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Droits de douane : le nouveau geste d’apaisement de la Chine envers les Etats-Unis

La Chine a annoncé mercredi 5 novembre prolonger d’un an la suspension d’une partie des droits de douane imposés aux produits américains en pleine guerre commerciale, pour les maintenir à 10 % dans un nouveau signe d’apaisement entre les deux premières puissances économiques mondiales.

La Chine va aussi "cesser d’appliquer des droits de douane supplémentaires" imposés depuis mars sur le soja et un certain nombre d’autres produits agricoles américains, des mesures qui touchaient durement des milieux favorables au président Donald Trump.

Les droits de douane de 24 % suspendus, ceux de 10 % conservés

La Chine concrétise là des engagements pris par les présidents chinois et américain Xi Jinping et Donald Trump le 30 octobre en Corée du Sud au cours d’un sommet destiné à dissiper des mois de tensions qui ont crispé l’économie mondiale. Elle le fait le lendemain de la signature par Donald Trump d’un décret abaissant de 20 à 10 % une surtaxe douanière infligée à de nombreux produits chinois pour sanctionner ce que les Etats-Unis fustigent comme l’inaction de la Chine contre le trafic de fentanyl.

Cette révision prend effet le 10 novembre, comme les mesures annoncées mercredi par la Chine qui avait clairement indiqué après le sommet du 30 octobre qu’elle agirait en fonction de ce que feraient les Etats-Unis. "Les droits de douane de 24 % sur les biens américains restent suspendus, et des droits de douane de 10 % sur les marchandises américaines restent en vigueur", indique un communiqué publié sur le site du ministère des Finances.

La Chine avait annoncé en avril des droits de douane supplémentaires de 34 % sur les produits américains en représailles à de nouveaux droits de douane américains sur les exportations chinoises. Elle les avait abaissés à 10 % en mai. La Chine avait aussi décidé en mars d’appliquer des droits de douane de 10 % à des produits américains comme le soja, le porc ou le bœuf, et des droits supplémentaires de 15 % sur le poulet, le blé, le maïs ou le coton.

Elle réagissait là à des droits de douane décrétés quelques jours auparavant par Donald Trump à cause du fentanyl. La Chine est la principale source des précurseurs chimiques utilisés pour produire cet opioïde extrêmement puissant à l’origine d’une grave situation sanitaire aux Etats-Unis.

Une entente fragile

Donald Trump a soufflé sur les braises de la confrontation commerciale déjà engagée sous son premier mandat depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier, invoquant le déséquilibre des échanges commerciaux, le vol de la propriété intellectuelle ou encore les risques pour la sécurité nationale. Les droits de douane américains sur les produits chinois ont atteint un taux moyen allant jusqu’à 164 % mi-avril, selon un rapport du Congrès.

La Chine a répliqué du tac au tac avec ses propres droits, mais aussi par des restrictions sur les terres rares. La Chine est le premier producteur mondial de terres rares, essentielles pour le numérique, l’automobile, l’énergie ou encore l’armement, et dispose là d’un levier primordial.

Les mesures annoncées mercredi à Pékin font suite "au consensus atteint au cours des consultations économiques et commerciales entre la Chine et les Etats-Unis", a dit le ministère chinois des Finances. Ces consultations ont ouvert la voie au sommet du 30 novembre qui a donné le signal d’une détente au moins temporaire.

La Chine a annoncé le même jour suspendre pour un an des restrictions renforcées instaurées peu auparavant sur les terres rares. Ces restrictions avaient provoqué la colère de Donald Trump mais aussi l’émoi de l’Union européenne ou encore du Japon, et aggravé la pression sur les chaînes d’approvisionnement. Les économistes mettent toutefois en garde contre la fragilité de la trêve commerciale scellée le 30 octobre.

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

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De New York à la Californie, Donald Trump essuie une série de revers un an après son élection

Une défaite de plus pour Donald Trump. Le socialiste Zohran Mamdani a remporté mardi 4 novembre la mairie de New York au terme d’une soirée d’élections locales dans lesquelles le président américain a essuyé plusieurs revers, un message de défiance à un an des élections de mi-mandat. "En cette période d’obscurité politique, New York sera la lumière", a lancé le vainqueur de 34 ans à ses partisans réunis dans une salle du centre de Brooklyn, ajoutant que la ville pouvait "montrer à une nation trahie par Donald Trump comment le vaincre".

Victoire des démocrates au New Jersey et en Virginie

Et New York ne semble pas être la seule ville à vouloir porter ce message. Voisin de New York, l’Etat du New Jersey a choisi la démocrate Mikie Sherrill contre l’homme d’affaires républicain Jack Ciattarelli. Cette ancienne pilote d’hélicoptère dans la marine américaine, âgée de 53 ans, est également classée parmi les modérés du Parti démocrate. Elle avait fait campagne sur le coût de la vie, et notamment la hausse des prix de l’électricité, tout en brocardant le soutien apporté par le président républicain à son adversaire, Jack Ciattarelli.

L’Etat a longtemps été considéré comme un bastion démocrate puisqu’il a été dirigé depuis huit ans par un démocrate, le gouverneur Phil Murphy, et n’a jamais été remporté par Donald Trump lors d’une élection présidentielle. Mais le milliardaire républicain y avait considérablement réduit l’écart en 2024, notamment auprès des électeurs hispaniques.

Plus au sud sur la côte est, la Virginie a élu la première femme à sa tête, la démocrate Abigail Spanberger, battant la républicaine Winsome Earle-Sears. Abigail Spanberger partait largement favorite des sondages pour devenir gouverneure de cet Etat dirigé par le républicain Glenn Youngkin ces quatre dernières années mais jamais remporté par Donald Trump lors d’une présidentielle. "La Virginie souffre à cause des politiques de Trump que Sears soutient", accusait ainsi ces derniers jours l’une des dernières publicités lancées par la campagne d’Abigail Spanberger.

"Le Parti démocrate est de retour"

Les Californiens ont eux aussi joué gros hier en approuvant un texte visant à redécouper leur carte électorale en faveur des démocrates. Le président américain veut conserver et consolider la courte majorité républicaine dont il dispose à la Chambre des représentants lors des élections législatives cruciales de mi-mandat, dans un an. Donald Trump a pour cela obtenu en août que le Texas, un Etat très républicain, redessine ses circonscriptions afin d’envoyer l’an prochain cinq élus républicains en plus au Congrès.

En réponse, le gouverneur de Californie Gavin Newsom et ses alliés ont soumis à référendum un texte destiné à donner cinq sièges supplémentaires aux démocrates dans cet Etat largement démocrate. En l’approuvant, les Californiens "ont envoyé un message fort" au "président le moins populaire de l’histoire", s’est félicité le gouverneur, qui s’affirme comme une figure nationale de l’opposition démocrate.

L’enjeu est de taille à l’échelle nationale, les majorités parlementaires se jouant à quelques sièges près. "Les démocrates fument Donald Trump et les républicains extrémistes à travers le pays", s’est de fait réjoui sur X le ténor démocrate Hakeem Jeffries. "Le Parti démocrate est de retour", a ajouté le chef de la minorité à la Chambre des représentants.

Mais pour Donald Trump, ces différentes défaites, un an presque jour pour jour après sa victoire à la présidentielle, ont deux explications : l’absence de son nom sur les bulletins de vote, et l’interminable blocage budgétaire aux Etats-Unis. "Trump n’était pas sur les bulletins de vote, et la paralysie budgétaire, (sont) les deux raisons pour lesquelles les républicains ont perdu les élections ce soir, selon les sondeurs", a écrit le président américain sur son réseau Truth Social. Ce mercredi 5 novembre, les Etats-Unis sont entrés mercredi dans leur 36e jour de paralysie budgétaire, battant ainsi le record du plus long "shutdown" de l’histoire du pays, établi en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump.

© afp.com/Jim WATSON

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Shutdown : les Etats-Unis face à la plus longue paralysie budgétaire de leur histoire

Les Etats-Unis sont entrés mercredi 5 novembre dans leur 36e jour de paralysie budgétaire, battant ainsi le record du plus long "shutdown" de l’histoire du pays, au moment où les conséquences néfastes pour des millions d’Américains s’étendent de jour en jour.

Depuis le 1er octobre, républicains et démocrates sont incapables de s’entendre pour adopter un nouveau budget et à minuit heure de Washington dans la nuit de mardi à mercredi, le "shutdown" a dépassé la précédente marque de 35 jours, établie en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump. "Je vais être honnête avec vous, je pense qu’aucun d’entre nous ne s’attendait à ce que cela traîne autant en longueur", avait confessé plus tôt mardi le président républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson.

Coïncidence du calendrier, ce record est survenu peu après l’annonce des résultats de plusieurs élections clés, où les démocrates ont signé de larges victoires. La Virginie, avec Abigail Spanberger, et le New Jersey, avec Mikie Sherrill, ont notamment élu des candidates démocrates comme nouvelles gouverneures tandis que New York a choisi le progressiste Zohran Mamdani pour maire. Les Californiens ont eux approuvé un texte visant à redécouper leur carte électorale, en réponse à un mouvement similaire des républicains au Texas.

Autant de scrutins servant de baromètre pour les neuf premiers mois du second mandat de Donald Trump, qui a pointé du doigt la paralysie budgétaire pour expliquer les revers électoraux de son parti. "Trump n’était pas sur les bulletins de vote, et la paralysie budgétaire, (sont) les deux raisons pour lesquelles les républicains ont perdu les élections ce soir, selon les sondeurs", a souligné le président républicain sur sa plateforme Truth Social.

Chômage technique ou travail sans salaire

L’opposition espère désormais pouvoir se servir de ces résultats électoraux comme levier pour faire bouger les lignes de la paralysie budgétaire. Car les effets du blocage se font de plus en plus sentir pour les Américains. Des centaines de milliers de fonctionnaires fédéraux ont été mis au chômage technique, avec un salaire différé, et des centaines de milliers d’autres sont forcés de continuer à travailler, sans paie non plus jusqu’à la fin de la crise. Les aides sociales sont également fortement perturbées.

Donald Trump a juré mardi que puisque le principal programme d’aide alimentaire était à court de fonds, le versement de cette assistance dont bénéficient 42 millions d’Américains serait gelé tant que les "démocrates de la gauche radicale" n’auront pas voté la fin du "shutdown".

La justice fédérale a pourtant ordonné à l’administration de maintenir cette aide et la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, a assuré mardi que le gouvernement se conformerait aux décisions judiciaires. "Les bénéficiaires de l’aide SNAP doivent comprendre qu’il faudra du temps pour recevoir cet argent, parce que les démocrates ont mis l’administration dans une position intenable", a-t-elle ajouté devant la presse.

Positions inamovibles

Dans les aéroports, l’enlisement se fait aussi sentir avec des pénuries de contrôleurs aériens entraînant retards et annulations de vols. Et si la paralysie budgétaire se prolonge au-delà de cette semaine, l’espace aérien américain pourrait être partiellement fermé, a mis en garde mardi le ministre des Transports, Sean Duffy. "Vous verrez un chaos généralisé", a-t-il déclaré, mettant la pression sur l’opposition pour lever le blocage.

Au Congrès, les positions des deux camps ne bougent pas : les républicains proposent une prolongation du budget actuel, avec les mêmes niveaux de dépenses, et les démocrates réclament une prolongation de subventions pour des programmes d’assurance santé à destination de ménages à bas revenus. En raison des règles en vigueur au Sénat, plusieurs voix démocrates sont nécessaires pour adopter un budget même si les républicains y sont majoritaires. Mais Donald Trump rejette toute négociation avec l’opposition sur la santé sans "réouverture" de l’Etat fédéral comme préalable.

Mardi à la mi-journée, le Sénat a rejeté pour la 14e fois la proposition des républicains. Comme depuis le premier vote, seuls trois sénateurs de l’opposition ont voté en faveur.

© afp.com/Alex WROBLEWSKI

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Pourquoi la dépendance de l’Europe à la Chine n’a jamais paru aussi dangereuse

"12 sur une échelle de 0 à 10". C’est la note dithyrambique attribuée par Donald Trump à sa négociation avec son homologue chinois Xi Jinping, le 30 octobre, en Corée du Sud, qui a permis une trêve commerciale entre les deux superpuissances. Peut-être aurait-il dû utiliser un boulier chinois pour aboutir à un calcul plus juste. Car non seulement l’apaisement pourrait être de courte durée, tant la rivalité sino-américaine est intense, mais Trump a fait nombre de concessions, sans obtenir d’avancée majeure.

Principal soulagement, Pékin a suspendu pour un an ses restrictions sur les exportations de terres rares, dont elle a le quasi-monopole et qui sont cruciales pour le secteur de la high-tech américaine. Dans la foulée, les Européens, eux aussi visés par cette mesure qui aurait paralysé leurs fabricants de moteurs électriques, d’éoliennes ou de missiles, ont également été épargnés. Alors que les 27 craignent d’être les victimes collatérales de la course entre Washington et Pékin pour le leadership mondial, jamais la dépendance à la Chine n’a paru aussi dangereuse.

Xi Jinping n’a cessé de consolider son pouvoir

Car l’empire du Milieu ne craint plus désormais de montrer sa force. "La montée en puissance de la Chine dans tous les domaines (économique, technologique, militaire et diplomatique) n’a fait qu’affermir sa confiance en elle", souligne Alice Ekman, directrice de la recherche de l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne.

D’autant que Xi Jinping n’a cessé en parallèle de consolider son pouvoir – il est sorti encore renforcé d’un récent plénum du Parti communiste qui a fixé comme priorité "des améliorations substantielles en matière d’autonomie scientifique et technologique" sur la période 2026-2030. De fait, contrairement aux autres pays harcelés par des hausses de taxes douanières américaines depuis avril, la Chine ne s’est pas couchée. Mieux, en rendant coup pour coup, elle a prouvé qu’elle boxait dans la même catégorie et pouvait faire reculer le leader mondial en ciblant ses faiblesses.

L’ambition de plus en plus affirmée de la Chine, qui veut remodeler l’ordre international selon ses intérêts, a des répercussions sur l’Europe. Sa percée tous azimuts s’incarne à présent dans des marques connues, comme le prouvent l’installation controversée de la marque de fast fashion Shein dans le bâtiment amiral du BHV, à Paris, l’engouement pour les figurines en peluche Labubu ou la popularité du réseau social TikTok.

L’UE tente de se protéger

Redoutant de voir la Chine écouler ses surcapacités de production sur le Vieux Continent, l’Europe, dont le déficit commercial avec le géant asiatique se creuse, tente de se protéger en imposant des normes strictes ou en taxant certaines marques de voitures électriques chinoises, au grand dam de Pékin.

Ces tensions commerciales s’ajoutent à de graves divergences géopolitiques : le soutien diplomatique et économique de la Chine à la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine a particulièrement refroidi les Européens. Ce qui n’empêche pas Pékin de chercher à éloigner l’UE des Etats-Unis, en arguant que l’Amérique n’est plus un partenaire fiable. "La Chine souhaite voir l’Europe adopter une approche plus pragmatique à son égard, compatible avec le nouvel équilibre des pouvoirs", résume Yun Sun, du Stimson Center, à Washington.

Pour l’heure, l’UE, trop divisée et en retard en matière d’innovation, se trouve en position de faiblesse, face à des "hommes forts" américain et chinois bien déterminés à "rendre leur grandeur" à leur pays. Il serait temps qu’elle se prépare elle aussi à un véritable rapport de force.

© afp.com/Handout

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