C'est une douche froide pour la Commission européenne. L’Italie a rejoint la France mercredi 17 décembre pour réclamer un report de l’accord commercial entre l’UE et le Mercosur. Ce nouveau front commun pourrait empêcher la Commission et sa présidente, Ursula von der Leyen, de signer d’ici la fin de la semaine un traité avec ce bloc sud-américain, qui regroupe principalement le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay.
Présenté comme historique, l’accord créerait la plus vaste zone de libre-échange au monde. Il permettrait à l’UE d’accroître ses exportations de véhicules, de machines, de vins et de spiritueux vers l’Amérique latine, tout en facilitant l’entrée sur le marché européen de produits agricoles sud-américains — viande bovine, sucre, riz, miel ou encore soja. Des importations qui inquiètent les filières agricoles concernées.
La colère est déjà visible sur le terrain. Plusieurs dizaines de milliers d’agriculteurs ont promis de se rendre ce jeudi à Bruxelles pour manifester contre le traité, alors que s’y déroulera un sommet européen. Une première mobilisation s’est tenue ce mercredi à l’aéroport de Liège, point d’entrée majeur de denrées extra-européennes.
Rome change la donne
Ursula von der Leyen espérait signer l’accord samedi, en marge du sommet du Mercosur à Foz do Iguaçu, au Brésil. Mais elle doit au préalable obtenir l’aval d’une majorité qualifiée des Etats membres. Or, si des pays comme l’Allemagne, l’Espagne ou les Etats scandinaves poussent pour une signature rapide — pour relancer une économie européenne à la peine face à la concurrence chinoise et aux taxes douanières américaines — la position italienne complique sérieusement l’équation.
Avec la France, la Pologne et la Hongrie, l’Italie est en mesure de constituer une minorité de blocage au sein des Vingt-Sept, empêchant l’examen du texte dans l’immédiat. Pour la France, dont le Premier ministre Sébastien Lecornu a promis qu’il voterait contre si l’UE tentait de "passer en force", l’arrivée de l’Italie prouve qu’elle "n’est pas seule".
Plus mesurée, la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni estime qu’une signature à ce stade serait "prématurée". Rome réclame des "garanties suffisantes", notamment pour le secteur agricole, et estime que les conditions pourraient être réunies "au début de l’année prochaine". Le report, s’il se confirme, porterait un coup sérieux au calendrier de la Commission. "Si on ne le fait pas maintenant, le Brésil ne signera plus l'accord tant que je serai président", a affirmé pour sa part Lula, dont le mandat à la tête du Brésil se termine fin 2026.
Bruxelles promet des garanties… qui pourraient être insuffisantes
Prudente, la Commission européenne continue pourtant d’espérer un compromis. "Les chefs d’Etat et de gouvernement en discuteront lors du sommet européen" qui se déroulera jeudi à Bruxelles, a indiqué son porte-parole. Pour apaiser les inquiétudes agricoles, l’UE a proposé des mesures de sauvegarde : surveillance renforcée des produits sensibles comme le bœuf, la volaille ou le sucre, et possibilité d’intervention en cas de déséquilibre du marché. Ces garanties font encore l’objet de négociations avec les Etats membres et le Parlement européen.
Mais à Paris, elles pourraient ne pas suffire. La France reste sous pression d’un mouvement agricole puissant, déjà mobilisé sur d’autres fronts comme l’épidémie de dermatose qui ravage la filière bovine française. Au sein de l’UE, certains redoutent désormais que Paris ne cherche pas seulement à retarder l’accord Mercosur, mais à le faire définitivement échouer — malgré plus de vingt-cinq ans de négociations.
La Première ministre italienne Giorgia Meloni (à gauche), le président français Emmanuel Macron (au centre) et la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen (à droite) se réunissent avant la réunion du G7++ lors du sommet des dirigeants du G20 au Nasrec Expo Centre de Johannesburg, le 22 novembre 2025.
Si l’Ukraine dit vrai, la guerre navale - jusqu’ici largement dominée par la Russie - pourrait connaître un tournant majeur en faveur de Kiev. Lundi 15 décembre, les services de sécurité ukrainiens (SBU) ont affirmé sur Telegram que "des drones sous-marins Sub Sea Baby ont fait exploser un sous-marin russe" de classe Kilo. Le bâtiment, amarré en mer Noire dans le port de Novorossiïsk, n’aurait pas coulé mais aurait été mis "hors service" en raison de "dégâts critiques". Moscou, de son côté, nie toute atteinte au sous-marin.
Au-delà même du conflit russo-ukrainien, il s’agirait d’une première dans l’histoire militaire : jamais un sous-marin n’a été neutralisé par un drone sous-marin. Pour étayer ses déclarations, Kiev a diffusé des images issues de la vidéosurveillance du port de Novorossiïsk, montrant une explosion. Impossible toutefois de déterminer avec certitude si le sous-marin a été touché ou si seules des infrastructures portuaires, comme une jetée, ont été endommagées.
Jusqu’à présent, l’Ukraine avait déjà réussi à frapper des navires de surface et des infrastructures russes en mer Noire, mais jamais un sous-marin. Pour atteindre sa cible, le drone aurait dû franchir un important dispositif de sécurité protégeant ce port stratégique de l’oblast de Krasnodar : patrouilles, capteurs acoustiques et barrières physiques sur les voies maritimes.
Les sous-marins de classe Kilo, en service depuis les années 1980, sont des bâtiments d’attaque conventionnels à propulsion diesel. La Russie en posséderait plus d’une trentaine. Ces engins sont notamment utilisés pour tirer des missiles de croisière Kalibrcontre l’Ukraine. Leur coût unitaire est estimé à environ 400 millions d’euros… Un coût de production bien supérieur à celui des Sub Sea Baby qui l’auraient endommagé.
Vers un renversement du rapport de force naval ?
Peu d’informations ont filtré en revanche sur les drones Sub Sea Baby. Selon Der Spiegel, cette famille de drones maritimes peut être équipée de mitrailleuses ou de lance-roquettes. Jusqu’ici, ils étaient surtout conçus pour des missions de surface, ressemblant davantage à de petites embarcations qu’à de véritables sous-marins. L’une des hypothèses est que ces drones aient été modifiés par l’armée ukrainienne pour cette mission spécifique, notamment afin de poser des charges ou des mines sous-marines. Cette nouvelle efficacité pourrait profondément bouleverser l’équilibre naval du conflit, permettant à Kiev d’infliger des pertes lourdes à moindre coût.
D’autant que deux autres modèles de drones sous-marins seraient actuellement en développement : le Maritschka et le Toloka, deux engins sans pilote s’apparentant à de petits sous-marins. Selon le site spécialisé The War Zone (TWZ), le Maritschka pourrait atteindre une portée d’environ 1 000 kilomètres, couvrant ainsi une large partie de la mer Noire sous contrôle russe.
Depuis le début de la guerre, l’un des objectifs majeurs de Kiev est de neutraliser les vecteurs russes de missiles de croisière et balistiques - principalement les bombardiers et les sous-marins - qui permettent à Moscou de faire pleuvoir les bombes sur les villes et l’armée ukrainiennes. Jusqu’à présent, les dégâts infligés restaient limités. Si l’opération revendiquée par l’Ukraine se confirme, elle pourrait ouvrir la voie à une multiplication d’attaques de drones sous-marins, peu coûteuses mais potentiellement dévastatrices.
Il est l’un des diplomates les plus influents et les plus respectés d’Europe. Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères depuis le retour au pouvoir de Donald Tusk (centre droit) en 2023, Radoslaw Sikorski fut déjà le chef de la diplomatie polonaise de 2007 à 2014, après avoir été ministre de la Défense (2005-2007). Diplômé d’Oxford, dont il a gardé l’accent et l’élégance vestimentaire, ce dirigeant de 62 ans connu pour son franc-parler est doté d’un caractère bien trempé. Ancien leader étudiant lors des révoltes contre le pouvoir communiste en 1981, exilé politique au Royaume-Uni, puis reporter de guerre pendant le conflit entre l’URSS et l’Afghanistan, il participa même à des combats aux côtés des Moudjahidines. Plus récemment, il a lancé à la tribune de l’ONU un avertissement solennel à Vladimir Poutine, menaçant de destruction tout nouvel appareil russe qui pénétrerait dans l’espace aérien de l’Otan.
En pleines discussions entre Européens et Américains pour obtenir la fin de la guerre en Ukraine, Radoslaw Sikorski, cravate bleue à motif sur chemise à carreaux, regard bleu perçant et sourire intense lorsqu’il veut insister sur une idée, nous a reçus dans son bureau, à Varsovie. Celui auxquels certains prédisent un destin de Premier ministre presse les Européens de s’armer davantage, insiste sur la nécessité absolue de débloquer les avoirs russes pour financer l’Ukraine, explique le réalignement stratégique de la Pologne avec la Scandinavie et les pays baltes, et critique l’individualisme de certains dirigeants européens. "Lorsqu'il s'agit de discuter de la crise ukrainienne, ce sont certains chefs d’Etat représentant leur pays qui s'en chargent. Et ensuite, ils s'étonnent que l'UE ne tire pas profit de son pouvoir collectif !", observe Radoslaw Sikorski, pour qui, depuis l'invasion russe, "l'ère des illusions est révolue". Entretien exclusif.
L'Express : Êtes-vous préoccupé par les négociations de paix en cours en Ukraine ? Comment les Européens devraient-ils réagir au plan élaboré par les États-Unis, largement inspiré par la Russie ?
Radoslaw Sikorski : Nous y répondrons lorsque nous en connaîtrons le contenu. Mais nous avons besoin d'un accord équitable pour l'Ukraine, car ce pays défend un principe fondamental que deux guerres mondiales sanglantes nous ont appris : il est inacceptable de modifier des frontières par la force sous prétexte de venir en aide à une minorité nationale. Sans parler du fait que l'Ukraine est censée bénéficier de garanties de sécurité de la part de la Russie, des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France en échange de l'abandon de son arsenal nucléaire en 1994, avec le Mémorandum de Budapest. La brutalité de la guerre et la duplicité de l'envahisseur ne doivent pas seulement nous préoccuper, elles doivent nous inciter à agir. L'Ukraine nous a donné un temps précieux pour reconstruire nos défenses et nous lui devons notre soutien.
Est-il selon vous possible de mettre fin à cette guerre ? Quels scénarios envisagez-vous pour les mois à venir ?
L'Ukraine a gagné la guerre maritime : elle a coulé le navire amiral de la flotte russe de la mer Noire et permis au commerce de circuler librement entre ce pays et le reste du monde. Dans les airs, cela dépend des nuits, mais les deux parties se rendent coup pour coup. Les Ukrainiens frappent des cibles militaires, des postes de commandement et des raffineries. La Russie, quant à elle, frappe des centrales électriques et des immeubles d'habitation civils. Sur terre, enfin, la Russie gagne de minuscules portions de territoire au prix de la mort de milliers et de milliers de soldats, des victoires à la Pyrrhus. La question est de savoir quel camp pourra tenir le plus longtemps. Les pertes russes sont bien sûr plus importantes. Mais nous ne savons pas qui craquera le premier.
Donald Trump a de nouveau demandé la tenue d'élections en Ukraine. L'Ukraine devrait-elle, selon vous, en organiser rapidement ?
Ce serait formidable si les deux parties de ce conflit organisaient des élections démocratiques. La Russie n'a pas connu d'élections démocratiques depuis vingt ans. Si l’on veut qu’un traité soit signé par des États démocratiques, il serait très souhaitable que des élections démocratiques aient lieu tant en Ukraine qu'en Russie.
Dans quel délai ?
Il est très difficile d'organiser des élections alors que les armes continuent de crépiter. La Grande-Bretagne, une démocratie bien établie, n'a pas organisé d'élections générales pendant la Seconde Guerre mondiale [NDLR : seulement en juillet 1945, après la fin de la guerre en Europe]. Il faut donc d'abord un cessez-le-feu. Je crois comprendre que la Constitution ukrainienne est très claire à ce sujet.
Croyez-vous encore en la diplomatie dans ce monde brutal ? L'Europe a-t-elle raison de persister dans cette approche ?
La plupart des guerres se terminent par une forme de traité. Et cette guerre présente certaines similitudes avec la Première Guerre mondiale. Guerre de tranchées, positions bloquées et bataille pour les ressources nationales et industrielles. Nous devons encourager ceux qui tentent de rapprocher les deux camps. Mais leurs lignes rouges sont encore éloignées.
Pensez-vous que les Européens devraient se montrer plus intimidants envers la Russie ?
L'Europe occidentale a trop longtemps profité des dividendes de la paix. Nous comptions sur les États-Unis pour notre sécurité, et ceux-ci ont fini par s'en rendre compte. La Pologne a commencé à se réarmer il y a 20 ans. Nous avons alors adopté une loi très stricte, qui allouait à notre armée 2 % du PIB, un PIB de surcroît en pleine croissance. Et cette année, nous consacrons 4,8 % du PIB à la Défense, en plus du mécanisme de sécurité de l'Union européenne. Donc, oui, nous devons reconstruire nos défenses. La guerre en Ukraine, qui ne répond à aucune provocation, est la démonstration dramatique de l'idéologie étatique agressive de la Russie. Elle ne disparaîtra pas, même s'il y a la paix en Ukraine.
Comment les 27 devraient-ils procéder pour débloquer les avoirs russes gelés en Europe face à l'opposition de la Belgique ?
Il n'y a pas d'autre solution que de persuader la Belgique. Si nous ne débloquons pas la situation, nous n'aurons plus aucune carte en main. La Belgique a un argument valable, à savoir qu'en tant que petit pays, elle a besoin d'être rassurée par ses alliés contre les risques juridiques. J'espère que nous mettrons en place un tel mécanisme. Les avoirs gelés seraient utilisés d'abord pour la défense, puis pour la reconstruction de l'Ukraine.
Les Européens pourraient-ils à eux seuls fournir un soutien militaire suffisant à l'Ukraine en cas de retrait des États-Unis ?
Nous avons combattu la Russie avant même que les États-Unis n'existent. Mais les Ukrainiens affirment que ce dont ils ont le plus besoin, ce sont des renseignements et des munitions pour certains lanceurs antiaériens. Or ils sont fournis par les Etats-Unis. Je me fie à leur parole.
Que pensez-vous de la nouvelle stratégie de sécurité américaine, qui prend pour cible l’Europe ?
Nous sommes encore en train de l'évaluer. Je ne souhaite pas faire davantage de commentaires.
La Pologne est en première ligne de la "guerre hybride" menée par la Russie. Comment décririez-vous la gravité de la situation ?
Au début, il s'agissait de cyberattaques, puis cela a évolué vers des incendies criminels (l’an dernier, ils ont tenté de mettre le feu à une usine de peinture à Wrocław, puis ils ont incendié un immense centre commercial à Varsovie), et maintenant ils en sont arrivés à faire exploser une bombe sous un train en marche, sur une voie ferrée menant à l’Ukraine. Ce n'est que grâce à leur incompétence qu'une tragédie a été évitée. C'est pourquoi nous parlons désormais de terrorisme d'État. Nous avons identifié les personnes qui ont commis ces actes et nous savons qu'elles sont de retour à Moscou. Nous savons également quelle unité du GRU [NDLR : l’organe du renseignement militaire russe] a ordonné l'attaque.
Précédemment, notre espace aérien a été violé par 21 drones au mois de septembre. S'il ne s'agissait que d'un ou deux drones, on pourrait dire que ce sont des accidents. Mais 21 accidents en une nuit, pendant sept heures, c’est difficile à croire...
Par ailleurs, la Pologne doit repousser jusqu'à 4 000 cyberattaques par jour, et chacune de ces actions agressives s'accompagne d'un tsunami de désinformation visant à polariser nos sociétés.
Envisagez-vous la possibilité de nuire à la Russie, en réponse à ces menaces hybrides ?
Nous faisons partie de l’Otan, une alliance défensive. Ce qui nous importe, c’est de ne pas être laissés seuls face à la Russie.
La Russie pourrait-elle lancer une attaque militaire contre la Pologne ou un autre pays européen ?
Pas avant d'avoir reconstitué ses forces, qui sont gravement affaiblies. Nous avons donc encore un peu de temps, s’agissant d'une violation classique du territoire terrestre. Mais la Russie dispose toujours d'une marine, d'une armée de l'air et de ressources spatiales. D'autres formes d'agression sont donc possibles.
Photo prise et fournie par la présidence ukrainienne le 12 septembre 2025, montrant le président ukrainien Volodymyr Zelensky (à droite) et le ministre polonais des Affaires étrangères Radoslaw Sikorski, à Kiev
Les États baltes sont particulièrement exposés…
Je ne veux pas me lancer dans des spéculations. Mais oui, certains de nos alliés baltes se sentent vulnérables.
Face à cette menace russe et compte tenu des positions de l’administration Trump, la Pologne peut-elle compter sur l'Otan ? Quels pays la défendraient en cas d'attaque ?
Notre expérience avec nos alliés, d'un point de vue historique, est mitigée [La France et le Royaume-Uni ne se sont pas intervenus militairement lorsque l’Allemagne a envahi la Pologne en 1939, NDLR]. Mais cette fois-ci, nous sommes intégrés militairement, nous avons des plans d'urgence, des procédures, des exercices communs, des troupes alliées sur notre sol, et cela contribue à renforcer la confiance.
La dissuasion nucléaire française pourrait-elle être une option intéressante pour la Pologne ?
Nous n'envisageons pas cette possibilité.
L'armée polonaise serait-elle capable de se défendre en cas d'attaque russe, ou a-t-elle besoin de plus de temps ?
Aucune armée n'est jamais satisfaite de l'équipement dont elle dispose, et il faut toujours du temps et de l'argent pour s'entraîner. Mais nous avons plus de 200 000 soldats, ce qui fait de nous la plus grande armée terrestre de l'Union européenne à l'heure actuelle. Et nous achetons sans cesse du matériel : nous recevons pratiquement chaque semaine un nouvel obusier coréen, un char Abrams américain ou des véhicules blindés de transport de troupes (APC), sans compter les équipements provenant de nos propres usines.
Parallèlement, nous tirons les leçons de la guerre en Ukraine en développant rapidement nos capacités de production de drones et de systèmes antidrones. Nous avons déjà la plus grande usine de drones de l'UE, mais cela ne suffit pas. Napoléon Bonaparte, qui est mentionné dans notre hymne national, disait qu'un pays qui ne sait pas nourrir sa propre armée est condamné à nourrir celle de l’ennemi. Nous avons intériorisé cette leçon.
Le chef d'état-major français, le général Mandon, a déclaré que, face à la menace russe, la France devait "accepter de perdre ses enfants pour protéger ce que nous sommes". Êtes-vous d'accord avec cette déclaration ?
Notre chef d'état-major a tenu des propos similaires. Nous devons renforcer nos forces armées afin de dissuader Vladimir Poutine et ne pas avoir à envoyer nos enfants à la guerre.
Peut-on parler d’un basculement stratégique de la Pologne vers les pays baltes et scandinaves ?
Nous assurons actuellement la présidence du Conseil des États de la mer Baltique, qui était autrefois une organisation traitant de questions mineures, mais qui, lorsque la Russie a envahi l'Ukraine en 2022 et quitté l'organisation, s'est concentrée sur des questions plus importantes. Au vu des menaces grandissantes dans la Baltique, c’est effectivement devenu un élément important de notre stratégie de sécurité.
Nous devons protéger la Baltique contre les interférences GPS [NDLR : des perturbations de signaux satellites affectant la navigation aérienne et maritime] et contre la violation des zones économiques exclusives par des survols intrusifs. Nous avons, en outre, subi toute une série d'attaques contre des câbles et des pipelines sous-marins. Et puis il y a la "flotte fantôme" russe : un grand nombre de vieux pétroliers naviguant sous de faux pavillons ou sans pavillon et alimentant la machine de guerre de Poutine. Ils représentent en effet la plus grande partie des exportations de pétrole russe par voie maritime.
Nous sommes aussi particulièrement préoccupés pour l’environnement. La mer Baltique n'est pas comme l'Atlantique ou même la Méditerranée, c'est une mer beaucoup plus petite et beaucoup moins profonde. Ces navires de la flotte fantôme ont déjà été impliqués dans des collisions par le passé. En fait, je préfère l'appeler "flotte de vieux rafiots" plutôt que "flotte fantôme". Ces tas de ferrailles rouillés ne répondent à aucune exigence technique, et c'est précisément pour cette raison qu'ils sont si dangereux. Si leur cargaison se déversait dans la Baltique, nous subirions une catastrophe environnementale épouvantable pour la vie marine, les plages et l'industrie touristique, mais également extrêmement coûteuse. C'est pourquoi nous soutenons fermement les sanctions contre ces navires, leurs capitaines et leurs équipages. Nous travaillons aussi sur une proposition visant à modifier le droit maritime international afin de mettre un terme à cette anarchie en mer.
Certains ont évoqué le déplacement à l’Est du centre de gravité de l'Europe depuis le début de la guerre en Ukraine. Selon vous, la Pologne a-t-elle l'influence qu'elle mérite sur le continent ?
Vous savez, nous n'avons pas cherché ce changement d'attention (rire). La Pologne préférerait être entourée de démocraties amicales et pacifiques. Il n'est pas agréable d'être à la frontière de deux plaques tectoniques : le monde de la démocratie et de l'État de droit d’un côté, et le monde de la dictature et de l'agression de l’autre. Nous avons essayé de faire la paix avec la Russie, d’avoir des relations normales avec elle, nous l’avons encouragée à signer l’accord de partenariat et de coopération avec l’Union européenne en 1994.
Lorsque la Russie a déclaré vouloir suivre une trajectoire convergente avec celle de l’Occident, nous l’avons soutenue. Mais la Russie a changé de politique : elle s'est définie comme un pôle d'influence rival, puis a commencé à reconstruire son empire. Dès lors, nous n'avons pas le choix, car nous avons été une colonie russe et nous ne voulons pas le redevenir ! En Europe de l'Est, nous percevons les signes avant-coureurs du danger plus tôt que vous. Nous sommes en quelque sorte votre mine antichar.
Que peut enseigner la Pologne, avec son histoire douloureuse et sa renaissance au cours des dernières décennies, au reste de l'Europe ?
Tout d'abord, que l'ère des illusions est révolue. Parce que nous, Européens, sommes respectueux des lois, et savons qu’utiliser la force pour repousser ses frontières n'a pas de sens, nous pensions qu’il est toujours possible de trouver une solution acceptable par les deux parties, entre "gens civilisés", à chaque conflit.
Malheureusement, c'est désormais une opinion minoritaire à l’échelle de la planète. Même sur notre continent, elle n'est pas acceptée par tout le monde. En conséquence, si nous voulons continuer à vivre dans cette paix kantienne [NDLR : une paix durable fondée sur la morale et le droit], il faut la mettre en place par la force, car en droit international, contrairement au droit national, il n'y a pas d’autorité souveraine pour faire respecter les règles.
Les démocraties doivent non seulement être civilisées, justes et pacifiques, mais elles doivent aussi être fortes. Nous avons gagné la Seconde Guerre mondiale non seulement parce que nous étions dans notre droit, mais aussi parce que nous avons surpassé l'Allemagne nazie en matière de production d’armes. Je sais que cette nouvelle n'est pas réjouissante. Mais c'est M. Poutine qui nous a imposé cette nécessité.
Dans quelle mesure la montée des partis d'extrême droite dans des pays comme la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni ou la Pologne pourrait-elle affaiblir l'Europe face à la Russie ?
La progression des partis d'extrême droite, que certains qualifient de "patriotiques", est favorisée par la polarisation de la société, alimentée par les "fermes à trolls" russes et les algorithmes des réseaux sociaux.
Certains de ces partis s'adoucissent avec le temps, d'autres non. La démocratie parlementaire est, d’une certaine manière, un système conçu pour enseigner aux nouveaux venus sur la scène politique comment le système fonctionne réellement. D’après ce que je comprends, le Rassemblement national, qui était très anti-UE il y a quinze ans, l’est moins aujourd'hui. Est-ce une tendance durable ?
Je me suis donné pour mission, dans la politique polonaise, de mettre en garde les gens contre l'euroscepticisme primitif, car j'ai vu ce phénomène en Grande-Bretagne dans les années 1980 et 1990, et je sais où il mène : à un affaiblissement. J’essaye d’expliquer très clairement aux gens quelles seraient les conséquences, par exemple, d’une sortie de l’UE. Et lorsque vous confrontez les gens à des conséquences inévitables, notamment en matière de financement des infrastructures ou d’échanges commerciaux, certains d’entre eux y réfléchissent à deux fois et modifient leur position.
Comment l'Europe peut-elle se protéger face à la déferlante de produits chinois, mais aussi face aux pressions américaines et à la menace russe ?
Nous prenons enfin des mesures contre les importations de colis à bas prix, souvent commandés sur des plateformes chinoises en ligne comme Shein, en leur imposant une taxe forfaitaire. Mais il aurait mieux fallu ne pas attendre le scandale des poupées sexuelles en France [NDLR : mises en vente sur la plateforme Shein] pour agir, car nous savions déjà que certains de ces produits ne respectaient pas nos normes techniques.
Dans ce nouveau contexte international, nous devrions être plus unis. Mais ce n’est pas ce qu’il se passe dans les faits. Nous nous étions engagés, dans le traité de Lisbonne de 2007, à avoir une politique étrangère commune, afin d’avoir plus de poids, tant dans nos relations avec nos adversaires que dans nos relations avec nos alliés. Et pourtant, les dirigeants européens ne respectent pas cet engagement. Lorsqu’il s’agit de discuter de la crise ukrainienne, ce sont certains chefs d’Etat représentant leur pays qui s’en chargent. Et ensuite, ils s’étonnent que l’UE ne tire pas profit de son pouvoir collectif !
Je doute cependant que nous puissions attendre les consensus nécessaires pour une plus grande intégration. Je suis malheureusement arrivé à la conclusion que ce qui est nécessaire pour rendre l’Europe plus puissante est pour l’instant politiquement impossible. Et c'est là notre tragédie.
Les divisions croissantes mettent-elles la démocratie en danger, dans des pays comme la Pologne ou la France ?
A mon sens, la démocratie est en sécurité dans les petits pays européens. Aux Pays-Bas, au Luxembourg, dans les pays scandinaves et baltes, il est plus facile d’instaurer la confiance envers l’élite politique, et entre les médias et l’élite politique, et ainsi de maintenir la cohésion nationale. Dans les grands pays, c’est beaucoup plus difficile.
Pendant longtemps, en Europe de l’Est, les Français ont été critiqués pour leur arrogance. Cette époque est-elle révolue ? La coopération avec la France, notamment dans le cadre du traité de Nancy et du Triangle de Weimar, est-elle importante pour la Pologne ?
Bien sûr ! La France est un membre fondateur très important de l’Union européenne, avec une influence considérable ; membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, une puissance nucléaire. C'est aussi un pays dont l'élite pense de manière stratégique et globale, ce qui est moins courant en Europe qu’on peut le penser. La France a toujours eu une politique étrangère et pas seulement une politique industrielle, par exemple. Et votre diplomatie est très habile.
Nous avons négocié et signé le traité de Nancy, un lieu symbolique pour nos deux pays, parce que nous voulons être amis avec la France. Il existe également, comme vous le savez, de profondes affinités culturelles qui remontent à plusieurs siècles, et dépasse largement la relation entre Frédéric Chopin et George Sand. Notre première forme de constitution, les articles henriciens, au XVIe siècle, était un ensemble de règles que les rois, élus par la noblesse, devaient jurer de respecter. Eh bien, figurez-vous que la première prestation de serment, celle d’Henri de Valois, roi de Pologne et futur roi de France sous le nom d’Henri III, a eu lieu à Notre-Dame !
Volodymyr Zelensky se rendra jeudi à Bruxelles pour convaincre les pays de l’UE, réunis lors d’un sommet, d’utiliser les milliards d’avoirs gelés russes en Belgique pour financer l’aide à l’Ukraine. A la veille de cette réunion, il estime que la Russie se prépare déjà à une "nouvelle année de guerre", en réaction aux déclarations belliqueuses du président russe. Plus tôt dans la journée du 17 décembre, Vladimir Poutine a estimé que la Russie atteindra "les objectifs de l’opération militaire" en Ukraine. Une menace, alors que les tentatives diplomatiques se sont multipliées cette semaine depuis Berlin, incluant chaque jour un peu plus les Etats européens. L’avant-veille, ils avaient mis sur la table l’idée d’une "force multinationale" soutenue par les armées européennes et américaines pour garantir la paix en Ukraine, en cas de signature d’accord de paix. Une nouvelle dynamique qui ne semble pas plaire à Vladimir Poutine, qui a estimé que cette nouvelle implication européenne "n’augure rien de bon" pour l’acceptabilité d’un accord de paix par la Russie.
Les infos à retenir
⇒ Vladimir Poutine jure que la Russie atteindra "les objectifs de l’opération militaire" en Ukraine
⇒ Volodymyr Zelensky se rendra à Bruxelles jeudi pour convaincre les Européens d’utiliser les avoirs gelés de la Russie
⇒ Le Parlement européen a approuvé la sortie du gaz russe à l’automne 2027
Moscou se prépare à une nouvelle "année de guerre" selon Kiev
Le président ukrainien a estimé mercredi que la Russie se préparait à mener une nouvelle "année de guerre" en Ukraine en 2026, après des propos de son homologue russe Vladimir Poutine affirmant que les objectifs de Moscou dans le pays seraient "sans aucun doute atteints". "Aujourd’hui, nous avons entendu un nouveau signal de Moscou disant qu’ils se préparent à faire de l’année prochaine une nouvelle année de guerre", a déclaré Volodymyr Zelensky dans son allocution quotidienne.
Selui lui, les autorités russes tentent de "saper la diplomatie" en cherchant "diverses formulations" dans les propositions en cours de négociations "pour dissimuler leur désir de détruire l’Ukraine et les Ukrainiens" et "leur volonté de légitimer le vol de notre territoire".
Volodymyr Zelensky à Bruxelles jeudi pour convaincre l’UE d’utiliser les avoirs russes
Un haut responsable ukrainien qui s’exprime sous couvert d’anonymat a affirmé mercredi à l’AFP Volodymyr Zelensky se rendrait à Bruxelles pour convaincre les Européens, réunis jeudi en sommet, d’utiliser les actifs gelés russes pour financer l’aide à l’Ukraine. Selon lui, le gouvernement de Donald Trump fait "pression" sur les pays européens pour qu’ils "renoncent à l’idée". Quelque 210 milliards d’euros de la Banque centrale russe sont actuellement immobilisés dans l’UE. Ils ont été gelés par les Occidentaux après l’invasion de l’Ukraine en février 2022. Selon le responsable, "Sept pays ne soutiennent déjà pas publiquement cette idée".
Friedrich Merz appelle l’UE à utiliser les avoirs russes gelés pour "intensifier la pression sur Poutine"
Le chancelier allemand a appelé mercredi l’UE à utiliser les avoirs russes gelés pour le financement de l’Ukraine en guerre, à la veille d’un sommet des dirigeants européens appelés à trancher sur le sujet à Bruxelles. "La pression sur Poutine doit encore s’intensifier pour l’amener à négocier sérieusement, et c’est pour cela que nous avons besoin de la décision des chefs d’État et de gouvernement européens", a-t-il martelé devant les députés allemands à Berlin, avant de s’envoler pour Bruxelles. Selon lui, il s’agit "aussi d’envoyer un signal clair à la Russie pour lui faire comprendre que nous allons utiliser les moyens dont nous disposons pour mettre fin à cette guerre".
Ursula von der Leyen propose d’utiliser les avoirs russes gelés pour accorder à l’Ukraine un prêt de 90 milliards d’euros, mais cette initiative rencontre l’opposition de la Belgique alors que les dirigeants de l’UE se réunissent jeudi et vendredi à Bruxelles pour décider du financement de Kiev.
Pour Vladimir Poutine, la Russie atteindra ses objectifs
"Les objectifs de l’opération militaire spéciale seront sans aucun doute atteints", a affirmé Vladimir Poutine lors d’une réunion avec des responsables du ministère de la Défense, alors que les tentatives diplomatiques pour mettre fin au conflit s’intensifient. "Nous préférerions y parvenir et éliminer les causes profondes du conflit par la voie diplomatique" mais, si "le pays adverse et ses protecteurs étrangers refusent de s’engager dans des discussions substantielles", le pays y parviendra "par la voie militaire".
Le Parlement européen approuve la sortie du gaz russe à l’automne 2027
Les eurodéputés ont adopté définitivement mercredi 17 décembre l’interdiction de toutes les importations de gaz russe dans l’Union européenne à l’automne 2027 au plus tard, dans le but de priver la Russie de ressources finançant sa guerre en Ukraine. Le texte a été approuvé à une large majorité. "Sortir du gaz russe est une grande réussite pour l’Union européenne. Un geste véritablement historique", s’est félicité mardi sa rapporteure.
Selon elle, "depuis que la guerre à grande échelle a commencé (NDLR : en février 2022), l’Union européenne a payé plus de 216 milliards d’euros pour de l’énergie fossile russe. Nous payons encore près de 40 millions d’euros par jour (à la Russie) et finançons toujours les massacres en Ukraine".
Washington prépare de nouvelles sanctions contre l’énergie Russe
Les États-Unis préparent une nouvelle série de sanctions contre le secteur de l’énergie russe pour augmenter la pression sur Moscou, et dissuader Vladimir Poutine de refuser l’accord de paix, selon les informations de Reuters. Elles cibleraient principalement le ciblage de navires de la "flotte fantôme" de pétroliers russes, utilisés pour transporter le pétrole russe. Les commerçants facilitant ces transactions seraient aussi visés.
Les prochains jours "cruciaux" pour le financement de l’Ukraine, selon Ursula von der Leyen
"Les prochains jours seront une étape cruciale pour y parvenir ; il nous revient de choisir comment financer le combat de l’Ukraine, et nous en connaissons l’urgence" a appelé la présidente de la Commission européenne à la veille d’un sommet des dirigeants de l’U. Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne se retrouvent jeudi et vendredi à Bruxelles pour décider des moyens de financer au cours des deux ans à venir l’Ukraine en guerre contre la Russie.
L’une des options consiste à utiliser les avoirs de la banque centrale russe gelés en Europe, dont l’essentiel se trouve en Belgique sous le contrôle de la société Euroclear, pour financer un "prêt de réparation" à l’Ukraine d’un montant de 90 milliards d’euros. Une large majorité des 27 pays de l’UE y est favorable mais la Belgique s’y oppose, redoutant des représailles russes ou d’être le seul pays à payer les pots cassés en cas de problème. La dernière proposition sur la table prévoit des garanties de la part des 27 et de l’Union européenne, mais toujours jugées insuffisantes par la Belgique.
Les eurodéputés ont adopté définitivement, mercredi 17 décembre, l’interdiction de toutes les importations de gaz russe dans l’Union européenne à l’automne 2027 au plus tard, dans le but de priver la Russie de ressources finançant sa guerre en Ukraine.
Le Parlement européen a approuvé à une large majorité ce texte, qui doit encore obtenir un ultime feu vert des Etats membres à la majorité qualifiée - normalement une formalité. "Sortir du gaz russe est une grande réussite pour l’Union européenne. Un geste véritablement historique", s’est félicitée mardi la rapporteure du texte, Inese Vaidere.
"216 milliards d’euros" en quatre ans
"Depuis que la guerre à grande échelle a commencé (NDLR : en février 2022), l’Union européenne a payé plus de 216 milliards d’euros pour de l’énergie fossile russe. Nous payons encore près de 40 millions d’euros par jour (à la Russie) et finançons toujours les massacres en Ukraine", a déclaré l’élue (Parti populaire européen, droite) lettone.
Le texte prévoit une interdiction progressive d’acheter du gaz russe, qui s’appliquera au plus tard le 1er novembre 2027 pour des contrats d’achat de long terme - les plus sensibles car ils courent parfois sur des dizaines d’années. Des pénalités financières pourront être imposées aux entreprises qui contourneront l’interdiction. En revanche, l’accord ne prévoit pas d’interdire totalement les achats de pétrole et de combustible nucléaire russes, auxquels ont encore recours plusieurs Etats européens.
La Hongrie opposée
La Commission européenne a opté pour une proposition législative plutôt que des sanctions, car elle peut être adoptée à la majorité qualifiée des Etats membres plutôt qu’à l’unanimité. Le but est de contourner un veto de la Hongrie et de la Slovaquie, deux pays considérés comme proches de Moscou et fermement opposés à ces mesures.
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a d’ailleurs promis de contester le plan en justice. Dans l’hémicycle, l’eurodéputé d’extrême droite (Patriotes) Thierry Mariani, réputé pro russe, a fustigé mardi une "rupture historique", "imposée […] sans unanimité, et au prix de risques juridiques majeurs pour les Etats et les entreprises".
Cinq ans après le Brexit, le gouvernement britannique a trouvé un accord avec Bruxelles pour réintégrer dès 2027 le programme européen d'échanges universitaires Erasmus, une mesure emblématique d'une volonté de rapprochement avec l'Union européenne.
Les Britanniques avaient quitté ce programme en décembre 2020, au moment de la sortie de leur pays de l'Union européenne. "L'adhésion à Erasmus+ est une victoire majeure pour nos jeunes, en levant les obstacles et en élargissant les horizons afin que chacun, quelle que soit son origine, ait la possibilité d'étudier et de se former à l'étranger", a déclaré le ministre britannique des relations avec l'Union européenne, Nick Thomas-Symonds, dans un communiqué publié mercredi.
"Un grand pas en avant"
Ce retour "ouvre la voie à de nouvelles expériences partagées et à des amitiés durables" à tous les étudiants qui pourront bénéficier de cette extension du programme, a souligné sur X la présidente de l'exécutif européen Ursula von der Leyen, tandis que le commissaire au Commerce, Maros Sefcovic, a salué "un grand pas en avant" pour les relations entre l'UE et le Royaume-Uni.
L'accord s'inscrit dans le cadre de la relance des relations avec l'UE entreprise par le Premier ministre travailliste Keir Starmer depuis son arrivée au pouvoir en juillet 2024, après des années de tensions entre les 27 et les précédents gouvernements conservateurs liées au Brexit. En mai, Londres et Bruxelles avaient conclu un "nouveau partenariat stratégique" pour resserrer les liens, lors d'un sommet inédit.
Outre Erasmus, le Royaume-Uni et la Commission européenne ont annoncé dans un communiqué conjoint des négociations sur la participation britannique au marché européen de l'électricité. "Les accords conclus aujourd'hui démontrent que notre nouveau partenariat avec l'UE fonctionne", s'est félicité le ministre britannique. L'accord trouvé sur Erasmus devra encore être approuvé par les 27 Etats membres.
La décision du gouvernement conservateur de Boris Johnson, annoncée en décembre 2020, de quitter le programme Erasmus, auquel le pays participait depuis 1987 avait suscité la consternation dans l'UE, ainsi que chez les étudiants et les acteurs de l'enseignement supérieur au Royaume-Uni. Boris Johnson avait alors mis en avant le coût du programme, trop élevé selon lui, arguant que Londres accueillait plus d'étudiants européens (35 000 par an environ) qu'il n'envoyait de jeunes Britanniques (17 000) sur le continent. Il avait alors créé son propre programme Alan Turing, du nom de ce célèbre mathématicien britannique.
Erasmus permet aux étudiants d'étudier à l'étranger dans des universités et établissements d'enseignement supérieur partenaires, en offrant des bourses destinées à couvrir leurs frais. Les étudiants participants paient généralement leurs frais d'inscription à leur établissement d'origine, les coûts supplémentaires étant pris en charge par l'Union européenne, via des fonds publics.
Le programme ouvert aux étudiants et apprentis
Depuis le Brexit, les jeunes européens étudiant au Royaume-Uni doivent s'acquitter comme les autres étudiants internationaux de frais universitaires élevés, souvent trois fois supérieurs à ceux payés par les étudiants britanniques. Selon le gouvernement britannique, plus de 100 000 personnes au Royaume-Uni pourraient bénéficier du programme dès la première année.
Londres a précisé que le programme serait ouvert aux étudiants et apprentis, insistant sur l'importance de voir participer un public large, y compris les "groupes défavorisés". "Les opportunités offertes par Erasmus+ comprennent notamment des stages dans des entreprises européennes de premier plan pour les étudiants de l'enseignement supérieur et les apprentis", explique le gouvernement.
La contribution du Royaume-Uni à ce programme pour l'année 2027-2028 s'élèvera à environ 570 millions de livres (648 millions d'euros). "Toute participation à Erasmus+ dans le prochain cadre financier pluriannuel devra faire l'objet d'un accord futur et reposer sur une contribution équitable et équilibrée", prévient le gouvernement britannique.
Depuis sa création en 1987, neuf millions de personnes ont bénéficié d'Erasmus, qui a également contribué à former une génération de Britanniques pro-européens. Les jeunes Français avaient fait du Royaume-Uni leur destination favorite entre 2014 et 2019, selon les chiffres de l'agence Erasmus+ France, qui gère le programme dans l'Hexagone.
Le Royaume-Uni a trouvé un accord avec Bruxelles pour réintégrer dès 2027 le programme européen d'échanges universitaires Erasmus qu'il avait quitté fin 2020 au moment du Brexit.
Capgemini, DHL, Siemens ou encore Spotify : plusieurs géants européens du numérique pourraient bientôt se voir appliquer des sanctions par Washington. Mardi 16 décembre, les Etats-Unis ont menacé l’Union européenne (UE) de représailles, si elle ne modifiait pas sa réglementation du secteur numérique, qu’ils jugent "discriminatoire", accusant l’Europe de vouloir "restreindre, limiter et décourager" l’activité des entreprises américaines.
"L’Union européenne et certains Etats membres ont persisté dans leur approche discriminatoire et leur harcèlement avec des procès, impôts, amendes et directives visant les fournisseurs américains de services", a écrit dans un message sur X le bureau du représentant de la Maison-Blanche pour le Commerce (USTR). "S’ils persistent", ajoute-t-il, "les Etats-Unis n’auront d’autre choix que d’utiliser tous les outils à disposition pour contrer ces mesures déraisonnables", allant jusqu’à citer des noms de sociétés européennes.
Allocution télévisée
Ces menaces interviennent alors que le président américain doit s’exprimer, mercredi soir, à la télévision américaine, afin de vanter son bilan. De son côté, l’UE a assuré qu’elle allait continuer à réguler le secteur du numérique "équitablement" malgré les menaces américaines, assurant appliquer ses réglementations "sans discrimination" : "comme nous l’avons expliqué à de nombreuses reprises, nos règles s’appliquent de manière égale et équitable à toutes les entreprises opérant dans l’UE", a assuré Thomas Regnier, le porte-parole de la Commission européenne.
La Maison-Blanche n’a cessé de critiquer depuis le début de l’année les régulations européennes sur les services numériques et les enquêtes et amendes infligées par la Commission européenne contre les abus des géants américains.
120 millions d’euros réclamés à Meta
Dernier exemple en date d’amende infligée par l’UE, celle de 120 millions d’euros imposée début décembre au réseau social X, propriété du milliardaire Elon Musk, allié du président américain Donald Trump. La Commission reprochait au réseau social de ne pas respecter le règlement européen sur les services numériques (DSA), une décision vue comme "une attaque contre toutes les plateformes technologiques américaines et le peuple américain", avait fustigé le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio. Ces dernières années, d’autres géants de la tech comme Apple ou Google se sont également vues imposer plusieurs milliards d’euros d’amendes pour non-respect de la législation européenne.
Cette loi est entrée en vigueur il y a deux ans pour lutter contre les contenus illégaux et dangereux en ligne, et impose des obligations renforcées aux plus grandes plateformes actives dans l’UE. Ces dernières années, l’UE a imposé plusieurs milliards d’euros d’amendes aux grands groupes américains du numérique, pour non-respect de la législation européenne.
Les Européens dans le viseur
"Des entreprises européennes de services ont eu la possibilité d’opérer librement aux Etats-Unis depuis des décennies, profitant de l’accès à notre marché et à nos consommateurs", a rappelé le bureau de l’USTR dans son message, citant notamment Accenture, Capgemini, Publicis ou encore la licorne française de l’intelligence artificielle (IA) Mistral. "Si des mesures de représailles étaient nécessaires, la loi américaine permet la mise en place de droits d’entrée ou de restrictions aux services étrangers, parmi d’autres possibilités", a-t-il menacé.
Washington a appelé à plusieurs reprises l’UE à assouplir ses directives relatives au secteur du numérique, mettant notamment dans la balance un abaissement possible des droits de douane imposés à l’acier et l’aluminium européens. Le bureau de l’USTR a également prévenu les "autres pays qui envisagent une stratégie similaire à l’UE en la matière" d’une "réponse identique" de la part des Etats-Unis.
En parallèle, la Maison-Blanche a également annoncé, mardi, la suspension d’un partenariat technologique entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni, portant notamment sur l’intelligence artificielle, le nucléaire et l’informatique quantique, au motif que la conclusion de l’accord n’allait pas assez vite.
Le président américain Donald Trump a annoncé mardi un "blocus total" contre les pétroliers sous sanctions se rendant ou partant du Venezuela, renforçant la pression économique sur Caracas en pleine crise entre les deux pays. "Aujourd'hui, j'ordonne un blocus total et complet de tous les pétroliers sanctionnés entrant et sortant du Venezuela", a écrit Donald Trump sur son réseau Truth Social.
Le gouvernement du président vénézuélien Nicolas Maduro utilise le pétrole pour financer "le narcoterrorisme, la traite d'êtres humains, les meurtres et les enlèvements", a justifié Donald Trump, reprenant sa rhétorique habituelle. Dans son message, il a aussi affirmé que "le régime vénézuélien avait été désigné comme une organisation terroriste internationale" par son administration.
Caracas a répondu en qualifiant de "menace grotesque" cette annonce. "Le président des Etats-Unis tente d'imposer de manière absolument irrationnelle un prétendu blocus naval militaire au Venezuela dans le but de voler les richesses qui appartiennent à notre patrie", a rétorqué le gouvernement vénézuélien dans un communiqué.
Le durcissement de la politique américaine salué par Maria Corina Machado
L'administration Trump accuse Nicolas Maduro d'être à la tête d'un vaste réseau de narcotrafic. L'intéressé dément catégoriquement, affirmant que Washington cherche à le renverser pour s'emparer du pétrole vénézuélien, la principale ressource de son pays.
Les Etats-Unis ont déployé depuis cet été un important dispositif militaire dans les Caraïbes, et bombardé des embarcations en provenance du Venezuela au nom de la lutte contre le narcotrafic, des opérations à la légalité mise en doute par les experts. "Le Venezuela est entièrement encerclé par la plus grande armada jamais assemblée dans l'histoire de l'Amérique du Sud", a affirmé Donald Trump. Le déploiement américain "ne fera que s'accroître, et le choc qu'ils subiront sera sans précédent - jusqu'à ce qu'ils rendent aux Etats-Unis d'Amérique le pétrole, les terres et les autres actifs qu'ils nous ont précédemment volés", a ajouté le président américain, qui a toujours maintenu le flou sur la possibilité d'une intervention terrestre sur le sol vénézuélien.
Donald Trump n'a pas développé ses accusations de vols de pétrole et de terres. Dans les années 1970, le Venezuela a nationalisé son industrie pétrolière, et sous la présidence d'Hugo Chavez (1999-2013), les "majors" étrangères ont été obligées, pour rester dans le pays, d'accepter des coentreprises majoritairement détenues par la compagnie d'Etat PDVSA. La compagnie américaine Chevron, qui continue à travailler au Venezuela au bénéfice d'une dispense de sanctions, a indiqué mardi que ses opérations "continuent sans interruption et dans le plein respect des lois".
Le durcissement de la politique américaine contre Caracas a été salué par l'opposante vénézuélienne Maria Corina Machado, prix Nobel de la paix 2025, qui a même appelé ce week-end sur la chaîne américaine CBS à exercer plus de "pression" afin que "Maduro comprenne qu'il doit partir". Soumis à un embargo américain depuis 2019, le pétrole vénézuélien est écoulé sur le marché noir à des prix nettement plus bas, à destination en particulier de la Chine.
Un pétrolier saisi
La semaine dernière, les forces américaines ont saisi en mer des Caraïbes un pétrolier à destination de Cuba, le Skipper. Le navire transportait entre un et deux millions de barils de brut vénézuélien, selon les sources, pour une valeur de 50 à 100 millions de dollars. Selon Washington, le navire était sous sanctions américaines depuis 2022 pour des liens présumés avec le Corps des Gardiens de la Révolution islamique iranienne et le Hezbollah libanais. Selon la Maison-Blanche, les Etats-Unis entendent "saisir le pétrole" du Skipper, reconnaissant cependant que cela posait des questions juridiques.
L'annonce de blocus Donald Trump survient alors que les ministres américains de la Défense et des Affaires étrangères ont défendu mardi au Congrès les frappes menées contre des embarcations soupçonnées de narcotrafic dans les Caraïbes.
Depuis début septembre, le président américain a ordonné des frappes contre au moins 26 navires dans les Caraïbes ou l'est du Pacifique, tuant au moins 95 personnes, sans jamais fournir de preuve de leur implication dans le trafic de drogues. Le sujet a soulevé de vifs débats à Washington, notamment une opération datant de début septembre au cours de laquelle l'armée a tiré deux salves, la seconde achevant les deux survivants d'un bateau déjà en flammes.
Le président américain Donald Trump a annoncé mardi 16 décembre un "blocus total" contre les pétroliers sous sanctions se rendant ou partant du Venezuela.
Donald Trump a étendu mardi 16 décembre les interdictions d'entrée aux Etats-Unis aux ressortissants de sept pays, dont la Syrie, ainsi qu'aux Palestiniens. Le président américain a signé une proclamation "restreignant et limitant davantage l'entrée des ressortissants étrangers afin de protéger la sécurité des Etats-Unis", a indiqué la Maison-Blanche.
Les nouveaux pays concernés par cette mesure sont le Burkina Faso, le Niger, le Mali, le Soudan du Sud et la Syrie, tandis que le Laos et la Sierra Leone passent de restrictions partielles à totales. Les Palestiniens disposant de documents de voyage émis par l'Autorité palestinienne sont également visés.
Quelques exceptions
L'administration Trump avait déjà imposé des restrictions totales visant les ressortissants de douze pays et des dizaines d'autres pays se sont vus imposer des restrictions partielles. S'agissant de la Syrie, la mesure intervient quelques jours après une attaque meurtrière contre des soldats américains dans le centre de ce pays. L'administration Trump dit avoir identifié des pays où les vérifications sont "tellement insuffisantes qu'elles justifiaient une suspension totale ou partielle de l'admission des ressortissants de ces pays".
La proclamation prévoit cependant des exceptions pour les résidents permanents légaux, les titulaires de visas existants, certaines catégories de visas comme les athlètes et les diplomates, et les personnes dont "l'entrée sert les intérêts nationaux des Etats-Unis".
Une mesure "qui vise à protéger les Etats-Unis"
Depuis son retour au pouvoir en janvier, Donald Trump mène une vaste campagne contre l'immigration illégale et a considérablement durci les conditions d'entrée aux Etats-Unis et l'octroi de visas, arguant de la protection de la sécurité nationale. Ces mesures visent ainsi à interdire l'entrée sur le territoire américain aux étrangers qui "ont l'intention de menacer" les Américains, selon la Maison-Blanche. De même, pour les étrangers qui "pourraient nuire à la culture, au gouvernement, aux institutions ou aux principes fondateurs" des Etats-Unis. Le président américain s'en est récemment pris avec virulence aux Somaliens, disant qu'il "ne voulait pas d'eux chez nous".
En juin, il avait annoncé des interdictions d'entrée sur le territoire américain aux ressortissants de douze pays, principalement en Afrique et au Moyen-Orient (Afghanistan, Birmanie, Tchad, Congo-Brazzaville, Guinée équatoriale, Erythrée, Haïti, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Yémen).
En revanche, le Turkménistan, pays qui figure parmi les plus reclus au monde, se voit accorder un satisfécit, la Maison-Blanche évoquant mardi des "progrès significatifs" dans cet Etat d'Asie centrale. Les ressortissants de ce pays pourront à nouveau obtenir des visas américains, mais uniquement en tant que non-immigrants. Lors de son premier mandat (2017-2021), Donald Trump s'en était pris de façon similaire à certains pays, ciblant principalement des pays musulmans.
Des grandes annonces de Donald Trump sur le nucléaire, le grand public a surtout retenu la possible reprise des essais militaires sur le terrain, après plusieurs décennies d’arrêt. Mais dans les executive orders du président américain, une autre mesure, historique elle aussi, commence à créer des remous. Dans un souci d’efficacité, l’administration souhaite relever les seuils maximums d’exposition à la radioactivité pour la population. Il n’en fallait pas plus pour accentuer la peur de l’atome.
Aux Etats-Unis, certains médias évoquent déjà un pic de cancers à venir ou l’arrivée, dans les supermarchés, de poêles à frire radioactives fabriquées à partir de matériaux irradiés recyclés. "Le débat mérite pourtant d’être plus nuancé, estime Dominique Greneche, docteur en physique nucléaire et membre de PNC-France (Patrimoine nucléaire et climat). Non seulement des scientifiques tout à fait respectables sont favorables à ce changement de norme. Mais le président américain a le mérite de mettre le doigt sur un problème rarement abordé : l’excès de sûreté en matière de nucléaire civil."
La réglementation sur les radiations
Aux Etats-Unis, deux idées fortes servent de pilier à la réglementation sur les radiations. La première part du principe que le risque lié aux rayonnements est directement proportionnel à la dose, et qu’il n’y a pas de seuil en dessous duquel ce risque est nul. Le second principe, qui découle du précédent, cherche à maintenir l’exposition des travailleurs et du public aussi faible que raisonnablement possible. Et c’est cette fameuse règle du As Low As Reasonnably Achievable (ALARA), qui se retrouve aujourd’hui dans le viseur de l’administration américaine.
"Concrètement, les limites de dose aux États-Unis sont de 50 millisieverts (mSv) par an pour les travailleurs du nucléaire et de 1 mSv pour le public. Le ministère de l’Énergie et la Commission de réglementation nucléaire n’ont pas encore publié leur projet, nous ne savons donc pas exactement quels seront les changements. Cependant, même si rien n’est encore officiel, les modifications envisagées pourraient augmenter les doses admissibles pour le public autour de 5 mSv par an. Il s’agirait également de supprimer ou d’affaiblir le principe de l’ALARA", détaille Emily Caffrey, physicienne certifiée en radioprotection, professeure à l’université d’Alabama-Birmingham.
Pourquoi remettre en question cette règle pleine de bon sens héritée des années 1950 ? "Il semblait prudent d’appliquer ce principe à l’époque, mais la notion de 'raisonnablement possible' a depuis lors été interprétée de manière très large, entraînant des conséquences indésirables", confie Craig Piercy, dirigeant de l’American Nuclear Society, une société savante regroupant plusieurs milliers de scientifiques. Le strict respect de cette règle entraîne par exemple des travaux de construction supplémentaires sur les sites de traitement des déchets radioactifs. Il se traduit parfois par un refus de radiothérapie pour un patient ou des décès inutiles comme lors de l’évacuation de la région de Fukushima.
"Après la catastrophe, les autorités ont décidé d’évacuer 78 200 personnes vivant dans des zones définies en fonction de ces limites très basses. Or plusieurs études ont attribué ensuite entre 1 600 et 2 200 décès à cette opération (morts de personnes âgées faute de soin, décès dans les transports, suicides…). Dès lors, il faut s’interroger sur le bilan sanitaire global de type de gestion post-accidentelle basé sur les normes trop restrictives", détaille Dominique Greneche.
Des marges confortables
D’autant qu’un rapport récent confirme qu’en matière de radioactivité, il existe une marge importante de sécurité permettant de relever les seuils d’exposition sans mettre la population en danger. Selon ce document, rédigé par les scientifiques du laboratoire national de l’Idaho, les études épidémiologiques n’ont jamais réussi à démontrer des effets statistiquement significatifs sur la santé à des doses inférieures à 100 mSv. Conclusion des experts : pour le grand public, "la limite actuelle de 1 mSv par an semble trop restrictive. Une révision à 5 mSv par an pour le grand public permettrait de maintenir une marge de sécurité substantielle tout en en permettant une mise en œuvre plus rentable des technologies nucléaires bénéfiques pour les secteurs de l’énergie, de la santé et de l’industrie".
Craig Piercy acquiesce : "Oui, les rayonnements causent la mort à fortes doses. Ils provoquent le cancer de manière relativement linéaire sur le plan statistique. Mais à environ 50 mSv par an, le signal épidémiologique des effets néfastes sur la santé disparaît au milieu d’autres facteurs (alimentation, forme physique…). Sans preuve directe chez les populations humaines, les scientifiques ne peuvent que théoriser sur les effets de l’exposition aux rayonnements à ces niveaux proches du fond".
Mais comment rassurer la population sur un sujet aussi sensible ? "La question de savoir si ce changement de norme est acceptable relève de la politique et de valeurs comme la tolérance au risque. Elle ne peut être tranchée par une simple réponse scientifique. Bien que je ne qualifierais pas personnellement ce changement potentiel de dangereux, il comporte des implications méritant d’être débattues", souligne Emily Caffrey.
Les effets économiques d’une telle décision, en revanche, sont parfaitement clairs. Par exemple, les normes drastiques augmentent considérablement les coûts pour la filière de retraitement des déchets. Elles réduisent aussi les perspectives de recyclage. "C’est vrai pour les Etats-Unis, mais aussi pour la France, estime Dominique Greneche. Nous avons chez nous une règle spécifique, un seuil de radioactivité en dessous duquel les déchets issus d’une installation nucléaire ne peuvent être gérés comme des matériaux conventionnels. Nous sommes le seul pays au monde à nous payer le luxe d’un tel fardeau réglementaire". Même l’ancien directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), Jacques Repussard, s’en inquiète dans une interview donnée à la Société française d’énergie nucléaire (Sfen). "Ce mécanisme comporte deux inconvénients. Le premier : c’est un système luxueux. Tout ce qui sort de la zone contrôlée est réputé radioactif, même s’il n’y a pas du tout de contamination. Mais l’inconvénient le plus sérieux est que cela conduit, paradoxalement, à fausser la représentation qu’a le public des déchets radioactifs. Il peut en effet légitimement penser que si l’on prend tant de précautions, c’est que ceux-ci sont très dangereux dès le premier becquerel… Ce qui est évidemment faux".
"A force d’empiler des normes, on atteint une limite difficile à franchir en matière de sûreté ; c’est comme si on avait mis en place un nœud coulant", prévient Dominique Greneche. La France devrait donc mener elle aussi son introspection ? Le scientifique en est persuadé. "Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, Donald Trump a sans doute raison de mettre un coup de pied dans la fourmilière."
Depuis quelques mois, les soldats ukrainiens sur le front observent un comportement nouveau des drones Shahed. Ces engins, utilisés en quantité par les Russes pour viser des cibles situées derrière les lignes de front, réalisent des manœuvres pour échapper aux drones intercepteurs ukrainiens. "Les Russes ont installé des caméras à l’arrière des Shahed, et grâce à ça, ils ont appris à nous éviter", indique Hadrien Canter. Pour ce Français, fondateur de l’entreprise Alta Ares, spécialisée dans le développement d’IA de défense pour les drones, il n’y a pas de doute possible. "Ces Shahed font des manœuvres et du ciblage qu’ils ne pourraient pas faire sans intelligence artificielle. Heureusement, nous arrivons toujours à les intercepter, même si c’est plus dur", raconte celui qui était encore il y a peu en Ukraine.
L’intelligence artificielle est de plus en plus présente en Ukraine, avec une "robotisation progressive du champ de bataille", comme le résume Hadrien Canter. Très tôt, l’armée de Volodymyr Zelensky a mis en place des outils pour piloter des essaims de drones, faire de la navigation autonome, et analyser des informations récoltées sur le champ de bataille. La coopération entre les forces ukrainiennes et le secteur privé, aussi bien local qu'international, a été documentée en Europe. Du côté de l’armée russe, "l’IA est largement employée par les pilotes, et par les opérateurs de drones", a récemment déclaré à la presse russe l’ancien colonel et observateur militaire Anatoly Matviychuk. L’IA est "également intégrée dans des systèmes de raisonnement logique, ce qui aide à la prise de décision sur le champ de bataille".
Il est cependant plus difficile de cerner avec précision les avancées russes dans le domaine. "L’accès à l’information est compliqué, déjà à cause du secret de l’armée, mais aussi parce qu’il y a beaucoup de propagande étatique", explique Anna Nadibaidze, chercheuse au centre des études militaires de l’université du Danemark du Sud, spécialiste des applications militaires de l’intelligence artificielle. Outre les déclarations politiques invérifiables qui peuvent exagérer les capacités réelles, les questions de performance en IA sur le terrain militaire sont considérées en Russie comme un symbole de pouvoir sur la scène internationale, ce qui alimente la désinformation. Un fait demeure certain : alors que la guerre s’éternise, la maîtrise de cette nouvelle technologie est une question de plus en plus importante pour Moscou.
Une vieille ambition
Les ambitions russes dans le secteur de l’IA militaire ne datent pas d’hier. Dès 2017, Vladimir Poutine avait désigné l’intelligence artificielle comme un secteur d’importance critique, allant jusqu’à déclarer que celui qui maîtriserait cette technologie "maîtriserait le monde". Le président avait notamment dévoilé à ce moment-là une stratégie nationale pour faire de la Russie la puissance majeure de l’IA, rappelle Yannick Harrel, chercheur en cyberstratégie et expert du monde russe. "Dès le départ, le plan avait prévu des milliards de roubles d’investissement, soit près de 400 millions de dollars." Une somme qui peut aujourd’hui sembler dérisoire à l’échelle des Etats-Unis, mais qui était conséquente en Russie, à une époque où le coût du matériel et de l’énergie était bien moindre.
La Russie dispose alors de nombreux avantages dans la course à l’IA. "Il y a toujours eu une excellente formation en mathématiques là-bas", indique Yannick Harrel, ce qui a permis de former de très bons ingénieurs. Preuve de cette excellence, lors des Olympiades scientifiques, ces compétitions mondiales rassemblant les meilleurs cerveaux, les chercheurs russes arrivent régulièrement sur le podium, comme de nombreux compétiteurs des pays de l’ex-URSS. "Les chercheurs soviétiques avaient posé les bases de modélisations très avancées, notamment en mathématiques fondamentales et avec les premiers supercalculateurs", reprend Yannick Harrel. Les universités russes ont ainsi profité de ces savoirs.
Si le plan concerne au début l’IA civile, "il est prévu d’intégrer la technologie dans les secteurs stratégiques — et cela inclut évidemment le militaire", pointe le chercheur. Il est également écrit que le secteur militaro-industriel doit contribuer à supporter l’IA et les nouvelles technologies.
Ainsi, dès le début, Rostec, l’immense conglomérat rassemblant les entreprises de défense russes, dont Kalachnikov, se joint aux efforts de recherche en IA, avec le développement de logiciels et de systèmes autonomes. Le constructeur de missile Kronstadt participe également au programme, notamment pour les drones autonomes. Des instituts de recherche, dont le Advanced Research Foundation (ARF), équivalent russe de la DARPA américaine, ont pour objectif de développer les armes du futur, dont des véhicules sans pilote, des engins hypersoniques et des cyberarmes. On peut aussi compter ERA, "une sorte de mini-ville dédiée aux recherches en technologies militaires, installée en 2018 dans le sud de la Russie, près de Sotchi", ajoute Anna Nadibaidze.
A ces programmes pilotés par l’Etat russe s’ajoutent les efforts venant du secteur privé, menés par Sberbank, plus grande banque russe et investisseur massif dans les nouvelles technologies, et Yandex, équivalent russe de Google. Les deux groupes travaillent depuis le début des années 2010 sur les technologies de machine learning et de réseaux neuronaux, et bénéficient alors de partenariats technologiques prestigieux. Sberbank et Microsoft lancent en 2019 un programme de recherche conjoint en IA et en robotique et Yandex, en partenariat avec l’université de Tel-Aviv, crée un centre de recherche dédié à l’IA en 2018. L’entreprise fait même rouler, dès 2019, ses taxis autonomes dans les rues de Tel-Aviv.
La guerre en Ukraine, un frein majeur pour l’IA civile…
L’année 2022 marque un tournant dans le développement de l’IA russe. Après l’invasion de l’Ukraine, le pays se voit frappé de nombreux embargos. La collaboration scientifique s’arrête brutalement et les entreprises occidentales ont interdiction de vendre leurs puces et certains logiciels à la Russie. Or, le retard que le pays accuse dans ce domaine est criant : alors que les puces les plus puissantes, celles nécessaires pour entraîner les IA, sont gravées en nœud de 2nm, les fonderies russes ne prévoient de produire qu’à partir de 2030 celles en 28nm, d’après les données du Wall Street Journal.
Le pays fait également face à une pénurie de cerveaux, de nombreux chercheurs ayant quitté le pays peu après le début de la guerre. D’après les propres chiffres du ministère du Travail, d’ici 2030, la Russie manquera de plus de 400 000 experts en informatique. Les fonds viennent aussi à manquer : l’ensemble des entreprises russes d’IA n’a reçu que 30 millions de dollars d’investissement en 2025, à des années-lumière des sommes levées aux Etats-Unis, en Chine ou même en Europe.
Malgré tout, le secteur survit. Sberbank a ainsi développé GigaChat, un chatbot conversationnel concurrent de ChatGPT, sorti en avril 2023. Yandex a rendu public quelques semaines plus tard son propre agent conversationnel, YandexGPT, et propose des services de cloud pour entraîner des intelligences artificielles. L’approvisionnement en puces américaines étant impossible, la Russie s’est tournée vers le marché noir, à travers des entreprises écrans au Kazakhstan et utilise des composants et des puces chinoises.
… mais un accélérateur pour l’IA militaire
Si l’IA civile est en difficulté, les recherches en IA militaire sont, elles, plus actives que jamais. Dès septembre 2022, le ministère de la Défense lance le "Département de l’intégration de l’intelligence artificielle dans le développement des armements", dont le rôle consiste à rassembler les efforts des entreprises privées en IA et les recherches de l’armée, tout en intégrant les retours des soldats sur le terrain pour créer les armes et les outils les plus appropriés.
Des initiatives civiles par des citoyens russes ont même été lancées pour aider les forces armées. Le "Projet Archangel", l’un des plus grands groupes de volontaires civils russes, dont la mission est de former des pilotes de drones pour l’armée, a ainsi lancé le 11 décembre un appel à contribution pour entraîner des IA. Dans un message Telegram que L’Express a pu consulter, le groupe demande à ses membres de lui fournir des vidéos de drones FPV, quadricoptères ou à voilure fixe dans différentes conditions. Les participants sont appelés à filmer ces engins volant à une distance comprise entre 100 et 500 m, dans un cadre forestier, lors de certains types de manœuvres. Des vidéos filmées de nuit, dans des conditions météorologiques difficiles, ou en vision thermique seraient "particulièrement précieuses" et "chaque vidéo contribue à améliorer la précision du système", encouragent les responsables du projet.
Tous ces efforts portent leurs fruits. Les récents succès de Rubicon, l’unité d’élite de drones, sont "très probablement liés aux efforts du ministère de la Défense, ainsi qu’aux données collectées sur le terrain et aux outils IA certainement utilisés pour les analyser", estime Sam Bendett. Le chercheur, spécialiste des programmes militaires russes et auteur de nombreux rapports sur le sujet, notait dès 2023 qu’un drone "Admiral", capable de transporter deux drones FPV, était prétendument équipé d’un système de contrôle et de vision basé sur de l’IA. Toujours en 2023, la presse russe se vantait du lancement des munitions autonomes Lancet-3, qui utilisaient des réseaux neuronaux pour analyser les images enregistrées en vol afin de détecter les cibles et de réaliser des frappes plus précises.
Plus récemment, un nouveau type de drone a été identifié par les troupes ukrainiennes, le V2U. Bien que l’armée russe n’ait pas officiellement reconnu le drone comme faisant partie de son arsenal, ce dernier "volerait en essaims et aurait des capacités d’intelligence plus développées que les autres drones", ajoute Sam Bendett. Des efforts sont également faits au niveau des drones terrestres. Un des exemples notables est le projet de véhicule autonome Marker, potentiellement capable de traiter en temps réel du langage naturel et de naviguer de manière indépendante dans des zones de combat. Bien que des tests aient été conduits en mars 2023 dans le Donbass, "il n’est pas sûr" que le véhicule soit prêt pour une mise en service, notait Sam Bendett dans un rapport.
Si la progression de Moscou en matière d’équipement se base toujours sur des composants étrangers, le pays brille dans d'autres catégories. "Les Russes ont toujours mis en avant leurs talents et leurs capacités à développer des logiciels plutôt que leur capacité à déployer du matériel, domaine dans lequel la Chine et l’Occident ont jusqu’ici eu beaucoup plus de succès", rappelle Sam Bendett. Grâce aux données qu’ils récupèrent sur le champ de bataille, les ingénieurs militaires russes ont une mine d’or à leur disposition. Les forces de Poutine sont sans doute parmi les mieux préparées à la guerre à l’âge de l’intelligence artificielle, confirment plusieurs experts interrogés. Leur capacité à viser de manière de plus en plus précise des troupes ukrainiennes en est un exemple terrible.
Le retard de l’armée russe dans les équipements robotiques est de plus atténué par l’aide de la Chine. "Au début de l’année 2024, les armées russe et chinoise ont conclu des accords sur l’IA militaire, avec notamment un échange de savoir", explique Sam Bendett. La Chine, qui lorgne sur Taïwan et a déjà menacé d’une opération militaire, a en effet beaucoup de leçons à tirer des opérations russes en Ukraine, "en particulier pour l’analyse de grandes quantités de données provenant du champ de bataille et pour le pilotage de drones en essaim", note le chercheur. Les avancées russes en IA militaire risquent de se décliner demain sur d’autres champs de bataille.
Photo prise lors d'une visite guidée avec l'armée russe montrant le général russe Igor Konachenkov qui présente à la presse des drones artisanaux utilisés selon lui par les rebelles pour lancer des attaques sur la base militaire de russe de Hmeimim, le 26 septembre 2019.
Huit heures, c’est la durée des discussions qui ont permis de donner une "chance réelle" au processus de paix, selon les mots du chancelier allemand Friedrich Merz, qui accueillait ses homologues européens et les émissaires américains Steve Witkoff et Jared Kushner à Berlin, le 15 décembre. Si le sujet territorial n’a guère progressé, Européens et Américains se sont en revanche accordés sur le principe d’offrir à Kiev des garanties de sécurité comparables à l’article 5 de l’Otan. "Un premier pas", tempère, à juste titre, Volodymyr Zelensky, qui connaît mieux que personne la versatilité du président américain.
Peut-il – encore - faire confiance à l’homme qui, en début d’année, l’humiliait dans le bureau Ovale, refusait, durant un G7, de qualifier la Russie d’agresseur, affirmait six mois plus tard que l’Ukraine avait les moyens de "revenir à ses frontières d’origine" et, trois mois plus tard, que Moscou a "toujours eu l’avantage" sur le plan militaire ?
Quelle sécurité peut accorder un président qui déclarait en juin dernier que l’article 5 de l’Otan pouvait "s’interpréter de plusieurs façons" et, ce 11 décembre, lâchait du bout des lèvres : "Ouais, ouais, nous pourrions apporter notre aide, notamment en matière de sécurité…"
Syndrome du jokari
Cette diplomatie au conditionnel pose une vraie question : comment bâtir une architecture de sécurité européenne durable sur un terrain aussi meuble ? Emmanuel Macron et ses pairs le savent bien, eux qui, selon le Spiegel, s’inquiètent du possible lâchage de leur "allié" américain qui, tel une balle de jokari, finir toujours par revenir aux thèses du Vladimir Poutine.
Car le président américain a beau assurer avoir eu une discussion "longue" et "très bonne" avec plusieurs dirigeants européens après la rencontre de Berlin, il ne serait prêt, si l’on en croit les informations qui ont filtré sur ces négociations, qu’à coordonner un système de surveillance qui donnerait l’alerte en cas de violation de l’accord de paix. Voire.
Que se passera-t-il si la Russie lance des opérations hybrides en Ukraine ou dans une zone tampon qui serait établie entre les deux pays ? Ou que la Russie, après avoir reconstitué ses forces, recommence à masser des troupes derrière la frontière ukrainienne ?
Poutine ne s’arrêtera pas
Scénario probable, si l’on en croit l’interview accordée par le président russe à India Today, avant sa rencontre avec le Premier ministre indien, Narendra Modi, début décembre. La Russie, a-t-il déclaré, libérera "le Donbass et la Novorossiya" (soit le sud de l’Ukraine jusqu’à la mer Noire) – par des moyens militaires ou autres. Poutine ne s’arrêtera pas aux oblasts de Loughansk et de Donetsk. En face, Trump, l’homme des volte-faces, ne rassure personne.
La question est : peut-on le contraindre à respecter ses engagements ? En exigeant par exemple que le Sénat américain ratifie le texte ? Ce serait déjà un net progrès par rapport au mémorandum de Budapest qui, en 1994, donnait juste à Kiev des "assurances" de la part de la Russie, des États-Unis et du Royaume-Uni pour sa sécurité si elle renonçait à son arsenal nucléaire. On a vu le résultat. En 2014, personne n’a volé au secours des Ukrainiens quand les "petits hommes verts" de Poutine ont annexé la Crimée. Nul doute que les juristes ukrainiens seront cette fois plus attentifs au choix des mots.
Donald Trump n’en démord pas, sa politique économique est un succès. D’ailleurs, dans un entretien accordé au Wall Street Journal, le président des Etats-Unis l’assure : si c’était à refaire, il ne changerait rien. "J’ai créé la meilleure économie de l’histoire. Mais il faudra peut-être un certain temps aux gens pour comprendre toutes ces choses-là." Cependant, sur le terrain, les chiffres racontent une tout autre histoire.
Retardés par la paralysie budgétaire - shutdown - de 43 jours, les chiffres de l’emploi du mois dernier ont finalement été publiés ce mardi 16 décembre. Au mois de novembre donc, le marché de l’emploi a montré des signes de dégradation.
Un chômage record depuis 2021
Désormais, le taux de chômage culmine à 4,6 %, un record depuis 2021. 64 000 emplois ont été créés en novembre, un résultat supérieur aux attentes des économistes de MarketWatch qui anticipaient 45 000 nouveaux postes. Mais cette donnée, certes encourageante, n’est pas suffisante pour remédier à la destruction massive emplois dans la bureaucratie et aux coupes budgétaires entreprises par le Département de l’Efficacité gouvernementale (Doge) d’Elon Musk. En octobre seulement, 105 000 postes ont disparu. Depuis le mois de janvier, date de retour au pouvoir de Donald Trump, 271 000 fonctionnaires ont quitté leur poste.
La publication de ces statistiques pour le mois de novembre intervient moins d’une semaine après la décision de la Réserve fédérale (Fed) d’abaisser de 0,25 point ses taux directeurs - le taux d’intérêt fixé par une banque centrale pour les prêts - afin de les maintenir dans une fourchette de 3,5 % à 3,75 %. En cause : les inquiétudes quant à la remontée des risques concernant le marché de l’emploi.
"On peut dire que le marché du travail a continué à ralentir progressivement, peut-être juste un peu plus progressivement que nous le pensions", a déclaré le président de la Fed, Jerome Powell, à l’issue de la dernière réunion du comité.
Une décision qui finit de présager la détérioration de la situation dans les mois à venir. D’ailleurs, Stephen Miran, président du Conseil des conseillers économiques des États-Unis, s’était positionné pour une baisse des taux plus prononcée, convaincu d’un risque de dégradation plus marqué.
Un résultat compromettant pour les Midterms
Un tel bilan fait craindre à Donald Trump de ne pas remporter les élections de mi-mandat - midterms - prévues pour mars 2026. Alors que le climat d’insécurité économique qui régnait en 2024 avait participé à propulser le candidat dans sa course vers la Maison-Blanche, les conséquences délétères de sa politique se font ressentir par les ménages. Interrogé par le Wall Street Journal sur ses pronostics pour les républicains dans les urnes, le président a répondu : "Je ne peux pas vous dire. Je ne sais pas quand tout cet argent va commencer à faire effet".
Et Suzan DelBene, élue de Washington de rétorquer : "Je pense que les politiques économiques du président ont fait leur effet et qu’elles ont augmenté les coûts pour les familles à travers le pays".
Car en plus des résultats décevants du chômage, l’inflation se fait ressentir aux Etats-Unis. Alors que les salaires n’ont augmenté que de 0,1 % en novembre, soit 5 cents en moyenne, les prix des produits de première nécessité continuent de grimper, accentuant la pression qui pèse sur de nombreux ménages. Selon les données de Novel Food Innovation Centre, le bœuf et du veau ont augmenté de 14,7 % de septembre 2024 à septembre 2025. Quant à l’ensemble des produits alimentaires, ils ont augmenté de 3,1 %. Et les dépenses risquent de continuer d’augmenter si les législateurs américains laissent expirer les subventions renforcées de l’Obamacare.
C’est un expert que l’on entend peu, et qui pourtant est l’un des plus pertinents en France sur les questions de géopolitique et de stratégie militaire : Olivier Zajec, enseignant à l’Université Lyon III où il a fondé l’Institut d’Etude de Stratégie et de Défense, est le troisième invité de la nouvelle émission de L’Express, "Les grands entretiens d’Anne Rosencher". Un armistice est-il à portée de main en Ukraine ? Quelle est la stratégie poursuivie par Donald Trump ? Que cherche la Russie de Poutine ? L’Europe doit-elle se préparer à la guerre ? A quel degré est-elle dépendante des Etats-Unis ? Voici un extrait de ces échanges, dont l’intégralité est à retrouver sur YouTube et Dailymotion, mais aussi en audio sur Apple Podcasts, Spotify, Deezer, Castbox ou encore Podcast Addict.
L’Express : En janvier, cela fera un an que Donald Trump a été investi pour la seconde fois président des Etats-Unis. Derrière la forme, qui stupéfie, voyez-vous une cohérence dans sa stratégie sur le dossier ukrainien ?
Olivier Zajec : Stupéfiant est le bon mot : face à Donald Trump, c’est comme si l’on cessait de réfléchir pour ne voir que l’apparence. On est fascinés au mauvais sens du terme, comme un oiseau le serait par les circonvolutions d’un serpent. On prend Trump, d’emblée, pour un dingue qui avance à l’aveugle. Dans l’affaire ukrainienne, c’est symptomatique : on commente ses coups de barre tactiques jusqu’à s’en donner le tournis, sans voir le schéma stratégique dans lequel il agit. A savoir qu’il ne se préoccupe que d’une chose : la place des Etats-Unis dans un système international en train de se reconfigurer totalement. Historiquement, il y a trois piliers dans la défense de l’intérêt national américain : la puissance militaire, la prospérité économique et l’exemplarité morale. Trump est le premier à ne pas citer l’exemplarité morale, à ne pas l’intégrer dans son équation. Mais les deux autres sont ses boussoles de long terme. Son schéma, c’est la défense des intérêts américains, partout, avec qui que ce soit, y compris "contre" ses alliés et dans n’importe quelles circonstances.
Commentcette cohérence de long terme – en gros : " America First" – s’applique-t-elle au dossier ukrainien ?
Trump est fatigué de cette guerre. Il considère que l’Ukraine – qui a été héroïque – ne tient que grâce aux Etats-Unis et aux fournitures d’armes occidentales, et il cherche les leviers pour mettre fin à un conflit qu’il ne juge pas essentiel pour son pays. Trump tient à fermer ce front sur l’échiquier mondial, pour se concentrer le plus rapidement possible sur ce qui lui paraît plus structurant pour les Etats-Unis : l’affrontement ou du moins la compétition avec la Chine. Comme il est impatient, il veut le faire vite, et obtenir un deal avec les Russes sans pour autant tout leur lâcher.
Si la morale n’entre pas dans son équation, pourquoi ne leur lâche-t-il pas tout ? A certains moments, on a eu l’impression qu’il était au bord de le faire…
C’est une affaire d’équilibre de la puissance. Trump est ce qu’on appelle un "néo-réaliste offensif" : tout ce qui peut être pris doit être pris, parce qu’il part du principe qu’on ne sort jamais du dilemme d’incertitude, c’est-à-dire qu’on ne peut jamais savoir ce qui est vraiment dans la tête de son partenaire, allié, adversaire, ennemi. Dans cette perspective, vous devez toujours vous renforcer. Cela veut dire, dans le cas du dossier ukrainien, que les Russes ne peuvent pas aller trop loin ; Kiev ne doit pas tomber ; les équilibres sur le continent européen ne doivent pas être bouleversés. Par ailleurs, Trump est très sensible à quelque chose que les Européens négligent trop pour eux-mêmes : la réputation. Laisser l’Ukraine être avalée – comme certains le plaident dans son entourage - porterait atteinte à la crédibilité des Etats-Unis. Lui cherche une paralysie à la coréenne. Pas un accord de paix, donc, mais un armistice, avec création d’une zone militarisée – une de plus, mais cette fois, en plein cœur de l’Europe, alors qu’on avait cru tout cela derrière nous.
Au début de la guerre, il y avait beaucoup d’analystes pour dire que les Ukrainiens ne tiendraient pas. Puis, pour dire que la Russie ne tiendrait pas, qu’elle s’affaiblissait trop vite, notamment d’un point de vue économique. Pourquoi les a-t-on sous-estimés, les uns comme les autres ?
On se trompe systématiquement lorsqu’on réduit une équation stratégique à ses constituants matériels. Certains comptent le nombre de chars, le nombre de systèmes de missiles, regardent le PIB du pays, ses réserves de change, etc. Or, dans un conflit armé, c’est la tension de volonté qui fait tout. C’est elle qui conditionne la capacité à durer alors que votre vie bascule, que le confort n’existe plus… Vous êtes en guerre. Sur le papier, les Etats-Unis auraient dû gagner au Vietnam en moins d’un an. Pourtant, ils en sont partis perdants. Quand un petit pays n’a pas le choix, quand son existence est en jeu – pas celle de son Etat, mais celle de son peuple -, eh bien, il ne lâche rien jusqu’au bout. Alors, oui, nous n’avons pas mesuré la tension de volonté des Ukrainiens. Mais nous n’avons pas mesuré, non plus, celle des Russes. Parce que, quoi qu’on en pense sur le fond, on n’a pas voulu voir que cette guerre était aussi pour eux une guerre "existentielle". Les Russes considèrent qu’ils sont à proximité de leur barycentre stratégique ; que la perte de leur influence sur l’Ukraine signifierait leur sortie du groupe de polarités de premier niveau ; qu’ils ne feraient plus dialogue égal avec la Chine, les Etats-Unis, etc. Et ça, ils ne l’acceptent pas. Ils ont le sentiment d’avoir été "clochardisés" pendant dix ans après la chute de l’URSS. Ils ont vécu une période noire dont ils se souviendront toujours, et dont l’élection de Poutine était en partie une conséquence. Et donc, les deux nations considèrent cette guerre comme existentielle. L’Ukraine, qui a une identité historique, ne veut pas être avalée par la Russie. Elle ne veut pas, non plus, du destin de "zone tampon", c’est-à-dire de "zone neutre" à laquelle Poutine consentirait au mieux la réduire.
Qu’est-ce qui est encore négociable aujourd’hui ? Compte tenu du rapport de force, et du temps qui ne joue pas en faveur de l’Ukraine… Est-il par exemple encore possible que Poutine rende le Donbass ?
Je ne le pense pas. Il y aura, bien sûr, des analyses différentes de la mienne sur cette question. Mais je pense que Poutine fera du Donbass une ligne rouge. D’autant plus qu’il n’aura jamais un président américain plus ouvert à ses demandes qu’aujourd’hui.
Si Poutine réussit à acter une telle avancée de la frontière russe par un accord de paix, ce sera dramatique pour l’Europe en termes de crédibilité, non ?
D’abord, c’est déjà dramatique. Ensuite, il n’y aura pas d’accord de paix. Ce serait une grave erreur de la part des Etats-Unis, de l’Europe etc. d’entériner le résultat d’une agression militaire, en violation du droit international. En revanche, il peut y avoir un armistice, une sorte de gel du front sans accord de paix, ce qui n’implique pas de reconnaître les conquêtes. Je crois que c’est ce qui aura lieu. Quelles sont les alternatives ? Que les Européens entrent directement en guerre avec la Russie ? Qu’ils convainquent Trump qu’il fait fausse route et qu’il faut aider les Ukrainiens à reprendre l’offensive ? Avec quels leviers ? Aujourd’hui, sur le terrain, militairement, la situation est très difficile pour les Ukrainiens. Ils ne rompent pas, ils se battent, mais le temps joue contre eux. Ils ont atteint le point culminant de leur capacité de négociation – c’est-à-dire la maximisation de ce qu’ils pouvaient obtenir compte tenu des rapports de force – en 2023, lorsque la Russie a reculé. Il y a eu des négociations à Istanbul où l’Ukraine pouvait obtenir bien plus que ce qu’elle ne le pourra, me semble-t-il, aujourd’hui. Mais elle a été incitée par des gens qui n’ont pas vraiment l’esprit stratégique à passer le point culminant. De Gaulle disait : "la proportion rompue entre les moyens et le but, les combinaisons du génie sont vaines". C’est la question de la lucidité que vous conservez dans l’épreuve de force, qui n’est pas seulement une question de moyens matériels, mais aussi un affrontement entre des volontés.
Cette guerre a révélé de façon assez crue, voire cruelle, la dépendance militaire et stratégique de l’Europe vis-à-vis des Etats-Unis. Quels sont le degré et la nature de cette dépendance ?
A un degré très élevé. La majorité des pays européens a accepté de dépendre sur le plan technologique et des moyens de défense des Etats-Unis. A travers les importations, les orientations de budget, etc. Notamment dans tout ce qui concerne "les capacités stratégiques hautes", c’est-à-dire la puissance aérienne, les moyens spatiaux, les centres de commandement, de contrôle, le renseignement, la défense antimissile… Tout ce qui permet à un acteur politique et stratégique de décider pour lui-même, d’orienter son destin. Quant à la nature de cette dépendance, pour la toucher du doigt, il faut se remémorer le spectacle que nous avons donné au sommet de l’Otan à La Haye en juin dernier, via le secrétaire général de l’Alliance, le Néerlandais Mark Rutte, ancien Premier ministre des Pays-Bas. Ce dernier été applaudi par un certain nombre de pays européens pour avoir mis en scène, devant les yeux du monde entier, un exercice de soumission assumé qu’il a nommé la "Daddy diplomacy".
La "diplomatie du papa" ?
Oui, en gros, l’idée est de retenir Trump dans l’Alliance, et pour ce faire, aucun agenouillement n’est superflu. C’était tellement embarrassant ! Dans un article qui a suivi le sommet, une plume mythique du New Yorker, Susan Glasser a décrit un "exercice volontaire d’auto-émasculation" qui a tant gêné les journalistes présents (dont elle), qu’ils ont été "soulagés quand Trump a repris la parole". C’est dire, quand on sait à quel point Glasser ne porte pas Trump dans son cœur. La "Daddy diplomacy", c’est : tout plutôt que de voir le parrain stratégique américain, qui est en fait devenu un souteneur abusif, lâcher l’Europe. C’est catastrophique. En termes de réputation, de crédibilité, les Européens passent pour des acteurs politiques certes prospères, mais engoncés dans une vision très confortable de leur être au monde et qui ne se réveilleront jamais. Parce que si l’on ne se ne réveille pas après deux mandats Trump, si l’on ne comprend pas que l’autonomie stratégique européenne n’est plus une question de choix idéologique, mais une question de survie, dans un échiquier des relations internationales où chacun est en train de prendre ses gains et de combattre pour son propre intérêt, on est complètement aveugles. Il n’y pas trente mille choix : soit on est puissants et protégés par sa propre puissance, soit on est protégés par un puissant. Pour l’instant, l’Europe persiste dans la deuxième solution. Sauf que ce "puissant" est aussi un prédateur.
Ces douze derniers moins, certains pays de l’Union européenne ont néanmoins décidé d’augmenter considérablement leurs dépenses militaires – on pense à l’Allemagne, à la Pologne ou encore la France…
C’est très bien de consacrer davantage de pourcentage de son PIB à la défense. Mais ça ne fait pas tout. Il y a une différence entre investissement et dépense : aujourd’hui, l’Europe dépense. Elle achète des chars coréens, elle achète les systèmes de défense anti-missiles américains, elle achète des avions de combat F-35 qu’elle ne maîtrise pas – et je pense que ceux qui les ont achetés vont déchanter dans les quinze à vingt ans qui viennent, car même s’ils sont des merveilles technologiques, ce sont des pièges stratégiques et politiques. Investir aujourd’hui stratégiquement dans le domaine de la défense, c’est acheter européen. Et si l’on n’a pas ce qu’il faut en "stock", il faut le développer, il faut investir. Alors certains pointent qu’il y aura un délai avant que l'Europe ne puisse produire, fournir ce dont nous avons besoin. Oui. Il faut accepter une fenêtre de vulnérabilité. Sinon, on n’en sortira pas. Quand on achète américain ou israélien ou coréen, on en reprend pour 25 ans de subordination et de dépendance en termes de maintenance, de pièces de rechange, de logiciels… En fait, on continue dans la même direction. Je ne vois tours pas venir le sursaut européen, cette volonté collective de se sevrer, d’arrêter cette drogue-là.
Lenouveau chef d’état-major des armées, Fabien Mandon, a provoqué la polémique en disant qu’il fallait se préparer "à perdre nos enfants pour protéger ce que l’on est". Qu’est-ce que cela a suscité pour vous ?
Je trouve qu’il y a eu de la mauvaise foi et de l’excès des deux côtés de la polémique. Le chef d’état-major des armées est dans son rôle lorsqu’il rappelle qu’une nation – et donc : l’armée de cette nation – doit préparer ses soldats à accepter le risque de la mort comme hypothèse de combat. Tout en mettant tout en œuvre, bien sûr, pour que ce soit l’adversaire qui succombe. La force morale nécessite un entraînement. La volonté, ça se sculpte, ça se prépare, ça se tend. Qu’un chef d’état-major des armées en France, en 2025, le rappelle, étant donné l’environnement international, je n’y trouve rien de choquant. En même temps, ceux qui se sont saisi de ces paroles pour dire "il a raison, vive le général Mandon, allons nous battre contre la Russie tout de suite" étaient également dans le faux. Ils décrédibilisent le discours militaire. "Le patriotisme, c’est de soutenir son pays quoi qu’il arrive, mais son gouvernement seulement quand il le mérite", disait Mark Twain. Dans un Etat démocratique, une stratégie, ça se démontre, et une vision politique de cet ordre-là doit être débattue. Il doit y avoir un débat sur notre prise en compte du court, du moyen et du long terme. Un débat, sur notre dépendance aux Etats-Unis. Un débat sur notre relation à long terme avec la Russie. Car oui, il faut le dire : les Russes ne vont pas déménager, ils vont rester pour l’éternité aux portes de notre continent européen. Que fait-on de cette relation dans les temps qui viennent ? Comment gère-t-on ce couple russo-chinois qui est en train de se former ? La déclaration du chef d’état-major des armées n’est pas une déclaration qui tue le débat géopolitique, mais simplement le rappel d’une évidence stratégique.
La découverte est digne d’un gadget de supervilain dans James Bond. Un système informatique a été repéré sur un ferry accosté à Sète (Hérault), qui permettrait une prise de contrôle à distance du navire. Selon l’AFP qui confirme une information du Parisien, un citoyen letton suspect a même été placé en détention provisoire et mis en examen à Paris ces derniers jours, soupçonné d'espionnage.
Selon un renseignement transmis par les autorités italiennes, le système informatique du navire aurait pu être infecté par un dispositif malveillant de type RAT (remote access tool) qui permet de prendre les commandes à distance. Le navire, baptisé Fantastic, appartient à la compagnie italienne GNV et peut embarquer un peu plus de 2 000 passagers pour des croisières en Méditerranée.
D’abord immobilisé et placé sous scellé, le Fantastic a été fouillé en urgence par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), ce qui a permis de saisir un certain nombre d’éléments. Il a ensuite repris la mer, une fois les constatations techniques réalisées et tout danger écarté pour les personnes à bord.
Un membre d’équipage "proxy" de la Russie ?
Deux membres de l’équipage, un Letton et un Bulgare, identifiés par les autorités italiennes, ont été interpellés et placés en garde à vue la semaine dernière. A l’issue de celles-ci, le suspect letton a été mis en examen et placé en détention provisoire. Le Bulgare a lui été remis en liberté sans qu’aucune charge ne soit retenue à son encontre.
Selon LeParisien, l’une des hypothèses des agents de la DGSI est que cet homme aurait agi pour le compte d’un service secret étranger. "En tête de la liste des pays suspects : la Russie. Les services du Kremlin recrutent régulièrement des "proxys" - exécutants - originaires de pays d’Europe de l’Est pour commettre des actions d’ingérence, d’espionnage ou violentes sur le sol français pour déstabiliser le pays" détaille le média à l’origine de la révélation.
Selon le parquet de Paris, l’information judiciaire a effectivement été ouverte pour "atteinte à un système de traitement automatisé de données en bande organisée dans le but de servir les intérêts d’une puissance étrangère, participation à une association de malfaiteurs". Des perquisitions ont aussi été menées en urgence en Lettonie avec le soutien d’Eurojust et des autorités lettones.
L'une des hypothèses de la Direction générale de la sécurité intérieure est qu'un membre d'équipage aurait agi pour le compte d’un service secret étranger.
De nombreux Européens surestiment la part de migrants en situation irrégulière dans leur pays, selon un sondage YouGov réalisé dans sept pays européens et relayé par The Guardian. Entre 44 % et 60 % des personnes interrogées en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uniet au Danemark estiment ainsi à tort qu’il y aurait davantage de migrants illégaux que légaux, alors que les données disponibles montrent que l’immigration irrégulière reste largement minoritaire. En Pologne, seul pays d’Europe centrale inclus dans l’enquête, l’opinion publique est divisée : 36 % estiment qu’il y a plus de migrants illégaux que légaux dans le pays, contre 28 % qui pensaient l’inverse, et 22 % qui jugeaient les proportions identiques.
Cette perception erronée alimente une forte hostilité à l’immigration. Dans l’ensemble des pays sondés, 40 à 60 % des répondants se prononcent en faveur d’une baisse significative des flux migratoires. Environ la moitié soutient même à travers tous ces pays un gel total des nouvelles arrivées, auquel s’ajouterait un dispositif des départs forcés de migrants récents. Tandis que les augmentations de l’immigration sont très largement rejetées.
Moins hostile aux migrants "qualifiés"
Les répondants favorables aux renvois ciblent en priorité les migrants ayant enfreint les règles, les demandeurs d’asile en situation irrégulière ou les personnes perçues comme venues pour bénéficier des aides sociales. À l’inverse, les migrants légaux qualifiés - notamment les médecins, les étudiants étrangers ou les travailleurs hautement qualifiés - suscitent beaucoup moins de rejet.
À travers ces chiffres, l’enquête suggère donc que la population comprend les arbitrages économiques liés aux politiques migratoires, et est nettement moins encline à soutenir une baisse de la migration si celle-ci entraînait des inconvénients significatifs. "Interrogés sur leur préférence entre la réduction de l’immigration et le maintien des effectifs des services de santé, le comblement des postes qualifiés vacants et l’attraction des meilleurs talents dans leur pays, les répondants ont invariablement déclaré privilégier ces alternatives", illustre ainsi The Guardian.
L’angoisse sous-jacente de l’identité nationale
Mais si de nombreux Européens reconnaissent l’utilité des migrants pour combler les pénuries de main-d’œuvre qualifiée dans des cas spécifiques, ces arguments ne suffisent pas à lever les oppositions. Les bénéfices plus abstraits de l’immigration - comme l’amélioration globale de l’économie, l’augmentation du nombre de contribuables ou le respect des obligations humanitaires internationales - convainquent par exemple beaucoup moins, selon les chiffres de YouGov.
D’autres facteurs viennent aussi peser dans la balance : des majorités comprises entre 53 % et 57 % en France, en Italie et en Allemagne, ainsi que 47 % des Polonais, estiment que même les migrants légaux ne "partagent pas les mêmes valeurs" qu’eux, tandis que 49 % à 57 % des Français, des Italiens et des Allemands déclarent que les migrants légaux ne s’intègrent pas bien. Des résultats indiquant que le débat sur l’immigration reste marqué par des "angoisses" liées à l’identité nationale, au sentiment de cohésion sociale et culturelle et à une crainte d’une perte de repères, des facteurs que toute politique migratoire devra prendre en compte.
Est-ce une lubie populiste ? Après Donald Trump, l’AfD formule à son tour des demandes de déclassification. Mais outre-Rhin, le parti allemand d’extrême droite ne s’intéresse pas à l’assassinat de JFK ou aux ovnis mais plutôt aux détails de la stratégie militaire allemande, particulièrement dans son aide à l’Ukraine. Des informations sensibles qui, si elles étaient rendues publiques, pourraient largement bénéficier à la Russie.
Et cette attaque est coordonnée. Les parlementaires de l’AfD ont, tour à tour, exigé des révélations du gouvernement sur les activités de la Bundeswehr. Quel est l’itinéraire exact emprunté par l’armée allemande pour acheminer son aide à l’Ukraine ? L’Allemagne a-t-elle fourni un système de roquettes à longue portée à Kiev, capable de frapper le territoire russe en profondeur ? Quel est l’état opérationnel des équipements de drones de la Bundeswehr ? Quelle est la stratégie allemande de "défense contre les drones hostiles" ? Au total, le parti d’extrême droite a formulé plus de 7 000 demandes relatives à la sécurité dans les parlements des Länder allemands - parlements régionaux — selon les révélations du Spiegel.
Les parlements locaux assaillis
Ces questions, trop détaillées au goût des opposants de l’AfD, attisent les soupçons. En octobre 2025, le ministre de l’Intérieur du Land de Thuringe, Georg Maier, accuse le parti d’espionnage au profit de Vladimir Poutine. "Depuis quelque temps, nous constatons avec une inquiétude croissante que l’AfD abuse de son droit parlementaire de poser des questions afin d’enquêter systématiquement sur nos infrastructures critiques", avait-il confié aux journalistes du quotidien Handelsblatt.
Interpellé par "l’intensité et la profondeur dans les détails croissantes" des quelque dizaines d’intervention des élus de l’AfD de Thuringe sur les douze derniers mois, Georg Maier a déclaré avoir l’impression "que l’AfD traite une liste de commandes du Kremlin avec ses demandes." Et l’espionnage ne serait pas une première à l’AfD. En septembre, l’ex-assistant d’un député de l’AfD était condamné pour espionnage au profit de la Chine.
Cette bataille dépasse les frontières de Thuringe. A Brandebourg, les Verts ont également établi une liste des questions qui ont éveillé leurs soupons. Ici encore, les interventions de l’AfD gravitaient autour des drones et la défense civile allemande.
"Tenus en laisse par le Kremlin"
Quant au Bundestag, le Parlement fédéral, il n’a pas échappé non plus à son lot d’interventions inquiétantes. Comme le révèle le New York Times, des journalistes auraient reçu une liste de questions de l’AfD dont une demande de déclassification du programme de défense de l’armée allemande.
Marc Henrichmann, le président de la commission de contrôle des services secrets au Bundestag a recensé un total de 47 demandes portant sur la sécurité nationale en provenance du parti d’extrême droite. Et le parlementaire de cingler : "Ils sont tenus en laisse par le Kremlin". Car si les prises de parole de l’AfD inquiètent la classe politique, les relations du parti avec Moscou ne peuvent qu’attiser les tensions. A plusieurs reprises depuis le début de la guerre, ses élus se sont rendus en Russie, ont remis en cause le soutient allemand à l’Ukraine et tenu des discours élogieux à l’égard de Vladimir Poutine.
"Nous traiter de nazis ne fonctionne plus"
Des accusations que réfute fermement l’AfD, qui assure que ses détracteurs ont volontairement mal interprété ses questions au gouvernement pour des raisons politiques. Selon le New York Times, une intervention que Georg Maier jugeait suspecte concernait pourtant la construction d’une route en Thuringe. A la suite de l’interview du ministre du Lander dans Handelsblatt, le parti d’extrême droite a intenté des poursuites en diffamation contre l’homme politique et le titre de presse. Si la plainte contre Handelsblatt a été rejetée par la justice, celle contre Georg Maier est toujours en cours.
"Nous traiter de nazis ne fonctionne plus, maintenant, ils essaient de nous présenter comme des agents de la Russie", avait déploré Tino Chrupalla, le président de l’AfD, en octobre après une première vague de révélations sur les demandes de déclassifications du parti.
Le mois de novembre a révélé un net ralentissement de l’économie chinoise. La raison ? Le manque de consommation des Chinois eux-mêmes. Partout, leurs dépenses baissent : la croissance des ventes au détail est tombée à 1,3 % sur un an, son niveau le plus bas depuis 2022. Les ventes de voitures ont reculé de 8,3 %, celles d’électroménager de près de 20 %, selon une note de Goldman Sachs consultée par Les Échos.
Les investissements immobiliers ont chuté de 16 % entre janvier et novembre par rapport à la même période de 2024. La production industrielle, quant à elle, continue d’augmenter, mais à un rythme légèrement inférieur (+ 4,8 % en novembre contre + 4,9 % un an plus tôt), signalant un ralentissement plus général de l’activité.
La Chine ne pourra pas se reposer sur ses exportations
Il s’agit de l’une des premières baisses marquées de l’investissement enregistrées dans l’histoire récente du pays. Jusqu’à présent, la Chine avait compensé la faiblesse de sa demande intérieure par la vigueur de la demande extérieure, en écoulant à l’étranger son surplus de production et en soutenant ainsi sa croissance économique. Ce mois de décembre, l’excédant commercial chinois a dépassé pour la première fois les 1 000 milliards de dollars.
Mais cette stratégie atteint ses limites. La deuxième économie mondiale n’a plus le luxe de s’appuyer sur ses seules exportations : selon le Fonds monétaire international, la Chine est trop grande et trop peuplée pour fonder son modèle de croissance sur ce seul levier. La consommation intérieure doit donc redevenir le principal moteur de l’activité. Le 11 décembre dernier, le FMI a exhorté explicitement la Chine à réorienter son économie sur une relance de la consommation intérieure plutôt que vers des exportations de masse.
Pas nouvelle, la dynamique avait jusqu’ici été enrayée par des dispositifs de soutien mis en place ces dernières années via des subventions publiques aux biens de consommation. Essoufflées aujourd’hui, ces politiques publiques ont surtout permis d’avancer des achats plutôt que de créer une dynamique durable. L’an dernier, Pékin avait notamment consacré environ 36 milliards d’euros à des coupons incitant les ménages à remplacer leurs appareils électroménagers et électroniques usagés par du neuf. Selon l’agence de presse officielle Xinhua, ce programme avait généré près de 240 milliards d’euros de ventes — un effet aujourd’hui largement retombé.
Les conséquences de l’effondrement immobilier chinois
Ces nouveaux chiffres révèlent la difficulté croissante du gouvernement à restaurer la confiance des ménages, ébranlée par le choc du Covid-19 puis par l’effondrement du marché immobilier. Les faillites retentissantes de promoteurs comme Evergrande ou Country Garden ont profondément affecté la consommation dans un pays où l’épargne des ménages est majoritairement investie dans la pierre.
La crise immobilière a également privé les gouvernements locaux d’une source essentielle de revenus, limitant leur capacité à financer des projets d’infrastructures publiques. Et les signaux récents ne rassurent pas davantage : China Vanke, l’un des derniers grands promoteurs encore debout, n’a pas obtenu l’aval nécessaire pour reporter le remboursement d’une obligation arrivée à échéance, se rapprochant ainsi de la faillite.
Des réponses politiques encore attendues
Face au risque d’un ralentissement prolongé, les autorités chinoises affichent leur volonté de réagir. Selon le Wall Street Journal, les principaux dirigeants du pays se sont engagés à faire du soutien à la demande intérieure une priorité à partir de 2026. L’agence de presse officielle Xinhua rapporte par ailleurs que des responsables politiques et des dirigeants de grandes entreprises, réunis début décembre lors de la réunion annuelle du Parti consacrée aux questions économiques, ont promis des mesures visant à accroître les revenus des ménages.
Dans le même esprit, Xi Jinping a déclaré durant cette réunion que la Chine continuerait "d’étendre la demande et d’optimiser l’offre" en 2026. Des "initiatives spéciales" doivent être mises en œuvre pour stimuler la consommation, a-t-il décrété tandis que certaines "restrictions déraisonnables" seraient levées, signe d’une prise de conscience des limites du modèle actuel.
"Des rééquilibrages majeurs au sein des forces armées américaines". C’est ainsi que le Washington Post décrit le projet actuellement à l’étude au Pentagone, visant à restructurer en profondeur le commandement militaire des Etats-Unis. Elaborée par de hauts responsables du département de la Défense, cette proposition prévoit de réduire l’influence de plusieurs grands états-majors et de redistribuer l’autorité entre les généraux de haut rang, dans le cadre d’une politique de consolidation impulsée par le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth.
Selon le Washington Post, le chef d’état-major interarmées, le général Dan Caine, devrait présenter ce plan à Pete Hegseth dans les prochains jours. Toute réforme de cette ampleur nécessiterait ensuite l’aval du secrétaire à la Défense et du président Donald Trump, avant d’être mise en œuvre via le plan de commandement unifié du Pentagone, qui définit les responsabilités au sommet de l'appareil militaire.
Concrètement, la réforme envisagée entraînerait les changements les plus importants depuis plusieurs décennies, selon le Washington Post. Elle concrétiserait notamment la volonté affichée par Pete Hegseth de rompre avec le statu quo et de réduire drastiquement le nombre de généraux quatre étoiles. Le plan prévoit ainsi de reléguer au second plan les quartiers généraux du Commandement central des Etats-Unis, du Commandement européen et du Commandement pour l’Afrique, qui seraient placés sous l’autorité d’une nouvelle structure, baptisée Commandement international des Etats-Unis, selon cinq sources proches du dossier citées par le Washington Post.
Une réorientation des priorités
Ce projet s’inscrit dans une stratégie plus large de l’administration Trump visant à réorienter les priorités militaires américaines. Jusqu’ici concentrés sur l’Asie occidentale, l’Europe et l’Afrique, les efforts seraient appelés à se déplacer vers un renforcement des opérations dans l’hémisphère occidental. Une inflexion stratégique cohérente avec la stratégie de sécurité nationale publiée en décembre, qui affirme que "l’époque où les Etats-Unis soutenaient l’ordre mondial tout entier, tel Atlas, est révolue".
Le document anticipe l'"effacement civilisationnel" de l’Europe et survole la stratégie sur l’Afrique et le Proche-Orient en quelques paragraphes. Il vise à réorienter la politique sécuritaire américaine au regard des évolutions géopolitiques, mais surtout des intérêts de Washington nouvellement définis.
Autre évolution importante : le Commandement Sud et le Commandement Nord des Etats-Unis, actuellement distincts, seraient regroupés sous un nouveau quartier général unique : le Commandement des Etats-Unis pour les Amériques, ou "Americom". Ce projet, révélé en février 2025 par NBC News, viserait à centraliser la supervision des opérations militaires sur l’ensemble du continent américain. Une option consistant à créer un Commandement arctique rattaché à Americom a également été envisagée, avant d’être finalement abandonnée, selon des sources proches du dossier.
Un manque de transparence
"Pris ensemble, ces rééquilibrages réduiraient le nombre de commandements de combat de haut niveau — les commandements opérationnels — de 11 à 8. Ils diminueraient également le nombre de généraux quatre étoiles et d’amiraux relevant directement du secrétaire à la Défense", décortique toujours le Washington Post. Les commandements maintenus seraient ceux de l’Indo-Pacifique, du Cyberespace, des Opérations spéciales, de l’Espace, du Commandement stratégique et du Commandement des transports des États-Unis.
Si le projet n’en est encore qu’au stade de la proposition, son élaboration suscite des interrogations. Le Pentagone a jusqu’à présent communiqué très peu d’informations au Congrès, un manque de transparence qui a "perturbé les commissions des forces armées du Sénat et de la Chambre des représentants, pourtant à majorité républicaine", souligne le Washington Post. L’entourage de Pete Hegseth a refusé dans un communiqué au journal de commenter de "supposées discussions internes", ajoutant que toute information évoquant des divisions entre responsables sur la question était "complètement fausse".
Washington, États-Unis | AFP | mardi 16/12/2025 - 12:18 UTC+1 | 400 mots
Le Pentagone planche sur une réorganisation profonde de l'état-major de l'armée américaine, qui réduirait notamment le nombre de généraux quatre étoiles et l'importance des commandements en Europe et en Afrique, affirme mardi le Washington Post.
Le 29 juin 2025 restera une date noire pour les éleveurs de bovins. Ce jour-là, apparaît pour la première fois dans le pays un foyer de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) en Savoie. Six mois plus tard, les foyers essaiment dans l’Hexagone, tandis que la ministre de l’agriculture jongle entre campagne de vaccination et abattages de troupeaux pour tenter d’ériger un "mur sanitaire". La colère gronde, la désinformation s’amplifie, sur fond de désespoir paysan. Prudent, l’Elysée cherche une nouvelle fois à gagner du temps sur le dossier du Mercosur, autre sujet sensible.
Mercosur, DNC : les deux irritants du moment en cachent un autre, peut-être plus inquiétant, car révélateur des faiblesses de la "ferme France". En 2025, l’excédent commercial agroalimentaire du pays aura entièrement fondu. Non seulement nos exportations de vins et de cognac, de céréales ou de produits laitiers, qui engrangeaient traditionnellement des milliards d’excédents sont à la peine, mais les fruits et légumes espagnols ne se sont jamais aussi bien vendus chez nous. Quant aux importations de cacao ou de café, elles sont de plus en plus coûteuses.
Conséquence : notre balance alimentaire, qui affichait un solde de 4 milliards d’euros en 2024, devrait tourner cette année autour de zéro, voire virer dans le rouge, une première depuis un demi-siècle. A l’époque, nos gouvernants n’avaient de cesse d’encourager la modernisation de l’agriculture française. En témoignent les mots du Premier ministre Georges Pompidou, à Aurillac, en 1967 : "La révolution économique fait que l’urbanisation se développe, que les populations des villes grandissent et que les méthodes modernes d’exploitation permettent des rendements très supérieurs, donc une production fortement accrue. Il y a par conséquent nécessité pour les agriculteurs de pouvoir vendre des quantités de produits chaque jour plus importantes vers la ville ou vers les marchés étrangers proprement dits."
"On a perdu le match"
Message bien reçu : en 2000, la France occupe la deuxième place européenne avec un excédent alimentaire de 10 milliards d’euros, derrière les Pays-Bas (+ 15 milliards). "Mais aujourd’hui, les Pays-Bas affichent un solde de 45 milliards, tandis que celui de la France est nul : on a perdu le match", constate Vincent Chatellier, ingénieur de recherche à l’Inrae. En cause, l’érosion de la compétitivité agricole.
Mais ce n’est pas la seule raison. Car la "ferme France" souffre d’abord de son rétrécissement : le nombre d’exploitations se réduit comme peau de chagrin et la production agricole s’affaisse. En cause, le manque de perspectives. « Quand on ne gagne pas assez d’argent à long terme, notamment dans l’élevage, on investit moins, on robotise moins, on améliore moins la productivité », précise Vincent Chatellier.
Surtout, les paysans finissent par renoncer : l’agriculture est victime d’une disparition silencieuse. Les troupeaux suivent la même tendance : on comptait au début de l’année 3,1 millions de vaches laitières en France, un chiffre divisé par deux ans en quarante ans. On se souvient de cette phrase culte de Jacques Chirac, au salon de l’agriculture en 2005. "Ce ne sont pas des bovins, c‘est des chefs-d’œuvre". Des chefs-d’œuvre désormais en péril.
Petite république insulaire posée aux portes du Venezuela, Trinité-et-Tobago s’impose depuis plusieurs mois comme un allié assumé de Donald Trump dans les Caraïbes. De quoi érafler durablement ses relations avec Caracas. Dernier épisode en date : l’archipel a été accusé, lundi 15 décembre, par le Venezuela, d’avoir participé à la saisie par les Etats-Unis d’un pétrolier transportant du brut vénézuélien, une première dans l’escalade entre Washington et le pouvoir de Nicolas Maduro.
L’opération, impliquant des hélicoptères et des soldats américains descendus en rappel sur le pont du navire, a été dénoncée par Caracas comme un "acte de piraterie internationale". Trinité-et-Tobago a immédiatement rejeté toute implication directe. La Première ministre Kamla Persad-Bissessar, élue en mai dernier et proche de Donald Trump, a affirmé ne pas être "perturbée" par les accusations, invitant les autorités vénézuéliennes à "adresser leurs plaintes au président Trump", selon des déclarations transmises à l’AFP.
Dans la foulée, Port-d’Espagne a toutefois autorisé les Etats-Unis à utiliser ses aéroports "pour les semaines à venir" pour des opérations de nature logistique, alimentant la colère de Caracas. Depuis août, Washington a renforcé sa présence militaire dans les Caraïbes, officiellement pour lutter contre le narcotrafic. Le Venezuela y voit une stratégie de pression visant à affaiblir le régime Maduro et à contrôler ses immenses ressources pétrolières.
Une position stratégique
En réponse, le gouvernement vénézuélien a annoncé la suspension immédiate de tous les contrats et négociations liés à l’approvisionnement en gaz naturel de Trinité-et-Tobago, prolongeant une rupture amorcée dès la fin octobre. Une décision lourde de conséquences pour l’archipel, historiquement dépendant de la coopération énergétique avec son voisin.
De taille modeste — 1,4 million d’habitants et une armée de moins de 6 000 soldats — Trinité-et-Tobago est située à une dizaine de kilomètres seulement des côtes vénézuéliennes. Fin octobre, l’archipel a accueilli le navire de guerre américain USS Gravely, tandis qu’un contingent de Marines a mené des manœuvres du 16 au 21 novembre. Après avoir nié leur présence, la Première ministre a reconnu que plus de 100 Marines travaillaient sur des infrastructures aéroportuaires et de surveillance.
Le rapprochement avec Washington est assumé. Kamla Persad-Bissessar n’a cessé de multiplier les déclarations hostiles au pouvoir vénézuélien, tout en assurant que les États-Unis n’utilisent pas le territoire trinidadien pour lancer des attaques contre Caracas. Son discours sécuritaire, très aligné sur celui de Donald Trump, s’inscrit à la fois dans une stratégie de lutte contre le crime organisé et dans un opportunisme économique assumé. En septembre dernier, la septuagénaire appelait sans détour l’armée américaine à "tuer violemment" les trafiquants, dans un message publié le 2 septembre sur son compte WhatsApp, selon Le Monde.
Une alliance critiquée
Pour les Etats-Unis, Trinité-et-Tobago représente un point d’appui stratégique, dans un contexte de regain d’influence américaine en Amérique latine. La visite, fin novembre, du chef d’état-major américain Dan Caine à Port-d’Espagne — une première pour un responsable militaire de ce rang — a confirmé l’importance de l’archipel dans la campagne américaine dans les Caraïbes. Washington a également installé un radar sur le nouvel aéroport de Tobago, renforçant ses capacités de surveillance régionale.
Mais cette alliance étroite ne va pas sans risques. A Caracas, le ministre de l’Intérieur Diosdado Cabello accuse la Première ministre trinidadienne de "mettre en danger les relations bilatérales" et la sécurité de sa population. Des voix plus nuancées s’élèvent toutefois dans la région. Pour l’expert en sécurité Garvin Heerah, cité par The Hill, "le Venezuela restera notre voisin", notamment en matière de pétrole et de gaz. Dans le pays même, la ligne dure du gouvernement divise : la presse et une partie de la société civile dénoncent une perte de souveraineté et un alignement excessif sur Washington. En septembre, le Trinidad and Tobago Newsday tranchait : "Kamla roule pour Trump".
Le navire de guerre américain USS Gravely, quitte le 30 octobre 2025 Trinité-et-Tobago où il était positionné depuis dimanche dans le cadre du déploiement militaire américain dans les Caraïbes pour une opération antidrogue
Volodymyr Zelensky s’était félicité lundi 15 décembre de "progrès" dans les négociations avec les Etats-Unis pour mettre fin à la guerre avec la Russie, les Européens avançant de leur côté la proposition d’une force multinationale pour garantir la paix en Ukraine. Donald Trump s’est lui montré très optimiste, après s’être entretenu avec le président ukrainien et plusieurs dirigeants européens. Mais la Russie elle ne se montre pas si encourageante face à cette nouvelle dynamique, qui "en termes d’acceptabilité n’augure rien de bon", a réagi mardi 16 décembre le Kremlin, qui assure ne pas encore avoir connaissance des propositions européennes en termes de garantie de sécurité pour l’Ukraine. Dans le même temps, la Russie a affirmé avoir le "contrôle" de Koupiansk, ville-clé du nord-est de l’Ukraine, où les forces ukrainiennes ont revendiqué récemment la reprise de plusieurs quartiers à l’armée russe.
Les infos à retenir
⇒ La Russie affirme avoir le "contrôle" de la ville de Koupiansk
⇒ La France réclame des garanties "robustes" pour Kiev avant toute discussion territoriale
⇒ Le Kremlin estime que la participation des Européens aux négociations n’augure "rien de bon" en termes d’acceptabilité par la Russie
La participation des Européens aux négociations sur l’Ukraine "n’augure rien de bon" réagit Moscou
"La participation des Européens, en termes d’acceptabilité (de l’accord par Moscou), n’augure rien de bon", a déclaré le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, cité par les agences de presse russes. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’était félicité lundi de "progrès" dans les négociations à l’issue de rencontres à Berlin avec les émissaires américains Steve Witkoff et Jared Kushner, les Européens avançant de leur côté la formation d’une "force multinationale pour l’Ukraine", qui serait constituée de "contributions de nations volontaires et soutenue par les Etats-Unis". Ils évoquent aussi "un mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu dirigé par les Etats-Unis".
Le Kremlin a dit mardi ne pas avoir pris connaissance de ces propositions européennes publiées la veille. "Pour l’instant, nous n’avons vu que des publications dans les journaux et nous n’y réagirons pas. Nous n’avons pas vu le texte. Quand nous le verrons, nous l’analyserons" a déclaré Dmitri Peskov. Cela précédera l’organisation d’une nouvelle rencontre, avec sa propre participation, à ce sujet.
Investissement sans précédent de Londres dans la défense aérienne ukrainienne
Selon le secrétaire à la défense britannique, John Healey qui s’exprimait à l’ouverture d’une réunion du groupe de contact pour la défense de l’Ukraine ce mardi, le Royaume-Uni va fournir à Kiev des moyens de défense aérienne, des missiles et des tourelles automatisées pour abattre les drones d’une valeur de 600 millions de livres (685 millions d’euros). "La défense aérienne est une priorité absolue. C’est pourquoi je peux confirmer aujourd’hui le plus important investissement jamais réalisé par le Royaume-Uni en une seule année dans la défense aérienne ukrainienne" a-t-il déclaré. Avant d’annoncer annoncer le lancement imminent de la production de drones intercepteurs Octopus au Royaume-Uni, dont plusieurs milliers doivent être fournis chaque mois à l’Ukraine.
L’Allemagne renforce les défenses antiaériennes de l’Ukraine
A la sortie de la réunion du groupe de contact pour l’Ukraine, l’Allemagne a réaffirmé, mardi, son engagement à poursuivre et renforcer son soutien militaire à l’Ukraine. Le ministre de la défense Boris Pistorius a annoncé que Berlin prévoyait d’allouer 3 milliards d’euros supplémentaires d’aide militaire l’an prochain, portant le total de l’aide allemande prévue pour 2026 à 11,5 milliards d’euros. L’Allemagne prévoit aussi de livrer à l’Ukraine un grand nombre de missiles Sidewinder puisés dans ses propres stocks, selon Le Monde. Durant la réunion, Boris Pistorius a souligné que la sécurité de l’Ukraine était "étroitement liée" à celle de l’Europe et que l’objectif était de permettre à Kiev de négocier à partir d’une position de force.
L'ONU s’inquiète des libertés en territoires ukrainiens occupés
Le Haut-Commissaire de l'ONU pour les droits de l’homme s’est inquiété mardi d’une diminution des libertés dans les territoires ukrainiens occupés par la Russie. "Nos conclusions font état d’un durcissement des restrictions à la liberté de circulation, d’expression et de religion", a déclaré Volker Türk, devant le Conseil des droits de l’homme de l'ONU. Il a souligné que l’accès à Internet et aux services de messagerie a été encore "davantage limité". Il a par ailleurs indiqué que "les confiscations de biens par les autorités russes dans les territoires occupés, en violation du droit international humanitaire, suscitent des inquiétudes croissantes".
La défense du flanc oriental de l’Europe doit être une priorité "immédiate"
La défense du flanc oriental de l’Europe doit être une priorité "immédiate" en raison de la menace russe, ont déclaré mardi les dirigeants de huit pays du nord et de l’est de l’Europe lors d’un sommet à Helsinki.
"La Russie reste une menace aujourd’hui, demain et dans un avenir prévisible", a dit le Premier ministre finlandais Petteri Orpo, à l’occasion d’une conférence de presse.
La Russie condamnée pour la répression d’organisations liées à Navalny (CEDH)
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné mardi la Russie pour de nombreuses mesures contre des organisations liées à l’opposant Alexeï Navalny, destinées à éliminer l’opposition. Parmi ces mesures, prises à partir de 2019, des perquisitions coordonnées à grande échelle, saisie de biens, gel de comptes bancaires, classification de l’organisation de Navalny (le Fonds de lutte contre la corruption, le FBK) comme "agent de l’étranger" puis sa qualification "d’extrémiste". Charismatique militant anticorruption et opposant numéro un à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny est mort en février 2024 dans des circonstances troubles dans une colonie pénitentiaire de l’Arctique russe.
Mise en place d’un organisme européen pour statuer sur les réparations
De hauts responsables européens se réunissent mardi pour approuver la mise en place d’un organisme international basé à La Haye et chargé de statuer sur les réparations à verser à l’Ukraine pour compenser l’invasion russe. La "Commission internationale des réclamations pour l’Ukraine" évaluera et statuera sur les demandes de réparations, y compris sur les montants à verser, sachant qu’un "registre des dommages" existe déjà et a reçu environ 80 000 demandes d’indemnisation émanant de particuliers ou d’organisations.
La création de cet organisme doit être approuvée lors d’un sommet de haut niveau à La Haye, auquel participent le président ukrainien Volodymyr Zelensky et la cheffe de la politique étrangère de l’Union européenne, Kaja Kallas.
La Russie affirme avoir le "contrôle" de la ville de Koupiansk
La Russie a affirmé mardi 16 décembre avoir le "contrôle" de Koupiansk, ville-clé du nord-est de l’Ukraine, où les forces ukrainiennes ont revendiqué récemment la reprise de plusieurs quartiers à l’armée russe. "La ville de Koupiansk est sous contrôle de la 6e armée russe", a déclaré à l’agence officielle russe TASS Léonide Charov, porte-parole du groupement militaire russe Zapad, déployé dans cette zone.
La Russie avait affirmé avoir capturé Koupiansk en novembre, l’Ukraine assurant ensuite en avoir repris plusieurs quartiers. De "petits groupes" de soldats ukrainiens tentent "tous les jours" de pénétrer dans Koupiansk, a reconnu Léonide Charov, tout en insistant que "tous les quartiers sont sous contrôle des forces russes".
Volodymyr Zelensky avait déclaré vendredi avoir rendu visite aux troupes dans la zone de Koupiansk, dans une vidéo publiée après l’annonce par Kiev de la reprise de deux localités proches et de plusieurs quartiers de cette ville clé du nord-est de l’Ukraine. Sa visite est intervenue peu après une annonce par les forces ukrainiennes d’une "percée" dans la zone de Koupiansk, le noeud ferroviaire clé de la région de Kharkiv.
La France réclame des garanties "robustes" pour Kiev avant toute discussion territoriale
La France a de nouveau réclamé l’établissement de "garanties de sécurité robustes" pour Kiev avant d’aborder l’épineuse question des territoires ukrainiens dont la cession est exigée par Moscou, a indiqué mardi l’entourage d’Emmanuel Macron après des réunions sur la question à Berlin. "Nous avons progressé sur la question des garanties, sur la base du travail accompli par la coalition des volontaires, grâce à une clarification des modalités du soutien américain", a indiqué l’entourage du président français.
Le président américain Donald Trump, qui a maintes fois promis d’obtenir une paix rapide en Ukraine, veut un arrêt des combats coûte que coûte. Il a multiplié les signes d’agacement vis-à-vis de Kiev, alors que son pays est un soutien clé face à l’invasion russe débutée en 2022.
Un plan américain pour l’Ukraine, présenté en novembre, avait été jugé très favorable à Moscou, et Kiev ainsi que les Européens s’efforcent depuis de le remanier. Dimanche et lundi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a négocié à Berlin avec les émissaires américains Steve Witkoff et Jared Kushner, gendre de Donald Trump, pour tenter d’aboutir à un compromis. Un dîner de travail était ensuite prévu entre eux et des dirigeants européens, dont le Premier ministre britannique Keir Starmer et le président français.
Washington promet des garanties de sécurité "très fortes" à l’Ukraine
Les Etats-Unis ont assuré lundi avoir offert à Kiev des garanties de sécurité "très fortes", comparables à la protection qu’offrirait l’Otan, mais néanmoins acceptables, selon eux, pour la Russie. "Nous sommes plus proches aujourd’hui que nous n’avons jamais été" d’un accord mettant fin à la guerre avec la Russie, a déclaré le président américain Donald Trump, après s’être entretenu avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky et des dirigeants européens, réunis à Berlin.
"La Russie aussi veut que ça s’arrête. Le problème est qu’ils veulent y mettre fin, puis tout à coup ils ne veulent pas, et les Ukrainiens veulent y mettre fin, et tout à coup ils ne veulent pas. Donc il faut les mettre d’accord. Mais je pense que ça fonctionne", a-t-il ajouté.
Donald Trump a indiqué qu’il s’était entretenu récemment avec le président russe Vladimir Poutine, sans plus de précisions. Concernant les très difficiles questions territoriales, sur lesquelles le désaccord avec Kiev persiste, le président américain n’a pas fait mystère de sa position : les Ukrainiens "ont déjà perdu le territoire, pour être honnête".
René Andron, Marseille (Bouches-du-Rhône), 6 novembre
Quiconque connaît la culture chinoise sait l’importance de la "face", cette considération que l’on vous porte du fait de votre attitude, de votre position ou de votre réussite. A l’occasion de son voyage en Chine, nous avons vu très clairement qu’Emmanuel Macron a perdu la face. Il suffit d’observer l’accueil qui lui a été réservé ou ses échanges avec le président Xi pour comprendre qu’il ne sortira rien d’intéressant pour nous, pour l’Europe ou pour l’Ukraine de ce déplacement. (François Chimits : "Face à la déferlante de produits chinois, la réponse de l’UE n’est pas à la hauteur", sur lexpress.fr).
Un jour, la charia en France ?
Sylvie Gilbard, Bois-Colombes (Hauts-de-Seine)
Si je comprends bien le courrier de Brahim Dahou, la charia ne peut s’appliquer que dans un pays majoritairement musulman. Donc, la France pourrait être obligée d’appliquer la charia si les musulmans s’y trouvaient en majorité. Or, cela pourrait très bien arriver. Qu’en serait-il alors de nos droits comme la liberté d’expression, l’égalité hommes femmes ou la fraternité, quand on voit les autres religions mises au ban dans bon nombre de pays musulmans ? Il est important que les musulmans de France choisissent entre un Islam figé dans un autre temps et les lois de la République. ("La montée de l’islamisme touche toute l’Europe" : le sondage choc de l’Ifop analysé par Ruud Koopmans, sur lexpress.fr).
Fiscalité des successions
Jacques Canier, Colombes (Hauts-de-Seine)
Certains veulent supprimer l’impôt sur les successions en ligne directe. Il y a là selon moi une forme d’hypocrisie et de réflexe individualiste, que révèlent les cas de successions indirectes. En effet, l’expérience montre souvent le rejet "indigné" de l’impôt par ceux qui héritent de leurs oncles, tantes ou cousins. En France, sans doute plus qu’ailleurs, on rêve de s’enrichir sans travail, et l’hypothèse d’un héritage providentiel suffit à demander par réflexe une exonération. (Taxer les héritages, c’est briser la chaîne des générations, par Julia de Funès, L’Express du 3 novembre).
Les pacifistes face à la guerre
Dominique Goepp, Paris
L’un de vos lecteurs, à la suite des propos du général Mandon, semble imputer la défaite de 1940 aux "pacifistes", avec des allusions à la gauche, bien entendu. Il me paraît donc nécessaire de rappeler les points suivants. Un : dans les années 1930, une bonne partie de la droite et de l’extrême droite était opposée à la guerre contre l’Allemagne, perçue comme un rempart contre l’URSS. Deux : le Front populaire a fortement augmenté les crédits militaires. Trois : la principale cause de notre défaite est l’incurie de notre état-major. En août 1939, le généralissime Gamelin avait affirmé : "Si la guerre est déclarée, les Allemands se révolteront contre Hitler et l’armée française n’aura pas besoin de tirer un seul coup de canon". Espérons que le général Mandon et ses collègues soient plus lucides ! (Page "Courrier", L’Express du 4 décembre).
Egalité hommes-femmes
Jean Gabard
Les violences faites aux femmes constituent l’un des problèmes sociaux majeurs du XXIᵉ siècle et, pour éliminer ce fléau, il est indispensable de rappeler l’égalité en dignité et en droits entre femmes et hommes. En revanche, la revendication d’une "égalité réelle" risque de conduire à des malentendus. Certains considèrent en effet que toute différence observable entre les sexes, autre que physique, résulte exclusivement de discriminations et d’une construction sociale sexiste. Or tel n’est pas le cas : de nombreux travaux montrent que certaines différences biologiques influencent aussi motivations et comportements. Les avancées en psychogenèse indiquent également l’existence de différences dans la structuration du psychisme, indépendantes de la culture. (Deux ou trois vérités scientifiques sur les hommes et les femmes, L’Express du 6 novembre).
Des nouveautés sur votre application
La nouvelle version de l’application L’Express est disponible, avec une interface entièrement repensée. Les rubriques sont désormais accessibles directement depuis la page d’accueil, tandis qu’un carrousel met en avant les derniers contenus publiés pour vous permettre, en un seul clic, de profiter de toute la diversité et de la profondeur de nos analyses. Retrouvez aussi les sélections de notre rédaction, la version audio de chaque article, le magazine en PDF à emporter partout avec vous, ainsi que l’ensemble de nos podcasts et de nos vidéos. De nouvelles fonctionnalités sont également prévues dans les prochaines semaines, afin d’enrichir encore votre expérience de lecture.
"Quiconque connaît la culture chinoise sait l'importance de la "face", cette considération que l'on vous porte du fait de votre attitude, de votre position ou de votre réussite. A l'occasion de son voyage en Chine, nous avons vu très clairement qu’Emmanuel Macron a perdu la face", estime l'un de nos lecteurs.
Les pions diplomatiques avancent sur l’échiquier européen. Volodymyr Zelensky s’est félicité, lundi 15 décembre, de "progrès" dans les négociations avec les Etats-Unis pour mettre fin à la guerre avec la Russie, les Européens avançant de leur côté la proposition d’une force multinationale pour garantir la paix en Ukraine. Donald Trump s’est lui montré très optimiste, après s’être entretenu avec son homologue ukrainien et plusieurs dirigeants européens. Dimanche et lundi, le président ukrainien a négocié à Berlin avec les émissaires américains Steve Witkoff et Jared Kushner, gendre de Donald Trump, pour tenter d’aboutir à un compromis sur un plan pouvant mettre fin aux combats.
Au cœur des discussions, la protection qu’obtiendra l’Ukraine des Américains après un éventuel cessez-le-feu. Kiev redoute qu’un cessez-le-feu sans protection solide n’ouvre la voie à une nouvelle offensive russe. Les Etats-Unis ont dit offrir des garanties de sécurité "très fortes" mais néanmoins acceptables, selon eux, pour la Russie. Un "engagement juridiquement contraignant" qui prévoit une assistance militaire des alliés, sur un modèle proche de l’article 5 du traité de l’Otan, sans pour autant intégrer l’Ukraine à l’Alliance, une ligne rouge pour le Kremlin.
Dans une déclaration commune, les dirigeants du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne et de huit autres pays européens ont donné leur aperçu le plus détaillé à ce jour des garanties de sécurité qu’ils sont prêts à fournir à l’Ukraine, avec l’aval des Etats-Unis. C’est dans ce cadre que s’inscrit la proposition européenne d’une "force multinationale pour l’Ukraine". Concrètement, cette force serait dirigée par les Européens, composée de contingents fournis par des pays volontaires et soutenue par les Etats-Unis.
Une force qui pourrait opérer sur le sol ukrainien
Inspirée de la "coalition des volontaires", portée par la France et le Royaume-Uni, elle pourrait soutenir de manière "durable" une armée ukrainienne de 800 000 hommes, selon une déclaration transmise par le gouvernement allemand. Cette force multinationale pourrait également opérer sur le sol ukrainien. "Elle contribuera à la régénération des forces ukrainiennes, à la sécurisation de l’espace aérien ukrainien et à la sécurisation des mers, notamment en opérant à l’intérieur de l’Ukraine", résume le texte rédigé par les Européens.
L’objectif affiché est clair : dissuader Moscou de toute nouvelle attaque après un cessez-le-feu. "Les Européens cherchent à bétonner des garanties de sécurité avant toute concession territoriale", résume le quotidien belge Le Soir.Berlin, Paris, Londres et plusieurs autres capitales estiment qu’un accord de paix serait voué à l’échec sans un dispositif crédible de protection à long terme. Le Premier ministre britannique Keir Starmer l’a rappelé : sans garanties "solides", aucun accord ne tiendrait.
"Vraie chance pour un processus de paix"
Les discussions de Berlin marquent aussi un tournant diplomatique. Le format Ukraine – Etats-Unis – Europe constitue une première depuis la présentation, en novembre, d’un plan américain jugé trop favorable à Moscou par plusieurs capitales européennes. Un mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu, dirigé par les Etats-Unis, est également évoqué. Le document souligne qu’il appartient "désormais à la Russie de montrer sa volonté d’œuvrer en faveur d’une paix durable". Les pourparlers de Berlin offrent une "vraie chance pour un processus de paix", a estimé Friedrich Merz, jugeant qu’un cessez-le-feu avant Noël ne dépendait "plus que de la Russie".
Des divergences majeures subsistent toutefois, notamment sur la question des territoires occupés par la Russie. Volodymyr Zelensky plaide pour un gel de la ligne de front plutôt qu’une cession territoriale, alors que Moscou réclame la reconnaissance de ses conquêtes, en particulier dans le Donbass, région hautement fortifiée où les combats restent intenses malgré les lourdes pertes russes. Pour les Européens comme pour Kiev, la balle est désormais "dans le camp de la Russie".
Le président allemand Frank-Walter Steinmeier (d) accueille le président ukrainien Volodymyr Zelensky au palais présidentiel de Bellevue, le 15 décembre 2025 à Berlin