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Reçu aujourd’hui — 25 novembre 2025

Ces trois jours où Donald Trump a fait vaciller le multilatéralisme

25 novembre 2025 à 10:28

S’il n’est pas complètement mort, le multilatéralisme est KO debout, sous les coups des Américains, en cette fin novembre. Tout un symbole : après avoir frappé un bloc de bois pour clôturer le G20 qui se tenait dans son pays, le président sud-africain a transmis le 23 novembre son marteau à une chaise vide. Et pour cause : ni Donald Trump, qui boycottait ce sommet, ni aucun responsable américain n’étaient présents pour le traditionnel passage de relais à l’hôte du prochain rendez-vous, en 2026 : à savoir les Etats-Unis, qui comptent l'organiser dans un complexe de golf appartenant à la famille Trump...

"Le G20 arrive peut-être à la fin d’un cycle", a euphémisé sur place Emmanuel Macron, notant que cette instance "avait beaucoup de mal à régler les grandes crises internationales". De fait, si cette réunion, séchée par plusieurs autres dirigeants et minée par les rivalités politiques, s'est conclue par une déclaration commune, celle-ci se contente d’appeler à "une paix juste, globale et durable, au Soudan, en République démocratique du Congo, dans les territoires palestiniens occupés et en Ukraine".

L'Ukraine, évoquée au détour d'une phrase. Alors qu'au cours du même week-end, les dirigeants européens présents à Johannesburg s'étaient réunis en catastrophe pour discuter du "plan de paix" en 28 points présenté par les Américains aux Ukrainiens, qui reprenait la plupart des revendications du Kremlin, et équivalait à une capitulation pour Kiev.

Pour compléter ce triste tableau, à 8 600 kilomètres de là, au Brésil, où Trump n’avait pas non plus daigné envoyer le moindre représentant, la COP30 avait elle aussi accouché, quelques jours plus tôt, d’une déclaration lénifiante et non contraignante. Le communiqué final ne mentionne aucune feuille de route pour sortir des énergies fossiles.

Donald Trump ne pense qu'à ses intérêts

Pris par surprise par un plan de paix rendu public au moment où des sanctions américaines contre deux géants pétroliers russes devaient entrer en vigueur, Ukrainiens et Européens, qui jouent leur avenir, sont parvenus à l’amender. Mais il apparaît de plus en plus clairement que Trump, loin de se préoccuper du sort des Ukrainiens ou de la sécurité de l’Europe, ne pense cyniquement qu’à ses intérêts : apparaître comme un faiseur de paix (fut-elle bancale) et relancer les affaires avec la Russie.

"Le multilatéralisme crée une légitimité qui ne peut être obtenue par la puissance seule", résumait le géopolitologue américain Joseph Nye, disparu cette année. Une analyse méprisée par Washington et Moscou, à l'heure où seuls les rapports de force prévalent.

© afp.com/Brendan SMIALOWSKI

Ces trois jours où Donald Trump a fait vaciller le multilatéralisme

25 novembre 2025 à 10:28

S’il n’est pas complètement mort, le multilatéralisme est KO debout, sous les coups des Américains, en cette fin novembre. Tout un symbole : après avoir frappé un bloc de bois pour clôturer le G20 qui se tenait dans son pays, le président sud-africain a transmis le 23 novembre son marteau à une chaise vide. Et pour cause : ni Donald Trump, qui boycottait ce sommet, ni aucun responsable américain n’étaient présents pour le traditionnel passage de relais à l’hôte du prochain rendez-vous, en 2026 : à savoir les Etats-Unis, qui comptent l'organiser dans un complexe de golf appartenant à la famille Trump...

"Le G20 arrive peut-être à la fin d’un cycle", a euphémisé sur place Emmanuel Macron, notant que cette instance "avait beaucoup de mal à régler les grandes crises internationales". De fait, si cette réunion, séchée par plusieurs autres dirigeants et minée par les rivalités politiques, s'est conclue par une déclaration commune, celle-ci se contente d’appeler à "une paix juste, globale et durable, au Soudan, en République démocratique du Congo, dans les territoires palestiniens occupés et en Ukraine".

L'Ukraine, évoquée au détour d'une phrase. Alors qu'au cours du même week-end, les dirigeants européens présents à Johannesburg s'étaient réunis en catastrophe pour discuter du "plan de paix" en 28 points présenté par les Américains aux Ukrainiens, qui reprenait la plupart des revendications du Kremlin, et équivalait à une capitulation pour Kiev.

Pour compléter ce triste tableau, à 8 600 kilomètres de là, au Brésil, où Trump n’avait pas non plus daigné envoyer le moindre représentant, la COP30 avait elle aussi accouché, quelques jours plus tôt, d’une déclaration lénifiante et non contraignante. Le communiqué final ne mentionne aucune feuille de route pour sortir des énergies fossiles.

Donald Trump ne pense qu'à ses intérêts

Pris par surprise par un plan de paix rendu public au moment où des sanctions américaines contre deux géants pétroliers russes devaient entrer en vigueur, Ukrainiens et Européens, qui jouent leur avenir, sont parvenus à l’amender. Mais il apparaît de plus en plus clairement que Trump, loin de se préoccuper du sort des Ukrainiens ou de la sécurité de l’Europe, ne pense cyniquement qu’à ses intérêts : apparaître comme un faiseur de paix (fut-elle bancale) et relancer les affaires avec la Russie.

"Le multilatéralisme crée une légitimité qui ne peut être obtenue par la puissance seule", résumait le géopolitologue américain Joseph Nye, disparu cette année. Une analyse méprisée par Washington et Moscou, à l'heure où seuls les rapports de force prévalent.

© afp.com/Brendan SMIALOWSKI

Le président américain Donald Trump à Washington, le 18 novembre 2025, aux Etats-Unis
Reçu avant avant-hier

Taïwan : face au Japon, le grand retour des "loups guerriers" chinois

14 novembre 2025 à 21:09

"On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment", écrivait au XVIIe siècle le cardinal de Retz dans ses mémoires. La nouvelle Première ministre japonaise Sanae Takaichi, n’a visiblement pas jugé bon d’appliquer cette maxime. Moins de trois semaines après sa prise de fonction, la "Dame de fer" nationaliste a suscité l’ire de la Chine sur un dossier très sensible, en déclarant que "le déploiement de navires de guerre et le recours à la force [contre Taïwan] pourraient constituer une menace pour la survie du Japon".

Or cette qualification du danger n’a rien d’anodin : elle impliquerait l’envoi de troupes japonaises pour défendre l’île [de facto indépendante, mais revendiquée par Pékin], au titre de la "légitime défense collective" prévue par une loi adoptée en 2015. En évoquant une possible guerre contre la Chine, Sanae Takaichi, première femme à diriger le Japon, a franchi un pas par rapport à ses prédécesseurs, qui avaient maintenu une "ambiguïté stratégique".

Renouant avec la diplomatie agressive dite des "loups guerriers", qu’elle avait mise en sourdine dernièrement, la Chine a vertement réagi par la voix du consul général de Chine à Osaka qui, semblant cibler la Première ministre, a menacé sur X, de "couper cette sale tête sans la moindre hésitation", avant d’effacer son message. Tout aussi outrancier, l’influent journaliste Hu Xijin, proche du pouvoir, a estimé que Sanae Takaichi était "une sorcière maléfique", qui "a réussi à déclencher une nouvelle explosion de haine mutuelle entre l’opinion publique chinoise et japonaise". De son côté, pour marquer la gravité de l’incident, Pékin a convoqué, ce vendredi 15 novembre, l’ambassadeur japonais à Pékin.

Il s’agit d’un nouveau coup de chaud dans des relations sino-japonaises émaillées par nombre de crises ces dernières décennies, sur fond de passé qui ne passe pas - Pékin garde un souvenir douloureux des atrocités commises par le Japon pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment lors du massacre de Nankin, en 1937. L’arrivée à la tête du Japon d’une dirigeante qui ne cache pas sa défiance envers Pékin et sa sympathie pour Taïwan, était donc de nature à électriser les rapports entre les deux rivaux historiques.

Menace chinoise croissante

Le mandat de Sanae Takaichi avait pourtant commencé sans accroc avec son voisin communiste : la Première ministre et le président chinois Xi Jinping avaient affiché une volonté de poursuivre une relation stable lors de leur rencontre au sommet de l’Apec, à la fin du mois dernier, en Corée du Sud. Les autorités chinoises ont moins apprécié la suite de cette séquence diplomatique : Sanae Takaichi s’est affichée tout sourire lors du même forum avec le représentant de Taïwan (que la Chine considère comme l’une de ses provinces devant être "réunifiée" au besoin par la force), avant de publier la photo de la poignée de main sur X. Et de faire, une semaine plus tard, sa déclaration sur Taïwan devant le Parlement japonais.

Cette prise de position audacieuse s’inscrit dans un contexte géopolitique changeant et de plus en plus incertain. D’un côté, la Chine fait peser une menace croissante sur Taïwan, en multipliant les exercices militaires autour de l’île. De l’autre, des déclarations de Donald Trump ont jeté le doute sur le fait que les Etats-Unis interviendraient pour défendre Taïwan en cas d’attaque chinoise. Focalisé sur le rééquilibrage des échanges avec la Chine, le locataire de la Maison-Blanche n’a d’ailleurs pas évoqué la question de Taïwan avec Xi Jinping, lors de leur rencontre récente en Corée du Sud, qui a mené à une trêve commerciale.

Tokyo augmente ses dépenses militaires

Dans le même temps, l’actuelle administration américaine met le Japon sous pression pour qu’il augmente ses dépenses militaires et sa dissuasion conventionnelle face à une possible offensive chinoise contre Taïwan. En amont de la visite de Donald Trump au Japon, le mois dernier, la nouvelle cheffe du gouvernement a d’ailleurs annoncé que les dépenses japonaises en matière de défense aller atteindre 2 % du PIB en mars 2026, soit deux ans plus tôt que prévu par son prédécesseur, contre autour de 1 % en 2022. Tokyo transforme par ailleurs des destroyers, qui ressemblent désormais à des porte-avions légers (le gouvernement affirme qu’ils ont un rôle défensif), alors que pour des raisons constitutionnelles et politiques, le Japon s’est interdit depuis 1945 de construire des porte-avions classiques offensifs.

La sortie de la Première ministre inquiète les milieux d’affaires japonais, la Chine étant le premier partenaire commercial du Japon. Mais sur le fond, elle n’a fait qu’exprimer la réalité. Depuis les "Guidelines for Japan-U.S. Defense Cooperation" de 2015 [NDLR : Principes directeurs de la coopération en matière de défense entre le Japon et les États-Unis], on sait qu’en cas d’attaque contre Taïwan, Tokyo participerait à une opération de protection de l’île, même si on ignore quelle forme elle prendrait exactement (forces combattantes ou soutien logistique)", souligne Jean-Pierre Cabestan, chercheur à Asia centre.

L’Archipel pourrait d’autant moins rester extérieur à un conflit, que l’île la plus à l’ouest du Japon, Yonaguni, dans la préfecture d’Okinawa, ne se situe qu’à à peine plus de 100 kilomètres des côtes taïwanaises. "Taïwan fait partie du périmètre de sécurité de l’alliance entre le Japon et les États-Unis", résume le sinologue. Sans compter que le détroit de Taïwan constitue pour le Japon une voie commerciale cruciale.

Avec le "faucon" Takaichi au pouvoir, qui s’est rendue régulièrement par le passé à un sanctuaire où sont commémorés des criminels de guerre japonais, et compte muscler ses armées, les "loups guerriers" chinois n'ont pas fini de hurler.

© The Yomiuri Shimbun via AFP

Le président chinois Xi Jinping (à droite) rencontre la Première ministre japonaise Sanae Takaichi à Gyeongju, en Corée du Sud, le 31 octobre 2025.
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