Pourquoi parle-t-on moins du conflit au Soudan que de Gaza ou de l’Ukraine ?

© Mohammed Jamal / REUTERS

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Pour une fois, le "roi Bibi" — comme ses soutiens aiment à l’appeler — a dû plier le genou. Et l’empereur Trump s’est assuré de le faire savoir au monde entier. Le 29 septembre dernier, la Maison-Blanche diffuse une photo en noir et blanc sur ses réseaux sociaux : Benyamin Netanyahou apparaît le téléphone à l’oreille, lisant une feuille de papier. A sa gauche, sur son fauteuil, Donald Trump tient le cadran de l’appareil sur ses genoux, avec le regard sévère d’un père qui vient de gronder son fils. Le Premier ministre israélien lit des excuses, préparées à l’avance par les équipes américaines, à l’émir du Qatar à l’autre bout du fil, trois semaines après avoir bombardé le QG du Hamas à Doha.
White House photo of Netanyahu's apology call to Qatar pic.twitter.com/ocsQNBZnfq
— Kevin Liptak (@Kevinliptakcnn) September 30, 2025
Une humiliation publique pour celui qui, quelques jours plus tôt, appelait son pays à se transformer en "super Sparte", une nation guerrière, puissante et autonome. "Toute sa carrière, y compris durant les années Biden, Netanyahou se présentait comme le seul homme politique israélien capable de résister à la pression américaine… Ce n’est clairement plus le cas, souligne Eytan Gilboa, spécialiste de la relation Etats-Unis-Israël à l’Université Bar-Ilan de Tel-Aviv. L’opposition l’accuse d’avoir transformé notre pays en un Etat vassal de Washington. Ce qui signifie que, depuis le 7-Octobre, Netanyahou a perdu deux de ses principaux atouts : il s’était toujours vendu comme 'Monsieur Sécurité', capable de protéger Israël, et il se disait le seul capable de défendre les intérêts israéliens, en particulier vis-à-vis des Etats-Unis, or il ne peut plus rien refuser à Trump."
A 76 ans, dont 17 passés comme Premier ministre d’Israël, Netanyahou semble plus que jamais dans l’impasse. A la tête du pays pendant la faillite sécuritaire du 7-Octobre, poursuivi par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et possibles crimes contre l’humanité, sous le coup de trois procès à Tel-Aviv pour fraude et corruption… Pour n’importe quel homme politique, la situation équivaudrait à une fin de carrière. Mais l’insubmersible "Bibi" n’est pas n’importe quel homme politique. "Quand, le 8 ou le 9 octobre 2023, vous demandiez à quelqu’un si Benyamin Netanyahou serait encore Premier ministre d’Israël deux ans plus tard, tout le monde vous riait au nez, rappelle Nadav Shtrauchler, expert en communication et ancien conseiller politique du dirigeant israélien. Sa carrière politique a déjà été enterrée de si nombreuse fois… Mais seulement par ceux qui ne le connaissent pas !"
Depuis que Donald Trump l’a contraint à accepter un cessez-le-feu à Gaza, le 9 octobre dernier, la vie politique nationale reprend ses droits en Israël : le mandat du gouvernement arrive à expiration dans un an, et de nouvelles élections se tiendront dans les mois qui viennent. Depuis trois ans, aucun sondage sérieux ne donne plus de cinquante députés à la coalition de Netanyahou, alors qu’il en faut soixante pour gouverner. Un retard à combler qui va exiger une intense campagne politique, sans pitié ni relâchement. "Ces élections vont déterminer la nature même d’Israël, estime Gayil Talshir, politologue à l’Université hébraïque de Jérusalem. Soit nous continuons avec cette coalition qui nous mène vers un Etat religieux et nationaliste, soit nous choisissons la voie d’une démocratie libérale tout en restant un Etat souverain pour le peuple juif."
Coincé entre un Donald Trump tout-puissant, qui lui impose sa paix à Gaza et lui interdit d’annexer la Cisjordanie, et ses alliés messianiques — les ministres Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich — déterminés à partir en croisade contre les Palestiniens, Netanyahou s’est malgré tout déjà déclaré candidat à sa propre succession. Comme à son habitude, le stratège israélien garde des cartes en main pour changer son destin… Et se maintenir au pouvoir.
Parler de politique avec Benyamin Netanyahou, "c’est comme jouer aux échecs avec Kasparov", assure Nadav Shtrauchler. "Il travaille et débat en continu avec ses conseillers, dans une sorte de ping-pong géant, et ne s’arrête jamais, de 8 heures du matin à deux heures le lendemain. Il faut littéralement lui courir après", raconte celui qui l’a conseillé pendant sa campagne législative de 2019, un de ses come-back miraculeux qui lui ont valu le surnom de "magicien de la politique israélienne".
D’après ses proches, Netanyahou garde toujours des dizaines de plans en réserve sur une quantité de sujets. Son pire cauchemar : être pris de court. "Il m’a répété que, pour chaque sujet, tu dois avoir deux plans, poursuit Nadav Shtrauchler. Bibi a toujours deux plans qu’il va garder dans sa manche jusqu’à la dernière minute avant de prendre une décision. Cela lui coûte généralement cher d’attendre, de faire durer le plus longtemps possible une situation, mais à la fin c’est lui qui prend les décisions."

Avec les législatives dans l’air, Netanyahou garde la main sur les sujets d’actualité : en coulisses, il pousse les Américains à "finir le travail" contre le programme nucléaire iranien et, en Israël, il continue de mettre au pas les services de renseignements et de détricoter le système judiciaire. La situation à Gaza, où le plan de paix de Trump reste bloqué à la phase 1, sera aussi l’objet de toutes les incertitudes en raison de la campagne des législatives à venir. "C’est tout à fait le style de Netanyahou de conserver un maximum d’options sur la table, pointe Julie Norman, professeure de relations internationales à l’University College London et auteure de Gaza, The dream and the nightmare (John Wiley and Sons, 2025). A Gaza, il peut faire durer ce statu quo, reprendre la guerre ou retirer ses forces davantage. Pareil en Cisjordanie. Même si les sondages ne le placent pas très haut, toute personne suivant la politique israélienne sait qu’il reste une force majeure et qu’il fera tout ce qui est en son pouvoir pour survivre politiquement."
Pour l’emporter, Netanyahou sait orienter la conversation nationale. Il a la réputation de décortiquer chaque sondage, chaque étude d’opinion, il connaît ses points forts, ses faiblesses, les thèmes qui le feront gagner, ou perdre à coup sûr. "L’issue de l’élection dépendra du sujet que les Israéliens auront en tête en allant aux urnes : Gaza ou l’Iran, juge Dahlia Scheindlin, spécialiste de l’opinion publique israélienne. Gaza fait perdre Netanyahou : tous les sondages montrent qu’une large majorité d’Israéliens s’oppose à ce qui a été fait là-bas, notamment sur la question des otages, et qu’ils sont épuisés par la guerre. Netanyahou voudra absolument braquer les projecteurs sur chacune de ses autres réussites au Moyen-Orient." Destruction du Hezbollah au Liban, démantèlement de l’Axe de la résistance iranien ou encore chute de la dynastie Assad en Syrie, ennemie héréditaire d’Israël : les sujets ne manquent pas.
Mais cette fois, Netanyahou doit affronter une ombre colossale, le traumatisme d’une génération : les massacres du 7-Octobre. Plus de deux ans après l’attaque terroriste du Hamas, il est le seul officiel à ne pas avoir reconnu sa responsabilité dans la faillite sécuritaire. "Même si les citoyens peuvent avoir la mémoire courte, ils n’oublieront jamais le 7-Octobre, qui s’est produit sous sa garde et fait que nombre de ses propres électeurs ne voteront plus pour lui, reconnaît son ancien conseiller Nadav Shtrauchler. C’est un immense poids sur ses épaules." La libération des derniers otages vivants et le cessez-le-feu, qui tient tant bien que mal à Gaza, lui laissent toutefois des opportunités.
"Netanyahou reste le chef d’orchestre des campagnes, il peut par exemple tenter d’imposer le thème d’un Etat palestinien dans l’élection, avance Liran Harsgor, politologue à l’Université d’Haïfa. Si les Américains poussent en faveur d’une normalisation avec l’Arabie saoudite et que des négociations débutent avec les Palestiniens, alors Netanyahou pourra dire que lui seul sera capable d’empêcher la création d’un Etat palestinien, ce qui lui rapporterait des points puisqu’une grande majorité des Israéliens s’y opposent aujourd’hui. La question est : que fera l’opposition ? Elle n’a jamais été très douée pour contrer les campagnes de Netanyahou dans le passé et je ne suis pas sûre que les autres partis réussiront à concentrer les débats sur les responsabilités du 7-Octobre."
Il y a trois ans, au moment de la formation du gouvernement Netanyahou VI, peu auraient misé sur sa survie jusqu’au terme de son mandat de quatre ans. Israël venait de connaître cinq élections en trois ans, les partis politiques étant incapables de s’entendre pour former une coalition. Alors Netanyahou a ouvert les portes du pouvoir à l’extrême droite messianique, jusque-là reléguée aux marges de la politique israélienne. L’ultranationaliste Itamar Ben Gvir a été nommé ministre de la Sécurité nationale, le colon Bezalel Smotrich aux Finances et Netanyahou a pu reconquérir son trône de Premier ministre.
Le mandat de cet attelage inédit arrive à terme en novembre 2026, ce qui provoquera des élections dans les mois qui viennent, dès que Netanyahou aura décidé de la fin de son gouvernement. "Il va regarder les sondages d’encore plus près que d’habitude pour déclencher ces élections, observe Julie Norman. S’il perçoit une percée de son camp, il convoquera les Israéliens aux urnes. Il est peu probable que nous attendions une année entière pour des élections."
Mal en point dans les sondages, ses alliés d’extrême droite ne feront pas tomber le gouvernement avant le terme du mandat, même s’ils réclament la reprise de la guerre à Gaza et une colonisation de l’enclave palestinienne. Le parti de Smotrich, par exemple, pourrait ne pas passer la barre des 3,25 % des voix, nécessaires pour avoir des élus à la Knesset. "Netanyahou n’a sans doute pas encore pris sa décision mais il a trois options, énumère Gayil Talshir, de l’Université hébraïque de Jérusalem : faire traîner la situation jusqu’à septembre ; appeler immédiatement à des élections, ce qui provoquerait un vote en mars ; ou, dernière option, s’il ne réussit pas à faire adopter un budget, organiser les élections en juin." Jusqu’au bout, Bibi fera durer le suspens.
Un super-héros. Sur les panneaux publicitaires de Tel-Aviv, dans les manifestations et sur les postes de télévision israéliens, son visage s’affiche partout. Donald Trump apparaît, sans conteste, comme l’homme politique le plus populaire en Israël depuis des décennies : après avoir reconnu Jérusalem comme capitale et obtenu les accords d’Abraham pendant son premier mandat, le président américain a cet été imposé le cessez-le-feu à Gaza, obtenu la libération des derniers otages vivants, et rêve maintenant de normaliser les relations de l’Etat hébreu avec l’ensemble du monde arabo-musulman, à commencer par l’Arabie saoudite.

En 1996 à Washington, à la sortie d’un entretien entre le tout jeune Premier ministre Netanyahou et le président Bill Clinton, ce dernier avait lâché, d’après son conseiller Aaron David-Miller : "Mais qui est la putain de superpuissance ici ?" Bibi s’est toujours vanté de savoir imposer sa loi aux présidents américains. Mais face à Trump, il doit s’écraser. "Israël est devenu un protectorat américain", a raillé son ancien conseiller Steve Bannon après la signature du cessez-le-feu.
Netanyahou compte toutefois retourner cette relation à son avantage et surfer sur la popularité de Trump chez ses concitoyens. Lors de sa tournée triomphale en Israël, le 13 octobre, le président américain a tressé les louanges du Premier ministre, "un homme au courage exceptionnel", et a réclamé une grâce présidentielle pour le tirer de ses déboires avec la justice israélienne. "Netanyahou a su se montrer patient et a retardé de nombreuses décisions parce qu’il misait sur la victoire de Trump [à la présidentielle de 2024], souligne son ancien conseiller Nadav Shtrauchler. Ils sont tous les deux à 100 % sur la même ligne. De nombreux pays se sont opposés à lui et à Israël, mais Netanyahou a misé sur la qualité et non sur la quantité, et la qualité s’appelle Trump. Il l’a prouvé en bombardant l’Iran [aux côtés des Israéliens] en juin."
Si les sondages ne le donnent pas favori, Netanyahou garde un atout de poids : la machine de guerre politique du Likoud, qui reste le premier parti israélien. "C’est un avantage majeur de régner sans conteste sur son parti, développe Eytan Gilboa, de l’Université Bar-Ilan. A l’intérieur du Likoud, tout le monde a peur de le contredire et de risquer l’exclusion du Parlement ou d’un poste dans les institutions. Netanyahou n’a aucune opposition interne et peut manœuvrer à sa guise."
D’autant que le Premier ministre pourrait se satisfaire d’une défaite de l’opposition, à défaut de lui-même remporter les élections. S’il n’y a pas de gouvernement à l’issue du prochain vote, de nouvelles élections auront lieu jusqu’à ce que la situation se débloque. Une manière de maintenir Netanyahou en vie, comme lors des cinq scrutins qui ont eu lieu entre 2019 et 2022. "Tous les sondages lui donnent un maximum de 50 députés à la Knesset, or il en faut 61 pour gouverner, résume Eytan Gilboa. Mais il faut noter que l’opposition n’en obtient pour l’instant que 59 ou 60, donc le but de Netanyahou sera d’abord de les empêcher de gagner, puis de gagner lui-même." Ce sera la clé d’un nouveau come-back pour le "magicien" Netanyahou.

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