Le calvaire de Matan Angrest et Nimrod Cohen, soldats israéliens torturés par le Hamas
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Malgré leur dénonciation publique de la persécution du peuple palestinien et de la destruction de Gaza, plusieurs Etats Arabes ont, selon une enquête exclusive du Washington Post, discrètement intensifié leur coopération sécuritaire avec l’armée israélienne. L’illustre journal d’investigation tire ses sources de cinq documents ayant fuité, obtenues par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), qui détaillent la création de ce que l’armée américaine décrit comme le "dispositif de sécurité régional" (Regional Security Construct).
Selon ces documents, au cours des trois dernières années, sous l’égide des Etats-Unis, des responsables militaires d’Israël et de six pays arabes — Bahreïn, Egypte, Jordanie, Qatar, Arabie saoudite et Emirats arabes unis — se sont réunis à Bahreïn, en Egypte, en Jordanie et au Qatar pour des réunions de planification. Le Koweït et Oman sont quant à eux mentionnés par le journal comme "partenaires potentiels". Des liens militaires mis à rude épreuve après la frappe aérienne israélienne sur le Qatar, en septembre 2025, mais qui pourraient désormais jouer un rôle clef dans la supervision du cessez-le-feu naissant à Gaza.
Selon les documents, la menace iranienne, qualifiée d’"Axe du mal", était le moteur de ces rapprochements, coordonnés par le CENTCOM américain, le "Commandement central des Etats-Unis", l’une des 11 extensions de La Défense américaine située au Qatar et responsable des opérations militaires au Moyen-Orient et Asie du Sud et de l’Est. Le partenariat, décrit par le général Kenneth McKenzie en 2022 comme un prolongement des Accords d’Abraham, visait notamment un plan de défense aérienne contre les missiles et drones iraniens, et la surveillance de missiles sur Gaza et le Yémen.
Selon les documents, six des sept pays partenaires recevaient des données radar partielles, deux partageaient leurs propres informations et tous étaient intégrés à un système de messagerie sécurisée avec l’armée américaine. Ces documents révèlent aussi des entraînements communs : en janvier 2025, une réunion à Fort Campbell (Kentucky) a permis à l’armée américaine de former ses partenaires à détecter et neutraliser les tunnels souterrains utilisés par le Hamas à Gaza. Un autre rapport mentionne un exercice multinational de destruction de tunnels impliquant six pays. Parallèlement, le CENTCOM a mené des réunions de planification d’opérations d’information pour contrer le discours iranien se présentant comme le "protecteur des Palestiniens" et, selon un document de 2025, pour "propager un récit de prospérité et de coopération régionales".
Un rapprochement dont les limites évidentes ont été exposées par la frappe israélienne, le 9 septembre dernier, sur Doha la capitale du Qatar, détruisant un bâtiment abritant des dirigeants du Hamas. Le Qatar fait pourtant partie des pays ayant renforcé ses liens avec Israël. Selon le lieutenant général Derek France (US Air Force), cité par le journal, les systèmes radar américains n’ont pas donné d’alerte précoce car ils "sont généralement concentrés sur l’Iran et d’autres zones d’où une attaque est attendue". Le Qatar a confirmé que ses radars n’avaient pas détecté les avions israéliens. Netanyahou a présenté ses excuses le 29 septembre, à la demande de l’administration Trump, promettant de ne plus mener de telles frappes.
Discret, le Qatar a été le partenaire central de ce système de coopération régionale avec Israël. Selon le Washington Post, en mai 2024, des responsables israéliens et arabes se sont rencontrés à la base aérienne d’al-Udeid au Qatar, une installation majeure américaine, avec un itinéraire prévu pour éviter l’exposition médiatique. "Pas de photographies, pas d’accès aux médias", stipulait ainsi une note d’organisation américaine. Ces rencontres, officiellement "non considérées comme une alliance", ont été maintenues sous strict secret diplomatique.
En coulisse, cette coopération clandestine a très régulièrement contrasté avec les déclarations publiques virulentes des dirigeants arabes. L’émir du Qatar a dénoncé une "guerre génocidaire menée contre le peuple palestinien" et accusé Israël d’être "un Etat hostile et complice de l’apartheid" dans un discours à l'ONU en septembre 2025. L’Arabie saoudite a dénoncé en août "la famine" et le "nettoyage ethnique" des Palestiniens, tandis que les dirigeants de l’Egypte et de la Jordanie ont également parlé de génocide.
Selon Emile Hokayem, chercheur à l’International Institute for Strategic Studies interrogé par le Washington Post, Washington espérait que cette coopération militaire faciliterait la normalisation politique. Echec d’une stratégie qui aurait "masqué la réalité des tensions". La frappe au Qatar, relève-t-il notamment, a révélé la fragilité du dispositif : "Un membre clef de l’effort américain a attaqué un autre, avec l’Amérique perçue comme complaisante ou aveugle", souligne le chercheur.
Cette coopération régionale n’est pourtant pas terminée. Selon les informations du Washington Post et du ICIJ, le CENTCOM américain planifie la création d’un "Combined Middle East Cyber Center" d’ici 2026 et d’un "Information Fusion Center" pour coordonner les opérations informationnelles. L’Arabie saoudite y joue un rôle clef, partageant des renseignements sur la Syrie, le Yémen et l’Irak, notamment sur les activités des Houthis soutenus par l’Iran et de l’Etat islamique. Après la signature d’un accord de paix pour Gaza, la question très délicate de la gouvernance du territoire palestinien reste sur la table dans cette coopération.
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L’Europe n’a joué qu’un rôle marginal pendant les deux années de guerre à Gaza. Peut-elle retrouver une voix qui compte dans les pourparlers de paix ? Et si jamais elle y parvient, pour promouvoir quel projet d’avenir au Proche-Orient ? Et avec quels partenaires dans la région ?
Les dirigeants européens se sont pressés lundi 13 octobre au "sommet de la paix" réuni autour de Donald Trump à Charm el-Cheikh, en Égypte : France, Allemagne, Italie, Espagne, Grèce, entre autres membres de l’UE, ainsi que le Royaume-Uni, étaient représentés au plus haut niveau. Mais au-delà des félicitations de rigueur adressées à Donald Trump après la libération des derniers otages israéliens vivants à Gaza, ces chefs d’Etat et de gouvernement n’avaient dans leurs valises aucun plan commun qui pourrait leur permettre de peser sur la suite des événements.
L’Europe a pourtant des intérêts cruciaux à défendre au Levant, dont elle est proche non seulement sur le plan géographique mais aussi historique, culturel et religieux. Sécurité, migration, approvisionnement énergétique, échanges commerciaux, sont des dossiers dans lesquels des acteurs du Proche-Orient jouent un rôle clé. Qu’on se souvienne, par exemple, de l’impact de la guerre civile syrienne, il y a une décennie, avec une série d’attentats terroristes fomentés par des islamistes depuis la Syrie d’une part, et l’arrivée d’une vague massive de centaines de milliers de réfugiés fuyant les violences, d’autre part. Le renoncement de l’Europe (et de l’Amérique, aussi) à intervenir pour trouver une issue à la crise syrienne s’est payé comptant.
Les leçons de cet épisode n’ont pas été tirées. A Gaza, dès les massacres perpétrés le 7 octobre 2023 par le Hamas, et plus encore par la suite, la réponse de l’Europe a été confuse et indécise. La valse-hésitation d’Emmanuel Macron, qui a proposé de mettre sur pied une "coalition anti-Hamas", avant d’y renoncer, a symbolisé le désarroi des Européens face au plus grand massacre de juifs depuis la Seconde Guerre mondiale. Ce désarroi n’a fait que croître dans les deux années qui ont suivi, à mesure que s’étirait le conflit à Gaza et que s’alourdissait le bilan des morts.
Tiraillés entre leur soutien au droit d’Israël à se défendre face au terrorisme et leur émotion face à l’ampleur des dévastations à Gaza, les Européens se sont contentés de mesures sans impact réel, comme la suspension partielle de leurs ventes d’armes à Israël (qui se fournit essentiellement aux Etats-Unis), ou la reconnaissance d’un Etat palestinien qui n’existe pas. Leurs admonestations et appels à la retenue ont été des prêches dans le désert. Ils ont été incapables aussi d’empêcher l’extension progressive du conflit au Liban, en Iran, en Syrie et jusqu’en mer Rouge. Le 20 juin dernier, leur humiliation a été totale lorsque Donald Trump a ordonné à l’US Air Force de se joindre aux bombardements israéliens visant le programme nucléaire militaire iranien, alors même que les chefs de diplomatie de l’Allemagne, de la France, du Royaume-Uni et de l’UE étaient réunis à Genève avec leur homologue iranien pour tenter de négocier un compromis.
Quelles cartes les Européens pourraient-ils jouer pour se rendre utiles, afin de retrouver un moyen de peser sur le cours des événements ? Le soutien qu’ils ont apporté au projet de règlement en 20 points du président américain a été un premier pas. Ils pourraient désormais apporter leur pierre à l’édification des étapes suivantes, notamment en accompagnant le déploiement d’une force arabe de surveillance du cessez-le-feu et en contribuant à reconstruction de la bande de Gaza, que la Banque mondiale a chiffrée, dans une estimation préliminaire, à 53 milliards de dollars. Ils pourraient aider l’Autorité palestinienne à retrouver un semblant de crédibilité en la poussant à se réformer et à lutter contre la corruption. C’est un dossier sur lequel les Européens disposent d’un vrai levier, puisqu’ils sont traditionnellement le premier fournisseur d’aide internationale aux Palestiniens (1,36 milliard d’euros sur la période 2021-2024). En avril dernier, l’UE a décidé une nouvelle aide de 1,6 milliard d’euros pour la période 2025-2027. Elle gagnerait à être conditionnelle.
Les Européens pourraient enfin œuvrer à l’insertion d’Israël et d’un futur Etat palestinien dans la région, en aidant à étendre les accords d’Abraham par lequel les Emirats arabes unis, le Bahreïn, le Maroc et le Soudan ont reconnu l’Etat hébreu en 2020. Cependant, et même si le Hamas acceptait de se désarmer et de s’effacer, ce qui est loin d’être acquis, il faut se garder de toute illusion. Après les traumatismes que viennent de subir les Israéliens et les Palestiniens, la perspective à laquelle la grande majorité des Européens reste attachée - la coexistence pacifique de deux Etats, l’un juif et l’autre arabe, entre le Jourdain et la Méditerranée - est plus éloignée que jamais.
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Dans un monde déchiré par les guerres et bousculé par la montée des tensions commerciales, la tentation du repli sur soi n’a jamais été aussi forte. Confrontées à la poussée du vote radical et à l’essor de la désinformation, les démocraties libérales sont fragilisées. C’est plus que jamais le moment de donner la parole aux architectes du sursaut, qu’ils soient scientifiques, militaires, experts de la tech, intellectuels ou entrepreneurs.
Sciences, IA, défense, art, politique, innovation : un après-midi pour écouter celles et ceux qui réfléchissent le monde de demain : Claude Malhuret, Yasmine Belkaid, Gérald Bronner, Luis Vassy, Rachel Picard, Hugo Micheron, Emmanuel Chiva… et bien d’autres intervenants.
Avec l'intervention de exceptionnelle de Salomé Zourachbivili, présidente de la Géorgie.
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80 ans après la fin de la Seconde guerre mondiale et les garde-fous mis en place par la constitution allemande pour éviter le retour à un pouvoir autoritaire, la menace russe sème à nouveau le doute sur les piliers de la République allemande. Plus tôt dans l’année, l’Allemagne débattait de l’opportunité ou non de se doter de l’arme nucléaire pour se défendre à l’Est. Elle s’était pourtant engagée à ne pas l’obtenir après la guerre, notamment pour ne pas être perçue comme une menace par ses alliés.
Cette fois, ce sont les incursions de drones présumés russes qui questionnent le rôle qu’occupe traditionnellement l’armée fédérale, très encadré par des textes de lois élaborés après la guerre. Actuellement, la marge de manœuvre de l’armée allemande est très réduite.
Après le survol de sites sensibles en Europe par des drones, notamment en Allemagne à l’aéroport de Munich, le ministre allemand de l’Intérieur Alexander Dobrindt a présenté plusieurs mesures visant à mieux protéger le pays. Il a notamment proposé une modification de la loi sur la sécurité aérienne pour élargir les prérogatives de l’armée allemande dans la défense intérieure du territoire. Comme l’explique la Taggeschau, la police allemande est normalement compétente contre l’incursion de drones non autorisés sur le territoire. Elle ne dispose cependant pas des armes nécessaires pour les abattre, à savoir des missiles sol-air ou air-air, contrairement à l’armée.
Or, la constitution allemande régule strictement le champ d’intervention de l’armée fédérale. Selon la Loi fondamentale, l’armée intervient exclusivement pour la défense du pays, c’est-à-dire pour le défendre d’une agression extérieure. L’Agence fédérale pour l’éducation civique (Bundeszentrale für politische Bildung), qui dépend du ministère de l’Intérieur, explique que cet encadrement très fort de l’armée a été pensé non seulement pour tirer les leçons du nazisme, mais aussi de l’histoire plus ancienne de l’Allemagne : sous l’empire allemand, l’armée fut régulièrement déployée pour réprimer des manifestations politiques.
Résultat : selon certains juristes et politiques, l’intervention de l’armée dans ce cadre serait impensable au regard de la constitution allemande. Selon la chaîne ZDF, les survols de drones ne représentent jusqu’ici pas les caractéristiques d’une attaque extérieure qui justifierait une intervention de l’armée.
La constitution autorise aussi l’armée à intervenir dans des cas bien précis, comme lors de catastrophes naturelles ou de "sinistres particulièrement graves". Ce n’est pas le cas des survols de drones non-armés. "La Constitution fixe des limites à ce sujet. L’exception prévue en cas de sinistre grave n’est pas prévue pour des situations comme celle que nous connaissons actuellement avec les drones", appuie auprès de la ZDF Verena Jackson, experte en droit de la sécurité à l’université de la Bundeswehr. D’autres experts, comme le constitutionnaliste Matthias Herdegen, interrogé par Der Spiegel, estiment que le terme de "défense" utilisé dans la constitution est "élastique" et peut être adapté à différentes situations de conflits.
Reste que pour le moment, seule la police est habilitée à contrer les survols de drones constatés en Allemagne, note la Taggeschau. L’armée peut venir en "soutien administratif" à la police, comme ce fut le cas à l’aéroport de Munich. La ministre de la Justice sociale-démocrate, Stefanie Hubig, en avait profité pour avertir l’armée : "Les opérations de la Bundeswehr à l’intérieur du pays ne sont autorisées que dans des limites très étroites, et ce pour de bonnes raisons. Et cela doit rester ainsi", avait déclaré la ministre auprès du journal Die Welt. La nature hybride des attaques met à mal les garde-fous démocratiques de la constitution allemande et pourrait justifier une modification de son contenu, plaident plusieurs juristes et politiques.
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