Larry Ellison d’Oracle veut une base de données unifiée à l’échelle des États-Unis
Regarde Larry ! Tu vois ce qui se passe ?
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Invité du World Governments Summit, Larry Ellison, cofondateur et patron d’Oracle, a appelé de ses vœux la création d’une base de données unique qui rassemblerait l’ensemble des informations utiles à un gouvernement tel que celui des États-Unis.
Rassembler les données éparses pour gouverner de façon plus éclairée ? Telle est en substance la vision qu’a défendue Larry Ellison, président d’Oracle et quatrième fortune mondiale, le 12 février dernier lors du World Governments Summit de Dubaï. Interrogé, en visio, par l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, il a notamment insisté sur l’intérêt qu’auraient les gouvernements à centraliser l’ensemble des données dont ils disposent au sein d’une base unique, notamment pour entraîner leurs modèles d’intelligence artificielle.
Réunir 3 000 bases de données éparses
Les États disposent aujourd’hui de données particulièrement précieuses dans une optique d’aide à la prise de décision, attaque Larry Ellison. Or ces données, de santé par exemple, échappent aujourd’hui aux capacités d’intelligence artificielle que peut déployer un gouvernement, en partie parce qu’elles sont diffuses, fragmentées entre différents systèmes d’information :
« Ces informations ne sont pas disponibles, mais elles sont précieuses, très précieuses, pour votre pays, parce que vous pouvez utiliser ces données pour améliorer la santé de la population et obtenir de meilleurs résultats pour les citoyens ».
Pour illustrer son propos, Larry Ellison prend l’exemple de son pays, les États-Unis, où les informations utiles seraient aujourd’hui éparpillées parmi quelque 3 000 bases de données. « Vous pouvez canaliser ces données vers une seule base de données unifiée, et c’est ce que nous devons faire, argue-t-il. Ainsi, le modèle de données dispose de toutes les informations dont il a besoin pour répondre à la question, découvrir l’idée et recommander une action ».
Il y aurait là de quoi « révolutionner la façon dont les gouvernements travaillent », s’exclame Tony Blair, avant de relancer son interlocuteur du jour. Cette vision holistique sur la donnée nationale permettrait d’améliorer à la fois la qualité et l’efficacité des services rendus par les administrations publiques, notamment dans la très coûteuse santé, mais aussi de lutter contre la fraude, abonde Ellison.
La démarche suppose toutefois quelques prérequis, à commencer par une infrastructure souveraine dédiée à la gestion de cette donnée unifiée et à l’entraînement des futurs modèles dédiés. « Oracle construit un centre de données de 2,2 GW qui coûtera entre 50 et 100 milliards de dollars », déclare à ce sujet l’homme d’affaires, selon qui ces datacenters doivent impérativement être hébergés par le pays qui les utilise. « Les centres de données, en raison des exigences en matière de confidentialité des données, doivent être situés dans nos pays, faute de quoi ils ne sont pas très utiles ».
Larry Ellison, proche de Donald Trump et « ami » revendiqué d’Elon Musk, figure pour mémoire au premier rang des parties prenantes du projet Stargate, via lequel Washington ambitionne de déployer jusqu’à 500 milliards de dollars d’investissements en direction des infrastructures dédiées à l’IA.
Des données réunies au nom de la performance
Cette idée de réunir et croiser les données pour améliorer les capacités de prise de décision n’a rien de fondamentalement nouveau. Elle apparait dès 2014 dans les recommandations de l’OCDE sur les stratégies numériques gouvernementales (PDF).
Depuis, elle a donné lieu à de multiples rapports qui, par exemple en 2020 (PDF), encouragent le décloisonnement des administrations, la mise en place d’un leadership institutionnel sur la gestion des données, et la conception d’une gouvernance adaptée, propice à susciter la confiance des citoyens concernés.
L’analyse du risque et la lutte contre la fraude (prévention ou détection) y figurent parmi les premières applications concrètes envisagées. « Ainsi, l’interopérabilité des données entre les administrations publiques est indispensable pour permettre aux auditeurs ou aux organismes de lutte contre la corruption de procéder à un recoupement des données à l’aide des bases de données tenues à jour par différentes instances publiques dans le but de repérer les cas de fraude, de gaspillage et d’abus », remarque par exemple l’OCDE dans le rapport précité.
Si Larry Ellison commence par vanter les mérites de l’IA en matière de planification des cultures, ou de développement de nouvelles souches de riz capables de pousser dans de l’eau salée, c’est bien dans le domaine de l’efficacité qu’il envisage les premiers débouchés de cette approche holistique. Il illustre son propos en faisant référence à Oracle Fusion Financials, la suite de gestion financière éditée par son groupe, dont les outils décisionnels intègrent des briques dédiées à la détection des risques.
« Elle vous aide à acheter, à gérer votre budget, à voir quelles sont les agences qui risquent de dépasser leur budget (…), ce qui vous permet si nécessaire de prendre des mesures correctives. Tout comme vous pouvez savoir à l’avance si votre production agricole va manquer ses objectifs, et s’il faut prendre des mesures à l’avenir ».
Ellison favorable à une surveillance généralisée par IA
Le milliardaire, dont le groupe dispose d’une ligne complète de produits dédiés secteur public, conclut son intervention sur un appel du pied commercial, adressé en particulier aux Émirats arabes unis : moderniser son infrastructure informatique et préparer cette approche holistique de la donnée nourrie à l’IA, c’est se donner les moyens d’administrer son pays de façon plus efficace.
Larry Ellison n’en parle pas à Dubaï, mais l’IA recèle selon lui d’autres vertus, à dimension sécuritaire, cette fois. Un propos qu’il avait développé en septembre dernier, à l’occasion du traditionnel échange avec les analystes organisé dans le cadre de la présentation des résultats financiers d’Oracle. Il décrivait alors à quel point la généralisation d’une vidéosurveillance assistée par IA améliorerait la qualité de la vie en société.
« La police se comportera de la meilleure façon possible, parce qu’on enregistrera et vérifiera en permanence ce qu’elle fait. Les citoyens se comporteront de la meilleure façon possible, parce qu’on enregistrera et rapportera tout ce qui se passe ». En dépit de ses accents orwelliens, Ellison présentait alors le phénomène comme inéluctable, du fait de la multiplication des caméras dans l’espace public, des sonnettes connectées aux capteurs embarqués sur la voiture en passant par les caméras corporelles portées par la police. Il le qualifiait également d’ « irréprochable », passant, un peu vite sans doute, sur les limites inhérentes aux systèmes d’intelligence artificielle, capables aussi bien de biais que d’hallucinations…