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Guerre en Ukraine : ces milliards d’euros d’avoirs gelés russes détenus en France

La Belgique n’a pas l’exclusivité des avoirs russes gelés en Europe. Si Euroclear, la société internationale de dépôt de fonds basée à Bruxelles, possède quelque 180 milliards d’euros, environ 18 milliards se trouvent dans les coffres de banques françaises, ce qui fait de la France la deuxième réserve de fonds russes gelés dans l’Union européenne. Mais leur localisation précise est un secret bien gardé, comme le rapporte le Financial Times ce lundi 8 décembre : Paris refuse depuis deux ans de révéler à ces partenaires européens le nom de ces établissements, qui seraient au nombre de quatre, selon des sources du FT, le principal étant BNP Paribas.

"Il s’agit d’informations sensibles pour le marché, c’est comme si des médecins discutaient publiquement de dossiers médicaux", a déclaré Olof Gill, porte-parole de la Commission, au quotidien britannique, qui n’a obtenu de commentaires ni des banques françaises, ni de l’Elysée, ni de Bercy ou du Trésor, preuve de la sensibilité du sujet. L’utilisation des intérêts dégagés par ces avoirs est également tenue secrète par Paris. Seule certitude, elle n’obéit pas aux mêmes règles que celle des intérêts des avoirs d’Euroclear, qui sont versés à l’Ukraine sous forme de prêt et représentaient 4,5 milliards d’euros en 2023.

Intenses tractations

Les avoirs russes gelés au lendemain de l’invasion de l’Ukraine font l’objet depuis plusieurs mois d’intenses tractations au sein de l’Union européenne, qui cherche une façon de compenser la fin de l’aide américaine à Kiev, entérinée par Donald Trump. Les besoins de financement de l’Ukraine vont atteindre quelque 135,7 milliards d’euros pour les deux prochaines années, dont 51,6 milliards de besoins militaires en 2026, selon les estimations du Fonds monétaire international. Un prêt dit "de réparation" a été proposé par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en septembre : les fonds russes détenus d’Euroclear seraient transférés sous forme d’un prêt sans intérêt à la Commission européenne, qui les transférerait ensuite à l’Ukraine. Un nouveau plan présenté début décembre envisage d’utiliser tous les avoirs gelés en Europe, y compris ceux détenus en France donc, et non plus uniquement ceux d’Euroclear.

Le Premier ministre belge Bart De Wever a adressé une fin de non-recevoir au plan initial et campe depuis sur ses positions. La Belgique, dont les banques commerciales possèdent par ailleurs 7 milliards d’euros d’avoirs russes selon le Financial Times (en plus des fonds placés chez Euroclear donc), craint de se retrouver seule face aux représailles russes et milite notamment pour que les actifs situés en France et dans d’autres pays soient également mobilisés. La dernière proposition ne l’a pourtant pas convaincue non plus, le ministre belge des Affaires étrangères critiquant même "la pire des options".

De leur côté, les autorités françaises, qui soutiennent le concept du prêt de réparation, ne montrent guère de zèle sur le dossier des actifs détenus par les banques commerciales hexagonales. Et arguent que ces dernières sont soumises à des obligations contractuelles différentes de celles d’Euroclear. Une pièce supplémentaire dans le vaste casse-tête du financement de Kiev, alors que le prochain Conseil de l’Europe, les 18 et 19 décembre, sera la dernière occasion d’obtenir un accord cette année.

© afp.com/Angela Weiss

D'après le Financial Times, la plupart des actifs russes gelés en France se trouveraient chez BNP Paribas.
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Algérie : pourquoi Christophe Gleizes est plus difficile à faire libérer que Boualem Sansal

La déception est immense. Ce jeudi 3 décembre, le journaliste Christophe Gleizes, emprisonné en Algérie depuis juin, n’a pas été libéré. Sa condamnation à sept ans de prison pour apologie du terrorisme a au contraire été confirmée en appel. Tout ça pour rien, ou presque ; avoir fait du journalisme avec un visa de touriste et avoir parlé à des dirigeants de la JS Kabylie, le club mythique de Tizi Ouzou. "Mon analyse, c’est que pendant le temps du délibéré, les magistrats ont reçu une commande", a expliqué son avocat, Emmanuel Daoud, dans l’émission Pour tout dire de T18, ce vendredi 5 décembre.

Nouvelle surprise, tant la relation entre la France et l’Algérie avait paru s’améliorer ces dernières semaines, les deux parties trouvant un intérêt commun à mettre en scène une entente nouvelle sur le dos de l’ex-ministre Bruno Retailleau. La libération de l’écrivain Boualem Sansal, le 12 novembre, a concrétisé cette embellie.

"Nous sommes plus optimistes pour Christophe Gleizes que pour Boualem Sansal", a souvent répété le quai d’Orsay aux journalistes ces derniers mois. Et pourtant. La libération de Boualem Sansal a montré que le régime algérien souhaitait se débarrasser d’un prisonnier âgé, en mauvaise santé, très défendu par le monde intellectuel. Ce "bougé" a rendu plus complexe la gestion du cas Gleizes, Alger optant manifestement pour le cynisme : en se délestant de ses deux prisonniers politiques français, le régime se serait privé d’un levier utile dans ses négociations, notamment migratoires et mémorielles, avec la France.

L’affaire Gleizes relève, aussi, pour partie, de la politique intérieure algérienne. Depuis le Hirak, en 2020, le régime traque toute voix dissonante. En mai 2021, le mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), auquel appartiennent certains cadres de la JS Kabylie, a été reconnu comme terroriste.

Dernier éléphant dans la pièce : l’opacité des circuits de décision algériens. "Pour nous, ce sont des Nord-Coréens qui parlent français", soulignait, il y a quelques mois, un haut responsable gouvernemental, pour expliquer à quel point la France ne comprend pas toujours les inflexions d’Alger. Tout espoir n’est pas perdu : la possibilité d’une grâce demeure entre les mains du président Abdelmadjid Tebboune. Il faudra plaider l'humanité ; Christophe Gleizes aimerait revoir sa grand-mère Georgette. Elle a bientôt 102 ans.

© afp.com/Handout

Le journaliste Christophe Gleizes, sur une photographie sans lieu ni date, diffusée le 30 janvier 2025 par sa famille
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Comment nos IA du quotidien peuvent relayer la propagande du Kremlin

Solène Alifat : Pour préparer cette série sur le côté obscur de l’IA, je me suis dit que j’allais directement poser la question au premier concerné, c’est-à-dire une intelligence artificielle. En l’occurence, je suis allée sur Chat GPT, et je vous propose, chers auditeurs, de vous partager ses réponses. Ce sont ses vraies réponses qu’on a enregistrées et vous allez entendre la "voix" du chatbot. J’ouvre l’application et je lui demande : "Est-ce que tu penses que l’IA a des faces sombres ?"

Chat GPT : C’est une question qui fait beaucoup débat, je dirais. Comme toute technologie l’intelligence artificielle a des aspects positifs et des aspects qui peuvent être un peu plus complexes ou éthiquement discutables, mais ça dépend vraiment de l’utilisation qu’on en fait je pense.

Solène Alifat : Et selon toi, quelles sont ces faces sombres ?

Chat GPT : On entend souvent parler par exemple de la question de la vie privée avec l’utilisation des données personnelles, ou encore les biais algorythmiques qui peuvent reproduire certaines discriminations. Et puis il y a aussi les préoccupations autour de l’automatisation qui peut avoir un impact sur certains emplois. Il y a aussi le risque de désinformation, et il y a toujours la question de la dépendance aux technologies qui peut avoir un impact sur nos compétences humaines, notre autonomie, etc.

Solène Alifat : Je souhaite justement réaliser une série de podcasts sur les faces sombres de l’intelligence artificielle. En tant qu’IA, ça ne te pose pas de problème ?

Chat GPT : Pas du tout, je trouve ça même super intéressant que tu explores ces sujets-là, parce que c’est important d’en parler et de sensibiliser le public. Moi en tant qu’IA je suis là pour aider et accompagner, donc je suis ravie de pouvoir contribuer à la réflexion. Je peux t’aider de plein de façons, par exemple en t’aidant à faire des recherches sur certains sujets, en te donnant des exemples, en t’aidant à formuler des questions, ou même à structurer tes épisodes. Je peux aussi être une sorte de partenaire de brainstorming si tu veux ; je suis là pour ça en tout cas.

Solène Alifat : Je vous rassure, chers auditeurs, ce podcast a été écrit sans intelligence artificielle. Vous allez y entendre les journalistes de L’express spécialistes du sujet qui ont enquêté sur les faces sombres de cette révolution. On va commencer par un des aspects que ChatGPT a lui-même évoqué quand je lui ai posé la question : la désinformation.

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Cet épisode a été écrit et présenté par Solène Alifat et réalisé par Jules Krot.

Crédit : KBSFTV

Musique et habillage : Emmanuel Herschon/Studio Torrent

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© Getty Images

hacker russe désinformation IA
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Tensions entre le Cambodge et la Thaïlande : le cessez-le-feu de Donald Trump déjà menacé

La Thaïlande et le Cambodge se sont accusés lundi 8 décembre d’avoir repris les hostilités à la frontière, où Bangkok a indiqué mener des frappes aériennes et où un soldat thaïlandais et quatre civils cambodgiens sont morts, selon les deux camps, moins de deux mois après un accord de cessez-le-feu chapeauté par Donald Trump.

Le président américain avait qualifié d'"historique" la signature d’un accord, le 26 octobre, entre les deux pays voisins d’Asie du Sud-Est, opposés de longue date sur un différend frontalier. Suspendu depuis, il devait refermer la page de cinq jours de combats en juillet, au sol et dans les airs, qui avaient fait au moins 43 morts et contraint quelque 300 000 personnes à évacuer.

Un mois et demi après seulement, les hostilités sont reparties dans la nuit de dimanche à lundi et les deux camps s’en rejettent la responsabilité. L’armée thaïlandaise affirme avoir été attaquée par le Cambodge dans la province d’Ubon Ratchathani et indique qu’un de ses soldats a été tué et quatre autres blessés. Le ministère cambodgien de la Défense a déclaré de son côté que les forces thaïlandaises avaient lancé tôt lundi matin une attaque dans les provinces frontalières de Preah Vihear et d’Oddar Meanchey, sans que ses troupes ne ripostent.

Le ministre cambodgien de l'Information Neth Pheaktra a déclaré à l'AFP que les "attaques thaïlandaises" avaient causé la mort de quatre civils cambodgiens et fait une dizaine de blessés.

Avions de chasse

"A toutes les forces sur le front, veuillez faire preuve de patience", a demandé le président du Sénat cambodgien et ancien Premier ministre Hun Sen. "La ligne rouge pour riposter a été fixée", a-t-il ajouté.

La Thaïlande utilise des avions de chasse pour "frapper des cibles militaires" et "mettre fin aux tirs de soutien cambodgiens", a indiqué l’armée thaïlandaise. "Les frappes aériennes sont d’une grande précision et visent uniquement des objectifs militaires le long de la ligne de front, sans impact sur les civils", a précisé son porte-parole, Winthai Suvaree. Un soldat cambodgien a déclaré à l’AFP, sous couvert d’anonymat, que les bombardements thaïlandais étaient toujours en cours lundi en fin de matinée à Preah Vihear.

Selon l’armée thaïlandaise, environ 35 000 personnes ont été évacuées des zones frontalières au cours de la nuit, alors que les autorités cambodgiennes ont évoqué l'évacuation de plus de 1 000 familles de la province d'Oddar Meanchey. "Le chef du village nous a demandé de partir et après ce qui s’est passé en juillet, j’ai immédiatement obéi", a raconté à l’AFP Pannarat Woratham, évacuée thaïlandaise de 59 ans. "J’ai retenu les leçons de la dernière fois et j’avais de quoi partir au plus vite", a-t-elle ajouté. "Beaucoup d’entre nous pensaient que le conflit était enfin terminé. Ça n’aurait pas dû reprendre comme ça". Des villageois fuyaient également "pour se mettre à l’abri" de l’autre côté de la frontière, ont fait savoir les autorités d’une province cambodgienne.

800 kilomètres de frontière

L’accord de cessez-le-feu avait été signé en octobre à Kuala Lumpur, en Malaisie, sous l’égide de Donald Trump, qui avait annoncé dans la foulée de nouveaux accords commerciaux avec les deux pays. Il avait été suspendu dès novembre par la Thaïlande après l’explosion d’une mine terrestre ayant blessé quatre de ses soldats.

Bangkok accuse régulièrement son voisin d’installer de nouvelles mines le long de la frontière. Mais le Cambodge avait alors exprimé ses "regrets" et affirmé qu’il s’agissait de vestiges des conflits passés. Phnom Penh avait rappelé son engagement envers l’accord. Les deux parties s’étaient engagées à retirer leurs armes lourdes, à déminer les zones frontalières et à poursuivre le dialogue, mais rien n’avait été réglé sur le fond.

La Thaïlande et le Cambodge ont un différend ancien portant sur le tracé de certaines parties de leur frontière, longue de 800 kilomètres, effectué lors de l’ère coloniale française. Les zones disputées abritent plusieurs temples, dont celui de Preah Vihear. La Cour internationale de justice en a accordé la souveraineté à Phnom Penh, mais Bangkok refuse de reconnaître l’autorité du tribunal sur les questions territoriales.

© L'Express

Un soldat cambodgien garde le temple de Preah Vihear, ici le 18 juillet dernier. La Thaïlande dispute à son voisin la souveraineté sur cette zone.
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Guerre en Ukraine : la question territoriale reste "la plus problématique" dans les négociations

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, qui a déclaré samedi avoir eu une conversation téléphonique "constructive" avec les émissaires américains Steve Witkoff et Jared Kushner et les négociateurs de Kiev, doit participer ce lundi 8 décembre à Londres à une rencontre avec le Premier ministre britannique Keir Starmer, le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Friedrich Merz. Le président américain Donald Trump a de son côté reproché dimanche soir à son homologue ukrainien de n’avoir "pas lu la proposition" de paix sur l’Ukraine dévoilée il y a trois semaines par les Etats-Unis.

Les infos à retenir

⇒ La question territoriale reste "la plus problématique" dans les négociations

⇒ Donald Trump reproche à Volodymyr Zelensky de n’avoir "pas lu la proposition" de paix pour l’Ukraine

⇒ Nouvelle réunion entre Volodymyr Zelensky et ses alliés à Londres

La question territoriale reste "la plus problématique" dans les négociations

La question territoriale reste "la plus problématique" dans les négociations visant à mettre fin à la guerre en Ukraine, Moscou réclamant le retrait des forces de Kiev d'une partie des zones sous leur contrôle, a indiqué lundi à l'AFP un haut responsable proche du dossier.

Cette demande "demeure et c'est la question la plus problématique", a déclaré ce responsable informé des derniers rounds des négociations entre Ukrainiens et Américains ce week-end, en précisant que Vladimir "Poutine ne veut pas conclure d'accord sans" que "l'Ukraine ne cède des territoires" dans le Donbass, région de l'est du pays.

Washington pousse l'Ukraine à accepter "plus vite" un plan pour mettre fin à la guerre, a souligné le haut responsable sous le couvert de l'anonymat. "Les Américains font de la pression, comme 'plus vite, plus vite, plus vite'," mais la partie ukrainienne "ne peut pas accepter tout sans examiner les détails", selon la même source. Les Ukrainiens ont ainsi indiqué aux négociateurs américains Steve Witkoff et Jared Kushner "qu'un travail plus actif et une recherche d'idées sont nécessaires", a encore relevé ce même responsable. 

Donald Trump reproche à Volodymyr Zelensky de n’avoir "pas lu la proposition" de paix pour l’Ukraine

Le président américain Donald Trump s’est dit "déçu" dimanche soir que son homologue ukrainien n’ait selon lui "pas lu la proposition" de paix sur l’Ukraine dévoilée il y a trois semaines par Washington.

"Nous avons donc parlé au président (russe Vladimir) Poutine, nous avons parlé aux dirigeants ukrainiens - notamment Zelensky, le président Zelensky - et je dois dire que je suis un peu déçu que le président Zelensky n’ait pas encore lu la proposition" américaine en vue d’un règlement en Ukraine, a déploré le président américain, interrogé par des journalistes lors d’une soirée de gala à Washington. "Cela convient à la Russie, vous savez je pense que la Russie préférerait avoir tout le pays", mais "je ne suis pas sûr que cela convienne à Zelensky", a encore dit Donald Trump.

Depuis la présentation du plan américain, perçue par Kiev et les Européens comme étant largement favorable à la Russie, plusieurs sessions de pourparlers ont eu lieu avec les Ukrainiens à Genève et en Floride pour tenter d’amender le texte en faveur de Kiev. Le document a aussi été présenté mardi dernier à Vladimir Poutine lors d’une visite à Moscou de l’émissaire officiel américain Steve Witkoff et de Jared Kushner, gendre du président américain et médiateur informel. Peu de détails ont filtré sur ce plan amendé.

Rencontre à Londres lundi entre Macron, Zelensky, Starmer et Merz

Emmanuel Macron rencontre ce lundi 8 décembre à Londres son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le Premier ministre britannique Keir Starmer et le chancelier allemand Friedrich Merz pour faire le point sur "les négociations en cours dans le cadre de la médiation américaine".

La réunion est destinée à faire le point sur "les négociations en cours dans le cadre de la médiation américaine", avait déjà écrit samedi sur X Emmanuel Macron. "Nous devons continuer à faire pression sur la Russie pour la contraindre à la paix", avait-il ajouté, réitérant son "soutien indéfectible" à Kiev et condamnant "avec la plus grande fermeté" les nouvelles frappes qui ont ciblé l’Ukraine.

La Suisse plaide pour que l’OSCE joue un rôle clé dans la surveillance d’un cessez-le-feu

L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pourrait jouer un rôle majeur dans la surveillance d’un cessez-le-feu entre la Russie et l’Ukraine, a estimé dimanche le ministre suisse des Affaires étrangères, Ignazio Cassis. "Il existe déjà des considérations concrètes à ce sujet : l’Organisation est capable de déployer plusieurs dizaines de personnes dans des délais très courts. L’OSCE pourrait observer le cessez-le-feu, surveiller la ligne de cessez-le-feu, observer les élections, etc.", a déclaré à l’hebdomadaire SonntagsBlick Ignazio Cassis, dont le pays présidera l’OSCE en 2026.

Fondée en 1975 pour apaiser les tensions entre l’Est et l’Ouest pendant la Guerre froide, cette organisation compte 57 membres issus d’Europe, d’Asie centrale et d’Amérique du Nord, dont les Etats-Unis, l’Ukraine et la Russie. Toutefois, "la ligne de front s’étend actuellement sur 1 300 kilomètres - l’OSCE seule est trop petite pour en surveiller toute sa longueur. Cela nécessiterait un engagement important de la part des Etats participants", a-t-il noté.

"Mon objectif est que l’OSCE soit prête. Dès qu’un accord sera conclu, nous voulons être en mesure […] de nous mettre au travail", a poursuivi Ignazio Cassis. Une mission d’enquête pourrait ainsi être déployée dans un premier temps en Ukraine pour y établir un diagnostic sur la situation, à partir duquel l’OSCE pourrait rapidement entamer les étapes suivantes.

© afp.com/Genya SAVILOV

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky à Kiev, le 4 décembre 2025
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Stanley Bill (Cambridge) : "L'exemple polonais le montre, il est difficile de se remettre d'une parenthèse populiste"

Comment une démocratie libérale peut-elle se défendre efficacement contre des régimes autoritaires et dictatoriaux sans renier ses principes ni se compromettre ? A cette question, quasiment aussi vieille que la démocratie elle-même, le philosophe Karl Popper répondait par le "paradoxe de la tolérance" : une société ouverte doit pouvoir refuser la tolérance à ceux qui entendent l’abolir. Deux siècles plus tôt, cela se traduisait par le fameux "pas de liberté pour les ennemis de la liberté", attribué au Montagnard Louis Antoine de Saint-Just.

Alors que les populismes gagnent du terrain un peu partout dans le monde, et en Europe en particulier, ce dilemme se pose à nouveau avec force. En Pologne, le retour au pouvoir d’une coalition centriste menée par Donald Tusk, après la "parenthèse illibérale" du PiS (le parti nationaliste conservateur Droit et Justice) entre 2015 et 2023, offre un véritable laboratoire de sortie du populisme, estime Stanley Bill, professeur à Cambridge et spécialiste du pays. Pour légitimer ses politiques de "retour à la démocratie", l’actuel Premier ministre polonais a repris à son compte le concept de "démocratie militante" forgé dans les années 30 par le juriste Karl Loewenstein, selon lequel les régimes démocratiques doivent se doter de mécanismes juridiques exceptionnels pour protéger la démocratie des assauts du fascisme. Au risque, prévient Stanley Bill, co-auteur avec Ben Stanley de Good Change : The Rise and Fall of Poland’s Illiberal Revolution (Stanford University Press, 2025), de flirter avec l’illégalité et reproduire, sous une autre forme, les dérives que Donald Tusk entendait justement combattre. Entretien.

L’Express : Après un premier passage au pouvoir de 2005 à 2007, le PiS a de nouveau gouverné la Pologne de 2015 et 2023. Que retenez-vous de ces huit années ?

Stanley Bill : D’abord, contrairement à ce qu’on entend ici et là, le PiS n’est pas un parti d’extrême droite à proprement parler, du moins pas dans le contexte polonais, même si certaines de ses positions recoupent celles de l’extrême droite. Certains spécialistes le décrivent comme un parti de droite radicale, d’autres comme national-conservateur, national-populiste, populiste conservateur…

Selon moi, ce qui le caractérise, c’est cette combinaison de positionnements de gauche et de droite. Sur les questions culturelles et sociétales, le parti se situe sans aucun doute à droite et adopte des positions nativistes, conservatrices, traditionalistes et antiprogressistes. Il se présente comme le défenseur des valeurs catholiques, et se montre très actif dans la guerre culturelle contre le progressisme (droit à l’avortement, droits LGBT +, immigration, etc.). Mais sur les questions économiques, le PiS embrasse partiellement des positions de gauche, et son programme est l’un des plus redistributifs de l’échiquier politique polonais.

D’ailleurs, ces politiques sociales lui ont permis de renforcer sa majorité en remportant les élections de 2019 : abaissement de l’âge de la retraite, instauration d’un programme généreux d’allocations pour enfants, qui a contribué à réduire la pauvreté infantile et à faire reculer les indicateurs de mesures de l’inégalité… Le PiS a également augmenté les revenus disponibles des habitants des régions les moins favorisées, ce qui a amélioré leurs conditions de vie. Beaucoup de Polonais y ont vu une forme de reconnaissance, et ont eu l’impression d’enfin bénéficier de la transition post-1989 et du "miracle économique polonais" dont ils s’étaient sentis exclus. Le PiS a, au passage, bénéficié d’une conjoncture économique particulièrement favorable. Depuis 1989, l’économie polonaise croît presque sans interruption, et plus encore depuis l’adhésion à l’Union européenne en 2004. La période 2016-2020 a été perçue par les Polonais comme l’un des plus forts moments de croissance du pays. Dans le même temps, le parti s’adresse à de larges segments de la société, attachés à des valeurs conservatrices, traditionalistes, et très religieux, souvent inquiets des évolutions culturelles et, en particulier, de l’immigration. Enfin, certains électeurs du PiS souhaitaient explicitement voir le parti s’attaquer aux élites institutionnelles de Varsovie.

On a très largement sous-estimé les difficultés de gouverner dans un contexte post-illibéral.

En 2023, beaucoup de commentateurs ont vu dans la victoire de Donald Tusk et de sa coalition le "retour à l’Europe" de la Pologne et la "restauration" de sa démocratie libérale. Pourtant, écrivez-vous, le "moment illibéral" de la Pologne n’est pas terminé. Pourquoi ?

On a très largement sous-estimé les difficultés de gouverner dans un contexte post-illibéral. D’abord, les dommages institutionnels causés par cette parenthèse illibérale sont très difficiles à réparer sans recourir aux mêmes méthodes de gouvernement que le PiS - une forme de "décisionnisme" - et qui bien souvent flirtent avec les limites de la légalité. Par exemple, l’appareil institutionnel est dominé par des personnes nommées par le PiS qui peuvent aisément bloquer l’action gouvernementale. Donc le nouveau gouvernement, pour contourner ce problème, s’est résolu à prendre des mesures fortes pour écarter ces personnes, quitte à employer des méthodes discutables, et d'une certaine manière comparables à celles utilisées par le PiS. Une autre difficulté tient spécifiquement aux institutions du pays et au contexte politique : le nouveau gouvernement a dû faire face, en arrivant au pouvoir, à une sorte de "cohabitation" avec un président affilié au PiS, qui dispose de droit de veto sur les lois. Et cette situation s’est maintenue après l’élection présidentielle de cette année, car Karol Nawrocki, un candidat proche du PiS, a remporté l’élection.

À côté de ces difficultés "externes", le gouvernement doit également faire face à des défis "internes", comme la très grande diversité des partis qui composent sa coalition et qui vont de la gauche au centre droit. Ces partis ont parfois des priorités et des positions très différentes, sur des sujets pourtant essentiels pour les électeurs. Cette diversité, qui a pourtant permis à la coalition de déloger le PiS du pouvoir, rend très difficile – voire impossible – l’élaboration de propositions politiques consensuelles pour l’ensemble de ses membres. La question du droit à l’avortement, qui a été un enjeu majeur de l’élection de 2023, est un bon exemple. Le PiS avait utilisé un Tribunal constitutionnel sous son contrôle afin de restreindre davantage ce droit, pourtant déjà très limité en Pologne, revenant pratiquement à l’interdire dans les faits. Or, depuis son arrivée au pouvoir, le nouveau gouvernement n’a réalisé aucun progrès à ce sujet, et rien n’a changé sur le plan juridique. La gauche de la coalition défend un assouplissement permettant l’accès à l’avortement jusqu’à la fin du premier trimestre – ce serait inédit en Pologne depuis les années 1990 -, alors que les plus conservateurs voudraient organiser un référendum national, ou simplement revenir au statu quo antérieur, c’est-à-dire un régime très restrictif au regard des standards européens.

Pour toutes ces raisons, le triomphalisme de certains était un peu précipité. Bien sûr, 2023 est un moment majeur de la vie démocratique polonaise, que peu anticipaient six mois plus tôt. Mais il faut relativiser l’optimisme qui a suivi, et qui a clairement surestimé la facilité avec laquelle il serait possible de réparer les dégâts laissés par le PiS. On ne sort pas facilement d’une parenthèse illibérale.

Dès son arrivée au pouvoir, le gouvernement Tusk a reçu de fortes pressions pour rapidement réformer et restaurer la démocratie libérale. Une demande irréaliste, expliquez-vous. Pourquoi ?

Parce que le gouvernement a fait face à ce que nous appelons, avec Ben Stanley, un "trilemme post-illibéral" : agir rapidement, efficacement, et en toute légalité, dans l’objectif de restaurer les principes de la démocratie libérale. Or, dans la pratique, il était impossible de satisfaire simultanément ces trois exigences. On peut agir vite et efficacement, mais au prix de méthodes que certains juristes et tribunaux ont jugées illégales. C’est notamment ce qui s’est passé lorsque le nouveau gouvernement a voulu s’attaquer aux médias publics, que le PiS avait transformés en machine de propagande, en exploitant des failles juridiques discutables - si ce n'est pire - pour installer des personnes choisies par lui et ainsi écarter les titulaires nommés par le PiS. Depuis la réorganisation des conseils d’administration des médias publics, ceux-ci produisent désormais des contenus très orientés en faveur du nouveau pouvoir. Ce n’est pas aussi radical que la propagande du PiS, et cela vise un public différent, mais les analyses indépendantes montrent une forte partialité dans l’angle de traitement, des invités surreprésentant les partis au pouvoir, etc. Dans ce cas, le gouvernement a agi vite, mais sans respecter la légalité, et avec une efficacité contestable, puisqu’il n’a pas réussi à rétablir un service public neutre, fondé uniquement sur les faits.

Inversement, agir efficacement et légalement aurait exigé d’avancer lentement, en attendant la fin des mandats des membres des conseils d’administration des médias publics, puis procéder à des nominations dans les formes prévues. Ce qui aurait impliqué de maintenir pendant longtemps un diffuseur public entièrement contrôlé par le PiS, avec le risque de créer de la frustration chez les électeurs du nouveau gouvernement, qui peuvent avoir le sentiment qu’il n’agit pas et qu’il ne tient pas ses promesses électorales. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé sur d'autres sujets : les électeurs sont déçus du manque de progrès sur l’avortement, ou sur la question éminemment complexe de la réforme des tribunaux. C’est l’une des grilles de lecture des mauvais résultats de son candidat à la dernière présidentielle.

N’assiste-t-on pas, en Pologne, au retour d’un vieux débat de philosophie politique : faut-il privilégier la "souveraineté populaire", même au prix de l’État de droit, ou défendre une démocratie constitutionnelle qui limite le pouvoir - et les éventuels excès - de la majorité ? Et la première conception n’est-elle pas en train de s’imposer en Pologne ?

On peut effectivement se demander si la Pologne n’est pas en train d’évoluer vers une forme de démocratie majoritaire, où le maintien des institutions impartiales - dont le rôle est de limiter le pouvoir, de protéger les minorités, et d’encadrer l’action de l’exécutif – serait moins important que l’idée selon laquelle les vainqueurs d’une élection, parce qu’ils incarnent la volonté populaire du moment, devraient bénéficier d’un pouvoir presque sans limite pour appliquer leur programme. C’est cette conception de la démocratie majoritaire que le PiS incarne, et certains électeurs polonais la partagent. Et qui, étrangement, semble également à l’œuvre avec le nouveau pouvoir libéral.

Dans ce cadre, Donald Tusk et sa coalition sont censés représenter le modèle constitutionnel de la limitation du pouvoir et de la protection des minorités. Or, ils mobilisent le concept de "démocratie militante", auquel Tusk fait explicitement référence. Ce terme est un moyen de légitimer les méthodes employées que je vous décrivais. Pour Donald Tusk, le PiS a détruit l’État de droit, les institutions sont en ruines, et il faut, pour réparer tous ces dommages, agir efficacement en assouplissant, si besoin, le respect strict de la loi.

Le problème, c’est de savoir qui décide quand il est acceptable de contourner une règle ? Selon quels critères ? On ouvre une boîte de Pandore, car ce type de logique revient à instituer une forme "d’État d’exception" que n’importe qui peut invoquer pour justifier tout et n’importe quoi. Surtout, on peut se demander si cela ne reproduit pas, dans une certaine mesure, la même méthode du PiS, pour qui la démocratie polonaise avait été capturée par les forces "libérales de gauche", décrites comme un "monopouvoir" par Jarosław Kaczyński, député et président du PiS. Avec cette grille de lecture, il était justifié de tordre certaines règles démocratiques pour s’attaquer au monopole des élites de gauche sur les institutions. En quelque sorte, ne pas respecter les règles de la démocratie au nom même du rétablissement de la "véritable" démocratie. On observe des raisonnements analogues sous le gouvernement Tusk, même si ça n’est pas une symétrie parfaite.

© afp.com/Wojtek RADWANSKI

Le Premier ministre polonais Donald Tusk lors d'une conférence de presse à Varsovie, le 23 juillet 2025
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A Tchernobyl, l’impact d’un drone russe compromet la sécurité du site nucléaire

Encore une mauvaise nouvelle pour l’Ukraine. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a indiqué que le bouclier de confinement recouvrant le réacteur accidenté de Tchernobyl, en Ukraine, ne remplit désormais plus pleinement sa fonction de protection contre les radiations. En février dernier, un drone explosif russe a touché le sarcophage, provoquant une brèche dans la structure d’acier censée isoler le site.

Achevé en 2019 dans le cadre d’un programme soutenu par l’Union européenne, le "New Safe Confinement" (également nommé l’Arche de Tchernobyl) venait coiffer le premier sarcophage en béton très dégradé, construit dans la précipitation après l’accident nucléaire du 26 avril 1986. Cet ouvrage de très haute technicité, qui avait nécessité un investissement de près de 1,5 milliard d’euros, avait été conçu pour durer un siècle. Longue de 257 mètres, haut de 108 mètres et pesant 36 000 tonnes — l’équivalent d’une centaine de Boeing 747 —, "cette arche devait résister à des conditions extrêmes : températures allant de – 43 °C à + 45 °C, vents violents comparables à ceux d’une tornade de catégorie 3 et séismes de magnitude 7", nous explique Vincent Houard, ingénieur nucléaire et membre de l’Observatoire Energie & Climat de l’Institut Sapiens.

Pensé pour garantir le confinement radioactif et permettre le démantèlement progressif du réacteur accidenté en toute sûreté, ce dôme métallique a été construit par le consortium Novarka (Bouygues Construction et Vinci Construction), puis lentement déplacé sur rails afin de recouvrir l’ancienne structure.

Des risques sécuritaires

Selon l’AIEA, le récent impact a provoqué des dommages compromettant l’intégrité de la structure. La mission d’inspection "a confirmé que la structure de protection avait perdu ses principales fonctions de sécurité, notamment sa capacité de confinement, mais a également constaté qu’il n’y avait pas de dommages permanents aux structures porteuses ou aux systèmes de surveillance", a informé le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, dans un communiqué.

Concrètement, le sarcophage métallique présente désormais une ouverture, ce qui signifie qu’il n’est plus totalement étanche. "Cette perte d’étanchéité fait peser un risque de dispersion de poussières radioactives, même si aucun relâchement n’a été constaté à ce stade. Elle peut aussi permettre à l’eau de s’infiltrer à l’intérieur, notamment lors de fortes pluies, ce qui pourrait, à terme, endommager la structure et ses équipements", explique Vincent Houard.

"Impossible d’envisager le retrait de l’arche"

Rafael Grossi a indiqué que des réparations provisoires avaient déjà été réalisées, tout en soulignant qu’"une restauration complète reste indispensable pour prévenir toute dégradation supplémentaire et garantir la sûreté nucléaire à long terme". L’AIEA a précisé, dimanche 7 décembre, que le site entreprendrait des réparations temporaires supplémentaires pour soutenir le rétablissement de la fonction de confinement de l’arche protectrice en 2026, avec le soutien de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), "ouvrant la voie à une restauration complète une fois le conflit terminé" avec la Russie.

Pour Vincent Houard, l’option la plus simple serait de reboucher la brèche. Une "intervention délicate", qui nécessiterait le recours à des entreprises hautement spécialisées, capables d’opérer en environnement contaminé. En revanche, retirer l’arche n’est pas une option : "le risque d’émanations radioactives est trop élevé", précise l’ingénieur nucléaire. Le calendrier des travaux reste toutefois incertain. Leur lancement dépendra notamment des financements mobilisés. "Le projet s’annonce coûteux et pourrait s’étaler sur plusieurs années. En attendant, des inspecteurs sont mobilisés sur place afin de surveiller l’absence de fuite."

© afp.com/Handout

Photo diffusée par les services d'urgence ukrainiens, le 14 février 2025, montrant l'arche de confinement endommagée de l'ancienne centrale nucléaire de Tchernobyl à la suite d'une attaque de drone
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Emmanuel Macron menace la Chine de droits de douane "dans les tout prochains mois"

Emmanuel Macron hausse le ton face à la Chine, qu'il menace de droits de douane "dans les tout prochains mois" si Pékin ne prend pas des mesures pour réduire le déficit commercial qui ne cesse de se creuser avec l'Union européenne". Je leur ai dit que, s'ils ne réagissaient pas, nous, Européens, serions contraints, dans les tout prochains mois, de prendre des mesures fortes (...) à l'instar des Etats-Unis, comme par exemple des droits de douane sur les produits chinois", a déclaré le président français, de retour d'un voyage officiel en Chine, dans un entretien dans le quotidien français Les Echos, publié dimanche.

Washington impose de forts tarifs douaniers sur les produits chinois, qui ont toutefois été réduit de 57% à 47% dans le cadre d'un accord, annoncé fin octobre entre les deux pays. "La Chine vient percuter le coeur du modèle industriel et d'innovation européen, historiquement basé sur la machine-outil et l'automobile", relève Emmanuel Macron.

Résistance allemande

Et le protectionnisme de l'administration Trump ne fait qu'aggraver les choses. "Elle accroît nos problèmes en redirigeant les flux chinois massivement sur nos marchés", met en avant le président français. "Aujourd'hui, nous sommes pris entre les deux et c'est une question de vie ou de mort pour l'industrie européenne", déplore-t-il. Mais il reste conscient que la constitution d'un front commun européen sur la question n'est pas facile, l'Allemagne, très présente en Chine, n'étant "pas encore totalement sur notre ligne".

Lors de sa visite en Chine, Emmanuel Macron a réitéré que l'Europe, pour réduire son déficit commercial avec la Chine, devait accepter des investissements chinois. "Nous ne pouvons pas constamment importer. Les entreprises chinoises doivent venir sur le sol européen", plaide-t-il dans Les Echos. Une dizaine de secteurs sont concernés, parmi lesquels les batteries, le raffinage de lithium, l'éolien, le photovoltaïque, les véhicules électriques, les pompes à chaleur air-air, les produits d'électroniques grand public, les technologies de recyclage, la robotique industrielle ou encore les composants avancés. Mais les investissements chinois en Europe "ne doivent pas être prédateurs, c'est-à-dire être faits à des fins d'hégémonie et de création de dépendances", souligne Emmanuel Macron.

De son côté, selon lui, l'UE doit se protéger dans les secteurs les plus vulnérables - comme l'automobile face au rouleau compresseur des véhicules électriques chinois - et parallèlement "réengager une politique de compétitivité". Cela passe par "la simplification, l'approfondissement du marché unique, des investissements dans l'innovation, une juste protection de nos frontières, un aboutissement de notre union douanière (...) et une politique monétaire ajustée", développe-t-il.

© afp.com/Sarah Meyssonnier

Le président français Emmanuel Macron (2e g), son épouse Brigitte Macron (g), le président chinois Xi Jinping (2e d) et sonépouse Peng Liyan (d) visitent le site séculaire du barrage du Dujiangyan, dans la province du Sichuan, le 5 décembre 2025
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"Amène ton ami" : en Russie, le business lucratif du recrutement militaire

Alors que la guerre en Ukraine s’inscrit dans la durée, le recrutement de soldats est devenu, en Russie, un enjeu économique à part entière. En 2025, un mécanisme parallèle, fondé sur des primes et des gratifications à la performance, s’est progressivement imposé avec l’appui des autorités locales. Au cœur de ce dispositif, une logique simple, résumée par une formule largement diffusée : "Amène ton ami." Désormais, chaque engagement facilité par un intermédiaire peut donner lieu à une rémunération envers ce dernier, versée pour avoir orienté un volontaire vers le ministère de la Défense, souligne Courrier International.

Sur Telegram, VKontakte ou le site d’annonces Avito, les propositions d’enrôlement se multiplient, accompagnées d’arguments soigneusement sélectionnés : "pas de combats", "affectation en deuxième ligne", "dettes effacées". Présentées comme de simples opportunités professionnelles, ces promesses masquent toutefois une organisation bien plus structurée. Selon plusieurs médias indépendants russes, dont VotTak, média russophone affilié à la chaîne biélorusse Belsat, le recrutement militaire s’est imposé comme une activité lucrative à part entière, où mettre des hommes en relation avec l’armée est devenu un travail rémunéré.

"Dans au moins 21 régions, les administrations locales proposent une prime, parfois massive, pour chaque volontaire amené au centre de recrutement", rappellent nos confrères de Courrier International. Exemple à Pelym, petite ville de l’Oural, la municipalité verse ainsi à ces chasseurs de tête 500 000 roubles (5 500 euros) par recrue, auxquels s’ajoutent 50 000 roubles (559 euros) issus du budget régional. En moyenne, rappelle VotTak, l’État se déleste de 100 000 roubles (environ 1 100 euros) "pour chaque nouveau contractuel". Une aubaine pour certaines familles alors que l’inflation frôlait les 8 % en Russie au mois de septembre dernier.

Des réseaux informels structurés

D’après le média indépendant Verstka, le recrutement militaire obéit désormais à des logiques proches de celles d’un circuit économique organisé. On retrouve des profils très variés parmi les recruteurs : d’anciens cadres des ressources humaines en reconversion, des femmes au foyer maîtrisant les codes des réseaux sociaux, ou encore des intermédiaires locaux bien introduits. Certains développent même des réseaux informels structurés, capables d’adresser chaque jour plusieurs dizaines de volontaires aux centres d’enrôlement, dans l’objectif de percevoir une rémunération à chaque engagement conclu.

Comme l’a analysé le réseau Axel Springer Global Reporters Network pour Politico, plus de 80 gouvernements régionaux russes sont aujourd’hui mis en concurrence pour fournir des effectifs à l’armée. Les régions recourent à des agences de ressources humaines, qui s’appuient à leur tour sur des recruteurs indépendants. Leur mission ? Diffuser les annonces, sélectionner les candidats et les accompagner dans leurs démarches. "Ce qui était au départ une solution de fortune en temps de guerre s’est mué en une industrie quasi commerciale de chasse de têtes", résume le site américain.

La cible : "des hommes socialement vulnérables"

Pour les hommes russes, la guerre tend ainsi à se présenter comme un emploi parmi d’autres, avec des critères d’exclusion qui se sont assouplis. "Ces mesures ciblent une population spécifique : les hommes socialement vulnérables", explique la politologue Ekaterina Schulmann dans Politico qui dresse leur portrait. "Des hommes endettés, ayant un casier judiciaire, peu informés sur les questions financières, ou piégés par des microcrédits abusifs. Des personnes marginalisées, sans perspectives."

Cette orientation, impulsée par Vladimir Poutine, vise à porter les effectifs des forces armées russes à 1,5 million de soldats. Malgré des pertes humaines considérables depuis 2022 — plus d’un million de soldats auraient été tués ou grièvement blessés en Ukraine selon l’état-major général des forces armées ukrainiennes — Moscou continue de renouveler ses effectifs, en privilégiant désormais les leviers financiers à la contrainte directe. De quoi inquiéter ses voisins européens.

© afp.com/Olga MALTSEVA

Alors que les propositions d'enrôlement se multiplient, elles sont présentées désormais comme des opportunités économiques.
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Ukraine : Viktor Orban va envoyer des hommes d'affaires hongrois en Russie pour préparer l'après-guerre

Le Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orban a annoncé l'envoi d'une délégation d'hommes d'affaires en Russie dans les prochains jours, pour préparer l'après-guerre en Ukraine, samedi lors d'un meeting à quelques mois des élections législatives dans son pays. Cette mission se concentrera sur des coopérations économiques et s'inscrit dans la volonté de "penser dès maintenant au monde d’après-guerre et d'après les sanctions", a-t-il déclaré devant un millier de personnes réunies dans une salle de sport à Kecskemét, dans le centre de la Hongrie.

Acquérir des raffineries détenues pas les Russes en Europe

Viktor Orban, rare dirigeant européen proche à la fois du président américain Donald Trump et du président russe Vladimir Poutine, a affirmé discuter à la fois avec les Américains et les Russes, "même si je ne peux pas révéler tous les détails", a-t-il dit. "Il faut anticiper, car si Dieu nous aide et que la guerre se termine sans que nous y soyons entraînés, et si le président américain réussit à réintégrer la Russie dans l’économie mondiale, que les sanctions sont démantelées, nous nous retrouverons dans un tout autre espace économique", a-t-il encore déclaré.

Selon les médias hongrois, la compagnie pétrolière et gazière hongroise MOL envisage d'acquérir des raffineries et des stations-service en Europe, détenues par les groupes russes Lukoil et Gazprom soumis à des sanctions américaines ainsi que des participations dans des sites de production au Kazakhstan et en Azerbaïdjan — des sujets qui auraient été évoqués lors de la rencontre entre Viktor Orban et Donald Trump début novembre à Washington.

Fin novembre, Viktor Orbán s'est rendu à Moscou où il a promis à Vladimir Poutine de poursuivre les importations d'hydrocarbures russes dont la Hongrie continue de dépendre, défiant une nouvelle fois l'Union européenne sur le sujet.

Le dirigeant hongrois n'a en effet pas cherché à diversifier réellement les importations de son pays depuis le déclenchement de l'offensive russe en Ukraine en février 2022, contrairement à nombre de ses voisins européens.

Il a annoncé en novembre avoir saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour s'opposer à la décision par la majorité des États membres d'approuver en octobre le principe d'une interdiction, d'ici fin 2027, des importations de gaz naturel russe.

© afp.com/Ludovic MARIN

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban s'adresse à la presse à l'issue d'un sommet au Bella Center de Copenhague, au Danemark, le 2 octobre 2025
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Les espions chinois à l'assaut de Taïwan : "Quand j’ai vu l’enveloppe, j’ai su qu’ils me cherchaient"

Tout sourire, chemise hawaïenne et lunettes de soleil aviateur, Huang Chu-jung se présente sur sa page Facebook comme un grand-père taïwanais inoffensif. Cette photo, datant de novembre 2024, est la dernière publiée sur son compte. Quelques mois plus tard, en février 2025, l’homme est arrêté, soupçonné d’être à la tête d’un cercle d’espionnage pour le compte de la Chine. L’affaire a fait l’effet d’une bombe à Taïwan : cet ancien assistant d’un conseiller municipal avait en effet infiltré le cœur du pouvoir, recrutant trois informateurs au sein du DPP, le parti honni de Pékin pour ses racines indépendantistes, et qui dirige l’île depuis 2016.

C’est un an après ce changement de cap politique, que Huang semble entrer en action. Certains médias taïwanais rapportent qu’il aurait été approché dès 2003 par les services secrets chinois - c’était alors un homme d’affaires -, lors d’un de ses fréquents voyages sur le continent. Il recrute un conseiller auprès du Bureau présidentiel et un assistant de Joseph Wu, ministre des Affaires étrangères de 2018 à 2024. Ho Ren-chieh, qui a travaillé en étroite collaboration avec le chef de la diplomatie taïwanaise pendant tout son mandat, a ainsi pu transmettre des fichiers confidentiels, telles que des conversations avec des dignitaires étrangers, via une application de jeu sur téléphone, cryptée par les services secrets chinois.

Contacté par L’Express, le ministère des Affaires étrangères se dit "consterné", ces fuites pouvant "porter préjudice aux résultats diplomatiques accumulés pendant de nombreuses années". Même si ce cas de vol d’informations n’a pas encore eu de conséquences trop graves sur la sécurité nationale, il révèle les failles du système de contrôle du personnel au sein des institutions les plus sensibles.

Pour avoir recruté des espions et partagé des informations secrètes, Huang, le "gentil grand-père", aurait touché au moins 6 millions de dollars taïwanais (165 670 euros) pour l’ensemble de ses opérations, même s’il est difficile de retracer précisément les transferts d’argent.

"Sortons le portefeuille !"

Sa première recrue, Chiu Shih-yuan, occupait alors un poste de directeur adjoint de l’Académie pour la démocratie, un institut fondé par le DPP pour former ses membres politiques (il semble désormais inactif). Sur les réseaux sociaux, l'homme affiche une vie de faste, incompatible avec un salaire de militant du DPP, qui attire les soupçons. Sur une photo publiée en 2023, sa femme montre fièrement un sac d’emballage Hermès devant la boutique de luxe, à Munich, avec cette légende : "Sortons le portefeuille !".

Assistants de députés ou de ministres, haut gradés dans l’armée, soldats, directeurs de temples religieux, mafieux, influenceurs ou encore entrepreneurs : les services secrets chinois, tels une hydre invisible, se glissent dans toutes les strates de la société. Non seulement pour récolter de précieuses informations, mais aussi pour fragiliser la cohésion de la population taïwanaise face à la Chine, qui considère l’île comme l'une de ses provinces et juge l'unification "inévitable". En mars, le président taïwanais Lai Ching-te a tiré la sonnette d'alarme dans un discours : 64 personnes ont été poursuivies en 2024 pour espionnage au profit de la Chine, un chiffre trois fois plus élevé qu’en 2021. Au total, le nombre de personnes infiltrées pourrait dépasser les 5 000, selon Liu Te-liang, ex-directeur des renseignements militaires de Taïwan, que L’Express a pu rencontrer.

Casquette vissée sur la tête et vêtu d’un sweat-shirt, le sexagénaire parle discrètement et scrute de temps à autre les clients, dans un café de Taipei. A la retraite depuis 2018, il se sent toujours comme un homme traqué : "Après mon départ, je savais que les services de renseignement chinois, et notamment leur unité militaire, ne me laisseraient pas tranquille. C’est pourquoi j’ai fait profil bas pendant sept ans", confie-t-il. A peine huit mois après avoir quitté ses fonctions, une lettre manuscrite lui parvient, en provenance d’une mystérieuse entreprise de gaz chinoise, avec cette annonce : "La société Gitech Energy Technology Co. Ltd. basée au Sichuan recherche un partenaire à Taïwan". "Dès que j’ai vu l’enveloppe, j’ai su qu’ils me cherchaient. Leur objectif était clair : me signaler qu’ils savaient où je me trouvais et me pousser à collaborer", poursuit notre témoin.

Comme nombre d’anciens militaires, il est une cible de choix pour les espions chinois. D’après le Bureau de la sécurité nationale, sur les 64 personnes inculpées pour espionnage l’an dernier, 43 sont des militaires actifs ou retraités. Pourtant, le règlement est strict : pendant dix ans après leur départ, il leur est interdit de se rendre en Chine, à Macao ou à Hongkong. Liu Te-liang s’est lui-même fixé une règle : ne pas quitter le pays quoiqu’il arrive.

Les militaires agissent pour des motifs financiers

Rares sont les agents secrets chinois à poser le pied sur l’île. Exception notable : en 2015, les Taïwanais ont réussi à intercepter sur leur sol Zhen Xiaojiang, un ancien capitaine de l’Armée populaire de libération qui avait recruté des haut gradés de l’armée et transmis des informations militaires classifiées. Depuis, "toutes les personnes arrêtées sont des Taïwanais, jamais des Chinois", remarque Nieh Jui-i, avocat à Taipei et chargé de la défense des militaires soupçonnés d’espionnage. "Le PCC est intelligent : lorsqu’il recrute un intermédiaire pour aller corrompre des militaires, les responsables eux-mêmes n’entrent quasiment jamais à Taïwan. Ils opèrent depuis Hongkong, Macao ou le Japon", abonde Wang Cheng-hao, procureur du Parquet de Taïwan.

Ce sont les "intermédiaires" taïwanais - souvent des militaires à la retraite, donc - qui se chargent de sélectionner et approcher les profils jugés intéressants. "Il existe deux catégories de recruteurs : la première, ce sont ceux animés par une idéologie. Ils adhèrent aux idées de la Chine et souhaitent l’unification. La deuxième, ce sont des individus dont la position sur Pékin est floue, et qui sont avant tout motivés par l’argent", résume Lin Ta, autre procureur du Parquet.

Environ 70 à 80 % des militaires agiraient pour des motifs financiers, selon l’avocat Nieh Jui-i. De fait, les militaires endettés sont des profils particulièrement recherchés par les Chinois, qui leur proposent des missions en apparence sans danger. Ainsi, les vols de renseignement ne relèvent pas toujours de secrets d’Etat : "Dans une affaire, il s’agissait d’un tableau de service décrivant les horaires des tours de garde de nuit [sur un site sensible]. En soi, cela n’a pas de véritable valeur stratégique mais ils l’achètent tout de même" confie le procureur Lin Ta. En 2023, parmi les cas d’espionnage dans l’armée, les accusés ont pu toucher des sommes allant de 15 000 à 460 000 euros.

Derrière ce type d’opérations, se dissimule cependant une stratégie bien huilée : "Ils vous appâtent d’abord avec un leurre, puis, une fois que vous mordez à l’hameçon, la mécanique s’enclenche, petit à petit" poursuit le magistrat. Pris dans un engrenage, l’espion doit alors dérober toujours plus de renseignements. Les services chinois n’hésitent pas à faire peur pour pousser une recrue à aller plus loin. "Je me souviens d’une affaire où un soldat avait fourni des documents bons pour la poubelle. Un jour, ils lui ont donné rendez-vous en Chine : ils l’ont enfermé dans un terrain de basket et l’ont assis au milieu seul pendant plusieurs heures", relate le procureur. Isolé hors de son pays, l’espion craint alors d’être condamné par la justice chinoise, ou dénoncé à ses supérieurs.

Défection en vidéo

Au-delà des risques pour la sécurité nationale, ces opérations d’espionnage relèvent surtout de la guerre psychologique. "Les documents ne sont pas toujours utiles en eux-mêmes, mais les fuites peuvent montrer à quel point l’armée est perméable", analyse l’avocat Nieh Jui-i. Sur une photo datée de 2020, un colonel de l’armée taïwanaise en uniforme brandit une pancarte prouvant sa défection : "En cas de guerre entre les deux rives du détroit, je ferai de mon mieux dans mon travail pour servir la patrie et accomplir la glorieuse réunification pacifique", peut-on lire en caractères chinois. La photo a d’autant plus choqué que le colonel était en poste à Kinmen, un territoire taïwanais situé à seulement 3 kilomètres de la Chine et subissant régulièrement le harcèlement des garde-côtes et des drones chinois. Dans le même ordre d’idée, des officiers ont été payés en 2023 pour se filmer en train d’affirmer leur soumission à l’Armée populaire de Chine.

De tels messages contribuent à casser la confiance déjà fragile des Taïwanais envers leur propre armée : seule la moitié des habitants estiment que l’armée a les compétences nécessaires pour protéger le pays, selon un rapport publié l’an dernier par l’'Institut national de recherche sur la défense et la sécurité de Taïwan. Mis en cause, le ministère de la Défense soutient que son programme d’éducation dans les casernes pour lutter contre les infiltrations donne des résultats.

Les quatre espions arrêtés au sein du DPP cette année, longtemps restés sous les radars, posent en revanche la question de la sensibilisation à ce sujet dans la classe politique. Huang Chu-jung et Chiu Shih-yuan ont notamment pu sans difficultés rencontrer les services chinois en Thaïlande et à Macao. "Aujourd’hui, au sein du DPP, on doit signaler nos déplacements, mais cela ne concerne pas les assistants. Comme ils ne sont pas membres du parti, tout dépend des règles que chaque député impose à son propre bureau. Dans le nôtre, on interdit à tout le monde d’aller en Chine, mais dans d’autres, les assistants peuvent tout à fait s’y rendre" commente Puma Shen, député du DPP et spécialiste des techniques d’infiltration chinoises. De fait, les assistants échappent à la surveillance du parti. "Celui-ci n’intervient pour enquêter qu’après un incident : s’il y a une dénonciation, une accusation de corruption ou d’infraction", déplore notre ancien directeur des renseignements militaires, pour qui le DPP devrait se doter de son propre service de renseignements, à l’instar de l’armée.

Étonnamment, nombre de cas d’espionnage échappent à des poursuites ou à des peines conséquentes. Même lorsque les accusés enfreignent la loi sur la sécurité nationale, la justice se montre parfois clémente : en 2024, deux officiers retraités de l’armée de l’air, pourtant de connivence avec un espion chinois, ont été condamnés chacun à seulement deux ans et seize mois de prison. Et Huang Chu-jung, le recruteur d’espions au sein du DPP, n’a écopé fin septembre que de dix ans de réclusion.

"Dans l’armée américaine, tout le monde sait que si vous êtes arrêté pour espionnage, c’est pratiquement la fin de votre vie. Vous allez en prison pour au moins vingt ou vingt-cinq ans, voire à perpétuité", commente John Dotson, ancien officier du renseignement naval et directeur de Global Taiwan Institute, basé à Washington DC. Toutefois, au moment où la menace chinoise ne cesse de grandir (comme en témoignent les exercices militaires chinois devenus presque routiniers dans le détroit), les procureurs affirment se montrer désormais moins tolérants à l’égard des affaires d’espionnage.

Encore faudrait-il que la justice dispose des outils adéquats. A ce titre, l’affaire "Wang Ping-chung" a laissé un mauvais souvenir. Membre du parti pro-unification "xindang", cet homme et quatre autres personnes ont été accusés en 2018 de développer des organisations d’espionnage pour le compte de la Chine. Toutefois, faute de preuve suffisante, les hommes ont été acquittés. "Le tribunal a tranché : tant qu’ils n’ont pas posé cette question précise à leurs contacts : 'Acceptez-vous de travailler pour le Parti communiste chinois ?' alors il n’y a pas infraction", regrette le procureur Wang Cheng-hao, qui a porté l’affaire devant la Cour suprême taïwanaise, sans succès.

Pour lui, ce dossier pose la question "de la frontière entre les libertés fondamentales et la protection de la sécurité nationale dans un régime démocratique". Le sujet du renforcement de la surveillance est particulièrement sensible pour la jeune démocratie encore marquée par son passé dictatorial. "Nous ne voulons pas devenir un autre Hongkong, où la loi sur la sécurité nationale de la République populaire de Chine a paralysé la société civile. Mais d’autre part, nous sommes conscients d’être confrontés à une menace grave", observe Su Yen-tu, professeur de droit à l’Academia Sinica, à Taipei. Si elle ne veut pas devenir un paradis pour espions chinois, l’île n’a cependant pas d’autre choix que d’en finir avec l’angélisme.

© Anadolu via AFP

Assistants de députés ou de ministres, haut gradés dans l’armée, soldats, directeurs de temples religieux ou encore entrepreneurs : les services secrets chinois se glissent dans toutes les strates de la société taïwanaise.
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Pourquoi le rachat de Warner Bros par Netflix inquiète Hollywood

Friends, la saga Harry Potter ou la série Game of Thrones… Le géant du streaming Netflix a annoncé vendredi 5 décembre le rachat pour près de 83 milliards de dollars du studio de cinéma et de télévision historique Warner Bros Discovery (WBD) dans un communiqué commun. Cela lui permet d’acquérir un immense catalogue de films mais aussi le prestigieux service de streaming HBO Max. Une transaction qui va "avoir un impact sur l’industrie du divertissement pendant des décennies", prédit le média Bloomberg.

Il s’agit de la plus grosse opération du genre dans le domaine du divertissement depuis le rachat de la Fox par Disney (71 milliards de dollars) en 2019. Le communiqué précise que les actionnaires de Warner recevront pour chaque action 23,30 dollars en espèces et 4,50 dollars en actions Netflix - loin des seulement 8 dollars de l’action Warner Bros Discovery en avril dernier.

Quel impact pour les salles de cinéma ?

Netflix a la réputation de ne diffuser que quelques films dans les salles de cinéma pour des durées limitées, des avant-premières ou "généralement afin de pouvoir prétendre à des récompenses telles que les Oscars", rappelle Bloomberg. Le streaming à domicile est sa vocation principale. Cité par le New York Times, le directeur général de Cinema United, une association professionnelle représentant 30 000 écrans de cinéma aux États-Unis, a qualifié le rachat par Netflix de "menace sans précédent pour le secteur mondial de l’exploitation cinématographique". "Des cinémas fermeront, des communautés souffriront, des emplois seront perdus", a déclaré Michael O’Leary. Selon l’association, le retrait des films produits par Warner Bros provoquerait le même effet que la suppression de "25 % du box-office annuel national".

Netflix s’engage à maintenir les activités actuelles de Warner Bros. "Pour l’instant, vous pouvez compter sur le fait que tous les films prévus pour une sortie en salles par Warner Bros continueront d’être projetés dans les cinémas", a déclaré lors d’une conférence téléphonique avec des investisseurs le 5 décembre, Ted Sarandos, co-PDG de Netflix. Mais comme le souligne le New York Times, ce dernier avait aussi déclaré en avril lors d’un événement que le "consommateur" souhaitait "regarder des films chez lui", et avait qualifié les salles de cinéma d'"idée dépassée". Repéré par les Echos, un communiqué du syndicat des producteurs américains met en garde Netflix : "Nos studios historiques sont plus que de simples bibliothèques de contenus : leurs archives renferment le caractère et la culture de notre nation."

Va-t-il y avoir un monopole du secteur ?

La vente doit être achevée au troisième trimestre 2026. Selon le New York Post, des responsables de la Maison-Blanche se seraient récemment inquiétés de la possible acquisition de WBD par Netflix, risquant selon eux de donner à la plateforme vidéo une position dominante sur le marché américain des contenus. Des députés démocrates ont également assuré qu’ils allaient "suivre de près" cet accord.

Du côté des employés du secteur, c’est l’inquiétude. La Writers Guild of America, qui représente plus de 12 000 scénaristes, a également demandé à "bloquer" cette fusion dans un communiqué, note le New York Times. "Le rachat de l’un de ses principaux concurrents par le géant mondial du streaming est précisément ce que les lois antitrust visent à empêcher." L’association s’inquiète aussi d’une "dégradation des conditions de travail pour tous les professionnels du divertissement, une hausse des prix pour les consommateurs et une réduction du volume et de la diversité des contenus proposés".

Paramount, rachetée cette année par David Ellison, fils de Larry Ellisson, fervent partisan du président Donald Trump, avait cherché à se positionner pour racheter WBD. D’après Bloomberg, les avocats de Paramount ont écrit une lettre déclarant que le processus d’enchères avait été biaisé en faveur de Netflix.

Quelles conséquences sur les emplois ?

Selon le même média, la transaction devra a minima faire l’objet d’un examen pendant un an ou plus "par les autorités de régulation de plusieurs juridictions, notamment le ministère américain de la Justice et l’Union européenne", avant de pouvoir être définitivement validée. Netflix vise à réaliser entre 2 et 3 milliards de dollars d’économies. Selon Greg Peters, le co-PDG de Netflix, cité par Bloomberg, la majeure partie de ces économies proviendra de la réduction des frais généraux et administratifs. Des suppressions d’emploi ont eu lieu précédemment lorsque Disney a racheté la Fox pour 71,3 milliards de dollars en 2019, et également cette année lorsque Skydance Media (dirigé par David Ellison) a pris le contrôle de Paramount, avec le licenciement de plus de 2 000 employés en octobre.

Le PDG de Warner Bros, David Zaslav, pourrait aussi sauter. Il n’était pas présent lors de l’annonce de l’accord par Netflix et n’a pas fait de commentaire public depuis. Selon des sources de Bloomberg, "aucun rôle spécifique ne lui a été attribué au sein des sociétés fusionnées".

© afp.com/Patrick T. Fallon

Les studios Warner Bros. près de Los Angeles le 5 décembre 2025
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Hépatite B : les nouvelles recommandations américaines suscitent l’inquiétude des pédiatres

Cette décision, adoptée par huit voix contre trois, devrait être suivie par les autorités fédérales américaines et conduire à la fin de l'actuelle politique de prévention du pays, en vigueur depuis plus de 30 ans. Donald Trump s'est félicité sur son réseau Truth Social d'une "très bonne décision".

Selon la nouvelle recommandation, l'administration d'une première dose de vaccin contre l'hépatite B - sur trois - dans les premières heures de la vie d'un enfant ne serait plus systématiquement recommandée aux bébés dont la mère a été testée négative.

Ce changement majeur a été immédiatement dénoncé par des associations de soignants comme injustifié et même dangereux, en raison notamment des failles dans le dépistage des mères aux Etats-Unis et de la possibilité que les nouveau-nés soient contaminés par d'autres personnes de leur entourage. Cela "entraînera une augmentation des infections par l'hépatite B chez les nourrissons et les enfants", a ainsi fustigé Susan Kressly, présidente de l'Académie américaine de pédiatrie.

Le Comité consultatif sur les pratiques de vaccination (ACIP), entièrement remanié plus tôt cette année par le ministre vaccinosceptique Robert Kennedy Jr. a également recommandé qu'un test sérologique puisse être réalisé après une première injection pour évaluer la nécessité de doses futures.

"Causer du tort"

L'hépatite B est une maladie virale du foie qui peut notamment être transmise par la mère lors de l'accouchement et qui expose les personnes touchées à un risque élevé de décès par cirrhose ou cancer du foie. La recommandation de vacciner l'ensemble des nouveau-nés, soutenue par l'OMS, avait été instaurée aux Etats-Unis en 1991 et a permis de quasiment éradiquer les infections chez les jeunes dans le pays, selon les autorités.

En amont du vote, le docteur Cody Meissner, l'une des rares voix dissidentes du comité entièrement remanié par le ministre Robert Kennedy Jr, connu pour ses positions antivaccins, avait exhorté ses collègues à ne pas changer les recommandations en vigueur. "En modifiant la formulation de cette recommandation, nous causons du tort", avait-il alerté.

D'autres membres défendaient au contraire une mesure permettant d'aligner la politique vaccinale américaine sur celle d'autres pays comme la France, malgré les avertissements d'experts pointant les problèmes de surveillance et d'accès aux soins spécifiques aux Etats-Unis.

Vaccinations en chute

Désormais composé de personnalités pour beaucoup critiquées pour leur manque d'expertise ou pour avoir relayé de fausses informations sur les vaccins, le groupe avait déjà modifié en septembre les recommandations vaccinales sur le Covid-19 et la rougeole. Il a également entrepris vendredi une révision plus large du calendrier vaccinal des enfants, des travaux auxquels a participé l'avocat américain Aaron Siri, un proche de Robert Kennedy Jr. connu pour avoir relayé comme lui des théories infondées sur le sujet.

Cette initiative suscite l'inquiétude au sein de la communauté médicale américaine, qui accuse le groupe de chercher à restreindre les accès aux vaccins, alors même que les taux de vaccination du pays évoluent à la baisse depuis la pandémie et font craindre le retour de maladies contagieuses mortelles, comme la rougeole.

En réaction, plusieurs institutions scientifiques américaines et Etats démocrates ont récemment annoncé cesser de suivre les recommandations de ce groupe et élaborer leurs propres directives. Au sein même du Parti républicain, la décision de l'ACIP vendredi a fait des remous, le sénateur Bill Cassidy, médecin de formation, ayant exhorté sur X les autorités fédérales à ne pas la mettre en oeuvre.

Une fois adoptées, ces recommandations dictent la prise en charge ou non de certains vaccins par des assurances et programmes des vaccinations. Un détail qui compte dans un pays où le prix d'un seul vaccin peut s'élever à plusieurs centaines de dollars.

© Getty Images via AFP

ATLANTA, GÉORGIE - 5 DÉCEMBRE : Le Dr Robert Malone s'exprime lors d'une réunion du Comité consultatif sur les pratiques d'immunisation (ACIP) du CDC, le 5 décembre 2025 à Atlanta, en Géorgie. L'ACIP se réunit pour voter sur les modifications du calendrier de vaccination des enfants et le report des vaccins contre l'hépatite B. Elijah Nouvelage/Getty Images/AFP (Photo par Elijah Nouvelage / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP)
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Stratégie nationale de sécurité des Etats-Unis : Donald Trump lâche officiellement l’Europe

Au moins, les choses sont claires. L’Europe est seule, à ses risques et périls. L’Amérique de Donald Trump partage avec la Russie de Vladimir Poutine et la Chine de Xi Jinping l’objectif de vassaliser le Vieux Continent. La nouvelle Stratégie nationale de sécurité, révélée le 4 décembre par la Maison-Blanche, lève les derniers doutes. Washington s’y affranchit de toute responsabilité envers la sécurité de ses alliés et multiplie les reproches à leur encontre.

Le document présente l’Union européenne non seulement comme un compétiteur économique déloyal et un passager clandestin sécuritaire mais aussi, ce qui est nouveau, comme un adversaire idéologique. C’est même le seul désigné ainsi à travers le monde, mis à part l’Iran et les terroristes islamistes qui, eux, ne sont cités qu’en passant. L’Europe, véritable obsession, y est mentionnée à 48 reprises.

Le texte prétend que si l’immigration se poursuit, le Vieux Continent ne sera "plus reconnaissable" dans vingt ans, voire moins, avec des pays qui deviendraient "en majorité non-européens". La fiabilité des engagements auxquels les alliés ont souscrit en pâtirait. Venant d’une nation d’immigrants, dont la construction s’est accompagnée du génocide des peuples premiers, l’accusation est pour le moins déplacée. D’autant qu’aux Etats-Unis, la proportion des personnes nées à l’étranger est aujourd’hui plus élevée que dans l’Union européenne.

La feuille de route officielle de la politique étrangère de Donald Trump reprend les termes du discours choc prononcé par son vice-président en février 2025 à Munich. J. D. Vance y affirmait que la menace n° 1 pour la liberté et la démocratie européennes n’émanait pas de Moscou mais du refus des élites d’associer l’extrême droite au pouvoir. La Stratégie de sécurité se fixe pour objectif de "cultiver la résistance" au sein des nations européennes en promettant le soutien de Washington aux "partis patriotiques". Ce terme renvoie à la manière dont se définissent des partis comme l’AfD allemande, le RN français et le Fidesz hongrois, trois mouvements plus que bienveillants envers Vladimir Poutine.

On peut y voir une déclaration de guerre politique de l’Amérique trumpiste contre le mode de vie européen. En cherchant à séduire la Russie dans l’espoir vain qu’elle se détache de la Chine, en renonçant à tout principe moral au profit d’une diplomatie du donnant-donnant, en traitant même ses plus fidèles alliés comme des délinquants, la Maison-Blanche creuse le fossé au sein de "l’Occident collectif" honni par Poutine. D’autant qu’elle s’abstient dans le même document de toute critique à l’égard de Moscou et de Pékin.

La Chine y est décrite comme un simple rival économique et la Russie comme une grande puissance eurasiatique qui aurait besoin d’une "stabilité stratégique" que les Européens auraient tort de ne pas lui fournir. Leurs dirigeants s’aveugleraient en nourrissant des "attentes irréalistes" de la guerre en Ukraine alors qu’une "large majorité" de leurs populations souhaiterait la paix. Que la Russie soit responsable de centaines de milliers de morts depuis son invasion de l’Ukraine en 2022 est passé sous silence.

Inversion des responsabilités, incohérences… La Stratégie de sécurité de la Maison-Blanche ne se compare en rien aux documents intellectuellement charpentés que rédigeaient au XXe siècle des stratèges américains comme Henry Kissinger et Zbigniew Brzezinski. Il faut néanmoins la prendre au sérieux, car elle dévoile sans fard les intentions de Washington. Les Etats-Unis et l’Europe ne rament plus ensemble dans la même direction. Les chefs d’Etat et de gouvernement européens doivent s’adapter à une situation que très peu d’entre eux avaient prévue. La tactique consistant à caresser Donald Trump dans le sens du poil a échoué.

Cela ne peut qu’avoir des conséquences négatives sur l’issue du conflit en Ukraine. Alors que la position de Kiev est périlleuse sur le champ de bataille, que le soutien occidental a faibli du fait de l’arrêt de l’aide américaine, que la Chine renforce à l’inverse son appui à la Russie, les Européens savent désormais qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour éviter une défaite stratégique de première grandeur. A cet égard, la question de la mobilisation des avoirs russes gelés pour aider l’Ukraine, qui doit être débattue au Conseil européen des 18 et 19 décembre, sera un test de la détermination de l’UE et de sa capacité à peser sur le cours des événements à venir, contre Moscou mais aussi contre Washington.

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Le président américain Donald Trump le 3 décembre 2025, à Washington, aux Etats-Unis
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L’espace, futur terrain de la rivalité entre Sam Altman et Elon Musk ?

La rivalité entre Sam Altman, directeur général du champion de l'intelligence artificielle OpenAI (à l’origine de ChatGPT), et Elon Musk, qui dirige entre autre SpaceX et Tesla, se poursuit. Selon des informations du Wall Street Journal, Sam Altman a envisagé au cours de l’été de réunir des fonds pour acquérir ou s’associer à une entreprise de fusées, avec en vue notamment un fabricant appelé Stoke Space. Si, selon le quotidien américain, les négociations sont actuellement au point mort, il est évident qu'une telle entreprise concurrencerait directement son éternel rival, le patron de l'entreprise aérospatiale SpaceX.

Une fusée pour rivaliser

"Dois-je créer une entreprise de fusées ?", s’était déjà interrogé Sam Altman lors d’un podcast en juin avec son frère. Les discussions avec Stoke Space se seraient intensifiées à l’automne, selon des personnes proches des négociations s'étant confiées au Wall Street journal, avec la proposition d’OpenAI d’investir dans la société et de devenir actionnaire majoritaire - soit plusieurs milliards de dollars au fil du temps.

Sam Altman n'est pas le seul à vouloir chasser sur les terres de l'homme le plus riche du monde. Plusieurs sociétés de lancement tentent de concurrencer SpaceX dans le domaine aérospatial privé, notamment Blue Origin (l’entreprise de Jeff Bezos), Rocket Lab et Stoke Space (fondée en 2020 par d’anciens employés de Blue Origin). Cette dernière est en train de développer une fusée, appelée Nova, que l’entreprise souhaite entièrement réutilisable. Mais la création d’une nouvelle fusée "est semée d’embûches techniques et réglementaires et peut souvent prendre une décennie", souligne le quotidien financier américain. Démarrer avec une société existante comme Stoke Space aurait donc permis au cofondateur d’OpenAI de se retrouver rapidement sur les rails pour concurrencer directement avec Elon Musk, sachant que SpaceX planche également sur le projet d'une fusée réutilisable.

Une concurrence sur tous les plans

Les deux hommes, auparavant amis et cofondateurs avec neuf autres personnes d’OpenAI, sont devenus rivaux sur fond de divergence stratégique quant à la gestion de la start-up il y a quelques années, ayant mené Elon Musk à quitter l’entreprise en 2018. Comme le remarque le quotidien espagnol El Pais, "le succès de ChatGPT […] n’a fait qu’alimenter la rivalité croissante entre les entreprises de d'Altman et de Musk", poussant ce dernier a lancer en 2023 xAI, une start-up concurrente d’intelligence artificielle, pour finalement attaquer OpenAI en justice en 2024.

Depuis, la lutte s'intensifie entre les deux patrons. Sam Altman a récemment lancé Merge Labs, une start-up spécialisée dans les interfaces cerveau-ordinateur - rivale de Neuralink créée par Elon Musk - ainsi qu'un réseau social qui pourrait concurrencer X - également propriété de du Sud-Africain. En février dernier, rappelle encore El Pais, "un consortium dirigé par Musk" a proposé d’acheter pour 97,4 milliards de dollars la fondation qui contrôle OpenAI. Sam Altman, a alors riposté sur X, avec ironie : "Non merci, mais on peut acheter Twitter pour 9,74 milliards si vous voulez."

no thank you but we will buy twitter for $9.74 billion if you want

— Sam Altman (@sama) February 10, 2025

Actuellement, Musk semble un coup d'avance, avec un objectif annoncé vendredi de valorisation de SpaceX à 800 milliards de dollars, soit la plus élevée au monde pour une société non cotée. Si une telle opération a lieu, l'entreprise aérospatiale dépasserait alors OpenAI, valorisée à "seulement" 500 milliards de dollars début octobre. Une perspective qui ne va pas apaiser les tensions.

Des data centers dans l’espace

Mais outre les fusées, l’intérêt de Sam Altman pour le spatial n’est pas totalement neuf, puisque comme le rappelle le Wall Street Journal, il s’est déjà intéressé à la possibilité de construire des centres de données dans l’espace, utilisant l’énergie solaire pour fonctionner - tout comme Jeff Bezos d’Amazon, Elon Musk ou Sundar Pichai de Google. Selon une analyse de 2025 du cabinet de consultants McKinsey, la demande mondiale en capacité de centres de données "pourrait augmenter à un taux annuel compris entre 19 et 22 % entre 2023 et 2030". Or, cela "augmente le risque d’un déficit d’approvisionnement", car selon le cabinet, "il faudrait construire en moins d’un quart du temps au moins deux fois la capacité des centres de données construits depuis 2000." La demande en énergie pour l’usage de l’IA serait le "principal facteur de ce déficit". En clair, faire monter en puissance des entreprises dans l’IA, comme OpenAI, ne peut pas aller sans développer la capacité des centres de données.

Au début de l’année, Sam Altman a ainsi investi via OpenAI 18 milliards de dollars dans une nouvelle société de centres de données, appelée Stargate, aux côtés de SoftBank. "Je pense qu’à terme, une grande partie du monde sera recouverte de centres de données", déclarait-il déjà cet été dans un podcast américain. "Peut-être construirons-nous une grande sphère de Dyson autour du système solaire et dirons-nous : "En fait, cela n’a aucun sens de les installer sur Terre."

© AFP

Sam Altman, PDG d'OpenAI et Elon Musk, à la tête de X ou encore Tesla, cultivent une certaine inimitié.
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Donald Trump lauréat du premier "Prix de la paix" de la Fifa

"Un grand jour" : la cérémonie de tirage au sort du Mondial-2026 a débuté vendredi 5 décembre au Kennedy Center de Washington, sous l'égide de Donald Trump et très haute surveillance. "C'est un grand jour et c'est un sport formidable", a clamé le président américain sur le tapis rouge de la grande salle de spectacles de Washington qui accueille l'événement.

Donald Trump est ensuite allé s'asseoir au balcon en compagnie du président de la FIFA, Gianni Infantino, dont il est proche, et non loin du Premier ministre canadien Mark Caney et de la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum, co-organisateurs. Sur la scène, Gianni Infantino a fait applaudir les trois dirigeants. "C'est le plus grand événement que l'humanité ait jamais vu (...), cela va être stratosphérique", a-t-il déclaré avec emphase. Auparavant le ténor Andrea Bocelli avait entonné l'air "Nessun Dorma" ("Que personne ne dorme") tiré de l'opéra Turandot de Giacomo Puccini, sous les applaudissements du public.

En effet durant près de deux heures, c'est un véritable show qui va se dérouler dans l'imposante salle de spectacle située dans la capitale américaine, aux abords de laquelle un imposant dispositif de sécurité a été mis en place, obligeant les personnes accréditées à patienter parfois presque deux heures, sous la neige, pour y pénétrer. Cet évènement en mondovision constitue le premier temps fort de ce tournoi hors-normes organisé dans trois pays (Etats-Unis, Mexique, Canada), pour déterminer le parcours des 48 équipes - une première - lancées dans la course à la succession de l'Argentine de Lionel Messi.

L'invité de marque est à n'en pas douter le président américain lui-même. Le milliardaire républicain, revenu à la Maison-Blanche en janvier, a fait de la Coupe du monde 2026 un événement central de son second mandat, en dépit des inquiétudes que font peser sur le déroulement de l'épreuve ses prises de position tous azimuts contre ses voisins mexicain et canadien, sa politique migratoire ou ses menaces de priver de rencontres certaines villes dirigées par les démocrates.

Une bromance savamment entretenue par les deux hommes

Donald Trump a trouvé un allié de poids en la personne du patron de la Fifa, Gianni Infantino, avec qui il n'en finit pas d'afficher sa proximité, comme encore lors du début de la cérémonie. Le dirigeant italo-suisse, présent à son investiture et convié plusieurs fois dans le Bureau Ovale, a bien compris la nécessité de se rapprocher du président des Etats-Unis, où auront lieu 78 des 104 matches programmés du 11 juin au 19 juillet prochain, dont la finale au MetLife Stadium (New Jersey).

Cette "bromance", savamment entretenue par les deux hommes au nom d'intérêts stratégiques mutuels, s'est poursuivie durant la cérémonie, avec l'attribution à Trump du premier "Prix de la paix de la Fifa". Le dirigeant républicain a reçu sur scène un trophée ainsi qu'une médaille. "C'est l'un des plus grands honneurs de ma vie, nous avons sauvé des millions de vie", a affirmé le dirigeant républicain, citant le Congo, l'Inde, le Pakistan, "tant de guerres auxquelles nous avons réussi à mettre fin" ou à éviter.

La Fifa avait annoncé en novembre la création de ce prix, censé récompenser "les énormes efforts d'individus qui unissent les gens et apportent l'espoir aux générations futures". Il ne faisait aucun doute que le président américain serait le premier lauréat.

L'ONG de défense des droits de l'homme Human Rights Watch a déploré vendredi dans un communiqué qu'il n'y ait eu "aucune transparence" autour de ce choix. Elle a annoncé avoir demandé à la Fifa "une liste des candidats, des juges, des critères", mais n'avoir pas obtenu de réponse.

Lot de consolation

Un lot de consolation en mondovision pour le chef d'Etat américain qui se targue d'avoir mis un terme à huit conflits dans le monde depuis son retour au pouvoir. Les experts jugent toutefois ce chiffre exagéré, soit parce que son intervention a été inexistante ou minimale dans certains processus de paix, soit parce que ses efforts de médiation n'ont pas, dans certains cas, réellement mis fin aux affrontements armés. Donald Trump n'en estime pas moins mériter le prix Nobel de la Paix, qui est allé cette année à l'opposante vénézuélienne Maria Corina Machado.

Entre autres lots de consolation, le président américain a déjà été nommé à la tête d'un "conseil pour la paix" chargé de superviser la mise en oeuvre de l'accord sur Gaza, et il vient de donner son nom à un "Institut de la paix" siégeant à Washington.

L'opposition démocrate et nombre d'associations de défense des droits de l'homme accusent le milliardaire de mener une politique plus belliqueuse que pacifique, en déployant l'armée dans certaines villes américaines, en multipliant les expulsions de migrants ou en déclenchant des frappes contre des embarcations en mer des Caraïbes. S'il se veut le "président de la paix", Donald Trump est aussi un dirigeant fasciné par la puissance militaire, qui a insisté pour que le ministère de la Défense américain soit renommé en "ministère de la Guerre".

© afp.com/Jia Haocheng

Donald Trump (à gauche) recevant le prix de la Paix de la Fifa des mains de Gianni Infantino le 5 décembre 2025 au Kennedy Center de Washington lors du tirage au sort de la Coupe du monde 2026 de football
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L'Union européenne inflige une amende de 120 millions d'euros à X

L'Union européenne a infligé vendredi 5 décembre une amende de 120 millions d'euros à X, le réseau social d'Elon Musk, au risque d'une nouvelle confrontation avec le président américain Donald Trump.

Avant même l'officialisation de cette décision, le vice-président américain J.D. Vance avait dénoncé la démarche européenne. "L'UE devrait défendre la liberté d'expression au lieu de s'en prendre à des entreprises américaines pour des foutaises", a-t-il lancé, s'attirant un message de remerciement d'Elon Musk.

L'amende contre X "n'a rien à voir avec de la censure", a répondu la vice-présidente de la Commission européenne chargée du numérique, Henna Virkkunen, interrogée par des journalistes. "Nous ne sommes pas là pour imposer les amendes les plus élevée, mais pour nous assurer que nos lois sur le numérique soient respectées".

Le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio a estimé vendredi que l'amende infligée par l'Union européenne à X, constituait une "attaque contre le peuple américain par des gouvernements étrangers". "L'amende de 140 millions de dollars infligée par la Commission européenne n'est pas seulement une attaque contre X, c'est une attaque contre toutes les plateformes technologiques américaines et le peuple américain par des gouvernements étrangers", a fustigé Marco Rubio sur X, en ajoutant que "l'époque de la censure des Américains en ligne est révolue".

Première amende imposée à une plateforme dans le cadre du DSA

L'amende annoncée par Bruxelles est la première imposée à une plateforme dans le cadre du règlement sur les services numériques, ou DSA. Cette loi phare est entrée en vigueur il y a deux ans pour lutter contre les contenus illégaux et dangereux en ligne, et impose des obligations renforcées aux plus grandes plateformes actives dans l'UE.

Cette sanction ne porte que sur les seules infractions notifiées en juillet 2024 à X, lorsque l'UE avait accusé simultanément la plateforme de tromperie des utilisateurs avec les coches bleues censées certifier les sources d'informations, de transparence insuffisante autour des publicités, et de non respect de l'obligation d'accès aux données internes par des chercheurs agréés.

Les coches bleues étaient à l'origine attribuées par l'ex-Twitter à des utilisateurs au terme d'un processus de vérification de leur identité, afin d'aider à déjouer les impostures. Mais après avoir racheté le réseau social en 2022 pour 44 milliards de dollars, et l'avoir rebaptisé X, Elon Musk a réservé ces badges aux abonnés payants, au risque selon Bruxelles d'induire en erreur les utilisateurs.

L'UE a élargi entre-temps son enquête sur X à des soupçons de non respect de ses obligations en matière de contenus illégaux et de désinformation, mais n'a pas terminé ses investigations sur ces autres sujets.

Les investigations concernant la désinformation se poursuivent

Ce dossier a pris une connotation très politique en raison de la très forte proximité entre Elon Musk et le président américain Donald Trump, jusqu'à leur rupture fracassante en juin. Ces dernières semaines, les relations entre les deux milliardaires se sont quelque peu réchauffées, sans être revenues au beau fixe.

Mais quoi qu'il en soit, Washington n'a cessé cette année de critiquer les lois européennes contre les abus des géants de la tech, les accusant de cibler les champions américains. Fin novembre, des responsables américains en visite à Bruxelles ont appelé l'Europe à assouplir ces lois, en échange d'une baisse des droits de douane américains sur l'acier européen. Une forme de marchandage aussitôt rejetée par les responsables européens, qui ont réaffirmé le droit souverain de l'Union européenne à adopter et appliquer ses propres lois.

Par ailleurs, la Commission a défendu le montant de la sanction prononcée contre X, alors qu'elle pouvait théoriquement, pour chacune des infractions constatées, frapper le fournisseur de la plateforme à hauteur de 6 % de son chiffre d'affaires mondial annuel. "Nous avons estimé que c'était proportionné", et "cela prend en compte "la nature, la gravité et la durée des infractions commises, a expliqué Mme Virkkunen. Mais elle a rappelé que les investigations concernant la désinformation et les contenus illégaux sur X se poursuivaient et a dit s'attendre à ce qu'elles soient bouclées "plus vite".

Parallèlement, la Commission a annoncé avoir accepté des engagements de la plateforme d'origine chinoise TikTok qui répondaient à des griefs qu'elle lui avait adressés, concernant ses obligations de transparence en matière de publicité.

© afp.com/Nicolas TUCAT

L'UE a infligé vendredi une amende à X pour des infractions à ses règles sur les contenus en ligne
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Europe, immigration… Ce que dit la nouvelle stratégie de défense nationale de Donald Trump

La vision de Donald Trump en matière de relations internationales expliquée en longueur. L’administration du président américain a publié, dans la nuit du jeudi 4 au vendredi 5 décembre, un document sur sa "stratégie de défense nationale". En 33 pages, ce texte rappelle les priorités du milliardaire républicain au niveau diplomatique. Alors qu’il se vante ces derniers temps du nombre de guerres qu’il serait parvenu à interrompre, Donald Trump expose ici sa volonté de ne pas intervenir dans de nouveaux conflits. "Les affaires d’autres pays ne sont notre préoccupation que si leurs activités menacent directement nos intérêts", précise ainsi le document.

"Réajuster" la présence américaine dans le monde

Les sympathisants de son mouvement Maga ("Make America Great Again") promeuvent justement généralement le fait de ne pas impliquer les États-Unis dans de nouveaux conflits guerriers. Lors de ses différentes campagnes présidentielles, Donald Trump a d’ailleurs souvent répété cette idée. Mais ses déclarations menaçantes depuis son retour au pouvoir – contre le Nigeria, le Groenland, le Canada… – ont parfois pu donner à sa base une impression inverse à cette logique.

Ici, dans ce plan, l’administration républicaine réaffirme finalement la volonté d’un "réajustement" de la présence militaire américaine dans le monde. Pour elle, il s’agit désormais de "répondre aux menaces urgentes sur notre continent" tout en mettant en œuvre "un éloignement des théâtres dont l’importance relative pour la sécurité nationale américaine a diminué ces dernières années ou décennies". Selon la même source, l’influence de Washington en Amérique latine doit néanmoins être renforcée. Dans la lignée de la doctrine Monroe instaurée au XIXe siècle outre-Atlantique, il est nécessaire selon Donald Trump de "renforcer la suprématie américaine" sur l’ensemble du continent. Les récentes opérations militaires de l’US Army dans la mer des Caraïbes et la pression exercée sur le Venezuela font écho à cette ambition.

Par ailleurs, ce document évoque l’enjeu migratoire comme la principale menace encourue par les États-Unis. "L’ère des migrations de masse doit prendre fin", est-il écrit dans cette note. "La sécurité des frontières est l’élément principal de la sécurité nationale." Depuis le début de son deuxième mandat présidentiel, Donald Trump a considérablement durci sa politique contre l’immigration. "Nous devons protéger notre pays contre les invasions, non seulement contre les migrations incontrôlées, mais aussi les menaces transfrontalières telles que le terrorisme, les drogues, l’espionnage et la traite des êtres humains", exhorte le document.

Critiques acerbes contre l’Europe

Dans le sillage des critiques adressées par le vice-président américain J.D. Vance à Munich (Allemagne) l’hiver dernier, cette "stratégie de défense nationale" fustige par ailleurs des pans entiers des politiques menées sur le continent européen, qui, à en croire ce document, serait menacé "d’effacement civilisationnel". "Si les tendances actuelles se poursuivent, [l’Europe] sera méconnaissable dans 20 ans ou moins". Toujours d’après cette source, les décisions européennes "sapent la liberté politique et la souveraineté, les politiques migratoires qui transforment le continent et créent des tensions, la censure de la liberté d’expression et la répression de l’opposition politique, la chute des taux de natalité, ainsi que la perte des identités nationales".

Washington émet aussi le voeu que "l’Europe reste européenne, retrouve sa confiance en elle-même sur le plan civilisationnel et abandonne son obsession infructueuse pour l’asphyxie réglementaire". De quoi faire promptement réagir Berlin, le ministre des affaires étrangères Johann Wadephul estimant que l’Allemagne n’avait pas besoin de "conseils venant de l’extérieur", notamment sur "la liberté d’expression" ou "l’organisation des sociétés libres".

Enfin, la relation entre Chine et États-Unis est aussi mentionnée parmi la trentaine de pages, disponibles en ligne sur le site de la Maison-Blanche. Après plusieurs mois de guerre douanière, Washington entend désormais "rééquilibrer la relation économique de l’Amérique avec la Chine, en donnant la priorité à la réciprocité et à l’équité pour rétablir l’indépendance économique des États-Unis". Sur le plan militaire, le Japon et la Corée du Sud sont appelés à faire davantage pour soutenir la défense de Taïwan face à la Chine. "Nous devons inciter ces pays à augmenter leurs dépenses de défense, en mettant l’accent sur les capacités nécessaires pour dissuader les adversaires" de s’en prendre à l’île, estime le document.

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Le président américain Donald Trump le 3 décembre 2025, à Washington, aux Etats-Unis
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Allemagne : le Parlement donne son feu vert au projet controversé de nouveau service militaire

Le Bundestag a approuvé ce vendredi 5 décembre le maintien du service militaire basé sur le volontariat, au terme d’âpres débats au sein de la coalition sur le moyen de renforcer une armée en manque de recrues.

Les conservateurs (CDU-CSU) du chancelier Friedrich Merz souhaitaient au départ réintroduire une forme de conscription obligatoire pour les hommes et par tirage au sort, se heurtant à l’opposition du parti allié social-démocrate, de tradition plus pacifiste. La coalition a fini par s’entendre sur une version non-coercitive.

Le nouveau texte prévoit que tous les hommes de 18 ans pourront demander à faire un service militaire d’une durée minimum de 6 mois. Ils devront auparavant passer un examen médical et remplir un questionnaire sur leur disponibilité et leur volonté de servir dans l’armée. Les femmes pourront aussi s’inscrire sur la base du volontariat.

Ces dispositions seront introduites à partir de mi-2027, a précisé un communiqué du ministère de la défense, sous réserve de l’acceptation par le Bundesrat, la chambre haute du parlement allemand.

Un service volontaire… "si tout se passe bien"

Cette mesure doit permettre d’augmenter le nombre de volontaires, alors que le chancelier Friedrich Merz a selon ses termes pour ambition de bâtir l’armée conventionnelle la "plus puissante d’Europe" pour contrer la menace russe et compenser le désengagement du bouclier américain.

Le service militaire devrait rester volontaire "si tout se passe aussi bien que nous l’espérons", a déclaré lors des débats le ministre de la Défense Boris Pistorius. Mais un élargissement du dispositif pourrait être nécessaire si la situation sécuritaire "venait à se détériorer" et que les objectifs en matière d’effectifs de la Bundeswehr n’étaient pas atteints, a-t-il ajouté. Toutefois cette étape nécessiterait un nouveau vote au Bundestag.

Le parti d’extrême droite AfD, les Verts et le parti de gauche Die Linke ont voté contre l’actuel texte. "Cette loi n’offre aucune garantie" que les soldats en service resteront sur le sol national, a dénoncé Desiree Becker, députée de Die Linke.

Les objectifs de l’Otan prévoient que l’Allemagne porte ses effectifs militaires à 460 000 soldats, dont 260 000 militaires d’active et 200 000 réservistes. La Bundeswehr en est loin, avec respectivement 182 000 et 49 000 soldats dans chaque catégorie. Pour moderniser l’armée allemande, mal équipée et en sous-effectif depuis des décennies, les députés avaient déjà adopté en mars un plan pour renforcer les dépenses militaires dans les années à venir.

© INA FASSBENDER / AFP

Les partis de la coalition au pouvoir en Allemagne se sont accordés sur un service militaire basé sur le volontariat, afin de renforcer une armée en manque de recrues.
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La base abritant les sous-marins nucléaires français survolée par des drones

Plusieurs drones ont survolé dans la soirée du jeudi 4 décembre la base sous-marine de l’Île Longue (Finistère), qui abrite les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de la dissuasion nucléaire française, a appris l’AFP auprès de la gendarmerie.

Cinq drones ont été détectés techniquement jeudi soir, vers 19h30, au-dessus de la base, qui borde la rade de Brest. Un dispositif de lutte anti-drones et de recherches a été mis en place. Le bataillon de fusiliers marins, qui assure la protection de la base, a effectué plusieurs tirs anti-drones, selon la même source.

"Aucun lien avec une ingérence étrangère" établi

Une enquête judiciaire va être ouverte vendredi par le parquet militaire de Rennes, a indiqué à l'AFP la préfecture maritime de l'Atlantique. "Les infrastructures sensibles n'ont pas été menacées" par ce survol, a toutefois précisé le capitaine de frégate Guillaume Le Rasle, porte-parole de la préfecture maritime.

"Il est trop tôt pour caractériser" l'origine des drones, a précisé Guillaume Le Rasle. Il a cependant estimé que ces vols au-dessus de la base sous-marine de l'Île Longue avaient "pour objectif d'inquiéter la population".

Aucun drone n'a été abattu ni de pilote identifié lors du survol de la base abritant les sous-marins de la dissuasion nucléaire française, dans la rade de Brest (Finistère), a indiqué vendredi à l'AFP le parquet de Rennes. "Aucun lien avec une ingérence étrangère n'est donc fait", a précisé le procureur Frédéric Teillet, en précisant que les fusiliers marins avaient "procédé à un tir de brouilleur et non pas d'arme à feu".

Pas une première

Les survols de drones dans cette zone interdite ne sont pas rares. Dans la nuit du 17 au 18 novembre, un survol de drone "au-dessus de la presqu’île de Crozon", dont fait partie l’Île Longue, avait été signalé, mais sans survol d’emprise militaire.

Sanctuaire de la dissuasion nucléaire française, la base de l’Île Longue est protégée par 120 gendarmes maritimes en coordination avec les fusiliers marins. La base assure la maintenance des quatre SNLE français, dont l’un au moins est en permanence en mer pour assurer la dissuasion nucléaire.

Les conditions de luminosité étaient particulièrement bonnes jeudi soir au-dessus de la rade de Brest, en raison de la pleine Lune et de son orbite proche de la Terre, un épisode fréquent appelé super Lune. Les signalements de survols de drones se sont multipliés dans des aéroports et autres sites sensibles, dont militaires, ces derniers mois en Europe du nord, les dirigeants de ces pays voyant la main de Moscou derrière ces actions.

© afp.com/FRED TANNEAU

La base navale de l'Ile longue le 5 décembre 2016
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Guerre en Ukraine : Emmanuel Macron appelle à accroître "la pression sur l’économie russe"

Alors que les discussions diplomatiques sur le conflit en Ukraine se poursuivent, Vladimir Poutine n’a montré aucun signe d’assouplissement jeudi 4 décembre, à l’occasion d’un déplacement en Inde. Le président russe a estimé que les négociations en cours étaient "complexes", mais qu’il fallait s’y "engager" plutôt que de les entraver, dans un entretien diffusé par une chaîne de télévision indienne. "Parvenir à un consensus entre des parties en conflit n’est pas chose aisée, mais je crois que le président Trump s’y emploie sincèrement", a-t-il dit selon des propos traduits par India Today. "Je pense que nous devons nous engager dans cet effort plutôt que d’y faire obstruction", a-t-il ajouté, faisant allusion aux Européens que Moscou accuse de vouloir empêcher un accord. Dans une adresse télévisée, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a de son côté assuré que son pays était "prêt à faire face à toute éventualité".

Les infos à retenir

⇒ Emmanuel Macron appelle à accroître "la pression sur l’économie russe"

⇒ Vladimir Poutine dit qu'il va continuer de "livrer du pétrole sans interruption" à l'Inde

⇒ Friedrich Merz en Belgique pour "convaincre" Bart De Wever sur les avoirs russes gelés

De nouvelles discussions entre Ukrainiens et Américains prévues ce vendredi à Miami

De nouveaux entretiens entre Ukrainiens et Américains sont prévus ce vendredi à Miami en Floride pour discuter du plan américain visant à mettre fin à la guerre avec la Russie, a indiqué à l'AFP un responsable à Kiev.

"Oui, une nouvelle réunion est attendue aujourd'hui", a déclaré Oleksandre Bevz, conseiller du chef de la présidence ukrainienne. Il a précisé que le négociateur en chef de Kiev, Roustem Oumerov, était sur place.

Emmanuel Macron appelle à accroître "la pression sur l’économie russe"

Le président français Emmanuel Macron a appelé ce vendredi à maintenir "l’effort de guerre" en faveur de l’Ukraine et accroître "la pression sur l’économie russe", et a plaidé en Chine pour l’unité entre Européens et Américains vis-à-vis de la Russie. "Il faut maintenir l’effort de guerre, poursuivre les pourparlers qui préparent la paix, mais accroître la pression en particulier sur l'économie russe", a dit Emmanuel Macron devant des journalistes.

"L’unité entre les Américains et les Européens sur la question ukrainienne est indispensable", a-t-il ajouté. "Il ne faut surtout céder à aucun esprit de division entre Européens et Américains. Nous avons besoin des États-Unis pour avoir la paix. Les États-Unis d'Amérique ont besoin de nous pour que cette paix soit robuste et durable", a-t-il dit.

Selon l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, Emmanuel Macron, le chancelier allemand Friedrich Merz et d'autres dirigeants européens ont exprimé leur méfiance vis-à-vis de l'administration Trump au moment où celle-ci tente de négocier la fin de la guerre en Ukraine. Le président français n'a pas répondu ce vendredi à la question de savoir s'il avait bien parlé de risque de trahison américaine. Mais il a assuré qu'Européens et Américains étaient "sur la même ligne en matière des garanties de sécurité" que devait obtenir l'Ukraine.

Vladimir Poutine dit qu'il va continuer de "livrer du pétrole sans interruption" à l'Inde

Le président russe Vladimir Poutine, reçu ce vendredi par le Premier ministre indien Narendra Modi, a déclaré que Moscou continuerait "de livrer du pétrole sans interruption" à New Delhi. "La Russie fournit de manière fiable du pétrole, du gaz, du charbon et tout ce qui est nécessaire au développement énergétique de l'Inde", a-t-il expliqué. "Nous sommes prêts à continuer des livraisons sans interruption de pétrole pour l'économie indienne en croissance rapide", s'est-il engagé, alors que le chef du gouvernement indien est sous pression des Etats-Unis pour qu'il cesse ces achats de produits pétroliers russes, en pleine guerre en Ukraine.

Un peu plus tôt devant la presse, Narendra Modi a salué son invité comme un "véritable ami" et s'est montré optimiste sur une résolution pacifique du conflit russo-ukrainien. "Nous devons tous retrouver le chemin de la paix", a-t-il insisté. "Merci pour vos efforts visant à trouver un règlement à cette situation", lui a répondu Vladimir Poutine, louant par ailleurs les relations "profondes historiquement" et "de très grande confiance dans la coopération militaire et technique" entre l’Inde et la Russie.

Friedrich Merz en Belgique pour "convaincre" Bart De Wever sur les avoirs russes gelés

Le chancelier allemand Friedrich Merz se rend ce vendredi en Belgique pour "convaincre" son homologue belge du bien-fondé du plan de la Commission européenne de recourir aux avoirs russes gelés en Europe, a-t-il expliqué jeudi soir. "Je veux discuter […] de la manière dont nous pouvons faire avancer ma proposition, que la Commission a maintenant traduite en textes juridiques", a-t-il souligné lors d’une conférence de presse jeudi soir.

Mercredi, l’exécutif européen a présenté un plan pour financer l’Ukraine sur deux ans, mais l’une des options retenues, un recours aux avoirs russes gelés en Europe, se heurte toujours à l’hostilité de la Belgique. Car c’est dans ce pays qu’est basée la société Euroclear, qui détient quelque 210 milliards d’euros de ces avoirs, sur 235 milliards en tout dans l’UE.

"Je ne veux pas le persuader", a dit Friedrich Merz à propos de son homologue belge, mais "le convaincre que la voie que nous proposons ici est la bonne" pour "aider l’Ukraine". Selon la proposition de la Commission européenne, l’Allemagne "serait l’un des États garants possibles pour une sécurisation correspondante de ces actifs", a-t-il rappelé.

© afp.com/SEBASTIEN BOZON

Le président Emmanuel Macron s'exprime lors d'une réunion, le 28 novembre 2025 à Mirecourt (Vosges)
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Irlande : nouvelle incursion suspecte de drones lors de l’arrivée de Volodymyr Zelensky

Nouvelle alerte de sécurité dans le ciel européen. Tandis que les cas de survols de drones inconnus se multiplient sur le Vieux Continent depuis septembre, un nouvel épisode de ce type a eu lieu en Irlande, en début de semaine. Mais cette fois, l’affaire est évoquée avec encore plus de gravité. La raison ? L’avion du président ukrainien Volodymyr Zelensky, arrivé lundi 1er décembre à Dublin pour y rencontrer les dirigeants du pays, venait d’atterrir à l’aéroport de la capitale irlandaise quand l’incident est survenu.

Des drones sur la trajectoire prévue de l’avion de Zelensky

Que s’est-il passé précisément ? La presse irlandaise révèle que plusieurs drones - quatre ou cinq selon les sources – ont donc été repérés au large de Dublin. Plus inquiétant : comme l’explique le site web local The Journal, ces mystérieux engins ont été détectés dans la zone d’exclusion aérienne mise en place par les autorités du pays pendant la visite de Volodymyr Zelensky. L’avion du dirigeant a atterri en avance vers 23 heures, soit juste avant que les drones ne soient localisés… sur la trajectoire de l’appareil, à l’heure de passage initialement prévue par le plan de vol. Un bateau appartenant à la marine irlandaise, présent dans la zone, a ensuite été à son tour survolé. Le navire n’a pas pu intervenir pour neutraliser les drones.

D’après plusieurs sources interrogées par l’Irish Times, le président ukrainien n’aurait pas été véritablement mis en danger par ces machines. Les autorités s’orienteraient en priorité vers l’hypothèse d’une volonté de perturber le trafic aérien. Toutefois, l’origine inconnue de ces drones interroge. Le lieu de leur lancement demeure flou et aucun débris n’a été retrouvé depuis les faits. D’après les médias irlandais, il s’agirait de modèles de drones militaires, de grande taille et sophistiqués. Signe de la sensibilité du sujet, les forces de sécurité irlandaises n’ont pas souhaité apporter des détails sur les circonstances de l’affaire.

Nombreuses incursions en Europe ces derniers mois

"Le soutien des forces de défense à l’opération de sécurité […] a été déployé avec succès par de multiples moyens, permettant finalement une visite sûre et réussie du président Zelensky en Irlande", a simplement souligné un porte-parole de la défense irlandaise, sans souhaiter commenter davantage les faits. Toujours selon l’Irish Times, une des pistes envisagées pour expliquer l’incident est celle d’une implication des services de sécurité russes. Un tel scénario marquerait une nouvelle étape dans la guerre hybride menée par la Russie vis-à-vis des puissances européennes. D’autres sources relèvent néanmoins auprès du quotidien irlandais qu’aucune preuve n’a pour le moment été apportée pour appuyer cette hypothèse.

Roumanie, Pays-Bas, Allemagne… Depuis le début de l’automne, de nombreux pays européens ont été touchés par des incursions de drones, survolant entre autres des aéroports, des sites sensibles ou des bases militaires. Le mois dernier, la Belgique a fait appel à l’aide de plusieurs alliés – l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni – pour l’assister face aux menaces répétées de ces engins au-dessus de plusieurs installations stratégiques du pays. Mi-septembre, l’aéroport de Copenhague (Danemark) avait également été survolé par des drones inconnus. Paris avait alors dépêché de manière temporaire des militaires pour soutenir le royaume scandinave face à ce danger.

© Paul Faith / POOL / AFP

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, accompagné de son épouse Olena Zelenska, arrivant à l'aéroport de Dublin (Irlande), le 1ᵉʳ décembre 2025.
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Sous-marins nucléaires : menacé par Donald Trump, le pacte Aukus avec l’Australie finalement approuvé

L’Australie peut pousser un soupir de soulagement. Le Pentagone a réaffirmé jeudi 4 décembre l’engagement de Washington dans le pacte militaire Aukus conclu avec Londres et Canberra au détriment de la France, qui prévoit notamment la vente à l’Australie de trois sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire.

Ce pacte avait été signé par Washington en 2021, sous l’administration de Joe Biden, avec le Royaume-Uni et l’Australie afin de chercher à juguler l’influence de la Chine dans le Pacifique. L’administration du président Donald Trump a toutefois demandé en juin un réexamen de l’accord, déclenchant des inquiétudes côté australien.

Au terme de cinq mois d’examen, le Pentagone a conclu que le pacte était "en accord avec la politique 'Amérique d’abord' du président Trump", a déclaré jeudi le porte-parole du Pentagone Sean Parnell dans un communiqué. "Conformément aux directives du président Trump selon lesquelles Aukus doit progresser 'à plein régime', le passage en revue a identifié des opportunités pour placer Aukus sur les bases les plus solides possibles", a-t-il ajouté, sans donner plus de précisions.

Défis techniques

Selon Joe Courtney, élu du Connecticut particulièrement impliqué dans ce dossier, l’examen a permis de vérifier que "ce plan s’accorde avec la défense des intérêts de notre pays en termes de sécurité nationale". "Il est important de noter que l’accord Aukus de 2021 a survécu à trois changements de gouvernement dans les trois pays et reste toujours solide", a-t-il souligné dans un communiqué.

Le projet présente toutefois de grands défis techniques. Le ministre américain de la Défense Pete Hegseth a reconnu un "fossé" entre les capacités de production actuelles et celles requises pour mener à bien et à temps la construction, aux Etats-Unis, des sous-marins. "La vente de trois sous-marins de classe Virginia à partir de 2032" n’est toutefois pas remise en question, estime Joe Courtney, pour qui le Congrès va soutenir les chantiers navals américains chargés de la construction.

Coup de poignard dans le dos français

A Canberra, le ministre de l’Industrie de la défense, Pat Conroy, s’est déclaré vendredi satisfait des conclusions américaines. L’Australie suivra "ses conclusions et ses recommandations pour améliorer encore davantage Aukus", a-t-il assuré, relevant qu’il appartenait à Washington de décider de publier ou pas le document.

L’annonce de ce pacte en 2021 avait été vécue à Paris comme un coup de poignard dans le dos car il avait vu Canberra annuler brutalement un mégacontrat avec la France pour des sous-marins conventionnels. Celui-ci portait sur la construction de 12 sous-marins conventionnels français qui auraient été construits en Australie.

Aukus prévoit, en plus de la livraison des sous-marins nucléaires d’attaque de classe Virginia, la fourniture à partir de 2040 d’une flotte de sous-marins furtifs également à propulsion nucléaire, pour un coût total d’environ 235 milliards de dollars sur 30 ans. Le contrat annulé aux dépens du français Naval Group aurait coûté quatre fois moins cher.

© afp.com/COLIN MURTY

Le sous-marin nucléaire d'attaque rapide USS Minnesota de la marine américaine, de classe Virginia, navigue au large des côtes de l'Australie occidentale, le 16 mars 2025
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"Ils se jouent de nous" : face aux pourparlers russo-américains, la grande méfiance des Européens

Ces pourparlers vont-ils vraiment aboutir ? Les États-Unis se montrent proactifs ces dernières semaines pour tenter de mettre un terme à la guerre en Ukraine, menée par le Kremlin depuis désormais près de quatre ans. Après le déplacement en Russie de Steve Witkoff et Jared Kushner, les émissaires de Donald Trump, plus tôt dans la semaine, de nouvelles discussions doivent avoir lieu entre les parties américaine et ukrainienne ce vendredi 5 décembre, en Floride (États-Unis), précise le Wall Street Journal. Mi-novembre, l’administration du président républicain avait également présenté un plan de paix en 28 points, sur le modèle de celui signé au Proche-Orient, comme cadre de ces négociations. Cette proposition reprenait un certain nombre de revendications de Moscou, ce qui avait suscité l’inquiétude des Européens.

Préoccupations européennes

Laissés à l’écart des échanges, les dirigeants des États du Vieux Continent n’ont pas vu leurs doutes se tarir à la lumière des derniers développements. Au contraire : leur méfiance à l’égard du pouvoir américain sur le dossier ukrainien a rarement paru aussi grande. Ce jeudi, le quotidien allemand Der Spiegel a révélé une série de notes secrètes, issues d’une réunion par téléphone de plusieurs chefs d’État et de gouvernement européens. Les principales puissances des 27 étaient représentées lors de cet appel, tenu lundi. Ces échanges traduisent de vives préoccupations vis-à-vis du cadre diplomatique imposé par Washington pour mener les tractations avec Kiev et Moscou.

Le président français Emmanuel Macron, le chancelier allemand Friedrich Merz, la Première ministre italienne Giorgia Meloni, le Premier ministre polonais Donald Tusk, le président finlandais Alexander Stubb, le secrétaire général de l’Otan Mark Rutte ou encore la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen participaient à l’appel. C’est aussi le cas de la Première ministre danoise Mette Frederiksen, du Premier ministre norvégien Jonas Gahr Støre et du président du Conseil européen, Antonio Costa. Tous faisaient face au président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Les propos exprimés lors de cette réunion avaient vocation à rester confidentiels.

"Nous ne pouvons pas laisser l’Ukraine seule avec ces types"

D’après Der Spiegel, Friedrich Merz se serait montré particulièrement suspicieux à l’égard de Washington. Les Américains "se jouent de vous et de nous", a-t-il lancé au dirigeant ukrainien, l’appelant à "faire très attention dans les prochains jours". Le profil des négociateurs américains, Steve Witkoff en tête, a de quoi susciter des craintes dans le camp européen. "Nous ne pouvons pas laisser l’Ukraine et Volodymyr seuls avec ces types", a abondé Alexander Stubb, toujours selon le journal allemand. Le Finlandais constitue pourtant l’un des rares dirigeants d’un pays de l’UE qui trouve grâce aux yeux de Donald Trump, avec qui il a déjà partagé une partie de golf. Mark Rutte a pour sa part exhorté les Européens à "protéger" le président ukrainien.

Emmanuel Macron, lui, aurait évoqué lors de cet appel "le risque" selon lequel les États-Unis pourraient "trahir" l’Ukraine "sur la question des territoires sans qu’il y ait de garantie claire en matière de sécurité". "Nous avons notre propre compte-rendu de cet échange, dans lequel ce mot ne figure pas", a néanmoins démenti l’Élysée, interrogé par l’AFP. "Le président de la République a fait connaître publiquement sa position sur les négociations en cours entre Russie et les États-Unis, qui n’est pas différente en privé." Hormis cette mise au point, le reste des capitales européennes n’a pas souhaité réagir aux fuites publiées par le prestigieux média allemand. Silence radio, également, du côté américain.

© afp.com/Ludovic MARIN

Le Premier ministre polonais Donald Tusk, le chancelier allemand Friedrich Merz et le président français Emmanuel Macron, lors d'un sommet à Tirana (Albanie), le 16 mai 2025.
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