les Etats-Unis restaient le "partenaire et allié le plus proche" du Danemark, malgré le ton de plus en plus hostile de l’administration Trump.

Ces propositions d’achat du Groenland qui ont semé la discorde

Ce rapport paraît dans un climat tendu entre les Etats-Unis et l’Europe. Parmi les nombreuses discordes, la demande insistante de Donald Trump d'"acquérir" le Groenland a crispé les responsables danois. Une demande répétée, assortie de déclarations affirmant que le président américain obtiendrait l’île "d’une manière ou d’une autre". Pour Copenhague, l’épisode a révélé combien les priorités américaines pouvaient déstabiliser même les plus anciens alliés, selon le rapport.

L’an dernier, le gouvernement avait même convoqué le chef de l’ambassade américaine après des allégations d'"opérations d’influence secrètes" au Groenland, menées par trois Américains liés à Donald Trump. Aucune identité n’a été révélée, mais ces accusations faisaient suite à des informations selon lesquelles les services de renseignement américains avaient été encouragés à renforcer leur présence dans la région.

La semaine dernière, l’administration Trump publiait un document sur sa stratégie de sécurité nationale dans lequel elle appelait les pays européens à assumer la "responsabilité principale" de leur propre défense. Et ce, avant d’ajouter que l’Europe risquait la "disparition de sa civilisation".

© afp.com/Jim WATSON

Le vice-président américain JD Vance (2e à partir de la droite) et son épouse Usha Vance (2e à partir de la gauche) visitent la base américaine de Pituffik au Groenland (Danemark), le 28 mars 2025

Une "escalade majeure" : ce que l’on sait de la saisie d’un pétrolier au large du Venezuela par Washington

11 décembre 2025 à 11:34

"Une escalade majeure dans la campagne de pression menée par l'administration (Trump, NDLR) contre le dirigeant du pays, Nicolas Maduro". Voici comment le Wall Street Journal résume la scène. Sur une vidéo publiée sur le compte X de la ministre de la Justice américaine Pam Bondi, partiellement floutée, on distingue des militaires américains descendant en rappel depuis un hélicoptère sur le pont d’un pétrolier. Quelques instants capturés au large du Venezuela, ce mercredi 10 décembre. Selon MarineTraffic, le "très grand pétrolier transporteur de brut" est baptisé Skipper et transportait 1,1 million de barils. Le navire était en route pour Cuba, d'après le Washington Post.

Donald trump, lui, a choisi l’emphase pour décrire cette séquence. "Nous venons tout juste de saisir un pétrolier au large du Venezuela, un grand pétrolier, très grand, le plus grand jamais saisi, en fait", a-t-il affirmé depuis la Maison-Blanche à des journalistes. Une escalade assumée, dénoncée aussitôt par Caracas comme un "acte de piraterie internationale".

La saisie autorisée par un juge fédéral

Selon Pam Bondi, qui a indiqué que l’opération avait notamment été menée par le FBI avec le soutien du ministère de la Défense, le navire intercepté en eaux internationales transportait du pétrole soumis à des sanctions en provenance du Venezuela et de l’Iran. En 2022, le Skipper avait été sanctionné par le Trésor américain pour des liens présumés avec le Corps des gardiens de la révolution islamique iranien et le Hezbollah. "Il a été saisi pour de très bonnes raisons", a déclaré de son côté Donald Trump, sans donner de détails sur le navire, son propriétaire ou sa destination, mais précisant que les États-Unis comptaient garder la cargaison.

Si la saisie d’un bateau est assez inhabituelle, un juge fédéral avait bien autorisé cet acte, sous prétexte de liens présumés avec des groupes terroristes soutenus par Téhéran. L’opération, appuyée par les forces navales déployées dans les Caraïbes, est donc officiellement légale. Mais le choix de la mise en scène, la vidéo diffusée par Pam Bondi, et la déclaration triomphale de Donald Trump ne laissent guère de doute sur la portée politique de cet acte.

Today, the Federal Bureau of Investigation, Homeland Security Investigations, and the United States Coast Guard, with support from the Department of War, executed a seizure warrant for a crude oil tanker used to transport sanctioned oil from Venezuela and Iran. For multiple… pic.twitter.com/dNr0oAGl5x

— Attorney General Pamela Bondi (@AGPamBondi) December 10, 2025

Deux responsables du Pentagone, consultés par le Wall Street Journal, ont souligné que cette saisie constituait un signal adressé aux autres pétroliers qui attendent de charger du pétrole brut vénézuélien. Les données de suivi maritime indiquent qu’une douzaine d’entre eux patientent au large, tandis que d’autres ont décidé de couper leurs transpondeurs pour éviter d’être détectés, d’après le média américain.

Caracas, de son côté, voit dans cette interception la preuve de la véritable motivation américaine. "Il ne s’agit pas de migration, de drogue, de démocratie ou de droits de l’homme", proteste le gouvernement. "Il s’agit de nos richesses naturelles." Le ministère des Affaires étrangères dénonce un "vol éhonté" et un acte "criminel" destiné à s’emparer du pétrole vénézuélien "sans verser la moindre contrepartie".

"Ce sont des assassins, des voleurs, des pirates. Comment s’appelle ce film, 'Pirates des Caraïbes' ? Eh bien, Jack Sparrow est un héros, ceux-là sont des criminels des mers, des flibustiers, ils ont toujours agi ainsi", a renchéri à la télévision Diosdado Cabello, le ministre vénézuélien de l’Intérieur. Une affirmation réfutée par Pam Bondi qui a déclaré que la saisie du navire avait eu lieu "en toute sécurité".

Plus de 20 bateaux attaqués ces derniers mois

Le timing n’est pas anodin. Quelques heures avant l’arraisonnement, les États-Unis avaient exfiltré clandestinement la figure de l’opposition Maria Corina Machado à bord d’un bateau. Une opération clandestine qui a immédiatement ravivé les soupçons d’un durcissement américain à l’égard de Nicolas Maduro.

La saisie du pétrolier s’ajoute à une série de frappes menées ces derniers mois contre plus de vingt bateaux dans les Caraïbes et le Pacifique, que Washington présente comme des opérations contre des trafiquants de drogue. Mais ces actions, qui ont fait 87 morts, sont de plus en plus critiquées. Certains élus démocrates et défenseurs des droits humains évoquent des violations du droit international, voire un "crime de guerre" après une double frappe le 2 septembre, pour achever les survivants d’un premier bombardement. Le Venezuela n’étant pas une voie majeure de fentanyl vers les États-Unis, les justifications avancées par l’administration peinent à convaincre ses opposants.

© AFP

Capture d'écran d'une vidéo publiée par la procureure générale américaine Pam Bondi sur son compte X le 10 décembre 2025.

Ukraine : Washington veut que Kiev se retire de la région de Donetsk, selon Volodymyr Zelensky

11 décembre 2025 à 19:31

Après une journée marquée par une nouvelle attaque revendiquée par Kiev contre un pétrolier de la "flotte fantôme" russe en mer Noire et par les commentaires du Kremlin saluant les récentes déclarations de Donald Trump sur l’Ukraine, la pression diplomatique ne cesse de monter. Alors que l’aide militaire occidentale a atteint son plus bas niveau depuis 2022, les Européens tentent de resserrer les rangs avant la réunion de la "coalition des volontaires", prévue ce jeudi après-midi, censée avancer sur les garanties de sécurité à offrir à Kiev.

Les discussions achoppent toujours sur la question des territoires de l’Est de l’Ukraine. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré ce jeudi que les Etats-Unis continuaient de demander d’importantes concessions de la part de son pays, dont le retrait de ses troupes de la région de Donesk. Les Etats-Unis voudraient y créer une "zone économique libre" ou "démilitarisée", selon le président ukrainien.

Les infos à retenir

⇒ Washington propose la création d’une "zone économique libre" et démilitarisée dans l’est de l’Ukraine, selon Volodymyr Zelensky

⇒ 287 drones ukrainiens ont été abattus dans la nuit, selon la Russie

⇒ Le contrôle de la région de Donetsk et de la centrale de Zaporijjia sont des questions "clés" encore "irrésolues", selon Volodymyr Zelensky

Un militaire tué et quatre personnes blessées dans une explosion à Kiev

Au moins un membre de la garde nationale ukrainienne a été tué et quatre autres personnes blessées, dont deux policiers, dans l’explosion de deux engins piégés ce jeudi à Kiev, la capitale de l’Ukraine, a indiqué le parquet de la ville.

"La première explosion est survenue lorsque deux membres de la garde nationale patrouillaient" dans un quartier oriental de Kiev, a indiqué le parquet. La deuxième a retenti quand la police et des secouristes étaient déjà sur place, a-t-il ajouté.

Ailleurs sur le terrain, l’armée russe a revendiqué la capture de la ville de Siversk, dans la région de Donetsk, l’un des derniers verrous qui l’empêchait d’approcher les grandes cités régionales de Kramatorsk et de Sloviansk, à une trentaine de kilomètres plus à l’ouest.

Washington propose la création d’une "zone économique libre" et démilitarisée, selon Volodymyr Zelensky

Le président Volodymyr Zelensky a affirmé que les Etats-Unis proposaient le retrait de l’armée ukrainienne des territoires qu’elle contrôle encore dans la région orientale de Donetsk et la création d’une "zone économique libre" et démilitarisé à la place.

"Ils (les Américains) voient les forces ukrainiennes se retirer du territoire de la région de Donetsk, et le compromis supposé est que les forces russes ne pénètrent pas dans cette partie" de la région actuellement sous contrôle de Kiev, a-t-il déclaré aux journalistes. "Qui gouvernerait ce territoire, qu’ils (les Américains) appellent déjà’zone économique libre’ou’zone démilitarisée', ils l’ignorent", a-t-il ajouté, affirmant que Washington proposait également un retrait des troupes russes présentes dans les régions ukrainiennes de Soumy, Kharkiv et Dnipropetrovsk (nord, nord-est et centre-est), mais leur maintien dans celles de Kherson et Zaporijjia (sud).

Today, we have had a constructive and in-depth discussion with the American team on one of the three documents we are currently working on – the one on security guarantees. The U.S. was represented by Secretary Marco Rubio @SecRubio, Secretary Pete Hegseth @SecWar, @SteveWitkoff,… pic.twitter.com/gztUJHBOqn

— Volodymyr Zelenskyy / Володимир Зеленський (@ZelenskyyUa) December 11, 2025

Le président ukrainien a par ailleurs indiqué sur X avoir eu une "discussion constructive" avec de hauts responsables de l’administration de Donald Trump sur les garanties de sécurité que l’Ukraine demande de la part de ses alliés occidentaux face à Moscou. Elles doivent "éviter une nouvelle invasion" russe, et prévoir des "réponses concrètes" de la part des alliés de l’Ukraine, selon le président ukrainien.

Le contrôle de la région de Donetsk et de la centrale de Zaporijjia, des questions "clés" encore "irrésolues", affirme Volodymyr Zelensky

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé jeudi que le contrôle de la région orientale de Donetsk et le statut de la centrale nucléaire de Zaporijjia étaient les deux principaux points qui restaient "irrésolus" dans les négociations pour mettre fin à la guerre avec la Russie.

"Les territoires de la région de Donetsk et tout ce qui s’y rapporte, ainsi que la centrale nucléaire de Zaporijjia. Ce sont les deux sujets que nous continuons de discuter" avec Washington. Et tout compromis entre l’Ukraine et la Russie sur le contrôle des régions orientales devra être "juste" et validé soit par une "élection", soit par un "référendum" en Ukraine, a-t-il insisté.

"Je crois que le peuple ukrainien répondra à cette question. Que ce soit par des élections ou par un référendum, il doit y avoir une position émanant du peuple ukrainien", a déclaré Volodylyr Zelensky à des journalistes, dont ceux de l’AFP.

Une proposition sur des concessions territoriales ukrainiennes a été soumise à Donald Trump, dit Friedrich Merz

Une proposition concernant des concessions territoriales ukrainiennes dans le cadre d’un plan pour mettre fin à la guerre en Ukraine a été soumise mercredi au président américain Donald Trump, a annoncé jeudi le chancelier allemand Friedrich Merz.

"Il existe une proposition dont (Donald Trump) n’avait pas encore connaissance au moment où nous nous sommes entretenus au téléphone (mercredi), car elle n’avait pas encore été transmise aux Américains. Nous l’avons fait hier en fin d’après-midi. Il s’agit avant tout de (savoir) quelles concessions territoriales l’Ukraine est prête à faire", a déclaré Friedrich Merz lors d’une conférence de presse à Berlin avec le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte. Le chancelier n’a pas apporté de précisions, relevant que c’est "au président ukrainien et au peuple ukrainien" de répondre à cette question.

Selon de hauts responsables ukrainiens interrogés par l’AFP mercredi, l’Ukraine a envoyé à Washington une nouvelle version du plan de sortie du conflit. Cette version "tient compte de la vision ukrainienne, c’est une proposition plus poussée pour une solution adéquate à des questions problématiques", a indiqué l’un d’eux. "Nous ne divulguons pas les détails en attendant la réaction de la partie américaine", a ajouté ce responsable. La proposition américaine initiale prévoyait notamment de céder à la Russie des territoires ukrainiens qu’elle n’a pas encore conquis, et a été jugée par Kiev et ses alliés européens comme particulièrement favorable à Moscou.

Pétrole : les revenus d’exportation de la Russie tombent à leur plus bas niveau depuis la pandémie de Covid

Les revenus d’exportations de pétrole et de produits pétroliers de la Russie ont atteint en novembre "leur plus bas niveau" depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, et même depuis la crise de la pandémie de Covid-19, a indiqué l’Agence internationale de l’énergie dans un rapport mensuel.

"La baisse des volumes exportés, conjuguée à des prix plus faibles, a réduit les revenus à 11 milliards de dollars, soit 3,6 milliards de dollars de moins en glissement annuel et 11,4 milliards de dollars en dessous de la moyenne du premier semestre 2022 suivant l’invasion de l’Ukraine", indique l’AIE.

La Russie dit avoir abattu dans la nuit 287 drones ukrainiens

La Russie a indiqué ce jeudi avoir abattu dans la nuit 287 drones ukrainiens, soit l’une des attaques les plus massives de l’armée de Kiev en bientôt quatre ans d’offensive russe. Sur ces drones "interceptés et abattus" par la défense anti-aérienne russe, 32 se dirigeaient vers Moscou, a précisé le ministère russe de la Défense dans un communiqué sur Telegram.

En raison des attaques de drones visant la capitale russe, rarement prise pour cible, des restrictions temporaires ont été mises en place dans les quatre aéroports moscovites - Cheremetievo, Domodedovo, Vnoukovo et Joukovski -, selon l’Agence fédérale du transport aérien Rosaviatsia. Des dizaines de vols y ont été annulés, reportés ou redirigés vers d’autres aéroports, selon les agences de presse russes.

© Hans Lucas via AFP

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le 3 septembre 2025 à Paris.
Reçu hier — 10 décembre 2025 L'Express

Tentative de putsch au Bénin : comment la France a aidé à déjouer le coup d’Etat

10 décembre 2025 à 19:25

Dimanche matin, huit militaires apparaissent à la télévision béninoise pour annoncer la destitution du président Patrice Talon. Sur le terrain, la situation est pourtant loin d’être sous contrôle pour les mutins. L’armée béninoise, et en particulier la garde républicaine, engage une riposte immédiate. Le chef de cette unité, le colonel Dieudonné Djimon Tévoédjrè, dirige personnellement les opérations. Selon lui, environ une centaine de putschistes, équipés de moyens importants dont des véhicules blindés, ont tenté de prendre le pouvoir en misant sur l’effet de surprise.

Cette stratégie échoue rapidement. Les mutins ne parviennent pas à rallier d’autres unités de l’armée, tandis que la garde républicaine reçoit au contraire le soutien spontané de forces venues d’autres corps. Tout au long de la journée de dimanche, l’armée reprend le contrôle de zones et de points stratégiques de la capitale économique. Les affrontements font plusieurs victimes, sans qu’un bilan précis ne soit communiqué. Repoussés après de violents combats, les mutins se replient en fin de journée dans le camp militaire de Togbin, situé dans une zone résidentielle, faisant craindre de possibles dégâts collatéraux. Dimanche soir, le président Patrice Talon annonce que la situation est "totalement sous contrôle".

Surveillance, observation et soutien logistique

C’est à ce stade que l’aide extérieure est devenue déterminante. Le Nigeria est intervenu militairement en menant des frappes aériennes sur le camp de Togbin, avant de déployer des troupes au sol qui ont participé à la reprise de la base dans la nuit de dimanche à lundi.

La France a également apporté un soutien, confirmé mardi par l’Elysée. Paris a indiqué avoir appuyé les forces béninoises "en termes de surveillance, d’observation et de soutien logistique", à la demande de Cotonou et en coordination avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Selon le colonel Tévoédjrè interviewé par l’AFP, des forces spéciales françaises ont été envoyées depuis Abidjan pour des opérations de ratissage, une fois que l’armée béninoise avait repris l’essentiel du contrôle. L’état-major français n’a pas souhaité commenter ces déploiements.

Une douzaine de militaires arrêtés

Sur le plan diplomatique, Emmanuel Macron a mené un "travail de coordination" et "d’échange d’informations avec les pays de la région", d’après l’Elysée. Il s’est entretenu avec son homologue béninois, ainsi qu’avec les présidents du Nigeria et de la Sierra Leone, ce dernier assurant la présidence de la Cedeao. L’organisation régionale a annoncé dès dimanche soir l’envoi de renforts militaires de plusieurs pays pour préserver l’ordre constitutionnel, dans une Afrique de l’Ouest fragilisée par la multiplication des coups d’Etat et par la menace djihadiste.

Au moins une douzaine de militaires ont été arrêtés à la suite de la tentative de putsch, tandis que certains responsables, dont le chef présumé des mutins, le lieutenant-colonel Pascal Tigri, sont toujours en fuite. Deux hauts gradés, brièvement pris en otage, ont été libérés. Patrice Talon, au pouvoir depuis 2016, doit céder la présidence en avril prochain, après deux mandats, à l’issue d’un scrutin déjà marqué par de fortes tensions et des accusations de manque d’inclusivité.

© afp.com/HANDOUT

Capture d'image diffusée par Bénin TV, le 7 décembre 2025, montrant des militaires apparaissant à la télévision d'État à Cotonou, après une tentative de coup d'État présumée au Bénin

"Donald Trump ou la peur désorientée d’un homme blanc vieillissant" : sa croisade anti-Europe vue de l’étranger

10 décembre 2025 à 18:20

C’est une nouvelle escalade dans l’offensive médiatique menée par Donald Trump contre le Vieux Continent. Dans une interview accordée à Politico le 8 décembre, le 47e président des Etats-Unis ne manque pas d’imagination pour déverser son mépris de l’Europe. Des pays "en décrépitude" dirigés par des "faibles", a-t-il éructé. Quant à la guerre en Ukraine ? "La Russie a l’avantage" et Volodymyr Zelensky "va devoir se bouger et commencer à accepter les choses […] Parce qu’il est en train de perdre".

Et cette charge frontale n’est que la dernière en date d’une longue série. Quelques jours auparavant, Washington dévoilait sa nouvelle "stratégie de sécurité nationale", un document d’une rare brutalité. Critique de la politique "d’immigration", des "personnels politiques" et des "dépenses militaires", soutien aux "partis politiques patriotes européens"… ici aussi, l’Europe en prend pour son grade. Un rapport accueilli plus que chaleureusement par le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, qui a applaudi un développement "conforme à notre vision".

Une crise profonde

Une crise d’ampleur s’annonce entre les Etats-Unis et l’Europe, et elle pourrait bien se révéler la pire de notre histoire commune. Le titre britannique The Guardian perçoit un risque d’entaille "profonde pour l’atlantisme, la doctrine de sécurité qui a soutenu la paix et la démocratie en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale". Et le quotidien d’ajouter : Donald Trump "a désormais adopté une vision plus alarmante".

Une analyse partagée par le New York Times, qui définit ce rapport comme une copie "tamponnée par le président, dénigrant ouvertement l’alliance transatlantique".

Car si le président des Etats-Unis n'est pas avare de réprimandes, les dirigeants européens, eux, ne haussent pas le ton. Plus que tempérée, Kaja Kallas, cheffe de la diplomatie européenne, s’est contentée de réitérer que les Etats-Unis demeurent "le plus grand allié de l’Union européenne", en guise de réponse au rapport de la Maison-Blanche. Un calme olympien qui fait penser au New York Times que les leaders européens se sont "habitués aux caprices de Donald Trump".

Un accès de colère favorable à la Russie

En s’en prenant ouvertement à l’Europe, Washington joue le jeu de Vladimir Poutine. Pour le média américain CNN, la nouvelle stratégie de sécurité nationale, "donne à Moscou davantage de cartouches dans une guerre de l’information visant à influencer l’opinion publique aux Etats-Unis et en Europe". Car l’objectif de Moscou est affiché : affaiblir l’UE, ou du moins lui en donner l’air. Un exercice parfaitement exécuté par Donald Trump qui, en traitant l’Europe de faible, "expose les divergences entre Washington et l’Europe" et "aide Poutine […] tout en niant que cela soit de sa faute", analyse le New York Times.

Quant au soutien exprimé aux partis "patriotes", le quotidien belge Le Soir s’alarme de voir naître "un axe Washington-Paris-Moscou, passant par Budapest, qui ne ferait plus qu’une bouchée de l’Union européenne", et ce à une "échéance proche". Une question demeure alors : "Qui pour élaborer et qui pour porter cette réponse économique et militaire européenne forte, solidaire et coordonnée ?"

Pourquoi tant de "haine" ?

D’où vient cette hostilité à l’égard de l’Europe ? Pour de nombreux journalistes, cet esclandre n’est pas sans rappeler les précédents de l’administration Trump, particulièrement de son vice-président. "Et donc non, le discours choc prononcé en février à Munich […] par J.D. Vance n’était pas une sortie de route", plaide Le Soir. L’hiver dernier, le numéro deux des Etats-Unis alertait sur le supposé "déclin économique" du continent, et son "effacement civilisationnel". Selon les experts sondés par le journal belge, il faudrait ici voir un "mouvement de fond, organisé, qui veut nourrir et soutenir la subversion en Europe".

Mais quant aux attaques sur le supposé déclin de notre civilisation, le Financial Times ironise : "le wokisme ce n’était pas notre idée les gars". Derrière le ton humoristique, un fait implacable : cette vision progressiste du monde s’est créée aux Etats-Unis. Alors pourquoi le reprocher et pourquoi cette "haine" envers l’Europe ? Selon le titre britannique, "peut-être qu’après avoir perdu tant de batailles culturelles chez soi, il est plus facile pour l’ego de chercher à l’étranger des sociétés à sauver. L’offensive contre l’Europe est un reproche déguisé qu’il s’adresse à lui-même".

Même son de cloche pour The Guardian qui perçoit en l’irruption du président "la peur désorientée d’un homme blanc vieillissant".

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Le président américain Donald Trump à la Maison-Blanche le 8 décembre 2025.

L’Australie interdit les réseaux sociaux aux moins de 16 ans : tout comprendre à cette première mondiale

10 décembre 2025 à 13:19

C’est une première mondiale. Depuis ce mercredi matin en Australie, les jeunes âgés de moins de 16 ans sont officiellement interdits d’accès à de nombreux réseaux sociaux. Objectif : les protéger du harcèlement ainsi que d’algorithmes qui, selon les autorités australiennes, les exposent à des contenus violents et sexuels. Une mesure saluée par de nombreux parents australiens, mais qui laisse sceptique bon nombre d’adolescents. Retour sur les modalités de cette interdiction.

Comment fonctionne le contrôle de l’âge ?

Seront concernés tous les internautes soupçonnés de ne pas avoir 16 ans. Pour estimer si un internaute est trop jeune ou non, plusieurs plateformes ont annoncé qu’elles recourraient à l’intelligence artificielle et déduiraient l’âge à partir d’un selfie.

Pour des questions de confidentialité des données, les autorités ont toutefois notifié aux plateformes qu’elles n’étaient pas en droit de demander la présentation d’un document d’identité, même en cas de doute sur l’âge des internautes. Les utilisateurs de Snapchat pourront en revanche décider d’eux-mêmes de fournir ces documents s’ils le souhaitent ou prouver leur âge en montrant qu’ils possèdent un compte en banque australien.

Quelles plateformes sont concernées ?

Les géants Facebook, Instagram, YouTube, TikTok, Snapchat ou encore Reddit ont désormais obligation de bannir les utilisateurs australiens âgés de moins de 16 ans. Les plateformes de streaming Kick et Twitch, ainsi que les réseaux sociaux Threads et X, sont aussi concernés. Sans mesures "raisonnables" prises pour faire respecter la loi, les plateformes concernées risquent des amendes pouvant atteindre une trentaine de millions d’euros en vertu de cette obligation, dont l’application sera scrutée par de nombreux pays.

Pour l’heure, la plateforme de jeux en ligne Roblox, le réseau Pinterest ou encore la messagerie WhatsApp sont épargnés par le dispositif. Mais cette liste pourra évoluer, a averti le gouvernement. Les applications Lemon8 et yope, qui ne sont pas concernées par l’interdiction non plus à ce stade, ont grimpé en flèche dans les classements des téléchargements en Australie.

Qu’en disent les réseaux sociaux ciblés ?

Meta, YouTube et d’autres géants de la tech ont condamné l’interdiction. Tous ont cependant accepté de s’y plier, à l’instar de Meta (Facebook, Instagram, Threads) qui a annoncé dès jeudi dernier avoir commencé à supprimer les comptes des utilisateurs concernés. "Nous respecterons nos obligations légales, mais nous restons préoccupés par le fait que cette loi affaiblira la sécurité des adolescents", a affirmé Meta mercredi dans un communiqué.

Selon l’entreprise, de nombreuses applications n’offrent pas les mêmes fonctionnalités de sécurité que les siennes, comme les comptes dédiés aux adolescents. "Nous avons constamment fait part de nos inquiétudes quant au fait que cette loi mal conçue pourrait pousser les adolescents vers des plateformes ou des applications moins réglementées. Nous voyons maintenant ces inquiétudes devenir réalité", s’est alarmée l’entreprise.

YouTube a pour sa part jugé "précipitée" la loi australienne, estimant qu’elle "ne tiendra pas sa promesse de mettre les enfants plus en sécurité en ligne".

Quels pays pourraient faire de même ?

Le succès ou non de la décision australienne sera scruté de près. La Nouvelle-Zélande voisine mais aussi la Malaisie réfléchissent à des restrictions similaires. En Europe, Emmanuel Macron a déjà fait part de sa volonté de créer une "coalition" avec d’autres chefs d’Etat et de gouvernement pour faire émerger une majorité numérique permettant d’accéder aux réseaux - fixée à 15 ans en France - au niveau européen. La Grèce, l’Espagne, Chypre, la Slovénie et le Danemark se sont déjà inscrits dans le mouvement, selon l’Elysée.

De son côté, le gouvernement australien a reconnu que l’interdiction serait imparfaite à ses débuts et que des adolescents trouveraient sûrement un moyen de continuer à utiliser les plateformes.

© afp.com/Saeed KHAN

L'Australie interdit l'accès aux réseaux sociaux aux jeunes adolescents depuis ce 10 décembre 2025

Les prix baissent-ils "énormément" aux Etats-Unis ? La réalité derrière les déclarations de Donald Trump

10 décembre 2025 à 12:38

Pour un président habitué à tordre les faits afin qu’ils correspondent à ses vues ou à ses envies, il s’agit certainement du défi ultime : celui de l’inflation. Une problématique dont la réalité ne peut échapper même à ses partisans les plus zélés au moment de passer à la caisse du supermarché. Une problématique, également, qui vaut à Donald Trump d’être au plus bas dans les sondages depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier. Selon une enquête de la chaîne conservatrice Fox News réalisé en novembre, environ 61 % des Américains estiment que sa politique a "aggravé la situation économique du pays". Les Américains lui font peut-être payer ses promesses de campagne, qui l’avaient notamment vu affirmer en août 2024 : "Dès le jour où je prêterai serment, je ferai rapidement baisser les prix et nous rendrons l’Amérique à nouveau abordable".

+ 14,2 % pour le bœuf haché cru

C’est pourquoi le milliardaire a décidé de prendre le taureau par les cornes et de redescendre dans l’arène, en l’occurrence celle du complexe hôtelier du Mount Airy Casino, en Pennsylvanie. Il y a discouru mardi 9 décembre pendant près d’une heure et demie devant un slogan placardé en grandes lettres blanches sur fond bleu : Lower Prices/Bigger Paychecks ("Des prix en baisse/Des salaires en hausse"). Il a ainsi affirmé que les prix baissaient "énormément" et prétendu que l’inflation était une "supercherie" inventée par les démocrates. "Les démocrates qui parlent de 'coût de la vie’, c’est comme si Bonnie et Clyde parlaient d’ordre public", a-t-il lancé, avant de revenir à ses thèmes de prédilection, comme l’immigration ou les attaques contre son prédécesseur, Joe Biden.

Le problème avec les prix, c’est qu’il ne suffit pas de dire qu’ils baissent pour qu’ils le fassent réellement. Car tous les chiffres disent le contraire. En septembre, date des dernières données disponibles, l’inflation demeurait à 2,8 %. Les prix moyens des produits alimentaires étaient 1,4 % plus hauts qu’en janvier, avec certains particulièrement touchés : le bœuf haché cru avait grimpé de 14,2 %, les rôtis de bœuf crus de 13,6 %, le café de 15,3 %, les bananes de 7,9 %… Seuls les produits laitiers et les œufs étaient en baisse, ainsi que le prix du gaz et des produits pharmaceutiques, comme le détaille la presse américaine. Mais le coût de l’électricité a bondi de 11 %. Les prix des services de streaming montent également.

Les prix risquent d’exploser dans le domaine de la santé

En cause, la politique d’augmentation des droits de douane menée par Donald Trump depuis janvier, qui a considérablement fait grimper le coût des matières premières et des composants qu’utilisent les usines américaines. Sans compter le manque de visibilité due à ses changements constants sur ces surtaxes, un jour décidées, l’autre suspendues, le suivant rétablies. En cause également, sa politique d’expulsion de travailleurs immigrés qui fournissaient une main-d’œuvre bon marché aux exploitations agricoles américaines.

Certains partisans de Donald Trump interrogés par l’AFP en Pennsylvanie continuent pourtant de croire en des jours meilleurs. "Oui, les prix sont élevés en ce moment… mais les choses doivent empirer avant de s’améliorer, estime ainsi Brianna Shay, 26 ans, administratrice dans l’éducation publique. Il est président depuis moins d’un an. Vous savez, il ne peut pas tout régler en moins d’un an." "Les choses sont un peu difficiles, les gens ont du mal", admet quant à lui Tevin Dix, technicien en climatisation.

Les prix pourraient toutefois continuer de grimper. Notamment dans le domaine de la santé. Les subventions de l’Affordable Care Act (l’ObamaCare) arrivent à expiration, ce qui entraînera un doublement des primes pour de nombreux Américains l’année prochaine. Et si le Congrès ne prolonge pas les crédits d’impôt mis en place pendant la pandémie, les restes à charge des assurés devraient augmenter en moyenne de 114 %. Et ce alors que 2026 sera l’année des midterms, et que les démocrates viennent d’engranger les succès électoraux en surfant sur le thème du pouvoir d’achat.

Pas de quoi inquiéter le locataire de la Maison-Blanche, cependant. Interrogé hier par Politico sur la note qu’il s’attribuerait en matière d’économie, le président a répondu : "A + + + + + + ".

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Le président américain Donald Trump lors d'un meeting sur l'économie devant ses partisans, à Mount Pocono (Pennsylvanie), aux Etats-Unis, le 9 décembre 2025

Limiter la folie dépensière : sage comme un Suisse (épisode 2), par Eric Chol

10 décembre 2025 à 11:30

On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. 2008-2025 : la France traîne derrière elle dix-sept années de creusement intensif de sa dette, passée de 1 300 à 3 400 milliards d’euros (de 68,1 % à 115 % du PIB) ; dix-sept années à jouer avec les règles de Bruxelles sans jamais les respecter.

Dépenses à gogo, impôts à foison : ce qui caractérise nos finances publiques, c’est d’abord le laxisme avec lequel nos dirigeants successifs les traitent. La France mérite son bonnet d’âne. Les préconisations de bonne gestion s’accumulent, depuis la Cour des comptes jusqu’aux notes de Terra Nova ou de l’Institut Montaigne, mais rien n’y fait. Le gouvernement Lecornu n’échappe pas à la règle, en feignant de croire qu’un retour du déficit public sous la barre des 3 % du PIB est encore possible, alors qu’il n’en sera rien.

Nos élus sont de grands irresponsables

La France n’a jamais été sérieuse en matière de finances publiques, et ce ne sont pas les députés actuels qui nous feront croire l’inverse. Nos compatriotes, qui, courageusement, tentent de suivre la saga du budget 2026 le savent : nos élus sont de grands irresponsables.

Des accros à l’argent public, du RN à LFI en passant par les socialistes. Même ceux issus des formations dites raisonnables ne se montrent guère plus enclins à la vertu budgétaire. Abandonner du jour au lendemain une réforme des retraites indispensable pour rester quelques mois de plus à Matignon : ça fait cher le plat de lentilles !

Nos députés ne sont pas sérieux, et ils le sont d’autant moins qu’en l’absence de majorité, le gouvernement, très vulnérable, n’a que le mot compromis à la bouche, synonyme de nouvelles concessions. Entendre Bercy se féliciter d’une croissance de 0,8 % au lieu de 0,7 % en 2025, ou d’un déficit ramené à 5,3 % du PIB au lieu de 5,4 % projeté a de quoi déclencher une crise de fou rire. A croire qu’on n’est pas sérieux même quand on est à Bercy. Mais qui l’est, alors ?

La sagesse budgétaire existe ailleurs en Europe. Nos voisins ne sont pas spécialement des surdoués ou des maniaques des excédents des comptes publics. Mais ils connaissent les faiblesses d’un personnel politique plus enclin à taper sur la touche des plus que sur celle des moins en matière de dépenses publiques.

C’est pourquoi les Suisses se sont dotés, en 2003, d’un frein à l’endettement, inscrit dans la constitution fédérale. Sage décision : "leur taux d’endettement, qui atteignait les 25 % du PIB en 2002 a été ramené à 17 % en 2024. Ce dispositif, adopté par référendum, oblige les gouvernements, quelque que soit leur couleur politique, à ne pas faire de déficit en période de croissance, et à constituer des réserves utilisables en période de récession. D’autres pays ont suivi, mais cela exige un minimum de consensus politique chez les élus", commente François Facchini, professeur des Universités de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. C’est précisément le genre de garde-fous qui mettrait la France à l’abri des manies dépensières de nos politiques, sans pour autant entamer le pacte démocratique qui régit l’adoption d’un budget.

© afp.com/Fabrice Coffrini

Un drapeau suisse sur les bords du lac de Genève, en 2013

Immigration : ces pays qui appellent à revoir la Convention européenne des droits de l’Homme

10 décembre 2025 à 11:10

Alors que s’ouvre ce mercredi 10 décembre une réunion des ministres de la Justice des pays signataires de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) sur l’immigration et le rôle de la Convention, le Premier ministre britannique et son homologue danoise appellent dans le Guardian à moderniser ce traité et son interprétation. Ils déplorent un texte "d’une autre époque" et appellent à durcir le ton face à l’immigration, pour "répondre aux attentes des citoyens européens" et enrayer ainsi la montée de l’extrême droite.

Cette tribune, co-signée par deux chefs de gouvernement travaillistes ayant fortement durci leur politique migratoire, paraît quelques jours seulement après les dernières sorties de Donald Trump, qui a déploré que l’Europe "se délabre" en ne luttant pas suffisamment contre l’immigration. Selon Keir Starmer et Mette Frederikssen, réformer la CEDH serait le "meilleur moyen de lutter contre les forces de la haine et de la division" sur le Vieux Continent.

Durcissement de la politique migratoire

La Convention européenne des droits de l’Homme est un traité signé par les quarante-six Etats membres du Conseil de l’Europe, qui garantit le respect des libertés fondamentales. Sa bonne application est contrôlée par la Cour européenne des droits de l’homme.

Au Royaume-Uni, la CEDH est vivement critiquée, en particulier par les conservateurs et le parti anti-immigration Reform UK, qui veulent tout simplement en sortir. Mais comme le montre la tribune publiée mardi, les travaillistes ne sont pas en reste : sans vouloir s’en défaire, Keir Starmer est déterminé à réduire son champ d’application en matière de droit d’asile et à stopper les migrations économiques. "Nous protégerons toujours ceux qui fuient la guerre et la terreur, mais le monde a changé et les systèmes d’asile doivent également changer", fait-il valoir dans le Guardian.

Les discussions de cette semaine à Strasbourg devraient notamment porter sur la lutte contre les passeurs, mais aussi aborder certaines questions très controversées, comme la création de "hubs de retour" et l’externalisation de la gestion des demandeurs d’asile hors du Vieux Continent.

Attaques répétées contre la CEDH

Selon la BBC, les États partie au traité ont pour objectif de parvenir à un accord d’ici le printemps, qui fixerait les nouvelles modalités d’application de la Convention européenne des droits de l’homme dans les affaires liées à l’immigration. Si une telle révision était conclue, elle marquerait un changement sans précédent en 75 ans dans la législation européenne.

Inquiets d’une telle évolution, de nombreux juristes tentent de remettre les chiffres au cœur des discussions. "En dix ans, les affaires liées à l’immigration ont représenté moins de 2 % des 420 000 requêtes traitées par la Cour. Sur cette période, plus de 90 % des requêtes ont par ailleurs été rejetées, parce qu’elles étaient irrecevables ou qu’il n’y avait pas de violation", explique au Monde Peggy Ducoulombier, professeure de droit à l’université de Strasbourg.

La tribune publiée hier est loin d’être la première remise en cause de la CEDH : en mai déjà, plusieurs pays, emmenés par le Danemark déjà, et l’Italie de la première ministre postfasciste Giorgia Meloni - auxquels la France n’avait pas souhaité s’associer -, avaient signé une lettre pour appeler à une réinterprétation du texte. Ce courrier, également signé par les dirigeants de l’Autriche, la Belgique, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la République tchèque, prenait à partie la Cour européenne des droits de l’homme pour sa jurisprudence qui, selon les auteurs, poserait "trop de limites à la capacité des Etats à décider qui expulser de leur territoire". "Nous croyons que l’évolution de l’interprétation de la Cour a, dans certains cas, limité notre capacité à prendre des décisions politiques dans nos propres démocraties", écrivaient les signataires.

Le Conseil de l’Europe leur avait immédiatement opposé un refus : "Face aux défis complexes de notre époque, notre rôle n’est pas d’affaiblir la Convention mais au contraire de la garder solide et pertinente", avait alors déclaré dans un communiqué le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Alain Berset.

© afp.com/FREDERICK FLORIN

Au Royaume-Uni, la CEDH est vivement critiquée, en particulier par les conservateurs et le parti anti-immigration Reform UK, qui veulent en sortir.

Ukraine : les déclarations de Donald Trump sont "conformes" à la vision de Moscou, dit le Kremlin

10 décembre 2025 à 12:43

Mis sous pression par Donald Trump, Volodymyr Zelensky a assuré mardi 9 décembre être "prêt" à organiser une élection présidentielle en Ukraine, à condition que ses alliés puissent garantir la sécurité du scrutin. "Je demande maintenant, je le déclare ouvertement, aux Etats-Unis de m’aider, éventuellement avec les collègues européens, à garantir la sécurité pour la tenue d’élections", a dit le président ukrainien, en réponse à son son homologue américain, qui l’a accusé d'"utiliser la guerre" pour rester au pouvoir. En Italie, où il a rencontré le pape et la Première ministre Giorgia Meloni, Volodymyr Zelensky a également affirmé qu’une version révisée du plan Trump pour mettre fin à la guerre en Ukraine serait remise aux Américains sous peu, évoquant plus tard une transmission ce mercredi.

Les infos à retenir

⇒ Les déclarations de Donald Trump sont "conformes" à la vision de Moscou, dit le Kremlin

⇒ Une nouvelle réunion de la "coalition des volontaires" prévue jeudi

⇒ Volodymyr Zelensky va remettre à Donald Trump une version révisée de son plan de paix

L'Ukraine revendique une nouvelle attaque contre un pétrolier de la "flotte fantôme russe" en mer Noire

L'Ukraine a de nouveau attaqué un pétrolier en mer Noire mercredi selon une source au sein des services de sécurité ukrainiens, affirmant que le navire fait partie de la "flotte fantôme russe". Mercredi, des drones navals "ont frappé en mer Noire le navire pétrolier Dashan, qui appartient à la +flotte fantôme+ de la Russie" et lui ont infligé "des dommages critiques", a indiqué à l'AFP une source au sein du renseignement militaire ukrainien GUR.

Les forces ukrainiennes ont déjà revendiqué en novembre l'attaque de deux autres pétroliers à proximité des côtes turques, provoquant la colère d'Ankara qui a prévenu autant Kiev que Moscou que ces attaques en mer Noire représentent une "escalade inquiétante".

Les récentes déclarations de Donald Trump sur l'Ukraine sont "conformes" à la vision de Moscou, dit le Kremlin

Le Kremlin a salué ce mercredi les dernières déclarations du président américain Donald Trump qui a notamment soutenu, dans un entretien au site Politico, que la Russie avait "toujours eu" l'avantage militaire sur le front en Ukraine. "À bien des égards, concernant une adhésion à l'OTAN, les territoires, concernant le fait que l'Ukraine perd du terrain, c'est conforme à notre compréhension. À bien des égards, le président Trump a abordé les causes profondes du conflit", a déclaré à la presse le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. Selon lui, cet entretien du dirigeant américain, publié mardi, est "très important".

Donald Trump y soutient que la Russie, car elle est "bien plus grande" et "plus forte" que l'Ukraine, bénéficie d'une position de négociation supérieure dans les pourparlers visant à mettre fin aux combats. "De façon générale, c'est la taille qui l'emporte", a dit Donald Trump, en répétant qu'il ne souhaitait pas que Kiev rejoigne l'Otan, tout en affirmant que l'armée ukrainienne méritait "un immense respect" pour sa résistance.

Une nouvelle réunion de la "coalition des volontaires" prévue jeudi

Une nouvelle réunion de la "coalition des volontaires", qui rassemble des soutiens de Kiev, se tiendra jeudi pour avancer sur les "garanties de sécurité" pour l'Ukraine, a indiqué mercredi la porte-parole du gouvernement français, le président Zelensky étant la cible de vives critiques de Donald Trump.

"La réunion de la coalition des volontaires demain, coprésidée par la France et le Royaume-Uni, permettra d'avancer sur les garanties de sécurité à offrir à l'Ukraine et la contribution importante des Américains", a déclaré la porte-parole Maud Bregeon. L’Élysée a ensuite précisé que cette réunion aurait lieu jeudi après-midi en visioconférence.

Les dirigeants français, allemand et britannique ont affiché lundi à Londres leur solidarité avec Volodymyr Zelensky, fragilisé par un scandale de corruption et les piques lancées par Donald Trump. Ils ont aussi travaillé sur la contre-proposition à un plan américain pour l'Ukraine présenté en novembre, vu comme très favorable à la Russie et que Kiev et ses alliés européens tentent de tempérer.

L’aide militaire à l’Ukraine au plus bas, selon le Kiel Institute

L’aide militaire à l’Ukraine pourrait atteindre son plus bas niveau en 2025, a prévenu mercredi l’institut de recherche allemand Kiel Institute, les Européens, qui en fournissent désormais l’essentiel, ne parvenant plus à compenser l’arrêt de l’aide américaine.

"D’après les données disponibles jusqu’en octobre, l’Europe n’a pas réussi à maintenir l’élan du premier semestre 2025", note Christoph Trebesch, qui dirige l’équipe du Kiel Institute qui recense l’aide militaire, financière et humanitaire promise et livrée à l’Ukraine depuis l’invasion russe du 24 février 2022, cité dans un communiqué.

Avant de se désengager, à l’initiative de Donald Trump de retour à la Maison Blanche en janvier 2025, les Etats-Unis fournissaient plus de la moitié de l’aide militaire. Si les Européens sont dans un premier temps parvenus à compenser, ils ont ensuite flanché depuis le début de l’été, selon le Kiel Institute. "Si ce ralentissement se poursuit dans les mois à venir, 2025 deviendra l’année présentant le moins de nouvelles allocations d’aide pour l’Ukraine" depuis 2022, prévient Christoph Trebesch.

Sur les dix premiers mois de 2025, 32,5 milliards d’euros d’aide militaire ont été alloués à l’Ukraine, essentiellement par l’Europe. En seulement deux mois, les alliés de l’Ukraine devraient allouer plus de 5 milliards d’euros pour égaler la plus faible année (37,6 milliards alloués en 2022) et plus de 9 milliards pour s’inscrire dans la moyenne de 41,6 milliards annuels versés entre 2022 et 2024. Or de juillet à octobre, seulement 2 milliards d’euros ont été alloués en moyenne chaque mois.

Volodymyr Zelensky va remettre à Donald Trump une version révisée de son plan de paix

En visite en Italie, où il a rencontré le pape et la Première ministre Giorgia Meloni, Volodymyr Zelensky a affirmé mardi qu’une version révisée du plan Trump pour mettre fin à la guerre en Ukraine serait prochainement remise aux Américains. "Les volets ukrainien et européen sont désormais plus avancés et nous sommes prêts à les présenter à nos partenaires américains", a écrit sur X le dirigeant, évoquant plus tard devant la presse une transmission ce mercredi.

Il a confirmé que la proposition américaine initiale pour une sortie du conflit avait été divisée en trois documents : un accord-cadre en 20 points, un document sur la question des garanties de sécurité et un autre sur la reconstruction de l’Ukraine après la guerre.

Le plan initial de Washington, considéré comme largement favorable à Moscou, fait l’objet d’intenses discussions depuis plusieurs semaines. Il prévoyait notamment que Kiev cède des territoires à la Russie, en échange de promesses de sécurité jugées insuffisantes par l’Ukraine et ses alliés.

Le pape juge "pas réaliste" de chercher la paix en Ukraine sans l’Europe

Le pape Léon XIV a estimé mardi qu’il n’était "pas réaliste" de chercher à obtenir la paix pour l’Ukraine sans l’Europe et que le plan présenté par Donald Trump risquait d’entraîner un "énorme changement" dans l’Alliance atlantique.

Léon XIV, qui a reçu mardi le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans sa résidence de Castel Gandolfo, a dit aux journalistes n’avoir pas lu les propositions américaines dans leur intégralité. "Malheureusement, certaines des parties que j’ai lues apportent un énorme changement dans ce qui était depuis de nombreuses années une véritable alliance entre l’Europe et les Etats-Unis", a-t-il déclaré. "Les remarques qui sont faites par ailleurs dans des interviews récentes à propos de l’Europe tentent de rompre ce que je pense devoir être une alliance très importante aujourd’hui et à l’avenir", a ajouté le pape américain.

"Chercher un accord de paix sans inclure l’Europe dans les discussions n’est, permettez-moi de le dire, pas réaliste", a-t-il poursuivi. "La guerre est en Europe et je pense que l’Europe doit être partie prenante des garanties dont nous avons besoin pour la sécurité, aujourd’hui comme à l’avenir".

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Le président américain Donald Trump à Maison-Blanche à Washington, D.C., le 3 décembre 2025.

"Pedro Sanchez est devenu le Viktor Orban du Sud" : l’avertissement d’une leader de l’opposition espagnole

10 décembre 2025 à 07:30

Y a-t-il "quelque chose de pourri" au royaume d’Espagne – comme disait Shakespeare, dans Hamlet, à propos de celui d’Elseneur ? Visiblement, oui. En tout, cas, "quelque chose" cloche "légèrement" au sommet de l’État. L’entourage immédiat, personnel ou politique, du Premier ministre Pedro Sanchez est au cœur de plusieurs affaires de corruption. Un ancien ministre (des Transports, des Mobilités et des Programmes urbains) et son principal conseiller viennent d’entrer en prison. Un haut dirigeant du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) vient d’en sortir. Et le frère du Premier ministre est mis en examen dans une affaire où leur sœur est également entendue par la justice.

Dans ce climat délétère, le Parti populaire (PP, droite) vient d’organiser, le week-end dernier, des manifestations avec ce slogan : "Mafia ou démocratie ?" Figure influente et médiatique de la droite espagnole, l’opposante Cayetana Alvarez de Toledo (PP) a, de son côté, accepté de s’exprimer pour la première fois dans un média français.

Députée de Madrid (PP) élue en 2019 et réélue en 2023, un temps porte-parole adjointe du parti, cette personnalité d’origine française et argentine est aussi une historienne formée à Oxford (Royaume-Uni) doublée d’une ancienne journaliste au quotidien El Mundo où elle écrivait dans les pages Opinions. Bref, cette débatteuse redoutable est une personnalité avec laquelle il faut compter à droite.

Par ailleurs proche de la Vénézuélienne Maria Corina Machado, prix Nobel de la paix 2025, la députée se rend aujourd’hui à Oslo (Norvège) pour accompagner la cérémonie de remise de prix. Soutien inconditionnel de l’opposante vénézuélienne, Cayetana Alvarez de Toledo affirme que le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez suit la pente du populisme déjà empruntée par les Vénézuéliens Hugo Chavez et Nicolas Maduro. Et par Viktor Orban, l’illibéral dirigeant hongrois. Avertissement au lecteur : en Espagne, le débat politique est virulent… comme l’illustre cette interview exclusive.

Cayetana Alvarez de Toledo, députée de Madrid (Espagne) du Parti populaire (PP, droite) dans la capitale espagnole en 2025.
Cayetana Alvarez de Toledo, députée de Madrid (Espagne) du Parti populaire (PP, droite) dans la capitale espagnole en 2025.

L’Express : Pedro Sanchez – et, avec lui la gauche espagnole – se refuse à féliciter la Vénézuélienne Maria Corina Machado pour son prix Nobel de la paix. Que signifie ce silence ?

Cayetana Alvarez de Toledo : C’est simplement la preuve de sa complicité avec Maduro. Qu’un premier ministre espagnol ne félicite pas un récipiendaire latino-américain d’un prix aussi prestigieux est pour le moins suspect. Non seulement Pedro Sanchez se refuse à féliciter Maria Corina Machado mais, de plus, il ment lorsqu’on lui demande pourquoi il ne le fait pas. Il prétend n’avoir jamais félicité aucun prix Nobel par le passé. Des journalistes ont consulté son compte X… et ils ont trouvé au moins six messages de félicitations adressées à différents prix Nobel.

Ses mensonges sont une indication supplémentaire de sa relation étroite avec la dictature vénézuélienne.​​ Songez que lui et son entourage sont incapables de prononcer ces simples mots : "Le Venezuela est une dictature ; Maduro est un dictateur." Nous avons mis au défi les socialistes espagnols de le faire des dizaines de fois à la chambre de députés. Sans résultat. Ce mutisme n’a qu’une explication : ils redoutent la réaction de Maduro au cas où ils le traiteraient de "dictateur". Maduro pourrait se retourner contre eux et révéler des secrets inavouables. C’est très clair à mes yeux : Maduro les tient.

Un portrait du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez lors d'une manifestation organisée par le Parti populaire (PP) contre la corruption, le 30 novembre 2025 à Madrid
Un portrait du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez lors d'une manifestation organisée par le Parti populaire (PP) contre la corruption, le 30 novembre 2025 à Madrid

Vous allez jusqu’à parler de "complicité" avec la dictature vénézuélienne. N’est-ce pas exagéré ?

Nullement. Mais pour comprendre les liens entre le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et la dictature vénézuélienne, il faut remonter à José Luis Rodríguez Zapatero. L’ex-Premier ministre socialiste espagnol (2004-2011) entretient depuis longtemps une relation étroite avec Maduro. Dans cette affaire, Zapatero joue un rôle clef. Depuis de nombreuses années, il joue le rôle d’agent d’influence pour le Venezuela sur la scène internationale. Il a même servi d’intermédiaire entre le régime et les prisonniers politiques. Il s’est ainsi prêté sans vergogne au chantage qui consiste à s’appuyer sur leur souffrance pour négocier leur sortie de prison et leur silence. C’est d’une grande perversité : il s’agit de se mettre du côté du dictateur pour faire accepter aux prisonniers de conscience une transaction perverse : "Nous te libérons mais, en échange, tu te tais."

Non content de jouer ce rôle, il a aussi été le principal promoteur du "processus de dialogue" bidon [NDLR : qui a duré onze années et échoué, de 2014 à 2025] entre la dictature et les forces démocratiques. Ce processus n’a servi à rien, sinon à gagner du temps et à procurer de l’oxygène à Maduro. De notoriété publique, Zapatero était du côté de Maduro. Par ailleurs, Zapatero joue un rôle méconnu (mais dont des journalistes commencent à parler) de lobbyiste au profit de la dictature de Maduro. Il était la "porte d’entrée" à Caracas pour des entreprises espagnoles désireuses de faire du business au Venezuela, notamment dans le secteur pétrolier. Tout en étant "négociateur" du processus de paix, il faisait des affaires. Soit dit en passant, il joue maintenant ce rôle avec la Chine. Affairiste sans morale, José Luis Rodríguez Zapatero est celui qui a rapproché le PSOE de Maduro.

Le 21 juillet 2016 le président vénézuélien Nicolas Maduro(D) aux côtés de l'ancien chef du gouvernement espagnol Jose Luis Rodriguez Zapatero (G) à Caracas
Le 21 juillet 2016 le président vénézuélien Nicolas Maduro(D) aux côtés de l'ancien chef du gouvernement espagnol Jose Luis Rodriguez Zapatero (G) à Caracas

En quoi Pedro Sanchez est-il comptable des agissements de Zapatero ?

Beaucoup de choses restent à découvrir. Mais si le régime de Maduro tombe, préparez-vous à des révélations. En attendant, voici un exemple. Le 20 janvier 2020, en pleine nuit (à 0 h 01 exactement) la vice-présidente vénézuélienne Delcy Rodriguez a atterri dans un avion privé à l’aéroport madrilène de Barajas alors qu’elle était sous sanctions de l’Union européenne depuis deux ans [NDLR : bras droit de Nicolas Maduro, Delcy Rodriguez et dix autres dirigeants sont sanctionnés en raison de la corruption, des crimes et des actes de tortures pratiqués dans les prisons vénézuéliennes]. Or, qui était là, en pleine nuit, pour accueillir cette personnalité interdite d’entrée sur le territoire de l’UE ? Rien moins que José Luis Abalos, alors numéro 3 du PSOE et ministre des Transports, de la Mobilité et des Travaux Publics. [NDLR : Abalos est emprisonné en Espagne depuis le 25 novembre pour soupçons de corruption et autres délits].

Que se sont dit, cette nuit-là, dans un salon privé de la zone de transit, le bras droit de Sanchez et madame Delcy Rodriguez ? Mystère. Certains soupçonnent des négociations secrètes entre le régime vénézuélien et le gouvernement espagnol. D’autres parlent de financement illégal du PSOE avec des fonds chavistes. D’autres encore évoquent un schéma de corruption sur la base de financements issus du pétrole. Bref, aux affinités idéologiques et à la connivence politique s’ajoute probablement une dimension économique.

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov reçoit la vice-présidente du Venezuela Delcy Rodriguez, le 1er mars 2019 à Moscou
Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov reçoit la vice-présidente du Venezuela Delcy Rodriguez, le 1er mars 2019 à Moscou

N’est-ce pas le parti de gauche radical Podemos qui, le premier, a collaboré avec le régime d’Hugo Chavez et Nicolás Maduro ?

Certes, Podemos a été très proche de Chavez [NDLR : des membres du parti espagnol ont travaillé comme conseillers au Venezuela dès le début des années 2000], mais cette formation, qui compte 4 députés, ne pèse plus grand-chose. Aujourd’hui, les socialistes espagnols sont alliés au parti Sumar.

Cette force d’extrême gauche compte 26 députés et 5 ministres, dont certains sont ouvertement pro-chavistes. Pedro Sanchez lui-même a effectué un virage à 180 degrés à propos du Venezuela. Lorsqu’il était dans l’opposition, il était proche de l’opposition vénézuélienne. Mais tout a changé quand il est entré au Palais de La Moncloa, le siège du gouvernement à Madrid. Il a alors cessé de soutenir les forces démocratiques pour devenir le plus grand allié de la dictature vénézuélienne en Europe.

Quelles leçons tirez-vous du "cas" du Venezuela, pays à la dérive ?

C’est un cas d’école qu’il faudrait, dès maintenant, étudier dans des manuels de sciences politiques. Il s’agit d’un processus de subversion de la démocratie par l’intérieur, non pas à l’aide d’un Cheval de Troie (le cheval a une certaine noblesse) mais d’un "Âne de Trois" (l’âne est un symbole de la bêtise). Ses promoteurs s’appuient en effet sur l’ignorance des honnêtes gens pour atteindre leurs objectifs. Ainsi "l’Âne de Troie" arrive au pouvoir par la voie démocratique, à l’occasion d’élections libres. Mais dès qu’il a conquis le pouvoir, il cherche à s’y perpétuer par tous les moyens, toujours selon le même mode d’emploi. C’est vrai au Venezuela, mais aussi en Espagne.

Dans une première phase, les aspirants à la dictature colonisent les institutions de l’État en y plaçant partout des personnes loyales – non pas loyales à l’État, mais à leur parti. Au Venezuela, c’est évident : les chavistes ont très vite tout "colonisé", y compris l’entreprise pétrolière nationale PDVSA, ce qui d’ailleurs a conduit à sa ruine. Dans un deuxième temps, ils harcèlent et sapent les trois principaux contre-pouvoirs : la presse libre, la justice indépendante et l’opposition parlementaire.

Enfin, troisièmement, ils polarisent délibérément la vie politique afin de "diviser pour mieux régner". En arrivant à la présidence en 1999, Hugo Chavez a mis en œuvre ce mécanisme : politisation des institutions, élimination progressive des contre-pouvoirs, polarisation de la société. Ainsi a commencé la mutation du Venezuela, passé de "démocratie pleine et entière" à "démocratie faillie" puis à "dictature" et maintenant à "narco-État criminel".

Selon vous, l’Espagne suit la même pente que le Venezuela. Qu’entendez-vous par-là ?

En Espagne, nous vivons la première étape de ce processus. Nous sommes en train de passer de démocratie "pleine et entière" à démocratie "faillie". Pedro Sanchez est arrivé au pouvoir par les urnes mais il s’emploie à "coloniser" les institutions (par exemple le Tribunal Constitutionnel, la Cour des comptes ou l’audiovisuel public), à fragiliser et démolir les contre-pouvoirs démocratiques et à polariser la société. Aux élections de juillet 2023, le PSOE est arrivé en deuxième position derrière le Parti populaire (PP, droite).

Pour conserver le pouvoir, il n’a pas hésité une seconde à pactiser avec des partis qui visent la destruction du système constitutionnel espagnol : Euskal Herria Bildu (héritier du mouvement terroriste ETA qui ne condamne pas l’assassinat de plus de 850 Espagnols) ou Gauche républicaine de Catalogne. Pedro Sanchez a aussi négocié avec un fugitif de la justice, Carles Puigdemont. Pour mémoire, ce leader du parti catalan Junts per Catalunya avait tenté un coup d’État en Catalogne en 2017 et se trouve actuellement en Belgique, où il réside, sans possibilité de remettre les pieds en Espagne.

Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez s'exprime lors d'une session plénière au Parlement espagnol à Madrid, le 9 juillet 2025
Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez s'exprime lors d'une session plénière au Parlement espagnol à Madrid, le 9 juillet 2025

Sans vergogne, le Premier ministre lui a proposé de faire passer une loi d’amnistie en échange de ses 7 voix à la chambre de députés : les élus de Junts per Catalunya lui ont permis d’être réinvesti à la tête du gouvernement espagnol. Une telle négociation, avec un fugitif, n’a pas de précédent dans l’UE. Bien sûr, il existe des amnisties politiques, économiques, fiscales. Mais ce qui est unique ici, c’est qu’un politicien efface les délits d’un autre politicien en échange du pouvoir. Heureusement, le Tribunal Suprême s’est en partie opposé à cette amnistie. Et Puigdemont, réfugié en Belgique, ne peut toujours pas rentrer en Espagne.

Comment analysez-vous les scandales de corruption qui touchent l’entourage immédiat de Pedro Sanchez ?

En avril 2024, la presse a commencé à publier des informations et à enquêter sur des affaires qui concernent l’épouse de Pedro Sanchez ainsi que son frère (tous deux soupçonnés de trafic d’influence), mais aussi son bras droit José Luis Abalos (celui qui avait rencontré nuitamment la vice-présidente vénézuélienne à l’aéroport de Madrid) et Koldo García Izaguirre, son plus proche collaborateur et confident, lui aussi accusé de corruption. A l’époque, Pedro Sanchez annonce qu’il se retire cinq jours pour réfléchir à son avenir. Il se présente comme une victime et affirme qu’il envisage d’abandonner la politique. Mais après cinq jours, il entame une campagne de déstabilisation des contre-pouvoirs.

Il traite tout le monde de "facho"

Cayetana Alvarez de Toledo

Hyperagressif, il attaque les médias en les qualifiant de "marchands de mensonges", de "machines de boue", de "laquais du PP et de Vox" [NDLR : Vox est le parti d’extrême droite], de "propagateurs de fake news", de suppôts de la fachosphère", de "fascistes", de "fachos", d'"ultradroitiers", etc. Il cherche aussi à contrôler l’organe qui a autorité sur la télévision publique [NDLR : l’équivalent de l’Arcom française]. La télé nationale se transforme d’ailleurs en organe de propagande pro-Sanchez : servile à l’égard du gouvernement, agressif contre l’opposition. Un peu comme en Hongrie, où Viktor Orban a mis les médias sous sa coupe.

La vie politique en Espagne est de plus en plus polarisée…

Pedro Sanchez s’en prend aussi à la justice. Lui et ses ministres livrent en pâture les noms et prénoms des juges qui enquêtent sur sa famille. Ils dénigrent les tribunaux qui prennent des décisions contraires aux intérêts du Premier ministre. Pedro Sanchez emploie une rhétorique populiste, purement chaviste : il insinue que la vox populi est au-dessus du pouvoir judiciaire, comme s’il y pouvait avoir une démocratie sans loi, ni juges garants d’un contre-pouvoir…

Cette escalade verbale prend des proportions dangereuses. D’autant que Pedro Sanchez politise la justice : il a nommé successivement au poste de "fiscal general" [NDLR : procureur général de l’État espagnol] deux personnalités qui lui sont proches alors que selon la tradition et l’esprit de justice, le titulaire du poste doit être incontestable, impartial et indépendant. Le premier a été condamné par la justice pour avoir divulgué des secrets visant à nuire à une adversaire politique de Sanchez. L’intéressé est resté en fonction pendant toute la durée du procès : il refusait de démissionner tandis que le gouvernement le soutenait ouvertement. Encore un exemple du dévoiement des institutions…

Pedro Sanchez affirme que les accusations contre son entourage ont été lancées par des associations d’extrême droite, notamment Manos Limpias.

C’est son unique ligne de défense… Mais Manos Limpias n’est pas la seule entité à avoir déposé une plainte. Une association d’avocats madrilènes a également entamé une action en justice. Et il y a d’autres exemples. Mais, même si Manos Limpias – avec qui mon parti, le PP, n’a aucun lien – avait été seul à la manœuvre, cela n’absoudrait en rien le Premier ministre. Ce n’est pas "l’ultradroite" qui enquête sur l’entourage de Pedro Sanchez et réclame vingt-cinq ans de prison pour ses deux plus proches collaborateurs. Ce sont la police, la Guardia Civil [NDLR : équivalent de la Gendarmerie française], des procureurs, des juges… Pedro Sanchez a trouvé un argument commode : il affirme que la Justice et les juges sont sous l’emprise du fascisme. D’ailleurs il traite tout le monde de "facho" : moi, bien sûr, mais aussi l’ancien Premier ministre socialiste Felipe Gonzalez ou des dirigeants historiques du PSOE comme Alfonso Guerra ou Nicolas Redondo Terreros.

Pedro Sanchez crée un climat de guerre civile verbale

Cayetana Alvarez de Toledo

Aujourd’hui, si on ne vous traite pas de "facho", vous n’existez pas ! (rires). Aux yeux des socialistes, quiconque défend la démocratie, la vérité, la raison, le vivre-ensemble, le pluralisme politique, l’ordre constitutionnel, la liberté individuelle, l’égalité devant la loi, est un "facho". Seuls les gens servilement soumis au pouvoir ne le sont pas… Se présenter comme la victime de l’extrême droite permet à Pedro Sanchez deux choses : resserrer les rangs de la gauche espagnole et, à l’échelle européenne, se présenter comme la victime de la vague réactionnaire qui touche beaucoup d’autres pays du Vieux continent. En fait, il cherche à créer un climat de guerre civile verbale et, conformément au mode d’emploi vénézuélien, à polariser le pays.

En France, son image et celle du PSOE restent plutôt bonnes, avec une croissance économique de + 3 % et la récente augmentation du salaire minimum de 61 %. Votre commentaire ?

Les Français, mais aussi tous les Européens, devraient ouvrir les yeux sur la dérive extrêmement dangereuse et antidémocratique qui se produit actuellement en Espagne. Je regarde ce qui se passe en Hongrie et je vous affirme qu’il y a actuellement en Espagne un "Viktor Orban du Sud" qui se nomme Pedro Sanchez. Il se déguise en social-démocrate mais il est tout sauf ça. Au contraire, il détruit la social-démocratie, le vivre-ensemble et, in fine, la démocratie. Sachons reconnaître que les menaces contre la démocratie proviennent parfois de la droite, mais aussi de la gauche.

Voilà dix ans, le premier ministre Mariano Rajoy, du Parti populaire comme vous, avait dû quitter le pouvoir à cause du scandale de la "caisse noire" du PP. En matière de corruption, la gauche et la droite se valent ?

La corruption n’a pas de couleur politique. Qu’elle soit de gauche ou de droite, il faut la combattre. A l’époque de Mariano Rajoy, Pedro Sanchez avait d’ailleurs exigé une motion de censure. Il réclamait la démission du Premier ministre parce qu’il avait été cité comme témoin dans une enquête judiciaire. C’est grâce à cette motion de censure qu’il est arrivé au pouvoir en brandissant l’étendard de la lutte contre la corruption. Aujourd’hui, il est cerné par les affaires de corruption. Tout son entourage, personnel ou politique, fait l’objet d’enquêtes. Au reste, lui-même a déjà été cité deux fois comme témoin par la justice. Il devrait appliquer à sa propre personne ce qu’il exigeait de Rajoy naguère. D’autant que son niveau de corruption dépasse de loin l’affaire de la caisse noire du PP en 2017. Pedro Sanchez abîme l’Espagne à un niveau inédit depuis le retour de la démocratie en 1975, après la mort du dictateur Franco.

Parmi "la bande de la Peugeot" [NDLR : en 2016, Pedro Sanchez était reparti à la conquête du PSOE à travers l’Espagne à bord d’une Peugeot 407, avec trois proches amis : José Luis Ábalos, Santos Cerdán y Koldo García], deux sur quatre sont actuellement emprisonnés dans le cadre dans le cadre d’une enquête pour corruption et un troisième, sous contrôle judiciaire, vient d’être libéré après cinq mois derrière les barreaux. Quant à Pedro Sanchez, s’il est aujourd’hui épargné par les scandales, sa sœur et son frère ne le sont pas. La corruption est devenue une manière de faire de la politique afin de conserver le pouvoir. Sanchez n’a qu’une idée en tête : rester au pouvoir à tout prix. Y compris au prix de l’affaissement de la démocratie.

Notre objectif numéro un: empêcher Pedro Sánchez de rester au pouvoir

Cayetana Alvarez de Toledo

Comment vous positionnez-vous par rapport à Vox, le parti anti-immigration qui a percé en 2023, devenant la troisième force politique du pays avec 12 % des voix?

C’est un parti nationaliste qui s’est rapproché de Viktor Orban bien plus qu’il ne le devrait. L’objectif du Parti populaire – mon parti – est de gouverner seul. Entre Vox et le PP, les différences sont importantes, notamment sur l’Europe. Mais nous savons aussi qu’il existe un danger plus grand pour notre démocratie : c’est Pedro Sánchez. Evidemment, le PP aspire à gouverner seul mais le réalisme, c’est de former des alliances, comme nous l’avons déjà fait localement. Notre objectif numéro un est d’empêcher que Pedro Sánchez reste au pouvoir car ce qui est en jeu, c’est la survie de l’ordre démocratique et constitutionnel établi en 1978. L’objectif de Sanchez, à l’inverse, est que Vox progresse encore pour accentuer la polarisation et affaiblir le PP.

En quels termes la question de l’immigration se pose-t-elle en Espagne ?

Le gouvernement est dans le déni. Il ne veut pas reconnaître qu’il existe un vrai problème d’intégration alors même que, en Europe, de nombreux gouvernements de gauche, comme au Danemark, sont en train de changer de pied sur ce sujet. En Espagne, l’immigration est majoritairement composée de Latino-américains qui s’intègrent d’une manière exceptionnelle. Mais il y a aussi une autre immigration qui, par endroits, pose des problèmes, notamment en Catalogne. Dans cette région, un nouveau parti politique se développe à grande vitesse : c’est Aliança Catalana (Alliance catalane), à la fois ouvertement anti-islam et anti-Espagne. C’est un mouvement séparatiste, indépendantiste et ouvertement islamophobe, encore beaucoup plus à droite que Vox.

© afp.com/Javier SORIANO

Le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, lors de son audition devant une commission d'enquête du Sénat, le 30 octobre 2025 à Madrid
Reçu avant avant-hier L'Express

En Ukraine, la Russie accusée de multiplier les exécutions de soldats ayant déposé les armes

9 décembre 2025 à 16:42

Quatre soldats allongés face contre terre, devant une ligne d’arbres calcinés. Un autre qui se place à leurs côtés et les exécute de rafales en pleine tête. Avant de faire de même avec un cinquième qui commençait à ramper, à quelques mètres de là. La scène, glaçante, a été filmée par un drone et diffusée par l’organisation ukrainienne d’analyse militaire Deepstate sur Telegram, le 22 novembre. Selon nos confrères du Temps, elle se serait déroulée près du village de Kotlyne, non loin de Pokrovsk, que les troupes du Kremlin tentent de conquérir depuis des mois et dont Vladimir Poutine a revendiqué la conquête la semaine dernière – Kiev, toutefois, affirme toujours tenir la partie nord de la ville.

La vidéo témoigne d’une recrudescence des exécutions de soldats ukrainiens ayant déposé les armes au cours des derniers mois. "Depuis la mi-novembre, nous avons enregistré une augmentation du nombre de rapports faisant état d’exécutions de militaires ukrainiens capturés par les forces armées russes", explique au Temps Danielle Bell, cheffe de la Mission de surveillance des droits de l’homme des Nations unies en Ukraine (HRMMU).

Crimes de guerre

Deux soldats ukrainiens capturés dans la banlieue de Zatyshshia, dans l’oblast de Zaporijia, auraient été exécutés, selon une autre vidéo de DeepState, publiée le 15 novembre. Le 27, cinq d’entre eux qui venaient d’être faits prisonniers, toujours dans l’oblast de Zaporijia, auraient subi le même sort après avoir été interrogés puis contraints à s’allonger, a indiqué le parquet régional. Un soldat capturé près du village de Hnativka, dans le district de Pokrovsk, aurait également été frappé à la tête avec la crosse d’une mitrailleuse avant d’être abattu. Depuis l’invasion russe en février 2022, la HRMMU a pu "vérifier" l’exécution de 96 prisonniers de guerre ukrainiens et de personnes "hors de combat" par les forces armées russes et juge "crédibles" au moins 119 autres allégations d’exécutions de ce type.

La justice ukrainienne tente de répliquer comme elle le peut. Le 22 novembre, le procureur général de la région de Donetsk a ouvert une enquête pour crimes de guerre à la suite de la vidéo diffusée par Deepstate. Le bureau du procureur général ukrainien a indiqué au Temps avoir, entre le 24 février 2022 et le 2 décembre 2025, suivi 103 procédures pénales relatives au meurtre de 333 militaires de Kiev qui avaient déposé les armes.

Un premier soldat russe vient d'être condamné. Dimitri Kourachov, 27 ans, était accusé d’avoir abattu, le 6 janvier 2024, un soldat ukrainien qui s’était rendu, près du village de Pryioutné, dans l’oblast de Zaporijia. Il avait déclaré à la BBC avoir reçu l’instruction de ses supérieurs de ne faire aucun prisionnier. Reconnu coupable de "violation des lois et coutumes de la guerre" ainsi que "d’homicide volontaire" par un tribunal de Zaporijia, il a été condamné le 6 novembre à la réclusion à perpétuité.

Les organisations internationales tentent de documenter ces exactions, comme l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui a envoyé cette année trois experts sur le terrain. Dans son rapport publié fin septembre, l’OSCE écrit que les exécutions arbitraires, bien que difficiles à démontrer du fait de l’absence de coopération de Moscou, se "produisent régulièrement". Elles concernent aussi les détenus ukrainiens. Au moins 169 d'entre eux auraient trouvé la mort, selon le rapport, qui estime à 6 300 le nombre de soldats ukrainiens toujours en captivité. L’organisation estime que ces pratiques peuvent "constituer des crimes de guerre et, dans certains cas, peut-être des crimes contre l’humanité".

"Exécutez, exécutez et exécutez"

Les exécutions sommaires de militaires désarmés contreviennent au droit international humanitaire, et en particulier aux Conventions de Genève, qui protègent les prisonniers de guerre dès qu’ils déposent les armes et se rendent à l’ennemi ou sont considérés comme "hors de combat". Mais la Russie "refuse systématiquement" aux membres des forces armées ukrainiennes le statut de prisonnier de guerre, poursuit le rapport : son subterfurge consiste à les désigner comme des "personnes détenues pour s’être opposées à l’opération militaire spéciale."

Toujours selon le rapport, les injonctions viennent du plus haut niveau. L’ancien chef d’Etat russe Dmitri Medvedev avait ainsi affirmé sur son canal Telegram : "Pas d’humanité. Pas de pardon. Ils n’ont pas le droit à la vie. Exécutez, exécutez et exécutez." Des enregistrements de conversations radio interceptées puis diffusées par les services de renseignement ukrainiens attestent aussi de ces pratiques. En mai 2025, CNN publiait les ordres d'un commandant russes à ses troupes : "Prenez le commandant en captivité et tuez tous les autres." Un autre enregistrement fin septembre va dans le même sens : "Tirez dessus, on ne fera pas de prisonniers. Partez vite."

Ces pratiques s’inscrivent dans la politique de terreur de Moscou, qui englobe enlèvements d’enfants, tortures de prisonniers, bombardements d’infrastructures énergétiques ou d’habitations depuis bientôt quatre ans, sans relâche.

© afp.com/Sergei GAPON

Tombes de soldats ukrainiens dans un cimetière militaire à Lviv, en Ukraine, le 2 décembre 2025

L'Australie franchit le pas et interdit les réseaux sociaux aux moins de 16 ans

9 décembre 2025 à 15:31

Les moins de 16 ans d'Australie sont officiellement interdits d'accès à de nombreux réseaux sociaux depuis mercredi matin, une démarche pionnière au niveau mondial qui vise à protéger la jeunesse des algorithmes addictifs d'Instagram, TikTok ou encore Snapchat.

Une mesure accueillie avec soulagement par bien des parents

Des centaines de milliers d'adolescents s'apprêtent à se réveiller déconnectés des applications sur lesquelles ils pouvaient passer plusieurs heures par jour. Sans mesures "raisonnables" prises pour faire respecter la loi, les plateformes concernées risquent des amendes pouvant atteindre 28 millions d'euros en vertu de cette obligation entrée en vigueur mercredi à minuit heure de Sydney et Canberra (13H00 GMT mardi), et dont l'application sera scrutée par les autorités de nombreux pays.

L'Australie devient ainsi un des premiers pays à imposer les mesures les plus radicales dans le monde face aux géants de la tech, parmi lesquels les américains Meta et Google. Les réseaux sociaux "sont utilisés comme une arme par les harceleurs (...), sont vecteurs d'anxiété, constituent un outil pour les escrocs et, pire que tout, sont un outil pour les prédateurs en ligne", a justifié le Premier ministre travailliste Anthony Albanese, à la veille de l'entrée en vigueur de la mesure.

Addiction aux écrans, harcèlement en ligne, violence, contenus sexuels : la mesure est accueillie avec soulagement par bien des parents démunis mais n'enthousiasme que modérément les premiers concernés. "Je ne pense pas que le gouvernement sache vraiment ce qu'il fait et je ne pense pas que cela aura un impact sur les enfants australiens", témoigne Layton Lewis, un Australien de 15 ans, interrogé avant son exclusion officielle des plateformes.

Facebook, Instagram, YouTube, TikTok, Snapchat ou encore Reddit ont désormais l'interdiction de conserver ou de permettre la création de comptes pour les utilisateurs d'Australie âgés de moins de 16 ans. Les plateformes de streaming Kick et Twitch, ainsi que les réseaux sociaux Threads et X, sont aussi concernés. Pour l'heure, la plateforme de jeux en ligne Roblox, le réseau Pinterest ou encore la messagerie WhatsApp sont épargnés par le dispositif. Mais cette liste pourra évoluer, a averti le gouvernement. Certains sites restent accessibles sans compte, à l'image de YouTube.

Parmi les parents partisans de la mesure, Mia Bannister a mis en cause le rôle des réseaux sociaux dans le suicide de son fils adolescent, Ollie, victime de harcèlement en ligne et de vidéos ayant favorisé son anorexie. "J'en ai assez que les géants des réseaux sociaux fuient leurs responsabilités", a-t-elle dénoncé auprès de l'AFP, soulignant qu'en offrant un téléphone à leurs enfants, les parents "leur donnent la pire arme qui soit".

Des travaux de recherche avancent que passer trop de temps en ligne nuit au bien-être des adolescents. Dany Elachi, un père de cinq enfants, approuve : "On doit faire preuve de prudence avant de mettre n'importe quoi d'addictif entre les mains de nos enfants".

La Nouvelle-Zélande réfléchit à des restrictions similaires

Meta, YouTube et d'autres géants de la tech ont condamné l'interdiction, qui doit priver leurs plateformes d'un nombre important d'utilisateurs. La plupart ont cependant accepté malgré elles de s'y plier, à l'instar de Meta (Facebook, Instagram, Threads) qui a annoncé dès jeudi avoir commencé à supprimer les comptes des utilisateurs concernés.

La justice a toutefois été saisie : un groupe de défense des droits des internautes a dit avoir engagé une procédure auprès de la Haute Cour d'Australie. De son côté, Reddit a déclaré mardi ne pas pouvoir confirmer des informations de plusieurs médias australiens, affirmant qu'il chercherait à faire annuler la mesure auprès de cette juridiction.

Le succès ou non de la décision australienne sera scrutée de près. Le pays compte 27 millions d'habitants. La Nouvelle-Zélande voisine mais aussi la Malaisie réfléchissent à des restrictions similaires. Le gouvernement australien a admis que l'interdiction serait imparfaite à ses débuts et que des adolescents rusés trouveraient un moyen de continuer à "scroller" et faire défiler des contenus sur leurs écrans. D'après le texte, les réseaux sociaux visés ont seulement à vérifier que leurs utilisateurs sont âgés de 16 ans ou plus.

Plusieurs plateformes ont annoncé qu'elles recourraient à l'intelligence artificielle (IA) pour estimer l'âge des internautes à partir de leurs photos. Ceux-ci pourraient aussi avoir à transmettre un document d'identité.

© afp.com/Saeed KHAN

L'Australie interdit l'accès aux réseaux sociaux aux jeunes adolescents le 10 décembre 2025

Pourquoi l’UE a finalement reporté son plan "Made in Europe"

9 décembre 2025 à 13:31

Il aurait dû être présenté ce mercredi 10 décembre. Mais ne le sera finalement qu’en janvier 2026 au plus tôt. Un plan pour "l’accélération industrielle", préparé par le commissaire européen chargé de l’Industrie Stéphane Séjourné, est censé fixer aux industriels des objectifs chiffrés de "Made in Europe", en leur imposant d’utiliser très majoritairement des composants européens pour pouvoir bénéficier d’aides ou de commandes publiques.

Mais les ministres de l’industrie européens n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur les secteurs auxquels il devrait s’appliquer. Au grand dam de la France, qui pousse pour ce projet depuis longtemps.

Un risque d'"étouffer l’innovation"

D’autres pays y voient en effet une menace pour la compétitivité européenne. Au cœur de la controverse : des quotas de contenu domestique, prévus pour certains produits comme les automobiles ou les onduleurs solaires, afin de réduire la dépendance à la Chine, explique le Financial Times. Neuf économies parmi les plus libérales des Vingt-Sept, comme la République tchèque, l’Irlande, ou les pays baltes et nordiques, sont ainsi vent debout contre ce texte. Selon eux, la préférence européenne ne devrait être qu’un "dernier recours", au risque d'"étouffer l’innovation" et de mettre en péril "de potentiels accords commerciaux".

"Si les incitations à la R & D et à l’efficacité sont affaiblies au sein du marché unique, où seules les entreprises européennes opèrent, nous risquons de perdre en compétitivité à l’échelle mondiale et de constater une baisse de la qualité et une hausse des prix au niveau national, notamment dans le cadre des appels d’offres publics. De plus, les entreprises de l’UE ne peuvent pas toujours absorber la demande dans tous les secteurs émergents", fait valoir un document signé par ces neuf pays.

De son côté, l’Allemagne, longtemps opposée au projet, a récemment assoupli sa position, cherchant à enrayer le déclin de son industrie automobile et d’autres secteurs, selon de hauts responsables berlinois.

Craintes pour la compétitivité et la dépense publique

Selon plusieurs personnes au fait de la situation, citées par le FT, si elle était mise en œuvre, cette préférence européenne pourrait coûter aux entreprises de l’UE plus de 10 milliards d’euros par an, en les incitant à acheter des composants européens plus chers. Pour réduire cette facture, les services commerciaux et économiques de la Commission européenne cherchent actuellement des pistes pour édulcorer la proposition. Ils craignent son impact sur la compétitivité de l’UE et le recours accru aux fonds publics pour l’achat de produits européens, tels que les bus électriques et les panneaux solaires.

Malgré tout, les supporters du made in Europe veulent rester optimistes. "Personne n’est opposé sur le principe à la préférence européenne", fait notamment valoir Stéphane Séjourné.

© afp.com/Simon Wohlfahrt

Le vice-président de la Commission, en charge de la stratégie industrielle, Stéphane Séjourné, lors d'une conférence de presse à Bruxelles le 29 janvier 2025

Gaza : l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair écarté du "comité de la paix" de Donald Trump

9 décembre 2025 à 13:03

Son nom était le seul à circuler dans les médias parmi les potentiels membres du comité de la paix pour Gaza, annoncé par Donald Trump fin septembre. Mais Tony Blair, l’homme qui a dirigé le Royaume-Uni entre 1997 et 2007, a finalement été écarté de l’organe chargé de superviser la transition politique à Gaza à la suite de l’opposition de plusieurs pays arabes, selon les informations du Financial Times. En cause : son passé avec le Moyen-Orient, qui lui avait initialement valu sa place dans la short list de Washington.

Une réticence anticipée par le président de Etats-Unis qui avait déclaré dès octobre : "J’ai toujours apprécié Tony, mais je veux m’assurer qu’il soit un choix acceptable pour tout le monde".

En 2003, le dirigeant travailliste s’était de fait allié à l’invasion américaine de l’Irak. Pendant 6 ans, le Royaume-Uni a déployé 45 000 soldats pour une opération fondée sur de fausses informations : la supposée présence d’armes de destruction massive en Irak. L’offensive qui a coûté la vie à plus de 100 000 Irakiens, a immédiatement provoqué à l’époque un tollé dans l’opinion publique britannique, avec de nombreuses manifestations à travers le pays. Une défiance à l’égard de l’ancien Premier ministre remise à l’ordre du jour en 2016 par la parution du rapport de la commission d’enquête Chilcot. Le texte, particulièrement sévère à l’encontre de Tony Blair, met en lumière le manque de préparation et de discernement du gouvernement britannique lors du lancement de l’offensive.

Après son départ de Downing street, le Britannique a maintenu son cap sur le Moyen-Orient, occupant le poste d’envoyé spécial du Quartet, chargé de superviser la transition politique à Gaza. Depuis plus d’un an, il travaillait, à sa propre initiative, sur des projets concernant Gaza.

"Tony Blair ? Certainement pas"

La participation de Tony Blair au sein du comité de Donald Trump était d’autant plus controversée qu’il était prévu qu’il ait un rôle important au sein de la structure. "Il superviserait un groupe exécutif d’administrateurs et de technocrates palestiniens, chargés de la gestion quotidienne de la bande de Gaza, et transférerait à terme la gouvernance à l’Autorité palestinienne basée en Cisjordanie", développait fin septembre Washington Post. Une déclaration qui avait fait craindre que les Palestiniens soient écartés dans la structure de gouvernance.

Tony Blair est "une figure indésirable dans le contexte palestinien, et lier un quelconque projet à cette personne est de mauvais augure pour le peuple palestinien", avait déclaré à l’époque Husam Badran, membre du bureau politique du Hamas, au micro d’Al Jazeera.

Côté Nations Unies, la mention de Tony Blair avait également provoqué un tollé. "Tony Blair ? Certainement pas. Ne touchez pas à la Palestine", avait cinglé sur X Francesca Albanese, rapporteuse de l'ONU pour la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés.

Tony Blair?
Hell no.
Hands off Palestine.

Shall we meet in The Hague perhaps?

— Francesca Albanese, UN Special Rapporteur oPt (@FranceskAlbs) September 27, 2025

Selon les informations du Financial Times toutefois, Tony Blair ne serait pas définitivement exclu du plan de paix pour l’enclave palestinienne. "Il pourrait encore jouer un rôle dans une autre fonction, ce qui semble probable […] Les Américains l’apprécient, tout comme les Israéliens."

Effectivement, l’ancien Premier ministre n’entretient pas que des mauvaises relations au Moyen-Orient. En septembre, Yossi Cohen, un ancien chef du Mossad, déclarait à la BBC qu’il "adorait" l’idée que Tony Blair prenne la tête de Gaza, le qualifiant de "personne formidable".

© AFP/DANIEL LEAL

Seize ans après sa démission, l'ancien Premier ministre Tony Blair reste une figure impopulaire, même au sein du Parti travailliste.

Quand Pete Hegseth et Pam Bondi défendaient le droit des militaires à désobéir à des ordres illégaux

9 décembre 2025 à 12:32

La contradiction ne manque pas de piquant. Alors qu’il a qualifié sur X de "méprisable" la vidéo, publiée le 18 novembre, dans laquelle six élus démocrates rappelaient aux membres des forces armées américaines qu’ils avaient le droit de ne pas obéir à des "ordres illégaux" de l’administration Trump, Pete Hegseth, le secrétaire à la Défense, défendait la même position en 2016. A propos de Donald Trump qui plus est.

Les faits remontent à mars 2016. Le milliardaire new-yorkais fait alors office de favori à la primaire du camp républicain pour l’élection présidentielle à venir. Lors d’un débat entre les candidats diffusé par la chaîne Fox News, le magnat de l’immobilier, qui a déclaré plus tôt dans la campagne qu’il jugeait les Etats-Unis bien tendres avec les terroristes et suggéré qu’il faudrait également "éliminer leurs familles", se voit interroger par l’un des présentateurs sur son attitude en cas de refus des militaires d’exécuter ses ordres. "Ils ne me désobéiraient pas. Croyez-moi", répond-il. Interrogé sur cette déclaration le lendemain, Pete Hegseth, alors consultant pour la chaîne conservatrice, déclare en plateau, comme vient de l’exhumer CNN : "Vous n’allez simplement pas suivre un ordre s’il est illégal". Puis ajoute : "Voici le problème avec Trump. Il dit : 'Allez-y, tuez la famille. Allez-y, torturez. Allez-y, allez plus loin que le waterboarding.' Mais que se passe-t-il lorsque les gens suivent ces ordres, ou ne les suivent pas ? Il n’est pas certain que Donald Trump les soutiendra." Dans une autre intervention le même mois sur Fox Business, il renchérissait : "L’armée ne suivra pas des ordres illégaux."

Pete Hegseth n’est pas le seul membre de l’administration Trump à tenir cette position. Le New York Times rapporte en effet que dans un mémoire déposé en janvier 2024 devant la Cour suprême en tant qu’avocate de l’America First Policy Institute, un think tank conservateur, Pam Bondi, l’actuelle ministre de la Justice, écrivait : "Les officiers militaires sont tenus de ne pas exécuter des ordres illégaux."

Frappes dans les Caraïbes

La vidéo enregistrée par les élus démocrates Elissa Slotkin, Mark Kelly, Chris Deluzio, Maggie Goodlander, Chrissy Houlahan et Jason Crow, sénateurs ou représentants tous passés par l’armée ou les services de renseignement, a provoqué l’ire de l’administration et de la Maison-Blanche. Dans un post sur son réseau Truth social du 20 novembre, le président Trump a parlé de "COMPORTEMENT SÉDITIEUX, passible de la peine de MORT !". La vidéo survient notamment dans le contexte des frappes menées dans le Pacifique et dans les Caraïbes contre des embarcations, dont l’administration dit qu’elles transportaient de la drogue sans en apporter la preuve. Ces bombardements ont provoqué la mort de 87 personnes, selon le Pentagone.

L’une de ces interventions vaut tout particulièrement des ennuis à Pete Hegseth. Le 2 septembre, alors qu’une première frappe avait détruit une embarcation, une seconde a été dirigée contre deux survivants en mer, en violation des lois de la guerre. "Je n’ai pas vu personnellement de survivants" après la première frappe, a expliqué Pete Hegseth à la commission des forces armées de la Chambre des représentants, invoquant le "brouillard de la guerre". Le chef du Pentagone est également inquiété à la suite de son partage, dans une boucle privée de la messagerie Signal, d’informations relatives à des frappes imminentes contre les houthistes au Yemen, en avril. Une procédure de destitution contre le chef du Pentagone pourrait être lancée par les démocrates, mais elle a peu de chances d’aboutir.

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Le ministre américain de la Défense, Pete Hegseth, lors d'un Conseil des Ministres à la Maison-Blanche le 2 décembre 2025

"En Russie, la corruption est omniprésente !" : nos lecteurs réagissent à l’actualité

9 décembre 2025 à 12:28

Corruption : et la Russie ?

Chantal Bourry, Jonzac (Charente-Maritime)

Il me paraît injuste de critiquer la corruption occasionnelle sévissant encore en Ukraine sans évoquer celle, omniprésente, touchant la Russie, État où il n’existe plus de contre-pouvoirs. Tandis que Kiev autorise les institutions et les ONG qui luttent contre la corruption, Moscou les interdit. Elle est pour le Kremlin non seulement un très important moyen d’enrichissement personnel du président et de ses proches, mais également un puissant outil pour écarter certains hauts responsables jugés insuffisamment loyaux. Les dénonciateurs indépendants (citoyens, journalistes, associations…) sont, eux, réduits au silence, à l’exemple d’Alexeï Navalny qui avait créé en 2011 l’Anti-Corruption Foundation. Elle avait été classée "organisation terroriste" par la Cour suprême russe. (Le scandale Midas éclabousse Zelensky, L’Express du 27 novembre)

Service militaire volontaire : oui, mais…

Laurent Opsomer, Saint-Amand-les-Eaux (Nord)

Emmanuel Macron veut instaurer un service militaire volontaire en France. Ce n’est guère surprenant. La guerre en Ukraine est, en effet, une boucherie digne de la Grande Guerre, qui nécessite de la "chair à canon" mais aussi des techniciens très qualifiés. Il pourrait concerner entre 10 000 et 50 000 jeunes gens par an auxquels serait versée une solde de 900 à 1 000 euros par mois. Mais les problèmes sont multiples. La France, comme les autres pays européens (et la Russie), est entrée dans un hiver démographique. Concurrencées par les entreprises, les armées ont déjà du mal à recruter et à conserver leur personnel. Elles auront plus du mal encore à absorber ces jeunes volontaires car elles n’ont plus les cadres nécessaires ni les locaux pour les loger ni les équipements nécessaires… (Service militaire volontaire : les inspirations européennes d’Emmanuel Macron, sur lexpress.fr).

Des retraités dépendants de l’Etat ?

Pierre Renard, Nantes (Loire-Atlantique)

Nicolas Dufourcq, dans son essai sur la dette sociale de la France, affirme que les retraités sont "dépendants de la dépense publique". Pour ma part, ma retraite s’élève à 1 235 euros. J’ai du mal à comprendre en quoi il s’agirait d’agent public alors que j’ai cotisé pendant 42 ans. (1 Français sur 2 vit de l’argent public… Et si c’était ça, le problème ?, L’Express du 27 novembre).

Les pièges du portable

Pierre Zehnacker, Mittelbergheim (Bas-Rhin)

A l’Est, c’est toujours la guerre, l’abomination se perpétue. A l’Ouest, hommes et femmes sont plus ou moins tous asservis à leurs portables. On les voit dans la rue, au supermarché, à la poste, au cinéma, partout, trimbalant l’écran qui les absorbe en les coupant de tout ce qui les entoure, zombies d’un nouveau genre téléguidés vers leur propre vide. Cet instrument censé leur offrir mille et un services a le pouvoir assez inquiétant de les fixer, pour les vouer ainsi à une forme de dépendance mentale on ne peut plus pernicieuse. Ils ne dialoguent plus, ils consultent. Ils ne pensent plus, ils enregistrent. Je prends de haut nos contemporains ? Oui, je les regarde avec commisération, sidéré par leur naïveté. Le portable, dissimulé, hypocrite, s’insinue dans l’esprit pour le séduire, le rend aveugle et amorphe, toute vie intérieure est peu à peu annihilée sous le joug du consumérisme numérisé. Le portable ne nous possède, ne nous subjugue que pour nous mener à notre perte. (Portable interdit au lycée, référé contre les infox… Ce qu’il faut retenir du débat avec Emmanuel Macron, sur lexpress.fr)

Bravo, Louis-Henri de La Rochefoucauld !

France Mauduit, Evreux (Eure)

Je tiens à féliciter mon critique littéraire préféré, qui vient de recevoir le prix Interallié ! A la réception de l’Express, je m’empresse de chercher l’article de Louis-Henri de La Rochefoucauld, source de sourire et parfois de rire aux dépens de certains écrivains) ou de lecteurs snobs. Merci ! (L’Interallié pour Louis-Henri de La Rochefoucauld, L’Express du 27 novembre).

"Protégeons notre économie", le nouveau débat de L’Express

La publication par L’Express, le 6 novembre, de la tribune "Trop, c’est trop !" a rencontré un large écho parmi les chefs d’entreprise. Plus de 2 000 dirigeants ont signé ce texte qui pointe "les dérives du débat budgétaire" en matière fiscale, et ses conséquences sur le tissu économique et l’emploi. Le Premier ministre Sébastien Lecornu s’est efforcé de les rassurer, à travers sa "Lettre aux entrepreneuses et entrepreneurs de France". Pour faire vivre ce débat, crucial pour l’avenir du pays, L’Express réunira les signataires de cette tribune, le 17 décembre à 16 heures, salle Gaveau, à Paris. Le ministre de l’Economie Roland Lescure répondra à leurs questions. Avec les interventions, entre autres, de Patrick Martin (Medef), Nicolas Dufourcq (Bpifrance), Antoine Levy (Berkeley), Sébastien Proto (Elsan) et Agnès Verdier-Molinié (Ifrap).

© afp.com/-

"En Russie, les dénonciateurs indépendants sont réduits au silence, à l’exemple d’Alexeï Navalny", souligne l'une de nos lectrices (ici, un mémorial improvisé en l'honneur de l'opposant russe Alexeï Navalny, en Allemagne).

Guerre en Ukraine : ces espions russes qui surveillent les Etats-Unis depuis le Mexique

9 décembre 2025 à 12:01

Le Mexique sert-il de tremplin à la Russie pour espionner les Etats-Unis et glaner ainsi des informations sur l’Ukraine ? A en croire les dernières révélations du New York Times, ce scénario n’a rien de fictif. Depuis le début de la guerre en Ukraine, Moscou a intensifié ses activités diplomatiques et d’espionnage depuis le Mexique… qui ne semble pas pressé d’y mettre un terme.

Persuadée que les espions russes utilisent le Mexique pour bénéficier d’une couverture touristique et échapper aux systèmes de surveillance sophistiqués de Washington, la CIA enquête sur leur identité depuis plusieurs années. Au cours de la présidence Biden, l’agence dresse une liste de plus de deux douzaines d’espions russes se faisant passer pour des diplomates. Elle la transmet aux autorités mexicaines de l’époque, qui se refusent toutefois à les expulser. L’élection de Claudia Sheinbaum à la tête du pays l’an dernier n’y change rien. Plusieurs diplomates mexicains vont même jusqu’à affirmer n’avoir jamais eu connaissance de cette liste.

La "Vienne de l’Amérique latine"

Côté américain, l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche en janvier jette un flou sur la position du pays. Alors que le président des Etats-Unis continue de souffler le chaud et le froid avec la Russie, difficile de savoir si Washington continue de faire pression pour des expulsions. Mais les analystes s’accordent sur un point : Donald Trump démontre par ces actions en Amérique latine qu’il cherche à affirmer la suprématie de Washington sur le continent. Son intérêt est donc plutôt d’empêcher des puissances comme la Russie, ou la Chine, de s’implanter dans la région.

La présence russe au Mexique ne date en réalité pas d’hier. Déjà, pendant la guerre froide, le Mexique était surnommé la "Vienne de l’Amérique latine", en raison des activités d’espionnage russe sur son sol. Mais la guerre en Ukraine vient accélérer les choses. Alors que les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, décident d’expulser plus de 100 agents du renseignement russe de leurs pays, les diplomates américains et européens assistent ensuite, impuissants, au transfert d’espions de Moscou à Mexico, révèlent huit sources citées par le NYT.

Une relocalisation dans l’intérêt du Kremlin, qui souhaite se renseigner sur les actions américaines, dans le contexte de la guerre en Ukraine, et pour qui le Mexique offre plusieurs atouts : par sa proximité géographique d’une part, mais aussi par le peu de résistance rencontrée par les espions sur place. Les agences de contre-espionnage mexicaines sont en effet davantage concentrées sur les problèmes intérieurs, comme les trafiquants de drogue, que sur les activités d’espionnage étranger.

Opération séduction de Moscou en Amérique latine

Dès mars 2022, le général Glen VanHerck, chef du commandement nord des États-Unis, fait d’ailleurs part de ses préoccupations lors d’une audition publique devant le Sénat. "La plus grande partie des agents du renseignement russe dans le monde se trouve actuellement au Mexique", déclare-t-il alors. "Ce sont des agents du renseignement russe qui surveillent de très près les possibilités d’influencer les opportunités et l’accès des États-Unis".

Plusieurs analystes voient dans la "tolérance" du Mexique envers la Russie le reflet des positions du parti au pouvoir, plutôt hostile aux Etats-Unis. Si ce parti (Morena) rassemble un large éventail de personnalités politiques, son noyau dur est avant tout composé de militants de gauche, profondément méfiants à l’égard des États-Unis en raison de leur passé d’invasions, de coups d’État et de campagnes d’influence en Amérique latine.

De son côté, la Russie semble surfer sur ce ressentiment envers Washington pour courtiser les pays de la région. Lors de sa tournée l’année dernière en Amérique latine, le conseiller de longue date de Vladimir Poutine, Nikolaï Patrouchev, s’est d’ailleurs engagé à aider ces pays à limiter l’influence américaine, affirmant qu’entretenir de bonnes relations avec les gouvernements latino-américains était "l’une des principales priorités de Moscou".

© AFP

Un contingent militaire russe participe au défilé militaire organisé à l'occasion du 213e anniversaire de l'indépendance sur la place Zocalo à Mexico, le 16 septembre 2023.

Donald Trump enfonce le clou sur l’Europe, accusée de prendre "certaines mauvaises directions"

9 décembre 2025 à 07:54

Quelques jours après la publication par Washington de la nouvelle stratégie de sécurité des Etats-Unis, très offensive à l’égard des Européens, Donald Trump en a remis une couche lundi 8 décembre, avertissant que l’Europe prenait de "mauvaises directions". "L’Europe doit faire très attention", a déclaré le président américain à la presse à la Maison-Blanche, ajoutant : "L’Europe prend certaines mauvaises directions, c’est très mauvais, très mauvais pour les gens. Nous ne voulons pas que l’Europe change autant".

L’administration de Donald Trump avait publié vendredi un document présentant une "Stratégie de sécurité nationale" résolument nationaliste, anticipant l'"effacement civilisationnel" de l’Europe et prônant la lutte contre les "migrations de masse". "Si les tendances actuelles se poursuivent, le continent européen sera méconnaissable dans 20 ans ou moins", affirme-t-il dans le document.

Sont également pointées du doigt les décisions européennes qui, à en croire l’administration Trump, "sapent la liberté politique et la souveraineté, les politiques migratoires qui transforment le continent et créent des tensions, la censure de la liberté d’expression et la répression de l’opposition politique, la chute des taux de natalité, ainsi que la perte des identités nationales." Un discours qui a dans la foulée été massivement relayé par plusieurs figures américaines d’extrême droite. A commencer par Elon Musk qui a carrément jugé que "l’UE devrait être abolie et la souveraineté revenir aux Etats, de manière que les gouvernements puissent mieux représenter leur peuple".

Une "menace d’interférence", selon Bruxelles

L’Allemagne avait été le premier pays à répliquer vendredi, par l’intermédiaire de son ministre des Affaires étrangères Johann Wadephul, en disant n’avoir pas besoin de "conseils venant de l’extérieur". Côté français, son homologue Jean-Noël Barrot n’a lui aussi pas tardé à réagir : "L’internationale réactionnaire a beau s’époumoner, nous ne nous laisserons pas intimider", a-t-il tweeté samedi.

Le président du Conseil européen a également réagi ce lundi. "Ce qu’on ne peut pas accepter, c’est cette menace d’interférence dans la vie politique de l’Europe", a déclaré Antonio Costa lors d’une intervention à l’Institut Jacques-Delors. "Les Etats-Unis ne peuvent pas remplacer les citoyens européens pour choisir quels sont les bons partis et les mauvais partis", a-t-il ajouté. "On a des différences sur notre vision du monde, mais cela va au-delà de ça", a-t-il souligné. "Les Etats-Unis restent un allié important, les Etats-Unis restent un partenaire économique important, mais notre Europe doit être souveraine", a-t-il toutefois conclu. Comme lui, la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas avait elle aussi tâché de ne pas froisser Washington, commentant sur X ce week-end que "les Etats-Unis restent notre grand allié".

Les relations entre les deux blocs se sont tendues sur plusieurs dossiers depuis le retour au pouvoir de Donald Trump en janvier, du rapprochement américain avec la Russie au soutien affiché des Etats-Unis aux partis conservateurs ou d’extrême droite en Europe. Dès février dernier, le vice-président américain, J.D. Vance, avait consterné les Allemands et, plus généralement, les Européens, lors d’un discours à Munich, dans lequel il avait affirmé que la liberté d’expression "reculait" sur le continent européen.

© afp.com/Brendan SMIALOWSKI

Donald Trump à une soirée de gala à Washington, le 7 décembre 2025.
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