La ROM perdue du Macintosh Plus, dédiée au Japon
Vous le savez peut-être, les premiers Macintosh reposaient sur ce qu'on appelle une ROM, une mémoire en lecture seule qui contient de quoi démarrer l'ordinateur. Dans les Macintosh (jusqu'à l'iMac), elle contenait aussi une partie du système d'exploitation, de façon simplifiée. Les routines dédiées à l'affichage ou même QuickTime pouvaient se retrouver directement dans la ROM. Ce choix avait un avantage : les données en ROM étaient accessibles comme si elles étaient dans la mémoire vive (RAM) mais sans utiliser cette dernière. Dans le cas du premier Macintosh qui n'avait que 128 ko de RAM, c'était évidemment un point important.

Dans certains cas, il existe plusieurs versions de la ROM, pour différentes raisons : Apple peut avoir trouvé un bug, ajouté une fonction, etc. Mais dans le cas du Macintosh Plus, il y a une ROM qui était jusqu'à maintenant peu documentée et qui — point étonnant — était dédiée à un pays, le Japon. Au pays du Soleil levant, l'affichage des kanjis (les signes qui permettent d'écrire la langue japonaise) a toujours été un problème : ils sont plus nombreux et plus complexes que les caractères de l'alphabet latin. Dans les années 80, les ordinateurs japonais avaient donc besoin d'une ROM spécifique ou de charger des polices en RAM. C'était la solution choisie avec KanjiTalk, la version japonaise de ce qui allait devenir Mac OS. Mais pour le Macintosh Plus, Apple a trouvé une astuce : installer directement la fonte1 nécessaire dans la ROM.
Une longue recherche
Votre serviteur a découvert l'existence de cette ROM dans un vieux document Apple il y a plus de six ans. Elle explique que la fonte en ROM accélère le démarrage et réduit l'usage de la RAM. La raison est simple : par défaut, KanjiTalk charge le système depuis une disquette et deux fontes pour les kanjis (12 et 18 points) depuis une autre disquette. Il faut donc changer plusieurs fois de disquettes pendant le démarrage, et les deux fontes prennent environ 350 ko de RAM, alors qu'un Macintosh Plus n'a qu'une capacité de 1 Mo de RAM par défaut.

Je vous passe la recherche (je vous laisse aller lire l'article sur mon site personnel2), mais j'ai finalement trouvé une carte mère de Macintosh Plus avec la ROM japonaise. Son existence n'était pas certaine : elle était très peu documentée et aucune copie n'était disponible sur Internet. Elle a une capacité de 256 ko, alors que les trois versions de la ROM classique du Macintosh Plus ont une capacité de 128 ko. Elle est basée sur la seconde révision et contient donc bien une fonte en ROM, les kanjis en 12 points.
Au démarrage, la différence est très visible. Avec une ROM occidentale, il faut charger l'OS, la fonte 12 points, remettre l'OS, charger la fonte 18 points et enfin accéder au bureau, ce qui prend environ 1 minute et 15 secondes. Avec la ROM japonaise, le démarrage ne nécessite que le chargement de la fonte 18 points depuis la disquette, ce qui réduit le temps de démarrage à 52 secondes. Et il est possible de se contenter de la fonte 12 points en ROM, ce qui réduit le démarrage à 25 secondes.
Le point intéressant de tout ceci, c'est que même pour des ordinateurs considérés comme bien étudiés — le Macintosh Plus n'est pas un appareil obscur vendu à quelques centaines d'exemplaires —, il y a encore des surprises. La ROM en question a été récupérée et distribuée,3 et des émulateurs devraient la prendre en charge rapidement.