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Reçu hier — 12 décembre 2025

Mercosur, dermatose… Pourquoi le monde agricole s’embrase de nouveau

12 décembre 2025 à 18:03

Retour du Mercosur, remaniement de la politique agricole commune (PAC), nouvelle vague de dermatose nodulaire contagieuse à la gestion publique contestée… La colère des agriculteurs, qui refait irruption en France, risque de se propager en Europe. Une marche de protestation sera organisée le 18 décembre à Bruxelles, "10 000 manifestants" y sont attendus, dont de nombreux Français.

"Des blocages partout"

Depuis quelques jours, la pression grimpe encore d’un cran sur les autorités publiques. Ce vendredi 12 décembre, sur Facebook, la Confédération paysanne a appelé à "des blocages partout" en France. Le syndicat prévient : "le bras de fer" avec la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, "a bien été lancé et va s’intensifier dans les prochains jours". La cause de cette insurrection : la gestion de la dermatose nodulaire contagieuse, maladie de la peau qui touche les bovins. En cas de contamination d’un animal, l’intégralité du troupeau doit être abattue.

Jeudi, c’est l’Ariège qui a été concernée par ces euthanasies de masse. En réaction, de vives tensions ont éclaté aux abords de la ferme visée afin d’empêcher les autorités d’atteindre les bêtes. Quatre personnes ont été interpellées. Partout en France, des mobilisations se sont organisées : rassemblements devant les préfectures, "feux de la colère" dans la Marne, cercueil devant le ministère… "C’est une aberration complète ! Il faut arrêter le carnage", s’indignait jeudi, Sébastien Durand, président de la Coordination rurale d’Ariège, au micro d’ICI Occitanie. Le syndicat, tout comme la Confédération paysanne plaide pour l’instauration d’une vaccination préventive généralisée.

Mais ce vendredi, la ministre du secteur persiste et signe : "l’abattage est la seule solution pour sauver toute la filière", estimant que, sans quoi, la maladie pourrait tuer 1,5 million de bovins en France.

La PAC en berne

C’est une semaine compliquée pour Annie Genevard. Lundi déjà, son discours à Rungis a été boycotté par une grande partie des syndicats agricoles. La ministre s’était rendue au plus grand marché d’Europe pour le lancement des "conférences de la souveraineté alimentaire". Un "exercice de communication" qui déplaît alors que le "diagnostic" dramatique de la "Ferme France" est connu, selon la FNSEA, premier syndicat de la filière.

L’Hexagone, qui est pourtant la première puissance agricole européenne, est en souffrance. Contraint d’importer toujours plus, le secteur entrevoit un déficit commercial en 2025. Une première depuis 50 ans. Ses fleurons, du blé aux vignes, traversent une crise inédite.

Dans ce contexte, la proposition de la Commission européenne de revoir les conditions de la PAC attise la colère. La politique agricole commune, qui constituait jusqu’ici le premier poste de dépenses de l’UE, pourrait voir son budget réduit de 20 % pour la période de 2028 à 2034, qui risquerait en plus d’être "dilué" dans un grand fonds.

Un projet qui serait lourd de conséquences pour la France dont les agriculteurs sont les premiers bénéficiaires de la PAC avec environ 9 milliards d’euros d’aides par an. Cette somme qui représente les deux tiers de leurs revenus est devenue indispensable depuis le début de la guerre en Ukraine qui a entraîné une flambée des denrées alimentaires.

Mercosur le retour

Un autre accord en cours de négociation à Bruxelles : celui avec le Mercosur, cette communauté économique des pays d’Amérique du Sud. 25 ans après le début des négociations, le processus semble toucher à sa fin et se rapprocher de l’aboutissement, l’instance bruxelloise vise un feu vert pour le 20 décembre et une adoption par Parlement début 2026.

L’accord, qui doit permettre à l’Union européenne d’exporter davantage de voitures, machines et vins, facilitera en retour l’entrée de bœuf, volaille, sucre, miel… Mais ce texte, vu d’un très mauvais œil par les agriculteurs, ravive la colère des syndicats. Les organisations, qui dénoncent une concurrence déloyale, placent les normes moins exigeantes des pays du Mercosur dans leur viseur. La crainte : déstabiliser les filières européennes déjà fragiles.

Un point a souvent été remis à l'ordre du jour : la viande qui pourrait bientôt se retrouver dans nos assiettes. Le Brésil, qui représente déjà plus de 35 % des importations de bœuf dans l’UE, est connu pour sa viande traitée aux hormones de croissance et aux antibiotiques mais vendue à des prix plus attractifs. Bruxelles a tenu à rassurer : "Toutes les conditions sanitaires en vigueur au sein de l’Union européenne restent en place avec l’accord". Des annonces qui laissent la filière de marbre. "Des garanties ? Il n’y en a pas", s’indignait en 2024 Karine Jacquemart, directrice générale de l’association de consommateurs Foodwatch dans les colonnes de Reporterre.

Et dans les sphères du pouvoir français, la mayonnaise ne prend pas non plus : "L’accord avec le Mercosur est inacceptable. Il sera peut-être appliqué. Car nous sommes 27 dans l’Union européenne", lançait Annie Genevard, le 9 décembre.

A ce projet de signature s’ajoute une autre crispation : la taxe MACF. Ce mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, voulu par l’Union européenne doit entrer en vigueur le 1er janvier. Une taxe carbone qui fait craindre aux agriculteurs une explosion du coût des engrais russes, déjà imposés. Un impact de "500 millions d’euros pour les grandes cultures" serait à estimer selon la FNSEA.

© afp.com/Dimitar DILKOFF

Des agriculteurs manifestent à Paris contre l'accord Mercosur de libre-échange entre l'Union européenne et les pays d'Amérique latine, le 14 octobre 2025

Allemagne : le revirement polémique de Friedrich Merz sur l’accueil de réfugiés afghans

12 décembre 2025 à 13:54

Berlin ne tiendra pas parole. Plusieurs centaines de réfugiés Afghans qui ont fui le retour des talibans ne seront finalement pas évacués du Pakistan, où ils attendent un visa pour l’Allemagne. Nombre d’entre eux ont apporté leur aide à l’armée allemande lors de l’invasion de l’Afghanistan par les Etats-Unis, exerçant comme journalistes, avocats ou militants des droits de l’Homme. Une lourde menace pèse sur leur vie en cas de retour dans leur pays natal, sous la coupe du mouvement islamiste depuis 2021.

Leur espoir d’atteindre l’Europe, et la sécurité, vient de s’effondrer. Dans les prochains jours, 640 exilés recevront une note officielle "indiquant qu’il n’y a plus d’intérêt politique à les accueillir", a déclaré cette semaine la porte-parole du ministère de l’Intérieur, Sonja Kock.

C’est Friedrich Merz, le chancelier allemand, qui est revenu sur la promesse d’accueil faite par son prédécesseur à un total de 1 800 Afghans environ. Une décision qui s’inscrit dans le tournant conservateur - particulièrement à l’égard de l’immigration - pris par le dirigeant, en proie aux pressions de l’extrême droite grandissante dans son pays.

La fiabilité allemande remise en cause

Cette résolution, alors que plus de 250 ONG avaient justement exhorté mardi Berlin à tenir parole, en appelant à protéger ces réfugiés "d’une expulsion du Pakistan vers l’Afghanistan et des persécutions qui y sont exercées par les talibans", a été largement critiquée par de nombreuses associations.

Dans un communiqué, l’association allemande Pro Asyl s’indigne : "Le gouvernement précédent n’avait accordé l’asile à ces personnes que pour une seule raison : leur engagement pour les droits des femmes, les droits humains et la liberté en Afghanistan". Et les militants de tancer : "Ils risquent désormais de tomber entre les mains du régime islamiste taliban, nouveaux alliés du ministre fédéral de l’Intérieur".

Sur Bluesky, le journaliste de guerre allemand, Thomas Wiegold, s’inquiète des conséquences que pourrait avoir cette promesse rompue sur les futures missions militaires de son pays. "Les soldats allemands ne peuvent qu’espérer ardemment ne plus jamais, jamais, dépendre du soutien local, où que ce soit".

Offre financière

Ces derniers mois, le gouvernement allemand a multiplié les stratégies pour repousser les exilés afghans. Comme lorsqu’il a proposé de l’argent à ceux qui renonceraient à leur droit d’être évacués.

Sur son territoire aussi, l’exécutif allemand mène une politique de répression à l’encontre des réfugiés afghans. Cet été, le gouvernement a annoncé l’expulsion vers leur pays d’origine de 81 Afghans condamnés par la justice, la seconde opération du genre depuis le retour au pouvoir des talibans. Malgré les critiques de l'ONU, Friedrich Merz ne semble pas prêt à reculer. En octobre, son ministre de l’Intérieur Alexander Dobrindt se félicitait qu’un accord avec les talibans serait bientôt conclu pour rendre "réguliers" les vols d’expulsions vers l’Afghanistan. Une annonce d'’autant plus surprenante que Berlin ne reconnaît pas directement le mouvement islamiste comme gouvernement légitime du pays.

© afp.com/RALF HIRSCHBERGER

Le chancelier allemand Friedrich Merz participe à une conférence de presse à Berlin, le 3 septembre 2025
Reçu avant avant-hier

De la RDC à la Thaïlande : Donald Trump, faiseur de paix… ou faiseur d'illusions ?

11 décembre 2025 à 19:08

Sur scène, quelques instants après avoir reçu le "prix de la paix de la Fifa", créé par un de ses proches, Donald Trump se vante d'avoir "sauvé des millions de vie", citant le Congo, l'Inde, le Pakistan, "tant de guerres de guerres auxquelles nous avons réussi à mettre fin" ou à éviter. Huit guerres au total. Mais premier hic, deux d’entre elles n’ont jamais existé.

La Serbie et le Kosovo - qui ont, certes, des relations particulièrement tendues - ont signé en 2020 un accord de normalisation économique en présence du président américain. Mais un accord de paix, jamais. L’autre peace deal qui n’en est pas un : des tensions autour d’un méga barrage construit sur le Nil par l’Ethiopie, que l’Egypte perçoit comme une "menace existentielle". Donald Trump ne semble pas avoir joué un rôle pour apaiser les discordes, loin de s’être depuis dissipées.

Second hic, les six autres accords ont montré quelques fragilités. Un bilan finalement compromettant pour l’homme qui brigue ouvertement le prix Nobel de la paix.

"Passer un coup de téléphone"

Depuis le 26 octobre, Donald Trump s’érige en artisan de l'"accord historique" signé entre la Thaïlande et le Cambodge. Une signature officielle faisant suite au cessez-le-feu obtenu avec l’aide de la Chine et de la Malaisie en juillet, dont l’Américain s’était attribué toute la gloire. Mais le dernier accord en date n’aura tenu que deux semaines, suspendu par la Thaïlande le 10 novembre après l’explosion d’une mine terrestre à proximité de la frontière.

Dimanche 7 décembre, les hostilités ont repris, faisant au moins 19 morts. Les affrontements sont "plus intenses cette fois qu’en juillet", a assuré à l’AFP Lay Non, un habitant ayant fui un village cambodgien. Plus de 500 000 personnes ont été contraintes d’évacuer les zones de combats.

Un accord instable donc, signé à la va-vite, plus rapide que qualitatif. Le premier ministre thaïlandais, Anutin Charnvirakul, en est conscient : "Entre dirigeants, il ne s’agit pas seulement de passer un coup de téléphone. Il y aura un rendez-vous prévu et des sujets précis à aborder".

Peace deals ou business deals

Et Donald Trump est familier de ces signatures plus médiatiques que diplomatiques. A Washington, le 4 décembre, devant un parterre de caméras, il parvient à un accord entre la République démocratique du Congo et le Rwanda. Ce qu’il qualifie de "miracle", n’aura en pratique aucun effet sur l’Est Congolais, région en proie au conflit depuis plus de 30 ans.

Ce mardi 9 décembre, le groupe armé M23, qui combat l’armée congolaise a pénétré dans la ville stratégique d’Uvira. Une "gifle" à Washington, dans les termes du Burundi voisin, dont le président avait déjà alerté de la précarité de l’accord. "S’engager sur un plan de paix est une chose, le mettre en œuvre en est une autre", ébruitait Evariste Ndayishimiye.

Pourtant Donald Trump semblait optimiste pour l’avenir. Lors de la cérémonie de signature il déclare à proximité des oreilles du Monde : "Ils [Congolais et Rwandais] ont passé tant de temps à s’entretuer, maintenant ils vont passer du temps à s’étreindre […] et profiter économiquement des Etats-Unis". Le mot-clé : économie. Un paramètre qui semble être au cœur de la stratégie de la Maison-Blanche. Et le président congolais n’a pas manqué d’abreuver ses désirs avec la proposition d’un accès préférentiel pour Washington à ses richesses minières.

Une impression de déjà-vu ? Lorsqu’il était question de la guerre en Ukraine menée par la Russie, le président américain proposait sa protection à son homologue Volodymyr Zelensky… en échange des ressources minérales de son pays. Car finalement les "peace deals" du dirigeant milliardaire ressemblent plus à des business deals.

Des réussites qui demeurent fragiles

Certains accords payent plus que d’autres. C’est le cas du cessez-le-feu entre Israël et Gaza, arraché par Donald Trump, comme promis, quelques mois après son retour au pouvoir. Une réussite plus grande en apparence qu’en pratique. Car si cessez-le-feu il y a eu, son maintien reste précaire.

Depuis le 10 octobre, date de son entrée en vigueur, des violences ont continué à exploser. 370 Palestiniens ont perdu la vie dans des frappes israéliennes, ainsi que de trois soldats de l’Etat Hébreu. Et la deuxième phase du plan américain, destiné à consolider le cessez-le-feu peine à se mettre en place. Une dépouille d’otage - dont la restitution est exigée par Israël pour engranger la suite du plan de paix - est toujours retenue par le Hamas. Quant au mouvement islamiste, il estime que la deuxième étape "ne peut pas commencer" tant qu’Israël "poursuit ses violations de l’accord", a affirmé mardi à l’AFP un membre de son bureau politique, Hossam Badran. Un schéma qui se reproduit dans d’autres conflits où Donald Trump s’est impliqué.

En juin, Israël a lancé une offensive contre l’Iran pour empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique. Attaque à laquelle les Etats-Unis se sont rapidement joints. 12 jours plus tard, Washington a annoncé un "cessez-le-feu total" entre les deux pays. Une trêve dont la stabilité reste incertaine, le guide suprême iranien, Ali Khamenei, refusant de céder sur la question de l’enrichissement d’uranium.

Quant à l’Arménie et l’Azerbaïdjan qui se sont livrés deux guerres au sujet de la région contestée du Karabakh, leurs dirigeants ont paraphé en août, à la Maison-Blanche, un projet d’accord de paix. Mais l’aboutissement d’une signature officielle demeure incertain.

Enfin, des affrontements entre le Pakistan et l’Inde ont fait plus de 70 morts en mai 2025. Lorsque Donald Trump a annoncé un cessez-le-feu entre les pays d’Asie du Sud, le Premier ministre indien, Narendra Modi, a nié toute implication étrangère dans la résolution du conflit.

© afp.com/Jia Haocheng

Donald Trump (à gauche) recevant le prix de la Paix de la Fifa des mains de Gianni Infantino le 5 décembre 2025 au Kennedy Center de Washington lors du tirage au sort de la Coupe du monde 2026 de football

"Donald Trump ou la peur désorientée d’un homme blanc vieillissant" : sa croisade anti-Europe vue de l’étranger

10 décembre 2025 à 18:20

C’est une nouvelle escalade dans l’offensive médiatique menée par Donald Trump contre le Vieux Continent. Dans une interview accordée à Politico le 8 décembre, le 47e président des Etats-Unis ne manque pas d’imagination pour déverser son mépris de l’Europe. Des pays "en décrépitude" dirigés par des "faibles", a-t-il éructé. Quant à la guerre en Ukraine ? "La Russie a l’avantage" et Volodymyr Zelensky "va devoir se bouger et commencer à accepter les choses […] Parce qu’il est en train de perdre".

Et cette charge frontale n’est que la dernière en date d’une longue série. Quelques jours auparavant, Washington dévoilait sa nouvelle "stratégie de sécurité nationale", un document d’une rare brutalité. Critique de la politique "d’immigration", des "personnels politiques" et des "dépenses militaires", soutien aux "partis politiques patriotes européens"… ici aussi, l’Europe en prend pour son grade. Un rapport accueilli plus que chaleureusement par le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, qui a applaudi un développement "conforme à notre vision".

Une crise profonde

Une crise d’ampleur s’annonce entre les Etats-Unis et l’Europe, et elle pourrait bien se révéler la pire de notre histoire commune. Le titre britannique The Guardian perçoit un risque d’entaille "profonde pour l’atlantisme, la doctrine de sécurité qui a soutenu la paix et la démocratie en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale". Et le quotidien d’ajouter : Donald Trump "a désormais adopté une vision plus alarmante".

Une analyse partagée par le New York Times, qui définit ce rapport comme une copie "tamponnée par le président, dénigrant ouvertement l’alliance transatlantique".

Car si le président des Etats-Unis n'est pas avare de réprimandes, les dirigeants européens, eux, ne haussent pas le ton. Plus que tempérée, Kaja Kallas, cheffe de la diplomatie européenne, s’est contentée de réitérer que les Etats-Unis demeurent "le plus grand allié de l’Union européenne", en guise de réponse au rapport de la Maison-Blanche. Un calme olympien qui fait penser au New York Times que les leaders européens se sont "habitués aux caprices de Donald Trump".

Un accès de colère favorable à la Russie

En s’en prenant ouvertement à l’Europe, Washington joue le jeu de Vladimir Poutine. Pour le média américain CNN, la nouvelle stratégie de sécurité nationale, "donne à Moscou davantage de cartouches dans une guerre de l’information visant à influencer l’opinion publique aux Etats-Unis et en Europe". Car l’objectif de Moscou est affiché : affaiblir l’UE, ou du moins lui en donner l’air. Un exercice parfaitement exécuté par Donald Trump qui, en traitant l’Europe de faible, "expose les divergences entre Washington et l’Europe" et "aide Poutine […] tout en niant que cela soit de sa faute", analyse le New York Times.

Quant au soutien exprimé aux partis "patriotes", le quotidien belge Le Soir s’alarme de voir naître "un axe Washington-Paris-Moscou, passant par Budapest, qui ne ferait plus qu’une bouchée de l’Union européenne", et ce à une "échéance proche". Une question demeure alors : "Qui pour élaborer et qui pour porter cette réponse économique et militaire européenne forte, solidaire et coordonnée ?"

Pourquoi tant de "haine" ?

D’où vient cette hostilité à l’égard de l’Europe ? Pour de nombreux journalistes, cet esclandre n’est pas sans rappeler les précédents de l’administration Trump, particulièrement de son vice-président. "Et donc non, le discours choc prononcé en février à Munich […] par J.D. Vance n’était pas une sortie de route", plaide Le Soir. L’hiver dernier, le numéro deux des Etats-Unis alertait sur le supposé "déclin économique" du continent, et son "effacement civilisationnel". Selon les experts sondés par le journal belge, il faudrait ici voir un "mouvement de fond, organisé, qui veut nourrir et soutenir la subversion en Europe".

Mais quant aux attaques sur le supposé déclin de notre civilisation, le Financial Times ironise : "le wokisme ce n’était pas notre idée les gars". Derrière le ton humoristique, un fait implacable : cette vision progressiste du monde s’est créée aux Etats-Unis. Alors pourquoi le reprocher et pourquoi cette "haine" envers l’Europe ? Selon le titre britannique, "peut-être qu’après avoir perdu tant de batailles culturelles chez soi, il est plus facile pour l’ego de chercher à l’étranger des sociétés à sauver. L’offensive contre l’Europe est un reproche déguisé qu’il s’adresse à lui-même".

Même son de cloche pour The Guardian qui perçoit en l’irruption du président "la peur désorientée d’un homme blanc vieillissant".

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Le président américain Donald Trump à la Maison-Blanche le 8 décembre 2025.

Gaza : l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair écarté du "comité de la paix" de Donald Trump

9 décembre 2025 à 13:03

Son nom était le seul à circuler dans les médias parmi les potentiels membres du comité de la paix pour Gaza, annoncé par Donald Trump fin septembre. Mais Tony Blair, l’homme qui a dirigé le Royaume-Uni entre 1997 et 2007, a finalement été écarté de l’organe chargé de superviser la transition politique à Gaza à la suite de l’opposition de plusieurs pays arabes, selon les informations du Financial Times. En cause : son passé avec le Moyen-Orient, qui lui avait initialement valu sa place dans la short list de Washington.

Une réticence anticipée par le président de Etats-Unis qui avait déclaré dès octobre : "J’ai toujours apprécié Tony, mais je veux m’assurer qu’il soit un choix acceptable pour tout le monde".

En 2003, le dirigeant travailliste s’était de fait allié à l’invasion américaine de l’Irak. Pendant 6 ans, le Royaume-Uni a déployé 45 000 soldats pour une opération fondée sur de fausses informations : la supposée présence d’armes de destruction massive en Irak. L’offensive qui a coûté la vie à plus de 100 000 Irakiens, a immédiatement provoqué à l’époque un tollé dans l’opinion publique britannique, avec de nombreuses manifestations à travers le pays. Une défiance à l’égard de l’ancien Premier ministre remise à l’ordre du jour en 2016 par la parution du rapport de la commission d’enquête Chilcot. Le texte, particulièrement sévère à l’encontre de Tony Blair, met en lumière le manque de préparation et de discernement du gouvernement britannique lors du lancement de l’offensive.

Après son départ de Downing street, le Britannique a maintenu son cap sur le Moyen-Orient, occupant le poste d’envoyé spécial du Quartet, chargé de superviser la transition politique à Gaza. Depuis plus d’un an, il travaillait, à sa propre initiative, sur des projets concernant Gaza.

"Tony Blair ? Certainement pas"

La participation de Tony Blair au sein du comité de Donald Trump était d’autant plus controversée qu’il était prévu qu’il ait un rôle important au sein de la structure. "Il superviserait un groupe exécutif d’administrateurs et de technocrates palestiniens, chargés de la gestion quotidienne de la bande de Gaza, et transférerait à terme la gouvernance à l’Autorité palestinienne basée en Cisjordanie", développait fin septembre Washington Post. Une déclaration qui avait fait craindre que les Palestiniens soient écartés dans la structure de gouvernance.

Tony Blair est "une figure indésirable dans le contexte palestinien, et lier un quelconque projet à cette personne est de mauvais augure pour le peuple palestinien", avait déclaré à l’époque Husam Badran, membre du bureau politique du Hamas, au micro d’Al Jazeera.

Côté Nations Unies, la mention de Tony Blair avait également provoqué un tollé. "Tony Blair ? Certainement pas. Ne touchez pas à la Palestine", avait cinglé sur X Francesca Albanese, rapporteuse de l'ONU pour la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés.

Tony Blair?
Hell no.
Hands off Palestine.

Shall we meet in The Hague perhaps?

— Francesca Albanese, UN Special Rapporteur oPt (@FranceskAlbs) September 27, 2025

Selon les informations du Financial Times toutefois, Tony Blair ne serait pas définitivement exclu du plan de paix pour l’enclave palestinienne. "Il pourrait encore jouer un rôle dans une autre fonction, ce qui semble probable […] Les Américains l’apprécient, tout comme les Israéliens."

Effectivement, l’ancien Premier ministre n’entretient pas que des mauvaises relations au Moyen-Orient. En septembre, Yossi Cohen, un ancien chef du Mossad, déclarait à la BBC qu’il "adorait" l’idée que Tony Blair prenne la tête de Gaza, le qualifiant de "personne formidable".

© AFP/DANIEL LEAL

Seize ans après sa démission, l'ancien Premier ministre Tony Blair reste une figure impopulaire, même au sein du Parti travailliste.
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