Aide à l'Ukraine: Emmanuel Macron "confiant" dans la capacité de l'UE à trouver une solution
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Une colonne de chars dévale une avenue fantomatique où la vie a déserté. Seul, au milieu de la route, un homme se tient debout, un sac de courses à la main. L’inconnu est déterminé à empêcher les véhicules de poursuivre leur course meurtrière : nous sommes le 5 juin 1989, à Pékin, et la veille, des milliers de manifestants contre le régime chinois ont été massacrés dans les rues. Le blindé de tête tente de contourner l’individu, mais celui-ci refuse de bouger. La scène, immortalisée par les photographes Jeff Widener et Charlie Cole, est devenue l’un des symboles de la résistance face à la répression du soulèvement de Tiananmen. De cet anonyme (baptisé "tank man"), et de centaines de disparus, on ne sait toujours pas aujourd’hui ce qu’il est advenu - le massacre demeurant un tabou.
Mais un document ayant fuité ces dernières semaines en Chine nous permet de mieux comprendre les coulisses de cet épisode sanglant de l’histoire. Il s’agit des vidéos inédites du procès de Xu Qinxian, un général devenu célèbre pour avoir refusé d’ouvrir le feu sur les étudiants qui manifestaient contre Deng Xiaoping. Pendant des années, les motivations de cet officier, décédé en 2021 à l’âge de 85 ans, sont restées floues. Mais ces enregistrements, maintenus jusqu’ici secrets, nous donnent des indications sur la manière dont a été prise la décision de décréter la loi martiale, et les désaccords suscités au sein du commandement chinois de l’époque.
Lors de son audience devant une cour martiale en 1990, l’ancien général de la 38e armée (une force d’élite de l’Armée de libération populaire) a ainsi déclaré avoir agi par "jugement professionnel". Pour le général, envoyer des troupes armées contre des civils engendrerait le chaos et un bain de sang. "J’ai expliqué que celui qui accomplirait bien cette tâche pourrait être un héros [mais] celui qui l’accomplirait mal deviendrait un pécheur au vu de l’Histoire", s’est justifié Xu.
On comprend également, dans ces enregistrements de six heures, que les dirigeants chinois ont secrètement élaboré et transmis les plans de la loi martiale et tenté de calmer toute vague au sein de l’Armée populaire de libération. Les ordres ont ainsi été transmis à l’oral aux généraux, convoqués individuellement, afin de ne pas pouvoir se concerter ou exprimer d’opposition.
En effet, le 18 mai 1989, alors que des étudiants occupent la place Tiananmen depuis plusieurs semaines, le gouvernement chinois de Deng Xiaoping envisage déjà la solution forte. "J’ai dit que j’avais des désaccords à ce sujet. Les manifestations devraient être résolues principalement par des moyens politiques, et non par la force".
Xu Qinxian explique que, si bien l’armée devait rendre des comptes aux dirigeants du Parti communiste chinois, la décision de décréter la loi martiale devait, selon lui, passer par une instance plus large, comme l’Assemblée législative. A l’époque, un secteur plus modéré de parlementaires espérait, en effet, pouvoir encore enrayer le carnage, et trouver une issue politique à la crise. A ce sujet, les dirigeants du Parti communiste, notamment Xi Jinping, ont d’ailleurs depuis "condamné l’idée d’une armée nationale, la considérant comme une menace pour le contrôle du Parti sur les forces armées", note le New York Times.
Sous la pression de ses supérieurs, le général Xu avait fini par transmettre les détails de la loi martiale à un de ses collègues de la 38e armée, tout en réitérant ses désaccords. Il avait ensuite été condamné à cinq ans de prison. La vidéo de son procès partagée sur YouTube, site bloqué en Chine, a suscité un vif intérêt, avec plus d’un million de vues sur une seule chaîne.
Et pour cause, ce massacre demeure l’un des plus grands scandales politiques de l’Histoire récente de la Chine. On ne connaît pas, par exemple, le nombre exact de victimes : en 1989, les autorités chinoises avaient publié un rapport indiquant que "plus de 3 000 civils avaient été blessés et plus de 200, dont 36 étudiants, avaient perdu la vie dans les émeutes". Mais des témoins, dont l’ambassadeur du Royaume-Uni de l’époque, avait estimé à au moins "dix milliers" le nombre de morts. Chaque année, des proches de victimes, des rescapés et des défenseurs des droits humains, rassemblés au sein des Mères de Tiananmen, continuent ainsi de demander vérité et réparation à l’Etat chinois.

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Le gouvernement américain a approuvé la deuxième vente d'armes à Taïwan depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, pour une valeur de 11,1 milliards de dollars face à la menace chinoise, a annoncé Taipei jeudi 18 décembre. Il s'agit de la vente la plus importante depuis 2001, lorsque George W. Bush avait validé la livraison 18 milliards de dollars d'armes à Taïwan.
Le président taïwanais Lai Ching-te a annoncé le mois dernier que son gouvernement allait proposer 40 milliards de dollars de dépenses de défense supplémentaires sur plusieurs années, alors que l'île tente de se prémunir contre une potentielle invasion chinoise. Les huit contrats annoncés jeudi portent sur des systèmes de missiles Himars, des obusiers, des missiles antichars, des drones et des pièces détachées pour d'autres équipements, selon le ministère taïwanais des Affaires étrangères.
"Il s'agit de la deuxième vente d'armes à Taïwan annoncée au cours du second mandat de l'administration Trump, démontrant une fois de plus l'engagement ferme des Etats-Unis envers la sécurité" de l'île, a souligné cette source. Validée par le département d'Etat américain mais en attente de l'approbation du Congrès, la vente devrait entrer en vigueur dans environ un mois, selon le ministère taïwanais de la Défense. Le Yuan législatif, parlement monocaméral de l'île contrôlé par l'opposition formée par le Kuomintang (KMT) et son allié le Parti populaire de Taïwan (PPT), doit également approuver ces contrats.
Les Etats-Unis ne reconnaissent pas officiellement le statut d'Etat à Taïwan mais demeurent le principal partenaire et fournisseur d'armes de l'île. En 2019, Washington avait approuvé pour 10 milliards de dollars de vente, dont 8 pour des avions de combat. La Chine revendique Taïwan comme faisant partie de son territoire, et n'écarte pas de recourir à ses forces armées pour s'en emparer, soumettant l'île à une forte pression militaire, économique et diplomatique.
Lai Ching-te Il a évoqué des projets d'augmentation des dépenses de défense à plus de 3 % du PIB en 2026, et de 5 % à horizon 2030, répondant aux demandes américaines en ce sens. Bien que Taïwan dispose de sa propre industrie de défense, le territoire reste fortement dépendant des armes américaines face à la puissance de feu chinoise.
Washington avait approuvé en novembre une première vente d'armes à Taïwan portant sur "des composants, des pièces de rechange et des accessoires, ainsi qu'un soutien pour la réparation et le retour des avions F-16, C-130 et Indigenous Defense Fighter (IDF)" pour un montant de 330 millions de dollars, selon une déclaration publiée par l'Agence de coopération pour la sécurité de la défense des Etats-Unis.
La Chine déploie presque quotidiennement des avions militaires et des navires de guerre autour de Taïwan, ce que les experts et le gouvernement taïwanais qualifient de tactiques de "zone grise", des manœuvres coercitives qui ne constituent pas pour autant des actes de guerre.
Le ministère taïwanais de la Défense a déclaré que 40 avions militaires chinois, dont des chasseurs, des hélicoptères et des drones, ainsi que huit navires de guerre, avaient été détectés autour de Taïwan entre mercredi et jeudi matin. Selon les autorités taïwanaises, le troisième et plus récent porte-avions de Pékin, le Fujian, a traversé mardi le détroit de Taïwan.

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