« Better to buy than compete »
Le procès de Meta s’est ouvert le 14 avril à Washington. L’entreprise est accusée par la FTC d’avoir acheté Instagram et WhatsApp pour étouffer toute concurrence.
Meta a-t-il racheté Instagram et WhatsApp pour tuer toute compétition ? Telle est la thèse défendue ce 14 avril par Daniel Matheson, avocat du gendarme états-unien de la concurrence, la Federal Trade Commission, devant le tribunal de Washington.
Le procès, dont les débats doivent durer deux mois, s’ouvre à la suite d’une plainte initialement déposée en 2020, sous le premier mandat de Donald Trump. D’abord rejetée par le juge James Boasberg car mal argumentée, sa reformulation a été acceptée en janvier 2022, alors que Joe Biden présidait les États-Unis.
Dedans, la FTC accuse Meta d’avoir racheté Instagram en 2012 et WhatsApp en 2014, respectivement pour 1 et 19 milliards de dollars, afin de créer un monopole – la FTC considère d’ailleurs que le montant concédé pour l’achat d’Instagram était surévalué, et de nature à neutraliser un concurrent en pleine ascension.
Enjeux de taille
Meta a beaucoup à perdre dans ce procès, souligne Le Monde : en 2024, grâce à son modèle essentiellement publicitaire, elle réalisait 62 milliards de dollars de bénéfice net après impôts, ce qui représentait 38 % de son chiffre d’affaires. Sa valorisation de l’ordre de 1 380 milliards de dollars en Bourse fait de Mark Zuckerberg le troisième homme le plus riche du monde, derrière Elon Musk et Jeff Bezos.
En 2025, d’après le cabinet Emarketer cité par la BBC, Instagram devrait compter pour plus de la moitié du chiffre d’affaires réalisé par Meta aux États-Unis. Mais si la FTC convainc le juge, la société pourrait être contrainte au démantèlement.
Premier témoin appelé à la barre, son fondateur a été interrogé lundi au sujet d’un mémo de 2011, dans lequel il s’inquiétait des résultats de son application face au nouvel arrivant de partage de photo qu’était Instagram. S’il explique avoir investi dans le produit après son rachat, donc avoir participé à son évolution, la FTC considère qu’il est difficile d’être « plus littéral » que cette vision, énoncée par Zuckerberg en 2008 : « Mieux vaut acheter que rivaliser ». Ce mardi, ce dernier est de nouveau appelé à la barre.
Périmètre de marché et crédibilité de la FTC
Parmi les enjeux à trancher, celui du périmètre de marché à considérer pour établir si Meta est en situation de monopole. Si la FTC cherche à ne considérer que les réseaux sociaux « personnels », c’est-à-dire mettant en relation familles et amis, et dans lesquels elle range Facebook, Instagram, WhatsApp et Snapchat, Meta est en désaccord.
Mark Hansen, l’avocat de l’entreprise, a d’ailleurs utilisé la réaction des internautes au bref blocage de TikTok pour décrire la vitalité du secteur. Au moment de la suspension, le trafic d’Instagram avait bondi de 17 % et celui de Facebook de 20 %. Et l’entreprise de lancer, dans un communiqué : « Les preuves présentées au procès démontreront ce que chaque adolescent de 17 ans sait : Instagram est en concurrence avec TikTok (et YouTube, et X et beaucoup d’autres applications). »
La société s’attaque par ailleurs à la crédibilité de l’institution, précisant que la FTC n’avait pas empêché les rachats à l’époque de leur réalisation. Alors que le gendarme de la concurrence tente d’empêcher l’arrêt de TikTok, après avoir ordonné sa cession à des acteurs états-uniens, Meta avance par ailleurs : « Il est absurde que la FTC cherche à démanteler une grande entreprise américaine alors même qu’elle essaie de sauver l’entreprise chinoise TikTok. »
Le procès se déroule dans un contexte politique tendu, Donald Trump ayant supprimé l’indépendance de plusieurs agences états-uniennes par décret en février. La FTC fait partie des institutions visées, de même que la Fédéral Communications Commission (FCC) et la Securities and Exchange Commission (SEC).
D’après le Wall Street Journal, Mark Zuckerberg a d’ailleurs personnellement rencontré le président des États-Unis pour tenter d’obtenir l’abandon du procès. L’entrepreneur et ses équipes se sont entretenus trois fois avec Donald Trump depuis le début de son mandat, après avoir implémenté d’importants changements de politiques allant dans son sens (suspension de modération, paiement de 25 millions de dollars pour avoir suspendu le compte du président en janvier 2021, etc).