Comment l’Europe a contourné Viktor Orban pour sécuriser les avoirs russes gelés

© Yves Herman / REUTERS

© Yves Herman / REUTERS

© REUTERS / Al Drago

© Thomas Peter / REUTERS

© Abdel Kareem Hana / AP

© California Community Foundation


© CRISTOBAL OLIVARES POUR « LE MONDE »

© Kim Hong-Ji / REUTERS
Retour du Mercosur, remaniement de la politique agricole commune (PAC), nouvelle vague de dermatose nodulaire contagieuse à la gestion publique contestée… La colère des agriculteurs, qui refait irruption en France, risque de se propager en Europe. Une marche de protestation sera organisée le 18 décembre à Bruxelles, "10 000 manifestants" y sont attendus, dont de nombreux Français.
Depuis quelques jours, la pression grimpe encore d’un cran sur les autorités publiques. Ce vendredi 12 décembre, sur Facebook, la Confédération paysanne a appelé à "des blocages partout" en France. Le syndicat prévient : "le bras de fer" avec la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, "a bien été lancé et va s’intensifier dans les prochains jours". La cause de cette insurrection : la gestion de la dermatose nodulaire contagieuse, maladie de la peau qui touche les bovins. En cas de contamination d’un animal, l’intégralité du troupeau doit être abattue.
Jeudi, c’est l’Ariège qui a été concernée par ces euthanasies de masse. En réaction, de vives tensions ont éclaté aux abords de la ferme visée afin d’empêcher les autorités d’atteindre les bêtes. Quatre personnes ont été interpellées. Partout en France, des mobilisations se sont organisées : rassemblements devant les préfectures, "feux de la colère" dans la Marne, cercueil devant le ministère… "C’est une aberration complète ! Il faut arrêter le carnage", s’indignait jeudi, Sébastien Durand, président de la Coordination rurale d’Ariège, au micro d’ICI Occitanie. Le syndicat, tout comme la Confédération paysanne plaide pour l’instauration d’une vaccination préventive généralisée.
Mais ce vendredi, la ministre du secteur persiste et signe : "l’abattage est la seule solution pour sauver toute la filière", estimant que, sans quoi, la maladie pourrait tuer 1,5 million de bovins en France.
C’est une semaine compliquée pour Annie Genevard. Lundi déjà, son discours à Rungis a été boycotté par une grande partie des syndicats agricoles. La ministre s’était rendue au plus grand marché d’Europe pour le lancement des "conférences de la souveraineté alimentaire". Un "exercice de communication" qui déplaît alors que le "diagnostic" dramatique de la "Ferme France" est connu, selon la FNSEA, premier syndicat de la filière.
L’Hexagone, qui est pourtant la première puissance agricole européenne, est en souffrance. Contraint d’importer toujours plus, le secteur entrevoit un déficit commercial en 2025. Une première depuis 50 ans. Ses fleurons, du blé aux vignes, traversent une crise inédite.
Dans ce contexte, la proposition de la Commission européenne de revoir les conditions de la PAC attise la colère. La politique agricole commune, qui constituait jusqu’ici le premier poste de dépenses de l’UE, pourrait voir son budget réduit de 20 % pour la période de 2028 à 2034, qui risquerait en plus d’être "dilué" dans un grand fonds.
Un projet qui serait lourd de conséquences pour la France dont les agriculteurs sont les premiers bénéficiaires de la PAC avec environ 9 milliards d’euros d’aides par an. Cette somme qui représente les deux tiers de leurs revenus est devenue indispensable depuis le début de la guerre en Ukraine qui a entraîné une flambée des denrées alimentaires.
Un autre accord en cours de négociation à Bruxelles : celui avec le Mercosur, cette communauté économique des pays d’Amérique du Sud. 25 ans après le début des négociations, le processus semble toucher à sa fin et se rapprocher de l’aboutissement, l’instance bruxelloise vise un feu vert pour le 20 décembre et une adoption par Parlement début 2026.
L’accord, qui doit permettre à l’Union européenne d’exporter davantage de voitures, machines et vins, facilitera en retour l’entrée de bœuf, volaille, sucre, miel… Mais ce texte, vu d’un très mauvais œil par les agriculteurs, ravive la colère des syndicats. Les organisations, qui dénoncent une concurrence déloyale, placent les normes moins exigeantes des pays du Mercosur dans leur viseur. La crainte : déstabiliser les filières européennes déjà fragiles.
Un point a souvent été remis à l'ordre du jour : la viande qui pourrait bientôt se retrouver dans nos assiettes. Le Brésil, qui représente déjà plus de 35 % des importations de bœuf dans l’UE, est connu pour sa viande traitée aux hormones de croissance et aux antibiotiques mais vendue à des prix plus attractifs. Bruxelles a tenu à rassurer : "Toutes les conditions sanitaires en vigueur au sein de l’Union européenne restent en place avec l’accord". Des annonces qui laissent la filière de marbre. "Des garanties ? Il n’y en a pas", s’indignait en 2024 Karine Jacquemart, directrice générale de l’association de consommateurs Foodwatch dans les colonnes de Reporterre.
Et dans les sphères du pouvoir français, la mayonnaise ne prend pas non plus : "L’accord avec le Mercosur est inacceptable. Il sera peut-être appliqué. Car nous sommes 27 dans l’Union européenne", lançait Annie Genevard, le 9 décembre.
A ce projet de signature s’ajoute une autre crispation : la taxe MACF. Ce mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, voulu par l’Union européenne doit entrer en vigueur le 1er janvier. Une taxe carbone qui fait craindre aux agriculteurs une explosion du coût des engrais russes, déjà imposés. Un impact de "500 millions d’euros pour les grandes cultures" serait à estimer selon la FNSEA.

© afp.com/Dimitar DILKOFF

© ROMAN PILIPEY / AFP