A 40 ans, Mohammed ben Salmane ne se déplace pas si facilement. Ces derniers mois, le prince héritier saoudien multiplie les faux bonds : il n’était pas à New York, en septembre, pour la conférence sur la Palestine qu’il coprésidait avec Emmanuel Macron. Il n’était pas non plus à Charm el-Cheikh, en octobre, pour assister à la conclusion du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, aux côtés du gratin des dirigeants arabes et européens. En coulisses, certains diplomates occidentaux lient ses absences répétées à la santé fragile de son père de 89 ans, le roi Salmane, dont la mort pourrait ouvrir une lutte de succession, en l’absence physique de son héritier. Tous s’accordent, aussi, pour désigner MBS comme le plus imprévisible des dirigeants.
Ce mardi 18 novembre, le prince saoudien ne ratera toutefois pas son rendez-vous à la Maison-Blanche. MBS n’a pas remis les pieds aux Etats-Unis depuis le meurtre de Jamal Kashoggi, opposant saoudien et chroniqueur du Washington Post, dans le consulat d’Istanbul en octobre 2018. Les renseignements américains le jugent responsable de l’assassinat, mais son statut de Premier ministre d’Arabie saoudite le protège de toute arrestation à Washington. D’autant que Donald Trump joue de sa proximité avec ce jeune prince si riche, à qui il a réservé le premier voyage de son second mandat, en mai dernier. "MBS revient à Washington avec le statut de pilier de la politique américaine au Moyen-Orient, souligne Michael Wahid Hanna, directeur du programme Amérique à l’International Crisis Group. Il est un interlocuteur clé de l’administration Trump sur de nombreux dossiers prioritaires, dont Gaza, le Liban, la Syrie, l’Iran et le Soudan."
Avec cette visite à Washington, Trump réhabilite en grande pompe ce prince que Joe Biden avait qualifié de "paria" en 2020. Pour l’occasion, MBS se déplace avec une cour de 1 000 personnes, d’après Al-Arabiya, et devrait annoncer des investissements pharaoniques dans l’industrie américaine. Des accords sur le nucléaire civil, l’intelligence artificielle et les avions de chasse F-35 flottent aussi dans l’air. Le souverain saoudien va-t-il, pour autant, satisfaire tous les désirs de son hôte du jour ? Peu probable.
La normalisation Israël-Arabie saoudite, priorité de Trump
Le président américain rêve ouvertement de ce qu’il appelle "le deal du siècle" : la normalisation des relations diplomatiques entre Israël et l’Arabie saoudite, gardienne des lieux saints de l’Islam. Un tel coup diplomatique ouvrirait la voie à une reconnaissance de l’Etat hébreu par l’ensemble du monde arabo-musulman. "C’était déjà un objectif de Trump lors de son premier mandat, ça l’était pour Joe Biden pendant quatre ans et cela reste une priorité du second mandat de Trump, affirme Julie Norman, professeure de relations internationales à l’University College London. Apparemment, les Saoudiens restent ouverts à cette possibilité mais ils y mettent bien davantage de conditions à présent, surtout vis-à-vis des Palestiniens."
Sur ce dossier, comme tant d’autres, le 7 octobre 2023 a tout changé : dans sa guerre contre le Hamas, Israël a rasé 80 % de la bande de Gaza et tué plus de 67 000 personnes (d’après le ministère de la Santé lié au Hamas), mettant à cran les sociétés arabes. MBS, qui caressait l’idée d’un rapprochement officiel avec Israël en septembre 2023 lors d’une interview sur Fox News, a dû faire marche arrière. Après un long silence, le prince saoudien est allé jusqu’à qualifier de "génocide" l’action d’Israël à Gaza. "Avec son optimisme habituel, Trump a annoncé une normalisation Israël - Arabie saoudite d’ici la fin de l’année… De manière réaliste, ce ne sera pas le cas", estime Julie Norman.
La semaine dernière, Michael Ratney, ambassadeur des Etats-Unis à Riyad de 2023 à début 2025, racontait au think tank CFIS comment cette idée avait surtout pris forme en 2022, "alors que les relations américano-saoudiennes étaient au plus bas" : pour relancer le partenariat historique entre les deux pays, il fallait un accord global incluant une défense militaire mutuelle, le développement du nucléaire civil en Arabie saoudite et une reconnaissance saoudienne d’Israël. Mais l’attaque terroriste du 7 octobre et la guerre qui a suivi ont, selon lui, repoussé l’échéance. "Après le début de la guerre à Gaza, qui a imposé cette catastrophe si horrible et si visible aux Palestiniens, il est devenu de plus en plus difficile pour les Saoudiens d’avancer sur cette question, explique le diplomate américain. Bien sûr, la normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite aurait d’énormes avantages pour tout le monde, mais cette idée reste impopulaire chez les citoyens saoudiens, ce que leurs dirigeants savent bien."
Tant que Netanyahou sera là…
Contrairement aux Emirats arabes unis ou à Bahreïn, deux pays du Golfe qui ont normalisé leurs relations avec Israël en 2020, l’Arabie saoudite doit tenir compte de son opinion publique, avec 35 millions d’habitants qui ne sont pas tous millionnaires… Loin de là. "Les Saoudiens ont répété, encore et encore, que ce n’était pas le moment, souligne Michael Ratney. Le cessez-le-feu reste instable à Gaza, le chemin vers la paix est très incertain et les Saoudiens ont des exigences limpides : ils veulent voir l’armée israélienne se retirer complètement de la bande de Gaza — ce qui est loin d’être le cas —, et un engagement clair du gouvernement israélien en faveur d’un Etat palestinien — ce qui n’est pas du tout à l’ordre du jour. Le président Trump a une forte personnalité et une relation personnelle avec MBS suffisante pour que la normalisation avec Israël se produise, mais ce ne sera pas pour bientôt."
Car le principal obstacle à toute normalisation s’appelle Benyamin Netanyahou. Toute sa carrière politique, depuis 1996 et son premier mandat de chef du gouvernement, le Premier ministre israélien a bataillé contre un éventuel Etat palestinien. Il l’a redit dimanche 16 novembre, à la veille de la visite de MBS à Washington : "Notre opposition à un Etat palestinien sur tout territoire à l’Ouest du [fleuve] Jourdain existe, est valable et n’a pas changé d’un iota. Je repousse ces tentatives depuis des dizaines d’années et je continuerai de le faire contre les pressions extérieures et intérieures."
Au-delà de ses propres convictions, la présence de Netanyahou à la tête du gouvernement israélien bloque aussi tout rapprochement de la part de MBS, qui connaît la haine dont le Premier ministre de l’Etat hébreu fait l’objet dans le monde arabo-musulman. "Il n’y aura pas de normalisation avec l’Arabie saoudite tant qu’Israël garde ce gouvernement, dont la politique palestinienne est définie par une poignée d’extrémistes, annexionnistes et suprémacistes, regrette l’ancien diplomate israélien Nimrod Novik. Les leaders du monde arabe savent que leurs populations, en particulier les jeunes, ont été radicalisées par les images de Gaza. Tant qu’Israël ne change pas de direction sur la question palestinienne et ne s’engage pas en faveur d’une solution à deux Etats, il n’y aura pas de normalisation." Donald Trump devra sans doute attendre les prochaines élections israéliennes, dans moins d’un an, pour décrocher son "deal du siècle" dans la région.
Un écueil de plus dans la mise en œuvre du plan de paix de Donald Trump ? Alors que l’une de ses étapes consiste en une démilitarisation du Hamas, le groupe islamiste responsable des attaques du 7-Octobre s’emploierait, selon la télévision publique israélienne KAN, à déplacer des réserves d’armes dans différents pays africains, dont le Yémen. Il tenterait également d’en acquérir de nouvelles.
Voilà qui compliquerait un peu plus une équation déjà ardue alors que le Conseil de sécurité de l’ONU doit voter ce lundi 17 novembre sur un projet de résolution relatif à la force internationale susceptible d’être déployée dans la partie de la bande de Gaza encore contrôlée par le Hamas (soit 47 % du territoire). Alors que le cessez–le–feu est entré en vigueur début octobre, la Maison-Blanche peinerait à obtenir des engagements fermes de la part de ses alliés quant à leur participation à cette coalition, dont l’une des missions consistera en la démilitarisation du territoire, et donc du Hamas.
60 % des tunnels intacts
Ce dernier, bien qu’il ait signé l’accord de paix, semble tout faire pour retarder l’échéance. Le mois dernier, l’un des membres de son bureau politique, Mohammed Nazzal, a ainsi déclaré à Reuters : "Je ne peux pas répondre par oui ou par non [NDLR : sur la question du désarmement]. Franchement, cela dépend de la nature du projet. Le projet de désarmement dont vous parlez, qu’est-ce que cela signifie ? A qui les armes seront-elles remises ?"
De son côté, Israël, qui contrôle 53 % de la bande de Gaza, celle située au-delà de la "ligne jaune", estimait récemment que 60 % des tunnels du Hamas étaient encore opérationnels. Ses troupes s’emploient à leur destruction, soit en les faisant exploser, soit en injectant à l’intérieur du béton liquide. Outre les détails de la démilitarisation du Hamas, la question de la future gouvernance de la bande de Gaza reste un point, pourtant crucial, encore très obscur.
L'Espagne en pleine forme économique. Pour la première fois depuis près de 20 ans, le déficit public du pays de la péninsule ibérique devrait dépasser celui de l'Allemagne sur l'année 2025. Selon les projections de la Commission européenne publiées ce lundi 17 novembre, d'ici au 31 décembre, ce chiffre atteindrait ainsi 2,5 % du PIB espagnol, soit moins que les 3,1 % du PIB allemand anticipés par Bruxelles. Une situation inespérée pour Madrid, après une longue période d'austérité liée aux crises financière et immobilière dans le pays au tournant des années 2010.
Une forte croissance post-Covid-19
Comment expliquer cette tendance ? Depuis la fin de la pandémie de Covid-19, l'Espagne connaît un véritable renouveau en matière économique. A l'instar d'autres pays aux finances mises à mal par la crise il y a 15 ans (Grèce, Portugal...), la quatrième puissance européenne est portée par une forte croissance. Depuis 2022, celle-ci a grimpé de 3,9 % en moyenne par trimestre... contre 0,3 % en Allemagne. "Nous avons également des perspectives positives jusqu'en 2028, avec une croissance robuste, équilibrée et soutenue sur des bases solides", s'était félicité mi-septembre Carlos Cuerpo, le ministre espagnol de l'Économie.
Cette nouvelle diminution du déficit public constituerait donc la cinquième baisse consécutive en la matière en Espagne. Le résultat d'une longue politique de relance de l'autre côté des Pyrénées, à tous niveaux. Pour combler en urgence ses lacunes financières, Madrid a d'abord emprunté 41 milliards d'euros au sein du fonds de sauvetage mis en place par l'UE au plus fort de la crise de la zone euro. Une décennie plus tard, l'Espagne se retrouve par ailleurs seconde bénéficiaire du plan de relance européen "NextGenerationEU", paquet d'investissements d'un montant de 800 milliards d'euros et destinés à renforcer l'économie européenne après l'épidémie de Covid-19. Au total, le pays doit donc percevoir 163 milliards d'euros de subventions et de prêts dans le cadre de ce projet.
Rôle du blocage politique au Parlement
Outre ces aides européennes, l'Espagne peut aussi compter sur un retour en force démographique. Si, comme observé ailleurs en Europe, sa natalité reste en berne, le gouvernement socialiste de Pedro Sánchez assume un recours massif à l'immigration légale sur le territoire espagnol pour dynamiser le marché du travail. Ainsi, 105 000 nouveaux habitants y ont été recensés au troisième trimestre 2025, faisant approcher la population du pays des 50 millions d'habitants. Sur un autre plan, l'économie espagnole a pu compter sur le retour en force des touristes. Sur les huit premiers mois de 2025, leur fréquentation a atteint des niveaux historiques, avec un total de 66,8 millions de visiteurs étrangers.
Dernier élément, sur le plan politique cette fois : confronté à un Parlement qui ne lui est pas acquis, Pedro Sánchez n'a pas pu faire adopter un nouveau budget depuis 2023. Conséquence : le gouvernement poursuit sa politique sur la base du plan de finances voté il y a deux ans. D'importants investissements publics n'ont de ce fait pas pu être votés... et ne se répercutent pas sur l'ampleur du déficit. Cette fragilité politique n'inquiète pas les investisseurs : face à ses bons résultats économiques, l'Espagne a vu en septembre sa note relevée par l'agence Standard and Poor's de A à A+.
Une dette toujours importante
Malgré ces avancées indéniables, certains points noirs ternissent toutefois le bilan financier espagnol. Avec, en premier lieu, l'état de la dette. Celle-ci culmine toujours à plus de 103 % du PIB, soit bien davantage qu'en Allemagne (plus de 64 % du PIB). Certes, aujourd'hui, les taux d'emprunt espagnols se situent en deçà des valeurs affichées par d'autres grandes puissances, comme la France – elle-même engluée dans un endettement abyssal (plus de 114 % du PIB). Mais le taux d'endettement massif espagnol demeure une fragilité. "Le ratio dette/PIB de l'Espagne reste trop élevé, ce qui réduira considérablement sa marge de manœuvre en cas de récession", explique, auprès du Financial Times, l'ex-ministre espagnol de l'Industrie Miguel Sebastián. "C'est un problème."
Autre paramètre inquiétant : l'augmentation du taux de pauvreté dans le pays. Et ce, en dépit de certaines mesures prises par le gouvernement, comme l'augmentation du salaire minimum, augmenté de 61 % depuis l'arrivée au pouvoir de Pedro Sánchez, en 2018. D'après des chiffres d'Eurostat relayés par El Pais ce lundi, le taux de pauvreté en Espagne aurait grimpé de 11,3 % de la population en 2023 à 13,6 % en 2024, soit 6,7 millions de personnes.
Au niveau global, l'inversion du rapport de force au niveau déficitaire avec l'Allemagne s'explique enfin par les orientations décidées par le gouvernement allemand ces derniers mois. A rebours de la rigueur budgétaire généralement de mise à Berlin, le chancelier Friedrich Merz mise sur d'importants investissements pour relancer la croissance allemande – aujourd'hui atone – financer sa défense et rénover certaines de ses infrastructures, devenues parfois vieillissantes.
Le président français a accueilli ce lundi 17 novembre son homologue sur la base de Villacoublay, au sud-ouest de Paris, où des industriels ont présenté les fleurons de l'armement tricolore au dirigeant du pays en guerre depuis 2022 avec la Russie. Ils ont signé une "déclaration d'intention qui porte sur la coopération relative à l'acquisition par l'Ukraine d'équipements de défense français".
100 Rafale et des systèmes de défense aérienne
Selon l'Elysée, l'accord se projette sur un horizon d'une dizaine d'années et porte sur de possibles contrats à venir pour l'acquisition de quelque "100 Rafale", avec leurs armements associés", ainsi que huit systèmes de défense aérienne SAMP-T nouvelle génération, en cours de développement. Sont aussi concernées quatre systèmes de radar, "de nouvelles acquisitions de bombes propulsées (AASM Hammer)", et des drones d'observation, d'attaque ou d'interception, a précisé la présidence française.
Le président ukrainien avait déjà signé le mois dernier une lettre d'intention en vue d'acquérir 100 à 150 avions de chasse suédois Gripen. Ce changement d'approche permet de planifier le renforcement à long terme de la défense ukrainienne après une éventuelle issue du conflit.
S'agissant des drones et des bombes guidées, Emmanuel Macron a évoqué "des engagements de production d'ici à la fin de l'année et sur les trois années qui viennent". Sur les Rafale, les délais s'annoncent plus longs, en raison des temps de négociation des contrats, de production et de formation des pilotes. S'agissant du financement, il reste à clarifier mais la France compte avoir recours à la fois à sa propre contribution budgétaire et aux mécanismes européens. Le président français a d'ailleurs relancé la piste de "l'endettement commun" pour que l'Union européenne puisse "continuer d'apporter à l'Ukraine un soutien financier prévisible et stable à long terme" - malgré la résistance allemande.
Cette neuvième visite du dirigeant ukrainien en France depuis le début de la guerre en février 2022 intervient alors que la situation sur le front est compliquée pour son pays, à l'orée de l'hiver. Dans la nuit de dimanche à lundi, des frappes russes ont tué au moins cinq personnes dans l'est de l'Ukraine, selon les autorités locales. Elle a lieu aussi au moment où l'Ukraine est ébranlée par un scandale de corruption ayant poussé deux ministres à la démission et forcé Volodymyr Zelensky à prendre des sanctions contre l'un de ses proches.
Visite de l'état-major de la "force multinationale Ukraine"
Après cette visite à Villacoublay, Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky se sont rendus au mont Valérien, à l'ouest de Paris, visiter l'état-major de la "force multinationale Ukraine" que Paris et Londres préparent pour qu'elle puisse être déployée dans le cadre d'un éventuel accord de cessez-le-feu et des "garanties de sécurité" à fournir à Kiev. Mis en place par la "coalition de volontaires", à laquelle participent, selon l'Elysée, 35 pays en incluant l'Ukraine, cet état-major "fonctionne" et est "dès à présent" capable "de déployer une force dès le lendemain d'un cessez-le-feu", assure-t-on côté français.
Les garanties de sécurité envisagées pour l'Ukraine, échafaudées depuis des mois par cette coalition, comprennent un soutien à l'armée de Kiev et des volets terrestre, maritime et aérien. Mais leur mise en œuvre reste conditionnée à un très hypothétique arrêt des combats.
Dans l'après-midi à l'Elysée, les deux dirigeants participeront à un "forum drones franco-ukrainien". Kiev entend utiliser cette année plus de 4,5 millions de drones, qui sont responsables de 70 % des destructions de matériels ennemis sur le front. Le pays a développé pour cela un agile réseau de production. L'Ukraine utilise également des drones pour abattre les drones Shahed lancés chaque nuit contre elle.
En pleine guerre, des amis du président pillent le pays en détournant des sommes astronomiques ; pendant ce temps, les citoyens souffrent comme jamais sous les bombardements de l’agresseur russe. Le nouveau scandale de corruption qui secoue l’Ukraine est dévastateur pour Volodymyr Zelensky. Plusieurs inculpés sont des proches, voire des intimes du chef de l’Etat. L’Office national anticorruption leur reproche d’avoir amassé quelque 100 millions de dollars (85 millions d’euros) en contraignant les fournisseurs de compagnies publiques d’énergie à leur verser des pots-de-vin.
C’est ainsi que l’argent censé servir à réparer les centrales et les réseaux électriques attaqués sans relâche par l’armée russe a contribué à édifier des villas luxueuses pour des hommes gravitant autour du président. Les militaires meurent au front par milliers pour défendre quelques kilomètres carrés du territoire national. Leurs familles endurent des coupures incessantes d’électricité, de chauffage et d’eau courante à l’orée de l’hiver. Et quelques puissants bien connectés détournent les investissements destinés à protéger les infrastructures essentielles ! Ces révélations ont abasourdi la population.
Le scandale n’est pas seulement du pain bénit pour les campagnes de désinformation menées par la Russie. Il met en danger la position de Zelensky sur la scène politique intérieure. Rien n’indique, à ce stade, qu’il aurait lui-même profité des détournements de fonds mais au minimum, son manque de constance dans la lutte contre les malversations et ses erreurs de jugement dans les nominations de ses proches à des postes de responsabilité constituent des fautes lourdes. Pire, il semble qu’il a voulu protéger les criminels en tentant, au mois de juillet, de démanteler les institutions anticorruption créées dans la foulée de la révolution de Maidan en 2014. A l’époque, il a fallu les protestations indignées de la population et une levée de boucliers de plusieurs dirigeants européens pour le forcer à renoncer.
Zelensky a cherché à préserver sa réputation la semaine dernière en poussant deux ministres à démissionner et en sanctionnant son ancien associé d’affaires Timour Minditch, accusé d’être le cerveau du réseau ; manifestement alerté, l’homme a fui le pays juste avant le coup de filet du 10 novembre pour se réfugier en Israël. Le président a également annoncé une réforme de fond en comble de la gouvernance des énergéticiens ukrainiens et un audit complet de leurs finances.
Il en faudra beaucoup plus cependant au chef de l’Etat pour regagner la confiance de ses concitoyens, lui qui s’était fait élire en 2019 sur un programme d’éradication complète de la corruption qui ronge le pays depuis son indépendance en 1991. Alors que la septième année de sa présidence est déjà bien entamée - il a été élu pour cinq ans mais la constitution et le code électoral proscrivent les élections en période de loi martiale - c’est désormais sa survie politique qui est hypothéquée.
Complaisance coupable
L’affaire inquiète au plus haut point ses soutiens à l’étranger. Elle ne pouvait pas plus mal tomber au moment où l’Union européenne tergiverse sur l’octroi d’un méga prêt à l’Ukraine gagé sur les actifs russes gelés dans l’UE. Les caisses de Kiev sont censées être vides d’ici à quelques mois et le flux d’aide militaire occidentale a fondu depuis que Donald Trump a stoppé l’assistance américaine.
Signe de l’inquiétude européenne, le chancelier Friedrich Merz a appelé le président ukrainien à "poursuivre vigoureusement" le combat anticorruption. Désormais fournisseur numéro un d’aide financière et militaire à l’Ukraine (11,5 milliards d’euros prévus dans le budget 2026), le gouvernement allemand est sous le feu des critiques de l’opposition d’extrême droite qui lui reproche de dilapider l’argent public en le donnant à Kiev. Dans d’autres pays européens aussi, le soutien populaire à l’Ukraine est fragile.
Zelensky a montré qu’il avait du courage et de la détermination à revendre. Mais sa fermeté dans la guerre contre l’envahisseur russe s’est accompagnée d’une complaisance coupable dans l’autre combat essentiel, celui destiné à préserver l’intégrité de la démocratie ukrainienne. L’intérêt stratégique des Européens est d’empêcher une défaite de Kiev, qui donnerait les mains libres à Vladimir Poutine pour poursuivre ses agressions. Dans cette perspective, l’avenir de l’Ukraine indépendante et démocratique est un enjeu infiniment plus important pour le continent que le sort politique personnel de Volodymyr Zelensky.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky fait une déclaration à la presse à son arrivée au sommet des dirigeants de l'Union européenne à Bruxelles, le 23 octobre 2025
C’était l’une de ses plus ardentes supportrices, celle qui l’avait défendu contre vents et marées, embrassant toutes ses théories conspirationnistes et notamment le vol de l’élection présidentielle de 2020. Donald Trump a pourtant rompu avec fracas la semaine dernière avec l’élue de Géorgie Marjorie Taylor Greene. "Je ne sais pas ce qui arrive à Marjorie, c’est une femme bien. Je pense qu’elle s’est égarée", a-t-il déclaré dans le bureau Ovale avant d’ajouter sur son réseau Truth Social qu’il soutiendrait volontiers un candidat contre elle dans une primaire pour les élections de mi-mandat de 2026, lors desquelles tous les sièges de la Chambre des représentants seront remis en jeu. Et d’ajouter : "Maggie 'la Dingue' ne fait que SE PLAINDRE, SE PLAINDRE, SE PLAINDRE".
L’ombre du dossier Epstein
Le grief du président envers cette alliée des plus zélées, incarnation de la droite la plus radicale, tient pour partie à son insistance à ce que soit publiée l’intégralité du dossier Epstein - Marjorie Taylor Greene fait partie des quatre républicains ayant ajouté leurs voix aux démocrates pour que la Chambre des représentants examine cette semaine une proposition de loi forçant le ministère de la Justice à cette publication. Longtemps rétif à rendre publics ces dossiers relatifs aux abus sexuels perpétrés par le financier new-yorkais, qui s’est suicidé en prison en 2019 et dont il a longtemps été proche, Donald Trump a finalement effectué dimanche l’un de ces revirements dont il est coutumier : "Les républicains de la Chambre devraient voter pour publier le dossier Epstein, parce que nous n’avons rien à cacher et qu’il est temps de mettre ce canular démocrate derrière nous", a-t-il écrit sur Truth Social. "Certains 'membres' du Parti républicain sont 'utilisés', et on ne peut pas laisser cela se produire".
Cette décision apaisera-t-elle la base Maga ? C’est à voir. Car si le dossier Epstein agite celle-ci depuis longtemps, et cristallise ses doutes, il n’est pas le seul. Marjorie Taylor Greene accuse en effet depuis plusieurs semaines le président de consacrer trop de son temps aux questions de politique internationale, au détriment des problématiques des Américains. Une position soutenue par d’autres figures de la base trumpiste, dont l’influent ancien conseiller Steve Bannon, qui notait il y a quelques jours que le président avait reçu la semaine passée des officiels d’Asie centrale, de Hongrie et de Syrie. "Je n’ai pas de problème avec le fait qu’il reçoive le président syrien, mais ensuite, il aurait dû [consacrer une réunion] aux questions domestiques", a-t-il déclaré au New York Times.
Haro sur les visas aux étudiants chinois
D’autres mesures ne passent pas, notamment les visas octroyés à des milliers d’étudiants chinois, alors que Donald Trump avait fait campagne sur la priorité à l’emploi donnée aux Américains. Ce programme, appelé H-1B, a été mis sur pied à la demande d’entreprises de la tech, qui disent ne pas trouver les profils dont elles ont besoin. Donald Trump a à nouveau affirmé la semaine passée qu’il pourrait accorder jusqu’à 600 000 visas par an aux étudiants chinois, faisant réagir le gouverneur de Floride Ron DeSantis : "Pourquoi importerions-nous des travailleurs étrangers alors que nous avons notre propre population dont nous devons prendre soin ?" a-t-il déclaré à des journalistes, selon Florida Politics. Un autre cri d’indignation est venu de… Marjorie Taylor Greene, qui a écrit sur X que ces étudiants prendraient des opportunités aux étudiants américains.
Même discorde quant à l’aide accordée à l’Argentine. Le président a approuvé un plan d’aide de 20 milliards de dollars destiné à stabiliser le peso argentin et déclaré que les États-Unis achèteraient du bœuf argentin, provoquant l’inquiétude de nombreux éleveurs de bétail américains.
Un autre élu républicain dont Marjorie Taylor Greene est proche, Thomas Massie, représentant, comme elle, d’un Etat rural du Sud, le Kentucky, a été le plus virulent, déclarant la semaine dernière sur CNN : "Quand ils protègent les pédophiles, quand ils gaspillent notre budget, quand ils déclenchent des guerres à l’étranger, je suis désolé, mais je ne peux pas être d’accord avec cela." Comme pour Marjorie Taylor Greene, le président s’active pour le défaire lors des élections de mi-mandat.
La communiste modérée Jeannette Jara et son rival d’extrême droite José Antonio Kast s’affronteront au second tour de la présidentielle chilienne, après être arrivés en tête dimanche 16 novembre du premier tour lors d’un scrutin dominé par les inquiétudes liées à la criminalité.
La candidate de la coalition de centre gauche au pouvoir recueille 26,71 % des suffrages, contre 24,12 % pour son rival ultraconservateur, selon des résultats officiels portant sur près de 83 % des bulletins dépouillés. Ils s’affronteront le 14 décembre. Avant le premier tour, les sondages ont toutefois prédit la défaite de Jeannette Jara au second tour en cas de qualification face à un candidat de droite ou d’extrême droite, en raison du report des voix.
Ces résultats "sont une très mauvaise nouvelle pour Jeannette Jara", commente pour l’AFP Rodrigo Arellano, analyste à l’Université du Développement du Chili. "Toutes les projections de son équipe tablaient sur plus de 30 %", explique-t-il, soulignant que "l’ensemble des candidats de l’opposition la devancent de près du double".
"Ne laissez pas la peur endurcir vos cœurs"
L’ancienne ministre du Travail a exhorté les électeurs à ne pas laisser la montée de la criminalité les pousser vers l’extrême droite. "Ne laissez pas la peur endurcir vos cœurs", a-t-elle déclaré.
Pour la première fois depuis la fin de la dictature d’Augusto Pinochet en 1990, la droite radicale pourrait revenir au pouvoir. "Nous allons reconstruire" le pays, a lancé José Antonio Kast.
L’extrême droite était aussi représentée par le député libertarien Johannes Kaiser, souvent présenté comme la version chilienne du président argentin Javier Milei. Il recueille 13,93 % des suffrages. L’économiste iconoclaste Franco Parisi a lui créé la surprise en terminant troisième avec 19,42 %, tandis que la candidate de la droite traditionnelle Evelyn Matthei obtient 12,70 %.
Bien que le pays, riche en cuivre et en lithium, demeure l’un des plus sûrs du continent, la criminalité y a sensiblement augmenté. Le taux d’homicides a augmenté de 2,5 à 6 pour 100 000 habitants en dix ans et 868 enlèvements ont été recensés l’an dernier, en hausse de 76 % par rapport à 2021, selon les autorités.
L’inquiétude des Chiliens tient notamment à l’arrivée de formes de criminalité organisée "jusque-là inconnues dans le pays, comme les assassinats commandités", note Gonzalo Müller, directeur du Centre d’études politiques du Chili. "Il manque de la poigne au Chili, on est trop laxistes […] Il faut fermer la frontière et renvoyer tous les sans-papiers", a déclaré à l’AFP Raul Lueiza, un ouvrier du bâtiment de 64 ans, après avoir voté dans un quartier populaire de Santiago.
La campagne a été dominée par les discours sécuritaires, auxquels Jeannette Jara elle-même s’est ralliée, sans vraiment convaincre. Membre du Parti communiste depuis l’adolescence, l’ancienne ministre du Travail de 51 ans a assuré pendant sa campagne n’avoir "aucun complexe en matière de sécurité", défendant notamment un contrôle migratoire renforcé.
José Antonio Kast, 59 ans, fils d’un ancien soldat allemand qui a servi pendant la Seconde Guerre mondiale puis a émigré au Chili, brigue la présidence pour la troisième fois. Son discours cible les 337 000 étrangers en situation irrégulière, en majorité des Vénézuéliens, dans un contexte d’inquiétude face à l’arrivée de groupes criminels étrangers. Une majorité de Chiliens associe la montée de la criminalité à l’immigration irrégulière. Il promet des expulsions massives, la construction d’un mur à la frontière, le renforcement de l’armement de la police et le déploiement de l’armée dans les zones critiques.
Plus de 15,6 millions d’électeurs étaient appelés à départager huit candidats, ainsi qu’à renouveler la Chambre des députés et la moitié du Sénat.
Le candidat à la présidence Jose Antonio Kast s'adresse à ses partisans après le premier tour de l'élection présidentielle, le 16 novembre 2025, à Santiago, au Chili.
A l’approche de l’hiver, l’armée russe continue de gagner du terrain sur le front ukrainien, en particulier dans la région de Zaporijia, au sud du pays, partiellement occupée par Moscou, où la Russie a revendiqué dimanche la prise de deux nouveaux villages. Mais la bataille a aussi lieu dans les airs : Moscou multiplie les attaques de missiles et de drones, comme cette nuit à l'est de l'Ukraine, où cinq personnes sont mortes. Les infrastructures énergétiques sont également en première ligne des frappes russes.
Volodymyr Zelensky et Emmanuel Macron se retrouvent ce lundi 17 novembre à Paris pour discuter des besoins militaires de Kiev et signer un accord de coopération en matière de défense aérienne. C’est la neuvième visite du président ukrainien en France depuis le début de la guerre. Elle intervient alors que Zelensky est affaibli en interne par un scandale de corruption, qui l’a forcé à prendre des sanctions contre l’un de ses plus proches collaborateurs.
Les infos à retenir
⇒ Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky signent une lettre d'intention pour l'achat futur par Kiev de jusqu'à 100 Rafale
⇒ L'Ukraine aura besoin de 70 milliards d'euros en 2026
⇒ La Russie continue de progresser dans l'est de l'Ukraine
L'Ukraine aura besoin de 70 milliards d'euros en 2026, l'UE présente ses options
L'Ukraine aura besoin l'an prochain de plus de 70 milliards d'euros pour financer sa guerre contre Moscou, que les 27 devront prendre en charge pour l'essentiel, selon un document de la Commission européenne détaillant trois options pour y parvenir. "L'ampleur du déficit de financement de l'Ukraine est significative", avertit la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, dans une lettre accompagnant ce document, consulté lundi par l'AFP.
L'Union européenne s'est engagée lors d'un sommet de ses dirigeants en octobre à financer l'effort de guerre de l'Ukraine pour la période 2026-2027. Selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI), citées dans ce document, les besoins de financement de l'Ukraine vont atteindre, au total, au cours de cette période quelque 135,7 milliards d'euros, dont 51,6 milliards en soutien militaire pour la seule année 2026. Faute de soutien européen, l'Ukraine se retrouvera à court d'argent dès la fin du premier trimestre de l'an prochain, a averti la Commission européenne.
Face à l'urgence, Bruxelles propose trois options, dont une utilisation des avoirs gelés russes dans l'UE, clairement favorisée par plusieurs pays, dont l'Allemagne, en raison de son impact nul sur les finances publiques. Quelque 210 milliards d'euros d'avoirs de la banque centrale russe sont actuellement sous la garde de la société Euroclear, basée à Bruxelles. La Commission propose d'en utiliser quelque 140 milliards pour financer un prêt du même montant à l'Ukraine, qu'elle ne remboursera que si la Russie lui paie des réparations. Totalement inédite, cette solution se heurte toutefois à l'hostilité de la Belgique, qui redoute de se retrouver seule à payer les pots cassés en cas de problème, et à l'extrême méfiance ce la Banque centrale européenne (BCE), qui redoute ses effets sur les marchés financiers.
Les deux autres options n'ont pas cet inconvénient mais elles représentent un "impact" beaucoup plus important pour les Etats membres. La Commission européenne propose ainsi que les pays de l'UE financent directement l'Ukraine sous forme de dons, en fonction de leur propre Produit intérieur brut (PIB). Dans ce cas, un minimum de 90 milliards d'euros d'ici 2027 sera nécessaire, à condition que la guerre prenne fin en 2026, et que les autres pays alliés de l'Ukraine assument le reste, indique la Commission.
Autre solution, un emprunt européen, qui aurait l'avantage de limiter l'impact direct sur les budgets nationaux. Mais, avertit Bruxelles, les intérêts de cet emprunt devront être payés par les Etats membres. Ils devront également apporter des garanties solides, et donc représentant un coût pour leurs budgets, au cas où l'Ukraine ne serait pas en mesure de rembourser ce prêt, a précisé la Commission.
Le document présentant ces options sera sur la table des 27 lors d'un sommet crucial les 18 et 19 décembre à Bruxelles. La Belgique est sous pression de la part des autres pays de l'UE, et de la Commission européenne, pour accepter la solution la moins coûteuse, mais rien ne dit qu'elle cédera d'ici là. Un compromis pourrait alors être de mélanger les différentes solutions, au moins à court terme, en ayant recours à des dons directs et à un emprunt limité, indique encore ce document.
Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky signent une lettre d'intention pour l'achat futur par Kiev de jusqu'à 100 Rafale
En visite à Paris, Volodymyr Zelensky a signé ce lundi avec Emmanuel Macron une "déclaration d'intention" qu'il a qualifiée d'"historique", en vue de l'achat futur d'avions de combat français Rafale, de l'ordre d'une centaine, dont l'Ukraine se doterait ainsi pour la première fois, et de systèmes de défense aérienne nouvelle génération.
Selon l'Elysée, cet accord, qui se projette "sur un horizon d'une dizaine d'années", prévoit de possibles contrats à venir pour "l'acquisition par l’Ukraine d'équipements de défense français" neufs : "de l'ordre de 100 Rafale, avec leurs armements associés", ainsi que d'autres armements, dont le système de défense aérienne SAMP-T nouvelle génération en cours de développement, des systèmes de radar et des drones.
Volodymyr Zelensky avait renouvelé samedi son appel pour obtenir davantage de systèmes de défense aérienne, au lendemain de nouvelles frappes russes massives contre son pays. Le président ukrainien a déjà signé le mois dernier une lettre d’intention en vue d’acquérir 100 à 150 avions de chasse suédois Gripen.
Moscou revendique la prise de trois nouveaux villages dans l'est de l'Ukraine
Moscou a revendiqué lundi la prise de trois nouveaux villages sur la ligne de front orientale en Ukraine, où l'armée russe poursuit sa lente progression face à des forces ukrainiennes moins nombreuses. Le ministère russe de la Défense a déclaré sur Telegram que les forces russes avaient pris le contrôle des villages de Platonivka dans la région de Donetsk, de Dvoritchanské dans la région de Kharkiv et de Gaï dans celle de Dnipropetrovsk.
Dimanche, l’armée russe avait déjà revendiqué la prise de deux villages dans la région de Zaporijia, dans le sud de l’Ukraine, où la Russie continue également d’avancer, bien que le front y soit beaucoup moins actif que celui de l’Est, où se concentrent des combats.
L'Europe n'est pas prête à une attaque russe de drones, selon un commissaire européen
L'Europe n'est pas prête à faire face à une attaque massive de drones russes et doit impérativement intégrer les capacités ukrainiennes sous peine de faire une "erreur historique", a assuré lundi le commissaire européen à la Défense Andrius Kubilius. "Nous ne sommes pas prêts à détecter et neutraliser les drones russes", a-t-il déploré dans un discours à Vilnius. "Les Russes apprennent vite. Et nous ?", s'est-il interrogé.
La guerre en Ukraine a bouleversé les règles du combat, a-t-il encore souligné. "Les guerres de demain ne se gagneront pas avec des chars et de l'artillerie, mais avec des drones et des missiles", a-t-il ainsi assuré, appelant à apprendre de l'expérience ukrainienne.
La défense à l'est de l'Europe et dans les pays baltes doit dans ces conditions se faire avec l'Ukraine, a-t-il encore expliqué. "C'est la seule façon pour nous d'apprendre de l'Ukraine, non seulement comment fabriquer des drones, mais aussi comment construire tout un 'écosystème'", a-t-il martelé.." "Si nous ne faisons pas cela, nous commettrons une erreur historique, qui nous affaiblira, et qui affaiblira l'Ukraine", a averti le commissaire européen.
Une attaque russe fait cinq morts dans l’est de l’Ukraine
Des frappes russes ont tué au moins cinq personnes dans l'est de l'Ukraine, ont annoncé les autorités locales lundi 17 novembre, faisant état d'importants dégâts dans des zones résidentielles, notamment dans une école maternelle.
Trois personnes sont décédées dans des frappes nocturnes de missile sur la ville de Balakliya qui ont endommagé une école maternelle, des immeubles résidentiels et des véhicules, a affirmé lundi sur Telegram le gouverneur de la région de Kharkiv (nord-est), Oleg Synegoubov. "A l'heure actuelle, nous savons que trois personnes ont perdu la vie. Quinze autres personnes ont été blessées, dont quatre enfants", a-t-il indiqué à la mi-journée.
Des photos publiées par les services de secours ukrainiens montrent un sol jonché de débris et des pompiers tentant de contrôler les flammes qui s'échappent de la façade d'un immeuble. Deux personnes ont également été tuées à Nikopol dans le sud-est du pays dans des frappes d'artillerie russes
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors d'une conférence de presse à Kiev, le 20 septembre 2024
Dans une volte-face, Donald Trump a déclaré dimanche 16 novembre qu’il soutenait un vote à la Chambre des représentants américaine pour la publication du dossier du délinquant sexuel Jeffrey Epstein. "Les républicains de la Chambre devraient voter pour publier le dossier Epstein, parce que nous n’avons rien à cacher et qu’il est temps de mettre ce canular démocrate derrière nous", a écrit sur sa plateforme Truth Social le président, qui était jusque-là opposé à l’idée.
"Le ministère de la Justice a déjà rendu publiques des dizaines de milliers de pages sur 'Epstein', et s’intéresse à plusieurs agents démocrates" concernant leur "relation" avec celui-ci, a ajouté Donald Trump, citant "Bill Clinton, Reid Hoffman, Larry Summers, etc".
La Chambre des représentants doit examiner cette semaine une proposition de loi qui forcerait le ministère de la Justice à publier le reste du dossier du riche financier new-yorkais, mort en prison avant son procès. Donald Trump a été accusé de chercher à empêcher un vote pour dissimuler des éléments l’impliquant dans cette affaire, ce que l’intéressé a démenti.
La position qu’il tenait avant son revirement a semé la division dans le camp républicain, habituellement loyal. Le milliardaire a pris ses distances avec de proches alliés issus de son mouvement "MAGA" (Make America Great Again), dont des parlementaires comme Marjorie Taylor Greene, à laquelle il a retiré ce week-end son soutien pour les élections de 2026. "Certains 'membres' du Parti républicain sont 'utilisés', et on ne peut pas laisser cela se produire", a-t-il lancé. "La Commission de surveillance de la Chambre peut avoir tout ce à quoi elle a légalement droit, JE M’EN FICHE !", a encore affirmé le président, qui avait promis pendant sa campagne des révélations fracassantes, puis tenté de clore le dossier une fois revenu au pouvoir.
"De très mauvaises relations" avec Jeffrey Epstein
L’affaire a été relancée la semaine dernière par la publication de courriers électroniques de Jeffrey Epstein, que Donald Trump a fréquenté quand ils étaient des figures de la jet-set new-yorkaise, avant de se brouiller avec lui. Avec sa complice Ghislaine Maxwell comme rabatteuse, Jeffrey Epstein faisait venir des mineures dans ses résidences notamment à New York et en Floride pour, sous le prétexte de massages, les agresser sexuellement. Il est mort en prison en 2019, par suicide selon les autorités. Ghislaine Maxwell purge, elle, une peine de 20 ans de prison pour exploitation sexuelle.
Donald Trump "savait à propos des filles" agressées sexuellement et a même "passé plusieurs heures" avec l’une d’elles, affirment des emails de Jeffrey Epstein récemment dévoilés par des parlementaires démocrates. "Je ne sais rien de cela. (Sinon) cela aurait été dit il y a longtemps", a assuré le président américain vendredi. "Jeffrey Epstein et moi avons entretenu de très mauvaises relations pendant de nombreuses années", a-t-il ajouté.
Dans ces courriers électroniques figurent aussi des échanges avec Larry Summers, qui a été conseiller économique de Barack Obama et a présidé la prestigieuse université Harvard. Bill Clinton a pour sa part fréquenté le financier new-yorkais dans les années 1990 et 2000.
Après ces révélations, Donald Trump a réclamé une enquête fédérale contre Larry Summers, l’ancien président Clinton et l’investisseur-entrepreneur Reid Hoffman, notamment. En juillet, le ministère de la Justice et la police fédérale (FBI) avaient pourtant annoncé qu’ils n’avaient "pas découvert de preuves sur lesquelles fonder une enquête contre des personnes jusqu’ici non poursuivies" dans l’affaire Epstein. Les deux institutions avaient aussi jugé qu’il ne serait "pas pertinent" de rendre public le "dossier Epstein", suscitant l’incompréhension, voire la colère, de nombreux partisans "MAGA".
Le président américain Donald Trump s'adresse aux journalistes avant de monter à bord d'Air Force One, le 16 novembre 2025, à l'aéroport international de Palm Beach, en Floride
En cette sombre journée d’automne, à proximité de Pokrovsk, épicentre des combats où les forces de Moscou déversent quotidiennement leur effroyable déluge de feu, un drone russe file en ligne droite le long d’un chemin de terre. Sur la vidéo en vue subjective qu’il transmet à son opérateur, surgissent des carcasses calcinées de blindés ukrainiens : un International Maxxpro fourni par les Etats-Unis, un BMC Kirpi turc, un Roshel Senator canadien… Derrière ces destructions, le Rubicon Center, une unité d’élite russe spécialisée dans les drones, qui, pour l’occasion, a partagé les images sur sa chaîne Telegram. Cette vidéo est toutefois loin d’être la seule. Plusieurs sont publiées quotidiennement avec, à chaque fois, le résultat des frappes conduites sur le front par ses pilotes.
De son vrai nom Rubicon Center of Advanced Unmanned Technologies (Centre Rubicon des technologies avancées sans pilote), cette entité d’un nouveau genre a été créée en octobre 2024 sur instruction du ministre russe de la Défense, Andreï Belousov. L’objectif : muscler les capacités de Moscou dans l’utilisation de ces aéronefs dont les vrombissements retentissent aujourd’hui partout sur le front. "Il s’agit d’une structure hybride qui, au-delà d’opérer sur le front et de former des pilotes, développe de nouvelles tactiques et de nouvelles technologies, souligne Michael Gjerstad, chercheur à l’International Institute for Strategic Studies (IISS). En cela, elle tranche avec la culture militaire russe traditionnelle, connue pour sa rigidité et sa lenteur." Surtout, sa relative indépendance lui donne les mains libres pour innover.
En dépit de la discrétion de Moscou quant à la nature de l’organisation, une enquête de Radio Free Europe/Radio Liberty (RFERL) a révélé que celle-ci bénéficierait de son propre quartier général au Patriot Park, un parc à thème militaire au service de la propagande du régime, situé en banlieue ouest de Moscou, et serait dirigée par le colonel Sergei Budnikov, ancien chef d’état-major de la 9e brigade d’artillerie. "Rubicon dispose d’un centre de recherche et développement interne qui lui permet de moderniser et perfectionner tous types de drones, pointe, à Kiev, Maxim Sheremet, le fondateur de la société ukrainienne Drone Space Lab. Les systèmes qui en sont issus sont ensuite produits dans leurs propres usines, afin de pouvoir les déployer à grande échelle sur le front." Son accès privilégié au marché chinois lui garantit en outre tous les composants nécessaires à la production.
Solide réputation
Avant Pokrovsk, le Rubicon Center avait déjà fait ses armes dans la région russe de Koursk, où son rôle avait été décisif pour repousser l’incursion ukrainienne de l’été 2024. Grâce à leurs drones à fibre optique, insensibles aux brouilleurs habituellement utilisés pour perturber le signal radio de ces engins volants, ses opérateurs étaient parvenus à semer le chaos dans les arrières ukrainiens.
De quoi se forger une solide réputation. "Je n’envie pas nos unités qui se trouvent là où ils opèrent", avait résumé Kyrylo Veres, le commandant du régiment de drones ukrainien K-2, l’un des plus redoutables du pays, lors d’une interview en juillet dernier. "Ils sont aujourd’hui les plus efficaces de Russie dans leur domaine, abonde Maxime Sheremet. Non seulement ils ont copié la structure de nos propres unités de drones, mais ils disposent en plus d’un budget illimité." Ce nouvel instrument représente pour le Kremlin un moyen de sérieusement concurrencer les capacités de l’Ukraine, qui avait été la première à généraliser l’usage de ces engins sans pilote sur le front au début du conflit.
Au point de constituer aujourd’hui un élément clé de la stratégie militaire russe. "Rubicon est connu pour sa capacité à entraver la rotation des unités ukrainiennes, note Michael Gjerstad de l’IISS. Son utilisation des drones rend les opérations de ravitaillement extrêmement difficiles pour les Ukrainiens." Et affaiblit de facto la solidité de leurs lignes de défenses chargées de repousser les envahisseurs. D’après les données compilées par LostArmour, un groupe de recherche en open source pro-Kremlin, les opérateurs de Rubicon auraient ainsi détruit plus de 11 000 cibles en 2025. Près de 40 % d’entre elles seraient des drones adverses, 16 % des radars et moyens de communication, et 14 % de véhicules non blindés utilisés principalement pour assurer la logistique.
Autre proie dans le viseur de Rubicon : les pilotes de drones ukrainiens, alors que ces engins sont aujourd’hui responsables d’environ 80 % des pertes dans le camp russe. "Dans certains secteurs où les forces ukrainiennes manquent d’effectifs et où la défense est principalement assurée par les drones, cela représente une vraie menace", relève Michael Gjerstad. Ce qui en fait une cible prioritaire des forces de Kiev. Début novembre, le renseignement militaire ukrainien a annoncé avoir frappé l’une de ses bases dans la ville d’Avdiivka avec l’un de ses drones kamikaze chargé d’une centaine de kilos d’explosifs, éliminant au passage plusieurs de ses officiers et opérateurs. Avant cela, un drone ukrainien s’était déjà écrasé en mai sur le site hébergeant son quartier général non loin de la capitale russe. La chasse ne fait que commencer.
Sur cette photo diffusée par l'agence d'Etat russe Sputnik, le président russe Vladimir Poutine inspecte les exercices militaires conjoints russo-biélorusses "Zapad-2025" sur un terrain d'entraînement dans l'oblast de Nijni Novgorod, le 16 septembre 2025.
Pour réarmer l’Ukraine, l’UE a un plan. Et pas n’importe lequel : elle envisage d’accorder à Kiev un prêt exceptionnel de 140 milliards d’euros, qui serait financé à partir des avoirs russes gelés par la Banque Centrale européenne. Problème : pour cela, elle doit pouvoir offrir à Euroclear - l’institution financière belge qui en détient la majeure partie - des garanties solides qu’elle sera remboursée si les avoirs russes venaient à être rapatriés à Moscou.
Or, au vu des divisions à l’œuvre dans l’UE, et des positions pro-Poutine de certains chefs d’Etat européens comme Viktor Orban, rien n’est moins sûr. Comme l’explique Le Monde, il suffirait, par exemple, que la Hongrie s’oppose au renouvellement des sanctions, qui intervient tous les six mois, pour que ce scénario de rapatriement des avoirs devienne réalité. Pour parer à cette éventualité, à laquelle la Belgique refuse de se risquer, l’UE a donc besoin d’un garant pour ce prêt. Et la Norvège semble être le candidat idéal.
Utilisation du fonds souverain norvégien
C’est en tout cas ce qu’ont avancé deux économistes norvégiens - Havard Alland et Knut Anton Mork - dans une tribune publiée fin octobre sur le site international Project Syndicate. Leur idée est la suivante : s’appuyer sur le fonds souverain pétrolier dont dispose la Norvège - d’une valeur de plus de 1 700 milliards d’euros - comme garantie au "prêt de réparation" de l’Ukraine.
Grâce au fonds pétrolier, la Norvège dispose de la note triple A la plus forte d’Europe et même du monde, ce qui en fait le seul pays en Europe capable d’assumer le passif éventuel lié au nouveau prêt ukrainien, sans que cela affecte sa notation de crédit
Havard Halland
Concrètement, la Norvège pourrait servir de filet de sécurité dans plusieurs scénarios : si l’un des pays des 27 ne vote pas pour le renouvellement du gel des avoirs russes, si la Russie verse une indemnité à l’Ukraine pour les dommages infligés (ce qui provoquerait un retour de ses avoirs), ou à l’issue d’une action en justice. Les deux derniers scénarios étant considérés comme "hautement improbables" par l’économiste Havard Halland.
La Norvège partante, sous conditions
En Norvège, cette idée est vue d’un bon œil par la majorité des partis politiques, mais plusieurs membres du gouvernement ont toutefois tenu à temporiser, relate Courrier International. Interrogé sur le sujet mercredi 12 novembre, le Premier ministre travailliste Jonas Gahr Store déclarait ainsi : "J’ai vu qu’on spéculait sur le fait que la Norvège puisse mettre à disposition son fonds pétrolier - dans lequel sont amassées les recettes provenant de l’extraction du pétrole et du gaz au large de ses côtes - comme garantie à un type de prêt de l’UE à destination de l’Ukraine […] Ce n’est pas d’actualité", a-t-il assuré à la chaîne de télévision TV2.
En parallèle, son ministre des finances Jens Stoltenberg, de passage a Bruxelles, n’a quant à lui pas fermé la porte à une éventuelle garantie du royaume, mais à certaines conditions. Une Norvège "garante de l’ensemble du montant, ce n’est pas envisageable", a confié l’ancien secrétaire général de l’Otan à la radio télévision publique NRK. "Mais nous verrons si nous pouvons contribuer en fonction de ce que proposera l’UE", a-t-il ajouté.
Option la plus crédible pour Bruxelles
Cette idée fait désormais son chemin jusqu’à Bruxelles, où elle doit être examinée début décembre, afin d’adopter une position commune et de formuler à Oslo une proposition plus concrète. La Première ministre du Danemark, qui préside en ce moment le Conseil de l’UE, s’y est de son côté déjà dite très favorable. D’autant que les autres options étudiées par Bruxelles sont loin de faire l’unanimité…
Outre le "prêt de réparation" de l’UE, Bruxelles a en effet envisagé deux autres possibilités pour financer la défense de l’Ukraine. L’une consisterait à contracter un emprunt commun au nom des 27 Etats membres, option déjà décriée par Berlin qui y voit une entrave aux règles budgétaires. De l’autre, imposer une contribution Etat par Etat, s’appuyant sur les budgets nationaux, alternative déjà écartée par plusieurs pays qui peinent à boucler leurs budgets, dont la France. L’option du prêt exceptionnel semble donc la plus plausible à l’heure actuelle.
Reste à voir comment sa garantie pourra être assurée, et quel rôle la Norvège - qui, rappelons-le, n’est pas membre des 27 - sera prête à jouer pour prendre part à cet effort de guerre. Comme l’a rappelé le premier ministre norvégien dans une récente interview au Grand Continent, la Norvège est déjà le pays qui apporte le soutien le plus important à l’Ukraine en termes de PIB par habitant, avec une contribution de 7 milliards d’euros prévue pour 2026.
Mais aller encore plus loin ne serait pas absurde : la Norvège s’est nettement enrichie depuis le début du conflit en Ukraine, étant devenue désormais le premier fournisseur de gaz de l’UE. Havard Halland, l’un des économistes à l’origine de la proposition d’utiliser le fonds souverain, rappelle que le pays nordique a réalisé plus de 108 milliards d’euros de profits entre 2022 et 2024. "Or notre contribution à l’aide à l’Ukraine, prévue jusqu’en 2030, n’atteint que 23 milliards d’euros, soit une fraction de ces profits", détaille ce dernier, mettant au passage en avant l’enjeu sécuritaire pour la Norvège, qui partage près de 200 kilomètres de frontière avec la Russie.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et les Premiers ministres de la Suède, de l'Islande, de la Norvège, de la Finlande et du Danemark lors d'une conférence de presse à Oslo, le 13 décembre 2023
Ce lundi 17 novembre, le Conseil de sécurité des Nations unies doit se prononcer sur un projet de résolution américaine endossant le plan de Donald Trump pour la bande de Gaza. Ce plan prévoit d’accorder un mandat jusqu’à la fin 2027 à un "comité de la paix" et d’autoriser le déploiement d’une "force de stabilisation internationale".
Il évoque également la possibilité d'un Etat palestinien, contre lequel le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a rappelé son opposition.
14h03
Au Liban, les Casques bleus accusent l'armée israélienne de leur avoir tiré dessus
La Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) a accusé dimanche l'armée israélienne d'avoir ouvert le feu sur ses membres dans le sud du pays, sans faire de blessés, et a appelé Israël à cesser toute attaque contre les Casques bleus. La Finul œuvre avec l'armée libanaise à l'application de l'accord de cessez-le-feu ayant mis fin le 27 novembre 2024 à plus d'un an de conflit, dont deux mois de guerre ouverte, entre le mouvement pro-iranien Hezbollah et Israël.
"Ce matin, les Forces de défense israéliennes (FDI) ont tiré sur des soldats de la paix de la Finul à partir d'un char Merkava situé près d'une position établie par Israël en territoire libanais", indique un communiqué de la Finul. Celle-ci précise que des mitrailleuses lourdes ont tiré près des soldats, mais qu'ils ont pu quitter les lieux en toute sécurité lorsque le char s'était retiré.
Ces tirs "constituent une violation grave de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies", a poursuivi la même source, en référence à la résolution de l'ONU qui a mis fin à la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah et sert de base à l'accord de cessez-le-feu de novembre. En vertu de cette résolution, seuls l'armée libanaise et les Casques Bleus peuvent se déployer dans le sud du Liban, près de la frontière israélienne.
La Finul a exhorté "l'armée israélienne à cesser tout comportement agressif et toute attaque contre ou à proximité des soldats de la paix, qui s'efforcent de rétablir la stabilité que tant Israël que le Liban disent rechercher".
Les Nations unies et la France avaient dénoncé fin octobre des tirs israéliens à proximité de troupes de la Finul dans le sud du Liban, et en septembre la Force onusienne avait affirmé que des drones israéliens y avaient largué quatre grenades près de ses positions, Israël affirmant alors qu'il n'y avait eu "aucun tir intentionnel" contre elle.
Malgré l'accord de cessez-le-feu, l'armée israélienne occupe toujours cinq positions dans le sud du Liban, frontalier du nord d'Israël, et mène régulièrement des frappes sur le territoire libanais en affirmant viser le Hezbollah.
13h47
Avant un vote à l'ONU, Netanyahou réitère son opposition à tout Etat palestinien
Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, et plusieurs de ses ministres, ont réitéré leur opposition à un Etat palestinien, avant le vote prévu lundi au Conseil de sécurité de l'ONU sur un projet américain de résolution sur Gaza, qui en évoque la possibilité à l'avenir. Contrairement aux versions précédentes, le nouveau projet de résolution, qui endosse le plan de paix de Donald Trump pour Gaza, évoque l'avenir d'un possible Etat palestinien, auquel le gouvernement israélien s'oppose avec fermeté de longue date.
"Notre opposition à un État palestinien sur quelque territoire que ce soit n’a pas changé", a dit le Premier ministre ouvrant dimanche un conseil des ministres. Il a affirmé n'avoir besoin en la matière de "leçons de personne". Le ministre d’extrême droite, Bezalel Smotrich, l'avait accusé samedi soir d'avoir fait "silence" depuis la reconnaissance de l'Etat de Palestine par la France et plusieurs autres pays en septembre. "Formulez immédiatement une réponse appropriée et ferme qui clarifiera au monde entier : il n'y aura jamais d’État palestinien sur les terres de notre patrie", a écrit M. Smotrich sur X.
Les ministres de la Défense, Israël Katz, et des Affaires étrangères, Gideon Saar, ont également martelé sur X leur refus de tout Etat palestinien.
19h24
Après la Finul, le Liban accuse à son tour Israël de construire un mur dans le sud et proteste auprès de l'ONU
Le Liban a annoncé samedi déposer plainte devant le Conseil de sécurité de l'ONU en raison de la construction d'un mur dans le sud du Liban par Israël, dont avait fait état la veille la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul).
Israël a rejeté les accusations de la Finul, parlant de "renforcement de la barrière physique" le long de la ligne de démarcation avec son voisin du nord, mais pas en territoire libanais.
Le bureau du président libanais Joseph Aoun a indiqué qu'il avait ordonné "de déposer une plainte urgente auprès du Conseil de sécurité des Nations unies contre Israël pour avoir construit un mur en béton à la frontière sud du Liban en dépassant la Ligne bleue", qui marque la frontière entre les deux pays. Il a demandé que la plainte "soit accompagnée de rapports émis par l'ONU réfutant le déni israélien de la construction du mur".
Vendredi, la Finul avait dit dans un communiqué avoir découvert en octobre "un mur de béton érigé" par l'armée israélienne "au sud-ouest de Yaroun". "L'enquête a confirmé que le mur traversait la Ligne bleue", "rendant plus de 4 000 mètres carrés de territoire libanais inaccessibles" aux habitants, avait-elle ajouté.
Depuis le début de la guerre déclenchée à Gaza par l'attaque du mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël le 7 octobre 2023, l'armée israélienne "a mis en oeuvre une série de mesures, notamment le renforcement de la barrière physique le long de la frontière nord", a déclaré à l'AFP un porte-parole militaire israélien. "Le mur ne traverse pas la Ligne bleue", a-t-il affirmé, disant que sa construction avait débuté en 2022.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu participe à une cérémonie commémorative nationale en hommage aux soldats tombés au combat pendant les deux années de guerre à Gaza, au cimetière militaire du Mont Herzl à Jérusalem, le 16 octobre 2025
Tout est parti d’un sondage, qui a donné des sueurs froides au parti d’extrême droite à la tête du pays. Alors que se profilent les élections législatives, en avril 2026, un institut indépendant publie des chiffres sur les intentions de votes… donnant la principale formation d’opposition, Tisza, parti conservateur pro-européen de Péter Magyar largement en tête devant le Fidesz de Viktor Orban. 18 points d’écart entre les deux partis. Un autre sondage, de l’institut Electoral Geography, place aussi Tisza en tête, de sept points cette fois devant le parti de gouvernement…
Des chiffres qui ont créé des remous dans les rangs du Fidesz à six mois des élections, et conduit le premier ministre à adopter une rhétorique beaucoup plus offensive contre l’opposition. Avec un angle d’attaque principal : la guerre en Ukraine. Pour rassurer des électeurs inquiets d’une importation du conflit voisin sur leur sol, Viktor Orban joue la carte de la "raison". Dans les meetings de campagne, il galvanise les foules sur fond de slogans "anti-guerre" et se défend même d’être "le seul pays d’Europe à défendre la paix".
"Anti-guerre" et "voix de la raison"
Il accuse d’ailleurs son principal opposant, Péter Magyar - un ancien fidèle de son parti, qui a subitement changé de camp en 2024 - de vouloir entraîner la Hongrie dans la guerre sans fin entre Moscou et Kiev et d’être le vassal de Bruxelles dans sa "course perdue" au réarmement. "Le Fidesz est le parti de la guerre et de la haine, tandis que Tisza œuvre pour la paix dans le pays et dans le monde", a rétorqué sur Facebook Péter Magyar, pour qui l’actuel premier ministre n’est autre que le "cheval de Troie" du Kremlin dans l’UE.
Pas de quoi décourager Viktor Orban, qui entend faire de ces élections législatives, une sorte de "référendum sur la guerre et la politique étrangère", analyse auprès du GuardianDániel Róna, politologue et directeur du centre de recherche indépendant 21 Research Centre. Mais pour son homologue du think tank Electoral Geography, pas sûr que cette stratégie suffise pour convaincre des électeurs confrontés à l’inflation et à une crise des services publics. Des thématiques sur lesquelles Tisza est aujourd’hui plus populaire dans l’opinion hongroise.
L’intelligence artificielle au service du Fidesz
Toutefois, s’il est clair qu’il se concentre principalement sur la question ukrainienne, le parti de Viktor Orban redouble également d’efforts pour convaincre sur d’autres enjeux, avec des méthodes plus ou moins conventionnelles. A commencer par l’utilisation de l’intelligence artificielle pour décrédibiliser le principal parti d’opposition. Dans la presse locale, Péter Magyar apparaît ainsi sur une photo générée par IA, dans la posture d’un chien, détaille Libération. A quatre pattes, on l’aperçoit tenu en laisse par Manfred Weber, président du parti de droite (PPE) au Parlement européen et bête noire du gouvernement Orbán.
Mais ce n’est pas tout : sur les réseaux sociaux du directeur de campagne de Viktor Orban, Péter Magyarar apparaît également sur une vidéo générée par IA, dans laquelle il déclare réduire les pensions de retraite. Une première en Europe, où un parti de gouvernement n’avait jusqu’alors jamais utilisé un deepfake pour mettre dans la bouche de son adversaire des propos qu’il n’a jamais tenus. "Viktor Orban et son parti ont touché le fond avec des vidéos truquées par intelligence artificielle", a de son côté dénoncé Péter Magyar, annonçant qu’il comptait porter plainte. "Il y a un vrai risque pour la confiance dans la démocratie dans toute l’Europe", alerte dans Le Monde Zsuzsanna Végh, spécialiste de l’Europe centrale au German Marshall Fund, rappelant que la Hongrie sert régulièrement "de laboratoire des innovations illibérales" pour les partis d’extrême droite européens.
Soutien de Trump à la campagne d’Orban
Quant à la question ukrainienne, elle n’est jamais bien loin : des clips vidéo utilisant le narratif "Les pantins vont utiliser l’argent de nos impôts pour soutenir l’Ukraine"inondent également la toile. Et l’administration Trump est elle aussi entrée dans la danse pour soutenir Viktor Orban. Après avoir reçu ce dernier le 7 novembre à la Maison-Blanche, elle a annoncé dans la foulée couper les financements à Szabad Europa, un média indépendant hongrois, filiale du groupe Radio Free Europe.
Ces annonces interviennent alors que les dirigeants hongrois et américains sont en très bons termes. Les Etats-Unis viennent même d’octroyer à la Hongrie une exemption de l’interdiction d’importer du pétrole russe sous peine de sanctions, que Viktor Orban souhaite voir se prolonger. Il vient d'ailleurs d'annoncer ce dimanche saisir la Cour de justice de l’Union européenne contre la suppression des importations de gaz russe décidée par le bloc.
Restriction de la protection accordée aux réfugiés et des aides accordées aux demandeurs d'asile : le gouvernement travailliste britannique a défendu dimanche sa vaste réforme destinée à lutter contre l'immigration irrégulière, dont la restriction de la protection accordée aux demandeurs d'asile, assurant que ce sujet ultra-sensible "déchire" le pays.
Deux mesures phares de ce plan, dont la présentation détaillée doit se tenir lundi au Parlement, ont été dévoilées samedi soir par le ministère de l'Intérieur. Parmi elles, la réduction de la protection accordée aux réfugiés, qui seront "forcés de rentrer dans leur pays d'origine dès qu'il sera jugé sûr" et la suppression de l'accès automatique aux aides sociales pour les demandeurs d'asile.
Interrogée dimanche sur la BBC et Sky news, la ministre de l'Intérieur Shabana Mahmood, a défendu en bloc ces premières mesures. Née dans une famille originaire du Pakistan, elle a déclaré à la BBC que si "l'immigration fait absolument partie" de son expérience de vie, elle ressent "un devoir moral" de lutter contre l'immigration irrégulière. "C'est un devoir moral pour moi, car je vois que la migration illégale déchire notre pays", a-t-elle déclaré.
Selon la ministre, cette immigration "divise les communautés, les gens constatent une énorme pression dans leurs communautés et ils voient également un système qui est défaillant, où les gens peuvent (...) profiter du système", a-t-elle poursuivi. "Ce pays a une fière tradition d'accueil des personnes fuyant le danger, mais notre générosité attire les migrants illégaux à travers la Manche", a déclaré la ministre de l'Intérieur Shabana Mahmood, citée dans un communiqué de son ministère. Arrivé au pouvoir en juillet 2024, le gouvernement du travailliste Keir Starmer est sous pression quasi-quotidienne pour freiner les arrivées de migrants.
Travailler ou étudier
Depuis plusieurs mois, il est largement devancé dans les sondages par le parti Reform de Nigel Farage, qui a fait de la question des migrants son sujet principal. Cet été, de nombreuses manifestations ont eu lieu devant des hôtels hébergeant des demandeurs d'asile et une manifestation organisée par l'extrême droite à Londres mi-septembre a réuni jusqu'à 150 000 personnes selon la police.
Dans ce contexte, le gouvernement a promis de faire baisser le nombre de migrants qui traversent la Manche à bord d'embarcations de fortune. Sans succès pour l'instant. Depuis le 1er janvier, 39 292 personnes ont débarqué sur les côtes anglaises à l'issue de cette périlleuse traversée, un chiffre qui dépasse le total de l'année 2024 (36 816).
Toujours sur la BBC, Mme Mahmood a "rejeté" tout emprunt à l'extrême-droite. Au Royaume-Uni, la restriction de la protection des réfugiés était une mesure jusqu'ici défendue par Nigel Farage, qui avait annoncé qu'en cas d'arrivée au pouvoir, il obligerait les migrants - y compris ceux déjà régularisés - à demander un visa tous les cinq ans.
"Un +billet en or+ a fait grimper les demandes d'asile au Royaume-Uni, poussant les gens à traverser l'Europe, via des pays sûrs, pour monter à bord d'embarcations de fortune", a indiqué la ministre. "Je vais mettre fin à ce ticket en or". "Grâce à des conditions bien plus généreuses au Royaume-Uni", les réfugiés peuvent actuellement demander à s'installer définitivement, sans frais, après cinq ans au Royaume-Uni, "sans avoir contribué" au pays, a souligné son ministère. Le nouveau système, largement inspiré du modèle restrictif danois, réduira la durée de leur séjour de cinq ans à 30 mois, et multipliera par quatre, de cinq à 20 ans, le délai nécessaire pour demander à devenir résident permanent. Les réfugiés qui souhaitent devenir résidents permanents plus vite "devront travailler ou étudier", selon le ministère.
Quant aux aides sociales - logement, allocations financières - celles-ci ne seront plus automatiques. Le gouvernement veut supprimer ces aides "pour ceux qui ont le droit de travailler et qui peuvent subvenir à leurs besoins". "Je sais que je dois convaincre les gens dans tout le pays, pas seulement au Parlement (...) que ces réformes peuvent fonctionner", a admis la ministre.
La première étape sera sans doute de convaincre l'aile gauche du parti, qui s'est d'ores et déjà dite opposée à de tels changements. Fin juin, le gouvernement avait été contraint de reculer sur son projet de loi visant à couper dans les allocations aux personnes handicapées suite à la mobilisation d'une centaine de députés de son camp.
Modèle danois
Le ministère a souligné s'être inspiré de l'exemple danois pour ces réformes. Ce pays scandinave de 6 millions d'habitants, dirigé par les sociaux-démocrates depuis 2019, défend une politique stricte en matière de droit d'asile. Les réfugiés y obtiennent ainsi un permis de séjour, généralement de deux ans renouvelable, mais sont encouragés à prendre le chemin du retour dès que les autorités estiment que le besoin de protection a disparu. Le regroupement familial y est aussi soumis à des exigences strictes, dont des tests de langue pour les nouveaux arrivants.
Au Royaume-Uni, la restriction de la protection des réfugiés était une mesure jusqu'ici défendue par Nigel Farage, qui avait annoncé qu'en cas d'arrivée au pouvoir, il obligerait les migrants - y compris ceux déjà régularisés - à demander un visa tous les cinq ans. Mais la gauche du parti travailliste s'était dite opposée à de telles restrictions, et avait prévenu que le parti, au plus bas dans les sondages, y perdrait de nombreux électeurs.
LONDRES, ROYAUME-UNI - 28 OCTOBRE : La ministre de l'Intérieur Shabana Mahmood arrive à Downing Street pour assister à la réunion hebdomadaire du Cabinet à Downing Street, à Londres, au Royaume-Uni, le 28 octobre 2025. Raşid Necati Aslım / Anadolu (Photo par Raşid Necati Aslım / Anadolu via AFP)
"Camilo Castro est libre. Je partage le soulagement de ses proches et remercie tous ceux qui ont œuvré à sa libération", a indiqué le chef de l'Etat français sur le réseau social X, à propos du Français Camilo Castro, détenu au Venezuela depuis cinq mois, assurant que "la France avance parfois sans bruit, mais toujours avec détermination et sang-froid".
"On ne peut pas se représenter (l'émotion que cela représente, NDLR) par rapport à toutes les joies qu'on a dans la vie, toutes les bonnes surprises, tous les soulagements", a confié à l'AFP la mère de Camilo Castro, Hélène Boursier. "On va se bagarrer pour que ça n'arrive plus. (...) Ce n'est pas parce que pour nous ça se termine bien qu'on va s'arrêter là. On pense aux autres, on ne va pas les oublier", a martelé cette militante de longue date d'Amnesty International, qui vit près de Toulouse.
Camilo Castro, professeur de yoga de 41 ans, avait disparu le 26 juin au poste-frontière de Paraguachon, séparant le Venezuela de la Colombie, où il réside. Il s'y était rendu pour renouveler son visa de séjour colombien arrivé à échéance, avait expliqué en août sa famille. Après avoir été libéré, il est arrivé samedi en fin d'après-midi à l'ambassade de France au Venezuela, a expliqué son beau-père Yves Guibert. "Il était extrêmement heureux d'être sorti, un peu surexcité et en même temps encore dans une forme d'inquiétude tant qu'il n'avait pas quitté le territoire du Venezuela", a ajouté Yves Guibert.
"Disparitions forcées" depuis le retour de Maduro
Mi-septembre, Hélène Boursier avait dit n'avoir plus eu de nouvelles de lui, à l'exception d'un message audio reçu fin juillet, dans lequel Camilo Castro avait "appelé au secours". Selon ses proches et Amnesty International, il était détenu par les autorités vénézuéliennes.
Dans un rapport publié mi-juillet, Amnesty International avait dénoncé la politique de "disparitions forcées" menée contre des opposants et des ressortissants étrangers depuis la réélection du président vénézuélien Nicolas Maduro. "Les autorités vénézuéliennes semblent utiliser cette pratique pour justifier leurs récits sur les 'conspirations étrangères' et comme monnaie d'échange dans les négociations avec d'autres pays", avait accusé l'ONG de défense des droits humains.
"On ne sort pas de prison le jour où on est libéré. Il y a tout un temps de réadaptation au monde, il y a tout un temps pour reprendre contact avec la vie normale. Et ça va être notre tâche, maintenant, de le préserver et de créer les conditions qui lui permettent de repartir dans la vie d'un bon pied", a conclu le beau-père de Camilo Castro.
Cette photographie montre une image de Camilo Castro sur une pancarte lors d'un rassemblement avec des militants d'Amnesty International et sa famille pour protester contre sa détention au Venezuela, à Toulouse, dans le sud-ouest de la France, le 20 septembre 2025. Camilo Castro, professeur de yoga âgé de 41 ans, a disparu le 26 juin 2025 au poste frontière de Paraguachon, entre le Venezuela et la Colombie, où il réside. Il s'était rendu là-bas pour renouveler son visa de résidence colombien, qui avait expiré, a expliqué sa famille en août 2025. Selon sa famille et Amnesty International, il est détenu au Venezuela. (Photo de Lionel BONAVENTURE / AFP)
Comment l’Europe peut-elle demeurer fidèle aux Essais de Montaigne et à Don Quichotte tout en s’affirmant face à Vladimir Poutine et Donald Trump ? L’esprit européen est celui du doute et du dialogue, pas de la vérité imposée. Cet état esprit a été fécondé par les grands récits mythologiques et les chefs-d’œuvre de la littérature. Dante, Goethe, Shakespeare, Rabelais, Cervantès, Kafka et d’autres peuvent bien revendiquer la paternité de l’Europe. Car oui, le roman est bien un idéal européen, comme le rappellera William Marx lors du colloque Europe de L’Express, qui se tiendra le 24 novembre, au Palais des Congrès de Strasbourg. Ecrivain, essayiste, ce professeur au Collège de France, titulaire de la chaire Littératures comparées, a notamment publié Un savoir gai (Minuit, 2018), Des étoiles nouvelles. Quand la littérature découvre le monde (Minuit, 2021) et Un été avec Don Quichotte (Éditions des Equateurs/France Inter, 2024).
L’Express : En quoi le roman est-il un "idéal européen" ?
William Marx : Il n’y a pas d’Europe sans récits communs. La littérature a fourni à la civilisation européenne ses mythes fondateurs : ceux de l’Antiquité gréco-romaine, en particulier l’Enéide de Virgile. Le mythe d’Enée, héros venu de Troie pour fonder Rome, est celui de l’exil fondateur. Voilà le mythe européen par excellence : l’idée que notre civilisation vient d’ailleurs, qu’elle naît du déplacement, de la migration, que nous puisons nos références chez d’autres. Tous les peuples se sont reconnus dans cette légende : les rois de France, dès le XVIᵉ siècle, se disaient descendants des Troyens !
A ces sources antiques s’ajoute la matière celtique, la légende arthurienne née dans les îles britanniques puis fixée en français par Chrétien de Troyes. Ces récits de chevalerie ont circulé dans toute l’Europe : en Allemagne, en Espagne, en Italie, jusqu’à l’Europe de l’Est. On a même retrouvé des romans arthuriens écrits en yiddish ! Avant même d’être un projet politique, l’Europe fut un espace de fiction et d’imaginaire partagé. Ce qui rend possible l’Europe, c’est la culture européenne.
A commencer par les grands romans qui composent son patrimoine…
Le roman suppose la coexistence des contraires. Il met en scène des voix indépendantes, contradictoires, qui s’écoutent et s’opposent. Cet art du pluralisme, c’est aussi celui de la démocratie. Le roman européen repose sur la reconnaissance de l’autre, de sa dignité, de son mystère.
Flaubert nous fait voir le monde à travers les yeux de Madame Bovary ; Dostoïevski nous plonge dans les consciences les plus opaques. Le lecteur doit comprendre sans juger. C’est une éthique avant d’être une esthétique : apprendre à se mettre à la place d’autrui, même quand il est ridicule, comme don Quichotte. Le roman est une école d’humanité.
Don Quichotte, c’est nous ?
Don Quichotte inaugure quelque chose de radicalement nouveau : un roman qui critique le roman. Cervantès fait du récit un instrument de réflexion sur la société, la justice, la religion, le pouvoir. Le fou Don Quichotte devient le véhicule d’une critique universelle. Il incarne la liberté de ton, la liberté de forme, et surtout l’ironie.
Avec lui, le roman devient polyphonique : plusieurs voix, plusieurs consciences s’y affrontent. C’est l’inverse de l’épopée, qui ne parle qu’avec une seule voix. Depuis Cervantès, le roman européen est ce lieu de la contradiction. On retrouve cette polyphonie chez Rabelais, Diderot, Balzac, Flaubert, Gogol, Dostoïevski, jusqu’à Joyce, Virginia Woolf ou Kundera. C’est une invention spécifiquement européenne : un art du dialogue intérieur et de la dissonance.
Quels sont les points communs entre le temps de Cervantès et le nôtre ?
Ils sont multiples : fin des illusions concernant notre planète, remise en cause des modèles politiques et sociaux, querelles religieuses, guerres absurdes et tragiques aux portes de l’Europe, lutte pour la domination mondiale. Cervantès grandit dans un monde dont toutes les certitudes vacillent, comme les nôtres. Don Quichotte arrive alors pour brandir l’idéal et la littérature comme seules ressources possibles de salut. Sans la croyance à un idéal, nous ne valons pas grand-chose. Si nous décidons en revanche de vivre notre vie comme des héros de roman, peut-être échouerons-nous à changer le monde, mais au moins nous aurons réussi à nous changer nous-mêmes, ce qui est l’essentiel. La bonne utopie est celle qui nous transforme de l’intérieur sans qu’on cherche à l’imposer aux autres. On l’appelle aussi littérature. L’Europe est une utopie littéraire.
Dans sa leçon au Collège de France, Peter Sloterdijk dit que l’Europe est le continent de l’aveu et qu’elle souffre d’une grande modestie. Notre pensée philosophique et politique repose sur le doute. A l’ère des Poutine, Trump et Xi, est-ce un handicap ?
L’Europedoute, et c’est sa force. Montaigne l’a inauguré : penser, c’est se contredire. Un écrivain trop oublié, Elie Faure, disait en 1926 : "Le rôle de l’Europe aura été d’ériger la contradiction en principe de vie." C’est très juste. L’esprit européen est celui du doute et du dialogue, pas de la vérité imposée. Mais il faut que cette contradiction reste vivante : elle ne signifie pas faiblesse, elle peut aussi fonder une puissance. La démocratie, c’est l’organisation de la contradiction. L’Europe doit la défendre face aux régimes qui, comme la Russie ou la Chine, refusent le pluralisme. Défendre la contradiction, c’est défendre la liberté même.
Qui, après Cervantès, peut être considéré comme le fondateur du roman européen ? Kafka ?
Kafka invente une allégorie sans clé, une énigme ouverte. Ses récits exigent du lecteur qu’il construise le sens. Rien n’y est donné : le sens se cherche, s’invente, se discute. C’est une tradition très européenne : celle de l’interprétation.Dans le christianisme européen, il n’y a pas de langue sacrée ; les paraboles demandent toujours à être comprises, commentées. La littérature hérite de cela : le refus du littéralisme, la liberté herméneutique. Lire Kafka, c’est exercer sa liberté d’interpréter, c’est refuser la parole unique.
Vous faites du tremblement de terre survenu à Lisbonne en 1755 l’un des événements qui ont le plus secoué la conscience européenne. Pourquoi ?
Le tremblement de terre de Lisbonne a été un choc. Toutes proportions gardées, il a été pour le XVIIIe siècle l’équivalent de la Shoah au XXe. Cet événement a suscité une immense interrogation morale et philosophique : où était Dieu ? Etait-ce la fatalité, ou la faute des hommes ? Voltaire et Rousseau se sont affrontés sur cette question. Cet épisode a ouvert la voie à la sécularisation du monde et à la responsabilité humaine. Depuis, chaque catastrophe a ravivé cette tension entre fatalité et raison. La littérature européenne est née de ce questionnement permanent sur le sens, sur la part d’ombre et de mystère de l’existence.
Faut-il des catastrophes pour que la conscience européenne se réveille ?
Les guerres de religion ont donné Montaigne, la Révolution française Hegel et Hugo, la Première Guerre mondiale Woolf et Valéry, la Shoah Celan et Beckett. Autant d’écrivains d’une envergure européenne, dont l’œuvre est comme une conscience du drame qui vient de se jouer. On le voit aujourd’hui : la pandémie, les menaces géostratégiques, la crise écologique, la montée des extrêmes, tout cela remobilise l’Europe en la rendant d’abord consciente de sa faiblesse. "Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve", disait le poète Hölderlin. Le sentiment de fragilité est notre singularité et paradoxalement notre chance dans un monde où nous sommes les derniers à représenter l’idéal humaniste d’une puissance sans violence.
Le "sacre de l’écrivain", selon l’expression de Paul Bénichou, qui dote les philosophes et les gens de lettres d’un pouvoir spirituel laïc à partir de la moitié du XIXe siècle, est-il un phénomène purement français ?
Il est d’abord français : la France a poussé plus loin que d’autres la sacralisation de l’écrivain. De Voltaire à Zola ou Sartre, la figure de l’intellectuel engagé est très nationale. Mais chaque pays s’est donné ses grands auteurs fondateurs : Dante en Italie, Goethe en Allemagne, Shakespeare en Angleterre, Cervantès en Espagne. Ces écrivains ont unifié la langue et symbolisé la nation. Et dès la fin du XVIIIᵉ siècle, on reconnaît leur équivalence : un concert des nations où Dante, Goethe, Cervantès ou Rabelais dialoguent d’égal à égal.
Votre "Adieu à la littérature" annonçait une crise du roman. L’avons-nous surmontée ? Ou bien sommes-nous en train de la traverser ?
Je crois que nous l’avons dépassée. Après le formalisme du nouveau roman, les écrivains ont renoué avec le réel, d’abord par le récit de soi, puis par des formes plus ouvertes. L’autofiction, de Marguerite Duras à Annie Ernaux, a réinventé le lien entre expérience intime et histoire collective. Les Années d’Ernaux, par exemple, est un roman européen par excellence : ancré dans la France des supermarchés, mais universel dans sa portée.
Aujourd’hui, le roman retrouve une ampleur : on pense à Houellebecq, à Mohamed Mbougar Sarr, à László Krasznahorkai. Ce dernier, tout comme Kafka avant lui, dépeint un monde déréglé, absurde, traversé par l’ironie. Cette ironie — que nos sociétés numériques ont parfois du mal à comprendre — reste la meilleure défense contre les certitudes et les fanatismes.
L’Europe a-t-elle basculé dans ce qu’Alain Finkielkraut nomme "l’après-littérature" ? Avons-nous perdu notre spécificité littéraire ?
Les nations européennes se sont définies autour de leur langue et de leurs écrivains : Dante, Cervantès, Goethe, Rabelais… Ailleurs, ce sont souvent les religions ou les souverains qui fondent les identités. En Europe, ce sont les livres.
C’est aussi pour des raisons symboliques qu’on a voulu intégrer la Grèce à la construction européenne : parce qu’elle est la matrice de la littérature, d’Homère à Sophocle. La tragédie grecque, comme le roman, est un art de la contradiction. L’Europe politique s’est bâtie sur cet héritage esthétique.
L’ironie et le second degré qui caractérisent le roman européen sont de moins en moins compris et acceptés. Sans cette ressource de la littérature, ne risquons-nous pas d’être contaminés par le politiquement correct venu des Etats-Unis ?
La littérature a le grand avantage de nous apprendre qu’une parole peut avoir plusieurs sens, par l’usage de la métaphore ou de l’ironie. Cette richesse du verbe se perd aujourd’hui sur les réseaux sociaux, où l’on réagit et l’on condamne avant même d’avoir cherché à comprendre. Il est très difficile aujourd’hui de faire lire à des élèves les condamnations de l’esclavage proférées par Montesquieu et Voltaire, car elles s’expriment de manière ironique, sous la forme d’un éloge paradoxal. Il est d’autant plus essentiel de faire lire de la littérature aux élèves et de leur faire jouer du théâtre, pour leur apprendre la complexité du langage. Nous croulons sous l’esprit de sérieux, et j’admire plus que tout les écrivains qui portent haut l’esprit de la légèreté et du rire.
Il y a dix ans, vous publiiez La haine de la littérature, qui peut se lire comme une autre histoire de la littérature européenne. Où en est-on avec cette haine ?
La détestation de la littérature est de tous les temps. J’en ai trouvé les premières traces chez Platon. Les théologiens, les moralistes, les scientifiques, les puissants détestent ce discours – la littérature – qui prétend parler du monde tout en nous distrayant, et sans avoir l’autorité nécessaire, ni les diplômes, ni les autorisations, ni la méthode, ni les protocoles. La littérature fait tout – elle nous instruit, nous fait penser, nous émeut, nous élève, nous surprend, nous divertit – de manière illégitime. J’aime quand une œuvre fait scandale : cela veut dire que la littérature agit encore. Mais l’indifférence m’effraie plus que la haine, et je crains que cette indifférence à l’égard de la littérature ne progresse à grands pas parmi la jeunesse.
Michel Houellebecq est l’un des écrivains les plus lus en Europe. Qu’est-ce que son succès dit de nous ?
Michel Houellebecq exprime la crise morale et existentielle de nos sociétés. Il ne propose pas de solution, mais il met le doigt sur la fatigue d’une civilisation. D’autres écrivains, comme Erri De Luca, Javier Cercas ou Krasznahorkai, explorent ce même doute : une Europe qui vacille, qui cherche sa place entre compassion et repli, ouverture et peur.
Le rôle du romancier n’est pas d’apporter des réponses, mais de rendre visibles les contradictions. C’est pour cela que les œuvres sont souvent plus intelligentes que leurs auteurs : elles pensent plus loin qu’eux.
Existe-t-il encore une conversation littéraire européenne ?
Oui, même si elle ne passe plus par les institutions. Les salons, les festivals, les traductions maintiennent ce dialogue. Le vrai problème, c’est la domination de la littérature anglophone, qui écrase les autres voix. On traduit trop de l’anglais et pas assez du hongrois, du tchèque, de l’arabe ou du chinois. Il faut retrouver la curiosité de la différence : lire des œuvres venues d’autres langues, c’est élargir notre Europe intérieure.
Quels sont les écrivains, qui, bien que non européens, le sont dans leur manière d’écrire ?
Salman Rushdie est un écrivain mondial, mais profondément européen dans sa façon d’écrire : il pratique l’ironie, la satire, la jubilation narrative. Son roman Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits est un conte voltairien, peuplé de djinns, drôle et profondément libre. Chez lui, on retrouve l’héritage de Cervantès et de Voltaire : l’art de rire du pouvoir, de tout remettre en jeu. C’est cela, au fond, le roman européen : un lieu où l’on pense en riant, où l’on doute sans désespérer, où la liberté commence avec la contradiction.
A quoi ressemble aujourd’hui un lettré européen ?
Idéalement, ce serait quelqu’un qui a fait l’effort d’assimiler la littérature de l’Antiquité classique, qui a lu la Bible, qui peut lire dans quelques langues étrangères, qui s’intéresse aussi bien au patrimoine littéraire qu’aux nouveautés, et qui tâche de regarder ce qui s’écrit au-delà de nos frontières, voire au-delà de notre continent. J’avoue dresser ici un peu mon portrait-robot. Pourtant, je suis frappé de voir dans les librairies, dans les bibliothèques, sur les bancs du Collège de France ou des universités, tant de lecteurs passionnés, de tout âge, qui ont une vraie passion pour la littérature. Quiconque préfère le soir ouvrir un livre plutôt qu’allumer sa télé ou se laisser hypnotiser par les écrans a gardé quelque chose de l’esprit européen.
"Il y a plus d’œuvres perdues que d’existantes", notiez-vous dans une série de cours au Collège de France. Pensez-vous qu’un chef-d’œuvre de l’importance de Don Quichotte ait pu disparaître ?
Je le crains. Le poème De la nature de Lucrèce a été à deux doigts de disparaître : au Moyen Âge, il n’en existait plus qu’un seul manuscrit. Nous avons perdu d’innombrables tragédies d’Eschyle, Sophocle et Euripide. L’œuvre de Sappho s’est réduite à un seul poème. Les grandes épopées dont sont inspirés les poèmes homériques ont disparu. Nous ne connaissons qu’une toute petite partie de ce chef-d’œuvre qu’est le Satiricon. Des dizaines de romans de la Table ronde se sont volatilisés. Le naufrage est abyssal. Depuis l’apparition de l’imprimerie, depuis l’invention du dépôt légal, heureusement, les œuvres se perdent moins : elles reposent quelque part sur les rayonnages des bibliothèques, mais il faut aller les y lire et les découvrir !
Quelles ont été vos dernières lectures européennes ?
Couronné par le prix Nobel, László Krasznahorkai réjouit mes soirées par son splendide humour noir – une vraie réponse à la crise contemporaine. Autrement, je furète volontiers chez les bouquinistes pour découvrir ce que j’ignore – dernièrement l’étincelant recueil poétique Les Barricades mystérieuses d’Olivier Larronde, de 1948. J’y ai déniché Les Corps tranquilles de Jacques Laurent, un roman des années 1940 d’une liberté étonnante, plein d’humour et d’ironie. Il appartient à cette grande lignée du roman polyphonique, où toutes les voix du monde s’entrechoquent.
Et je défends aussi des auteurs oubliés comme Joséphin Péladan, étrange catholique anticolonial du XIXᵉ siècle, ou Rachilde, l’une des premières romancières modernes. Ces écrivains, qu’on relit aujourd’hui, rappellent que l’Europe littéraire s’est toujours nourrie de ses marges, de ses hérétiques et de ses excentriques.
Mon préféré parmi les oubliés, c’est Anatole France. Quel satiriste, quelle drôlerie, quelle élégance, quelle culture ! Il n’a pas été pour rien le modèle de Marcel Proust. Tout est à lire chez lui, mais mon favori, c’est La Révolte des anges, un fabuleux roman métaphysique et anarchiste de 1913.
Vous êtes un fin connaisseur de l’œuvre de Paul Valéry. Ses écrits sur l’Europe peuvent-ils être une source d’inspiration pour notre époque ?
"Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles." N’est-il rien de plus actuel que cette phrase qui ouvre La Crise de l’Esprit en 1919 ? Il faut lire ses Regards sur le monde actuel, qui posent clairement le diagnostic de toutes les menaces autour de nous : la technologie, la mondialisation, l’émergence de l’Asie, le totalitarisme. Avec Thomas Mann, Zweig, Einstein et quelques autres, il fait partie de ces puissants esprits qui ont essayé dans l’Entre-deux-guerres de porter haut le flambeau de l’Europe et de la paix par les arts et les lettres.
Après des mois d’impasse diplomatique, la Suisse peut enfin souffler. Frappée l’été dernier par les droits de douane américains parmi les plus élevés au monde, la Confédération helvétique a enfin trouvé un compromis avec Donald Trump, comme ce dernier l'a annoncé ce vendredi 14 novembre. En échange de plusieurs concessions sur la taxation de ses importations américaines, la Suisse voit ainsi ses droits de douane passer de 39 % à 15 %.
Le secteur privé suisse a également donné des garanties, promettant d’investir 200 milliards de dollars aux Etats-Unis d’ici à fin 2028. C’est justement l’implication des entreprises suisses, et plus directement de leurs patrons, qui a été déterminante pour la conclusion d’un accord tant attendu sur les droits de douane. Selon le Wall Street Journal, les poids lourds du tissu économique suisse ont œuvré en coulisses au cours de ces derniers mois, en parallèle des nombreux voyages diplomatiques des personnalités officielles. C’est peu dire que les grands patrons s’impatientaient, suivant de près les efforts répétés de la présidente de la Confédération, Karin Keller-Sutter : l’économie du pays dépend fortement des exportations, dont 18 % sont destinées aux Etats-Unis.
Loge Rolex à l’US Open et lingots d’or
L’opération séduction a commencé dans la loge Rolex à l’US Open, début septembre. Donald Trump y avait été invité par le directeur général de la marque suisse de montres de luxe, Jean-Frédéric Dufour, pour regarder la finale du tournoi. En réponse à une sénatrice démocrate américaine, Rolex a par la suite démenti avoir tenté d’obtenir des exemptions de droits de douane sur ses produits et a indiqué n’avoir pas eu de discussion "substantielle" sur les tarifs imposés par Donald Trump. Le président est tout de même reparti avec quelques cadeaux, dont un pull de golf.
Quelques semaines plus tard, début novembre, plusieurs éminents chefs d’entreprises suisses ont rendu visite en personne au président américain. Selon Reuters, cette rencontre dans le bureau Ovale a notamment rassemblé la compagnie de transport maritime MSC, le groupe de luxe Richemont, le fonds d’investissement Partners Group, le négociant en matières premières Mercuria, le spécialiste des métaux précieux MKS et… Rolex. Dans leurs valises, là encore, se trouvaient quelques cadeaux glissés au cas où : des lingots d’or gravés au numéro des deux mandats présidentiels de Trump - 45 et 47 - et une horloge de table Rolex. Les deux présents ont été approuvés par le comité éthique de la Maison-Blanche et resteront dans la librairie présidentielle du président, précise le Wall Street Journal.
Une "initiative privée"
Outre les précieux cadeaux, les discussions ont tourné autour des effets négatifs des tarifs douaniers sur l’économie suisse, puis sur les investissements que les patrons suisses pouvaient faire aux Etats-Unis. Surtout, selon une publication du président américain sur son réseau social Truth social, les deux parties ont discuté de l’excédent commercial de la Suisse avec les Etats-Unis, un sujet qui irrite particulièrement Trump.
Selon l’agence Bloomberg, le gouvernement suisse a commenté une "initiative privée" de la part des patrons, toutefois "soutenue par le secrétariat aux affaires économiques". L’exécutif helvète a d’ailleurs précisé qu’il restait lui-même chargé des négociations. Les patrons, eux, lui ont emboîté le pas en précisant dans une déclaration commune qu’ils n’avaient pas négocié directement avec Donald Trump mais plutôt soutenu l’action de leurs gouvernements. Il n’empêche que, la semaine suivante, le ministre suisse de l’économie Guy Parmelin s’envolait pour Washington afin de finaliser l’accord. Lui-même a reconnu que si des progrès avaient été faits dans les semaines précédentes, l’intervention du secteur privé a été "décisive", rapporte la RTS.
L’accord intervient après des mois de négociations infructueuses entre la Suisse et les Etats-Unis. Ces derniers avaient frappé l'Etat helvète de droits de douane à 39 % l’été dernier, lui qui pensait pourtant échapper aux 31 % initialement annoncés en avril par Donald Trump. Karin Keller-Sutter s’était ensuite précipitée à Washington pour tenter de sauver les meubles, sans succès.
L’accord durement arraché, qui devra être finalisé début 2026, prévoit la suppression de taxes sur des produits américains de la mer et certaines viandes, agrumes ou noix. Les investissements suisses devraient par ailleurs créer "des milliers d’emplois bien rémunérés" dans tous les Etats américains et dans tous les secteurs, se félicite la Maison-Blanche dans un communiqué. Les entreprises suisses, elles, ont exprimé un prudent soulagement.
Donald Trump a été invité à dans la loge de Rolex à l'US Open par le directeur général de la marque suisse de montres de luxe, Jean-Frédéric Dufour, pour regarder la finale du tournoi.
Les Gardiens de la Révolution, armée idéologique de la République islamique, ont confirmé dimanche avoir saisi dans les eaux du Golfe un pétrolier qui avait changé soudainement de cap vendredi dans le détroit d'Ormuz pour se diriger vers les eaux iraniennes, selon l'AFP. Vendredi 14 novembre à 4 heures du matin, "suite à une décision de justice ordonnant la saisie de la cargaison d'un pétrolier, le Talara, battant pavillon des Iles Marshall, les unités d'intervention rapide de la marine des Gardiens de la Révolution ont surveillé ses mouvements, l'ont intercepté et arraisonné", ont indiqué ces derniers dans un communiqué, cité par l'AFP. Les autorités iraniennes affirment que le pétrolier "transportait une cargaison non autorisée", sans fournir davantage de précisions. "Le pétrolier transportait 30 000 tonnes de produits pétrochimiques et se dirigeait vers Singapour. Il a été conduit ce matin à un mouillage afin de traiter les violations constatées", ont précisé les Gardiens.
Le Talara, construit en 2010, mesure 228 mètres et affiche 73 371 tonnes de port en lourd. Il appartient, selon la base de données Equasis spécialisée dans la sécurité des pétroliers, à la société chypriote Pasha Finance Inc. Le navire, parti d’Ajman (Émirats arabes unis) à destination de Singapour, a soudainement changé de cap dans le détroit d’Ormuz avant de se diriger vers les eaux iraniennes.
La société maritime Ambrey indique qu’il a été approché par trois petites embarcations avant de virer brusquement vers les côtes iraniennes et de se diriger vers Bandar-e-Jask, où une installation est contrôlée par la marine des Gardiens de la Révolution. Kpler, société d’analyse de données, rapporte qu’il a ensuite coupé ses communications radio.
Une zone sous haute tension
Il s'agit de la première interception de cette nature dans le détroit d’Ormuz depuis plus d’un an. Le commandement central américain, chargé de la région, a déclaré être au courant de l’incident et suivre "activement" la situation. "Les navires commerciaux bénéficient de droits de navigation et de commerce largement sans entrave en haute mer", a rappelé Centcom, cité par le Wall Street Journal.
Le détroit d'Ormuz, un passage clé pour le transport mondial de pétrole et de gaz naturel liquéfié, a été le théâtre de plusieurs incidents dans le passé et demeure un nœud géopolitique sensible. Les saisies de navires y sont rares, mais l’Iran a déjà menacé de fermer cette route stratégique lors de périodes de tensions. En 2024, il avait arraisonné le du navire MSC Aries, accusé d’être lié à Israël après une attaque meurtrière contre le consulat iranien en Syrie, imputée à l'Etat hébreu, avant de relâcher le navire en juin. Le contexte régional reste marqué par les affrontements entre l’Iran et Israël, les tensions persistantes autour du programme nucléaire iranien, ainsi que par les attaques menées en mer Rouge par les Houthis, milice yéménite soutenue par Téhéran.
Bloquera, bloquera pas ?
Affaibli par la guerre des Douze-Jours d’Israël et les assauts des États-Unis contre son programme nucléaire, la République islamique menace de bloquer le détroit d'Ormuz pour perturber le trafic mondial et faire monter les cours. Une telle décision aurait des effets considérables sur les flux pétroliers mondiaux, alors qu'un tiers du pétrole transporté par voie maritime dans le monde transite par le détroit. Certains analystes, à l’instar de ceux des banques JP Morgan ou Goldman Sachs, prévoient qu'un blocage d’un mois pourrait propulser le prix du baril au-delà de 110 dollars, voire jusqu’à 130 dollars.
Mais un blocage du détroit ne serait bénéfique pour personne, et pas même l'Iran, qui détient 11 % des Réserves pétrolières prouvées mondiales selon l'Agence internationale de l'énergie, et dont 35 % des recettes publiques au moins dépendent des exportations de pétrole. Il constituerait une véritable déclaration de guerre envers Oman, placé au sud du détroit, et tous les pays dépendants d'Ormuz pour exporter leur pétrole, comme l'Arabie saoudite, l'Irak, les Emirats arabes unis, le Qatar, ou le Koweït. Sans compter Israël et les puissances occidentales, en premier lieu des Etats-Unis. De bonnes raisons pour laisser Téhéran y réfléchir à deux fois.
La semaine dernière, les Américains ont officiellement entamé des négociations au sein du Conseil de sécurité de l'ONU sur un projet de texte qui "endosse" le plan du président américain ayant permis la mise en place, le 10 octobre, d'un cessez-le-feu fragile dans le territoire palestinien ravagé par deux années de guerre provoquée par une attaque sanglante du mouvement islamiste Hamas. Le texte autorise notamment le déploiement d'une "force de stabilisation internationale" (ISF).
Face aux réserves de certains membres et à la proposition d'un texte concurrent de la Russie, ils ont mis en garde vendredi contre les risques d'un rejet de leur texte et affiché le soutien de plusieurs pays arabes et musulmans. "Les Etats-Unis, le Qatar, l'Egypte, les Emirats arabes unis, le royaume d'Arabie saoudite, l'Indonésie, le Pakistan, la Jordanie et la Turquie expriment leur soutien conjoint" au projet de résolution américaine autorisant notamment une force internationale dans le territoire palestinien, et espèrent son adoption "rapide", disent-ils dans une déclaration commune. Ce plan offre "un chemin viable vers la paix et la stabilité, non seulement pour les Israéliens et les Palestiniens, mais pour toute la région", ont-ils insisté.
Le Royaume-Uni a également apporté vendredi son soutien public au texte américain. Et le Conseil se prononcera lundi à 23 heures (heure française) sur le texte, ont indiqué vendredi soir plusieurs sources diplomatiques à l'AFP. Le projet de résolution américain, plusieurs fois modifié, prévoit de donner un mandat jusqu'à fin décembre 2027 à un "comité de la paix" censé être présidé par Donald Trump, organe de "gouvernance de transition" pour administrer Gaza.
Il "autorise" également le déploiement de l'ISF qui pourra utiliser "toutes les mesures nécessaires pour mener son mandat dans le respect du droit international": appui à la sécurisation des frontières en coopération notamment avec Israël et l'Egypte, démilitarisation de Gaza, désarmement "des groupes armés non étatiques", protection des civils, formation d'une police palestinienne...
"Conflit perpétuel"
La décision de programmer le vote intervient alors que la Russie a fait circuler aux membres du Conseil un projet de résolution concurrente qui n'autorise ni la création d'un "comité de la paix", ni le déploiement immédiat d'une force internationale à Gaza, selon le texte vu vendredi par l'AFP. Ce texte demande simplement au secrétaire général de l'ONU "d'identifier des options pour appliquer les dispositions" du plan de paix et présenter "rapidement" des "options de déploiement d'une force" à Gaza. "Nous voulons souligner que notre document ne contredit pas l'initiative américaine", a assuré vendredi dans un communiqué la mission russe à l'ONU. La "logique" du texte russe est de permettre au Conseil "de définir des modalités claires de déploiement d'un contingent de maintien de la paix et d'établir une administration à Gaza tout en s'assurant que ces modalités sont en accord" avec les normes internationales, a-t-elle ajouté.
Alors que des échanges publics de ce type lors de négociations du Conseil sont plutôt rares, l'ambassadeur américain à l'ONU Mike Waltz a également publié un texte vendredi dans le Washington Post. "Tout refus de soutenir cette résolution (le texte américain, ndlr) est un vote en faveur de la poursuite du règne des terroristes du Hamas ou en faveur de la reprise de la guerre avec Israël, condamnant la région et sa population à un conflit perpétuel", a-t-il déclaré.
La guerre a été déclenchée par l'attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas en Israël, qui a entraîné côté israélien la mort de 1 221 personnes, en majorité des civils, selon un bilan établi par l'AFP à partir de chiffres officiels. Plus de 69 185 Palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza par la campagne militaire israélienne de représailles, essentiellement des civils, selon le ministère de la Santé de Gaza, placé sous l'autorité du Hamas et dont les chiffres sont jugés fiables par l'ONU.
Dès l’annonce de la démission du directeur général de la BBC, Tim Davie, ainsi que de sa directrice de l’information Deborah Turness, des voix anonymes au sein de la Corporation ont dénoncé un coup monté par tous ceux qui voudraient la faire disparaître : les trumpistes, les conservateurs… et le propriétaire de l’hebdomadaire Jewish Chronicle, le conservateurRobbie Gibb, ex-directeur de la communication de l’ancienne première ministre Theresa May et membre du conseil d’administration de la chaîne publique depuis 2021… Pourtant, la "Beeb", comme on l’appelait autrefois avec affection, est seule responsable de ce qui lui arrive.
L’affaire qui a précipité la crise est un montage à charge contre Donald Trump diffusé une semaine avant sa réélection en novembre 2024. En raboutant deux éléments de phrases prononcés au début et à la fin d’un long discours le 6 janvier 2021, l’émission d’investigation Panorama a laissé croire aux téléspectateurs que Donald Trump avait appelé directement à marcher sur le Capitol et à s’y battre. En fait, il avait tout d’abord incité "à venir encourager les membres du Congrès" pour les convaincre, puis 50 minutes plus tard, à "se battre, se battre comme des beaux diables" pour faire entendre leur voix. L’émission avait été vue et validée par le "Bureau de vérification et d'éthique" de la Corporation. Personne n’avait rien trouvé à redire à ce que l’on ne peut que nommer une "fake news". C’est un rapport, fuité à la presse début novembre, qui a révélé l’affaire et mit le feu aux poudres.
Ce rapport de 19 pages signé Michael Prescott, ancien conseiller indépendant du "Comité des normes éditoriales" de la BBC, met en lumière un nombre impressionnant de sérieux manquements à l’impartialité, notamment dans les reportages sur Donald Trump, le conflit israélo-palestinien et les questions de genre. Ce rapport se fonde notamment sur l’analyse d’un conseiller éditorial interne à la BBC, David Grossman, qui avait étudié le contenu de toute la production journalistique de la BBC entre mai et octobre et 2024 et dont les conclusions avaient été soigneusement rangées dans un tiroir. Grossman alertait alors sur des défaillances "systémiques".
La BBC est financée par le public, pour le public. Ses détracteurs, notamment conservateurs, ont toujours essayé de rogner son budget. Et à chaque renouvellement de sa licence, tous les dix ans, il lui faut convaincre le gouvernement du moment de la nécessité de son existence. En 2017, l'exécutif conservateur réduisait son budget d’un tiers, un coup rude entraînant des coupes drastiques et de nombreux plans de licenciement. La BBC devait soudain fonctionner avec 700 millions de livres sterling en moins. L’arrêt d’émissions d’actualité et d’analyses phares et pourtant peu coûteuses comme Hard Talk et DatelineLondon, alors que le salaire à sept chiffres de présentateurs sportifs était maintenu, a été mal accueilli. Une hémorragie de talents a suivi. Des médias concurrents ont attiré les meilleurs journalistes politiques de la BBC, comme Andrew Marr et Emily Maitlis. Pour compenser ces départs, la Corporation a embauché de jeunes journalistes tout juste sortis de l’université, beaucoup moins coûteux mais aux opinions souvent plus tranchées.
L'épineuse question LGBT+
La charte de la BBC indique que la première de ses missions est de fournir au pays des informations exactes et des analyses impartiales. Mais sur certains sujets, la BBC ne remplit plus sa mission depuis longtemps. Selon Sonia Sodha, ancienne conseillère du leader du parti travailliste entre 2020 et 2016, qui suit de près le sujet des transgenres, la BBC s’est montrée depuis une quinzaine d’années dangereusement partiale, présentant "l’idéologie du genre" comme un fait établi (à savoir que les hommes doivent pouvoir s’auto-identifier comme femmes s’ils le désirent et ainsi, par exemple, accéder aux espaces et compétitions réservés aux femmes). "La couverture médiatique de la BBC tend trop souvent à présenter comme un fait avéré la croyance quasi religieuse selon laquelle chacun posséderait une 'âme genrée' appelée 'identité de genre', et que toute remise en question de cette idée serait une forme d’intolérance", résume cette spécialiste.
En 2018, la BBC crée un département LGBT+ et recrute deux correspondants spécialisés, l’un est "LGBT correspondent", l’autre "gender and identity correspondent". Ces jeunes journalistes inexpérimentés refusent de traiter de sujets allant à l’encontre de leurs convictions. "Leurs producteurs ont laissé faire, terrifiés à l’idée de recevoir des plaintes pour discrimination anti-LGBT", note Janice Turner, éditorialiste au Times. En 2014, une émission pour enfants, I am Leo, produite en partenariat avec le groupe militant All about Trans, montrait une petite fille haïssant "son horrible corps de fille" et préférant "jouer à des jeux de garçons" comme le football. L’augmentation nette du nombre de filles disant souffrir de dysphorie de genre et se rendant dans des cliniques spécialisées a accompagné les diffusions de cette émission. Après le rapport du Dr Hilary Cass publié en 2024 et critiquant sévèrement les pratiques médicales douteuses menées sur ces enfants, la BBC a retiré I am Leo de son site et fait un peu le ménage dans ses équipes.
Cependant, le sujet, toujours brûlant, continue à faire dérailler la BBC. Récemment, Justin Webb et Martine Croxall, deux présentateurs et journalistes vedettes, ont reçu un blâme de la part du "Comité des plaintes" de la BBC : le premier avait clarifié qu’"une femme trans est née homme" et la deuxième avait corrigé l’expression apparue sur son téléprompteur de "gens enceintes" pour "femmes enceintes". Pour Sonia Sodha, "si la BBC, financée par le public, devient partie prenante dans les guerres culturelles qui traversent la société, sa raison d’être s’effondre."
Le brûlant dossier israélo-palestinien
Un autre sujet brûlant dans lequel la BBC s’est embourbée est le conflit israélo-palestinien. En juin dernier, Michael Prescott alertait déjà sur les dérives sectaires du service en arabe de la BBC. Un exemple parmi des dizaines d’autres dans le rapport : le contributeur Ahmed Alagha, "présenté comme journaliste", et qui décrit les Israéliens comme "moins que des humains" et les "juifs" comme "l’incarnation du diable", est apparu à l’antenne 522 fois entre novembre 2023 et avril 2025, soit en moyenne tous les jours pendant 17 mois. La liste de ces collaborateurs réguliers à BBC Arabic vouant une haine contre Israël est longue. En octobre dernier, la BBC fut contrainte d’avouer que le narrateur de 13 ans de son documentaire Gaza : How to survive a warzone n’était autre que le fils d’un haut dirigeant du Hamas. En juin, lors du festival de Glastonbury que la BBC retransmettait en léger différé, personne à la Corporation n’a trouvé à redire quand le chanteur de Bob Vylan, l’un des groupes sur scène, a appelé à la mort des soldats israéliens en scandant "death, death to the IDF [NDLR : l'abréviation désignant les forces de défense israéliennes]".
Matthew Syed, journaliste et producteur de l’émission Sideways sur BBC Radio 4, estime que la majorité des Britanniques est attachée à la "Beeb" et à la notion de service public, mais qu’elle s’inquiète aussi des dérives idéologiques existant au sein de la maison. "Ce qu’il y a de plus frappant dans les conclusions du rapport Prescott, ce n’est pas le nombre d’erreurs (toutes les organisations en commettent), mais la manière dont elles se répètent et s’organisent", estime-t-il. En d’autres termes, beaucoup de journalistes de la BBC ont perdu l’habitude de se remettre en question. L’entre-soi qui y règne est tel, les convictions comme l’anti-trumpisme y sont tellement arrêtées, que "manipuler les propos de Trump leur a paru légitime. Et il n’y a eu personne parmi eux pour défendre un point de vue contraire."
D’après le centre de recherche indépendant More in Common, un grand nombre d’institutions comme la BBC sont dominées par des "militants progressistes", alors que ceux-ci ne représentent que 13 % de la population, d’où un biais cognitif et une déconnexion avec le grand public. D'après Syed, il faut remonter aux années 1960 et à l’université pour comprendre ce phénomène. "A cette époque, le ratio entre enseignants universitaires de gauche et ceux de droite était de 3 pour 1, aujourd’hui il est de 8 pour 1. Les étudiants n’ont cessé de pencher à gauche et, une fois diplômés, s’installent surtout dans les grandes villes notamment à Londres où ils constituent des réseaux d’amitié qui opèrent également dans les institutions dans lesquelles ils travaillent."
Penser contre elle-même
Comme le dit The Economist, la BBC est à la fois exaspérante mais indispensable. Sa branche internationale, le World Service, avec ses services en 42 langues et son audience de 400 millions de téléspectateurs et auditeurs, représente dans de nombreux pays l’une des rares voix démocratiques. Il est évidemment vital que la BBC continue à exister. Cependant, en prenant part aux guerres culturelles et idéologiques au lieu de se placer au-dessus de la mêlée, la BBC a mis en péril sa propre survie alors même qu’elle s’apprête à renégocier les termes de sa licence avec le gouvernement.
Il est vital, insiste Syed, que la BBC représente toutes les opinions politiques et pas seulement une variété d’inclinations sexuelles, d’origines sociales et de couleurs de peau, et elle doit également accueillir en son sein des gens brillants qui ne sont pas allés à l’université. Encore plus important, elle doit penser contre elle-même. C’est en examinant sans complaisance les défaillances de sa ligne éditoriale — qui l’a rendue si vulnérable à l’entrisme de minorités militantes — qu’elle pourra se relever. Seule la BBC peut se sauver elle-même.
"On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens", écrivait au XVIIe siècle le cardinal de Retz dans ses mémoires. La nouvelle Première ministre japonaise Sanae Takaichi, n’a visiblement pas jugé bon d’appliquer cette maxime. Moins de trois semaines après sa prise de fonction, la "Dame de fer" nationaliste a suscité l’ire de la Chine sur un dossier très sensible, en déclarant que "le déploiement de navires de guerre et le recours à la force [contre Taïwan], pourrait constituer une menace pour la survie du Japon".
Or cette qualification du danger n’a rien d’anodin : elle impliquerait l’envoi de troupes japonaises pour défendre l’île [de facto indépendante, mais revendiquée par Pékin], au titre de la "légitime défense collective" prévue par une loi adoptée en 2015. En évoquant une possible guerre contre la Chine, Sanae Takaichi, première femme à diriger le Japon, a franchi un pas par rapport à ses prédécesseurs, qui avaient maintenu une "ambiguïté stratégique".
Renouant avec la diplomatie agressive dite des "loups guerriers", qu’elle avait mis en sourdine dernièrement, la Chine a vertement réagi par la voix du consul général de Chine à Osaka qui, semblant cibler la Première ministre, a menacé sur X, de "couper cette sale tête sans la moindre hésitation", avant d’effacer son message. Tout aussi outrancier, l’influent journaliste Hu Xijin, proche du pouvoir, a estimé que Sanae Takaichi était "une sorcière maléfique", qui "a réussi à déclencher une nouvelle explosion de haine mutuelle entre l’opinion publique chinoise et japonaise". De son côté, pour marquer la gravité de l’incident, Pékin a convoqué, ce vendredi 15 novembre, l’ambassadeur japonais à Pékin.
Il s’agit d’un nouveau coup de chaud dans des relations sino-japonaises émaillées par nombre de crises ces dernières décennies, sur fond de passé qui ne passe pas - Pékin garde un souvenir douloureux des atrocités commises par le Japon pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment lors du massacre de Nankin, en 1937. L’arrivée à la tête du Japon d’une dirigeante qui ne cache pas sa défiance envers Pékin et sa sympathie pour Taïwan, était donc de nature à électriser les rapports entre les deux rivaux historiques.
Menace chinoise croissante
Le mandat de Sanae Takaichi avait pourtant commencé sans accroc avec son voisin communiste : la Première ministre et le président chinois Xi Jinping avaient affiché une volonté de poursuivre une relation stable lors de leur rencontre au sommet de l’Apec, à la fin du mois dernier, en Corée du Sud. Les autorités chinoises ont moins apprécié la suite de cette séquence diplomatique : Sanae Takaichi s’est affichée tout sourire lors du même forum avec le représentant de Taïwan (que la Chine considère comme l’une de ses provinces devant être "réunifiée" au besoin par la force), avant de publier la photo de la poignée de main sur X. Et de faire, une semaine plus tard, sa déclaration sur Taïwan devant le Parlement japonais.
Cette prise de position audacieuse s’inscrit dans un contexte géopolitique changeant et de plus en plus incertain. D’un côté, la Chine fait peser une menace croissante sur Taïwan, en multipliant les exercices militaires autour de l’île. De l’autre, des déclarations de Donald Trump ont jeté le doute sur le fait que les Etats-Unis interviendraient pour défendre Taïwan en cas d’attaque chinoise. Focalisé sur le rééquilibrage des échanges avec la Chine, Donald Trump n’a d’ailleurs pas évoqué la question de Taïwan avec Xi Jinping, lors de leur rencontre récente en Corée du Sud, qui a mené à une trêve commerciale.
Tokyo augmente ses dépenses militaires
Dans le même temps, l’actuelle administration américaine met le Japon sous pression pour qu’il augmente ses dépenses militaires et sa dissuasion conventionnelle face à une possible offensive chinoise contre Taïwan. En amont de la visite de Donald Trump au Japon, le mois dernier, la nouvelle cheffe du gouvernement a d’ailleurs annoncé que les dépenses japonaises en matière de défense aller atteindre 2 % du PIB en mars 2026, soit deux ans plus tôt que prévu par son prédécesseur, contre autour de 1 % en 2022. Tokyo transforme par ailleurs des destroyers, qui ressemblent désormais à des porte-avions légers (le gouvernement affirme qu’ils ont un rôle défensif), alors que pour des raisons constitutionnelles et politiques, le Japon s’est interdit depuis 1945 de construire des porte-avions classiques offensifs.
La sortie de la Première ministre a inquiété les milieux d’affaires japonais, la Chine étant le premier partenaire commercial du Japon. Mais sur le fond, elle n’a fait qu’exprimer la réalité. Depuis les "Guidelines for Japan-U.S. Defense Cooperation" de 2015 [NDLR : Principes directeurs de la coopération en matière de défense entre le Japon et les États-Unis], on sait qu’en cas d’attaque contre Taïwan, Tokyo participerait à une opération de protection de l’île, même si on ignore quelle forme elle prendrait exactement (forces combattantes ou soutien logistique)", souligne Jean-Pierre Cabestan, chercheur à Asia centre.
L’Archipel pourrait d’autant moins rester extérieur à un conflit, que l’île la plus à l’ouest du Japon, Yonaguni, dans la préfecture d’Okinawa, ne se situe qu’à à peine plus de 100 kilomètres des côtes taïwanaises. "Taïwan fait partie du périmètre de sécurité de l’alliance entre le Japon et les États-Unis", résume le sinologue. Sans compter que le détroit de Taïwan constitue pour le Japon une voie commerciale cruciale.
Avec le faucon Takaichi au pouvoir, qui s’est rendue régulièrement par le passé à un sanctuaire où sont commémorés des criminels de guerre japonais et compte muscler ses armées, les "loups guerriers" chinois risquent de donner encore de la voix.
La lourde surtaxe américaine de 39 % sur les produits suisses est en passe d'être réduite, Washington et Berne ayant annoncé vendredi 14 novembre avoir finalement trouvé un terrain d'entente. L'exécutif américain a accepté d'abaisser les droits de douane frappant les produits helvétiques depuis août, pour les ramener de 39 % à 15 %. Le gouvernement suisse a remercié sur X le président Donald Trump "pour son engagement constructif".
L'accord - qui concerne aussi le Liechtenstein - doit encore être formalisé, le gouvernement suisse précisant dans un communiqué avoir abouti avec Washington à "une déclaration d'intention juridiquement non contraignante". Les parties prévoient de terminer les négociations "début 2026", selon la Maison-Blanche.
Berne accorde plusieurs concessions
En échange d'une réduction des droits de douane, Berne a accordé une série de concessions tout en tentant de préserver son secteur agricole, alors que les Etats-Unis cherchent à pousser les exportations américaines en la matière.
Le ministre suisse de l'Economie Guy Parmelin a expliqué en conférence de presse que son pays allait "supprimer les droits de douane sur les poissons, fruits de mer américains ainsi que sur certains produits agricoles exotiques ou non sensibles, comme les agrumes, certaines noix, les compléments alimentaires, les produits du tabac ou le café". "Par ailleurs, a-t-il poursuivi, de petits contingents en franchise de droits seront accordés pour le bœuf, la viande de bison et la volaille."
Selon le communiqué de Berne, 500 tonnes de viande de bœuf, 1 000 tonnes de bison et 1 500 tonnes de volaille en provenance des Etats-Unis pourront ainsi entrer en Suisse avec zéro droit de douane. "Ces résultats ne posent pas de problème pour l'agriculture suisse", a assuré Guy Parmelin.
Des promesses d'investissements
Le secteur privé suisse a aussi donné des gages, en promettant d'investir 200 milliards de dollars aux États-Unis d'ici à fin 2028. "Ces investissements créeront des milliers d'emplois bien rémunérés dans les 50 États (américains, NDLR), dans divers secteurs tels que l'industrie pharmaceutique, la fabrication de machines, les dispositifs médicaux, l'aérospatial, la construction, l'industrie de pointe, le raffinage d'or et les infrastructures énergétiques", estime la Maison Blanche sur son site internet.
Depuis son retour au pouvoir en janvier, le président Donald Trump a juré de relancer la production industrielle aux Etats-Unis et de réduire le déficit commercial du pays. Son offensive protectionniste a pris de court le petit pays alpin. La Suisse s'est retrouvée avec des droits de douane additionnels de 39 %, une des surtaxes les plus lourdes mises en place par l'exécutif américain. L'Union européenne (UE) et le Japon avaient réussi dès l'été à ramener à 15 % les taxes américaines sur leurs exportations.
L'annonce est intervenue au lendemain d'une rencontre à la Maison-Blanche entre le représentant américain au Commerce Jamieson Greer et le ministre Parmelin, qui s'est déplacé à plusieurs reprises aux Etats-Unis ces derniers mois pour débloquer la situation.
Les entreprises suisses ont rapidement salué cette issue, sans crier victoire. L'abaissement des droits de douane "supprime les discriminations tarifaires considérables par rapport aux concurrents, notamment ceux de l'UE et du Japon. C'est un bref soulagement, mais on ne peut pas encore parler de levée de l'alerte", a commenté l'organisation patronale de l'industrie Swissmem. "Il ne faut pas baisser la garde. De nouveaux droits de douane pourraient être instaurés", a souligné son président Martin Hirzel, cité dans un communiqué.
"C'est une bonne nouvelle parce que ces 39 % (...) ont amené beaucoup d'insécurité pour notre secteur", a réagi auprès de l'AFP le président de la fédération horlogère, Yves Bugmann. "On parle toujours un peu sous réserve, les conditions de l'accord ne sont pas encore connues mais, évidemment, c'est un soulagement pour l'industrie", a-t-il poursuivi.
Le gouvernement suisse concède que "les droits de douane (américains, NDLR) restent supérieurs au taux en vigueur avant la mise en place des surtaxes, en avril", mais estime que "leur abaissement devrait se traduire par des impulsions positives pour l'économie suisse".
La lourde surtaxe américaine de 39 % sur les produits suisses est en passe d'être réduite, Washington et Berne ayant annoncé vendredi 14 novembre avoir finalement trouvé un terrain d'entente.
La Haute autorité de la communication du Mali (HAC) a suspendu les chaînes françaises LCI et TF1, leur reprochant "des affirmations non vérifiées et des contrevérités" relatives aux djihadistes dans ce pays sahélien, selon une décision consultée vendredi 14 novembre par l'AFP. "Les services des télévisions LCI et TF1 sont retirés des bouquets de tous les distributeurs de service de radiodiffusion sonore ou télévisuelle au Mali, jusqu'à nouvel ordre, à compter de la date de signature de la présente décision" de la HAC datée de jeudi.
Des mesures répressives contre la presse
Le Mali dirigé par un régime militaire à la suite de putschs entre 2020 et 2022, a pris des mesures répressives contre la presse, suspendu l'accès ou la diffusion de plusieurs médias - notamment étrangers - et réduit au silence ou emprisonné des journalistes et autres voix critiques.
Selon la HAC, la LCI a diffusé une "séquence de 12,24 mn extraite de l'émission 'Grand Dossier' le dimanche 9 novembre 2025 à 13H00, structurée en deux volets : 'Mali, les djihadistes aux portes de Bamako' et "'Mali, le nouveau fief d'Al-Qaïda'". Cette séquence a été "reprise par TF1 sur sa page web" le même jour, selon elle. Or, selon le régulateur des médias au Mali, elle comporte "des affirmations non vérifiées et des contrevérités" relatives notamment aux allégations selon lesquelles "la junte a interdit la vente du carburant" ou "désormais les terroristes sont donc proches de faire tomber la capitale" Bamako.
Il estime que ces affirmations, qu'il incrimine, sont "en violation fragrante du code de déontolongie du journaliste au Mali qui lui impose de se tenir au respect de la vérité". La séquence mise en cause présente "un registre alarmiste qui prédit un 'effondrement imminent de l'Etat malien', toutes choses qui provoquent la panique ou la défiance envers les institutions et (nuisent) à la cohésion sociale", argue la HAC. LCI et TF1 ne sont plus accessibles au Mali depuis jeudi soir, a constaté un journaliste de l'AFP.
La Haute autorité de la communication du Mali (HAC) a suspendu les chaînes françaises LCI et TF1, leur reprochant "des affirmations non vérifiées et des contrevérités" relatives aux djihadistes.
Les ministres de la Défense de cinq grands pays européens membres de l'Otan ont promis une coopération accrue pour contrer les "menaces hybrides" telles que les cyberattaques, les incursions de drones et la désinformation, après une réunion vendredi 14 novembre à Berlin où ils ont de nouveau pointé Moscou du doigt.
"Soutien indéfectible" à l'Ukraine
L'Allemagne, la France, la Pologne, le Royaume-Uni et l'Italie ont également réitéré leur "soutien indéfectible" à l'Ukraine et leur engagement à poursuivre le renforcement de leurs propres forces armées, dans une déclaration commune. "Nous intensifierons notre coopération pour contrer les menaces hybrides contre les alliés, y compris en répondant aux défis posés par les drones, les cyberattaques et la désinformation", ont déclaré les alliés du "Groupe européen des Cinq", établi un an plus tôt.
Cela inclura l'exploration de "systèmes de défense contre les drones" ainsi que "l'amélioration du partage d'informations", ont-ils ajouté.
Depuis l'invasion russe de l'Ukraine, les pays européens accusent la Russie de mener une guerre "hybride" à leur égard — soit un mélange de moyens non conventionnels qui peut inclure du sabotage ou des campagnes de désinformation.
Les survols de drones se multiplient
Les signalements de survols de drones se sont multipliés dans des aéroports et autres sites sensibles, dont militaires, ces derniers mois en Europe du nord, les dirigeants de ces pays voyant la main de Moscou derrière ces actions. "La Russie tente de détourner l'attention de ses propres problèmes et insuffisances, par exemple les frappes réussies de l'Ukraine dans l'arrière-pays russe, mais aussi les lourdes pertes sur le front, tout en essayant d'insécuriser et d'effrayer nos sociétés", a déclaré après la réunion le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius.
Rejoints par la cheffe de la politique étrangère de l'UE, Kaja Kallas, ils ont également promis d'intensifier la coopération avec l'Ukraine et "d'intégrer l'industrie de défense ukrainienne dans les initiatives et chaînes de valeur européennes". Les ministres ont également promis de "permettre une plus grande contribution européenne à la sécurité euro-atlantique".
Sous la pression de Donald Trump et face à la menace russe, les pays de l'Otan ont promis fin juin de porter à 3,5 %, contre 2 % auparavant, le pourcentage de leur PIB consacré aux dépenses strictement militaires. "L'agression russe s'intensifie. La guerre en Ukraine continue de faire rage. Les Etats-Unis ont à juste titre mis au défi les nations européennes de faire davantage et de dépenser davantage pour la défense", a estimé le ministre britannique de la Défense John Healey.