Le gouvernement néerlandais a annoncé une décision sans précédent de prendre le contrôle de Nexperia, un fabricant chinois de semi-conducteurs, en invoquant une loi de la Guerre froide. Les autorités affirment que cette intervention était nécessaire pour protéger les intérêts nationaux et européens, reflétant une évolution plus large vers un contrôle étatique plus strict des technologies stratégiques. Les autorités néerlandaises ont activé la loi sur l'accessibilité des biens, adoptée en 1952, qui confère à l'État le droit d'intervenir en cas de menace pour des secteurs clés de l'économie. Le ministre de l'Économie a qualifié cette mesure d'« exceptionnelle » et a réagi aux craintes d'une perte de contrôle potentielle sur la production de composants électroniques clés. En pratique, cela signifie que le gouvernement a obtenu le droit d'annuler ou de bloquer les décisions prises par la direction de Nexperia si elles risquaient de compromettre la continuité de la production ou la sécurité de la chaîne d'approvisionnement. Cependant, la production devrait rester ininterrompue et les autorités ont assuré surveiller la situation dans les usines de l'entreprise afin d'éviter toute rupture d'approvisionnement.
Nexperia, bien que ne produisant pas les circuits intégrés les plus avancés, est un fournisseur clé de diodes, de MOSFET, de circuits logiques et de composants de puissance essentiels à l'électronique industrielle, à l'automobile et à l'électronique grand public. L'entreprise appartient à la société chinoise Wingtech Technology, cotée à la Bourse de Shanghai, et également à la Commission de surveillance des actifs de l'État (SASAC), un organisme dépendant du gouvernement chinois. C'est cette capitale liée à Pékin qui suscite l'inquiétude des capitales européennes. Les autorités néerlandaises estiment que la perte de contrôle de Nexperia pourrait affaiblir les capacités technologiques stratégiques de l’ensemble de l’Union européenne et ainsi menacer la sécurité économique et industrielle de la région.
Ce n'est pas la première fois que les pays occidentaux interviennent contre Nexperia. En 2022, le gouvernement britannique a ordonné à l'entreprise de vendre son usine de puces électroniques de Newport, jugeant l'influence chinoise menaçant la sécurité nationale. Parallèlement, aux États-Unis, la société mère de Wingtech a été inscrite sur la liste des entités du ministère du Commerce, une liste d'entreprises considérées comme une menace potentielle pour la sécurité nationale. L'inscription sur cette liste nécessite des permis spéciaux pour utiliser des technologies et des produits américains. De plus, début octobre, un tribunal d'Amsterdam a suspendu le PDG de Nexperia, Zhang Xuezheng, aggravant encore la crise de confiance qui entoure l'entreprise.
La décision néerlandaise s'inscrit dans une tendance plus large de renforcement du contrôle étatique sur l'industrie des semi-conducteurs. Suite à la pandémie et à la guerre en Ukraine, les gouvernements européens considèrent de plus en plus les puces électroniques comme une ressource essentielle, aussi importante que l'énergie ou les ressources naturelles. Depuis plusieurs années, l'UE met en œuvre le « European Chips Act », qui vise à augmenter la part de l'Europe dans la production mondiale de semi-conducteurs à 20 % d'ici 2030. Une intervention contre Nexperia pourrait donc être non seulement une mesure défensive, mais aussi un signal que l'Europe entend protéger ses intérêts technologiques d'une influence extérieure excessive. (
Lire la suite)