Mercosur: le report de l'accord avec l'Amérique du Sud fragilise-t-il l'image de l'Union européenne?

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Emmanuel Macron a-t-il été jaloux des téléspectateurs qui posent des questions pendant des heures au président russe lors de sa conférence de presse de fin d'année, le 19 décembre ? Sans doute pas, tant ses conversations passées avec Vladimir Poutine étaient éprouvantes, ce dernier déroulant d'interminables monologues sur les origines historiques de la guerre en Ukraine.
Revigoré par l'accord européen qui a débloqué 90 milliards d'euros pour l'Ukraine, le chef de l'Etat français, tant critiqué pour avoir maintenu des échanges stériles avec Poutine jusqu'en septembre 2022, plus de six mois après le début de l'invasion, estime désormais qu'il va "redevenir utile de parler" à Poutine.
La raison ? Il juge peu efficace que les Européens discutent entre eux, et que des émissaires américains aillent ensuite de leur côté négocier avec Poutine. A juste titre. D'autant que ces tractations se font sur la base d'un plan largement inspiré par le Kremlin. De fait, malgré des discussions à Miami entre Russes et Américains et la visite de Jared Kushner (le gendre de Trump) et de Steve Witkoff (son envoyé spécial) à Moscou, les discussions ne progressent pas significativement.
Moscou a assuré en retour ce week-end être "prêt au dialogue" avec son homologue français. Mais pour quoi faire ? Il y a fort à parier que Poutine ne bougera pas d’un pouce. Lors de l'émission sus-citée, il a répété que la Russie n’avait "pas commencé" la guerre (un message régulièrement repris par Donald Trump). Et son chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov, a fustigé la proposition des Européens de créer une "force multinationale" pour défendre l'Ukraine.
Peu soucieux de la démocratie dans son pays, Poutine se dit en revanche prêt à cesser momentanément ses frappes en profondeur pour que des élections se tiennent en Ukraine. Dans l’espoir irréaliste de faire émerger un candidat pro russe ? Bon courage à Macron s’il reparle à Poutine. En attendant, face à un interlocuteur intransigeant qui ne respecte que la force, le plus utile est de continuer à armer l’Ukraine et d'investir davantage dans la Défense de l'Europe.

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L'officialisation d'un projet évoqué de longue date. Devant plusieurs dizaines de soldats français en poste aux Emirats arabes unis, Emmanuel Macron a confirmé, dimanche 21 décembre, le début de la construction d'un nouveau porte-avions de nouvelle génération (PANG). L'objectif ? Remplacer d'ici à 2038 l'actuel navire Charles de Gaulle, mis en service il y a plus de vingt ans, en 2001. "La décision de lancer en réalisation ce très grand programme a été prise cette semaine", a ajouté le président français face aux militaires. Le projet, envisagé depuis le premier mandat de chef de l'Etat, a en effet été entériné en comité ministériel d'investissement il y a quelques jours.
En dépit d'un budget 2026 toujours bloqué au Parlement, l'exécutif s'efforce d'afficher sa forte volonté d'investissement en matière de défense. Après l'annonce de la création d'un service militaire volontaire (SMV) dès la rentrée prochaine, le lancement des opérations de fabrication de ce nouveau porte-avions s'inscrit dans cette logique. Un enjeu d'autant plus stratégique que plusieurs puissances (Chine, Inde, Etats-Unis...) prévoient d'augmenter leur flotte de navires de ce type dans les prochaines années, dans un contexte de tension mondiale accrue. "A l’heure des prédateurs, nous devons être forts pour être craints", a ainsi justifié Emmanuel Macron dimanche. Une déclaration qui fait écho à l'engagement de la France d'augmenter ses dépenses militaires et de sécurité à hauteur de 5 % du PIB d'ici à 2035, comme promis lors du dernier sommet de l'Otan à La Haye (Pays-Bas) en juin dernier.
Toutefois, au-delà de la nécessité d'accroître ses capacités de défense, la France fait aussi face à des comptes publics dans le rouge ces dernières années. Avec un autre cap dessiné par le Premier ministre, Sébastien Lecornu : le maintien du déficit de l'Etat sous les 5 % du PIB en 2026. Un tel projet de porte-avions, forcément coûteux, est-il compatible avec cette marge de manœuvre réduite au niveau budgétaire ? Lors de son discours, le président de la République a rappelé que ce chantier avait déjà été prévu les deux lois de programmation militaire (LPM) votées par les députés et sénateurs depuis son accession à l'Elysée.
Dans le détail, la LPM 2019-2025 a d'abord financé plusieurs études et programmes visant à préparer la succession du Charles de Gaulle, explorant un large panel de pistes possibles pour remplacer l'emblématique navire français. Votée en 2023, la seconde loi de programmation militaire – qui prévoit une enveloppe totale de 413,3 milliards d'euros de budget pour l'armée française sur la période de 2024 à 2030 - planifie cette construction. Coût estimé des travaux : plus de 10 milliards d'euros. Une "autorisation d'engagement" a été adoptée par le Parlement en ce sens dans le budget de l'Etat 2025, voté l'hiver dernier. Depuis, NavalGroup et les Chantiers de l'Atlantique ont été chargés de mener les opérations.
Au total, 800 fournisseurs devraient être mobilisés pour développer ce nouveau porte-avions. Dans ces circonstances budgétaires malgré tout incertaines, Emmanuel Macron s'est dit "garant" des engagements de l'Etat vis-à-vis de ces entreprises. Néanmoins, les dépenses de l'exécutif devraient pour le moment rester limitées. Comme relevé par Le Monde, si plus de 7 milliards d'euros de contrats ont été anticipés dans le cadre du PLF 2025, la plupart des sommes dues par l'Etat ne devraient être réglées qu'après 2027. Ainsi, à peine plus de 320 millions d'euros ne seraient déjà payés par les pouvoirs publics d'ici à cette échéance.
Plusieurs interrogations demeurent toutefois sur plusieurs pans du financement de ce porte-avions. "L'enjeu est de maintenir l'effort financier sur la durée, c'est un projet qui pourra difficilement s'accommoder de changements de portage budgétaire", soulignait mi-novembre, auprès de l'AFP, une source proche du dossier. Aujourd'hui Premier ministre, Sébastien Lecornu, avait d'ailleurs souligné lors des débats parlementaires sur la LPM 2024-2030 le coût important de la construction d'un porte-avions en France. "On se paie notre autonomie française", avait-il déclaré, alors en tant que ministre des Armées, lors d'une audition au Sénat. "Forcément, si on achetait américain, ça coûterait moins cher. Il faut aussi mettre les pieds dans le plat."
De manière plus spécifique, le financement d'un troisième rail de catapulte sur ce PANG – contre seulement deux aujourd'hui disponibles sur le Charles de Gaulle – pose aussi question. Cité par l'AFP, le député (Renaissance) et rapporteur du budget de la Marine à l'Assemblée nationale, Yannick Chenevard, indique que cette nouveauté serait aujourd'hui financée par une partie des 3,5 milliards d'euros rajoutés par Emmanuel Macron au budget des armées l'an prochain. Or, cette enveloppe, annoncée en juillet dernier par le président et intégrée depuis au projet de loi de finances 2026, n'a toujours pas été approuvée par les parlementaires. Une autre rallonge de 3 milliards d'euros, cette fois planifiée pour 2027, devra attendre l'examen d'un autre texte de loi dans les prochains mois pour être totalement actée.
Cette "surmarche" budgétaire prévue pour 2026 par le gouvernement ne devrait cependant pas susciter une trop importante opposition en cas d'accord sur le reste du budget. Le 10 décembre dernier, Sébastien Lecornu a fait approuver le "principe d’une augmentation du budget" de défense pour l'année prochaine. Une volonté validée largement par les députés lors du vote (411 voix pour, 88 contre, 22 abstentions). Mais ce scrutin, sans aucune valeur contraignante, ne se substitue pas à l'adoption d'un PLF en tant que tel. Une issue désormais espérée par le gouvernement en début d'année prochaine, faute de compromis en commission mixte paritaire entre députés et sénateurs.

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