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Reçu aujourd’hui — 17 décembre 2025 L'Express

Le Royaume-Uni va réintégrer le programme européen Erasmus en 2027

17 décembre 2025 à 11:31

Cinq ans après le Brexit, le gouvernement britannique a trouvé un accord avec Bruxelles pour réintégrer dès 2027 le programme européen d'échanges universitaires Erasmus, une mesure emblématique d'une volonté de rapprochement avec l'Union européenne.

Les Britanniques avaient quitté ce programme en décembre 2020, au moment de la sortie de leur pays de l'Union européenne. "L'adhésion à Erasmus+ est une victoire majeure pour nos jeunes, en levant les obstacles et en élargissant les horizons afin que chacun, quelle que soit son origine, ait la possibilité d'étudier et de se former à l'étranger", a déclaré le ministre britannique des relations avec l'Union européenne, Nick Thomas-Symonds, dans un communiqué publié mercredi.

"Un grand pas en avant"

Ce retour "ouvre la voie à de nouvelles expériences partagées et à des amitiés durables" à tous les étudiants qui pourront bénéficier de cette extension du programme, a souligné sur X la présidente de l'exécutif européen Ursula von der Leyen, tandis que le commissaire au Commerce, Maros Sefcovic, a salué "un grand pas en avant" pour les relations entre l'UE et le Royaume-Uni.

L'accord s'inscrit dans le cadre de la relance des relations avec l'UE entreprise par le Premier ministre travailliste Keir Starmer depuis son arrivée au pouvoir en juillet 2024, après des années de tensions entre les 27 et les précédents gouvernements conservateurs liées au Brexit. En mai, Londres et Bruxelles avaient conclu un "nouveau partenariat stratégique" pour resserrer les liens, lors d'un sommet inédit.

Outre Erasmus, le Royaume-Uni et la Commission européenne ont annoncé dans un communiqué conjoint des négociations sur la participation britannique au marché européen de l'électricité. "Les accords conclus aujourd'hui démontrent que notre nouveau partenariat avec l'UE fonctionne", s'est félicité le ministre britannique. L'accord trouvé sur Erasmus devra encore être approuvé par les 27 Etats membres.

La décision du gouvernement conservateur de Boris Johnson, annoncée en décembre 2020, de quitter le programme Erasmus, auquel le pays participait depuis 1987 avait suscité la consternation dans l'UE, ainsi que chez les étudiants et les acteurs de l'enseignement supérieur au Royaume-Uni. Boris Johnson avait alors mis en avant le coût du programme, trop élevé selon lui, arguant que Londres accueillait plus d'étudiants européens (35 000 par an environ) qu'il n'envoyait de jeunes Britanniques (17 000) sur le continent. Il avait alors créé son propre programme Alan Turing, du nom de ce célèbre mathématicien britannique.

Erasmus permet aux étudiants d'étudier à l'étranger dans des universités et établissements d'enseignement supérieur partenaires, en offrant des bourses destinées à couvrir leurs frais. Les étudiants participants paient généralement leurs frais d'inscription à leur établissement d'origine, les coûts supplémentaires étant pris en charge par l'Union européenne, via des fonds publics.

Le programme ouvert aux étudiants et apprentis

Depuis le Brexit, les jeunes européens étudiant au Royaume-Uni doivent s'acquitter comme les autres étudiants internationaux de frais universitaires élevés, souvent trois fois supérieurs à ceux payés par les étudiants britanniques. Selon le gouvernement britannique, plus de 100 000 personnes au Royaume-Uni pourraient bénéficier du programme dès la première année.

Londres a précisé que le programme serait ouvert aux étudiants et apprentis, insistant sur l'importance de voir participer un public large, y compris les "groupes défavorisés". "Les opportunités offertes par Erasmus+ comprennent notamment des stages dans des entreprises européennes de premier plan pour les étudiants de l'enseignement supérieur et les apprentis", explique le gouvernement.

La contribution du Royaume-Uni à ce programme pour l'année 2027-2028 s'élèvera à environ 570 millions de livres (648 millions d'euros). "Toute participation à Erasmus+ dans le prochain cadre financier pluriannuel devra faire l'objet d'un accord futur et reposer sur une contribution équitable et équilibrée", prévient le gouvernement britannique.

Depuis sa création en 1987, neuf millions de personnes ont bénéficié d'Erasmus, qui a également contribué à former une génération de Britanniques pro-européens. Les jeunes Français avaient fait du Royaume-Uni leur destination favorite entre 2014 et 2019, selon les chiffres de l'agence Erasmus+ France, qui gère le programme dans l'Hexagone.

© Aleksander Kalka / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Le Royaume-Uni a trouvé un accord avec Bruxelles pour réintégrer dès 2027 le programme européen d'échanges universitaires Erasmus qu'il avait quitté fin 2020 au moment du Brexit.

Ces grandes entreprises européennes de la tech menacées de sanctions par Washington

17 décembre 2025 à 08:07

Capgemini, DHL, Siemens ou encore Spotify : plusieurs géants européens du numérique pourraient bientôt se voir appliquer des sanctions par Washington. Mardi 16 décembre, les Etats-Unis ont menacé l’Union européenne (UE) de représailles, si elle ne modifiait pas sa réglementation du secteur numérique, qu’ils jugent "discriminatoire", accusant l’Europe de vouloir "restreindre, limiter et décourager" l’activité des entreprises américaines.

"L’Union européenne et certains Etats membres ont persisté dans leur approche discriminatoire et leur harcèlement avec des procès, impôts, amendes et directives visant les fournisseurs américains de services", a écrit dans un message sur X le bureau du représentant de la Maison-Blanche pour le Commerce (USTR). "S’ils persistent", ajoute-t-il, "les Etats-Unis n’auront d’autre choix que d’utiliser tous les outils à disposition pour contrer ces mesures déraisonnables", allant jusqu’à citer des noms de sociétés européennes.

Allocution télévisée

Ces menaces interviennent alors que le président américain doit s’exprimer, mercredi soir, à la télévision américaine, afin de vanter son bilan. De son côté, l’UE a assuré qu’elle allait continuer à réguler le secteur du numérique "équitablement" malgré les menaces américaines, assurant appliquer ses réglementations "sans discrimination" : "comme nous l’avons expliqué à de nombreuses reprises, nos règles s’appliquent de manière égale et équitable à toutes les entreprises opérant dans l’UE", a assuré Thomas Regnier, le porte-parole de la Commission européenne.

La Maison-Blanche n’a cessé de critiquer depuis le début de l’année les régulations européennes sur les services numériques et les enquêtes et amendes infligées par la Commission européenne contre les abus des géants américains.

120 millions d’euros réclamés à Meta

Dernier exemple en date d’amende infligée par l’UE, celle de 120 millions d’euros imposée début décembre au réseau social X, propriété du milliardaire Elon Musk, allié du président américain Donald Trump. La Commission reprochait au réseau social de ne pas respecter le règlement européen sur les services numériques (DSA), une décision vue comme "une attaque contre toutes les plateformes technologiques américaines et le peuple américain", avait fustigé le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio. Ces dernières années, d’autres géants de la tech comme Apple ou Google se sont également vues imposer plusieurs milliards d’euros d’amendes pour non-respect de la législation européenne.

Cette loi est entrée en vigueur il y a deux ans pour lutter contre les contenus illégaux et dangereux en ligne, et impose des obligations renforcées aux plus grandes plateformes actives dans l’UE. Ces dernières années, l’UE a imposé plusieurs milliards d’euros d’amendes aux grands groupes américains du numérique, pour non-respect de la législation européenne.

Les Européens dans le viseur

"Des entreprises européennes de services ont eu la possibilité d’opérer librement aux Etats-Unis depuis des décennies, profitant de l’accès à notre marché et à nos consommateurs", a rappelé le bureau de l’USTR dans son message, citant notamment Accenture, Capgemini, Publicis ou encore la licorne française de l’intelligence artificielle (IA) Mistral. "Si des mesures de représailles étaient nécessaires, la loi américaine permet la mise en place de droits d’entrée ou de restrictions aux services étrangers, parmi d’autres possibilités", a-t-il menacé.

Washington a appelé à plusieurs reprises l’UE à assouplir ses directives relatives au secteur du numérique, mettant notamment dans la balance un abaissement possible des droits de douane imposés à l’acier et l’aluminium européens. Le bureau de l’USTR a également prévenu les "autres pays qui envisagent une stratégie similaire à l’UE en la matière" d’une "réponse identique" de la part des Etats-Unis.

En parallèle, la Maison-Blanche a également annoncé, mardi, la suspension d’un partenariat technologique entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni, portant notamment sur l’intelligence artificielle, le nucléaire et l’informatique quantique, au motif que la conclusion de l’accord n’allait pas assez vite.

© AFP

Les Etats-Unis annoncent un blocus maritime contre les pétroliers sous sanctions du Venezuela

17 décembre 2025 à 07:55

Le président américain Donald Trump a annoncé mardi un "blocus total" contre les pétroliers sous sanctions se rendant ou partant du Venezuela, renforçant la pression économique sur Caracas en pleine crise entre les deux pays. "Aujourd'hui, j'ordonne un blocus total et complet de tous les pétroliers sanctionnés entrant et sortant du Venezuela", a écrit Donald Trump sur son réseau Truth Social.

Le gouvernement du président vénézuélien Nicolas Maduro utilise le pétrole pour financer "le narcoterrorisme, la traite d'êtres humains, les meurtres et les enlèvements", a justifié Donald Trump, reprenant sa rhétorique habituelle. Dans son message, il a aussi affirmé que "le régime vénézuélien avait été désigné comme une organisation terroriste internationale" par son administration.

Caracas a répondu en qualifiant de "menace grotesque" cette annonce. "Le président des Etats-Unis tente d'imposer de manière absolument irrationnelle un prétendu blocus naval militaire au Venezuela dans le but de voler les richesses qui appartiennent à notre patrie", a rétorqué le gouvernement vénézuélien dans un communiqué.

Le durcissement de la politique américaine salué par Maria Corina Machado

L'administration Trump accuse Nicolas Maduro d'être à la tête d'un vaste réseau de narcotrafic. L'intéressé dément catégoriquement, affirmant que Washington cherche à le renverser pour s'emparer du pétrole vénézuélien, la principale ressource de son pays.

Les Etats-Unis ont déployé depuis cet été un important dispositif militaire dans les Caraïbes, et bombardé des embarcations en provenance du Venezuela au nom de la lutte contre le narcotrafic, des opérations à la légalité mise en doute par les experts. "Le Venezuela est entièrement encerclé par la plus grande armada jamais assemblée dans l'histoire de l'Amérique du Sud", a affirmé Donald Trump. Le déploiement américain "ne fera que s'accroître, et le choc qu'ils subiront sera sans précédent - jusqu'à ce qu'ils rendent aux Etats-Unis d'Amérique le pétrole, les terres et les autres actifs qu'ils nous ont précédemment volés", a ajouté le président américain, qui a toujours maintenu le flou sur la possibilité d'une intervention terrestre sur le sol vénézuélien.

Donald Trump n'a pas développé ses accusations de vols de pétrole et de terres. Dans les années 1970, le Venezuela a nationalisé son industrie pétrolière, et sous la présidence d'Hugo Chavez (1999-2013), les "majors" étrangères ont été obligées, pour rester dans le pays, d'accepter des coentreprises majoritairement détenues par la compagnie d'Etat PDVSA. La compagnie américaine Chevron, qui continue à travailler au Venezuela au bénéfice d'une dispense de sanctions, a indiqué mardi que ses opérations "continuent sans interruption et dans le plein respect des lois".

Le durcissement de la politique américaine contre Caracas a été salué par l'opposante vénézuélienne Maria Corina Machado, prix Nobel de la paix 2025, qui a même appelé ce week-end sur la chaîne américaine CBS à exercer plus de "pression" afin que "Maduro comprenne qu'il doit partir". Soumis à un embargo américain depuis 2019, le pétrole vénézuélien est écoulé sur le marché noir à des prix nettement plus bas, à destination en particulier de la Chine.

Un pétrolier saisi

La semaine dernière, les forces américaines ont saisi en mer des Caraïbes un pétrolier à destination de Cuba, le Skipper. Le navire transportait entre un et deux millions de barils de brut vénézuélien, selon les sources, pour une valeur de 50 à 100 millions de dollars. Selon Washington, le navire était sous sanctions américaines depuis 2022 pour des liens présumés avec le Corps des Gardiens de la Révolution islamique iranienne et le Hezbollah libanais. Selon la Maison-Blanche, les Etats-Unis entendent "saisir le pétrole" du Skipper, reconnaissant cependant que cela posait des questions juridiques.

L'annonce de blocus Donald Trump survient alors que les ministres américains de la Défense et des Affaires étrangères ont défendu mardi au Congrès les frappes menées contre des embarcations soupçonnées de narcotrafic dans les Caraïbes.

Depuis début septembre, le président américain a ordonné des frappes contre au moins 26 navires dans les Caraïbes ou l'est du Pacifique, tuant au moins 95 personnes, sans jamais fournir de preuve de leur implication dans le trafic de drogues. Le sujet a soulevé de vifs débats à Washington, notamment une opération datant de début septembre au cours de laquelle l'armée a tiré deux salves, la seconde achevant les deux survivants d'un bateau déjà en flammes.

© Gustavo GRANADO / AFP

Le président américain Donald Trump a annoncé mardi 16 décembre un "blocus total" contre les pétroliers sous sanctions se rendant ou partant du Venezuela.

Donald Trump impose des restrictions d'entrée à sept nouveaux pays, ainsi qu'aux Palestiniens

17 décembre 2025 à 07:28

Donald Trump a étendu mardi 16 décembre les interdictions d'entrée aux Etats-Unis aux ressortissants de sept pays, dont la Syrie, ainsi qu'aux Palestiniens. Le président américain a signé une proclamation "restreignant et limitant davantage l'entrée des ressortissants étrangers afin de protéger la sécurité des Etats-Unis", a indiqué la Maison-Blanche.

Les nouveaux pays concernés par cette mesure sont le Burkina Faso, le Niger, le Mali, le Soudan du Sud et la Syrie, tandis que le Laos et la Sierra Leone passent de restrictions partielles à totales. Les Palestiniens disposant de documents de voyage émis par l'Autorité palestinienne sont également visés.

Quelques exceptions

L'administration Trump avait déjà imposé des restrictions totales visant les ressortissants de douze pays et des dizaines d'autres pays se sont vus imposer des restrictions partielles. S'agissant de la Syrie, la mesure intervient quelques jours après une attaque meurtrière contre des soldats américains dans le centre de ce pays. L'administration Trump dit avoir identifié des pays où les vérifications sont "tellement insuffisantes qu'elles justifiaient une suspension totale ou partielle de l'admission des ressortissants de ces pays".

La proclamation prévoit cependant des exceptions pour les résidents permanents légaux, les titulaires de visas existants, certaines catégories de visas comme les athlètes et les diplomates, et les personnes dont "l'entrée sert les intérêts nationaux des Etats-Unis".

Une mesure "qui vise à protéger les Etats-Unis"

Depuis son retour au pouvoir en janvier, Donald Trump mène une vaste campagne contre l'immigration illégale et a considérablement durci les conditions d'entrée aux Etats-Unis et l'octroi de visas, arguant de la protection de la sécurité nationale. Ces mesures visent ainsi à interdire l'entrée sur le territoire américain aux étrangers qui "ont l'intention de menacer" les Américains, selon la Maison-Blanche. De même, pour les étrangers qui "pourraient nuire à la culture, au gouvernement, aux institutions ou aux principes fondateurs" des Etats-Unis. Le président américain s'en est récemment pris avec virulence aux Somaliens, disant qu'il "ne voulait pas d'eux chez nous".

En juin, il avait annoncé des interdictions d'entrée sur le territoire américain aux ressortissants de douze pays, principalement en Afrique et au Moyen-Orient (Afghanistan, Birmanie, Tchad, Congo-Brazzaville, Guinée équatoriale, Erythrée, Haïti, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Yémen).

En revanche, le Turkménistan, pays qui figure parmi les plus reclus au monde, se voit accorder un satisfécit, la Maison-Blanche évoquant mardi des "progrès significatifs" dans cet Etat d'Asie centrale. Les ressortissants de ce pays pourront à nouveau obtenir des visas américains, mais uniquement en tant que non-immigrants. Lors de son premier mandat (2017-2021), Donald Trump s'en était pris de façon similaire à certains pays, ciblant principalement des pays musulmans.

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Le président américain Donald Trump le 3 décembre 2025, à Washington, aux Etats-Unis

Donald Trump veut revoir les seuils d'exposition à la radioactivité : ce que révèle sa nouvelle lubie

17 décembre 2025 à 07:00

Des grandes annonces de Donald Trump sur le nucléaire, le grand public a surtout retenu la possible reprise des essais militaires sur le terrain, après plusieurs décennies d’arrêt. Mais dans les executive orders du président américain, une autre mesure, historique elle aussi, commence à créer des remous. Dans un souci d’efficacité, l’administration souhaite relever les seuils maximums d’exposition à la radioactivité pour la population. Il n’en fallait pas plus pour accentuer la peur de l’atome.

Aux Etats-Unis, certains médias évoquent déjà un pic de cancers à venir ou l’arrivée, dans les supermarchés, de poêles à frire radioactives fabriquées à partir de matériaux irradiés recyclés. "Le débat mérite pourtant d’être plus nuancé, estime Dominique Greneche, docteur en physique nucléaire et membre de PNC-France (Patrimoine nucléaire et climat). Non seulement des scientifiques tout à fait respectables sont favorables à ce changement de norme. Mais le président américain a le mérite de mettre le doigt sur un problème rarement abordé : l’excès de sûreté en matière de nucléaire civil."

La réglementation sur les radiations

Aux Etats-Unis, deux idées fortes servent de pilier à la réglementation sur les radiations. La première part du principe que le risque lié aux rayonnements est directement proportionnel à la dose, et qu’il n’y a pas de seuil en dessous duquel ce risque est nul. Le second principe, qui découle du précédent, cherche à maintenir l’exposition des travailleurs et du public aussi faible que raisonnablement possible. Et c’est cette fameuse règle du As Low As Reasonnably Achievable (ALARA), qui se retrouve aujourd’hui dans le viseur de l’administration américaine.

"Concrètement, les limites de dose aux États-Unis sont de 50 millisieverts (mSv) par an pour les travailleurs du nucléaire et de 1 mSv pour le public. Le ministère de l’Énergie et la Commission de réglementation nucléaire n’ont pas encore publié leur projet, nous ne savons donc pas exactement quels seront les changements. Cependant, même si rien n’est encore officiel, les modifications envisagées pourraient augmenter les doses admissibles pour le public autour de 5 mSv par an. Il s’agirait également de supprimer ou d’affaiblir le principe de l’ALARA", détaille Emily Caffrey, physicienne certifiée en radioprotection, professeure à l’université d’Alabama-Birmingham.

Pourquoi remettre en question cette règle pleine de bon sens héritée des années 1950 ? "Il semblait prudent d’appliquer ce principe à l’époque, mais la notion de 'raisonnablement possible' a depuis lors été interprétée de manière très large, entraînant des conséquences indésirables", confie Craig Piercy, dirigeant de l’American Nuclear Society, une société savante regroupant plusieurs milliers de scientifiques. Le strict respect de cette règle entraîne par exemple des travaux de construction supplémentaires sur les sites de traitement des déchets radioactifs. Il se traduit parfois par un refus de radiothérapie pour un patient ou des décès inutiles comme lors de l’évacuation de la région de Fukushima.

"Après la catastrophe, les autorités ont décidé d’évacuer 78 200 personnes vivant dans des zones définies en fonction de ces limites très basses. Or plusieurs études ont attribué ensuite entre 1 600 et 2 200 décès à cette opération (morts de personnes âgées faute de soin, décès dans les transports, suicides…). Dès lors, il faut s’interroger sur le bilan sanitaire global de type de gestion post-accidentelle basé sur les normes trop restrictives", détaille Dominique Greneche.

Des marges confortables

D’autant qu’un rapport récent confirme qu’en matière de radioactivité, il existe une marge importante de sécurité permettant de relever les seuils d’exposition sans mettre la population en danger. Selon ce document, rédigé par les scientifiques du laboratoire national de l’Idaho, les études épidémiologiques n’ont jamais réussi à démontrer des effets statistiquement significatifs sur la santé à des doses inférieures à 100 mSv. Conclusion des experts : pour le grand public, "la limite actuelle de 1 mSv par an semble trop restrictive. Une révision à 5 mSv par an pour le grand public permettrait de maintenir une marge de sécurité substantielle tout en en permettant une mise en œuvre plus rentable des technologies nucléaires bénéfiques pour les secteurs de l’énergie, de la santé et de l’industrie".

Craig Piercy acquiesce : "Oui, les rayonnements causent la mort à fortes doses. Ils provoquent le cancer de manière relativement linéaire sur le plan statistique. Mais à environ 50 mSv par an, le signal épidémiologique des effets néfastes sur la santé disparaît au milieu d’autres facteurs (alimentation, forme physique…). Sans preuve directe chez les populations humaines, les scientifiques ne peuvent que théoriser sur les effets de l’exposition aux rayonnements à ces niveaux proches du fond".

Mais comment rassurer la population sur un sujet aussi sensible ? "La question de savoir si ce changement de norme est acceptable relève de la politique et de valeurs comme la tolérance au risque. Elle ne peut être tranchée par une simple réponse scientifique. Bien que je ne qualifierais pas personnellement ce changement potentiel de dangereux, il comporte des implications méritant d’être débattues", souligne Emily Caffrey.

Les effets économiques d’une telle décision, en revanche, sont parfaitement clairs. Par exemple, les normes drastiques augmentent considérablement les coûts pour la filière de retraitement des déchets. Elles réduisent aussi les perspectives de recyclage. "C’est vrai pour les Etats-Unis, mais aussi pour la France, estime Dominique Greneche. Nous avons chez nous une règle spécifique, un seuil de radioactivité en dessous duquel les déchets issus d’une installation nucléaire ne peuvent être gérés comme des matériaux conventionnels. Nous sommes le seul pays au monde à nous payer le luxe d’un tel fardeau réglementaire". Même l’ancien directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), Jacques Repussard, s’en inquiète dans une interview donnée à la Société française d’énergie nucléaire (Sfen). "Ce mécanisme comporte deux inconvénients. Le premier : c’est un système luxueux. Tout ce qui sort de la zone contrôlée est réputé radioactif, même s’il n’y a pas du tout de contamination. Mais l’inconvénient le plus sérieux est que cela conduit, paradoxalement, à fausser la représentation qu’a le public des déchets radioactifs. Il peut en effet légitimement penser que si l’on prend tant de précautions, c’est que ceux-ci sont très dangereux dès le premier becquerel… Ce qui est évidemment faux".

"A force d’empiler des normes, on atteint une limite difficile à franchir en matière de sûreté ; c’est comme si on avait mis en place un nœud coulant", prévient Dominique Greneche. La France devrait donc mener elle aussi son introspection ? Le scientifique en est persuadé. "Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, Donald Trump a sans doute raison de mettre un coup de pied dans la fourmilière."

© CHIP SOMODEVILLA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Donald Trump, à la Maison-Blanche, mercredi 23 avril 2025.

Jusqu’où la Russie de Vladimir Poutine est-elle allée dans l’IA militaire ?

17 décembre 2025 à 05:45

Depuis quelques mois, les soldats ukrainiens sur le front observent un comportement nouveau des drones Shahed. Ces engins, utilisés en quantité par les Russes pour viser des cibles situées derrière les lignes de front, réalisent des manœuvres pour échapper aux drones intercepteurs ukrainiens. "Les Russes ont installé des caméras à l’arrière des Shahed, et grâce à ça, ils ont appris à nous éviter", indique Hadrien Canter. Pour ce Français, fondateur de l’entreprise Alta Ares, spécialisée dans le développement d’IA de défense pour les drones, il n’y a pas de doute possible. "Ces Shahed font des manœuvres et du ciblage qu’ils ne pourraient pas faire sans intelligence artificielle. Heureusement, nous arrivons toujours à les intercepter, même si c’est plus dur", raconte celui qui était encore il y a peu en Ukraine.

L’intelligence artificielle est de plus en plus présente en Ukraine, avec une "robotisation progressive du champ de bataille", comme le résume Hadrien Canter. Très tôt, l’armée de Volodymyr Zelensky a mis en place des outils pour piloter des essaims de drones, faire de la navigation autonome, et analyser des informations récoltées sur le champ de bataille. La coopération entre les forces ukrainiennes et le secteur privé, aussi bien local qu'international, a été documentée en Europe. Du côté de l’armée russe, "l’IA est largement employée par les pilotes, et par les opérateurs de drones", a récemment déclaré à la presse russe l’ancien colonel et observateur militaire Anatoly Matviychuk. L’IA est "également intégrée dans des systèmes de raisonnement logique, ce qui aide à la prise de décision sur le champ de bataille".

Il est cependant plus difficile de cerner avec précision les avancées russes dans le domaine. "L’accès à l’information est compliqué, déjà à cause du secret de l’armée, mais aussi parce qu’il y a beaucoup de propagande étatique", explique Anna Nadibaidze, chercheuse au centre des études militaires de l’université du Danemark du Sud, spécialiste des applications militaires de l’intelligence artificielle. Outre les déclarations politiques invérifiables qui peuvent exagérer les capacités réelles, les questions de performance en IA sur le terrain militaire sont considérées en Russie comme un symbole de pouvoir sur la scène internationale, ce qui alimente la désinformation. Un fait demeure certain : alors que la guerre s’éternise, la maîtrise de cette nouvelle technologie est une question de plus en plus importante pour Moscou.

Une vieille ambition

Les ambitions russes dans le secteur de l’IA militaire ne datent pas d’hier. Dès 2017, Vladimir Poutine avait désigné l’intelligence artificielle comme un secteur d’importance critique, allant jusqu’à déclarer que celui qui maîtriserait cette technologie "maîtriserait le monde". Le président avait notamment dévoilé à ce moment-là une stratégie nationale pour faire de la Russie la puissance majeure de l’IA, rappelle Yannick Harrel, chercheur en cyberstratégie et expert du monde russe. "Dès le départ, le plan avait prévu des milliards de roubles d’investissement, soit près de 400 millions de dollars." Une somme qui peut aujourd’hui sembler dérisoire à l’échelle des Etats-Unis, mais qui était conséquente en Russie, à une époque où le coût du matériel et de l’énergie était bien moindre.

La Russie dispose alors de nombreux avantages dans la course à l’IA. "Il y a toujours eu une excellente formation en mathématiques là-bas", indique Yannick Harrel, ce qui a permis de former de très bons ingénieurs. Preuve de cette excellence, lors des Olympiades scientifiques, ces compétitions mondiales rassemblant les meilleurs cerveaux, les chercheurs russes arrivent régulièrement sur le podium, comme de nombreux compétiteurs des pays de l’ex-URSS. "Les chercheurs soviétiques avaient posé les bases de modélisations très avancées, notamment en mathématiques fondamentales et avec les premiers supercalculateurs", reprend Yannick Harrel. Les universités russes ont ainsi profité de ces savoirs.

Si le plan concerne au début l’IA civile, "il est prévu d’intégrer la technologie dans les secteurs stratégiques — et cela inclut évidemment le militaire", pointe le chercheur. Il est également écrit que le secteur militaro-industriel doit contribuer à supporter l’IA et les nouvelles technologies.

Ainsi, dès le début, Rostec, l’immense conglomérat rassemblant les entreprises de défense russes, dont Kalachnikov, se joint aux efforts de recherche en IA, avec le développement de logiciels et de systèmes autonomes. Le constructeur de missile Kronstadt participe également au programme, notamment pour les drones autonomes. Des instituts de recherche, dont le Advanced Research Foundation (ARF), équivalent russe de la DARPA américaine, ont pour objectif de développer les armes du futur, dont des véhicules sans pilote, des engins hypersoniques et des cyberarmes. On peut aussi compter ERA, "une sorte de mini-ville dédiée aux recherches en technologies militaires, installée en 2018 dans le sud de la Russie, près de Sotchi", ajoute Anna Nadibaidze.

A ces programmes pilotés par l’Etat russe s’ajoutent les efforts venant du secteur privé, menés par Sberbank, plus grande banque russe et investisseur massif dans les nouvelles technologies, et Yandex, équivalent russe de Google. Les deux groupes travaillent depuis le début des années 2010 sur les technologies de machine learning et de réseaux neuronaux, et bénéficient alors de partenariats technologiques prestigieux. Sberbank et Microsoft lancent en 2019 un programme de recherche conjoint en IA et en robotique et Yandex, en partenariat avec l’université de Tel-Aviv, crée un centre de recherche dédié à l’IA en 2018. L’entreprise fait même rouler, dès 2019, ses taxis autonomes dans les rues de Tel-Aviv.

La guerre en Ukraine, un frein majeur pour l’IA civile…

L’année 2022 marque un tournant dans le développement de l’IA russe. Après l’invasion de l’Ukraine, le pays se voit frappé de nombreux embargos. La collaboration scientifique s’arrête brutalement et les entreprises occidentales ont interdiction de vendre leurs puces et certains logiciels à la Russie. Or, le retard que le pays accuse dans ce domaine est criant : alors que les puces les plus puissantes, celles nécessaires pour entraîner les IA, sont gravées en nœud de 2nm, les fonderies russes ne prévoient de produire qu’à partir de 2030 celles en 28nm, d’après les données du Wall Street Journal.

Le pays fait également face à une pénurie de cerveaux, de nombreux chercheurs ayant quitté le pays peu après le début de la guerre. D’après les propres chiffres du ministère du Travail, d’ici 2030, la Russie manquera de plus de 400 000 experts en informatique. Les fonds viennent aussi à manquer : l’ensemble des entreprises russes d’IA n’a reçu que 30 millions de dollars d’investissement en 2025, à des années-lumière des sommes levées aux Etats-Unis, en Chine ou même en Europe.

Malgré tout, le secteur survit. Sberbank a ainsi développé GigaChat, un chatbot conversationnel concurrent de ChatGPT, sorti en avril 2023. Yandex a rendu public quelques semaines plus tard son propre agent conversationnel, YandexGPT, et propose des services de cloud pour entraîner des intelligences artificielles. L’approvisionnement en puces américaines étant impossible, la Russie s’est tournée vers le marché noir, à travers des entreprises écrans au Kazakhstan et utilise des composants et des puces chinoises.

… mais un accélérateur pour l’IA militaire

Si l’IA civile est en difficulté, les recherches en IA militaire sont, elles, plus actives que jamais. Dès septembre 2022, le ministère de la Défense lance le "Département de l’intégration de l’intelligence artificielle dans le développement des armements", dont le rôle consiste à rassembler les efforts des entreprises privées en IA et les recherches de l’armée, tout en intégrant les retours des soldats sur le terrain pour créer les armes et les outils les plus appropriés.

Des initiatives civiles par des citoyens russes ont même été lancées pour aider les forces armées. Le "Projet Archangel", l’un des plus grands groupes de volontaires civils russes, dont la mission est de former des pilotes de drones pour l’armée, a ainsi lancé le 11 décembre un appel à contribution pour entraîner des IA. Dans un message Telegram que L’Express a pu consulter, le groupe demande à ses membres de lui fournir des vidéos de drones FPV, quadricoptères ou à voilure fixe dans différentes conditions. Les participants sont appelés à filmer ces engins volant à une distance comprise entre 100 et 500 m, dans un cadre forestier, lors de certains types de manœuvres. Des vidéos filmées de nuit, dans des conditions météorologiques difficiles, ou en vision thermique seraient "particulièrement précieuses" et "chaque vidéo contribue à améliorer la précision du système", encouragent les responsables du projet.

Tous ces efforts portent leurs fruits. Les récents succès de Rubicon, l’unité d’élite de drones, sont "très probablement liés aux efforts du ministère de la Défense, ainsi qu’aux données collectées sur le terrain et aux outils IA certainement utilisés pour les analyser", estime Sam Bendett. Le chercheur, spécialiste des programmes militaires russes et auteur de nombreux rapports sur le sujet, notait dès 2023 qu’un drone "Admiral", capable de transporter deux drones FPV, était prétendument équipé d’un système de contrôle et de vision basé sur de l’IA. Toujours en 2023, la presse russe se vantait du lancement des munitions autonomes Lancet-3, qui utilisaient des réseaux neuronaux pour analyser les images enregistrées en vol afin de détecter les cibles et de réaliser des frappes plus précises.

Plus récemment, un nouveau type de drone a été identifié par les troupes ukrainiennes, le V2U. Bien que l’armée russe n’ait pas officiellement reconnu le drone comme faisant partie de son arsenal, ce dernier "volerait en essaims et aurait des capacités d’intelligence plus développées que les autres drones", ajoute Sam Bendett. Des efforts sont également faits au niveau des drones terrestres. Un des exemples notables est le projet de véhicule autonome Marker, potentiellement capable de traiter en temps réel du langage naturel et de naviguer de manière indépendante dans des zones de combat. Bien que des tests aient été conduits en mars 2023 dans le Donbass, "il n’est pas sûr" que le véhicule soit prêt pour une mise en service, notait Sam Bendett dans un rapport.

Si la progression de Moscou en matière d’équipement se base toujours sur des composants étrangers, le pays brille dans d'autres catégories. "Les Russes ont toujours mis en avant leurs talents et leurs capacités à développer des logiciels plutôt que leur capacité à déployer du matériel, domaine dans lequel la Chine et l’Occident ont jusqu’ici eu beaucoup plus de succès", rappelle Sam Bendett. Grâce aux données qu’ils récupèrent sur le champ de bataille, les ingénieurs militaires russes ont une mine d’or à leur disposition. Les forces de Poutine sont sans doute parmi les mieux préparées à la guerre à l’âge de l’intelligence artificielle, confirment plusieurs experts interrogés. Leur capacité à viser de manière de plus en plus précise des troupes ukrainiennes en est un exemple terrible.

Le retard de l’armée russe dans les équipements robotiques est de plus atténué par l’aide de la Chine. "Au début de l’année 2024, les armées russe et chinoise ont conclu des accords sur l’IA militaire, avec notamment un échange de savoir", explique Sam Bendett. La Chine, qui lorgne sur Taïwan et a déjà menacé d’une opération militaire, a en effet beaucoup de leçons à tirer des opérations russes en Ukraine, "en particulier pour l’analyse de grandes quantités de données provenant du champ de bataille et pour le pilotage de drones en essaim", note le chercheur. Les avancées russes en IA militaire risquent de se décliner demain sur d’autres champs de bataille.

© afp.com/Maxime POPOV

Photo prise lors d'une visite guidée avec l'armée russe montrant le général russe Igor Konachenkov qui présente à la presse des drones artisanaux utilisés selon lui par les rebelles pour lancer des attaques sur la base militaire de russe de Hmeimim, le 26 septembre 2019.
Reçu hier — 16 décembre 2025 L'Express

Guerre en Ukraine : les affres de Donald Trump et sa "diplomatie du conditionnel"

16 décembre 2025 à 19:09

Huit heures, c’est la durée des discussions qui ont permis de donner une "chance réelle" au processus de paix, selon les mots du chancelier allemand Friedrich Merz, qui accueillait ses homologues européens et les émissaires américains Steve Witkoff et Jared Kushner à Berlin, le 15 décembre. Si le sujet territorial n’a guère progressé, Européens et Américains se sont en revanche accordés sur le principe d’offrir à Kiev des garanties de sécurité comparables à l’article 5 de l’Otan. "Un premier pas", tempère, à juste titre, Volodymyr Zelensky, qui connaît mieux que personne la versatilité du président américain.

Peut-il – encore - faire confiance à l’homme qui, en début d’année, l’humiliait dans le bureau Ovale, refusait, durant un G7, de qualifier la Russie d’agresseur, affirmait six mois plus tard que l’Ukraine avait les moyens de "revenir à ses frontières d’origine" et, trois mois plus tard, que Moscou a "toujours eu l’avantage" sur le plan militaire ?

Quelle sécurité peut accorder un président qui déclarait en juin dernier que l’article 5 de l’Otan pouvait "s’interpréter de plusieurs façons" et, ce 11 décembre, lâchait du bout des lèvres : "Ouais, ouais, nous pourrions apporter notre aide, notamment en matière de sécurité…"

Syndrome du jokari

Cette diplomatie au conditionnel pose une vraie question : comment bâtir une architecture de sécurité européenne durable sur un terrain aussi meuble ? Emmanuel Macron et ses pairs le savent bien, eux qui, selon le Spiegel, s’inquiètent du possible lâchage de leur "allié" américain qui, tel une balle de jokari, finir toujours par revenir aux thèses du Vladimir Poutine.

Car le président américain a beau assurer avoir eu une discussion "longue" et "très bonne" avec plusieurs dirigeants européens après la rencontre de Berlin, il ne serait prêt, si l’on en croit les informations qui ont filtré sur ces négociations, qu’à coordonner un système de surveillance qui donnerait l’alerte en cas de violation de l’accord de paix. Voire.

Que se passera-t-il si la Russie lance des opérations hybrides en Ukraine ou dans une zone tampon qui serait établie entre les deux pays ? Ou que la Russie, après avoir reconstitué ses forces, recommence à masser des troupes derrière la frontière ukrainienne ?

Poutine ne s’arrêtera pas

Scénario probable, si l’on en croit l’interview accordée par le président russe à India Today, avant sa rencontre avec le Premier ministre indien, Narendra Modi, début décembre. La Russie, a-t-il déclaré, libérera "le Donbass et la Novorossiya" (soit le sud de l’Ukraine jusqu’à la mer Noire) – par des moyens militaires ou autres. Poutine ne s’arrêtera pas aux oblasts de Loughansk et de Donetsk. En face, Trump, l’homme des volte-faces, ne rassure personne.

La question est : peut-on le contraindre à respecter ses engagements ? En exigeant par exemple que le Sénat américain ratifie le texte ? Ce serait déjà un net progrès par rapport au mémorandum de Budapest qui, en 1994, donnait juste à Kiev des "assurances" de la part de la Russie, des États-Unis et du Royaume-Uni pour sa sécurité si elle renonçait à son arsenal nucléaire. On a vu le résultat. En 2014, personne n’a volé au secours des Ukrainiens quand les "petits hommes verts" de Poutine ont annexé la Crimée. Nul doute que les juristes ukrainiens seront cette fois plus attentifs au choix des mots.

© afp.com/Alex WROBLEWSKI

Le président américain Donald Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky le 18 août 2025 à la Maison Blanche

Chômage, destruction d’emplois, inflation… Donald Trump face au mur économique

16 décembre 2025 à 18:53

Donald Trump n’en démord pas, sa politique économique est un succès. D’ailleurs, dans un entretien accordé au Wall Street Journal, le président des Etats-Unis l’assure : si c’était à refaire, il ne changerait rien. "J’ai créé la meilleure économie de l’histoire. Mais il faudra peut-être un certain temps aux gens pour comprendre toutes ces choses-là." Cependant, sur le terrain, les chiffres racontent une tout autre histoire.

Retardés par la paralysie budgétaire - shutdown - de 43 jours, les chiffres de l’emploi du mois dernier ont finalement été publiés ce mardi 16 décembre. Au mois de novembre donc, le marché de l’emploi a montré des signes de dégradation.

Un chômage record depuis 2021

Désormais, le taux de chômage culmine à 4,6 %, un record depuis 2021. 64 000 emplois ont été créés en novembre, un résultat supérieur aux attentes des économistes de MarketWatch qui anticipaient 45 000 nouveaux postes. Mais cette donnée, certes encourageante, n’est pas suffisante pour remédier à la destruction massive emplois dans la bureaucratie et aux coupes budgétaires entreprises par le Département de l’Efficacité gouvernementale (Doge) d’Elon Musk. En octobre seulement, 105 000 postes ont disparu. Depuis le mois de janvier, date de retour au pouvoir de Donald Trump, 271 000 fonctionnaires ont quitté leur poste.

La publication de ces statistiques pour le mois de novembre intervient moins d’une semaine après la décision de la Réserve fédérale (Fed) d’abaisser de 0,25 point ses taux directeurs - le taux d’intérêt fixé par une banque centrale pour les prêts - afin de les maintenir dans une fourchette de 3,5 % à 3,75 %. En cause : les inquiétudes quant à la remontée des risques concernant le marché de l’emploi.

"On peut dire que le marché du travail a continué à ralentir progressivement, peut-être juste un peu plus progressivement que nous le pensions", a déclaré le président de la Fed, Jerome Powell, à l’issue de la dernière réunion du comité.

Une décision qui finit de présager la détérioration de la situation dans les mois à venir. D’ailleurs, Stephen Miran, président du Conseil des conseillers économiques des États-Unis, s’était positionné pour une baisse des taux plus prononcée, convaincu d’un risque de dégradation plus marqué.

Un résultat compromettant pour les Midterms

Un tel bilan fait craindre à Donald Trump de ne pas remporter les élections de mi-mandat - midterms - prévues pour mars 2026. Alors que le climat d’insécurité économique qui régnait en 2024 avait participé à propulser le candidat dans sa course vers la Maison-Blanche, les conséquences délétères de sa politique se font ressentir par les ménages. Interrogé par le Wall Street Journal sur ses pronostics pour les républicains dans les urnes, le président a répondu : "Je ne peux pas vous dire. Je ne sais pas quand tout cet argent va commencer à faire effet".

Et Suzan DelBene, élue de Washington de rétorquer : "Je pense que les politiques économiques du président ont fait leur effet et qu’elles ont augmenté les coûts pour les familles à travers le pays".

Car en plus des résultats décevants du chômage, l’inflation se fait ressentir aux Etats-Unis. Alors que les salaires n’ont augmenté que de 0,1 % en novembre, soit 5 cents en moyenne, les prix des produits de première nécessité continuent de grimper, accentuant la pression qui pèse sur de nombreux ménages. Selon les données de Novel Food Innovation Centre, le bœuf et du veau ont augmenté de 14,7 % de septembre 2024 à septembre 2025. Quant à l’ensemble des produits alimentaires, ils ont augmenté de 3,1 %. Et les dépenses risquent de continuer d’augmenter si les législateurs américains laissent expirer les subventions renforcées de l’Obamacare.

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Le président américain Donald Trump participe à une table ronde à la Maison Blanche, à Washington, le 10 décembre 2025

"Il n’y aura pas d’accord de paix en Ukraine" : l’analyse percutante d’Olivier Zajec

16 décembre 2025 à 18:00

C’est un expert que l’on entend peu, et qui pourtant est l’un des plus pertinents en France sur les questions de géopolitique et de stratégie militaire : Olivier Zajec, enseignant à l’Université Lyon III où il a fondé l’Institut d’Etude de Stratégie et de Défense, est le troisième invité de la nouvelle émission de L’Express, "Les grands entretiens d’Anne Rosencher". Un armistice est-il à portée de main en Ukraine ? Quelle est la stratégie poursuivie par Donald Trump ? Que cherche la Russie de Poutine ? L’Europe doit-elle se préparer à la guerre ? A quel degré est-elle dépendante des Etats-Unis ? Voici un extrait de ces échanges, dont l’intégralité est à retrouver sur YouTube et Dailymotion, mais aussi en audio sur Apple Podcasts, Spotify, Deezer, Castbox ou encore Podcast Addict.

L’Express : En janvier, cela fera un an que Donald Trump a été investi pour la seconde fois président des Etats-Unis. Derrière la forme, qui stupéfie, voyez-vous une cohérence dans sa stratégie sur le dossier ukrainien ?

Olivier Zajec : Stupéfiant est le bon mot : face à Donald Trump, c’est comme si l’on cessait de réfléchir pour ne voir que l’apparence. On est fascinés au mauvais sens du terme, comme un oiseau le serait par les circonvolutions d’un serpent. On prend Trump, d’emblée, pour un dingue qui avance à l’aveugle. Dans l’affaire ukrainienne, c’est symptomatique : on commente ses coups de barre tactiques jusqu’à s’en donner le tournis, sans voir le schéma stratégique dans lequel il agit. A savoir qu’il ne se préoccupe que d’une chose : la place des Etats-Unis dans un système international en train de se reconfigurer totalement. Historiquement, il y a trois piliers dans la défense de l’intérêt national américain : la puissance militaire, la prospérité économique et l’exemplarité morale. Trump est le premier à ne pas citer l’exemplarité morale, à ne pas l’intégrer dans son équation. Mais les deux autres sont ses boussoles de long terme. Son schéma, c’est la défense des intérêts américains, partout, avec qui que ce soit, y compris "contre" ses alliés et dans n’importe quelles circonstances.

Comment cette cohérence de long terme – en gros : " America First" – s’applique-t-elle au dossier ukrainien ?

Trump est fatigué de cette guerre. Il considère que l’Ukraine – qui a été héroïque – ne tient que grâce aux Etats-Unis et aux fournitures d’armes occidentales, et il cherche les leviers pour mettre fin à un conflit qu’il ne juge pas essentiel pour son pays. Trump tient à fermer ce front sur l’échiquier mondial, pour se concentrer le plus rapidement possible sur ce qui lui paraît plus structurant pour les Etats-Unis : l’affrontement ou du moins la compétition avec la Chine. Comme il est impatient, il veut le faire vite, et obtenir un deal avec les Russes sans pour autant tout leur lâcher.

Si la morale n’entre pas dans son équation, pourquoi ne leur lâche-t-il pas tout ? A certains moments, on a eu l’impression qu’il était au bord de le faire…

C’est une affaire d’équilibre de la puissance. Trump est ce qu’on appelle un "néo-réaliste offensif" : tout ce qui peut être pris doit être pris, parce qu’il part du principe qu’on ne sort jamais du dilemme d’incertitude, c’est-à-dire qu’on ne peut jamais savoir ce qui est vraiment dans la tête de son partenaire, allié, adversaire, ennemi. Dans cette perspective, vous devez toujours vous renforcer. Cela veut dire, dans le cas du dossier ukrainien, que les Russes ne peuvent pas aller trop loin ; Kiev ne doit pas tomber ; les équilibres sur le continent européen ne doivent pas être bouleversés. Par ailleurs, Trump est très sensible à quelque chose que les Européens négligent trop pour eux-mêmes : la réputation. Laisser l’Ukraine être avalée – comme certains le plaident dans son entourage - porterait atteinte à la crédibilité des Etats-Unis. Lui cherche une paralysie à la coréenne. Pas un accord de paix, donc, mais un armistice, avec création d’une zone militarisée – une de plus, mais cette fois, en plein cœur de l’Europe, alors qu’on avait cru tout cela derrière nous.

Au début de la guerre, il y avait beaucoup d’analystes pour dire que les Ukrainiens ne tiendraient pas. Puis, pour dire que la Russie ne tiendrait pas, qu’elle s’affaiblissait trop vite, notamment d’un point de vue économique. Pourquoi les a-t-on sous-estimés, les uns comme les autres ?

On se trompe systématiquement lorsqu’on réduit une équation stratégique à ses constituants matériels. Certains comptent le nombre de chars, le nombre de systèmes de missiles, regardent le PIB du pays, ses réserves de change, etc. Or, dans un conflit armé, c’est la tension de volonté qui fait tout. C’est elle qui conditionne la capacité à durer alors que votre vie bascule, que le confort n’existe plus… Vous êtes en guerre. Sur le papier, les Etats-Unis auraient dû gagner au Vietnam en moins d’un an. Pourtant, ils en sont partis perdants. Quand un petit pays n’a pas le choix, quand son existence est en jeu – pas celle de son Etat, mais celle de son peuple -, eh bien, il ne lâche rien jusqu’au bout. Alors, oui, nous n’avons pas mesuré la tension de volonté des Ukrainiens. Mais nous n’avons pas mesuré, non plus, celle des Russes. Parce que, quoi qu’on en pense sur le fond, on n’a pas voulu voir que cette guerre était aussi pour eux une guerre "existentielle". Les Russes considèrent qu’ils sont à proximité de leur barycentre stratégique ; que la perte de leur influence sur l’Ukraine signifierait leur sortie du groupe de polarités de premier niveau ; qu’ils ne feraient plus dialogue égal avec la Chine, les Etats-Unis, etc. Et ça, ils ne l’acceptent pas. Ils ont le sentiment d’avoir été "clochardisés" pendant dix ans après la chute de l’URSS. Ils ont vécu une période noire dont ils se souviendront toujours, et dont l’élection de Poutine était en partie une conséquence. Et donc, les deux nations considèrent cette guerre comme existentielle. L’Ukraine, qui a une identité historique, ne veut pas être avalée par la Russie. Elle ne veut pas, non plus, du destin de "zone tampon", c’est-à-dire de "zone neutre" à laquelle Poutine consentirait au mieux la réduire.

Qu’est-ce qui est encore négociable aujourd’hui ? Compte tenu du rapport de force, et du temps qui ne joue pas en faveur de l’Ukraine… Est-il par exemple encore possible que Poutine rende le Donbass ?

Je ne le pense pas. Il y aura, bien sûr, des analyses différentes de la mienne sur cette question. Mais je pense que Poutine fera du Donbass une ligne rouge. D’autant plus qu’il n’aura jamais un président américain plus ouvert à ses demandes qu’aujourd’hui.

Si Poutine réussit à acter une telle avancée de la frontière russe par un accord de paix, ce sera dramatique pour l’Europe en termes de crédibilité, non ?

D’abord, c’est déjà dramatique. Ensuite, il n’y aura pas d’accord de paix. Ce serait une grave erreur de la part des Etats-Unis, de l’Europe etc. d’entériner le résultat d’une agression militaire, en violation du droit international. En revanche, il peut y avoir un armistice, une sorte de gel du front sans accord de paix, ce qui n’implique pas de reconnaître les conquêtes. Je crois que c’est ce qui aura lieu. Quelles sont les alternatives ? Que les Européens entrent directement en guerre avec la Russie ? Qu’ils convainquent Trump qu’il fait fausse route et qu’il faut aider les Ukrainiens à reprendre l’offensive ? Avec quels leviers ? Aujourd’hui, sur le terrain, militairement, la situation est très difficile pour les Ukrainiens. Ils ne rompent pas, ils se battent, mais le temps joue contre eux. Ils ont atteint le point culminant de leur capacité de négociation – c’est-à-dire la maximisation de ce qu’ils pouvaient obtenir compte tenu des rapports de force – en 2023, lorsque la Russie a reculé. Il y a eu des négociations à Istanbul où l’Ukraine pouvait obtenir bien plus que ce qu’elle ne le pourra, me semble-t-il, aujourd’hui. Mais elle a été incitée par des gens qui n’ont pas vraiment l’esprit stratégique à passer le point culminant. De Gaulle disait : "la proportion rompue entre les moyens et le but, les combinaisons du génie sont vaines". C’est la question de la lucidité que vous conservez dans l’épreuve de force, qui n’est pas seulement une question de moyens matériels, mais aussi un affrontement entre des volontés.

Cette guerre a révélé de façon assez crue, voire cruelle, la dépendance militaire et stratégique de l’Europe vis-à-vis des Etats-Unis. Quels sont le degré et la nature de cette dépendance ?

A un degré très élevé. La majorité des pays européens a accepté de dépendre sur le plan technologique et des moyens de défense des Etats-Unis. A travers les importations, les orientations de budget, etc. Notamment dans tout ce qui concerne "les capacités stratégiques hautes", c’est-à-dire la puissance aérienne, les moyens spatiaux, les centres de commandement, de contrôle, le renseignement, la défense antimissile… Tout ce qui permet à un acteur politique et stratégique de décider pour lui-même, d’orienter son destin. Quant à la nature de cette dépendance, pour la toucher du doigt, il faut se remémorer le spectacle que nous avons donné au sommet de l’Otan à La Haye en juin dernier, via le secrétaire général de l’Alliance, le Néerlandais Mark Rutte, ancien Premier ministre des Pays-Bas. Ce dernier été applaudi par un certain nombre de pays européens pour avoir mis en scène, devant les yeux du monde entier, un exercice de soumission assumé qu’il a nommé la "Daddy diplomacy".

La "diplomatie du papa" ?

Oui, en gros, l’idée est de retenir Trump dans l’Alliance, et pour ce faire, aucun agenouillement n’est superflu. C’était tellement embarrassant ! Dans un article qui a suivi le sommet, une plume mythique du New Yorker, Susan Glasser a décrit un "exercice volontaire d’auto-émasculation" qui a tant gêné les journalistes présents (dont elle), qu’ils ont été "soulagés quand Trump a repris la parole". C’est dire, quand on sait à quel point Glasser ne porte pas Trump dans son cœur. La "Daddy diplomacy", c’est : tout plutôt que de voir le parrain stratégique américain, qui est en fait devenu un souteneur abusif, lâcher l’Europe. C’est catastrophique. En termes de réputation, de crédibilité, les Européens passent pour des acteurs politiques certes prospères, mais engoncés dans une vision très confortable de leur être au monde et qui ne se réveilleront jamais. Parce que si l’on ne se ne réveille pas après deux mandats Trump, si l’on ne comprend pas que l’autonomie stratégique européenne n’est plus une question de choix idéologique, mais une question de survie, dans un échiquier des relations internationales où chacun est en train de prendre ses gains et de combattre pour son propre intérêt, on est complètement aveugles. Il n’y pas trente mille choix : soit on est puissants et protégés par sa propre puissance, soit on est protégés par un puissant. Pour l’instant, l’Europe persiste dans la deuxième solution. Sauf que ce "puissant" est aussi un prédateur.

Ces douze derniers moins, certains pays de l’Union européenne ont néanmoins décidé d’augmenter considérablement leurs dépenses militaires – on pense à l’Allemagne, à la Pologne ou encore la France…

C’est très bien de consacrer davantage de pourcentage de son PIB à la défense. Mais ça ne fait pas tout. Il y a une différence entre investissement et dépense : aujourd’hui, l’Europe dépense. Elle achète des chars coréens, elle achète les systèmes de défense anti-missiles américains, elle achète des avions de combat F-35 qu’elle ne maîtrise pas – et je pense que ceux qui les ont achetés vont déchanter dans les quinze à vingt ans qui viennent, car même s’ils sont des merveilles technologiques, ce sont des pièges stratégiques et politiques. Investir aujourd’hui stratégiquement dans le domaine de la défense, c’est acheter européen. Et si l’on n’a pas ce qu’il faut en "stock", il faut le développer, il faut investir. Alors certains pointent qu’il y aura un délai avant que l'Europe ne puisse produire, fournir ce dont nous avons besoin. Oui. Il faut accepter une fenêtre de vulnérabilité. Sinon, on n’en sortira pas. Quand on achète américain ou israélien ou coréen, on en reprend pour 25 ans de subordination et de dépendance en termes de maintenance, de pièces de rechange, de logiciels… En fait, on continue dans la même direction. Je ne vois tours pas venir le sursaut européen, cette volonté collective de se sevrer, d’arrêter cette drogue-là.

Le nouveau chef d’état-major des armées, Fabien Mandon, a provoqué la polémique en disant qu’il fallait se préparer "à perdre nos enfants pour protéger ce que l’on est". Qu’est-ce que cela a suscité pour vous ?

Je trouve qu’il y a eu de la mauvaise foi et de l’excès des deux côtés de la polémique. Le chef d’état-major des armées est dans son rôle lorsqu’il rappelle qu’une nation – et donc : l’armée de cette nation – doit préparer ses soldats à accepter le risque de la mort comme hypothèse de combat. Tout en mettant tout en œuvre, bien sûr, pour que ce soit l’adversaire qui succombe. La force morale nécessite un entraînement. La volonté, ça se sculpte, ça se prépare, ça se tend. Qu’un chef d’état-major des armées en France, en 2025, le rappelle, étant donné l’environnement international, je n’y trouve rien de choquant. En même temps, ceux qui se sont saisi de ces paroles pour dire "il a raison, vive le général Mandon, allons nous battre contre la Russie tout de suite" étaient également dans le faux. Ils décrédibilisent le discours militaire. "Le patriotisme, c’est de soutenir son pays quoi qu’il arrive, mais son gouvernement seulement quand il le mérite", disait Mark Twain. Dans un Etat démocratique, une stratégie, ça se démontre, et une vision politique de cet ordre-là doit être débattue. Il doit y avoir un débat sur notre prise en compte du court, du moyen et du long terme. Un débat, sur notre dépendance aux Etats-Unis. Un débat sur notre relation à long terme avec la Russie. Car oui, il faut le dire : les Russes ne vont pas déménager, ils vont rester pour l’éternité aux portes de notre continent européen. Que fait-on de cette relation dans les temps qui viennent ? Comment gère-t-on ce couple russo-chinois qui est en train de se former ? La déclaration du chef d’état-major des armées n’est pas une déclaration qui tue le débat géopolitique, mais simplement le rappel d’une évidence stratégique.

© L'Express

Olivier Zajec était l'invité d'Anne Rosencher.

Un boîtier espion trouvé sur un ferry en Méditerranée, la DGSI enquête

16 décembre 2025 à 17:49

La découverte est digne d’un gadget de supervilain dans James Bond. Un système informatique a été repéré sur un ferry accosté à Sète (Hérault), qui permettrait une prise de contrôle à distance du navire. Selon l’AFP qui confirme une information du Parisien, un citoyen letton suspect a même été placé en détention provisoire et mis en examen à Paris ces derniers jours, soupçonné d'espionnage.

Selon un renseignement transmis par les autorités italiennes, le système informatique du navire aurait pu être infecté par un dispositif malveillant de type RAT (remote access tool) qui permet de prendre les commandes à distance. Le navire, baptisé Fantastic, appartient à la compagnie italienne GNV et peut embarquer un peu plus de 2 000 passagers pour des croisières en Méditerranée.

D’abord immobilisé et placé sous scellé, le Fantastic a été fouillé en urgence par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), ce qui a permis de saisir un certain nombre d’éléments. Il a ensuite repris la mer, une fois les constatations techniques réalisées et tout danger écarté pour les personnes à bord.

Un membre d’équipage "proxy" de la Russie ?

Deux membres de l’équipage, un Letton et un Bulgare, identifiés par les autorités italiennes, ont été interpellés et placés en garde à vue la semaine dernière. A l’issue de celles-ci, le suspect letton a été mis en examen et placé en détention provisoire. Le Bulgare a lui été remis en liberté sans qu’aucune charge ne soit retenue à son encontre.

Selon Le Parisien, l’une des hypothèses des agents de la DGSI est que cet homme aurait agi pour le compte d’un service secret étranger. "En tête de la liste des pays suspects : la Russie. Les services du Kremlin recrutent régulièrement des "proxys" - exécutants - originaires de pays d’Europe de l’Est pour commettre des actions d’ingérence, d’espionnage ou violentes sur le sol français pour déstabiliser le pays" détaille le média à l’origine de la révélation.

Selon le parquet de Paris, l’information judiciaire a effectivement été ouverte pour "atteinte à un système de traitement automatisé de données en bande organisée dans le but de servir les intérêts d’une puissance étrangère, participation à une association de malfaiteurs". Des perquisitions ont aussi été menées en urgence en Lettonie avec le soutien d’Eurojust et des autorités lettones.

© afp.com/GERARD JULIEN

L'une des hypothèses de la Direction générale de la sécurité intérieure est qu'un membre d'équipage aurait agi pour le compte d’un service secret étranger.

Ce sondage qui montre que les Européens ont une vision erronée de l'immigration

16 décembre 2025 à 16:26

De nombreux Européens surestiment la part de migrants en situation irrégulière dans leur pays, selon un sondage YouGov réalisé dans sept pays européens et relayé par The Guardian. Entre 44 % et 60 % des personnes interrogées en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni et au Danemark estiment ainsi à tort qu’il y aurait davantage de migrants illégaux que légaux, alors que les données disponibles montrent que l’immigration irrégulière reste largement minoritaire. En Pologne, seul pays d’Europe centrale inclus dans l’enquête, l’opinion publique est divisée : 36 % estiment qu’il y a plus de migrants illégaux que légaux dans le pays, contre 28 % qui pensaient l’inverse, et 22 % qui jugeaient les proportions identiques.

Cette perception erronée alimente une forte hostilité à l’immigration. Dans l’ensemble des pays sondés, 40 à 60 % des répondants se prononcent en faveur d’une baisse significative des flux migratoires. Environ la moitié soutient même à travers tous ces pays un gel total des nouvelles arrivées, auquel s’ajouterait un dispositif des départs forcés de migrants récents. Tandis que les augmentations de l’immigration sont très largement rejetées.

Moins hostile aux migrants "qualifiés"

Les répondants favorables aux renvois ciblent en priorité les migrants ayant enfreint les règles, les demandeurs d’asile en situation irrégulière ou les personnes perçues comme venues pour bénéficier des aides sociales. À l’inverse, les migrants légaux qualifiés - notamment les médecins, les étudiants étrangers ou les travailleurs hautement qualifiés - suscitent beaucoup moins de rejet.

À travers ces chiffres, l’enquête suggère donc que la population comprend les arbitrages économiques liés aux politiques migratoires, et est nettement moins encline à soutenir une baisse de la migration si celle-ci entraînait des inconvénients significatifs. "Interrogés sur leur préférence entre la réduction de l’immigration et le maintien des effectifs des services de santé, le comblement des postes qualifiés vacants et l’attraction des meilleurs talents dans leur pays, les répondants ont invariablement déclaré privilégier ces alternatives", illustre ainsi The Guardian.

L’angoisse sous-jacente de l’identité nationale

Mais si de nombreux Européens reconnaissent l’utilité des migrants pour combler les pénuries de main-d’œuvre qualifiée dans des cas spécifiques, ces arguments ne suffisent pas à lever les oppositions. Les bénéfices plus abstraits de l’immigration - comme l’amélioration globale de l’économie, l’augmentation du nombre de contribuables ou le respect des obligations humanitaires internationales - convainquent par exemple beaucoup moins, selon les chiffres de YouGov.

D’autres facteurs viennent aussi peser dans la balance : des majorités comprises entre 53 % et 57 % en France, en Italie et en Allemagne, ainsi que 47 % des Polonais, estiment que même les migrants légaux ne "partagent pas les mêmes valeurs" qu’eux, tandis que 49 % à 57 % des Français, des Italiens et des Allemands déclarent que les migrants légaux ne s’intègrent pas bien. Des résultats indiquant que le débat sur l’immigration reste marqué par des "angoisses" liées à l’identité nationale, au sentiment de cohésion sociale et culturelle et à une crainte d’une perte de repères, des facteurs que toute politique migratoire devra prendre en compte.

© afp.com/NICOLAS TUCAT

Le besoin en main-d'oeuvre de pays européens vieillissants les pousse à accueillir une immigration de travail

Allemagne : comment l'AfD tente de déclassifier des informations militaires au profit de la Russie

16 décembre 2025 à 16:13

Est-ce une lubie populiste ? Après Donald Trump, l’AfD formule à son tour des demandes de déclassification. Mais outre-Rhin, le parti allemand d’extrême droite ne s’intéresse pas à l’assassinat de JFK ou aux ovnis mais plutôt aux détails de la stratégie militaire allemande, particulièrement dans son aide à l’Ukraine. Des informations sensibles qui, si elles étaient rendues publiques, pourraient largement bénéficier à la Russie.

Et cette attaque est coordonnée. Les parlementaires de l’AfD ont, tour à tour, exigé des révélations du gouvernement sur les activités de la Bundeswehr. Quel est l’itinéraire exact emprunté par l’armée allemande pour acheminer son aide à l’Ukraine ? L’Allemagne a-t-elle fourni un système de roquettes à longue portée à Kiev, capable de frapper le territoire russe en profondeur ? Quel est l’état opérationnel des équipements de drones de la Bundeswehr ? Quelle est la stratégie allemande de "défense contre les drones hostiles" ? Au total, le parti d’extrême droite a formulé plus de 7 000 demandes relatives à la sécurité dans les parlements des Länder allemands - parlements régionaux — selon les révélations du Spiegel.

Les parlements locaux assaillis

Ces questions, trop détaillées au goût des opposants de l’AfD, attisent les soupçons. En octobre 2025, le ministre de l’Intérieur du Land de Thuringe, Georg Maier, accuse le parti d’espionnage au profit de Vladimir Poutine. "Depuis quelque temps, nous constatons avec une inquiétude croissante que l’AfD abuse de son droit parlementaire de poser des questions afin d’enquêter systématiquement sur nos infrastructures critiques", avait-il confié aux journalistes du quotidien Handelsblatt.

Interpellé par "l’intensité et la profondeur dans les détails croissantes" des quelque dizaines d’intervention des élus de l’AfD de Thuringe sur les douze derniers mois, Georg Maier a déclaré avoir l’impression "que l’AfD traite une liste de commandes du Kremlin avec ses demandes." Et l’espionnage ne serait pas une première à l’AfD. En septembre, l’ex-assistant d’un député de l’AfD était condamné pour espionnage au profit de la Chine.

Cette bataille dépasse les frontières de Thuringe. A Brandebourg, les Verts ont également établi une liste des questions qui ont éveillé leurs soupons. Ici encore, les interventions de l’AfD gravitaient autour des drones et la défense civile allemande.

"Tenus en laisse par le Kremlin"

Quant au Bundestag, le Parlement fédéral, il n’a pas échappé non plus à son lot d’interventions inquiétantes. Comme le révèle le New York Times, des journalistes auraient reçu une liste de questions de l’AfD dont une demande de déclassification du programme de défense de l’armée allemande.

Marc Henrichmann, le président de la commission de contrôle des services secrets au Bundestag a recensé un total de 47 demandes portant sur la sécurité nationale en provenance du parti d’extrême droite. Et le parlementaire de cingler : "Ils sont tenus en laisse par le Kremlin". Car si les prises de parole de l’AfD inquiètent la classe politique, les relations du parti avec Moscou ne peuvent qu’attiser les tensions. A plusieurs reprises depuis le début de la guerre, ses élus se sont rendus en Russie, ont remis en cause le soutient allemand à l’Ukraine et tenu des discours élogieux à l’égard de Vladimir Poutine.

"Nous traiter de nazis ne fonctionne plus"

Des accusations que réfute fermement l’AfD, qui assure que ses détracteurs ont volontairement mal interprété ses questions au gouvernement pour des raisons politiques. Selon le New York Times, une intervention que Georg Maier jugeait suspecte concernait pourtant la construction d’une route en Thuringe. A la suite de l’interview du ministre du Lander dans Handelsblatt, le parti d’extrême droite a intenté des poursuites en diffamation contre l’homme politique et le titre de presse. Si la plainte contre Handelsblatt a été rejetée par la justice, celle contre Georg Maier est toujours en cours.

"Nous traiter de nazis ne fonctionne plus, maintenant, ils essaient de nous présenter comme des agents de la Russie", avait déploré Tino Chrupalla, le président de l’AfD, en octobre après une première vague de révélations sur les demandes de déclassifications du parti.

© afp.com/John MACDOUGALL

Le Bundestag, chambre basse du Parlement allemand, à Berlin le 2 avril 2024

Immobilier, consommation… Les inquiétants signaux de l’économie chinoise

16 décembre 2025 à 15:27

Le mois de novembre a révélé un net ralentissement de l’économie chinoise. La raison ? Le manque de consommation des Chinois eux-mêmes. Partout, leurs dépenses baissent : la croissance des ventes au détail est tombée à 1,3 % sur un an, son niveau le plus bas depuis 2022. Les ventes de voitures ont reculé de 8,3 %, celles d’électroménager de près de 20 %, selon une note de Goldman Sachs consultée par Les Échos.

Les investissements immobiliers ont chuté de 16 % entre janvier et novembre par rapport à la même période de 2024. La production industrielle, quant à elle, continue d’augmenter, mais à un rythme légèrement inférieur (+ 4,8 % en novembre contre + 4,9 % un an plus tôt), signalant un ralentissement plus général de l’activité.

La Chine ne pourra pas se reposer sur ses exportations

Il s’agit de l’une des premières baisses marquées de l’investissement enregistrées dans l’histoire récente du pays. Jusqu’à présent, la Chine avait compensé la faiblesse de sa demande intérieure par la vigueur de la demande extérieure, en écoulant à l’étranger son surplus de production et en soutenant ainsi sa croissance économique. Ce mois de décembre, l’excédant commercial chinois a dépassé pour la première fois les 1 000 milliards de dollars.

Mais cette stratégie atteint ses limites. La deuxième économie mondiale n’a plus le luxe de s’appuyer sur ses seules exportations : selon le Fonds monétaire international, la Chine est trop grande et trop peuplée pour fonder son modèle de croissance sur ce seul levier. La consommation intérieure doit donc redevenir le principal moteur de l’activité. Le 11 décembre dernier, le FMI a exhorté explicitement la Chine à réorienter son économie sur une relance de la consommation intérieure plutôt que vers des exportations de masse.

Pas nouvelle, la dynamique avait jusqu’ici été enrayée par des dispositifs de soutien mis en place ces dernières années via des subventions publiques aux biens de consommation. Essoufflées aujourd’hui, ces politiques publiques ont surtout permis d’avancer des achats plutôt que de créer une dynamique durable. L’an dernier, Pékin avait notamment consacré environ 36 milliards d’euros à des coupons incitant les ménages à remplacer leurs appareils électroménagers et électroniques usagés par du neuf. Selon l’agence de presse officielle Xinhua, ce programme avait généré près de 240 milliards d’euros de ventes — un effet aujourd’hui largement retombé.

Les conséquences de l’effondrement immobilier chinois

Ces nouveaux chiffres révèlent la difficulté croissante du gouvernement à restaurer la confiance des ménages, ébranlée par le choc du Covid-19 puis par l’effondrement du marché immobilier. Les faillites retentissantes de promoteurs comme Evergrande ou Country Garden ont profondément affecté la consommation dans un pays où l’épargne des ménages est majoritairement investie dans la pierre.

La crise immobilière a également privé les gouvernements locaux d’une source essentielle de revenus, limitant leur capacité à financer des projets d’infrastructures publiques. Et les signaux récents ne rassurent pas davantage : China Vanke, l’un des derniers grands promoteurs encore debout, n’a pas obtenu l’aval nécessaire pour reporter le remboursement d’une obligation arrivée à échéance, se rapprochant ainsi de la faillite.

Des réponses politiques encore attendues

Face au risque d’un ralentissement prolongé, les autorités chinoises affichent leur volonté de réagir. Selon le Wall Street Journal, les principaux dirigeants du pays se sont engagés à faire du soutien à la demande intérieure une priorité à partir de 2026. L’agence de presse officielle Xinhua rapporte par ailleurs que des responsables politiques et des dirigeants de grandes entreprises, réunis début décembre lors de la réunion annuelle du Parti consacrée aux questions économiques, ont promis des mesures visant à accroître les revenus des ménages.

Dans le même esprit, Xi Jinping a déclaré durant cette réunion que la Chine continuerait "d’étendre la demande et d’optimiser l’offre" en 2026. Des "initiatives spéciales" doivent être mises en œuvre pour stimuler la consommation, a-t-il décrété tandis que certaines "restrictions déraisonnables" seraient levées, signe d’une prise de conscience des limites du modèle actuel.

© L'Express

En un an, les ventes de voitures ont reculé de 8,3 %, celles d’électroménager de près de 20 % en Chine.

Ce plan du Pentagone qui prépare une réorganisation profonde de l'état-major

16 décembre 2025 à 13:06

"Des rééquilibrages majeurs au sein des forces armées américaines". C’est ainsi que le Washington Post décrit le projet actuellement à l’étude au Pentagone, visant à restructurer en profondeur le commandement militaire des Etats-Unis. Elaborée par de hauts responsables du département de la Défense, cette proposition prévoit de réduire l’influence de plusieurs grands états-majors et de redistribuer l’autorité entre les généraux de haut rang, dans le cadre d’une politique de consolidation impulsée par le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth.

Selon le Washington Post, le chef d’état-major interarmées, le général Dan Caine, devrait présenter ce plan à Pete Hegseth dans les prochains jours. Toute réforme de cette ampleur nécessiterait ensuite l’aval du secrétaire à la Défense et du président Donald Trump, avant d’être mise en œuvre via le plan de commandement unifié du Pentagone, qui définit les responsabilités au sommet de l'appareil militaire.

Concrètement, la réforme envisagée entraînerait les changements les plus importants depuis plusieurs décennies, selon le Washington Post. Elle concrétiserait notamment la volonté affichée par Pete Hegseth de rompre avec le statu quo et de réduire drastiquement le nombre de généraux quatre étoiles. Le plan prévoit ainsi de reléguer au second plan les quartiers généraux du Commandement central des Etats-Unis, du Commandement européen et du Commandement pour l’Afrique, qui seraient placés sous l’autorité d’une nouvelle structure, baptisée Commandement international des Etats-Unis, selon cinq sources proches du dossier citées par le Washington Post.

Une réorientation des priorités

Ce projet s’inscrit dans une stratégie plus large de l’administration Trump visant à réorienter les priorités militaires américaines. Jusqu’ici concentrés sur l’Asie occidentale, l’Europe et l’Afrique, les efforts seraient appelés à se déplacer vers un renforcement des opérations dans l’hémisphère occidental. Une inflexion stratégique cohérente avec la stratégie de sécurité nationale publiée en décembre, qui affirme que "l’époque où les Etats-Unis soutenaient l’ordre mondial tout entier, tel Atlas, est révolue".

Le document anticipe l'"effacement civilisationnel" de l’Europe et survole la stratégie sur l’Afrique et le Proche-Orient en quelques paragraphes. Il vise à réorienter la politique sécuritaire américaine au regard des évolutions géopolitiques, mais surtout des intérêts de Washington nouvellement définis.

Autre évolution importante : le Commandement Sud et le Commandement Nord des Etats-Unis, actuellement distincts, seraient regroupés sous un nouveau quartier général unique : le Commandement des Etats-Unis pour les Amériques, ou "Americom". Ce projet, révélé en février 2025 par NBC News, viserait à centraliser la supervision des opérations militaires sur l’ensemble du continent américain. Une option consistant à créer un Commandement arctique rattaché à Americom a également été envisagée, avant d’être finalement abandonnée, selon des sources proches du dossier.

Un manque de transparence

"Pris ensemble, ces rééquilibrages réduiraient le nombre de commandements de combat de haut niveau — les commandements opérationnels — de 11 à 8. Ils diminueraient également le nombre de généraux quatre étoiles et d’amiraux relevant directement du secrétaire à la Défense", décortique toujours le Washington Post. Les commandements maintenus seraient ceux de l’Indo-Pacifique, du Cyberespace, des Opérations spéciales, de l’Espace, du Commandement stratégique et du Commandement des transports des États-Unis.

Si le projet n’en est encore qu’au stade de la proposition, son élaboration suscite des interrogations. Le Pentagone a jusqu’à présent communiqué très peu d’informations au Congrès, un manque de transparence qui a "perturbé les commissions des forces armées du Sénat et de la Chambre des représentants, pourtant à majorité républicaine", souligne le Washington Post. L’entourage de Pete Hegseth a refusé dans un communiqué au journal de commenter de "supposées discussions internes", ajoutant que toute information évoquant des divisions entre responsables sur la question était "complètement fausse".

© AFP

Washington, États-Unis | AFP | mardi 16/12/2025 - 12:18 UTC+1 | 400 mots

Le Pentagone planche sur une réorganisation profonde de l'état-major de l'armée américaine, qui réduirait notamment le nombre de généraux quatre étoiles et l'importance des commandements en Europe et en Afrique, affirme mardi le Washington Post.

Derrière le Mercosur et la dermatose, une agriculture française en péril

16 décembre 2025 à 11:51

Le 29 juin 2025 restera une date noire pour les éleveurs de bovins. Ce jour-là, apparaît pour la première fois dans le pays un foyer de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) en Savoie. Six mois plus tard, les foyers essaiment dans l’Hexagone, tandis que la ministre de l’agriculture jongle entre campagne de vaccination et abattages de troupeaux pour tenter d’ériger un "mur sanitaire". La colère gronde, la désinformation s’amplifie, sur fond de désespoir paysan. Prudent, l’Elysée cherche une nouvelle fois à gagner du temps sur le dossier du Mercosur, autre sujet sensible.

Mercosur, DNC : les deux irritants du moment en cachent un autre, peut-être plus inquiétant, car révélateur des faiblesses de la "ferme France". En 2025, l’excédent commercial agroalimentaire du pays aura entièrement fondu. Non seulement nos exportations de vins et de cognac, de céréales ou de produits laitiers, qui engrangeaient traditionnellement des milliards d’excédents sont à la peine, mais les fruits et légumes espagnols ne se sont jamais aussi bien vendus chez nous. Quant aux importations de cacao ou de café, elles sont de plus en plus coûteuses.

Conséquence : notre balance alimentaire, qui affichait un solde de 4 milliards d’euros en 2024, devrait tourner cette année autour de zéro, voire virer dans le rouge, une première depuis un demi-siècle. A l’époque, nos gouvernants n’avaient de cesse d’encourager la modernisation de l’agriculture française. En témoignent les mots du Premier ministre Georges Pompidou, à Aurillac, en 1967 : "La révolution économique fait que l’urbanisation se développe, que les populations des villes grandissent et que les méthodes modernes d’exploitation permettent des rendements très supérieurs, donc une production fortement accrue. Il y a par conséquent nécessité pour les agriculteurs de pouvoir vendre des quantités de produits chaque jour plus importantes vers la ville ou vers les marchés étrangers proprement dits."

"On a perdu le match"

Message bien reçu : en 2000, la France occupe la deuxième place européenne avec un excédent alimentaire de 10 milliards d’euros, derrière les Pays-Bas (+ 15 milliards). "Mais aujourd’hui, les Pays-Bas affichent un solde de 45 milliards, tandis que celui de la France est nul : on a perdu le match", constate Vincent Chatellier, ingénieur de recherche à l’Inrae. En cause, l’érosion de la compétitivité agricole.

Mais ce n’est pas la seule raison. Car la "ferme France" souffre d’abord de son rétrécissement : le nombre d’exploitations se réduit comme peau de chagrin et la production agricole s’affaisse. En cause, le manque de perspectives. « Quand on ne gagne pas assez d’argent à long terme, notamment dans l’élevage, on investit moins, on robotise moins, on améliore moins la productivité », précise Vincent Chatellier.

Surtout, les paysans finissent par renoncer : l’agriculture est victime d’une disparition silencieuse. Les troupeaux suivent la même tendance : on comptait au début de l’année 3,1 millions de vaches laitières en France, un chiffre divisé par deux ans en quarante ans. On se souvient de cette phrase culte de Jacques Chirac, au salon de l’agriculture en 2005. "Ce ne sont pas des bovins, c‘est des chefs-d’œuvre". Des chefs-d’œuvre désormais en péril.

© afp.com/Matthieu RONDEL

Cette photographie montre le tracteur d'un agriculteur arborant le drapeau de la Coordination Rurale (CR) à Bordes-sur-Arize, le 10 décembre 2025

Trinité-et-Tobago, cette île minuscule au rôle crucial dans le conflit entre Donald Trump et Nicolas Maduro

16 décembre 2025 à 10:30

Petite république insulaire posée aux portes du Venezuela, Trinité-et-Tobago s’impose depuis plusieurs mois comme un allié assumé de Donald Trump dans les Caraïbes. De quoi érafler durablement ses relations avec Caracas. Dernier épisode en date : l’archipel a été accusé, lundi 15 décembre, par le Venezuela, d’avoir participé à la saisie par les Etats-Unis d’un pétrolier transportant du brut vénézuélien, une première dans l’escalade entre Washington et le pouvoir de Nicolas Maduro.

L’opération, impliquant des hélicoptères et des soldats américains descendus en rappel sur le pont du navire, a été dénoncée par Caracas comme un "acte de piraterie internationale". Trinité-et-Tobago a immédiatement rejeté toute implication directe. La Première ministre Kamla Persad-Bissessar, élue en mai dernier et proche de Donald Trump, a affirmé ne pas être "perturbée" par les accusations, invitant les autorités vénézuéliennes à "adresser leurs plaintes au président Trump", selon des déclarations transmises à l’AFP.

Dans la foulée, Port-d’Espagne a toutefois autorisé les Etats-Unis à utiliser ses aéroports "pour les semaines à venir" pour des opérations de nature logistique, alimentant la colère de Caracas. Depuis août, Washington a renforcé sa présence militaire dans les Caraïbes, officiellement pour lutter contre le narcotrafic. Le Venezuela y voit une stratégie de pression visant à affaiblir le régime Maduro et à contrôler ses immenses ressources pétrolières.

Une position stratégique

En réponse, le gouvernement vénézuélien a annoncé la suspension immédiate de tous les contrats et négociations liés à l’approvisionnement en gaz naturel de Trinité-et-Tobago, prolongeant une rupture amorcée dès la fin octobre. Une décision lourde de conséquences pour l’archipel, historiquement dépendant de la coopération énergétique avec son voisin.

De taille modeste — 1,4 million d’habitants et une armée de moins de 6 000 soldats — Trinité-et-Tobago est située à une dizaine de kilomètres seulement des côtes vénézuéliennes. Fin octobre, l’archipel a accueilli le navire de guerre américain USS Gravely, tandis qu’un contingent de Marines a mené des manœuvres du 16 au 21 novembre. Après avoir nié leur présence, la Première ministre a reconnu que plus de 100 Marines travaillaient sur des infrastructures aéroportuaires et de surveillance.

Le rapprochement avec Washington est assumé. Kamla Persad-Bissessar n’a cessé de multiplier les déclarations hostiles au pouvoir vénézuélien, tout en assurant que les États-Unis n’utilisent pas le territoire trinidadien pour lancer des attaques contre Caracas. Son discours sécuritaire, très aligné sur celui de Donald Trump, s’inscrit à la fois dans une stratégie de lutte contre le crime organisé et dans un opportunisme économique assumé. En septembre dernier, la septuagénaire appelait sans détour l’armée américaine à "tuer violemment" les trafiquants, dans un message publié le 2 septembre sur son compte WhatsApp, selon Le Monde.

Une alliance critiquée

Pour les Etats-Unis, Trinité-et-Tobago représente un point d’appui stratégique, dans un contexte de regain d’influence américaine en Amérique latine. La visite, fin novembre, du chef d’état-major américain Dan Caine à Port-d’Espagne — une première pour un responsable militaire de ce rang — a confirmé l’importance de l’archipel dans la campagne américaine dans les Caraïbes. Washington a également installé un radar sur le nouvel aéroport de Tobago, renforçant ses capacités de surveillance régionale.

Mais cette alliance étroite ne va pas sans risques. A Caracas, le ministre de l’Intérieur Diosdado Cabello accuse la Première ministre trinidadienne de "mettre en danger les relations bilatérales" et la sécurité de sa population. Des voix plus nuancées s’élèvent toutefois dans la région. Pour l’expert en sécurité Garvin Heerah, cité par The Hill, "le Venezuela restera notre voisin", notamment en matière de pétrole et de gaz. Dans le pays même, la ligne dure du gouvernement divise : la presse et une partie de la société civile dénoncent une perte de souveraineté et un alignement excessif sur Washington. En septembre, le Trinidad and Tobago Newsday tranchait : "Kamla roule pour Trump".

© afp.com/MARTIN BERNETTI

Le navire de guerre américain USS Gravely, quitte le 30 octobre 2025 Trinité-et-Tobago où il était positionné depuis dimanche dans le cadre du déploiement militaire américain dans les Caraïbes pour une opération antidrogue

Guerre en Ukraine : la participation des Européens aux négociations "n’augure rien de bon" selon Moscou

16 décembre 2025 à 18:39

Volodymyr Zelensky s’était félicité lundi 15 décembre de "progrès" dans les négociations avec les Etats-Unis pour mettre fin à la guerre avec la Russie, les Européens avançant de leur côté la proposition d’une force multinationale pour garantir la paix en Ukraine. Donald Trump s’est lui montré très optimiste, après s’être entretenu avec le président ukrainien et plusieurs dirigeants européens. Mais la Russie elle ne se montre pas si encourageante face à cette nouvelle dynamique, qui "en termes d’acceptabilité n’augure rien de bon", a réagi mardi 16 décembre le Kremlin, qui assure ne pas encore avoir connaissance des propositions européennes en termes de garantie de sécurité pour l’Ukraine. Dans le même temps, la Russie a affirmé avoir le "contrôle" de Koupiansk, ville-clé du nord-est de l’Ukraine, où les forces ukrainiennes ont revendiqué récemment la reprise de plusieurs quartiers à l’armée russe.

Les infos à retenir

⇒ La Russie affirme avoir le "contrôle" de la ville de Koupiansk

⇒ La France réclame des garanties "robustes" pour Kiev avant toute discussion territoriale

⇒ Le Kremlin estime que la participation des Européens aux négociations n’augure "rien de bon" en termes d’acceptabilité par la Russie

La participation des Européens aux négociations sur l’Ukraine "n’augure rien de bon" réagit Moscou

"La participation des Européens, en termes d’acceptabilité (de l’accord par Moscou), n’augure rien de bon", a déclaré le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, cité par les agences de presse russes. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’était félicité lundi de "progrès" dans les négociations à l’issue de rencontres à Berlin avec les émissaires américains Steve Witkoff et Jared Kushner, les Européens avançant de leur côté la formation d’une "force multinationale pour l’Ukraine", qui serait constituée de "contributions de nations volontaires et soutenue par les Etats-Unis". Ils évoquent aussi "un mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu dirigé par les Etats-Unis".

Le Kremlin a dit mardi ne pas avoir pris connaissance de ces propositions européennes publiées la veille. "Pour l’instant, nous n’avons vu que des publications dans les journaux et nous n’y réagirons pas. Nous n’avons pas vu le texte. Quand nous le verrons, nous l’analyserons" a déclaré Dmitri Peskov. Cela précédera l’organisation d’une nouvelle rencontre, avec sa propre participation, à ce sujet.

Investissement sans précédent de Londres dans la défense aérienne ukrainienne

Selon le secrétaire à la défense britannique, John Healey qui s’exprimait à l’ouverture d’une réunion du groupe de contact pour la défense de l’Ukraine ce mardi, le Royaume-Uni va fournir à Kiev des moyens de défense aérienne, des missiles et des tourelles automatisées pour abattre les drones d’une valeur de 600 millions de livres (685 millions d’euros). "La défense aérienne est une priorité absolue. C’est pourquoi je peux confirmer aujourd’hui le plus important investissement jamais réalisé par le Royaume-Uni en une seule année dans la défense aérienne ukrainienne" a-t-il déclaré. Avant d’annoncer annoncer le lancement imminent de la production de drones intercepteurs Octopus au Royaume-Uni, dont plusieurs milliers doivent être fournis chaque mois à l’Ukraine.

L’Allemagne renforce les défenses antiaériennes de l’Ukraine

A la sortie de la réunion du groupe de contact pour l’Ukraine, l’Allemagne a réaffirmé, mardi, son engagement à poursuivre et renforcer son soutien militaire à l’Ukraine. Le ministre de la défense Boris Pistorius a annoncé que Berlin prévoyait d’allouer 3 milliards d’euros supplémentaires d’aide militaire l’an prochain, portant le total de l’aide allemande prévue pour 2026 à 11,5 milliards d’euros. L’Allemagne prévoit aussi de livrer à l’Ukraine un grand nombre de missiles Sidewinder puisés dans ses propres stocks, selon Le Monde. Durant la réunion, Boris Pistorius a souligné que la sécurité de l’Ukraine était "étroitement liée" à celle de l’Europe et que l’objectif était de permettre à Kiev de négocier à partir d’une position de force.

L'ONU s’inquiète des libertés en territoires ukrainiens occupés

Le Haut-Commissaire de l'ONU pour les droits de l’homme s’est inquiété mardi d’une diminution des libertés dans les territoires ukrainiens occupés par la Russie. "Nos conclusions font état d’un durcissement des restrictions à la liberté de circulation, d’expression et de religion", a déclaré Volker Türk, devant le Conseil des droits de l’homme de l'ONU. Il a souligné que l’accès à Internet et aux services de messagerie a été encore "davantage limité". Il a par ailleurs indiqué que "les confiscations de biens par les autorités russes dans les territoires occupés, en violation du droit international humanitaire, suscitent des inquiétudes croissantes".

La défense du flanc oriental de l’Europe doit être une priorité "immédiate"

La défense du flanc oriental de l’Europe doit être une priorité "immédiate" en raison de la menace russe, ont déclaré mardi les dirigeants de huit pays du nord et de l’est de l’Europe lors d’un sommet à Helsinki.

"La Russie reste une menace aujourd’hui, demain et dans un avenir prévisible", a dit le Premier ministre finlandais Petteri Orpo, à l’occasion d’une conférence de presse.

La Russie condamnée pour la répression d’organisations liées à Navalny (CEDH)

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné mardi la Russie pour de nombreuses mesures contre des organisations liées à l’opposant Alexeï Navalny, destinées à éliminer l’opposition. Parmi ces mesures, prises à partir de 2019, des perquisitions coordonnées à grande échelle, saisie de biens, gel de comptes bancaires, classification de l’organisation de Navalny (le Fonds de lutte contre la corruption, le FBK) comme "agent de l’étranger" puis sa qualification "d’extrémiste". Charismatique militant anticorruption et opposant numéro un à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny est mort en février 2024 dans des circonstances troubles dans une colonie pénitentiaire de l’Arctique russe.

Mise en place d’un organisme européen pour statuer sur les réparations

De hauts responsables européens se réunissent mardi pour approuver la mise en place d’un organisme international basé à La Haye et chargé de statuer sur les réparations à verser à l’Ukraine pour compenser l’invasion russe. La "Commission internationale des réclamations pour l’Ukraine" évaluera et statuera sur les demandes de réparations, y compris sur les montants à verser, sachant qu’un "registre des dommages" existe déjà et a reçu environ 80 000 demandes d’indemnisation émanant de particuliers ou d’organisations.

La création de cet organisme doit être approuvée lors d’un sommet de haut niveau à La Haye, auquel participent le président ukrainien Volodymyr Zelensky et la cheffe de la politique étrangère de l’Union européenne, Kaja Kallas.

La Russie affirme avoir le "contrôle" de la ville de Koupiansk

La Russie a affirmé mardi 16 décembre avoir le "contrôle" de Koupiansk, ville-clé du nord-est de l’Ukraine, où les forces ukrainiennes ont revendiqué récemment la reprise de plusieurs quartiers à l’armée russe. "La ville de Koupiansk est sous contrôle de la 6e armée russe", a déclaré à l’agence officielle russe TASS Léonide Charov, porte-parole du groupement militaire russe Zapad, déployé dans cette zone.

La Russie avait affirmé avoir capturé Koupiansk en novembre, l’Ukraine assurant ensuite en avoir repris plusieurs quartiers. De "petits groupes" de soldats ukrainiens tentent "tous les jours" de pénétrer dans Koupiansk, a reconnu Léonide Charov, tout en insistant que "tous les quartiers sont sous contrôle des forces russes".

Volodymyr Zelensky avait déclaré vendredi avoir rendu visite aux troupes dans la zone de Koupiansk, dans une vidéo publiée après l’annonce par Kiev de la reprise de deux localités proches et de plusieurs quartiers de cette ville clé du nord-est de l’Ukraine. Sa visite est intervenue peu après une annonce par les forces ukrainiennes d’une "percée" dans la zone de Koupiansk, le noeud ferroviaire clé de la région de Kharkiv.

La France réclame des garanties "robustes" pour Kiev avant toute discussion territoriale

La France a de nouveau réclamé l’établissement de "garanties de sécurité robustes" pour Kiev avant d’aborder l’épineuse question des territoires ukrainiens dont la cession est exigée par Moscou, a indiqué mardi l’entourage d’Emmanuel Macron après des réunions sur la question à Berlin. "Nous avons progressé sur la question des garanties, sur la base du travail accompli par la coalition des volontaires, grâce à une clarification des modalités du soutien américain", a indiqué l’entourage du président français.

Le président américain Donald Trump, qui a maintes fois promis d’obtenir une paix rapide en Ukraine, veut un arrêt des combats coûte que coûte. Il a multiplié les signes d’agacement vis-à-vis de Kiev, alors que son pays est un soutien clé face à l’invasion russe débutée en 2022.

Un plan américain pour l’Ukraine, présenté en novembre, avait été jugé très favorable à Moscou, et Kiev ainsi que les Européens s’efforcent depuis de le remanier. Dimanche et lundi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a négocié à Berlin avec les émissaires américains Steve Witkoff et Jared Kushner, gendre de Donald Trump, pour tenter d’aboutir à un compromis. Un dîner de travail était ensuite prévu entre eux et des dirigeants européens, dont le Premier ministre britannique Keir Starmer et le président français.

Washington promet des garanties de sécurité "très fortes" à l’Ukraine

Les Etats-Unis ont assuré lundi avoir offert à Kiev des garanties de sécurité "très fortes", comparables à la protection qu’offrirait l’Otan, mais néanmoins acceptables, selon eux, pour la Russie. "Nous sommes plus proches aujourd’hui que nous n’avons jamais été" d’un accord mettant fin à la guerre avec la Russie, a déclaré le président américain Donald Trump, après s’être entretenu avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky et des dirigeants européens, réunis à Berlin.

"La Russie aussi veut que ça s’arrête. Le problème est qu’ils veulent y mettre fin, puis tout à coup ils ne veulent pas, et les Ukrainiens veulent y mettre fin, et tout à coup ils ne veulent pas. Donc il faut les mettre d’accord. Mais je pense que ça fonctionne", a-t-il ajouté.

Donald Trump a indiqué qu’il s’était entretenu récemment avec le président russe Vladimir Poutine, sans plus de précisions. Concernant les très difficiles questions territoriales, sur lesquelles le désaccord avec Kiev persiste, le président américain n’a pas fait mystère de sa position : les Ukrainiens "ont déjà perdu le territoire, pour être honnête".

© afp.com/Jussi Nukari

Le Premier ministre finlandais Petteri Orpo lors d'une conférence de presse à Helsinki, le 26 décembre 2024

"En Chine, Emmanuel Macron a perdu la face" : nos lecteurs réagissent à l’actualité

16 décembre 2025 à 09:34

En Chine, Emmanuel Macron a perdu la face

René Andron, Marseille (Bouches-du-Rhône), 6 novembre

​Quiconque connaît la culture chinoise sait l’importance de la "face", cette considération que l’on vous porte du fait de votre attitude, de votre position ou de votre réussite. A l’occasion de son voyage en Chine, nous avons vu très clairement qu’Emmanuel Macron a perdu la face. Il suffit d’observer l’accueil qui lui a été réservé ou ses échanges avec le président Xi pour comprendre qu’il ne sortira rien d’intéressant pour nous, pour l’Europe ou pour l’Ukraine de ce déplacement. (François Chimits : "Face à la déferlante de produits chinois, la réponse de l’UE n’est pas à la hauteur", sur lexpress.fr).

Un jour, la charia en France ?

Sylvie Gilbard, Bois-Colombes (Hauts-de-Seine)

Si je comprends bien le courrier de Brahim Dahou, la charia ne peut s’appliquer que dans un pays majoritairement musulman. Donc, la France pourrait être obligée d’appliquer la charia si les musulmans s’y trouvaient en majorité. Or, cela pourrait très bien arriver. Qu’en serait-il alors de nos droits comme la liberté d’expression, l’égalité hommes femmes ou la fraternité, quand on voit les autres religions mises au ban dans bon nombre de pays musulmans ? Il est important que les musulmans de France choisissent entre un Islam figé dans un autre temps et les lois de la République. ("La montée de l’islamisme touche toute l’Europe" : le sondage choc de l’Ifop analysé par Ruud Koopmans, sur lexpress.fr).

Fiscalité des successions

Jacques Canier, Colombes (Hauts-de-Seine)

Certains veulent supprimer l’impôt sur les successions en ligne directe. Il y a là selon moi une forme d’hypocrisie et de réflexe individualiste, que révèlent les cas de successions indirectes. En effet, l’expérience montre souvent le rejet "indigné" de l’impôt par ceux qui héritent de leurs oncles, tantes ou cousins. En France, sans doute plus qu’ailleurs, on rêve de s’enrichir sans travail, et l’hypothèse d’un héritage providentiel suffit à demander par réflexe une exonération. (Taxer les héritages, c’est briser la chaîne des générations, par Julia de Funès, L’Express du 3 novembre).

Les pacifistes face à la guerre

Dominique Goepp, Paris

​L’un de vos lecteurs, à la suite des propos du général Mandon, semble imputer la défaite de 1940 aux "pacifistes", avec des allusions à la gauche, bien entendu. Il me paraît donc nécessaire de rappeler les points suivants. Un : dans les années 1930, une bonne partie de la droite et de l’extrême droite était opposée à la guerre contre l’Allemagne, perçue comme un rempart contre l’URSS. Deux : le Front populaire a fortement augmenté les crédits militaires. Trois : la principale cause de notre défaite est l’incurie de notre état-major. En août 1939, le généralissime Gamelin avait affirmé : "Si la guerre est déclarée, les Allemands se révolteront contre Hitler et l’armée française n’aura pas besoin de tirer un seul coup de canon". Espérons que le général Mandon et ses collègues soient plus lucides ! (Page "Courrier", L’Express du 4 décembre).

Egalité hommes-femmes

Jean Gabard

Les violences faites aux femmes constituent l’un des problèmes sociaux majeurs du XXIᵉ siècle et, pour éliminer ce fléau, il est indispensable de rappeler l’égalité en dignité et en droits entre femmes et hommes. En revanche, la revendication d’une "égalité réelle" risque de conduire à des malentendus. Certains considèrent en effet que toute différence observable entre les sexes, autre que physique, résulte exclusivement de discriminations et d’une construction sociale sexiste. Or tel n’est pas le cas : de nombreux travaux montrent que certaines différences biologiques influencent aussi motivations et comportements. Les avancées en psychogenèse indiquent également l’existence de différences dans la structuration du psychisme, indépendantes de la culture. (Deux ou trois vérités scientifiques sur les hommes et les femmes, L’Express du 6 novembre).

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© afp.com/Jacques WITT

​"Quiconque connaît la culture chinoise sait l'importance de la "face", cette considération que l'on vous porte du fait de votre attitude, de votre position ou de votre réussite. A l'occasion de son voyage en Chine, nous avons vu très clairement qu’Emmanuel Macron a perdu la face", estime l'un de nos lecteurs.

La force multinationale proposée par les Européens en Ukraine : de quoi s’agit-il concrètement ?

16 décembre 2025 à 07:58

Les pions diplomatiques avancent sur l’échiquier européen. Volodymyr Zelensky s’est félicité, lundi 15 décembre, de "progrès" dans les négociations avec les Etats-Unis pour mettre fin à la guerre avec la Russie, les Européens avançant de leur côté la proposition d’une force multinationale pour garantir la paix en Ukraine. Donald Trump s’est lui montré très optimiste, après s’être entretenu avec son homologue ukrainien et plusieurs dirigeants européens. Dimanche et lundi, le président ukrainien a négocié à Berlin avec les émissaires américains Steve Witkoff et Jared Kushner, gendre de Donald Trump, pour tenter d’aboutir à un compromis sur un plan pouvant mettre fin aux combats.

Au cœur des discussions, la protection qu’obtiendra l’Ukraine des Américains après un éventuel cessez-le-feu. Kiev redoute qu’un cessez-le-feu sans protection solide n’ouvre la voie à une nouvelle offensive russe. Les Etats-Unis ont dit offrir des garanties de sécurité "très fortes" mais néanmoins acceptables, selon eux, pour la Russie. Un "engagement juridiquement contraignant" qui prévoit une assistance militaire des alliés, sur un modèle proche de l’article 5 du traité de l’Otan, sans pour autant intégrer l’Ukraine à l’Alliance, une ligne rouge pour le Kremlin.

Dans une déclaration commune, les dirigeants du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne et de huit autres pays européens ont donné leur aperçu le plus détaillé à ce jour des garanties de sécurité qu’ils sont prêts à fournir à l’Ukraine, avec l’aval des Etats-Unis. C’est dans ce cadre que s’inscrit la proposition européenne d’une "force multinationale pour l’Ukraine". Concrètement, cette force serait dirigée par les Européens, composée de contingents fournis par des pays volontaires et soutenue par les Etats-Unis.

Une force qui pourrait opérer sur le sol ukrainien

Inspirée de la "coalition des volontaires", portée par la France et le Royaume-Uni, elle pourrait soutenir de manière "durable" une armée ukrainienne de 800 000 hommes, selon une déclaration transmise par le gouvernement allemand. Cette force multinationale pourrait également opérer sur le sol ukrainien. "Elle contribuera à la régénération des forces ukrainiennes, à la sécurisation de l’espace aérien ukrainien et à la sécurisation des mers, notamment en opérant à l’intérieur de l’Ukraine", résume le texte rédigé par les Européens.

L’objectif affiché est clair : dissuader Moscou de toute nouvelle attaque après un cessez-le-feu. "Les Européens cherchent à bétonner des garanties de sécurité avant toute concession territoriale", résume le quotidien belge Le Soir. Berlin, Paris, Londres et plusieurs autres capitales estiment qu’un accord de paix serait voué à l’échec sans un dispositif crédible de protection à long terme. Le Premier ministre britannique Keir Starmer l’a rappelé : sans garanties "solides", aucun accord ne tiendrait.

"Vraie chance pour un processus de paix"

Les discussions de Berlin marquent aussi un tournant diplomatique. Le format Ukraine – Etats-Unis – Europe constitue une première depuis la présentation, en novembre, d’un plan américain jugé trop favorable à Moscou par plusieurs capitales européennes. Un mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu, dirigé par les Etats-Unis, est également évoqué. Le document souligne qu’il appartient "désormais à la Russie de montrer sa volonté d’œuvrer en faveur d’une paix durable". Les pourparlers de Berlin offrent une "vraie chance pour un processus de paix", a estimé Friedrich Merz, jugeant qu’un cessez-le-feu avant Noël ne dépendait "plus que de la Russie".

Des divergences majeures subsistent toutefois, notamment sur la question des territoires occupés par la Russie. Volodymyr Zelensky plaide pour un gel de la ligne de front plutôt qu’une cession territoriale, alors que Moscou réclame la reconnaissance de ses conquêtes, en particulier dans le Donbass, région hautement fortifiée où les combats restent intenses malgré les lourdes pertes russes. Pour les Européens comme pour Kiev, la balle est désormais "dans le camp de la Russie".

© afp.com/RALF HIRSCHBERGER

Le président allemand Frank-Walter Steinmeier (d) accueille le président ukrainien Volodymyr Zelensky au palais présidentiel de Bellevue, le 15 décembre 2025 à Berlin

Attentat à Sydney : l'enquête avance, le gouvernement évoque "l'idéologie de l'Etat islamique"

16 décembre 2025 à 07:32

Le Premier ministre australien Anthony Albanese a indiqué mardi 16 décembre que les auteurs de l'attentat meurtrier sur une plage de Sydney étaient probablement "motivés par l'idéologie" du groupe "Etat islamique" alors que l'enquête apporte un faisceau d'indices croissant.

Dimanche soir, Sajid et Naveed Akram, un père et son fils, ont ouvert le feu à au moins 40 reprises, pendant une dizaine de minutes sur la foule rassemblée sur la plage de Bondi pour la fête juive de Hanouka, faisant au moins 15 morts et 42 blessés. Les autorités ont qualifié l'attentat d'antisémite mais n'avaient jusque-là donné que peu de détails sur les motivations des assaillants. Mardi, Anthony Albanese a évoqué une radicalisation des deux assaillants avant l'attentat. "Il semblerait que cela ait été motivé par l'idéologie de l'Etat islamique" (EI) a déclaré le chef du gouvernement à la chaîne nationale ABC.

Un voyage aux Philippines

Le véhicule retrouvé près de la plage de Bondi était immatriculé au nom du fils, contenait deux drapeaux de l'Etat islamique et des engins explosifs improvisés, a déclaré plus tard Mal Lanyon, responsable de la police de Nouvelle-Galles-du-Sud.

Mal Lanyon a précisé que la police enquêtait sur un récent voyage aux Philippines effectué par le père et le fils. Le Bureau de l'Immigration des Philippines a confirmé mardi que le père et le fils s'étaient rendus dans le pays entre le 1er et le 28 novembre, respectivement avec un passeport indien et australien, et que leur finale était la région de Davao, sur l'île méridionale de Mindanao. De petits groupes de combattants islamistes ayant prêté allégeance à l'Etat islamique (EI) subsistent sur l'île de Mindanao, en dépit de la signature d'un pacte de paix en 2014 entre le gouvernement et le Front islamique de libération Moro.

Selon Anthony Albanese, le plus jeune assaillant, Naveed Akram, 24 ans, avait fait l'objet de vérifications des renseignements australiens en 2019, sans paraître constituer à l'époque de menace immédiate. "Il a attiré leur attention en raison de ses relations avec d'autres", "deux des personnes avec lesquelles il était associé ont été inculpées et sont allées en prison, mais il n'a pas été considéré à l'époque comme un potentiel suspect", a rapporté M. Albanese.

Le jour de l'attaque, l'homme a dit à sa mère qu'il partait en ville pour pêcher, selon des médias. Les autorités pensent qu'il s'est en fait retranché dans un appartement de location avec son père pour préparer l’attaque. Armés de fusils, les deux hommes ont criblé la plage de balles pendant dix minutes avant que la police n'abatte Sajid, âgé de 50 ans. Arrêté par la police et grièvement blessé, Naveed se trouve lui, dans le coma à l'hôpital, sous la surveillance des forces de l'ordre.

"Nous sommes un pays courageux"

Le Premier ministre s'est rendu mardi au chevet d'Ahmed Al Ahmed, qui a réussi à arracher le fusil d'un des assaillants. "Nous sommes un pays courageux. Ahmed al Ahmed incarne ce que notre pays a de meilleur", a souligné Anthony Albanese. Grièvement blessé, et cloué au lit, Ahmed Al Ahmed a brièvement remercié en arabe les personnes qui lui souhaitent du bien dans une vidéo circulant sur les réseaux sociaux mardi matin.

Nombre de dirigeants mondiaux ont condamné avec force cet attentat qui a tué 15 personnes âgées de 10 ans à 87 ans, dont un Français de 27 ans, Dan Elkayam, un rabbin de 41 ans, Eli Schlanger et Alex Kleytman, un survivant de la Shoah né en Ukraine.

Pour le dirigeant israélien Benyamin Netanyahou, la décision australienne de reconnaitre la Palestine plus tôt cette année a mis de "l'huile sur le feu de l'antisémitisme". Le gouvernement a "échoué à prendre des mesures adéquates pour protéger la communauté juive" a déclaré à l'AFP le président de l'Australian jewish association.

Les chefs des Etats et territoires d'Australie se sont réunis lundi pour convenir du renforcement de la "législation sur les armes à feu", qui a permis au père Sajid Akram de posséder six armes. Le pays n'avait pas été frappé par une telle tuerie depuis le massacre de Port Arthur en 1996, qui avait fait 35 victimes en Tasmanie, au sud de l'Australie. L'attentat avait été suivi d'un programme de rachat d'armes et de nouvelles restrictions sur les armes semi-automatiques.

© afp.com/Handout

Photo diffusée par le bureau du Premier ministre australien Anthony Albanese venu déposer des fleurs au Pavillon Bondi, après une fusillade à Bondi Beach, le 15 décembre 2025 à Sydney, en Australie

Terrorisme antisémite : Sydney ne sera pas la dernière cible

16 décembre 2025 à 06:30

A Gaza, les armes se taisent depuis deux mois. Ailleurs dans le monde, la haine antisémite n’a pas hurlé aussi fort depuis des décennies. En Occident, les manifestations propalestiniennes rassemblent chaque week-end des foules plus compactes et plus radicalisées contre Israël, avec un slogan entêtant : "mondialiser l’intifada". Soit répandre sur le globe cette "guerre des pierres" qui a opposé, par deux fois, Israéliens et Palestiniens.

A Sydney, ce 14 décembre, ce slogan a pris vie. Ou plutôt, il a semé la mort. Deux terroristes, un père et son fils, ont massacré quinze personnes sur la plage de Bondi, en pleine cérémonie de Hanoukka. Si le motif antisémite ne fait aucun doute, les errements des autorités interrogent : alors que le fils était proche de l’Etat islamique et sous surveillance, son père possédait un permis de port d’armes et six armes à feu. Comment un tel relâchement a-t-il été possible ? Une partie des médias australiens pointe les hésitations du gouvernement travailliste à s’attaquer de front à l’antisémitisme, inquiet de braquer la communauté musulmane du pays.

Les autorités étaient pourtant informées de la menace : les renseignements israéliens avaient fourni de nombreuses alertes à Canberra, notamment sur des réseaux iraniens prêts à frapper la communauté juive. Des menaces sérieuses, qui ont convaincu l’Australie d’expulser l’ambassadeur iranien en août. Insuffisant pour arrêter cette machine mortifère.

31 % des 18-24 ans jugent légitime de s’en prendre aux Français juifs

L’attentat de Sydney nous le rappelle : nous sommes entrés dans une nouvelle ère de la haine des juifs. "Deux ans après le massacre du 7-Octobre, il devrait être clair que l’antisémitisme ne reste pas confiné à la rhétorique, souligne Moshe Kantorn, président du Congrès juif européen, dans une récente tribune pour Euronews. Il se métastase en violence, déstabilise les communautés et empoisonne le tissu même de la vie démocratique." Aux Etats-Unis, le venin antisémite se répand ouvertement, de l’extrême gauche des campus aux influenceurs Maga les plus célèbres, comme Candace Owens et le néonazi Nick Fuentes, avec un accès direct à la Maison-Blanche.

La France n’est pas à l’abri, même si les autorités ont retenu les leçons des tragédies de l’école Ozar Hatorah de Toulouse en 2012 ou de l’Hyper Cacher en 2015. Les synagogues, les lieux de vie de la communauté juive et leurs fêtes, comme la célébration de Hanoukka sur les Champs-Elysées ce dimanche, restent sous forte protection policière. Ce qui n’empêche pas l’antisémitisme de prospérer : en septembre, un sondage de l’Ifop révélait que 31 % des 18-24 ans jugent légitime de s’en prendre aux Français juifs en raison de la guerre à Gaza. Nous sommes, nous aussi, dans une nouvelle ère.

© afp.com/Saeed KHAN

Un membre de la communauté juive se recueille devant le Bondi Pavillion au lendemain d'une fusillade mortelle à la plage de Bondi, le 15 décembre 2025 à Sydney, en Australie

Pourparlers sur l'Ukraine : la descente aux enfers de l’Europe donne le tournis

16 décembre 2025 à 05:45

"Il n’y a que deux types d’États en Europe : les petits et ceux qui ne savent pas encore qu’ils le sont". L’aphorisme attribué à l’homme d’Etat belge Paul-Henri Spaak, l’un des pères de la construction européenne dans les années 1950, n’a jamais été si proche de la réalité. Donald Trump, Vladimir Poutine et Xi Jinping l’ont bien compris, qui tiennent les Etats européens pour quantité négligeable et les voient comme un espace ouvert à leurs ingérences.

Les Européens ? "Ils parlent mais ils ne produisent pas", a argué le président américain dans une interview le 9 décembre au média Politico. La nouvelle Stratégie nationale de sécurité qu’il vient de promulguer affiche l’intention d’affaiblir, voire de détruire, les institutions communautaires. Même l’Otan est en sursis. Côté russe, le maître du Kremlin n’est pas en reste : "Les Européens sont vexés d’avoir été écartés des négociations […] ils n’ont pas de programme de paix, ils sont du côté de la guerre", a-t-il lancé le 2 décembre.

Une descente aux enfers de l'Europe

Sur le plan stratégique, la descente aux enfers de l’Europe donne le tournis. Elle n’est associée que marginalement aux discussions alors que c’est sa propre sécurité, au-delà de celle de l’Ukraine, qui est en jeu dans les steppes du Donbass. Beaucoup de citoyens européens ont éprouvé un profond sentiment d’humiliation en voyant leurs dirigeants contraints de quémander auprès de Washington un strapontin aux pourparlers de paix.

Trump a raison sur un point : pris individuellement, les Etats européens sont tous des poids plumes. Côté français, Emmanuel Macron en a fait la douloureuse expérience lors de son voyage le mois dernier à Pékin. Xi a rejeté avec dédain sa demande que la Chine se désolidarise de la Russie. L’Allemagne, poids lourd du continent, n’est pas traitée avec plus d’égards que les autres par Washington qui apporte son appui au parti d’extrême droite AfD. Et le Royaume-Uni, fidèle parmi les fidèles de la relation transatlantique, est vilipendé par Trump à chaque occasion qui s’offre à lui. Les grands d’antan découvrent leur nouvelle insignifiance.

Les dirigeants européens ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Ils se sont voilé la face devant les intentions hostiles de Poutine, même après l’annexion de la Crimée et l’occupation du Donbass en 2014. Ils ont cru que la Chine communiste allait devenir, comme par magie, pro occidentale. Ils ont prié en vain pour que Joe Biden soit réélu à Washington, puis ils ont courtisé son successeur avec flagornerie, sans rien obtenir en échange. "Les Européens ont tendu tellement de joues à Trump qu’on se demande s’il leur en reste", observe avec ironie Nathalie Tocci, la directrice de l’Institut italien des Affaires internationales, dans la revue Foreign Policy.

Le fractionnement du continent

Des raisons structurelles jouent leur rôle pour affaiblir l’Europe : le fractionnement du continent, la complexité des institutions européennes, le décrochage économique et la désindustrialisation accélérée, la dépendance énergétique, l’illusion qu’il serait possible de réarmer sans faire maigrir l’État providence : les États-Unis consacrent seulement 20 % de leur PIB aux dépenses sociales, selon l’OCDE, alors que le taux atteint plus de 30 % en France et près de 28 % en Allemagne ou en Italie.

Le rapport Draghi soulignait l’an dernier "la lente agonie" de l’Union. Ses propositions ont été en majorité ignorées, surtout celles qui prônaient plus d’intégration et qui auraient justement permis à l’UE d’être prise au sérieux et de compter parmi les grands. La guerre d’Ukraine agit comme un cruel révélateur des manquements européens. Pour peser face aux puissances prédatrices, il faudrait se souvenir que l’union fait la force, mais aussi définir une vraie stratégie européenne, renouer avec la croissance économique et avec l’innovation, se doter d’une force militaire cohérente et apte à dissuader, être capable de prendre des décisions rapides et efficaces.

Il existe quelques raisons d’espérer. Le réveil stratégique, bien que tardif, est en cours. Berlin, Londres et Paris ont compris l’intérêt de se serrer les coudes et de créer autour d’eux une sorte de conseil de sécurité européen. En outre, la Coalition des volontaires qu’ils veulent mettre sur pied pour garantir un éventuel cessez-le-feu en Ukraine est prometteuse. Mais tout cela est fragile et manque d’ambition. Le risque ne peut pas être écarté que le grand mouvement tectonique des plaques auquel nous assistons disloque l’Europe. Dans ce cas, Paul-Henri Spaak aura définitivement eu raison.

© afp.com/Adrian DENNIS

(De gauche à droite) Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le Premier ministre britannique Keir Starmer, le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Friedrich Merz se rencontrent, le 8 décembre 2025 à Londres
Reçu avant avant-hier L'Express

Biélorussie : pourquoi Alexandre Loukachenko veut se concilier les bonnes grâces de Donald Trump

15 décembre 2025 à 19:09

L’histoire d’une réconciliation entre les États-Unis et la Biélorussie, ce petit Etat enclavé d’Europe de l’Est, a peut-être continué de s’écrire samedi 13 décembre dernier. A la faveur de plusieurs mois de pourparlers, l’émissaire de Donald Trump, John Coale, alors en visite en Biélorussie auprès du président autoritaire Alexandre Loukachenko, a annoncé ce jour-là la levée des sanctions américaines visant le potassium. Une production qui demeure la plus grande source de revenus pour le pays proche allié de la Russie.

Dans un premier temps, l’émissaire américain n’avait pas donné de détails sur la portée de cette mesure et n’avait pas indiqué ce que les autorités biélorusses avaient concédé en échange. Mais quelques heures plus tard, Minsk a annoncé la libération de 123 prisonniers politiques, dont des figures de l’opposition.

Le prix Nobel de la paix 2022 libéré

Parmi les libérés, Maria Kolesnikova, figure de l’opposition biélorusse et ses compères Viktor Babariko et Maksim Znakou, tous trois aperçus à la frontière ukrainienne lors d’un point presse. Les autorités ukrainiennes ont déclaré que cinq Ukrainiens et 104 Biélorusses étaient arrivés samedi sur le territoire ukrainien, où ils ont été accueillis par le chef de l’agence de renseignement militaire de Kiev. Autre libération importante : celle d’Ales Bialiatski, un militant des droits de l’homme et colauréat du prix Nobel de la paix en 2022. L’opposant a rejoint Vilnius, la capitale de la Lituanie voisine. Parmi les personnes libérées se trouvent également des citoyens d’Australie, de Grande-Bretagne, de Lituanie, de Pologne et des États-Unis.

Ces derniers mois, Donald Trump a encouragé le président biélorusse à libérer les centaines de prisonniers politiques que compte le pays, et Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis plus de 30 ans, a gracié des dizaines de personnes. En échange, Washington avait déjà partiellement levé les sanctions contre la compagnie aérienne biélorusse Belavia, lui permettant d’entretenir et d’acheter des pièces pour sa flotte, qui comprend des Boeing. La rencontre entre l’émissaire américain et le président Loukachenko et la libération d’otage effective "représentent un dégel lent mais régulier des relations entre Washington et la Biélorussie", souligne The New York Times.

Une stratégie pour la paix en Ukraine ?

L’émissaire américain John Coale a affirmé samedi que la proximité entre Alexandre Loukachenko et son homologue russe Vladimir Poutine pourrait être utile dans la difficile médiation américaine en cours pour tenter de mettre fin à la guerre entre Kiev et Moscou. "Votre président (Loukachenko, NDLR) a une longue histoire avec le président Poutine et a la capacité de le conseiller. C’est très utile dans cette situation", a déclaré John Coale, cité par l’agence de presse étatique biélorusse Belta.

D’autre part, ce réchauffement des relations pourrait aussi largement profiter à la Biélorussie, cible de sanctions américaines depuis 2020, renforcées en 2022 après l’invasion russe en Ukraine que le pays a soutenue. "Loukachenko a libéré tous les prisonniers parce que son régime en profitera", écrit ainsi le journal allemand Der Spiegel.

Avant 2022, la Biélorussie utilisait le port de Klaipeda en Lituanie pour exporter ses engrais et son potassium. Mais lorsque la guerre en Ukraine a conduit le gouvernement lituanien à couper cette route d’exportation, Minsk a été forcé de collaborer encore davantage avec la Russie, donnant à Moscou plus de contrôle sur l’approvisionnement mondial en engrais crucial. Pour le président biélorusse, le rapprochement des États-Unis pourrait être le signe d’une volonté de réduire la dépendance de son pays à celui de Vladimir Poutine.

© afp.com/Handout

Le président du Bélarus Alexandre Loukachenko (D) accueille John Coale, un émissaire américain, le 11 septembre 2025 à Minsk

En Australie, le contrôle des armes à feu remis en question par l’attentat de Sydney

15 décembre 2025 à 18:30

L’Australie est en deuil national. 15 personnes - dont une fillette - ont été assassinées dans un attentat antisémite sur la plage de Bondi, à Sydney. 42 blessés sont à déplorer. Dimanche 14 décembre, un père et son fils, Sajid Akram et Naveed Akram, ont ouvert le feu avec "des armes à longue portée" sur les quelque mille personnes rassemblées sur le sable pour célébrer le premier jour de la fête juive Hanouka. Certains médias rapportent que les enquêteurs antiterroristes australiens étudient la piste d’une allégeance à l’Etat islamique, et que des drapeaux de l’organisation auraient été retrouvés dans la voiture des assaillants.

Le Premier ministre australien, Anthony Albanese, a déploré un "acte purement maléfique, antisémite et terroriste". En réponse, il a annoncé ce lundi vouloir durcir la législation du pays sur le port d’arme. Devant la presse, l’homme d’Etat a déclaré : "Si nous devons renforcer cette législation, si nous pouvons faire quoi que ce soit, je suis tout à fait disposé à le faire et j’espère obtenir l’approbation du Conseil national cet après-midi."

Une première reforme en 1996

L’Australie n’avait plus été confrontée à une telle tuerie depuis le massacre de Port Arthur en 1996. Dans les jours ayant suivi ce drame qui a coûté la vie à 35 personnes, le pays a revu en profondeur sa réglementation sur les armes à feu, réduisant drastiquement leur présence sur le territoire. En moins d’un an, grâce à un "accord national sur les armes" près de 650 000 armes à feu, soit 20 % de la proportion détenue par des particuliers, ont été rendues aux autorités, puis détruites.

Depuis, la législation australienne est régulièrement érigée en exemple, reconnue comme l’une des plus strictes et des plus efficaces au monde. Le pays est parvenu à restreindre l’accès aux armes semi-automatiques, à durcir les conditions d’obtention des permis et à imposer aux détenteurs d’armes à feu de justifier d’une "raison valable" pour en posséder une. Une réforme qui a bénéficié d’une large approbation publique. Comme l’a d’ailleurs souligné Anthony Albanese lors de la conférence de presse qui a suivi l’attentat de Bondi Beach, "la législation sur les armes à feu du gouvernement Howard a eu un impact considérable en Australie et représente un moment de fierté nationale".

Une augmentation des armes en Australie

Sauf que, depuis, l’Australie a eu tendance à baisser la garde. L’un des assaillants de Sydney, Sajid Akram - qui a été abattu par la police - était titulaire d’un permis. Membre d’un club de tir, il possédait six armes, légalement donc. Selon les forces de l’ordre qui les ont depuis saisies, toutes ont été actionnées dimanche. Son fils, Naveed Akram, avait quant à lui fait l’objet d’une enquête des services de renseignement nationaux pour ses liens présumés avec une cellule locale de l’Etat islamique. Information confirmée par le Premier ministre australien, qui a précisé que l’assaillant n’était pas considéré comme "une menace persistante ou imminente de violence". Selon les informations de la presse locale, il vivait chez ses parents, en proximité directe avec des armes donc.

Et depuis les saisies qui ont suivi l’attentat de 1996, le nombre d’armes en circulation a connu une augmentation exponentielle, d’après les chiffres de l’Australian Institute. Aujourd’hui, il y a plus de 4 millions d’armes à feu en Australie, soit près de deux fois plus qu’en 2001.

Registre national, permis et contrôles supplémentaires

D’ailleurs, plusieurs mesures qui avaient été envisagées après le drame de 1996 n’ont pas vu le jour. Entre autres, le registre national des armes censé être créé n’a finalement jamais été instauré. Il en est de même pour la collaboration fédérale dont s’étaient félicités à l’époque les instigateurs de la réforme : à ce jour la législation varie d’un Etat australien à l’autre.

La nouvelle réforme pourrait justement remettre à l’ordre du jour certaines de ces mesures, dont le registre national. La copie pourrait également inclure une limitation du nombre d’armes pouvant être détenues par personne, une réévaluation des catégories d’armes autorisées, ou le réexamen des permis sur une période donnée. Les autorités étudient également la possibilité d’utiliser des renseignements criminels supplémentaires pour "étayer" l’octroi de permis d’armes à feu.

© afp.com/Saeed KHAN

Des personnes se recueillent devant le Bondi Pavilion, en mémoire des victimes de la fusillade de la plage de Bondi, à Sydney, le 15 décembre 2025 en Australie
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