Amazon rachète Bee et son bracelet qui écoute tout ce que vous faites
Avec mes grandes oreilles, au loin j'entends les abeilles

Amazon se prépare à conclure l’acquisition de la startup californienne, inventrice d’un bracelet connecté à un système d’IA générative et capable d’écouter l’ensemble des conversations de celui qui le porte. Baptisé Bee, ce bracelet dans lequel a investi Xavier Niel est l’une des incarnations de cette nouvelle famille d’objets connectés censés servir d’assistants quotidiens.
Promis, Bee va améliorer votre vie quotidienne… pour peu que vous ayez beaucoup d’interactions vocales avec d’autres humains ! Ce bracelet, affiché en précommande à 49 dollars et livré, pour l’instant, exclusivement aux États-Unis, se propose en effet d’écouter l’ensemble de vos conversations du jour à l’aide d’un micro embarqué.
L’objectif est de pouvoir ensuite les passer au crible d’une intelligence artificielle générative, et ainsi vous permettre de consulter la synthèse d’une réunion, rechercher une information précise évoquée par un interlocuteur, ou tout simplement vous souvenir des « moments importants » de votre vie.
Un micro au poignet branché sur un service d’IA
D’après la startup Bee AI, qui envisage d’associer son bracelet à un abonnement payant, facturé 12 dollars par mois, les modèles d’IA distribués au travers de sa plateforme pourront apprendre des conversations et des habitudes de son utilisateur pour gagner, au fur et à mesure, en pertinence. Au point de passer progressivement d’une écoute passive à des fonctionnalités plus interactives, comme la suggestion de tâches, le rappel de rendez-vous, etc.
« Pour nous servir pleinement, l’IA doit vivre à nos côtés, s’inspirant non seulement des commandes, mais aussi de la texture de nos vies : nos relations, nos émotions et nos aspirations. Ce n’est qu’en s’immergeant dans nos vies que l’IA peut véritablement comprendre qui nous sommes et ce qui compte le plus », précise la startup sur son site.
La promesse vous parait orwellienne ? Bee, fondée en 2022 par deux anciens d’une application de chat vidéo, Squad, rachetée par Twitter, y voit les prémices d’un service capable aussi d’interagir avec votre boîte mail, votre agenda ou votre carnet d’adresses. Bref, un majordome IA, caché dans un bracelet qui, pour l’instant, fait surtout penser visuellement aux trackers d’activités premier prix.
L’appareil, dépourvu d’écran, embarque deux microphones, dispose d’un dispositif de filtration de bruit pour améliorer la capture des voix, et dispose d’un simple bouton qui permet de déclencher ou d’interrompre les enregistrements. Doté d’un simple connecteur USB type-C, il offrirait jusqu’à sept jours ou 160 heures d’autonomie. Bee AI prévoit par ailleurs de déployer son service sur Apple Watch via une application dédiée, et propose déjà une avant-première de sa future application Android.



Pour l’instant, Bee indique à Wired exploiter une combinaison de modèles sur étagère, dont ChatGPT et Gemini, avec une inférence réalisée à distance, dans le cloud, les capacités du bracelet ne permettant pas à ce stade un traitement local.
Sur son site, Bee AI revendique le soutien financier de trois investisseurs : le fonds Exor de la famille Agnelli (Fiat), la société de capital-risque américaine Greycroft et un certain Xavier Niel, cité nommément bien que la participation ait vraisemblablement été réalisée via son fonds Kima Ventures.
Bee bientôt reconfiguré aux couleurs d’Alexa ?
Bee AI n’a pas réellement fait sa preuve de marché, mais la startup a déjà attiré l’intention d’un poids lourd. Maria de Lourdes Zollo, cofondatrice de Bee AI, a en effet annoncé mardi 22 juillet que son entreprise allait passer dans le giron d’Amazon :
« Lorsque nous avons lancé Bee, nous imaginions un monde où l’IA serait véritablement personnelle, où votre vie serait comprise et enrichie par une technologie qui apprend avec vous. Ce qui a commencé comme un rêve avec une équipe et une communauté incroyables trouve désormais un nouveau foyer chez Amazon. »
Le géant du e-commerce n’a de son côté pas communiqué officiellement, mais une porte-parole de l’entreprise confirme le rachat à The Verge, et en profite pour rassurer : « Nous concevons nos produits pour protéger la confidentialité et la sécurité de nos clients et pour leur permettre de contrôler facilement leur expérience — et cette approche s’applique bien sûr à Bee ».
Qu’adviendra-t-il de Bee chez Amazon ? La marque risque logiquement de disparaître, puisqu’Amazon englobe ses produits et travaux liés à l’IA générative sous l’ombrelle Alexa. En février dernier, la firme de Jeff Bezos avait présenté la dernière version en date de son IA, baptisée Alexa+ :
« Elle vous divertit, vous aide à apprendre, vous permet de rester organisé, résume des sujets complexes et peut discuter de pratiquement tout. Alexa+ peut gérer et protéger votre maison, effectuer des réservations, vous aider à suivre, découvrir et apprécier de nouveaux artistes. Alexa+ peut également vous aider à rechercher, trouver ou acheter presque n’importe quel article en ligne, ainsi que vous faire des suggestions utiles en fonction de vos intérêts. »
Déjà distribuée sur les appareils Amazon (tablettes, applications mobiles, enceintes domestiques, etc.), Alexa+ pourrait logiquement trouver son chemin vers le bracelet conçu par Bee AI.

Des grandes oreilles encore bien imparfaites
Le lancement en Europe d’un tel appareil serait probablement scruté de près par les défenseurs d’un respect strict de la vie privée, au regard notamment de textes comme le RGPD. En attendant, le bracelet de Bee AI livre des résultats contrastés, témoignent outre-Atlantique plusieurs journalistes de la presse tech, qui ont eu l’occasion de le tester pendant quelques semaines. Soit parce que l’appareil ne distingue pas toujours bien les voix, cherche à résumer la radio ou la TV qui tourne en fond, et produit un certain nombre de contre sens ou d’approximations. Soit parce qu’il résume des moments personnels, et élabore des suggestions qui n’ont pas toujours lieu d’être…
Dans son retour d’expérience, The Verge note toutefois que le bracelet Bee est de loin le plus abordable des appareils qui surfent sur cette idée d’une écoute permanente destinée à nourrir une IA personnelle. Ce point n’a probablement pas échappé à Amazon, qui envisage souvent ses appareils hardware comme des leviers d’acquisition pour ses services sur abonnement.
Reste à savoir si le marché est prêt ? Jusqu’ici, plusieurs startups se sont positionnées sur le segment des appareils connectés dopés à l’IA, avec parfois des échecs retentissants. L’AI Pin, sorte de broche connectée censée remplacer à terme le smartphone de l’utilisateur, a par exemple atteint des records de valorisation, avant que ses actifs ne soient finalement rachetés par HP pour une fraction des fonds levés suite à un lancement calamiteux. D’autres creusent ce filon d’un appareil connecté à une IA, mais avec une approche plus spécialisée, comme Plaud AI qui commercialise des accessoires dédiés à la prise de notes.