Ce sondage qui montre que les Européens ont une vision erronée de l'immigration
De nombreux Européens surestiment la part de migrants en situation irrégulière dans leur pays, selon un sondage YouGov réalisé dans sept pays européens et relayé par The Guardian. Entre 44 % et 60 % des personnes interrogées en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni et au Danemark estiment ainsi à tort qu’il y aurait davantage de migrants illégaux que légaux, alors que les données disponibles montrent que l’immigration irrégulière reste largement minoritaire. En Pologne, seul pays d’Europe centrale inclus dans l’enquête, l’opinion publique est divisée : 36 % estiment qu’il y a plus de migrants illégaux que légaux dans le pays, contre 28 % qui pensaient l’inverse, et 22 % qui jugeaient les proportions identiques.
Cette perception erronée alimente une forte hostilité à l’immigration. Dans l’ensemble des pays sondés, 40 à 60 % des répondants se prononcent en faveur d’une baisse significative des flux migratoires. Environ la moitié soutient même à travers tous ces pays un gel total des nouvelles arrivées, auquel s’ajouterait un dispositif des départs forcés de migrants récents. Tandis que les augmentations de l’immigration sont très largement rejetées.
Moins hostile aux migrants "qualifiés"
Les répondants favorables aux renvois ciblent en priorité les migrants ayant enfreint les règles, les demandeurs d’asile en situation irrégulière ou les personnes perçues comme venues pour bénéficier des aides sociales. À l’inverse, les migrants légaux qualifiés - notamment les médecins, les étudiants étrangers ou les travailleurs hautement qualifiés - suscitent beaucoup moins de rejet.
À travers ces chiffres, l’enquête suggère donc que la population comprend les arbitrages économiques liés aux politiques migratoires, et est nettement moins encline à soutenir une baisse de la migration si celle-ci entraînait des inconvénients significatifs. "Interrogés sur leur préférence entre la réduction de l’immigration et le maintien des effectifs des services de santé, le comblement des postes qualifiés vacants et l’attraction des meilleurs talents dans leur pays, les répondants ont invariablement déclaré privilégier ces alternatives", illustre ainsi The Guardian.
L’angoisse sous-jacente de l’identité nationale
Mais si de nombreux Européens reconnaissent l’utilité des migrants pour combler les pénuries de main-d’œuvre qualifiée dans des cas spécifiques, ces arguments ne suffisent pas à lever les oppositions. Les bénéfices plus abstraits de l’immigration - comme l’amélioration globale de l’économie, l’augmentation du nombre de contribuables ou le respect des obligations humanitaires internationales - convainquent par exemple beaucoup moins, selon les chiffres de YouGov.
D’autres facteurs viennent aussi peser dans la balance : des majorités comprises entre 53 % et 57 % en France, en Italie et en Allemagne, ainsi que 47 % des Polonais, estiment que même les migrants légaux ne "partagent pas les mêmes valeurs" qu’eux, tandis que 49 % à 57 % des Français, des Italiens et des Allemands déclarent que les migrants légaux ne s’intègrent pas bien. Des résultats indiquant que le débat sur l’immigration reste marqué par des "angoisses" liées à l’identité nationale, au sentiment de cohésion sociale et culturelle et à une crainte d’une perte de repères, des facteurs que toute politique migratoire devra prendre en compte.

© afp.com/NICOLAS TUCAT



