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C'est un mécanisme environnemental européen qui pourrait obstruer les négociations à la COP30. La taxe carbone aux frontières de l'Union européenne s'invite dans les discussions à Belém, au Brésil, qui ont commencé ce 10 novembre. Cette taxe vise à imposer aux importations un prix du carbone similaire à celui en vigueur en Europe, où les entreprises paient, en quelque sorte, pour polluer. En clair, les produits importés polluants ne sauraient être plus chers que ceux européens. Parmi les secteurs concernés : l'acier, l'aluminium, le ciment, les engrais, l'électricité et l'hydrogène - dont la Chine et l’Inde sont de grands producteurs.
Pour ces deux pays asiatiques, la taxe carbone, si elle devenait pleinement opérationnelle en 2026 comme prévu, représenterait un lourd manque à gagner. Selon le rapport "Réponse du Sud global à un régime commercial en mutation à l'ère du changement climatique", cité par Lepetitjournal.com, l’Inde pourrait perdre jusqu'à 0,5 % de son PIB avec cette taxe. Quant à la Chine, Le Monde évoquait en avril 2024 l'importance de sa "déferlante d'acier", dont l’UE dépend fortement notamment pour construire les infrastructures d’énergie renouvelable.
La taxe carbone repose sur un principe : les importateurs - souvent des grandes sociétés de trading - doivent déclarer les émissions de CO2 liées à la production à l'étranger. Si celles-ci dépassent les standards européens, ils doivent acheter un "certificat d'émission" au prix du CO2 dans l'UE. Or, ce tarif ne cesse d’augmenter : actuellement autour de 70 euros la tonne, il "devrait atteindre plus de 100 euros d'ici 2030", expliquait à l’AFP ce lundi Pierre Leturcq, de l'Institute for European Environmental Policy. Une hausse qui pourrait "quasiment doubler le prix de la tonne d'acier", poursuit-il.
D’où les réactions offusquées des géants chinois et indiens, qui exigent, avec la Bolivie, d'inscrire les "mesures commerciales unilatérales" à l'ordre du jour de la conférence de l'ONU sur le climat (COP30) pour négocier sur cette taxe carbone.
En creux, le bras de fer se joue - et se rejoue - entre les pays dits du Sud et les pays dits du Nord. L’Europe souhaite avant tout "éviter le phénomène des fuites de carbone", selon Pierre Leturcq, c'est-à-dire empêcher que des entreprises polluantes délocalisent leur production vers des pays où les réglementations climatiques sont moins strictes. Elle présente le mécanisme comme un outil "vertueux", incitant le reste du monde à renforcer ses exigences environnementales.
En face, les pays concernés y voient une barrière commerciale déguisée. Cet instrument a été "mal compris" et "mal interprété" par les partenaires commerciaux de l'UE, estime Elisa Giannelli, du think tank environnemental E3G. Car "personne n'a vraiment pris la peine de leur expliquer de quoi il s'agit".
Les pays en développement, dont la Chine et l’Inde, répliquent aussi que la taxe carbone viole le principe de l'Accord de Paris de "responsabilités communes mais différenciées." Selon cette idée, les premiers pays industrialisés ont plus contribué au réchauffement climatique. Ils ne sauraient ainsi imposer les mêmes mesures de redressement et de réparation qu’ils s’imposent à eux-mêmes. Autant de tensions qui pourraient, selon Pierre Leturcq, parasiter les "discussions de fond" de la COP30 sur le financement de la lutte contre le changement climatique et les efforts d'atténuation, qui nécessitent des centaines de milliards d'euros.
Tout ceci relève d'un faux procès, selon l'eurodéputé centriste Pascal Canfin. Le CBAM "concerne essentiellement les échanges avec les pays industrialisés, les Etats-Unis, le Canada, la Chine, plus la Russie et l'Ukraine pour les fertilisants. C'est un non-sujet pour les pays en développement", juge l'élu, qui a porté le texte au Parlement européen.
L’Inde, elle, adopte une position plus ambivalente. Alors que des tensions commerciales montent entre la Chine et l’UE, New Delhi souhaite concurrencer son voisin, deuxième puissance économique mondiale, et devenir un partenaire privilégié de l’Europe. L’Inde pourrait demander, selon le pureplayer Euractiv, un traitement différencié afin d'être exonérée de la taxe carbone.
Au-delà des arguments des uns et des autres, cette taxe ne devrait rapporter qu'environ 1,4 milliard par an à l'UE à partir de 2028. Son impact sur les émissions de carbone ne pourrait n’être qu’"assez minime", toujours selon Pierre Leturcq.
Certains spécialistes recommandent donc à l'Union européenne d'utiliser une partie de ces fonds pour soutenir des initiatives de décarbonation en dehors de l'Europe - un geste qui permettrait aussi d'apaiser les tensions avec les pays du Sud. Une idée d’autant plus pertinente que, selon Le Monde, le MACF devrait être étendu à tous les secteurs présentant un risque de fuite de carbone d’ici 2030. Les eurodéputés souhaitent, par exemple, taxer certains plastiques ou produits chimiques.

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