« Alerte pelleteuse » : des engins de chantiers brouillaient… la téléphonie mobile
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L’ANFR a récemment publié une enquête maison dont elle a le secret sur la chasse aux brouilleurs des ondes. Elle est particulièrement longue puisqu’elle s’étale sur plusieurs années. Elle concerne des milliers d’engins de chantier et dépasse largement nos frontières avec des mises à jour partout dans le monde.
En France, les opérateurs de téléphonie mobile « achètent » (à prix d’or) des fréquences pour en avoir un usage exclusif. Lorsque des « passagers clandestins » sont repérés, ils peuvent faire appel à l’Agence nationale des fréquences (ANFR) pour identifier la source des brouillages et y mettre fin.
Épidémie de brouillages
Cette enquête débute en 2022 quand « un opérateur fait remonter à l’ANFR un cas de brouillage de téléphonie et d’internet mobiles en 3G touchant plusieurs bandes de fréquences dans le Maine-et-Loire (49) : 800, 1 800, 2 100 et 2 600 MHz ». Le coupable est rapidement identifié : une grue connectée avec un modem et une carte SIM. Une fois le module éteint, le brouillage disparait sans revenir.
Ce cas n’était que la partie visible de l’iceberg. Rapidement, d’autres cas sont détectés en Loire-Atlantique (44) et en Ille-et-Vilaine (35). L’épidémie se répand sur toute la France : Sarthe (72), Drôme (26), Isère (38), Haute-Savoie (74), Loire (42), Rhône (69), Var (83) et Alpes-Maritimes (06). Point commun : les brouillages proviennent d’engins de chantier.
À chaque fois, la solution est la même pour mettre fin au brouillage : éteindre les modems un à un. Mais ce « n’est pas une solution viable » face pour l’ANFR, à cause de l’empreinte nationale et de l’ampleur grandissant du phénomène. Pour l’Agence, « les grues deviennent autant d’épées de Damoclès… », d’autant plus importante que ces engins sont en hauteur et peuvent donc rayonner assez loin.
Les plus attentifs auront certainement remarqué que les bandes de fréquences annoncées (de 800 à 2 600 MHz) ne concernent pas que la 3G, mais également des bandes pour la 4G et la 5G (800 et 2 600 MHz). C’est la faute du modem qui « peut se mettre à faire des sauts de fréquences et toucher une autre bande ».
Les cas se multiplient sur des engins de chantier
« La tendance de 2022 semble se poursuivre en 2023… ». Cette affaire remonte donc à la Direction de Contrôle du spectre de l’ANFR, plus précisément au bureau de contrôle national supervisant le traitement local des brouillages. Le constructeur des engins de chantier est contacté pour trouver une solution.
L’enquête ne laisse pas de place au doute : « il apparaît que l’équipement fautif est un boitier de connexion à distance (modem) installé dans des grues, mais aussi des pelles à câble hydrauliques, des machines de terrassement ». Ce boîtier transmet de nombreuses données sur la localisation et l’exploitation des machines (emplacement, durées de fonctionnement, consommation, maintenance…).
Selon l’ANFR, le fabricant était sceptique : « son matériel est distribué dans le monde entier, pourquoi des problèmes similaires ne se posaient-ils pas dans d’autres pays ou du moins n’étaient pas signalés ? ». Dans le même temps, les cas continuent de se multiplier et l’un d’entre eux va mettre le fabricant dos au mur : un engin flambant neuf – un tombereau – dans l’une de ses agences est à l’origine d’un brouillage. Quelques semaines plus tard, rebelote avec une tractopelle.
L’ANFR exige une solution pérenne
Le fabricant d’engin dispose de « milliers de machines déployées dans toute la France ». L’ANFR a alors « exigé du constructeur qu’il trouve enfin une solution pérenne à ces brouillages récurrents », lui rappelant que ce sont des délits (article L 39 - 1 du code des postes et des communications électroniques), avec une peine pouvant aller jusqu’à 6 mois de prison et 30 000 euros d’amende.
C’est en 2024 qu’une solution est trouvée avec une mise à jour « logicielle pour l’unité télématique ». Un calendrier est proposé afin de garantir « qu’au moins 90 % des machines seront remises en conformité au troisième trimestre 2024 ». Afin de préparer au mieux les Jeux Olympiques et Paralympiques, l’ANFR demande de prioriser les villes accueillant des épreuves.
Durant l’année 2024, le pourcentage des machines traitées augmente progressivement : « déjà 80 % en mai 2024, et 75 % des engins sortant d’usine. Fin juin 2024, nous y sommes : 90 % des machines en France sont traitées ! Début 2025, ce sont désormais 95 % des machines du constructeur qui ont leur boitier mis à jour et ce chiffre est de 98 % pour les grues qui sortent d’usine ». Début 2025, il restait quelques centaines de machines à mettre à jour.
La mise à jour s’exporte à l’international
Désormais, toutes les machines neuves disposent de la nouvelle version du logiciel. Le constructeur a également commencé en 2024 à déployer sa mise à jour sur ses machines « installées à travers le monde, en commençant par l’Europe ». En effet, sans grande surprise, ces brouillages peuvent aussi se produire ailleurs qu’en France.