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«Guerre avec l’Europe» : «Lorsque Poutine fait cette déclaration, il se garde bien de dire qu’elle a déjà commencé»

ENTRETIEN - «Si l’Europe le souhaite et commence, nous sommes prêts dès maintenant», a déclaré ce mardi le président russe. Mais, dans la culture russe, un conflit ne nécessite pas de recourir aux moyens militaires, analyse le chercheur Dimitri Minic.

© Alexander Kazakov / REUTERS

Le président russe Vladimir Poutine.
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Israël annonce avoir reçu un corps, présenté comme celui d’un otage de la bande de Gaza par le Hamas et le Jihad islamique

La dépouille doit être autopsiée pour permettre son identification. Le Hamas et ses alliés ont restitué 26 des 28 corps d’otages qu’ils se sont engagés à rendre à l’Etat hébreu dans le cadre du cessez-le-feu.

© Dawoud Abu Alkas / REUTERS

Des membre du Hamas et du Jihad islamique attendent que des membres de la Croix-Rouge viennent récupérer un corps qu’ils ont retrouvé, avant de le remettre à Israël, à Beit Lahya, dans le nord de la bande de Gaza, le 3 décembre 2025.
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En Syrie, l’anniversaire de l’offensive rebelle célébré à la gloire du nouveau pouvoir

Les célébrations de la chute de l’ancien régime de Bachar El-Assad ont débuté le 27 novembre, date anniversaire du lancement il y a un an de l’offensive éclair dirigée par Ahmed El-Charaa, fêté comme l’homme fort de la révolution. Mais pour certains, ce récit glorificateur occulte les facteurs régionaux qui ont précipité l’effondrement du régime et sert surtout à renforcer la légitimité d’un pouvoir que certains contestent.

© PHOTO LOUAI BESHARA/AFP

Des manifestants célébrant le premier anniversaire de la chute de Bachar El-Assad, le 28 novembre 2025 à Damas (Syrie).
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« On repartirait de moins que zéro » : un an après la chute d’Assad, ces Syriens qui ne peuvent ni rester en Jordanie, ni rentrer au pays

REPORTAGE - Un an après la chute d’Assad, le récit d’un « retour massif » se délite. En Jordanie, quatorze ans après leur exil, les Syriens demeurent pris au piège : étranglés par les dettes, trop vulnérables pour repartir. Avec l’ONG Medair, nous sommes allés à leur rencontre à Amman.

© Jordan Medair - Salsabeel Hanatleh

La famille de Dar*, père de dix-sept enfants, serrée dans un deux-pièces. 
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Explosions sur un pétrolier au large de Dakar : la guerre russo-ukrainienne change-t-elle d’échelle ?

Un pétrolier turc, chargé de pétrole russe, a connu des avaries suspectes, sous la forme d’une série d’explosions, au large de Dakar. Si les autorités sénégalaises n’excluent aucune hypothèse, il s’agit là du troisième incident en trois jours impliquant des navires transportant du pétrole russe.

© PHOTO Yoruk Isik/REUTERS

Le pétrolier “Mersin”, opéré par un armateur turc mais battant pavillon panaméen, traverse le Bosphore à Istanbul, en Turquie, le 13 août 2025.
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Emmanuel Macron en visite à Pékin avec un triple “sentiment d’urgence”

Le président français, Emmanuel Macron, a atterri à Pékin dans la matinée du mercredi 3 décembre pour y rencontrer son homologue, Xi Jinping, à la suite du voyage que celui-ci a mené en France l’année dernière. Derrière les cordialités diplomatiques, plusieurs urgences sont à l’ordre du jour, décrypte la presse chinoise.

© PHOTO LUDOVIC MARIN/AFP

Le ministre des Affaires étrangères chinois, Wang Yi (à droite) accueille le président français, Emmanuel Macron, sur le tarmac de l’aéroport de Pékin, le matin du mercredi 3 décembre 2025.
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Israël annonce avoir reçu la dépouille d'un otage de Gaza par l'intermédiaire du CICR

Le gouvernement israélien a annoncé mercredi avoir reçu la dépouille d'un otage par l'intermédiaire du Comité international de la Croix-Rouge. Le cercueil contenant le corps en question est en route vers l'Institut national de médecine légale, à Tel-Aviv, où une autopsie doit permettre d'identifier la victime.

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Les croisades de la mouvance Maga : enquête sur les réseaux trumpistes en Europe

"Un jour, elle sera présidente de la République". Parole d’apôtre Maga ("Make America Great Again") sur… Marion Maréchal. Nous sommes à Rome, le 4 février 2020 : la petite-fille de Jean-Marie Le Pen monte sur la scène de la National Conservatism Conference, grand-messe de l’ultradroite internationale, où sont conviés Viktor Orban et Giorgia Meloni. Escarpins et minijupe noirs, accent à couper au couteau, assurance remarquée. Dans le public, un certain Rod Dreher tweete : "Marion Maréchal prononce en ce moment même un discours formidable." Et prophétise : "Un jour, elle sera présidente de la République. Tant mieux pour la République." Le journaliste américain est un intime du futur vice-président J.D. Vance, il sera bientôt l’un des artisans de son ascension éclair. Le genre d’ami précieux pour qui rêve de conquérir le pouvoir. Bonne nouvelle pour ses disciples, Rod Dreher a pris, depuis peu, ses quartiers en Europe. L’essayiste conservateur s’est installé en 2022 à Budapest, séduit par le "modèle Orban". Directeur du projet "Network" au Danube Institute, un think tank financé par l’Etat hongrois, il s’active tous azimuts pour évangéliser le Vieux Continent. De Dubrovnik à Bruxelles, il professe dans les conférences "Mega" (pour "Make Europe Great Again") et au Parlement européen, réseaute, facilite en février 2025 la visite en Slovaquie du milliardaire Peter Thiel (ex-conseiller de Trump et sponsor de J.D. Vance), accompagne Viktor Orban à la Maison-Blanche début novembre et, à ses heures perdues, tresse des lauriers à la patronne du parti d’extrême droite allemand AfD : "Je regrette juste qu’elle soit lesbienne, car je veux un rencard avec la géniale Alice Weidel !" badine-t-il sur X, ce 13 novembre.

Mais ce n’est pas tout. Car X – plus de 580 millions d’utilisateurs actifs – est soupçonné d’avoir manipulé ses algorithmes pour favoriser les contenus publiés par l’AfD en amont du scrutin. Une étude pilotée par quatre universités américaines et européennes a fait sa propre expérience. Les chercheurs ont créé deux faux comptes X, qui ont suivi la même liste de 64 politiciens allemands, soit 7 à 9 membres de chaque parti fédéral - du 3 au 31 janvier 2025. Résultat accablant : "Les publications des membres de l’AfD apparaissaient le plus fréquemment dans le fil d’actualité "Pour vous", représentant 37,9 % des publications, alors même que ces élus n’ont publié que 15,2 % des tweets." Elon Musk n’a pas visé au hasard l’Allemagne, première puissance de l’Union européenne. "Il a tiré les leçons de l’échec de Steve Bannon en 2018, qui a tenté de créer un mouvement nationaliste européen, en vain. A l’époque, il avait notamment été rejeté par l’AfD, rappelle le politologue bulgare Ivan Krastev. Le message de Musk est clair : si vous voulez changer l’Europe, vous devez changer l’Allemagne."

Les associations chrétiennes intégristes américaines financent de plus en plus de projets en Europe.
Les associations chrétiennes intégristes américaines financent de plus en plus de projets en Europe.

Outre-Rhin, les autorités françaises redoutent une tentative similaire à l’approche de la présidentielle de 2027. "Les réseaux Maga font désormais partie des acteurs habituels de la menace, on serait étonné qu’il ne se passe rien, confie une source sécuritaire haut placée. Nous menons une opération permanente pour surveiller les activités de cette nébuleuse sur les réseaux sociaux." La France serait, au même titre que l’Allemagne, un trophée de taille. L’administration américaine y connaît ses sympathisants. A vrai dire, elle a l’embarras du choix : la "pépite" Marion Maréchal, adoubée depuis son premier discours au rendez-vous des conservateurs américains, la CPAC, en 2018, dans le Maryland ? La nouvelle venue, Sarah Knafo, élue Reconquête au Parlement européen ? Ou Jordan Bardella au Rassemblement national ? La première a les faveurs de tous - "l’une des personnes les plus impressionnantes au monde", dixit Steve Bannon – mais une surface politique moindre, sur le papier. Le dernier a perdu des points le 21 février dernier, lorsqu’il a annulé in extremis sa participation à la dernière CPAC après le salut nazi du même Bannon. "S’ils sont malins, ils misent sur plusieurs chevaux en même temps" glisse notre source. Et via plusieurs canaux… Le patron de la Heritage Foundation Kevin Roberts, a rencontré les trois clans fin mai, lors d’une visite à Paris. Au même moment, une délégation du département d’État américain a vu des hauts responsables du Rassemblement national, selon l’agence Reuters. A sa tête, Samuel D. Samson, conseiller principal auprès du Bureau pour la démocratie, les droits de l’homme et le travail. L’homme, jusqu’alors inconnu du grand public, s’est fait remarquer en publiant, le 27 mai, via une newsletter du département d’Etat, un appel à former une "alliance civilisationnelle" entre les Etats-Unis et l’Europe. Le texte, paru dans l’entre-deux tours de la présidentielle polonaise, fait écho au discours de J.D. Vance, prononcé trois mois plus tôt à Munich. Entre les lignes, le fonctionnaire dévoile une nouvelle doctrine américaine n’excluant pas le changement de régime en Europe : "Le secrétaire d’État Rubio a clairement indiqué que le département d’État agirait toujours dans l’intérêt national américain. Le recul démocratique en Europe n’affecte pas seulement les citoyens européens, mais aussi, de plus en plus, la sécurité et les liens économiques des États-Unis", écrit-il, suggérant que l’Europe doit être envisagée comme une affaire domestique.

Des émissaires trumpistes se rendent de plus en plus régulièrement pour tenter d'évangéliser le Vieux Continent.
Des émissaires trumpistes se rendent de plus en plus régulièrement pour tenter d'évangéliser le Vieux Continent.

De fait, Washington a de plus en plus d’alliés de l’autre côté de l’Atlantique. Chez les dirigeants, il y a le prototype, Orban, modèle assumé de Trump ; le polonais Nawrocki, président depuis août 2025 avec le soutien officiel de la Maison-Blanche ; l’italienne Giorgia Meloni, qui a reçu, en septembre 2024, des mains d’Elon Musk, le "Global Citizen Award" du think tank américain Atlantic Council.

Mais c’est sans doute au Parlement européen que le mouvement Maga trouve le plus de "camarades". Les dernières élections ont sérieusement grossi les rangs de l’extrême droite, dispersée dans trois groupes : les Conservateurs et réformistes européens, les Patriotes pour l’Europe et l’Europe des nations souveraines. Au total, ils forment un ensemble de 187 députés sur 720 sièges, soit le quart de l’hémicycle. Sans surprise, ce sont eux que les lobbies Maga ciblent en premier pour peser sur la fabrique de l’Europe… La branche bruxelloise de l’ONG Transparency International n’a pas tardé à s’en apercevoir, en épluchant les rencontres des élus avec des lobbyistes déclarés dans le registre européen. Sur les 47 rendez-vous listés entre octobre 2024 et mai 2025, 38 ont été organisés avec des députés apparentés à l’extrême droite.

"Agenda Europe"

Parmi les organisations recensées dans cette base de données, la Heritage Foundation, auteure du fameux "Project 2025", que Donald Trump applique quasiment à la lettre. Liée aux très influents think tanks hongrois Mathias Corvinus Collegium (MCC) et polonais Ordo Uris, elle a ses entrées à Bruxelles. Tout comme le Heartland Institute, connu pour son climatoscepticisme. Après avoir poussé Trump a quitté les accords de Paris sur le climat en 2017, il conseille aujourd’hui le parti de Nigel Farage au Royaume-Uni. Au cœur de cette constellation de lobbyistes, l’Alliance Defending Freedom (ADF) se distingue par son zèle. Ce lobby juridique chrétien est l’un des plus influents aux États-Unis, dirigé entre 2017 et 2022 par un ami personnel de Trump, Mike Harris, lequel a été directement impliqué dans l’effort pour invalider les résultats de la présidentielle de 2020. L’ADF est active en Europe depuis les années 2010 contre l’avortement et les droits des minorités sexuelles. Entre 2023 et 2024, elle a dépensé plus de 1,1 million d’euros pour ses activités européennes, le double de l’année précédente. Elle est épaulée dans ses combats par une autre organisation juridique : l’ECLJ (European Center for Law and Justice), branche européenne de l’American Center for Law and Justice, dirigée par Jay Sekulow, ancien avocat… de Donald Trump. "Ce groupe travaille systématiquement à changer la perception de ce que sont les droits humains. Il est très actif à Bruxelles et au sein du Conseil de l’Europe, qui abrite la Cour européenne des droits de l’homme", souligne Kenneth Haar, chercheur au Corporate Europe Observatory, spécialisé dans l’influence des lobbies sur les politiques publiques de l’UE.

Cet activisme forcené paie. Le 22 octobre 2020, l’ECJL jubile : le tribunal constitutionnel polonais déclare inconstitutionnel l’avortement en cas de "malformation grave et irréversible" du fœtus ou de "maladie incurable ou potentiellement mortelle". Des avortements "eugéniques", juge depuis toujours l’ECJL, qui a fourni des arguments juridiques en faveur de cette décision. L’aboutissement d’un long combat, mené par une myriade d’autres organisations sœurs. "Le mouvement ‘antigenre’ a commencé à s’organiser en Europe à partir de 2013, quand le Royaume-Uni et la France ont autorisé le mariage pour tous, rappelle Neil Datta, directeur exécutif du Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs. Tout à coup, ce qui passait pour une excentricité nordique est devenu ‘mainstream’ chez deux poids lourds de l’UE du monde occidental."

C’est cette année-là que les colères s’agglomèrent en un mouvement secret regroupant des lobbies ultraconservateurs américains et européens. Son nom ? "Agenda Europe". Sa stratégie est clairement énoncée lors du sommet organisé en 2014, où l’on retrouve, tout naturellement, l’Alliance Defending Freedom. Son patron, Paul Coleman, y anime une session sur "La pénétration des institutions internationales", insiste sur l’importance pour les organisations défendant "la cause" de se faire accréditer dans toutes les institutions pertinentes : Conseil des droits humains des Nations Unies, Conseil de l’Europe et à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Dans son manifeste, intitulé Restaurer l’ordre naturel : un agenda pour l’Europe, le réseau est on ne peut plus clair : il faut "faire entrer les bonnes personnes dans les bonnes institutions" et "dresser une liste des postes clés qui seront prochainement vacants." "Avec l’arrivée de Trump en 2016, on a vu cette infrastructure se consolider. Les liens transatlantiques se sont développés, grâce à des relais importants en Hongrie et en Pologne, où la droite conservatrice était déjà au pouvoir, poursuit Neil Datta. Avec Trump 2, on observe la professionnalisation de ces réseaux." Une nouvelle donne décuple leur force de frappe, aux Etats-Unis comme à l’étranger : le ralliement des géants de la tech au trumpisme.

En Europe aussi, les militants anti-avortement font dorénavant cause commune avec les détracteurs du Digital Service Act sur la lutte contre une pseudo "censure", les premiers pour des motifs idéologiques, les seconds pour protéger leur juteux business. Furieux contre ce DSA, Donald Trump a donné des consignes limpides à ses diplomates pour "abroger et/ou de modifier la DSA ou les lois européennes ou nationales connexes restreignant l’expression en ligne", selon un télégramme du 4 août signé par le secrétaire d’État américain Marco Rubio, révélé par Reuters.

Des reculs au Parlement européen

En réalité, le travail de sape avait commencé bien plus tôt. En témoigne un vote passé inaperçu le 17 juin passé. Ce mardi-là, les eurodéputés sont appelés à donner leur position sur un projet de loi visant à améliorer la capacité des pays de l’UE à lutter efficacement contre les abus sexuels sur les enfants. Proposition approuvée à une large majorité (599 voix sur 720). Mais le diable se cache dans les détails. Car soixante-deux élus ont préféré s’abstenir, dont 48 apparentés à un des trois groupes d’extrême droite du Parlement. "On aurait pu croire que ces formations, qui prétendent jour et nuit défendre la veuve et de l’orphelin, voteraient pour protéger les enfants… Mais non ! Pour eux, la liberté des plateformes numériques passe avant tout", soupire Nathalie Loiseau.

Cette fois-ci, les réfractaires n’ont pas obtenu gain de cause, puisque le Parlement s’est massivement prononcé pour cette réglementation. Dans bien d’autres cas, l’Europe a plié. Sous la pression de l’administration américaine et de ses relais, quantité de projets de lois ont été sabordés ou simplement ajournés. A commencer par le DSA, adopté dans la douleur, beaucoup plus permissif, in fine, que sa version initiale. Son application fait maintenant trembler les chancelleries et n’a, à ce jour, pas donné grand résultat. Sur l’intelligence artificielle, les 27 se voulaient pionniers pour donner un cadre à l’usage de cette technologie émergente. Las ! L’adoption de cet arsenal a été reportée d’au moins un an.

Quant à la directive européenne sur le devoir de vigilance, censée contraindre les grandes entreprises commerçant avec l’UE à prévenir les violations de droits humains et les dommages environnementaux, elle a été votée le 13 novembre dernier… mais vidée de sa substance. Le think tank trumpiste Heartland Institute l’avait qualifiée en mars de "plus grande menace pour la souveraineté américaine depuis la chute de l’Union soviétique." Le voilà rassuré : le Parlement européen a considérablement réduit le périmètre de cette directive : seules les sociétés de plus de 5 000 salariés, avec un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros seront finalement concernées. Victoire ultime pour ces défenseurs de "l’America First", le président français Emmanuel Macron et son homologue allemand se sont prononcés pour la suppression pure et simple de cette directive en vertu d’une "simplification" face, notamment, à la concurrence chinoise.

Là est le combat final, pour la mouvance Maga : convaincre, au-delà des frontières de l’extrême droite. Rompre les derniers maillons du "cordon sanitaire". Mission accomplie au Parlement européen, où la droite traditionnelle du PPE vote aujourd’hui sans complexe avec les trois groupes assis à sa droite. Que dire de cette lettre ouverte, signée par neuf chefs d’Etats et de gouvernements de l’UE – y compris la sociale-démocrate danoise Mette Frederiksen - le 23 mai dernier, appelant à remettre en cause la Convention européenne des droits de l’homme, accusée de freiner leur politique migratoire ? Qu’elle a fait des heureux, de Washington à Moscou, en passant par Budapest. "Il est certain que les Etats-Unis, l’Europe et la Russie atteindront un haut degré de compréhension mutuelle et de coopération", nous assurait en mars dernier le mage du Kremlin, Vladislav Sourkov. "C’est une question de survie de la grande civilisation nordique" concluait l’inventeur du poutinisme. Les ponts sont déjà jetés. Reste quelques places fortes à conquérir. Prochaine étape : Paris 2027.

© Marion Maréchal/Youtube

L’essayiste conservateur américain Rod Dreher lors une conférence intitulée "Rebâtir l'Europe dans les pas de Saint Benoît" avec Marion Maréchal et Laurence Trochu au Parlement européen de Strasbourg le 12 mars 2025
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Algérie : 10 ans requis contre le journaliste français Christophe Gleizes

Le journaliste français Christophe Gleizes, emprisonné en Algérie, a exhorté mercredi 3 décembre à la "clémence" la Cour d'appel de Tizi Ouzou, juste avant que le parquet ne réclame un alourdissement à dix ans de sa première condamnation pour "apologie du terrorisme".

Condamné à sept ans de prison en première instance

A la barre, l'accusé de 36 ans, condamné à sept ans de prison en première instance, a demandé "pardon", reconnaissant avoir fait "beaucoup d'erreurs journalistiques malgré (ses) bonnes intentions", selon un journaliste de l'AFP présent dans la salle où se trouvaient aussi la compagne et les parents du reporter. Christophe Gleizes a notamment reconnu qu'il aurait dû demander un visa de journaliste et pas de touriste avant de partir en reportage en Algérie.

Peu après son témoignage, le représentant du parquet a requis une peine de dix ans à son encontre. "L'accusé n'est pas venu en Algérie pour accomplir un travail journalistique mais (pour commettre) un acte hostile", a affirmé le magistrat qui n'a pas été identifié.

Collaborateur des magazines français So Foot et Society, Christophe Gleizes s'était rendu en Algérie en mai 2024 pour un article sur le club de football le plus titré du pays, la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK), basé à Tizi Ouzou, à 100 km à l'est d'Alger.

Seul journaliste français détenu à l'étranger, il avait été arrêté le 28 mai 2024 à Tizi Ouzou et placé sous contrôle judiciaire jusqu'à son premier procès, pour "être entré dans le pays avec un visa touristique, pour 'apologie du terrorisme' et 'possession de publications dans un but de propagande nuisant à l'intérêt national'", selon l'ONG Reporters sans frontières (RSF). Le tribunal lui a demandé mercredi s'il savait que le Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK) avait été classé en mai 2021 comme terroriste par les autorités algériennes quand il avait rencontré son président, Ferhat Mehenni, à Paris en octobre de la même année. "Je n'étais pas au courant et j'ai honte de le dire. Cela porte atteinte à mes compétences. J'avais complètement raté cette info", a-t-il répondu.

Christophe Gleizes a assuré s'être "profondément remis en question" : "Ces erreurs m'ont permis de réfléchir", a-t-il dit, assurant n'avoir "aucune rancoeur" à l'encontre de l'Algérie. Des sanglots dans la voix, il a ajouté n'avoir "qu'une seule douleur, celle d'être coupé de (sa) famille", demandant à pouvoir "la retrouver".

Son avocat français, Emmanuel Daoud, a dit lundi espérer "une issue favorable", à la faveur d'un "apaisement des relations" entre les deux pays depuis la grâce et la libération par Alger le 12 novembre de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal.

La brouille entre Alger et Paris avait été déclenchée par le soutien total apporté en juillet 2024 par la France au plan d'autonomie marocain pour le territoire disputé du Sahara occidental, puis s'était envenimée après l'arrestation en novembre suivant de Boualem Sansal, un critique notoire du pouvoir algérien.

"Un journaliste n'est pas un activiste"

De nombreux médias français ainsi que RSF et des syndicats de journalistes avaient appelé la semaine passée dans une tribune à une remise en liberté de Christophe Gleizes, qui n'a selon eux "commis aucun crime". Il "n'a rien à faire en prison, il n'est coupable que d'avoir exercé son métier de journaliste sportif et d'aimer le football algérien", a déclaré fin octobre Thibaut Bruttin, directeur général de RSF.

"Nous devons expliquer aux magistrats d'appel qu'un journaliste ne fait pas de politique", "n'est pas un idéologue", "pas un activiste", a souligné Me Daoud avant l'audience. Exprimant son respect pour la justice algérienne "indépendante et souveraine", l'avocat a récusé des accusations circulant en France selon lesquelles le journaliste serait "un otage", précisant que Christophe Gleizes a pu recevoir des visites et a eu accès à son dossier pénal et à ses avocats.

© AFP

Le journaliste français Christophe Gleizes a été condamné lundi 30 juin à sept ans de prison par la justice algérienne.
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Terres rares : l'Europe accélère pour tenter de réduire sa dépendance à la Chine

L'Union européenne va aider à financer et à accélérer le développement des projets de production de terres rares et autres matières premières critiques pour réduire sa dépendance à la Chine, dont la mainmise sur ces matériaux essentiels à l'économie génère de fortes tensions. "Aujourd'hui, l'Europe apporte sa réponse à la nouvelle situation géopolitique mondiale", et elle "acte son indépendance sur les matières premières critiques", a souligné le vice-président de la Commission Stéphane Séjourné, en présentant mercredi ces mesures à la presse.

L'UE débloque près de 3 milliards d'euros

La Commission européenne va notamment débloquer près de 3 milliards d'euros pour financer des projets stratégiques dans l'extraction, le raffinage et le recyclage de ces minerais et métaux indispensables à de nombreux secteurs, sur le Vieux Continent et dans des pays partenaires. Elle mobilisera pour ce faire des fonds issus de programmes européens et de la Banque européenne d'investissement.

Elle va en outre créer début 2026 un Centre européen des matières premières critiques. "Il aura trois principales missions : 'monitorer' et évaluer les besoins, acheter en commun pour le compte des États membres et stocker et livrer en fonction des besoins des entreprises", a expliqué Stéphane Séjourné.

Autre action concrète, Bruxelles veut restreindre en début d'année prochaine les exportations des rebuts et déchets d'aimants permanents (qui sont fabriqués à partir de terres rares et servent à de nombreux usages industriels), pour favoriser leur recyclage en Europe. L'UE prévoit aussi des restrictions plus ciblées aux exportations de déchets d'aluminium et pourrait faire de même pour le cuivre.

Les terres rares sont des éléments métalliques devenus essentiels pour des pans entiers de l'économie, en particulier l'industrie automobile, les énergies renouvelables, le numérique ou la défense. Ils servent à la fabrication d'aimants puissants, de catalyseurs ou de composants électroniques. La Chine, qui concentre la majorité des réserves mondiales de terres rares, domine non seulement l'extraction des minerais, mais a développé en plus un quasi-monopole sur le raffinage. Elle exerce une mainmise similaire sur certains métaux stratégiques, comme le gallium utilisé dans les semi-conducteurs.

L'UE prise en étau entre la Chine et les Etats-Unis

L'Europe s'était dotée il y a deux ans d'une loi qui visait à sécuriser ses approvisionnements en matières premières "critiques". L'UE se retrouve en effet prise en étau entre la Chine, qui a multiplié cette année les mesures de restriction à ses exportations de terres rares, et les Etats-Unis de Donald Trump, qui négocient des accords bilatéraux tous azimuts pour sécuriser leurs propres approvisionnements.

Le Commissaire européen chargé du Commerce Maros Sefcovic a également présenté une mise à jour de la doctrine de l'UE en matière de "sécurité économique", avec là aussi des mesures visant à galvaniser l'autonomie de l'Europe. "Autour du monde, les échanges commerciaux servent d'armes, les chaînes d'approvisionnement sont sous pression" et "les dépendances économiques se transforment en pression politique, et cela affecte tous les jours nos entreprises et leur compétitivité", a-t-il estimé.

La doctrine existante, qui était la première du genre, est pourtant toute récente : elle date de 2023 et visait à l'époque à tirer les leçons de la pandémie de Covid-19 puis de la guerre en Ukraine, deux crises qui ont illustré l'extrême fragilité des chaînes d'approvisionnement européennes. Or, les tensions géopolitiques et commerciales, comme le bras de fer sur les droits de douane avec les Etats-Unis de Donald Trump, ont poussé Bruxelles à remettre l'ouvrage sur le métier.

La doctrine actualisée prévoit d'assouplir et de moderniser l'utilisation des principaux outils déjà à la disposition de Bruxelles : contrôle des investissements directs étrangers, restrictions à l'exportation de certains biens, diversification des pays fournisseurs, et à les compléter si nécessaire. "Nous allons faire un usage plus stratégique et assumé de nos outils existants, nous en développerons d'autres si besoin, et nous allons améliorer notre collecte de renseignements économiques", a souligné Maros Sefcovic.

© afp.com/STR

Chargement de terres rares dans le port de Lianyungang, le 5 septembre 2010 dans l'est de la Chine
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François Chimits : "Face à la déferlante de produits chinois, la réponse de l'UE n'est pas à la hauteur"

Pour sa quatrième visite d’Etat en Chine depuis 2017, du 3 au 5 décembre, Emmanuel Macron, qui était accompagné en 2023 par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, sera bien seul face à Xi Jinping. Le programme est pourtant ambitieux : le président français compte mettre l’accent sur la réduction des déséquilibres économiques entre l’Europe et la Chine, tout en essayant d’inciter cette dernière à exercer son influence sur la Russie, afin d’avancer vers un accord de paix durable en Ukraine.

Il y a urgence. Les discussions avec Vladimir Poutine s’enlisent et, sur le plan commercial, le déficit de l’Europe par rapport à la Chine ne cesse de se creuser : il a atteint 304,5 milliards d’euros en 2024 (après 291 milliards en 2023), et 310 milliards sur douze mois glissants à fin octobre. Le déficit français à l’égard de la Chine est lui, resté stable en 2024, à 47 milliards. Dans un mouvement inverse de celui des dernières décennies, Emmanuel Macron cherchera aussi à attirer des investissements chinois sur des secteurs de pointe afin de bénéficier de transferts technologiques.

La tâche s’annonce toutefois rude pour le chef de l’Etat français, tant le rapport de force est à l’avantage de Pékin, face à une Europe désunie, analyse François Chimits, responsable des projets Europe à l’Institut Montaigne. Entretien.

L'Express : Le déficit commercial de l'Europe par rapport à la Chine ne cesse de s'accroître. Comment l’expliquez-vous ?

François Chimits : On observe un redoutable effet ciseau, avec d'un côté une érosion dans le temps long de la compétitivité industrielle européenne - due principalement au choc énergétique lié à la guerre en Ukraine -, et de l’autre, une dynamique ahurissante, côté chinois, de gains de compétitivité.

Une partie de ce phénomène tient à la montée en puissance d’une Chine déjà à la pointe du développement technologique et industriel dans certains secteurs (comme l'industrie verte, le digital ou des segments de la chimie). S'ajoute à cela le soutient étatique massif à ses industries stratégiques, ce qui recouvre un nombre très important de secteurs en Chine. La concurrence est donc complètement faussée pour un certain nombre d'acteurs européens.

Comment analysez-vous la déferlante d’exportations chinoises ?

La montée en gamme est spectaculaire dans un certain nombre de secteurs technologiques et industriels, au point qu’un second choc chinois est maintenant évoqué. La Chine se démarque par l’intensité de l’effort mis sur la recherche et les investissements. En réalité, après les années de Covid, on voit actuellement se matérialiser les effets du virage techno-industriel opéré par Xi Jinping autour de 2016-2017. Le numéro un chinois en a fait la priorité absolue de l’Etat-parti, délaissant celui de doper la consommation en améliorant le pouvoir d’achat des classes moyennes. Cela a conduit à une réorientation claire des flux de capitaux vers ces acteurs, qui ont compris que la compétitivité ne devait pas être uniquement fondée sur le prix, mais contribuer à la poursuite d'un objectif d'indépendance technologique dans des secteurs critiques.

Ces énormes quantités de production industrielle ne pouvant pas être absorbées par le marché intérieur, cette dynamique s’est logiquement traduite par un accroissement des exportations, devenues essentielles à certains secteurs, et le principal, si ce n’est le seul, moteur de l’économie chinoise ces trois dernières années. Et ce, d’autant que la concurrence féroce sur les secteurs prioritaires réduit considérablement les taux de marge en Chine. En réalité, pour rentabiliser les investissements fortement encouragés par les politiques étatiques de Pékin, les acteurs chinois sont presque condamnés à aller chercher des profits sur les marchés extérieurs.

Inversement, les produits européens ont du mal à pénétrer en Chine…

Le marché chinois, sur lequel l’Europe avait fondé sa stratégie ces deux dernières décennies, n’a absolument pas tenu ses promesses. Pensez qu’il représente désormais pour les Européens un marché à l’export plus faible que celui de la Suisse !

Cette atonie s'explique d'une part, par l'ambition chinoise de remplacer les technologies étrangères ; et d'autre part, par cette réorientation politique vers le soutien à sa production domestique, qui grève la consommation des ménages en Chine.

Le déficit commercial avec la Chine n'est-il pas voué à se creuser, ce pays étant de plus en plus compétitif et cherchant à être de plus en plus autonome sur les industries stratégiques ?

Oui, en l’état absolument. Mais la non-soutenabilité du modèle chinois peut toutefois ralentir cette tendance. L’absence de consommation en interne et la faiblesse des prix ne permettent en effet pas de rentabiliser les investissements effectués dans certains secteurs.

Il va falloir que la Chine soit augmente ses prix assez substantiellement, en diminuant la concurrence domestique, soit accroisse sa demande domestique, notamment en instaurant un système de protection sociale pour les classes moyennes qui fait pour l'instant cruellement défaut. L'autre variable, c'est la réponse européenne.

Quelles sont les répercussions de cette vague de produits chinois sur la France ?

La France est relativement moins touchée que d’autres pays, mais pour des mauvaises raisons. Etant le pays le plus désindustrialisé du G20, nous sommes, en toute logique, moins exposés à ce second choc chinois. Nous avions subi de plein fouet le premier, dans les années 2000-2010, qui avait principalement fragilisé les secteurs du textile et des industries lourdes (construction, logistique, infrastructures…), où la France , de par l’histoire de son développement plutôt étatique, occupait des positions fortes.

Le problème, toutefois, c'est que ce second choc chinois vient percuter nos ambitions de renouveau industriel. Les quelques pôles de réindustrialisation qui ont émergé ces dernières années et sont donc encore jeunes, sont particulièrement exposés... Je pense au secteur des batteries électriques, à l’acier et à l’aluminium verts, à quelques entreprises de chimie… Et bien sûr à l’automobile : la concurrence chinoise n'encourage pas les constructeurs à développer leurs capacités de production en France.

L'Europe fait-elle ce qu’il faut pour se protéger contre la concurrence chinoise ? Elle a augmenté l’an dernier les droits de douane sur les véhicules électriques, mais est-ce suffisant ?

"Non, même si elle fait beaucoup plus que par le passé. La salve de mesures de défense commerciale prises l’an dernier a certes été sans précédent : l’UE a ouvert 26 enquêtes pour concurrence déloyale à l’encontre d’acteurs chinois. Mais notre réponse a beau s’accélérer, elle n’arrive pas à tenir le rythme face à une concurrence et des surcapacités chinoises d’une ampleur phénoménale.

La Chine concentre environ 35% de la valeur ajoutée industrielle mondiale, et autant des exportations manufacturières. Nous n’avons jamais connu, dans l’époque moderne, une telle concentration. Donc, quand cet acteur connaît des déséquilibres importants et qu’au même moment, le marché américain se ferme, l'Europe devient inévitablement le récipiendaire d'une quantité astronomique de produits.

Face à cette déferlante, notre manque de coordination à 27 et nos lourdeurs administratives ne nous permettent pas d’apporter une réponse d’ampleur équivalente. A fortiori quand certains de nos acteurs industriels ont fait le pari de la production en Chine, ce qui complexifie la réponse politique…

Et il ne s’agit pas tant de naïveté que d’une difficulté à nous mettre d’accord à 27 : entre Etats, mais aussi entre nos différentes industries. Par exemple, si vous mettez des barrières douanières sur l’acier chinois, vous allez contenter le secteur de l’acier européen, mais d’autres secteurs en aval se plaindront de devoir payer un acier européen plus cher que leurs concurrents internationaux ayant eux accès à l’acier chinois… Maintenant, répliquez cela pour 27 Etats aux bases industrielles assez divergentes, et vous comprendrez mieux la difficulté à opposer un vrai front cohérent…

Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, avait posé comme priorité en 2023 le "derisking" (la réduction des risques) par rapport à la Chine. En clair, limiter la dépendance à certains composants critiques. Cet objectif semble loin d’être atteint…

Effectivement, notre dépendance à certains bien critiques ne cesse de s’accroître, avec encore des illustrations récentes concernant les terres rares ou les semi-conducteurs.

Pourtant, à partir de 2017-2019, les décideurs européens, notamment à l’initiative de la France, ont pris conscience que notre dépendance à la Chine pour certains produits critiques nous mettait en situation de vulnérabilité et posait de graves problèmes de souveraineté. D’où l’ambition, largement portée par la Commission, de bâtir une stratégie pour répondre à ce défi.

Le problème, c’est que la Commission a été freinée par les Etats. Pour changer le statu quo, il faut se coordonner à 27 pour prendre des mesures et en supporter les conséquences, face à un acteur chinois qui ne se prive pas d’exercer une coercition économique dès qu’on contrevient à ses intérêts.

On l’a vu lorsque l’UE a décidé de taxer les véhicules électriques chinois, pourtant dans le respect des règles internationales : la Chine a pris des mesures de rétorsion politiques pour essayer de mettre à mal l’unité européenne. Le coup de semonce tiré par Pékin en octobre, avec cette décision - désormais suspendue pour un an – de contrôler les exportations de tous les produits contenant des terres rares, a par exemple aussi tempéré les ardeurs européennes.

En fin de compte, les Européens continuent d’achopper sur la même question : quel niveau de pression et de rétorsion chinoises est-on prêt à supporter ensemble pour mener à bien nos ambitions de derisking ? Et la réalité, c’est que depuis les premières déclarations sur le sujet, la situation s’est dégradée.

Autre motif de frustration pour les Européens, les investissements chinois ne sont pas toujours à la hauteur de leurs attentes…

Sous Xi Jinping, toute décision en Chine est redevenue politique. Les Chinois surveillent et contrôlent étroitement leurs investissements à l’étranger. On l’a vu en Europe, les investissements chinois dans les batteries et des véhicules électriques, ont été réorientés vers des pays plutôt conciliants à l’égard de la Chine. Inversement, ceux qui étaient destinés à des pays favorables à des mesures de protection contre la Chine ont été nettement moins dynamiques.

Face à cela, on observe effectivement beaucoup de frustration côté européen... Et certains acteurs – Etats ou entreprises - cherchent à se montrer conciliants pour décrocher des investissements chinois.

Lors de son déplacement en Chine, du 3 au 5 décembre, Emmanuel Macron compte aborder la question des déséquilibres commerciaux. A-t-il les moyens de peser ?

Pour tenir le rapport de force dans les négociations avec la Chine, il faut agir à l'échelon européen. Or, on peut se demander dans quelle mesure Emmanuel Macron se rend en Chine avec un soutien et une ligne claire des Européens sur le sujet. Les visites à venir du chancelier allemand Friedrich Merz et du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez au premier trimestre 2026 font craindre des Européens en ordre dispersé, qui viennent chacun essayer d'obtenir pour leur pays un moindre mal. Or c’est exactement ce que recherche la Chine, qui préfère des relations bilatérales, où le déséquilibre des masses en jeu se fait le plus ressentir.

Cela étant dit, on peut espérer du président français qu'il contribue à porter le message que sans action de rééquilibrage très fort de la part des autorités chinoises, le marché européen va continuer à se fermer.

Que peut-il obtenir ?

La question se pose. A fortiori quand il semblerait que les intentions de la France pour sa présidence du G7, l’an prochain, soient d’organiser une discussion collective sur les grands déséquilibres économiques mondiaux incluant les pays émergents, en vue de faire émerger de nouvelles règles. Cet agenda-là, qui rend la Chine nécessaire dans la présidence française du G7, risque d'atténuer l’éventuelle volonté de fermeté d’Emmanuel Macron.

L’ouverture du marché chinois, qui était la demande traditionnelle, l’est de moins en moins, tant la concurrence domestique y est forte. Emmanuel Macron y va pour essayer d’obtenir à la fois un réajustement de la politique domestique vers la consommation et des investissements stratégiques. En clair, moins de subventions de la part de l’Etat chinois à ses acteurs, plus de consommation en Chine, et plus d'investissements substantiels dans certains secteurs en Europe. Ces secteurs sont ceux où l’apport chinois paraît nécessaire à une forme de rattrapage, et ne correspondent pas aux secteurs où Pékin aimerait voir se raffermir les coopérations, souvent plus sensibles pour nos enjeux de sécurité nationale.

Dans ce rapport de force, les Européens doivent impérativement rendre plus crédible l’érection de nouvelles barrières aux frontières du marché unique si rien ne change, et cela malgré une résilience incertaine aux éventuelles rétorsions chinoises. Pas simple.

© AFP

Le président français Emmanuel Macron serre la main du président chinois Xi Jinping lors d'une réunion bilatérale en marge du sommet du G20 à Rio de Janeiro, au Brésil, le 19 novembre 2024.
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