Quiconque parviendra à arrêter le président vénézuélien, Nicolas Maduro, sera récompensé de 50 millions de dollars. C’est du moins la promesse folle de l’administration de Donald Trump, qui accuse le dirigeant latino-américain d’être à la tête d’un réseau de narcotrafic, le "Cartel des Soleils", une organisation classée en juillet comme "terroriste" par le Trésor américain, mais dont l’existence est contredite par de nombreux spécialistes des questions criminelles et de stupéfiants en Amérique latine.
Ce nom, qui évoque les épaulettes des généraux vénézuéliens ornées d’un soleil doré dont le nombre augmente à mesure que le rang s’élève, est apparu dans la presse en 1993, six ans avant l’arrivée au pouvoir de l’ex-président Hugo Chavez, dans une affaire impliquant deux généraux visés par une enquête pour trafic de drogue. "L’expression "Cartel des Soleils" a été inventée par des journalistes vénézuéliens. [Mais] cette organisation n’existe pas", a déclaré auprès du New York Times Phil Gunson, analyste principal à l’International Crisis Group, qui vit au Venezuela.
Une corruption étatique
Voilà pourquoi, ni l’Evaluation nationale annuelle des menaces liées à la drogue de l’administration américaine en charge du sujet (DEA), qui décrit en détail les principales organisations de trafic, ni le rapport mondial annuel sur les drogues de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), n’a jamais mentionné l’organisation. Toutefois, "il ne fait aucun doute qu’il y a une complicité entre des individus liés au pouvoir et le crime organisé", poursuit Phil Gunson, bien que "des preuves directes et irréfutables n’aient jamais été présentées".
Un constat partagé par InSight Crime, un groupe de réflexion spécialisé dans la criminalité et la sécurité en Amérique latine, pour qui le trafic de drogue est en effet fortement ancré au sein du gouvernement vénézuélien. Dans cette perspective, "le Cartel des Soleils est plus précisément un système de corruption dans lequel profitent des responsables militaires et politiques en collaborant avec des trafiquants de drogue", indique-t-il, avant de préciser que l’idée selon laquelle Maduro dirigeait le Cartel des Soleils était "une simplification excessive".
Des frappes de bateaux
Vraie existence ou pas, cette accusation et la surveillance accrue du président vénézuélien s’inscrivent dans une opération planifiée de plus grande envergure visant les embarcations soupçonnées de trafic de drogue pour le compte de cartels sud-américains. Depuis le 2 septembre, l’armée américaine, sur ordre de Donald Trump, a bombardé 21 de ces bateaux, faisant 83 victimes, lors d’opérations qui semblaient initialement se concentrer sur des suspects vénézuéliens, mais qui se sont étendues aux Colombiens. Plus tôt, le département d’Etat américain avait associé le président vénézuélien à l’ancienne guérilla colombienne des FARC et à ses dissidences actuelles.
Ce Cartel des Soleils "est une invention de l’extrême droite pour renverser des gouvernements qui ne leur obéissent pas", a justement réagi le président colombien de gauche Gustavo Petro, plus proche de Nicolas Maduro que de Donald Trump. La dirigeante de l’opposition vénézuelienne, Maria Corina Machado, a au contraire soutenu la position américaine contre le "système criminel" de Nicolas Maduro, les Etats-Unis ne reconnaissant pas sa victoire à l’élection de juillet 2024.
Le président américain Donald Trump s'exprime lors du 13e sommet Asean - États-Unis dans le cadre du 47e sommet de l'Asean à Kuala Lumpur, le 26 octobre 2025 en Malaisie
La Commission européenne a estimé mardi 25 novembre que la France respectait les engagements qu'elle avait pris pour réduire son déficit public colossal, tout en notant l'"incertitude considérable" entourant le projet de budget pour 2026. Dans son avis sur les perspectives budgétaires des 27 Etats membres, présenté devant le Parlement européen, la Commission a souligné que le projet de budget du gouvernement Lecornu était "conforme" aux recommandations émises dans le cadre de la procédure de déficit excessif lancée en juillet 2024 contre la France.
La Commission a donné jusqu'en 2029 à Paris pour redresser la barre et ramener son déficit en dessous de 3 % du PIB, la limite prévue par le Pacte de stabilité européen.
Une "incertitude considérable"
Dans son avis, Bruxelles note que selon ses propres prévisions publiées mi-novembre, le déficit public français devrait redescendre à 4,9 % du PIB l'an prochain contre 5,5% cette année, des niveaux très proches des prévisions du gouvernement, qui table sur un déficit de 4,7 % en 2026 après 5,4 % en 2025. "Cependant, cette évaluation est entourée d'une incertitude considérable, vu les discussions parlementaires toujours en cours", prévient l'exécutif européen.
La France n'est pas le seul pays membre sous le coup d'une procédure pour déficit excessif : c'est le cas aussi de l'Autriche, la Belgique, l'Italie, la Hongrie, Malte, la Pologne, la Slovaquie et la Roumanie, et la Commission a annoncé en outre vouloir placer sous cette procédure un dixième Etat, la Finlande. Selon ses projections, ce pays devrait voir son déficit public, qui dépasse la barre des 3 % du PIB depuis l'an dernier, atteindre 4,5 % cette année, puis 4 % l'an prochain.
Helsinki avait invoqué la forte augmentation de ses dépenses militaires sur fond de guerre en Ukraine pour justifier le dérapage de ses comptes publics, mais la Commission estime que cela n'explique pas en totalité l'augmentation de ses dépenses publiques ces dernières années.
Blanc-seing à l'Allemagne
En revanche, Bruxelles a donné un blanc-seing à l'Allemagne, pays qui a abandonné sa prudence budgétaire des années précédentes pour se réarmer, et dont le déficit devrait dépasser 3 % du PIB cette année et grimper à 4 % l'an prochain, selon ses projections.
Quand on est né à Vilnius et que l’on a un voisin qui s’appelle la Russie, on connaît le sens du mot menace. Depuis septembre 2024, Andrius Kubilius occupe le poste de Commissaire européen à la défense. Un poste créé sur mesure pour cet ancien Premier ministre de Lituanie, qui ferraille sans relâche pour que l’Union européenne prenne réellement conscience de la menace qui pèse sur elle. Invité au colloque Europe de L’Express, qui s’est tenu à Strasbourg le 24 novembre, il nous livre ses réflexions sur le plan de paix de Donald Trump et sur la Russie d’après-Poutine. Verbatim.
Un plan de paix européen
"Nous passons notre temps à discuter des plans de paix américains, mais il serait beaucoup plus intéressant que nous, Européens, élaborions notre propre plan avec les Ukrainiens, puis que nous en discutions avec nos partenaires, à Washington, pour aboutir à un document final. Il est crucial que celui-ci empêche des agressions futures contre l’Ukraine et l’Europe. Or, certaines dispositions inscrites dans le plan initial américain auraient incité Poutine à des attaques futures contre l’Ukraine et l’Europe.
Il est par exemple inacceptable de diminuer les capacités de l’armée ukrainienne ou de décréter que l’Ukraine ne fera jamais partie de l’Otan. Pourquoi Vladimir Poutine demande-t-il ça ? Deux possibilités : soit il craint que l’Otan utilise le territoire ukrainien pour attaquer la Russie, ce qui est, de mon point de vue, complètement absurde. L’Otan est une alliance de défense qui ne planifie jamais d’opération agressive ; soit il prévoit d’agresser de nouveau l’Ukraine un jour, et son appartenance à l’Otan lui poserait problème."
Attaque russe
"Il faut prendre au sérieux les avertissements des services de renseignement allemands, danois et français, qui évoquent la possibilité que la Russie teste militairement un membre de l’Otan ou de l’UE dans les deux ou trois prochaines années. Il faut donc accroître nos capacités de défense - ce que nous sommes en train de faire.
S’il y a un jour une agression de la Russie contre un membre de l’Otan ou de l’UE, que ce soit dans la mer Baltique, en Pologne ou dans des pays voisins, il faudra être prêt, d’autant que l’armée russe est plus forte qu’en 2022. Elle possède des millions de drones. Face à elle, il y a l’armée ukrainienne, très aguerrie. A cet égard, nous devrions intégrer les capacités de l’industrie de défense ukrainienne à nos propres capacités, ce devrait être l’une des priorités stratégiques, car cela nous rendrait beaucoup plus forts."
Espace Schengen militaire
"Il faut adapter les ponts, les routes et les tunnels pour faciliter la mobilité militaire. Dans le prochain budget 2028-2034, nous investirons 17 milliards d’euros dans la mise à niveau des infrastructures. Ce n’est pas suffisant. Pourquoi met-on actuellement 45 jours pour acheminer des renforts ? Parce qu’à chaque frontière, de l’Espagne à la mer Baltique, il faut demander une permission de passage. Et cela prend souvent plusieurs jours pour l’obtenir. Pour régler ce problème, une nouvelle loi entrera en vigueur en 2027. Elle permettra d’obtenir un permis de circuler unique en trois jours."
Russie post-Poutine
"Une Russie agressive, néo impérialiste et autoritaire est une menace pour la paix de tout le continent. L’Europe doit aider la Russie à se transformer et à revenir à une certaine normalité. Par le passé, les Européens sont parvenus à assurer la paix sur le continent européen – notamment après la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’il a fallu résoudre les'conflits tectoniques'entre la France et l’Allemagne.
Aujourd’hui, nous n’avons pas de stratégie pour résoudre les nouveaux problèmes tectoniques. Certes, personne ne peut prédire comment la Russie va évoluer, mais son histoire montre que les changements peuvent survenir très vite. Nous devons être prêts. L’un des moyens à notre disposition consiste à investir fortement dans le succès de l’Ukraine, car celui-ci pourra, à son tour, inciter le peuple russe à chercher une alternative. Cette guerre n’est pas seulement une tragédie pour l’Ukraine, mais aussi pour la Russie. Et la raison de la tragédie, c’est le régime de Poutine. Nous ne pourrons pas transformer le pays tant qu’il sera au pouvoir, mais il y aura un jour une Russie post-Poutine. Ce sera peut-être pire, mais peut-être mieux… Alors investissons dans cette transformation, même si celle-ci demeure très incertaine."
Strasbourg, sans doute la seule ville de France où la gare vous accueille sur l’air de l’Ode à la joie, l’hymne européen signé Beethoven. Ce 24 novembre, L’Express a investi la "capitale de l’Europe" pour un colloque exceptionnel consacré à l’avenir de notre continent et à ses défis, réunissant des personnalités de premier plan dans tous les domaines.
Devant nos lecteurs strasbourgeois, ces voix européennes ont sonné l’alerte face aux menaces extérieures, alors qu’à Genève nos diplomates tentent de sauver l’Ukraine des méandres du plan Trump. Elles nous ont aussi fourni de nombreux motifs d’espoir, soulignant les réelles forces qui font avancer notre continent. "Ecouter de tels intervenants, c’est comme déguster de la mousseline, à la fois léger et très nourrissant", nous confieront des lecteurs ravis à la fin de l’événement.
Giuliano da Empoli et Ursula von der Leyen, "Première ministre du Luxembourg"
Pour ouvrir notre colloque Ici c’est l’Europe, L’Express a fait appel à l’écrivain préféré de nos dirigeants, celui dont les livres s’empilent sur les tables de chevet d’Emmanuel Macron ou de Mette Frederiksen. Lui-même se définit comme "moitié suisse, moitié italien et moitié français" : à l’évidence, Giuliano da Empoli maîtrise davantage les coulisses du pouvoir que les mathématiques. Sur scène, l’auteur du Mage du Kremlin (800 000 exemplaires vendus chez Gallimard) observe avec son œil malicieux l’état d’esprit des Européens depuis un an : "le second mandat de Donald Trump nous fait passer du scandale à la sidération. Au début, la logique du scandale impliquait le fait qu’il s’agissait d’une exception, de quelque chose d’inouï. Avec le second Trump, nous sommes tous hypnotisés, dans une logique de sidération constante."
Pas question, toutefois, pour l’ancien conseiller de Matteo Renzi de se satisfaire de cet état de choc permanent. Dans son dernier essai, L’heure des prédateurs (Gallimard, avril 2025), Giuliano da Empoli décrypte ces nouveaux jeux de puissances, dont l’Europe semble spectatrice. "L’administration américaine est dans une logique de confrontation, nous sommes dans une posture de soumission politique", regrette l’auteur, taclant au passage la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, "qui se comporte comme si elle était la Première ministre du Luxembourg"… Sa déférence envers Donald Trump l’été dernier en Ecosse, pour signer un accord commercial humiliant pour l’Europe sur un terrain de golf, ne passe pas auprès de Giuliano da Empoli : "Je n’ai rien contre ce pays, mais quel est l’intérêt d’être ensemble, à Vingt-Sept, si c’est pour avoir le poids international du Luxembourg ?"
Sur scène, Andrius Kubilius n’en dira pas autant de la présidente de la Commission européenne. Il faut dire que l’ancien Premier ministre de Lituanie siège désormais à sa table, en tant que commissaire européen à la Défense, poste de première ligne s’il en est. Face aux lecteurs de L’Express, il reconnaît toutefois sa "fatigue" de constater que le rôle des Européens se réduit à discuter en permanence des plans de Donald Trump pour l’Ukraine, comme ces derniers jours… "Les Américains présentent leurs plans, puis nous les corrigeons, résume Andrius Kubilius. Il serait beaucoup plus intéressant que nous élaborions, nous Européens, un plan de paix pour l’Ukraine, puisque nous connaissons ce sujet, que nous pouvons développer ce plan avec les Ukrainiens, puis en discuter avec nos partenaires, Washington entre autres, pour aboutir à un plan final. La paix en Ukraine est absolument nécessaire et doit arriver sans encourir des agressions futures contre l’Ukraine ou contre l’Europe."
En coulisses aussi, on discute de l’impuissance européenne face aux ogres Donald Trump, Xi Jinping et Vladimir Poutine. L’entrepreneur et essayiste français Mathieu Laine débat avec le patron des patrons polonais, Maciej Witucki, autour d’un café. "L’Europe est née d’un printemps de la liberté au sortir de la Seconde Guerre mondiale, nous sommes à la fin de l’été de la liberté et nous rentrons dans l’automne de la liberté, qui est le temps des hommes forts", constate le Français, fondateur du cabinet de conseil Altermind. Pas de quoi décourager son interlocuteur polonais : "ce sentiment d’urgent qui augmente partout en Europe est positif, les actions de Trump ou de la Chine peuvent nous rendre plus forts, à condition de rester ouverts", martèle Maciej Witucki.
Le débat Sarah Knafo - Nathalie Loiseau
Alors que, sur scène, Antoine Monin raconte le succès mondial de Spotify, plateforme musicale basée à Stockholm qui atteint 713 millions d’auditeurs dans le monde, deux députées européennes se préparent en loges à un débat bien plus corrosif : Nathalie Loiseau, membre du parti Horizons d’Édouard Philippe, et Sarah Knafo, du parti Reconquête d’Éric Zemmour. Deux visions de l’Europe, deux visions de la souveraineté. Une même envie d’échanger, grâce à L’Express. "Ce qui est un drame, c’est de ne parler qu’avec ceux avec lesquels on est d’accord, nous glisse Nathalie Loiseau, qui préside la commission spéciale sur le bouclier européen de la démocratie. La démocratie, c’est être capable de débattre, d’écouter et de répondre à des avis différents. Sarah Knafo a été élue, comme moi."
Même verdict dans le camp d’en face. "Nous n’avons pas les mêmes idées, mais on se parle et c’est déjà énorme", sourit Sarah Knafo, entourée par deux photographes de son équipe. La jeune eurodéputée se définit comme patriote, partisane de "l’Europe des nations", mais opposée au "Frexit", une sortie de la France de l’Union européenne. Elle était à l’inauguration de Donald Trump en janvier et lui reconnaît le mérite de nous avoir "sortis de notre torpeur face aux Etats-Unis, mais l’Europe reste endormie face à la Chine". Lorsque nous l’interrogeons, l’eurodéputée Reconquête va plus loin : "Est-ce que je considère Trump comme un allié ? Non, je le considère comme un laboratoire. Je vois un mouvement et des aspirations communes qui l’ont porté au pouvoir et qui j’espère nous porterons demain au pouvoir : il est sorti de l’aspect nostalgique et décliniste pour se concentrer sur des aspects plus ambitieux, pro technologie, pro innovation, notamment avec le ralliement de Peter Thiel." Comme l’esquisse d’un mouvement Maga à l’européenne.
Sur scène, le débat entre les deux eurodéputées sera tendu, malgré les bonnes intentions. Sarah Knafo revendique d’entrer "dans une logique d’intérêt national" où chaque pays européen devrait choisir les projets sur lesquels avancer et avec qui. "Je suis heureuse de voir que Sarah Knafo découvre l’Europe, comme Tintin découvrait l’Amérique", réplique Nathalie Loiseau, assurant que "le fait de travailler en groupes de pays plus déterminés que les autres, c’est à peu près aussi vieux que l’Europe et c’est ce qui fait que l’on a créé [l’espace] Schengen, que l’on a créé l’euro."
A la sortie du débat, une vingtaine de soutiens de Sarah Knafo se bousculent pour prendre un selfie avec le bras droit d’Éric Zemmour, partageant souvent un discours radical sur l’immigration et "la fin du christianisme".
Une superpuissance économique qui s’ignore
Pour cet événement, L’Express voulait aussi souligner la réelle puissance de notre continent, trop souvent cachée derrière les discours défaitistes. "Avez-vous déjà entendu un leader américain, chinois ou indien, dire : nous sommes en retard, il n’y a pas de capital, nous n’avons pas d’idées, c’est impossible de faire des affaires chez nous…, souligne Anna Stellinger, directrice générale adjointe de la Confédération des entreprises suédoises. Il nous faut du courage, des tripes."
Sur scène, le 24 novembre, lors du colloque Europe de L'Express : notre journaliste Béatrice Mathieu ; Enrique Martinez, CEO de Fnac Darty ; Anna Stellinger, directrice générale adjointe de la Confédération des entreprises suédoises et Maciej Witucki, président de la confédération Lewiatan.
"Le seul espoir des Européens, c’est l’Europe, renchérit Maciej Witucki, président de l’équivalent du Medef polonais. Il n’y a pas un pays européen qui peut, seul, faire face à des puissances globales. Les prévisions indiquaient que l’Allemagne aurait un PIB inférieur à l’Inde dans deux ans, elles ont déjà été rattrapées en réalité. Il n’y a pas l’Europe de l’Est et l’Europe du Nord, il y a une Europe, et soit elle avance ensemble, soit elle coule ensemble."
C’est aussi la conclusion du rapport remis par Mario Draghi à la Commission européenne, en septembre 2024, véritable baromètre des défis européens. "Mais ce rapport est très, très noir, relativise Anna Stellinger dans un français parfait. D’après ce rapport, l’Europe aurait même à craindre pour sa propre existence… Dans de nombreux pays européens, notamment les pays nordiques, nous avons du mal à nous retrouver dans cette image-là : nous n’avons quasiment pas de dette publique, nous avons des marchés des capitaux qui fonctionnent, il y a du capital, et nous sommes systématiquement placés parmi les pays les plus innovants au monde !"
L’entrepreneuse suédoise, très applaudie par le public de L’Express, poursuit : "Là où Mario Draghi a raison, c’est qu’il manque du capital en Europe, du capital-risque, de l’investissement et là, la comparaison avec les Etats-Unis devient très pertinente. Vous savez qu'en 2023, nous avions à peu près 2,3 billions d’euros [2 300 milliards d’euros] d’actifs dans des fonds de pension en Europe ? C’est une somme considérable, mais cette somme n’est pas investie, ou très peu. Si on mettait cet argent de manière durable et flexible dans nos économies, on aurait un coût d’investissement absolument gigantesque."
Prenons de la hauteur !
Pour son colloque européen, L’Express a, comme à son habitude, aussi pris de la hauteur. Avec Hélène Huby déjà, fondatrice de The Exploration Company et concurrente du SpaceX d’Elon Musk. En visio depuis Brême, en Allemagne, avec derrière elle une capsule prototype que son entreprise franco-allemande a envoyée dans l’espace en juin dernier. "Notre vision est de maîtriser l’ensemble de la chaîne du transport spatial, fusées, capsules et véhicules lunaires, y compris les lanceurs, détaille Hélène Huby. L’avantage d’une capsule, d’abord, c’est que l’Europe n’en a pas : nous apportons à l’Europe une technologie nouvelle puisque, aujourd’hui, pour faire voler les astronautes, l’Europe utilise les véhicules américains. C’est aussi à travers des symboles comme celui-là que l’Europe prend conscience de qui elle est et que l’Europe définit son propre niveau d’ambition."
Sur la scène du colloque Europe de L'Express, à Strasbourg le 24 novembre, le directeur adjoint de la rédaction, Sébastien Le Fol, interviewe Hélène Huby, fondatrice de The Exploration Company.
Et pour prendre de la hauteur, quoi de plus approprié que la littérature européenne, si bien racontée par William Marx, professeur au Collège de France. Pour le public de L’Express, l’auteur d’Un été avec Don Quichotte (Éditions des Equateurs/France Inter, 2024) propose de "considérer l’Europe comme un roman, genre européen par excellence" : "L’Europe consiste à construire une histoire ensemble, une aventure, un peu comme Don Quichotte partant sur les routes de la Mancha […] Je crois que ce qui nous rend européens, c’est la lecture de la littérature. Les grands romanciers ont voyagé à travers toute l’Europe, Joyce, par exemple, Irlandais, passé par Paris, par Trieste, ville frontière là aussi par excellence. Le roman est le genre de toutes les frontières."
Et William Marx d’en prendre pour preuve la libération de Boualem Sansal, auteur franco-algérien, libéré des geôles d’Alger grâce à l’intervention du président allemand : "La leçon de cette histoire, c’est qu’il a été emprisonné en tant qu’écrivain français, mais a été libéré en tant qu’écrivain européen." Sans doute la plus belle des leçons pour notre continent.
Ce colloque aura été l’occasion de célébrer les talents européens à travers la remise de prix de L’Express de l’année dans quatre catégories :
- le prix de l’Essai européen : Giuliano da Empoli, pour L’heure des prédateurs (Gallimard)
- le prix de la Science : professeure Bana Jabri, directrice de l’institut Imagine
- le prix de l’Entreprise européenne : Spotify
- le prix de l’Avenir européen : Hélène Huby, fondatrice de The Exploration Company
Eric Chol, directeur de la rédaction de L'Express, a remis le prix de l'essai européen de l'année à Giuliano da Empoli pour "L'heure des prédateurs" (Gallimard), le 24 novembre 2025 à Strasbourg.
C’est un décret passé relativement inaperçu, mais qui a changé la donne dans la stratégie déployée par la Russie pour faire face aux drones ukrainiens. Le 4 novembre dernier, Vladimir Poutine a autorisé le déploiement de réservistes afin de renforcer la protection d’infrastructures stratégiques comme les raffineries de pétrole, régulièrement visées par des frappes destinées à tarir la rente d’hydrocarbures finançant l’effort de guerre du Kremlin.
Cette mesure, qui permet à la Russie de mobiliser environ deux millions de personnes selon les parlementaires, évite une annonce officielle, et d’éventuelles résistances : à l’automne 2022, le Kremlin avait dû se résoudre à une mobilisation partielle devant la résistance farouche des Ukrainiens, poussant des milliers de jeunes hommes à fuir le pays. Ces réservistes, qui suivent un entraînement militaire annuel et perçoivent une modeste indemnité mensuelle, ont jusqu’à présent été exemptés de combats en Ukraine, sauf s’ils se sont portés volontaires.
Si les autorités russes ont déjà déployé un dense réseau de systèmes de défense aérienne autour de la résidence de Vladimir Poutine à Valdaï, ainsi qu’autour du quartier huppé de Roublevka, où résident de nombreuses personnalités politiques, elles peinent encore à assurer une protection adéquate des centaines de raffineries de pétrole disséminées à travers le pays, ainsi que des autres installations industrielles liées au conflit. Résultat : avec ces frappes ukrainiennes, les automobilistes sont désormais confrontés à des pénuries d’essence ainsi qu’à des hausses de prix, avec un diesel vendu 35 % plus cher à la pompe dans certaines régions, tandis que les prix de l’essence battent des records, rapporte le quotidien russe Kommersant du 3 octobre.
Des coupures d’internet
En parallèle, et toujours dans l’optique de se prémunir des attaques de drones, les autorités russes ont mis en place une nouvelle réglementation visant à perturber électroniquement leur vol. Depuis le 10 novembre, tous les utilisateurs de téléphones portables de retour de l’étranger voient leur connexion automatiquement bloquée pendant 24 heures, une période de "désactivation" des cartes SIM destinée à empêcher les drones d’utiliser les réseaux mobiles civils pour transmettre des données télémétriques, des vidéos ou des signaux de contrôle.
Plusieurs coupures généralisées d’Internet ont également débuté en mai et se sont poursuivies tout au long de l’été jusqu’à l’automne. En novembre, 57 régions russes ont signalé en moyenne des interruptions quotidiennes de leurs réseaux de téléphonie mobile, selon Na Svyazi, un groupe militant qui surveille ces coupures. Avec des répercussions concrètes sur la vie des Russes : cartes de crédit inutilisables dans les transports en commun, distributeurs automatiques de billets hors service ou encore applications de messagerie indisponibles, les appels sur WhatsApp et Telegram, très utilisés dans le pays, étant restreints depuis août.
Des solutions de compromis
"La Russie habitue sa population à une existence quasi militaire prolongée et l’incite à se préparer à des sacrifices accrus à mesure que la guerre s’éternise", déclare auprès du Guardian Andreï Kolesnikov, expert politique indépendant basé à Moscou. Et si le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a affirmé que ces coupures étaient "absolument justifiées et nécessaires", l'analyste Kateryna Stepanenko, de l'Institute for the Study of War basé à Washington, a assuré au contraire qu'elles n'avaient pas permis de freiner l'intensité des attaques de drones ukrainiennes, "compte tenu du nombre de frappes que nous avons constatées ces derniers mois contre des raffineries de pétrole russes", rapporte The Independent.
Face au mécontentement grandissant d’une partie de la population - des familles d'enfants diabétiques expliquant par exemple qu'elles ne pouvaient pas surveiller la glycémie de leurs enfants via des applications dédiées au moment des coupures -, plusieurs responsables locaux ont toutefois réfléchi à des solutions de compromis. A l’image du gouverneur de la région de l’Amour, Vassili Orlov, qui a envisagé, le 6 novembre, la mise en place de bornes wifi publiques, selon le quotidien local Amourskaïa Pravda.
A l’échelle fédérale, le ministère du Numérique a aussi récemment établi des "listes blanches" de sites accessibles même en cas d’interruption d’Internet – parmi eux, les portails de service public et des géants locaux comme Yandex (équivalent russe de Google) ou Wildberries, référence du commerce en ligne. En outre, les autorités russes ont imposé à l’ensemble de la population l’installation depuis septembre de la messagerie russe MAX, considérée par ses détracteurs comme un outil de surveillance. L’application assume en effet de partager les données des utilisateurs avec les autorités sur demande, et les experts soulignent l’absence de chiffrement de bout en bout.
Les exportateurs chinois ont nettement augmenté les prix des biens essentiels qu’ils vendent au secteur militaro-industriel russe, profitant de la dépendance accrue du Kremlin face aux sanctions occidentales. C’est la conclusion d’une étude récente de l’Institut des économies émergentes de la Banque de Finlande (Bofit), citée notamment par leFinancial Times.
Selon celle-ci, les prix des produits soumis au contrôle des exportations expédiés depuis la Chine vers la Russie ont augmenté de 87 % en moyenne entre 2021 et 2024. À titre de comparaison, le prix de produits similaires expédiés ailleurs n’a augmenté que de 9 % sur la même période.
Par conséquent, ces hausses de prix restreindraient la capacité de Moscou à acquérir des technologies sensibles, alors même que la Russie parvient à contourner une partie des sanctions en s’appuyant sur des fournisseurs chinois. Un haut responsable occidental chargé des sanctions a confirmé cette dynamique au Financial Times. Il estime que le fait que des entreprises chinoises "exploitent" les acheteurs russes peut être considéré comme "un résultat plutôt positif". Selon lui, "augmenter le prix d’un bien de 80 % revient à presque diviser par deux ce que les clients peuvent réellement acheter".
"Parfois il s’agit tout simplement de vol"
Alors que les échanges bilatéraux entre les deux pays sont passés de 146,9 milliards de dollars en 2021 à un niveau record de 254 milliards de dollars en 2024, le Bofit indique que cette hausse est principalement due à l’augmentation des prix plutôt qu’à une hausse des volumes. "Les importations de roulements à billes chinois ont progressé de 76 % en valeur, mais ont reculé de 13 % en volume", reprend ainsi le Moscow Times.
De quoi donner raison à cette source proche du gouvernement russe, qui constatait cet été auprès de Reuters que Pékin agit avant tout dans son propre intérêt : "La Chine ne se comporte pas comme une alliée […] Parfois, elle profite de la situation, parfois il s’agit tout simplement de vol." Une autre source anonyme, toujours auprès de Reuters, souligne que la Russie demeure fortement dépendante de la technologie chinoise. "Sans eux, nous n’aurions pas pu fabriquer un seul missile, encore moins un drone […]. S’ils avaient voulu, la guerre serait terminée depuis longtemps."
Des sanctions qui ont "limité les capacités technologiques de la Russie"
Les auteurs de l’étude du Bofit, Iikka Korhonen et Heli Simola, se sont concentrés sur le commerce des "machines et appareils mécaniques", une catégorie clé pour l’industrie de défense russe. Ils concluent que les sanctions ont "limité les capacités technologiques de la Russie en faisant grimper le prix des importations de biens essentiels", rapporte le Financial Times.
Moscou cherche activement à faire lever les sanctions occidentales - un sujet présent dans le plan de paix en 28 points récemment discuté entre les États-Unis et la Russie — présenté à l’Ukraine. De son côté, Pékin nie fournir des armes létales à Moscou et affirme s’opposer aux sanctions "unilatérales" freinant le commerce entre entreprises chinoises et russes. Reste à savoir si cette alliance russo-chinoise résistera à cet aléa économique.
Une France submergée par le narcotrafic: c'est le tableau brossé par une commission d'enquête sénatoriale, qui propose la création d'un parquet anti-stups et d'une "DEA à la française"
S’il n’est pas complètement mort, le multilatéralisme est KO debout, sous les coups des Américains, en cette fin novembre. Tout un symbole : après avoir frappé un bloc de bois pour clôturer le G20 qui se tenait dans son pays, le président sud-africain a transmis le 23 novembre son marteau à une chaise vide. Et pour cause : ni Donald Trump, qui boycottait ce sommet, ni aucun responsable américain n’étaient présents pour le traditionnel passage de relais à l’hôte du prochain rendez-vous, en 2026 : à savoir les Etats-Unis, qui comptent l'organiser dans un complexe de golf appartenant à la famille Trump...
"Le G20 arrive peut-être à la fin d’un cycle", a euphémisé sur place Emmanuel Macron, notant que cette instance "avait beaucoup de mal" à régler "les grandes crises internationales". De fait, si cette réunion, séchée par plusieurs autres dirigeants et minée par les rivalités politiques, s'est conclue par une déclaration commune, celle-ci se contente d’appeler à "une paix juste, globale et durable, au Soudan, en République démocratique du Congo, dans les territoires palestiniens occupés et en Ukraine".
L'Ukraine, évoquée au détour d'une phrase. Alors qu'au cours du même week-end, les dirigeants européens présents à Johannesburg s'étaient réunis en catastrophe pour discuter du "plan de paix" en 28 points présenté par les Américains aux Ukrainiens, qui reprenait la plupart des revendications du Kremlin, et équivalait à une capitulation pour Kiev.
Pour compléter ce triste tableau, à 8 600 kilomètres de là, au Brésil, où Trump n’avait pas non plus daigné envoyer le moindre représentant, la COP30 avait elle aussi accouché, quelques jours plus tôt, d’une déclaration lénifiante et non contraignante. Le communiqué final ne mentionne aucune feuille de route pour sortir des énergies fossiles.
Donald Trump ne pense qu'à ses intérêts
Pris par surprise par un plan de paix rendu public au moment où des sanctions américaines contre deux géants pétroliers russes devaient entrer en vigueur, Ukrainiens et Européens, qui jouent leur avenir, sont parvenus à l’amender. Mais il apparaît de plus en plus clairement que Trump, loin de se préoccuper du sort des Ukrainiens ou de la sécurité de l’Europe, ne pense cyniquement qu’à ses intérêts : apparaître comme un faiseur de paix (fut-elle bancale) et relancer les affaires avec la Russie.
Le multilatéralisme crée une "légitimité" qui ne peut être obtenue par la puissance seule, aimait à dire le géopolitologue américain Joseph Nye, disparu cette année et inventeur du concept de "soft power". Une analyse méprisée par Washington et Moscou, à l'heure où seuls les rapports de force prévalent.
Mais pour qui va-t-on pouvoir voter lors des prochaines élections nationales ? Pour des extrêmes aux programmes aussi fantaisistes qu’irréalistes et dangereux ? Un Parti socialiste qui persiste dans ses errements économiques (retraite, 35 heures, gratuité totale des soins, …) ? Des LR qui oublient un peu vite qu’ils ont été 14 à voter contre la réforme des retraites en 2023 et 25 pour sa suspension en 2025 ? Un bloc central dont on peine à déterminer les contours économiques et politiques ? L’absence de positions claires et compréhensibles de chacun de nos partis constitue le plus grand risque pour notre démocratie et pour la France. (Jordan Bardella, les affres de la jeunesse, L’Express du 20 novembre).
Hommage aux résistants
Roger Moresco, Perpignan (Pyrénées-Orientales)
Bravo à vos deux journalistes pour leur article consacré aux résistants de l’ombre en Russie. Ils sont certes minoritaires au sein d’une population russe majoritairement acquise à Poutine et à son régime en raison d’une propagande intense, mais quelle leçon de courage ils nous donnent, eux qui risquent leur vie en permanence ! Comme l’ont fait pendant la Seconde guerre mondiale les résistants français, eux aussi minoritaires, mais farouchement attachés au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Depuis le premier jour de l’invasion, un drapeau ukrainien est présent dans mon appartement et il y restera jusqu’à la victoire finale car la démocratie finit toujours par triompher des dictatures. (Face à Poutine, ces résistants de l’ombre, L’Express du 13 novembre).
La Chine avance quand l’Occident recule
Bruno Lonchampt, Dole (Jura)
Comment reprocher à la Chine d’occuper tout ce que nous lui abandonnons, l’industrie, les médicaments, les vêtements bas de gamme, les jouets ? Dans sa zone d’influences, les peuples considérés comme des minorités n’ont aucun droit ; leurs langues et leurs cultures sont étouffées. L’exploitation des ressources naturelles du haut plateau tibétain, au premier rang desquels l’eau, la construction de routes et de voies ferrées sur le permafrost et les glaciers, de barrages démesurés sur les fleuves au profit des zones les plus peuplées à l’est de l’Empire révèlent une économie coloniale. Néanmoins, l’Occident lui a donné les JO et l’accès à l’OMS sans contreparties. Nous sommes pris au piège de nos choix de facilité et l’irréversible est en marche. (Comment la Chine a englouti l’Europe, l’Express du 6 novembre).
Scénario noir
Michel Mondamey, Saint-Chamond (Loire)
Avec ses locomotives, le CAC 40 a crû de 9 % depuis le début de l’année. Ces grands groupes réalisent l’essentiel de leurs activités à l’international, mais leurs profits sont taxés en France. S’il advenait que ces groupes s’exilent fiscalement (qu’est ce qui les retient ?), cela grèverait dangereusement les recettes budgétaires de l’Etat et mettrait à mal notre recherche. Leurs choix d’investissements se porteraient sur leurs zones d’activité principale ou les Etats-Unis avec, en conséquence, des pertes d’emploi. Pour boucler leurs budgets, nos gouvernements successifs n’auraient alors d’autre choix qu’augmenter le recours à l’emprunt dont on connaît les conséquences sur les taux d’intérêt… Et la spirale de la décadence s’accélérerait. Evitons ce scénario noir ! ("Trop, c’est trop : nous refusons de voir la France s’enliser", par un collectif de dirigeants d’entreprise*, L’Express du 13 novembre).
Faire face à Trump
Yves Léauté, Daux (Indre-et-Loire)
Quand donc l’Union européenne, reprenant à son compte la catilinaire célèbre de Cicéron, va-t-elle demander à Trump de cesser d’abuser de notre patience et lui faire comprendre qu’il franchit les limites du supportable ? Pour ce faire, encore faudrait-il qu’elle sache montrer les dents, et si besoin mordre, en tout cas ne plus adopter une posture servile. (Martin Sion (Ariane Group) : "Toutes les grandes nations ont instauré une préférence nationale… sauf l’Europe", L’Express du 13 novembre).
Louis-Henri de La Rochefoucauld est le lauréat du prix Interallié
Journaliste et critique littéraire à L’Express, Louis-Henri de La Rochefoucauld est le lauréat du prix Interallié 2025, dernière grande récompense de la saison, pour son roman L’Amour moderne (Robert Laffont). Le jury présidé par l’académicien Jean-Marie Rouart a distingué un vaudeville aussi savoureux que mélancolique, qui offre une vision désabusée des relations amoureuses au XXIe siècle.L’Amour moderne l’a emporté dès le premier tour face aux livres de Nathan Devers, Christian Authier et Fabrice Pliskin. Notre ami rejoint ainsi un palmarès prestigieux dans lequel on retrouve Karine Tuil, Michel Houellebecq, Florian Zeller, Antoine Blondin, Félicien Marceau, Paul Nizan ou André Malraux, premier lauréat de l’Interallié en 1930.
Le soi-disant plan de paix de Donald Trump pour l’Ukraine est venu confirmer les pires craintes nourries de ce côté-ci de l’Atlantique, où l’on soupçonne le président américain de vouloir s’entendre avec Vladimir Poutine sur le dos non seulement de Kiev, mais aussi de l’Europe entière. Au-delà du diktat révoltant imposé à l’Ukraine, qui n’a pourtant pas perdu la guerre imposée par l’agresseur russe, au-delà du parti pris pro-Poutine choisi par la Maison-Blanche, au-delà du peu de cas que Washington fait de l’avis de ses "alliés", c’est l’ensemble des projets de l’Union européenne pour asseoir son autonomie stratégique et garantir la sécurité européenne face à l’impérialisme poutinien que le projet percute de plein fouet. Plusieurs de ses dispositions sont orthogonales aux efforts déployés conjointement par les Etats membres de l’Union européenne et les autres alliés de Kiev (Royaume-Uni, Norvège, Canada…) pour aider le pays agressé à résister aux attaques de Moscou, alors qu’approche le quatrième anniversaire de l’invasion.
Le mémorandum a été concocté depuis la fin du mois d’octobre, dans le plus grand secret, par trois hommes : d’un côté, les émissaires de la Maison-Blanche Steve Witkoff, promoteur immobilier new-yorkais et partenaire de golf de Trump, et Jared Kushner, gendre du président, et de l’autre, l’envoyé spécial du Kremlin, Kirill Dmitriev. Cet économiste russe né à Kiev il y a 50 ans et formé à l’Université de Stanford et à la Harvard Business School aux Etats-Unis est depuis 2011 le PDG du fonds souverain russe, et à ce titre l’un des maillons importants de la verticale du pouvoir poutinienne. Il est aussi, selon le Wall Street Journal, un partenaire d’affaires de longue date de Jared Kushner.
La publication de leur document a provoqué choc et effroi dans les capitales européennes, qui depuis le renoncement américain consécutif à l’accession de Trump au pouvoir supportent la quasi-totalité de l’aide financière et militaire occidentale à l’effort de défense ukrainien. La lecture du texte multipliait les motifs d’alarme aux yeux des dirigeants européens : limitations imposées à la souveraineté de l’Ukraine et à ses forces armées, absence de tout cessez-le-feu préalable à des négociations de paix, transfert de territoires ukrainiens à la Russie – y compris la partie de l’oblast de Donetsk que les troupes du Kremlin n’ont pas conquise –, grand flou autour des garanties de sécurité qui seraient accordées à Kiev en échange de sa soumission, et enfin omission de toute réparation demandée à Moscou pour les destructions causées en Ukraine alors que les Européens, eux, étaient priés de passer à la caisse.
Perdre sa dignité ou perdre un grand allié
Comme l’a résumé Anne Applebaum, la chroniqueuse du magazine américain The Atlantic, le projet trumpien "affaiblit l’Ukraine, disjoint l’Amérique de l’Europe et prépare le terrain à une guerre de plus grande ampleur dans le futur". Et dans l’immédiat, il bénéficie surtout à quelques investisseurs proches du pouvoir à Moscou et à Washington, aux dépens de pratiquement tous les autres protagonistes. Car outre la capitulation déguisée imposée à Kiev, le texte prévoit aussi la levée des sanctions, le déblocage des avoirs russes gelés par les Occidentaux et la reprise d’une coopération économique de grande ampleur entre l’Amérique et la Russie.
En endossant ce texte qui revenait à récompenser Moscou pour son agression non provoquée, Donald Trump a une fois de plus montré à quel point il néglige non seulement le sort de l’Ukraine indépendante et démocratique, mais aussi la sécurité de ses alliés européens, qui ne veulent à aucun prix de tout ce qui pourrait ressembler une restauration au XXIe siècle de la doctrine de "souveraineté limitée" imposée pendant la guerre froide par l’URSS à ses satellites d’Europe centrale. Le dilemme posé par le plan Witkoff-Kushner-Dmitriev, crûment résumé par le président Volodymyr Zelensky – perdre sa dignité, ou perdre un grand allié – est de fait celui que la politique erratique de Donald Trump adresse à l’Europe tout entière.
Pour une fois, les Européens ont réagi sans tarder pour tenter de modifier le plan américain. "Il importe à nos yeux qu’un plan de paix pour l’Ukraine ne puisse pas être établi sans notre accord sur des questions touchant aux intérêts européens et à la souveraineté européenne", a dit le chancelier allemand Friedrich Merz. De premiers entretiens tenus dans l’urgence à Genève, dimanche 23 novembre, par les Européens et les Ukrainiens avec le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio ont permis d’amender le texte initial dans un sens un peu moins défavorable à l’Ukraine, tout en le réduisant à 19 points au lieu de 28.
Les Européens contraints de clarifier leurs positions
Les dispositions affectant directement les intérêts européens, en particulier la levée progressive des sanctions, la mobilisation des avoirs russes gelés (qui sont, pour l’essentiel, logés en Belgique), l’adhésion de l’Ukraine à l’UE (autorisée dans le plan Trump) et son admission future à l’Otan (interdite), ainsi que la question des relations entre l’Otan et la Russie, vont continuer à faire l’objet de discussions transatlantiques. Il en est de même pour ce qui concerne le déploiement envisagé en Ukraine dans le cadre d’une force de réassurance composée par la "Coalition des volontaires" créée par des pays de l’Otan avec notamment des contingents français, britanniques et turcs, pour surveiller et garantir sur le terrain l’application d’un éventuel cessez-le-feu. La version initiale du projet américain excluait tout déploiement de militaires otaniens en Ukraine.
Comme en février, après un entretien catastrophique entre Trump et Zelensky à la Maison-Blanche, comme en août, après un sommet en Alaska entre Trump et Poutine, les pays européens réunis autour du trio de tête constitué par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, se sont mobilisés avec efficacité pour tenter de sauver ce qui pouvait encore l’être et d’infléchir les positions américaines les plus outrancières. Mais la leçon des épisodes précédents est claire : le culbuto diplomatique trumpien reprend à chaque fois, après un certain temps, sa position favorable au Kremlin. Dans quelle mesure les amendements européens seront-ils cette fois-ci vraiment pris en compte par la Maison-Blanche ? Au moins, l’ultimatum imposé par Washington à Volodymyr Zelensky, qui fut dans un premier temps sommé d’avaliser le plan avant le jour de la fête américaine de Thanksgiving jeudi 27 novembre, semblait avoir été levé à l’heure où ces lignes étaient écrites.
Face à la levée de boucliers de ses alliés, Trump a comme souvent louvoyé, en affirmant d’un côté que le plan n’était pas son dernier mot, tout en critiquant de l’autre les dirigeants ukrainiens pour leur "ingratitude" supposée. Vladimir Poutine de son côté a cherché à maximiser ses gains. Selon le Kremlin, il a "noté que ces propositions sont conformes aux discussions du sommet russo-américain en Alaska et, en principe, peuvent servir de base à un règlement pacifique final". Les amendements européens, en revanche, ne sont "pas du tout constructifs et ne nous conviennent pas", a dit Youri Ouchakov, un conseiller diplomatique de Poutine. Le seul point positif du mémorandum est qu’il a contraint les Européens, pour la première fois, à clarifier leurs propres propositions de paix pour l’Ukraine. Mais en l’absence de toute approche occidentale un tant soit peu cohérente et unifiée face à Moscou, la guerre continue, alimentée par la détermination de Vladimir Poutine à soumettre l’Ukraine, à installer à Kiev un pouvoir favorable à Moscou et à infliger par la même occasion une défaite stratégique majeure aux Européens.
Emmanuel Macron a accordé ce mardi 25 novembre un entretien à RTL, au cours duquel il a notamment appelé à ne pas se montrer "faible" face à la "menace" de la Russie, tout en excluant l’envoi de "nos jeunes en Ukraine", alors qu’il s’apprête à annoncer cette semaine l’instauration d’un nouveau service national volontaire.
Un appel à ne pas se montrer "faible" face à la "menace" de la Russie
Dénonçant la guerre hybride menée par Moscou, le président a appelé à ne pas être "faible" face à la "menace" de la Russie qui a "une posture beaucoup plus agressive". "Nous aurions tort d’être faibles face à cette menace. Et donc si nous voulons nous protéger, nous Français, ce qui est ma seule obsession, nous devons montrer que nous ne sommes pas faibles avec la puissance qui nous menace le plus", a-t-il déclaré.
"Si nous sommes faibles en Ukraine, si on dit 'c'est plus notre problème, au fond, ils sont très loin', […] on va laisser tomber l’Ukraine", a prévenu Emmanuel Macron. "Ce jour-là, vous donnez un signal de faiblesse […] à la Russie qui, au fond, depuis dix ans, a fait un choix stratégique, c’est de redevenir une puissance impériale, c’est-à-dire d’avancer partout", a-t-il développé.
Le chef de l’Etat, qui participera dans l’après-midi à une réunion par visioconférence de la coalition des soutiens de l’Ukraine, a également affirmé que c’était "aux Européens de décider" comment utiliser les actifs russes gelés, que Donald Trump propose dans son plan de paix d’investir dans des projets menés par les Etats-Unis pour reconstruire l’Ukraine. "Les Européens sont les seuls qui ont à dire, parce que ça fait partie du plan, ce qu’on fera avec les actifs russes gelés qui sont détenus par les Européens", a-t-il tranché.
DOCUMENT RTL / M6 INFO - Menace russe : "Nous aurions tort d'être faibles face à cette menace. Si nous voulons nous protéger, nous devons montrer que nous ne sommes pas faibles avec la puissance qui nous menace le plus"@EmmanuelMacron au micro de @ThomasDespre dans #RTLMatinpic.twitter.com/9aoWM0lKgh
Emmanuel Macron a aussi assuré ce mardi que le nouveau service national volontaire qu’il s’apprête à annoncer n’implique aucunement d'"envoyer nos jeunes en Ukraine". Le chef de l’Etat a confirmé qu’il préciserait jeudi "la transformation du service national universel vers une nouvelle forme", sans fournir plus de précisions.
"Il faut vraiment, en tout cas tout de suite, supprimer toute idée confuse qui consisterait à dire qu’on va envoyer nos jeunes en Ukraine. C’est pas du tout le sens de cette affaire", a-t-il insisté.
Emmanuel Macron se rendra jeudi sur un site de l’armée de terre à Varces (Isère), au sein de la 27e Brigade d’infanterie de montagne (BIM), afin d’annoncer un "nouveau cadre pour servir au sein de nos armées" et répondre à l'"envie d’engagement" de la jeunesse. "Il est très clair que nous devons renforcer le pacte armée-Nation", a-t-il plaidé ce mardi matin.
Budget : "bon espoir" pour un compromis
Sur la question du budget, Emmanuel Macron a dit avoir "bon espoir" que "les forces parlementaires dont c’est la responsabilité" trouvent un compromis "dans les prochaines semaines", alors que le PLF a été rejeté en première lecture à l’Assemblée.
"Si les responsables politiques qui sont au Parlement sont inquiets, plutôt que de commenter leur inquiétude, qu’ils s’occupent de bâtir des compromis pour le pays qu’ils aiment", a-t-il déclaré. Les responsables politiques à l’Assemblée "ont une responsabilité : soit de bâtir des coalitions comme font nos voisins allemands, comme font d’autres voisins, soit de trouver des compromis pour que les textes puissent être votés", a-t-il insisté en répétant que "ce n’était pas la responsabilité du président de la République". Ne voulant pas "faire de la politique fiction", il a refusé de dire s’il envisageait une dissolution de l’Assemblée si celle-ci ne votait pas de budget à la fin de l’année.
Il a par ailleurs assuré que "notre pays est beaucoup plus fort que beaucoup de gens veulent le dire". "Il est fort militairement parce qu’on a fait des investissements, qu’on a l’armée la plus efficace d’Europe. Il est fort diplomatiquement, la France est écoutée partout en Europe, en Afrique, en Asie. Elle est beaucoup plus forte qu’on ne le dit économiquement. Regardez les derniers chiffres, la moitié de la croissance de la zone euro, c’est la France", a-t-il plaidé.
Le président américain Donald Trump a signé dans la soirée du lundi 24 novembre un décret enclenchant un processus au terme duquel les branches des Frères musulmans dans certains pays doivent être désignées comme "organisations terroristes étrangères".
Le texte publié par la Maison-Blanche note que les antennes des Frères musulmans "au Liban, en Jordanie et en Egypte", le pays où ce mouvement a été fondé en 1928, "commettent ou encouragent et soutiennent des campagnes de violence et de déstabilisation qui nuisent à leurs propres régions, à des citoyens américains ou à des intérêts américains".
C’est au chef de la diplomatie Marco Rubio et au ministre des Finances Scott Bessent qu’il reviendrait de mener à bout le processus de désignation. La classification comme "organisation terroriste étrangère" permet, outre la pression politique, de prendre une série de mesures financières et administratives : gel des avoirs, interdiction de transactions, interdiction d’entrée sur le territoire américain, etc.
Interdiction dans plusieurs pays
Israël, allié des Etats-Unis, s’est félicité de cette décision du président Trump : "C’est important, non seulement pour Israël, mais aussi pour les pays arabes voisins qui ont souffert durant des décennies du terrorisme des Frères musulmans", a jugé sur X son ambassadeur auprès des Nations unies, Danny Danon, citant le Liban, l’Egypte et la Jordanie.
La confrérie des Frères musulmans, organisation transnationale implantée dans de nombreux pays, a longtemps été le principal mouvement d’opposition en Egypte malgré des décennies de répression. Aujourd’hui considérée dans le pays comme une organisation "terroriste", elle a été rayée du paysage politique après le bref mandat d’un an (2012-2013) de l’un des leurs, le président d’alors Mohamed Morsi mort en prison en 2019.
La confrérie porte le projet d’un islam politique conservateur. Le mouvement a été interdit dans plusieurs autres pays, dont l’Arabie saoudite et plus récemment, en avril, la Jordanie. La Jordanie a imputé à la confrérie des "activités de nature à déstabiliser le pays", notamment la fabrication et le stockage de roquettes et explosifs. En France, le président Emmanuel Macron a consacré cette année deux conseils de défense et de sécurité nationale à "l’entrisme" des Frères musulmans.
Les frappes continuent à l’est de l’Europe. L’Ukraine et la Russie ont toutes deux fait état, ce mardi 25 novembre, de frappes aériennes "massives" de l’ennemi sur leurs territoires respectifs, avec au moins trois morts recensés dans la région russe de Rostov et au moins six du côté ukrainien.
Ces nouvelles attaques aux missiles et aux drones interviennent alors que la Russie, qui a menacé d’intensifier les bombardements si Kiev n’acceptait pas le plan en 28 points du président américain Donald Trump pour mettre fin au conflit, a rejeté lundi une contre-proposition européenne à ce projet considéré comme largement favorable à ses intérêts.
Les infos à retenir
⇒ Nouvelle nuit d’attaques aériennes massives en Ukraine et en Russie
⇒ "Il y a enfin une chance de réaliser de vrais progrès vers une bonne paix", dit Emmanuel Macron
⇒ Donald Trump assure être "très proche" d'un accord sur l'Ukraine
La dernière version du projet de plan "significativement meilleure" pour Kiev
La dernière version du projet de plan américain pour une résolution du conflit en Ukraine est "significativement meilleure" pour Kiev, avec notamment une armée conservant 800 000 hommes contre 600 000 militaires dans la première version du plan, a indiqué mardi à l'AFP une source proche du dossier.
"L'Ukraine, les Etats-Unis et les Européens ont rendu la proposition américaine fonctionnelle (...) et elle est désormais significativement meilleure" pour Kiev, a-t-elle dit, précisant que cette version ne contient pas 28 points comme précédemment. Selon cette source proche du dossier s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, certaines questions parmi les plus sensibles, telles que les questions territoriales, pourront être "discutées à un niveau présidentiel".
Donald Trump assure être "très proche" d'un accord sur l'Ukraine
Donald Trump a déclaré mardi que les Etats-Unis étaient "très proches" de conclure un accord visant à mettre fin à la guerre en Ukraine. "Ce n'est pas facile", a affirmé le président américain à la Maison-Blanche, mais "je pense que nous sommes très proches d'un accord. Nous verrons bien".
Emmanuel Macron affirme qu'il n'y a "clairement pas de volonté russe d'avoir un cessez-le-feu"
Emmanuel Macron a estimé mardi qu'il "n'y a aujourd'hui clairement pas de volonté russe d'avoir un cessez-le-feu", appelant à "continuer de mettre la pression" sur la Russie pour qu'elle négocie. Selon le chef d'Etat, Moscou n'a pas non plus montré de "volonté de discuter" du projet de plan américain pour l'Ukraine amendé après des discussions entre Américains, Ukrainiens et Européens à Genève le week-end dernier.
Il a aussi affirmé qu'il faudrait "une armée ukrainienne forte" et sans "limitation" pour dissuader la Russie d'attaquer de nouveau même en cas d'accord de paix, ce qui va à l'encontre des exigences de Moscou. "Des discussions à Genève ont montré qu'il ne devait pas y avoir de limitation à l'armée ukrainienne. Nous avons planifié tout ce qu'il fallait pour le faire", a-t-il déclaré à des journalistes, à l'issue d'une visioconférence avec les soutiens de Kiev.
Une "solution" pour "sécuriser des financements" pour l'Ukraine sur la base des actifs russes gelés sera "finalisée dans les prochains jours", a par ailleurs déclaré Emmanuel Macron. Ces actifs gelés sont "extrêmement importants" et "aussi un moyen de pression" sur la Russie, a dit le président français à des journalistes à l'issue d'une visioconférence avec les soutiens de Kiev. "Nous allons finaliser dans les prochains jours, en coordonnant avec tous les pays européens les plus concernés et évidemment avec l'Union européenne et la Commission européenne, une solution qui permette de sécuriser des financements, donne de la visibilité à l'Ukraine, mais maintienne cette pression", a-t-il ajouté.
Entre Kiev et Moscou, des points "sensibles" mais "pas insurmontables" encore en discussion
La Maison-Blanche a indiqué mardi que des discussions supplémentaires avec l'Ukraine et la Russie étaient nécessaires pour régler "quelques détails sensibles, mais pas insurmontables", en affirmant que d'"immenses progrès" avaient été faits.
"La semaine passée, les Etats-Unis ont fait d'immenses progrès en vue d'un accord de paix en faisant venir à la fois l'Ukraine et la Russie à la table des négociations. Il reste à régler quelques détails sensibles mais pas insurmontables, qui demanderont des discussions supplémentaires entre l'Ukraine, la Russie et les Etats-Unis", a déclaré sa porte-parole Karoline Leavitt sur X.
"Il y a enfin une chance de réaliser de vrais progrès vers une bonne paix", dit Emmanuel Macron
Emmanuel Macron a affirmé mardi qu'il y avait "enfin une chance de réaliser de vrais progrès vers une bonne paix" entre l'Ukraine et la Russie, en ouverture d'une visioconférence de la "coalition des volontaires" qui soutiennent Kiev.
"Mais la condition absolue pour une bonne paix, c'est une série de garanties de sécurité très robustes, et pas des garanties uniquement sur le papier", a prévenu le président français, précisant que le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio se joindrait aussi à cette réunion de la coalition composée principalement de pays européens désireux de fournir ces garanties à l'Ukraine.
Réunions "secrètes" entre Américains et Russes à Abou Dhabi
Des réunions "secrètes" sur l'Ukraine entre Américains et Russes se sont tenues lundi et devraient se poursuivre ce mardi à Abou Dhabi, pour tenter d'avancer sur un cessez-le-feu, ont affirmé mardi des médias américains et britanniques.
Selon notamment la chaîne américaine ABC News et le quotidien britannique Financial Times (FT), le secrétaire américain à l'Armée, Dan Driscoll conduit la délégation américaine aux Emirats arabes unis. Le FT affirme aussi, sur la foi de deux sources proches des discussions, que le patron des services de renseignement militaire ukrainien est présent aux pourparlers, sans pouvoir préciser s'il s'agissait d'une réunion tripartite ou de rencontres séparées.
Les discussions entre le secrétaire américain à l'Armée de terre Dan Driscoll et une délégation russe sur un éventuel accord pour mettre fin au conflit en Ukraine "se déroulent bien", a indiqué mardi un porte-parole. "Les pourparlers se déroulent bien et nous restons optimistes", a déclaré le lieutenant-colonel Jeff Tolbert, rendant compte de ces discussions qui se tiennent depuis lundi soir à Abou Dhabi.
Selon le FT et la chaîne ABC, les discussions portent désormais sur un plan en 19 points. ABC indique que parmi les points supprimés figurent la future taille de l'armée ukrainienne et l'amnistie de principe accordée aux parties au conflit.
L'Ukraine souhaite une rencontre entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump cette semaine
L'Ukraine souhaite organiser cette semaine une visite de Volodymyr Zelensky aux Etats-Unis pour des négociations avec Donald Trump sur le plan américain visant à mettre fin à la guerre avec la Russie, a insisté mardi un négociateur ukrainien clé. "Nous avons hâte d'organiser la visite du président de l'Ukraine aux États-Unis dès que possible en novembre pour finaliser les étapes restantes et parvenir à un accord avec le président Trump", a déclaré sur X le secrétaire du Conseil de sécurité ukrainien Roustem Oumerov.
Ces derniers jours, Donald Trump a de nouveau haussé le ton contre le président ukrainien, l'appelant vendredi à accepter son plan. "Il faudra bien que cela lui plaise, et si cela ne lui plaît pas, alors, vous savez, ils n'auront qu'à continuer à se battre", a-t-il lancé, avant d'affirmer le lendemain que le plan en question n'était pas sa dernière offre.
Nouvelle nuit d’attaques aériennes massives en Ukraine et en Russie
Le chef de la diplomatie ukrainienne a dénoncé comme une "réaction terroriste" au plan américain visant à mettre la fin à la guerre les frappes russes de la nuit. "Poutine a donné sa réaction terroriste aux propositions de paix des États-Unis et du président Trump, en lançant une volée de missiles et de drones sur l'Ukraine", a déclaré sur X Andriï Sybiga.
L'Ukrainecomme la Russie ont fait état mardi matin de frappes aériennes "massives" de l'ennemi sur leurs territoires. Les autorités ukrainiennes ont fait état d’au moins six morts à Kiev, où plusieurs séries d’explosions ont retenti tôt, selon des journalistes de l’AFP, après une alerte aérienne déclenchée dans tout le pays. Le ministère de l’Energie a de son côté rapporté "une attaque massive combinée de l’ennemi contre les infrastructures énergétiques".
En Russie, au moins trois personnes sont mortes cette nuit et huit ont été blessées lors d’une attaque ukrainienne contre Taganrog et le district voisin de Neklinovsky, au bord de la mer d'Azov, dans la région de Rostov, a annoncé sur Telegram le gouverneur régional Iouri Slioussar. Au total, la défense aérienne russe a intercepté 249 drones ukrainiens au-dessus du pays dans la nuit de lundi à mardi, a annoncé le ministère de la Défense. Sur ce total, 116 drones ont été abattus au-dessus de la mer Noire, 76 dans la région de Krasnodar, 23 dans la péninsule annexée de Crimée et 16 dans la région de Rostov, a précisé le ministère.
Emmanuel Macron appelle à ne pas se montrer "faible" face à la "menace" de la Russie
Emmanuel Macron a appelé ce mardi sur RTL à ne pas être "faible" face à la "menace" de la Russie qui a "une posture beaucoup plus agressive". "Nous aurions tort d'être faible face à cette menace. Et donc si nous voulons nous protéger, nous Français, ce qui est ma seule obsession, nous devons montrer que nous ne sommes pas faibles avec la puissance qui nous menace le plus", a déclaré le chef de l'Etat, soulignant par ailleurs que le nouveau service national volontaire qu'il s'apprête à annoncer n'implique aucunement d'"envoyer nos jeunes en Ukraine".
Le chef de l'Etat, qui participera dans l'après-midi à une réunion par visioconférence de la coalition des soutiens de l'Ukraine, a également affirmé que c'était "aux Européens de décider" comment utiliser les actifs russes gelés, que Donald Trump propose dans son plan de paix d'investir dans des projets menés par les Etats-Unis pour reconstruire l'Ukraine. "Les Européens sont les seuls qui ont à dire, parce que ça fait partie du plan, ce qu'on fera avec les actifs russes gelés qui sont détenus par les Européens", a-t-il déclaré.
La Roumanie déploie de nouveau des avions de chasses face à des incursions de drones
La Roumanie a annoncé deux nouvelles incursions de drones dans son espace aérien mardi matin et le déploiement de plusieurs avions de chasse, après une nuit de frappes massives aériennes russes en Ukraine voisine.
Le premier drone a "traversé l’espace aérien national" depuis Valcove en Ukraine vers la zone de Chilia Veche dans le comté de Tulcea en Roumanie (sud-est), a précisé le ministère de la Défense, en ajoutant que "deux avions Eurofighter Typhoon allemands ont été dépêchés depuis la base aérienne Mihail Kogălniceanu pour surveiller la situation" à 6h28. A 7h11, les Eurofighter ont signalé "un contact radar avec la cible au-dessus du territoire ukrainien, en dehors de l'espace aérien roumain", a ajouté le ministère.
Deux autres avions de chasse ont décollé une vingtaine de minutes plus tard depuis la base de Borcea, des F-16 Fighting Falcon de l'armée roumaine, et une deuxième intrusion de drone a été détectée par les systèmes radar dans l’espace aérien roumain dans la région de Galati, a ajouté le ministère, précisant que "la situation est surveillée par le ministère de la Défense nationale".
La Maison-Blanche juge "complètement fallacieux" de dire que Donald Trump favorise la Russie
La porte-parole de la Maison-Blanche a qualifié lundi soir de "complètement fallacieuse" l’idée selon laquelle le président américain Donald Trump et son gouvernement favoriseraient la Russie dans les pourparlers pour mettre fin au conflit en Ukraine. "L’idée selon laquelle les Etats-Unis d’Amérique ne seraient pas engagés à égalité avec les deux belligérants pour mettre fin à la guerre est totalement et complètement fallacieuse", a dit Karoline Leavitt lors d’un échange avec la presse. Vendredi 21 novembre, elle avait répété qu’il s’agissait d’un "bon plan à la fois pour la Russie et pour l’Ukraine".
Depuis l’été dernier, les relations entre la France et l’Algérie se dégradent de jour en jour. Derniers événements en date : les condamnations du journaliste français Christophe Gleizes et de l’écrivain Boualem Sansal à respectivement sept et cinq ans de prison. Et comme souvent dans ces moments de tensions, on essaye de regarder en arrière pour tenter de mieux comprendre l’actualité.
A L’Express, trois journalistes se sont penchés sur la relation ambivalente entre ces deux pays. Mais ils se sont intéressés à une histoire un peu particulière : celle des batailles d’espionnage.
Pour leur enquête, ils ont rassemblé de très nombreux documents dans des dossiers, classés par ordre chronologique. Des photos d’espions infiltrés, des preuves écrites de kidnappings, des archives sur des assassinats cachés… Ces dossiers contiennent tous les éléments pour faire le récit des guerres secrètes franco-algériennes.
Dans ce deuxième dossier, il y a d’abord un document dont on a déjà parlé hier : les accords d’Evian, signés en mars 1962.
Une juge fédérale a annulé, ce lundi 24 novembre, deux inculpations téléguidées par Donald Trump, contre l’ancien directeur du FBI James Comey et la procureure générale de l’Etat de New York, Letitia James, cibles de la vindicte du président américain.
Donald Trump a maintes fois exprimé pendant sa campagne électorale sa volonté de se venger de tous ceux qu’il considère comme des ennemis personnels. James Comey, 64 ans, est devenu le 25 septembre la première de ces personnalités à être inculpée depuis son retour au pouvoir, avant Letitia James, 67 ans, le 9 octobre.
Une juge fédérale a invalidé lundi la nomination de Lindsey Halligan, la procureure choisie par Donald Trump, qui avait engagé ces poursuites, et prononcé en conséquence l’abandon des poursuites dans les deux dossiers. Lors d’une audience la semaine dernière, cette juge s’était montrée très sceptique sur la légalité de la désignation de la procureure, promettant de rendre une décision à ce sujet d’ici la fête de Thanksgiving, le 27 novembre.
La magistrate laisse néanmoins la possibilité au ministère de la Justice de présenter un nouvel acte d’accusation dans les deux affaires mais dans le cas de James Comey le délai de prescription des faits qui lui sont reprochés a expiré fin septembre. James Comey et Letitia James ont introduit d’autres recours en annulation des poursuites, arguant notamment du fait qu’elles étaient motivées par la seule "rancune personnelle" du président américain. La justice ne s’est pas encore prononcée sur ces arguments.
Procureur acculé à la démission
En septembre, Donald Trump avait publiquement fait pression sur sa ministre de la Justice, Pam Bondi, s’étonnant sur sa plateforme Truth Social que James Comey et Letitia James n’aient toujours pas été inculpés, de même qu’un sénateur démocrate. Après avoir poussé à la démission le procureur du district est de Virginie, le président républicain l’avait aussitôt remplacé à ce poste stratégique par Lindsey Halligan, une conseillère de la Maison Blanche.
Une autre bête noire de Donald Trump, son ancien conseiller à la sécurité nationale lors de son premier mandat, John Bolton, a été inculpé le 16 octobre de divulgation et de rétention de documents relevant de la défense nationale.
James Comey était accusé d’avoir menti sous serment en niant, en réponse à une question d’un sénateur, avoir autorisé son adjoint à être cité sous couvert d’anonymat dans les médias sur des enquêtes sensibles conduites par le FBI. James Comey avait été brutalement limogé lors du premier mandat de Donald Trump en 2017, alors que la police fédérale enquêtait sur d’éventuelles ingérences russes dans la campagne présidentielle de 2016.
Letitia James était elle visée par deux chefs d’accusation de fausses déclarations lors de l’obtention d’un prêt bancaire. Letitia James avait fait condamner Donald Trump à une amende de près d’un demi-milliard de dollars en février 2024. Cette condamnation pour fraude a été annulée en août par une cour d’appel de l’Etat de New York, qui a estimé cette amende "excessive", une décision dont elle a fait appel.
Un appui franc et massif à Donald Trump. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban affiche son soutien au plan controversé proposé par le président américain pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Annoncé la semaine dernière, ce projet en 28 points, dont la forme s’inspire du texte ayant permis de signer le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas à Gaza, inclut plusieurs mesures destinées à mettre fin au conflit meurtrier. Rédigé sans consultation des Européens, ce nouveau "plan Trump" prévoit par exemple la cession à Moscou de plusieurs territoires ukrainiens conquis par la Russie, ainsi que leur reconnaissance de facto par Washington. De faire craindre à Kiev – et aux principales puissances du Vieux Continent – une sorte de capitulation, près de quatre ans après de l’invasion russe de 2022.
Empêcher le versement d’une nouvelle aide européenne
Eurosceptique, Viktor Orban n’a jamais cessé de mettre en avant ses liens avec le Kremlin. Au début de l’été 2024, il s’était ainsi déplacé à Moscou pour rencontrer Vladimir Poutine, sans demander l’accord du reste des 27 pays membres de l’Union européenne. L’épisode avait suscité l’ire de nombre de ses homologues sur le continent. Aujourd’hui, le Premier ministre hongrois les exhorte à adhérer sans réserve au projet américain pour mettre un terme à la guerre en Ukraine. "Les Européens doivent soutenir immédiatement et sans condition l’initiative de paix des Etats-Unis", a-t-il écrit samedi dans une lettre envoyée à Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne.
Dans ce document, révélé par Politico, le conservateur enjoint par ailleurs l’UE à "entamer des négociations autonomes et directes avec la Russie". Viktor Orban, dont les relations avec Kiev sont glaciales, voit surtout dans ce plan une opportunité pour gêner l’envoi d’une nouvelle aide financière de l’UE à l’Ukraine. En effet, les différents pays européens planchent depuis plusieurs mois sur l’utilisation d’avoirs gelés russes, qui pourraient servir à verser 140 milliards d’euros de nouveaux fonds à Kiev sous forme de "prêt de réparation". "[La Hongrie] ne soutient pas l’envoi par l’Union européenne d’une aide financière supplémentaire à l’Ukraine sous quelque forme que ce soit", précise de cette manière Viktor Orban dans sa lettre.
Relations glaciales entre Kiev et Budapest
Le chef de file du Fidesz, au pouvoir à Budapest depuis plus de 15 ans, s’est montré ces derniers mois particulièrement rétif à toute nouvelle aide financière européenne. Début octobre, lors d’un sommet informel à Copenhague (Danemark), il avait critiqué ce principe, qualifiant l’Ukraine de "pays qui n’a pas l’argent pour s’entretenir lui-même". Un mois plus tard, il avait également fait part de sa volonté de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour "porter plainte" après la décision de l’UE actant un embargo total en Europe sur les hydrocarbures russes d’ici à 2027. Une hérésie selon Viktor Orban, dont le pays demeure extrêmement dépendant du pétrole et du gaz russe – des ressources qui permettent à Moscou de financer sa guerre.
La position de la Hongrie au sujet de ce plan Trump reste minoritaire en Europe. Comme dévoilé par Reuters dimanche, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont élaboré une contre-proposition d’un plan de paix sur la base de la mouture proposée par le milliardaire républicain. Ce week-end, le chancelier allemand Friedrich Merz a fait part de sa circonspection sur une éventuelle percée des "négociations" vers une trêve en Ukraine. "Je ne suis pas encore convaincu que les solutions souhaitées par le président Trump seront trouvées dans les prochains jours", a ajouté le dirigeant depuis le sommet du G20 à Johannesburg (Afrique du Sud).
Giorgia Meloni défend aussi le plan Trump
Le président américain avait initialement dit attendre une réponse favorable de Volodymyr Zelensky à son plan d’ici à jeudi. Pour accélérer les discussions, plusieurs hauts responsables ukrainiens et américains, dont le secrétaire d’État Marco Rubio et l’envoyé spécial de Donald Trump, Steve Witkoff, se sont réunis ces derniers jours à Genève (Suisse). Un rendez-vous qui a permis à Kiev d'"inclure des points extrêmement sensibles" dans les échanges, a assuré le président ukrainien, tout en soulignant que l’avènement d’une "paix réelle" nécessitait "beaucoup plus".
Viktor Orban n’est toutefois pas l’unique défenseur de la proposition américaine sur l’Ukraine. Réputée proche de Donald Trump, la Première ministre italienne Giorgia Meloni s’est désolidarisée ce lundi du plan alternatif conçu par les puissances du groupe E3 (France, Allemagne, Royaume-Uni). "Je ne pense pas que la question soit de travailler sur une contre-proposition complète", a-t-elle lancé depuis Luanda (Angola), en marge d’un sommet entre l’UE et l’Union africaine. "Il y a de nombreux points acceptables dans le plan que nous avons lu." Comme rapporté samedi par les médias du pays, le Premier ministre slovaque populiste Robert Fico, réputé proche du pouvoir russe, considère pour sa part que ce document constitue "une très bonne base" pour mener les tractations pour conclure la paix en Europe.
Les eaux territoriales britanniques semblent devenues des voies de navigation familières aux navires russes. Quelques jours après l’interception d’un bâtiment du ministère de la Défense russe, le Yantar, quelques semaines après celle d’un destroyer de 163 mètres lourdement équipé, le Koulakov, le secrétaire d’Etat à la Défense John Healey a annoncé dimanche 23 novembre que deux nouveaux bâtiments appartenant à la flotte de Moscou venaient d’être reconduits vers d’autres eaux. Après les avoir suivis au cours des deux dernières semaines, dans le détroit de Douvres et dans la Manche, le HMS Severn, un navire de patrouille de la Royal Navy, a escorté la corvette RFN Stoikiy ainsi que le pétrolier Yelnya vers les eaux internationales, où un bâtiment de l’Otan a pris le relais. Le ministre anglais a signalé une hausse de 30 % des incursions de navires russes dans les eaux britanniques au cours des deux dernières années.
La semaine passée, le Yantar, suspecté de cartographier les câbles sous-marins britanniques, avait été pris dans les filets de la marine britannique, mais non sans résistance. La frégate de la Royal Navy qui le suivait ainsi que plusieurs bateaux de la marine marchande ont vu leur GPS se brouiller. Les marins russes, selon les déclarations du ministre, ont même été jusqu’à diriger des faisceaux laser vers les pilotes de la Royal Air Force qui les survolaient. "Tout ce qui entrave, perturbe ou met en danger les pilotes aux commandes d’avions militaires britanniques est extrêmement dangereux", avait tempêté John Healey lors d’une conférence de presse. Avant d’ajouter : "Mon message à la Russie et à Poutine est celui-ci : on vous voit. On sait ce que vous faites." Healey a déclaré avoir modifié les règles d’engagement de la marine afin que les navires britanniques puissent suivre les navires russes de plus près, à une distance équivalente à celle d’un terrain de football.
Des dépenses militaires contraintes par les restrictions budgétaires ?
Fidèle à sa ligne de dénégation, la même que celle qui prévaut lors des récents survols de drones un peu partout en Europe, et récemment en France, Moscou a répondu par le biais de son ambassade à Londres que le gouvernement britannique cherchait à "attiser une hystérie militariste", et ajouté que le Yantar s’adonnait des activités de recherche océanographique…
Ces événements interviennent dans un contexte tendu pour le gouvernement de Keir Starmer, qui doit publier son nouveau budget mercredi. John Healey plaide en faveur d’une augmentation des dépenses de défense et le Premier ministre Keir Starmer s’est engagé en ce sens, mais le gouvernement doit également combler un déficit de plusieurs milliards de livres sterling. Ce qui n’est pas sans conséquences sur ses contributions au niveau européen : selon Politico, alors que Bruxelles demandait au Royaume-Uni d’abonder à hauteur de 4,5 à 6,5 milliards d’euros le fonds Safe (Security Action for Europe), qui prévoit 150 milliards d’euros pour financer en commun des achats d’armement européen, le Royaume-Uni n’aurait proposé… qu’entre 200 et 300 millions d’euros.
Une fermeture aussi discrète que son ouverture fut fracassante. Institué par décret au premier jour de la seconde présidence Trump et piloté par celui qui était alors son précieux allié, Elon Musk, le Doge (de son vrai nom "département de l’efficacité gouvernementale") aurait cessé ses activités huit mois avant la fin prévue de son contrat, selon les déclarations de son directeur de la gestion du personnel, Scott Kupor, à Reuters. Ses fonctions ont été transférées à l’OPM (l’agence gouvernementale de ressources humaines). Scott Kupor a néanmoins tenu à préciser dimanche 23 novembre sur X que "les principes du Doge restent bien vivants : déréglementation, élimination de la fraude, du gaspillage et des abus, restructuration de la fonction publique fédérale, priorité accordée à l’efficacité."
Le Doge fut le symbole d’un assaut sans précédent mené contre les agences fédérales et leurs employés, dans l’objectif proclamé de colossales économies : 1 000 milliards de dollars à l’horizon de septembre dernier, selon les ambitions d’Elon Musk. L’une de ses plus retentissantes décisions fut la suppression de l’USAID, l’Agence américaine pour le développement international, active à travers le monde via des politiques de vaccination, de prévention du paludisme et de lutte contre le sida. D’abord réduite à peau de chagrin, elle a été fermée en juillet. Une étude menée par une épidémiologiste de l’université de Boston, Brooke Nichols, estime que plus de 600 000 personnes à travers le monde sont déjà mortes des suites de cette décision.
Des économies invérifiables
Exit les fonctionnaires, place à l’IA : au nom de l’optimisation, le Doge a multiplié les coupes claires au sein de nombreuses administrations, à commencer par le Département de l’éducation, dont le budget a été amputé de plus de 500 millions de dollars et dont nombre des prérogatives ont été transférées à d’autres agences. La Social Security Administration (sécurité sociale) fut une autre cible de choix : non seulement les suppressions de postes ont entraîné de nombreux retards dans le traitement des demandes des administrés, mais les données personnelles de plus de 300 millions d’Américains ont été mises en danger par l’incurie des équipes du Doge, selon un lanceur d’alerte. La méthode fut explosive, les fonctionnaires licenciés à tour de bras l’apprenant par email. En mai, plus de 200 000 d’entre eux avaient été congédiés. Le Doge a déclaré que l’ensemble de ces licenciements et réductions avait permis d’économiser des milliards de dollars, mais aucune étude officielle ne vient étayer ces assertions.
L’activité du Doge a décliné de façon concomitante à la disgrâce de son chef, survenue après ses critiques cinglantes de la dispendieuse One Big Beautiful Bill voulue par Donald Trump et votée en juillet. Les équipes ont commencé peu après à déserter les bureaux. Comme le rapporte Reuters, les têtes pensantes ont été recasées, à commencer par Joe Gebbia, cofondateur d’Airbnb, chargé depuis par Donald Trump d’améliorer le visuel des sites gouvernementaux : son studio a notamment lancé des sites web pour recruter des agents des forces de l’ordre. Quant à Elon Musk, il semble revenu en odeur de sainteté à Washington, puisqu’il figurait parmi les convives du dîner donné en grande pompe pour le prince saoudien Mohammed ben Salmane la semaine passée.
Deux abstentions. Il aura fallu coup sur coup deux abstentions récentes de Moscou au Conseil de sécurité pour illustrer symboliquement la grande faiblesse géopolitique de la Russie ; d’abord en abandonnant le partenaire algérien face au Maroc et à ses alliés sur le dossier du Sahara occidental, ensuite faute de la moindre influence proche-orientale face au plébiscite du plan Trump pour Gaza.
Déjà l’attaque de l’Ukraine avait alerté sur l’isolement ou le manque d’influence alternative de Moscou. A trois reprises, de 2022 à 2024, l’Assemblée générale des Nations unies avait condamné l’offensive russe par plus de 140 voix contre 8 et une trentaine d’abstentions. Les abstentionnistes furent entre autres puissances la Chine, l’Inde, l’Arabie saoudite ou encore le Brésil, et les "alliés" des Etats minuscules, faillis, indigents ou déjà inféodés (Biélorussie). Rien qu’au Moyen-Orient, en moins de deux ans, Moscou a subi la perte du fidèle allié syrien, l’affaiblissement du partenaire iranien, et donc le plan américain pour Gaza dans lequel la Russie n’aura aucun rôle. L’Arabie saoudite a rejoint les Brics (à la cohérence archi douteuse) ? Elle vient surtout de demander une alliance militaire intégrée et des escadrilles de F-35 à Washington !
Sur le plan technologique, aucun investissement sérieux n’a été consenti par Poutine depuis 2000, les budgets de Recherche & Développement et de formation ingénieuriale sont sacrifiés, d’où un faible nombre de brevets déposés. Conséquence directe : depuis la déchirure du tissu relationnel entre Russie et Occident liée à l’attaque de l’Ukraine, celle-ci s’inféode à l’économie chinoise. Cette tendance lourde devrait se poursuivre sous l’effet conjugué des sanctions occidentales, de l’accélération phénoménale du high-tech chinois, et surtout du désintérêt idéologique total du Kremlin pour cette dimension pourtant sans cesse plus essentielle de la puissance. Ajoutons que si la rente quasi perpétuelle de brut et gaz naturel permet à Moscou d’éviter toute banqueroute, cet atout est relativisé par les coûts d’acquisition très bas exigés par Pékin et New Delhi, et par une Opep peu disposée à consentir aux exigences russes en termes de production et donc de prix.
La Russie, forte de la relative faiblesse européenne
Sur le plan militaire, l’armée russe peut frapper durement les troupes ennemies et les infrastructures civiles et énergétiques de l’Ukraine par missiles et ses drones (importés de Corée du Nord et d’Iran pour la plupart), mais ne peut pas percer le front face à une armée moins nombreuse et moins équipée, et éviter de lourdes pertes humaines et matérielles. Chasseurs bombardiers prudemment maintenus hors du rayon d’action des missiles ukrainiens, chars médiocres, marine ridiculisée en mer Noire, revers des mercenaires de l’Africa Corps (ex Wagner) face à des va-nu-pieds djihadistes au Sahel, faible détermination des troupes et pertes abyssales dans une situation démographique générale déjà désastreuse, etc. Le moins que l’on puisse dire est que la Russie ne triomphe guère. Quant aux alliés militaires, ils se comptent sur… un doigt !
Seule la Corée du Nord, dont dix mille soldats se sont fait étriller sur le front ukrainien mais qui fournit effectivement des munitions, correspond à ce statut objectif depuis 2024. Et, contrairement à ce que certains écrivent paresseusement en galvaudant le terme, il n’existe aucune alliance militaire avec Pékin et Téhéran, seulement des rapports de fournisseurs (indociles du reste) à client. Ajoutons, fait sans précédent depuis 1945, la relégation au deuxième rang de la Russie comme exportateur d’armements, en l’espèce derrière… la France. Ce signal faible passé inaperçu traduit en réalité une situation doublement alarmante : non seulement le Kremlin ne parvient pas à imposer à des Etats déjà clients d’acheter davantage, ni à en trouver de nouveaux (dans un monde qui pourtant se réarme tous azimuts !), mais encore les entreprises russes s’avèrent technologiquement dépassées par des fabricants occidentaux, chinois, israéliens et autres. Certes, la Russie demeure bien le deuxième producteur d’armes - loin - derrière les Etats-Unis, mais l’essentiel de sa production part directement sur le destructeur front ukrainien.
Au fond, la Russie contemporaine de Vladimir Poutine est surtout forte de la relative faiblesse européenne et de la complaisance mercantiliste et idéologique de Donald Trump. Les deux n’auront peut-être qu’un temps…
Frédéric Encel, essayiste et géopolitologue, est professeur à la Paris School of Business (PSB) et maître de conférences à Sciences Po.
La Chine a jugé lundi 24 novembre "dangereux" le projet réaffirmé du Japon de déployer des missiles sol-air sur Yonaguni, l’île nippone la plus proche de Taïwan, elle-même au cœur d’un regain de tension entre Pékin et Tokyo.
Le ministère chinois des Affaires étrangères a réagi à des propos tenus dimanche par le ministre japonais de la Défense Shinjiro Koizumi et rapportés par la presse, selon lesquels le projet d’installer ces missiles était "en bonne voie".
"Le déploiement d’armes offensives par le Japon sur les îles du sud-ouest voisines de Taïwan vise délibérément à créer des tensions régionales et à provoquer une confrontation militaire", a dit une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning, lors d’un point presse régulier. "Cette tendance, conjuguée aux propos erronés de la Première ministre (japonaise) Sanae Takaichi, est extrêmement dangereuse", a-t-elle déclaré.
"La Chine est déterminée"
La Chine et le Japon sont engagés dans une vive querelle depuis que la Première ministre japonaise a affirmé le 7 novembre que des opérations armées contre Taïwan pourraient justifier une intervention militaire japonaise pour défendre l’île. La Chine, qui revendique Taïwan comme faisant partie de son territoire, voit dans ces paroles une provocation.
"La Chine est déterminée et capable de défendre sa souveraineté territoriale nationale", a dit Mao Ning. "La Chine ne permettra jamais aux forces japonaises d’extrême droite de renverser le cours de l’histoire, elle ne permettra jamais les ingérences de la part de forces extérieures dans les affaires taïwanaises, ni la renaissance du militarisme japonais", a-t-elle dit en se référant à la défaite du Japon à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Le gouvernement taïwanais a au contraire défendu les propos du ministre japonais de la Défense. Le Japon "a le droit de faire le nécessaire pour protéger la sécurité de son propre territoire", a dit à des parlementaires le vice-ministre taïwanais des Affaires étrangères Wu Chih-chung. "L’île de Yonaguni est très proche de Taïwan, et le Japon est en train d’y renforcer ses installations militaires […] Nous pensons que cela sert nos intérêts nationaux puisque le Japon n’a aucune revendication territoriale, ni aucune hostilité à l’encontre de Taïwan", a-t-il dit.
Yonaguni abrite depuis 2016 une base des Forces d’autodéfense japonaises, malgré les objections initiales des habitants. Tokyo a annoncé son intention d’y déployer des missiles sol-air à moyenne portée pour la défendre contre les attaques de missiles et d’aéronefs.
"La Belgique à l’arrêt : une paralysie inédite", titre le quotidien Le Soir. De son côté, La Libre Belgiqueévoque une "suspension de temps" doublée d’une "parenthèse historique". Trains supprimés, vols annulés, crèches fermées : la Belgique se prépare, ce lundi 24 novembre, à trois jours de grève contre les réformes envisagées par le gouvernement De Wever pour redresser les finances publiques, comparées à un "démantèlement social" par les syndicats.
Le mouvement dénonçant la "casse sociale" du gouvernement est organisé en trois temps. Les transports publics et les chemins de fer lancent le bal lundi. L’exploitant des chemins de fer belges, la SNCB, a prévu une circulation limitée à un train sur deux, voire un sur trois selon les lignes. Plusieurs Eurostar reliant Bruxelles à Paris ont également été annulés.
Ils doivent ensuite être rejoints, mardi, par les services publics : les crèches, administrations, hôpitaux… "Les enseignants se joindront aussi à la grève les 25 et 26 novembre, alors que le service public de Wallonie, le ministère de la Communauté française, les administrations locales et provinciales débrayeront pendant les trois jours. Le secteur de la santé devrait également prendre part aux protestations", précise Le Soir. Une grève interprofessionnelle est prévue mercredi. L’étendue précise des perturbations est encore incertaine.
Un accord budgétaire trouvé
Hasard du calendrier ou non, un accord de gouvernement sur une trajectoire pluriannuelle d’économies budgétaires a été conclu dans la nuit de dimanche à lundi autour du Premier ministre Bart De Wever. L’accord augmente le niveau d’économies par rapport à ce qu’envisageait la coalition au pouvoir début 2025 et prévoit quelques nouvelles recettes via notamment le doublement de la taxe sur les comptes-titres ou des relèvements de TVA sur certains produits.
Au total, un peu plus de 9 milliards d’euros ont été trouvés." L’effort est réalisé à 60 % par des dépenses réduites, à 40 % par des recettes nouvelles", résumeLe Soir. "J’ai sauvé l’Etat-Providence du précipice, en prenant des mesures impopulaires, c’est vrai, mais j’ai un salaire élevé et aujourd’hui je pense l’avoir mérité", se réjouit le Premier ministre.
Un des pires niveaux d’endettement de la zone euro
Ce qui n’empêchera pas la grève de frapper le pays, avec un effet très concret dans le ciel : aucun vol commercial ne décollera mercredi depuis les deux principaux aéroports belges, Bruxelles-Zaventem et Charleroi, leurs sociétés exploitantes anticipant un fort taux de grévistes parmi le personnel chargé des contrôles de sécurité. "La fédération patronale flamande Voka estime, sur la base d’une enquête, que la production d’une entreprise flamande sur dix sera paralysée ou fortement perturbée", souligne de son côté De Morgen, le quotidien néerlandophone.
Ce mouvement social a été lancé à l’initiative des trois principaux syndicats belges, FGTB, CSC et CGSLB, engagés dans un bras de fer avec le Premier ministre. La Belgique affiche un des pires niveaux d’endettement de la zone euro, avec la Grèce, l’Italie et la France. Au pouvoir depuis février, le conservateur flamand réclame au pays un gros effort d’économies. Mais au bout de dix mois d’exercice, il a surtout à son actif la limitation à deux ans des allocations chômage, adoptée cet été par le Parlement, et peine à transformer l’essai sur les autres gros dossiers.
Pour les syndicats, les trois jours de grève sont un appel à l’ensemble du gouvernement pour "mettre fin au démantèlement social". Le syndicat socialiste FGTB a accusé le Premier ministre de faire preuve de "mépris" et de "manque de respect" vis-à-vis de ce mouvement social. Les syndicats ont lancé de nombreux appels à la mobilisation depuis l’installation du gouvernement De Wever. La participation a fluctué selon les actions. L’une des manifestations les plus importantes a eu lieu mi-octobre, quand des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues de Bruxelles contre des coupes budgétaires jugées "brutales". Moins de deux mois plus tard, les Belges sont de nouveau dans la rue.
Des manifestants s'opposaient déjà à la politique budgétaire du gouvernement De Wever, à Bruxelles, le 14 octobre 2025. Quelques semaines plus tard, la grogne sociale est toujours là.
L’offensive européenne se dessine. Selon l’agence Reuters, Londres, Paris et Berlin ont rédigé une contre-proposition au plan de paix américain pour l’Ukraine, dévoilée dimanche 23 novembre. La première ébauche de Washington - rédigée sans les alliés européens - avait été rejetée en l’état par Kiev et jugée par nombre d’observateurs bien trop favorable à Moscou. La nouvelle mouture européenne publiée en intégralité sur le site de l’agence, ne rompt pas avec l’approche américaine, puisqu’elle en reprend la structure point par point. Mais le texte apporte quelques modifications.
Alors que les Etats-Unis et l’Ukraine ont affirmé dans la nuit de dimanche à lundi qu’un "futur accord" de paix "devra pleinement respecter la souveraineté" ukrainienne - après des pourparlers qualifiés de "constructifs" à Genève - la copie révisée du camp européen s’aligne sur ce principe en le réaffirmant explicitement : "La souveraineté de l’Ukraine doit être réaffirmée", déclare ainsi le premier point.
Vient ensuite une autre proposition : la conclusion d'"un accord de non-agression complet" entre la Russie, l’Ukraine et l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) destiné à lever les zones grises des trente dernières années. Une formulation proche de celle du plan américain, mais avec un glissement notable : là où Washington mentionnait "l’Europe", les Européens inscrivent clairement "Otan".
Autre point très important : la troisième proposition du plan américain - qui suggérait que la Russie n’envahisse pas ses voisins et que l’Otan ne s’étende pas davantage - disparaît du texte européen. Dans cette version, l’intégration de l’Ukraine à l’Alliance n’est plus exclue, mais explicitement conditionnée au consensus des alliés : "L’adhésion de l’Ukraine à l’Otan dépend du consensus des membres de l’Alliance, qui n’existe pas", rappelle le document. Celui-ci demande un dialogue direct Russie-Otan, immédiatement après la signature d’un accord de paix, pour ouvrir un cycle de "désescalade" et de clarification stratégique.
Un important volet économique
Par ailleurs, les garanties de sécurité à offrir à Kiev sont renforcées par le projet européen : limitation des effectifs militaires ukrainiens à 800 000 hommes en temps de paix (au lieu de 600 000 dans le plan américain), absence de troupes de l’Otan en Ukraine mais stationnement d’avions de chasse de l’Alliance en Pologne, comme le prévoyait le plan de Washington.
L’Europe introduit aussi un important volet économique. Comme le prévoyait déjà le plan américain, Kiev sera éligible à l’adhésion à l’UE, avec un accès préférentiel au marché européen dès la phase d’évaluation. Bruxelles confirme aussi un paquet mondial de mesures pour reconstruire l’Ukraine, incluant la création d’un fonds de développement pour l’Ukraine, la réhabilitation des zones touchées par la guerre ou encore la reprise de l’extraction de minéraux et de ressources naturelles. Ce qu’elle ajoute à ce vaste plan de reconstruction ? Un partenariat entre les Etats-Unis et l’Ukraine "pour restaurer, développer, moderniser et exploiter les infrastructures gazières ukrainiennes (pipelines et installations de stockage)".
Un allègement des sanctions russes "par phases"
Concernant la Russie, les Européens se montrent moins conciliants que leurs alliés américains. Alors que ces derniers prévoient une réintégration de la Russie dans l’économie mondiale, Bruxelles rajoute une temporalité : "l"allègement des sanctions discuté et convenu par phases et au cas par cas." Les deux versions s’accordent cependant sur un retour de la Russie au sein du G8.
Cependant, sur les questions territoriales, les Européens rompent avec la ligne maximaliste de Kiev. L’Ukraine s’engagerait ainsi à ne pas récupérer militairement les territoires occupés. De futures négociations commenceraient à partir de la "ligne de contact actuelle", avec une interdiction de modifier ultérieurement tout accord par la force. Le plan modifié par les Européens comprend une task force conjointe de sécurité - incluant Etats-Unis, Ukraine, Russie et Européens - qui garantirait la mise en œuvre de l’accord.
Une amnistie totale qui disparaît
Et sur l’après ? Dans le projet européen, la question de l’amnistie totale pour toutes les parties impliquées dans ce conflit disparaît. A la place, une vision assez large : "Des mesures seront prises pour répondre aux souffrances des victimes du conflit."
Reste que tout ne fait pas consensus au sein du camp européen. La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, a défendu dimanche l’idée que le plan américain "contient déjà de nombreux points acceptables" et qu’il n’était "pas nécessaire de présenter une contre-proposition complète". Selon elle, la discussion porte davantage sur certains nœuds — territoires, reconstruction, armée ukrainienne — que sur le cadre général proposé par Washington. Reste à savoir si les différentes parties trouveront un terrain d’entente.
Le chef du cabinet de Volodymyr Zelensky Andriy Yermal, et le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio à Genève, en Suisse, après des pourparlers le 23 novembre 2025.
Le Hezbollah libanais a confirmé dans la soirée du dimanche 23 novembre la mort du chef militaire Haitham Ali Tabatabai, qualifié par Israël de chef d’état-major de la formation pro-iranienne, dans une frappe israélienne sur la banlieue sud de Beyrouth, qui a fait cinq morts au total selon les autorités libanaises.
C’est le plus haut responsable du Hezbollah à être tué depuis la fin, il y a près d’un an, de la guerre meurtrière qui a opposé le mouvement islamiste à l’Etat-hébreu et dont il est sorti décapité.
Haitham Ali Tabatabai, présenté par l’armée israélienne comme "le plus important commandant du Hezbollah", avait été promu chef militaire du mouvement chiite après la mort des principaux responsables militaires de ce dernier durant la guerre avec Israël. Son nom reste largement inconnu du grand public libanais.
Visé par des sanctions américaines
Selon une source proche de la formation pro-iranienne, Tabatabai était auparavant "responsable du dossier du Yémen" au sein du Hezbollah, qui soutient les rebelles houthis. Il avait également occupé des fonctions en Syrie où le mouvement islamiste soutenait militairement le pouvoir déchu de Bachar el-Assad, selon les Etats-Unis. Toujours selon cette source, Tabatabai était basé à l’étranger et était "revenu au Liban pendant la guerre". Son père est d’origine iranienne et sa mère libanaise, mais il a la nationalité libanaise, d’après la même source.
Les Etats-Unis ont imposé des sanctions contre lui en 2016, le désignant comme "terroriste". Le Trésor américain a offert une récompense allant jusqu’à 5 millions de dollars pour des informations à son sujet, précisant qu’il était "également connu sous le nom d’Abou Ali Tabatabai". Washington le présentait alors comme "un chef militaire clé du Hezbollah qui a commandé les forces spéciales du groupe en Syrie et au Yémen".
"Vétéran"
Selon l’armée israélienne, Tabatabai était "un vétéran" du Hezbollah qu’il a rejoint dans les années 1980 et y a occupé "une série de postes" importants, "dont la direction des opérations du Hezbollah en Syrie". Le Hezbollah a militairement soutenu le pouvoir de Bachar el-Assad lors de la guerre civile en Syrie, jusqu’à sa chute en décembre 2024. Les Houthis du Yémen font partie, avec le Hezbollah, de ce que l’Iran qualifie "d’axe de la résistance" contre Israël.
Outre le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, Israël a tué, notamment dans des frappes ciblées, les principales figures militaires du mouvement : Fouad Chokr, le chef militaire, Ibrahim Aqil, qui commandait la force al-Radwan, l’unité d’élite, et Ali Karaké, le numéro trois militaire. Malgré le cessez-le-feu entré en vigueur il y a près d’un an, Israël poursuit ses attaques au Liban, affirmant vouloir empêcher le Hezbollah de reconstituer ses forces.
Dénonçant "une violation flagrante du cessez-le-feu de novembre 2024 et une atteinte brutale à la souveraineté nationale du Liban", l’Iran a "fermement" condamné ce lundi "l’assassinat lâche du grand commandant de la résistance islamique libanaise, le martyr Haitham Ali Tabatabai".
Benyamin Netanyahou a de son côté assuré dimanche qu’Israël "ne permettra pas au Hezbollahde reconstruire son pouvoir" et appelé le gouvernement libanais à "respecter son engagement à désarmer" le mouvement. Le Premier ministre israélien, qui avait juré de "faire tout le nécessaire" pour empêcher un renforcement du mouvement pro-iranien, "a ordonné l’attaque sur recommandation du ministre de la Défense et du chef d’état-major", selon ses services.
Pour sa première prise de parole depuis sa libération par l’Algérie et son retour en France, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a assuré dimanche 23 novembre avoir toujours voulu "la réconciliation" entre les deux pays, en reconnaissant que sa parole était bridée par les enjeux diplomatiques.
"Je suis depuis toujours pour la réconciliation entre la France et l’Algérie", a déclaré Boualem Sansal dans le journal de 20h00 de France 2, en estimant que les deux pays avaient "raté le coche" après l’indépendance de l’ancienne colonie en 1962. "Soixante années sont passées, on est encore en train d’utiliser des discours de la guerre de libération", a-t-il déploré.
Sa parole est-elle bridée par les enjeux diplomatiques, lui a demandé le journaliste Laurent Delahousse ? "Oui, en quelque sorte, je ne vous parle pas de manière naturelle […], je contrôle chacun de mes mots", a-t-il concédé. "Je pense à Christophe Gleizes", journaliste français emprisonné en Algérie et qui sera jugé en appel le 3 décembre, a-t-il enchaîné.
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Incarcéré en Algérie pendant un an pour certaines prises de position sur son pays natal, Boualem Sansal, 81 ans, a retrouvé la liberté le 12 novembre. Il a été gracié par le président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui a répondu favorablement à une demande des autorités allemandes.
"Tout est parti de là"
L’écrivain, qui était au cœur d’une crise diplomatique entre Alger et Paris, est rentré en France mardi, après avoir d’abord été transféré à Berlin pour des soins médicaux, et a été reçu par Emmanuel Macron dès son retour. Un retour discret, hors de la vue des médias.
Selon lui, les positions de la France sur le Sahara occidental, sujet de tensions entre l’Algérie et le Maroc, ont en partie motivé son arrestation. Fin juillet 2024, le président français avait apporté son soutien total à un plan d’autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental, revendiqué depuis 50 ans par les indépendantistes du Polisario soutenus par Alger.
"Tout est parti de là", a estimé Boualem Sansal, selon qui cela a déclenché "une guerre" entre la France et l’Algérie. "En bonne santé" après avoir été traité "de manière remarquable" pour son cancer de la prostate, il a dit avoir appris sa libération seulement "la veille". Cela a suivi sa rencontre en prison avec "un monsieur très autoritaire", qu’il pensait être un membre "des services secrets" ou "un personnage très important".
"Il disait toujours : 'Dans l’hypothèse où vous sortez, est-ce que vous allez continuer vos critiques sur l’Algérie ?' J’ai dit 'Monsieur, je n’ai jamais critiqué l’Algérie, je critique un régime, je critique des gens, je critique une dictature'", a raconté l’écrivain.
Bruno Retailleau, un "ami"
Il a en outre affirmé que Bruno Retailleau était son "ami", tout en admettant que l’ex-ministre de l’Intérieur, très ferme face à l’Algérie, avait pu être "d’une certaine manière" un obstacle à sa libération. "Il offrait à l’Algérie l’occasion de rebondir sur : 'Regardez, c’est notre ennemi, ils nous détestent, etc'. Mais avec ou sans Bruno Retailleau, ils auraient réagi de la même manière avec n’importe qui", a jugé l’écrivain.
Écrivain dissident admirateur de Camus et Orwell, polémiste révéré par les droites françaises, Boualem Sansal purgeait en Algérie une peine de cinq ans de prison notamment pour "atteinte à l’unité nationale". Le romancier avait été condamné pour avoir notamment déclaré en octobre 2024 au média français d’extrême droite Frontières que l’Algérie avait hérité sous la colonisation française de régions appartenant précédemment, selon lui, au Maroc.
Cet ancien haut fonctionnaire en Algérie avait été arrêté le 16 novembre 2024 à son arrivée à l’aéroport d’Alger avant d’être emprisonné, aggravant le froid diplomatique entre la France et son ancienne colonie.
Le retour médiatique de Boualem Sansal a été soigneusement orchestré. Outre le 20h00 de France 2, il s’est exprimé dans Le Figaro à qui il a expliqué avoir écrit "au moins dix fois" à Abdelmadjid Tebboune pour demander sa libération. Après de premières lettres "très accusatoires", il a décidé "d’être plus stratège" : "Je lui ai expliqué que la seule solution, c’était de me libérer, de réconcilier l’Algérie avec la France". A France Inter, il a assuré vouloir retourner bientôt dans son pays natal. "Si vous subissez une injustice, vous cherchez naturellement à obtenir réparation. Pour moi, aller (en Algérie) et ressortir" serait "une grosse réparation", a-t-il déclaré selon de premiers extraits diffusés par la radio.