Sept morts dans le crash d'un avion privé aux États-Unis, dont un pilote automobile professionnel issu du circuit Nascar

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Les petits cochons se sont montrés plus malins que le grand méchant loup. Traités avec mépris de "porcelets" par Vladimir Poutine à la veille de leur réunion, qualifiés par Donald Trump de "gens qui parlent mais ne décident rien", les dirigeants européens ont pris ce vendredi 19 décembre les décisions qui s’imposaient pour affirmer leur autonomie stratégique et garantir à l’Ukraine les moyens financiers de résister à l’agression russe pendant encore au moins deux ans.
En s’entendant pour lever un emprunt de 90 milliards d’euros au bénéfice de l’Ukraine, l’Union européenne fait d’une pierre trois coups :
- elle affiche, à destination de Moscou et Washington, sa capacité de décision et donc sa capacité d’influence, à un moment crucial dans les efforts diplomatiques pour obtenir un cessez-le-feu ;
- elle maintient la pression sur la Russie en signalant que son soutien à l’Ukraine est inébranlable ;
- elle rassure les autorités ukrainiennes, qui allaient être à court d’argent au second trimestre 2026, ce qui aurait pu les contraindre à accepter des conditions de paix humiliantes et désastreuses pour elles-mêmes et pour l’Europe entière. "Ensemble, nous défendons l’avenir de notre continent", s’est félicité Volodymyr Zelensky. Car depuis la défection de Donald Trump, qui a cessé toute aide financière à l’Ukraine, l’UE est devenue le principal soutien de Kiev.
Le Conseil européen, ce n’est qu’une demi-surprise, a décidé de renoncer à utiliser les avoirs souverains russes gelés dans l’Union. Concrètement, l’argent sera emprunté sur les marchés des capitaux. Il sera prêté gratuitement à l’Ukraine. L’UE prendra à sa charge le paiement des intérêts mais la Hongrie, ainsi que la République tchèque et la Slovaquie, ont obtenu d’être exemptées de ces paiements, en échange de leur ralliement à la proposition.
Au bout du compte, le contribuable européen devra donc mettre la main à la poche, alors que la solution des avoirs russes aurait été gratuite, mais aussi pleine de risques politiques et financiers. L’UE y a renoncé devant l’opposition ferme de la Belgique, qui détient la plus grosse part de ces avoirs, et les réticences d’autres Etats membres, notamment la France, l’Italie et la Hongrie. Principal tenant de l’emploi des dépôts russes, le chancelier allemand Friedrich Merz a fait contre mauvaise fortune bon cœur. "L’impact de la décision sera similaire à celui de la solution que nous avions discutée et qui était clairement trop compliquée" a-t-il reconnu.
Les avoirs de Moscou ne sont pas oubliés pour autant. La question pourrait revenir sur la table au moment où l’Ukraine devra rembourser le prêt. Si, ce qui est probable, Kiev ne reçoit pas d’ici là de réparations pour dommages de guerre de la part de la Russie, alors l’Union européenne se réserve le droit de puiser dans les avoirs pour se rembourser elle-même. En attendant, elle a décidé que ces sommes resteraient gelées.
En octobre, l’UE avait promis de couvrir quoi qu’il arrive les besoins financiers de l’Ukraine pour 2026 et 2027. "Nous avons tenu promesse", s’est félicité le président du Conseil, le portugais António Costa. "L’Ukraine ne remboursera cette somme que lorsque la Russie aura payé des réparations". En outre, les sanctions européennes contre Moscou sont prolongées pour 2026 et devraient être renforcées en janvier avec l’adoption d’une vingtième série de mesures. L’objectif, a rappelé Costa, n’est pas de prolonger la guerre mais "de parvenir à une paix juste et durable en Ukraine, et pour cela d’amener Poutine à reconnaître qu’il ne peut pas gagner et qu’il doit venir s’asseoir sérieusement à la table des négociations".
La Russie a conquis un peu plus de 1 % du territoire ukrainien en quatre ans de guerre, au prix du sacrifice de plus d’un million de soldats russes tués ou blessés. Avec les territoires qu’elle avait capturés en 2014, elle occupe quelque 20 % de l’Ukraine. Mais Poutine réclame plus pour arrêter son agression, et les Etats-Unis, au grand dam de beaucoup de dirigeants européens, ont abondé dans son sens.
Dans ce contexte difficile, l’emprunt n’est peut-être pas une solution idéale mais un prolongement de l’impasse aurait été désastreux. Il aurait condamné l’Ukraine à vivre d’expédients sans plus pouvoir acheter armes et munitions ; il aurait encouragé Poutine à continuer à anticiper l’effondrement de l’Occident ; il aurait donné de nouveaux arguments à tous ceux qui misent sur l’impuissance de l’Europe. Malgré les prédictions des prophètes de malheur, les petits cochons européens ont encore de la ressource.

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Ce sont de vieux tankers, au pavillon fluctuant et à la propriété peu claire. Des pétroliers clandestins, acquis par la Russie pour transporter et vendre son pétrole à travers le monde et contourner ainsi les sanctions européennes prises à la suite de la guerre en Ukraine. Cette flotte fantôme russe, que les Européens tentent pourtant d’entraver, servirait également Moscou à des fins d’espionnage, selon plusieurs services de renseignement occidentaux.
Selon la chaîne américaine CNN, la présence à bord de ces tankers, depuis plusieurs mois, d’hommes liés aux services secrets et à l’armée russes inquiète les Européens. Plusieurs d’entre eux appartiennent à la société Moran Security, une entreprise privée de sécurité liée à l’armée et aux renseignements russes. Enregistrée en Russie et à Bélize, elle propose ses services dans le domaine de la logistique internationale, de la sécurité maritime ou des renseignements. Moran Security aurait également fourni des services à des milices privées, notamment le groupe paramilitaire Wagner, ajoute CNN, qui cite "plusieurs sources au sein des renseignements". La société dit d’ailleurs recruter des "officiers retraités ou encore en activité" ayant servi dans les forces spéciales. Elle figure sur une liste de sanctions du Trésor américain depuis 2024 pour avoir fourni des "services armés" à des entreprises publiques russes. Et depuis environ six mois, ses hommes sont placés sur plusieurs pétroliers de la flotte fantôme russe et sont souvent les seuls nationaux Russes à bord.
La présence de ces hommes parfois armés et liés aux forces russes sur ces bateaux clandestins attire de plus en plus l’attention des Européens au regard de l’armada de bateaux fantômes de la Russie, soit plusieurs centaines. Nombre d’entre eux traversent les eaux européennes, de la mer Baltique à la Manche en passant par la mer du Nord, mais également en mer Noire. Ces hommes pourraient prendre des photos des installations militaires européennes et surtout, ils semblent être chargés de surveiller le reste de l’équipage.
En témoignent les observations des marins danois et suédois, qui voient passer un grand nombre de tankers fantômes le long de la mer Baltique. Certains disent observer la présence à bord de ces bateaux de Russes qui semblent "avoir davantage de pouvoir que le capitaine lui-même", rapporte CNN. Ces membres supplémentaires, ajoutés à la liste d’équipage peu avant le départ du bateau, vont parfois jusqu’à porter des uniformes militaires et photographier certaines zones, notamment des ponts, selon le service de pilotage de l’Etat danois, DanPilot.
Un de ces navires clandestins a récemment attiré l’attention des autorités européennes, et notamment françaises. Il s’agit du Boracay, aussi connu sous le nom de Pushpa, qui figure sur la liste des sanctions européennes pour son appartenance à la flotte fantôme russe. Il bat pavillon du Bénin. Le bateau avait fait les gros titres en France au mois d’octobre en stationnant au large de la Bretagne, avant d’être arraisonné par les autorités françaises. Selon CNN, deux Russes - les seuls de cette nationalité à bord - y ont embarqué le 20 septembre dernier en qualité de "techniciens", mais leur activité à bord du navire demeure floue. L’un d’eux aurait travaillé pour Wagner, selon des sources occidentales. Interrogé par CNN, Alexey Badikov, le PDG de Moran Security, a indiqué "ne pas être en position de confirmer" que ces deux hommes travaillaient pour sa société.
Outre ses nombreux changements de pavillon, le navire a fait l’objet d’une surveillance rapprochée de la part des Européens, qui le soupçonnent d’être impliqué dans des survols de drones au-dessus du Danemark. Le Boracay longeait en effet les côtes danoises lorsque des survols de drones avaient perturbé le trafic de l’aéroport de Copenhague et approché des bases militaires. Le bateau, qui transportait "une importante cargaison de pétrole" de la Russie vers l’Inde, avait finalement été arraisonné par la France. Et ce, en raison "des incohérences présentées par le pétrolier quant à sa nationalité" et son "absence de pavillon", selon le procureur de Brest.
Aucun drone n’avait été trouvé à bord, selon CNN. Badikov, de Moran Security, a opposé quant à lui à la chaîne le fait qu’il serait "complètement fou" de lancer des drones depuis un pétrolier. "C’est techniquement dangereux", a-t-il ajouté. Vladimir Poutine avait par ailleurs qualifié de "piraterie" l’arraisonnement du bateau. "Visiblement, ils cherchaient quelque chose, des marchandises militaires, des drones, ou des choses comme ça. Mais il n’y a rien de ça là-bas", avait-il justifié, ajoutant qu’il ne "[savait] pas dans quelle mesure il est lié à la Russie". De quoi rendre difficile, pour les Européens, de prouver la présence de Russes aux liens étroits avec Moscou à bord de ces bateaux… et leur utilisation à des fins de guerre hybride pour déstabiliser l’Europe.

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