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Fin du vaccin contre l'hépatite B aux Etats-Unis ? Ce que préconisent les autres pays

"Le calendrier vaccinal américain est devenu excessif", a lancé Donald Trump vendredi 5 décembre dans un message sur Truth Social. Selon lui, les nourrissons en parfaite santé se voient imposer 72 doses, un nombre bien plus élevé que dans n’importe quel autre pays. "C’est ridicule !" a-t-il ajouté, soulignant que parents et scientifiques avaient depuis longtemps soulevé des doutes sur l’efficacité de ce calendrier. Le républicain n’a pas précisé comment il comptait ces injections, mais il semble avoir inclus chaque dose des vaccins combinés ainsi que les vaccins saisonniers effectués tout au long de l’enfance. Aux Etats-Unis, la vaccination couvre 17 maladies, nettement plus que dans la plupart des autres pays développés.

Pour y remédier, le président a annoncé la création d’un nouveau calendrier vaccinal après qu'une partie des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), dirigé par Robert F. Kennedy Jr., ait souligné les divergences entre les calendriers de différents pays. Cette décision suit la levée de la recommandation du CDC concernant le vaccin contre l’hépatite B à la naissance : vendredi, ces experts ont décidé de cesser de recommander le vaccin contre l'hépatite B aux nouveau-nés. Une réunion du comité avait notamment mis en lumière le calendrier danois, où l’hépatite B n’est administrée qu’aux nourrissons à risque.

Le Danemark pris comme exemple

Ce n'est pas la première fois que le Danemark est cité par Washington comme un exemple sur le sujet des vaccinations. La Maison-Blanche y avait déjà fait référence dans une note d'information rédigée, sous la directive du chantre du MAGA, qui visait à comparer les approches adoptées dans des "pays développés comparables". Au Danemark, les femmes enceintes sont systématiquement testées pour l’hépatite B. Seuls les bébés exposés reçoivent le vaccin et une injection d’immunoglobuline pour protéger immédiatement leur système immunitaire. Des rappels sont programmés à 1, 2 et 12 mois. Au total, le calendrier danois couvre 10 maladies. Les vaccins contre la varicelle, la grippe ou le VRS ne sont pas systématiques. Résultat : seulement 108 cas d’hépatite B en 2023.

Mais comme l'explique Flor Muñoz, spécialiste en maladies infectieuses, au Washington Post, "il est inutile de calquer le modèle danois sur les Etats-Unis". Et pour cause, contrairement au Danemark, outre-Atlantique, environ une femme enceinte sur cinq n'est pas testée pour le virus selon un rapport du Vaccine Integrity Project.

La vaccination souvent visée par l'administration Trump

En Australie, le calendrier couvre 16 maladies pour les enfants et les adolescents. Le vaccin contre le VRS n’est administré qu’une seule fois aux futures mères, entre la 28e et la 36e semaine de grossesse, tandis que les nourrissons reçoivent le vaccin contre l’hépatite B dans les sept jours suivant leur naissance.

Le Royaume-Uni adopte une approche similaire : 15 maladies couvertes, avec un calendrier progressif. Les bébés reçoivent le vaccin combiné 6-en-1 à 2 mois, puis des rappels à 3 et 4 mois. Celui contre l’hépatite B n’est donné à la naissance qu’aux nourrissons dont la mère est infectée. Sinon, la vaccination est réservée aux enfants exposés à un risque élevé. Le vaccin contre le VRS n’est proposé aux femmes enceintes qu’après 28 semaines, et la vaccination contre l’hépatite A est ciblée en fonction du foyer.

Au Canada, les nourrissons reçoivent le vaccin combiné 6-en-1 ou le vaccin monovalent contre l’hépatite B à 2, 4 et 6 mois, avec des rappels entre 12 et 23 mois. Les enfants à risque ou prématurés peuvent recevoir des doses supplémentaires, jusqu’à quatre injections pour certains cas. Selon les populations, le calendrier couvre 16 ou 17 maladies.

Ce n'est pas la première fois que l'administration Trump s'attaque ouvertement à la vaccination. Robert F. Kennedy Jr. se plaît régulièrement à dénoncer un "calendrier vaccinal explosif", qu’il lie à l’augmentation de maladies chroniques, d’autisme et d’allergies alimentaires. Une position qui va à l’encontre du consensus scientifique. Le comité du CDC a déjà révisé ses recommandations sur le vaccin contre le Covid et la combinaison RORV (rougeole, oreillon, rubéole, varicelle, NDLR), décalant son administration à 4 ans.

© afp.com/Jim WATSON

Le président américain Donald Trump entouré du ministre américain de la Santé Robert F. Kennedy Jr. (droite) et de Jayanta Bhattacharya (gauche), directeur de l'organisme chargé de la recherche médicale (NIH) à la Maison Blanche, le 12 mai 2025.
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Dans les tunnels de Gaza, une guerre souterraine ralentit le processus de paix

A l’est de Rafah, les soldats israéliens progressent mètre après mètre dans un labyrinthe souterrain. L’armée poursuit un travail méthodique : repérer, ouvrir et détruire les tunnels où les hommes du Hamas sont retranchés depuis le début du cessez-le-feu. Des foreuses géantes creusent le sol, les tunnels sont minés, parfois inondés par les troupes israéliennes pour pousser les combattants à sortir. Selon Israël, ses soldats se rapprochent peu à peu des derniers groupes, et plus de quarante d’entre eux auraient été tués ces derniers jours.

Ces opérations se déroulent alors qu’une trêve tient péniblement à la surface, perturbée par des échanges de tirs presque quotidiens. Le cessez-le-feu négocié par Washington en octobre avait laissé ces combattants du Hamas du mauvais côté de la ligne de séparation, enfermés dans un réseau souterrain où les affrontements continuent sans interruption.

Alors que sous terre la situation n’évolue pas, Benyamin Netanyahou a affirmé dimanche 7 décembre vouloir passer "très bientôt" à la deuxième phase de l’accord et prépare une nouvelle rencontre avec Donald Trump en décembre.

Entre 60 et 80 soldats bloqués, selon le Hamas

Dans les tunnels, la situation humanitaire est de plus en plus critique. L’eau et la nourriture s’amenuisent selon des responsables des services de renseignement arabes et de l’armée israélienne, cités par le Wall Street Journal. Au début de la trêve, Israël estimait qu’entre 100 et 200 combattants du Hamas étaient encore retranchés sous Rafah. Le Hamas affirme aujourd’hui qu’il en resterait entre 60 et 80.

Ces hommes sont désormais face à un dilemme : rester dans les tunnels, où ils sont susceptibles d’être tués par l’armée israélienne, ou tenter de fuir en direction du territoire contrôlé par le Hamas, au risque d’être repérés avant d’y parvenir. Ces dernières semaines, plus de 40 d’entre eux ont été tués par les troupes israéliennes. Quelques-uns ont été arrêtés vivants.

Mais les opérations sont dangereuses pour les soldats israéliens eux-mêmes : des combattants peuvent surgir par surprise des tunnels. Ce mercredi 3 décembre, quatre militaires israéliens ont été blessés lorsque plusieurs hommes du Hamas sont soudainement sortis d’un passage et ont tiré sur un véhicule blindé.

Depuis le mois de mai, Israël a donc décidé de resserrer l’étau. L’objectif : détruire complètement le réseau souterrain utilisé par le Hamas depuis le début de la guerre. Des responsables militaires expliquent au Wall Street Journal que la stratégie consiste à isoler les tunnels les uns des autres. Cela empêche ainsi les combattants de se déplacer et réduit leur capacité à s’organiser.

Se rendre ou être tué

Le sort des combattants coincés sous Rafah est désormais au centre des discussions diplomatiques sur la suite du cessez-le-feu. Le Hamas tente d’obtenir un accord qui permettrait à ses hommes de rejoindre son territoire sans être tués. Une demande à laquelle a répondu Israël en promettant que si les soldats se rendaient, ceux-ci ne seraient pas abattus. Mais le Hamas s’oppose fermement à cette idée. Un haut responsable du mouvement, Hossam Badran, a déclaré dans un communiqué que les hommes ne poseront jamais leurs armes et ne se rendront pas "à l’occupation".

L’accord de trêve lui-même exigeait du Hamas qu’il se désarme et renonce à tout rôle dans la gouvernance de Gaza. Des lignes rouges que le mouvement refuse d’accepter. Mercredi 3 décembre, Donald Trump a annoncé qu’une nouvelle phase du processus de paix se profilait, incluant la création d’institutions civiles et sécuritaires pour remplacer le Hamas et préparer la reconstruction. Washington espérait que la gestion du sort des combattants piégés à Rafah offrirait un modèle de désarmement progressif. Mais l’inverse se produit : l’impasse actuelle refroidit les capitales arabes et occidentales, peu disposées à financer la reconstruction ou déployer des forces alors que les combats persistent et que le Hamas refuse toute concession.

Les discussions avaient pourtant commencé dès les premiers jours du cessez-le-feu. Les Etats-Unis avaient même suggéré de laisser sortir les combattants par l’intermédiaire de la Croix-Rouge. Israël s’était montré ouvert à cette proposition, mais exigeait qu’ils abandonnent leurs armes et conditionnait cette évacuation à la restitution d’autres dépouilles d’otages. Une position immédiatement critiquée par des élus israéliens, poussant Benyamin Netanyahou à durcir on ne peut plus son discours : désormais, martèle-t-il, ces hommes devront se rendre ou être tués.

© afp.com/Bashar TALEB

Des combattants armés et cagoulés du Hamas transportent un corps retrouvé dans un tunnel au nord de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 28 octobre 2025.
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Financement de l’Ukraine : l’Europe doit rapidement sortir de sa frilosité

La diplomatie européenne ne sait plus où donner de la tête. Trois jours après la publication par Washington de sa "stratégie de sécurité nationale", dans laquelle la Maison-Blanche prononce son divorce avec l'Europe, les dirigeants français, britannique, allemand et ukrainien ont tenté, ce lundi 8 décembre à Londres, de coordonner leur position dans les négociations de paix en cours. En marge de ces tractations, ils ont pu évoquer un autre dossier clé qui ne leur donne pas moins de maux de tête : celui des avoirs russes gelés.

Retour en arrière. Le 3 décembre, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, a dévoilé son grand plan visant à assurer le financement de l’Ukraine pendant les deux prochaines années. Problème, parmi les deux options retenues, celle d’un "prêt de réparation" de quelque 137 milliards d’euros à Kiev, garanti par les avoirs russes gelés, se heurte à l’opposition farouche de la Belgique, où dort la majeure partie de ces fonds (la société belge Euroclear détient 210 milliards d’euros, dont 185 mobilisables). Sa crainte ? Devoir faire face seule à des représailles russes et un éventuel remboursement.

Dans une ultime tentative de sauver ce plan, le chancelier allemand Friedrich Merz s'est rendu en urgence en Belgique dans la soirée du vendredi 5 décembre pour un dîner avec son Premier ministre Bart De Wever. L'objectif : tenter de le convaincre de ne plus freiner des quatre fers.

Risque de débâcle

Depuis, l’affaire tourne à l’épreuve de force. Qui en sortira vainqueur ? Réponse lors du prochain Conseil européen, les 18 et 19 décembre prochains. Faute de parvenir à s’entendre, ce qui devait être une démonstration de force des Européens pourrait se transformer en terrible débâcle.

Le risque est bien réel. Lors du dernier sommet à Bruxelles en octobre dernier, les Vingt-Sept avaient déjà échoué à parvenir à un accord sur fond des mêmes réticences belges. Toute l’ingénierie juridique et financière déployée par la Commission, comme les garanties proposées à la Belgique depuis lors n’y ont rien changé. La proposition "ne répond pas à nos inquiétudes", a martelé mercredi son chef de la diplomatie Maxime Prévot.

Pendant ce temps, l’Ukraine - qui réclame à cor et à cri une utilisation des avoirs russes gelés depuis 2022 - continue de brûler. Et les options de secours sont minces. La seconde proposition, moins ambitieuse, proposée par la Commission consiste en un emprunt commun au profit de Kiev. Mais il sera difficile d'avoir l'unanimité dans un contexte de rigueur budgétaire, certains Etats membres comme la Hongrie de Viktor Orban s'opposant même frontalement à toute aide supplémentaire à l'Ukraine.

"Moment crucial et décisif pour l’Europe"

Pourtant, il y a urgence. Les dépenses de l'Etat ukrainien ne sont couvertes que jusqu'en mars 2026. Ensuite "si l’Europe échoue à fournir ce soutien financier, ce sera un immense signal de faiblesse envoyé à la Russie, ajoute Nigel Gould-Davies, ancien ambassadeur britannique en Biélorussie aujourd’hui chercheur à l’International Institute for Strategic Studies. In fine, elle pourrait n’en devenir que plus agressive." A l’inverse, doter l’Ukraine d’un financement stable et pérenne enverrait un solide message de détermination au Kremlin, tout en éloignant le spectre d’une victoire rapide pour les Russes.

L'occasion aussi pour les Européens de reprendre la main dans ces pourparlers dont ils ont été largement exclus jusqu’à présent. Le sujet est d’autant plus prioritaire que l’administration américaine lorgne elle aussi sur les actifs russes. Dans son plan en 28 points négocié avec Moscou, Washington envisage de capter 100 milliards de dollars d’avoirs gelés pour participer à la reconstruction de l’Ukraine.

A trop tergiverser, les Vingt-Sept prennent le risque que le match continue de se jouer sans eux. "C’est un moment crucial et décisif pour l’Europe, résume l’ancien ambassadeur Nigel Gould-Davies. Une défaite de l'Ukraine serait infiniment plus coûteuse pour les Européens que les efforts qui leur sont actuellement demandés." Pour les Européens, il est impératif de changer de logiciel.

© afp.com/Adrian DENNIS

Le chancelier allemand Friedrich Merz, le Premier ministre britannique Keir Starmer, le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le président français Emmanuel Macron lors d'une rencontre au 10 Downing Street, le 8 décembre 2025 à Londres.
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Bydgoszcz, la capitale polonaise de l’Otan qui se prépare à faire face à la Russie

"Bydgoszcz". Pour beaucoup, ce nom de ville à seulement deux voyelles peut sembler bien exotique. Voire faire sourire. Mais les initiés aux enjeux de sécurité euroatlantique le savent : cette métropole située au centre de la Pologne est l’un des cœurs discrets mais stratégiques de la transformation de l’Otan.

A première vue, rien ne le laisse deviner. Emmitouflées dans des manteaux épais et coiffées de bonnets, les familles flânent paisiblement le long des artères rectilignes du centre-ville, héritage de l’occupation prussienne des siècles passés. Ici et là, des bâtisses en brique rouge et des clochers aux contours dorés donnent du relief à la trame urbaine, entre les immeubles néorenaissance et art nouveau, en passant par les constructions brutalistes des quartiers périphériques.

"Nous sommes une ville industrielle, longtemps perçue comme grise et quelconque. Aujourd’hui, nous sommes devenus un lieu où il fait bon vivre", se targue Rafal Bruski, le maire, observant du coin de l'œil, par la fenêtre, l’installation du marché de Noël sur le parvis de l’hôtel de ville. Chargé d’administrer plus de 300 000 habitants, l’édile est en poste depuis quinze ans. Et il admet d’emblée : au-delà des fonds européens, la ville doit son développement à son rôle névralgique pour l’Alliance Atlantique. "La présence de forces otaniennes sur place façonne Bydgoszcz depuis plus de 20 ans, relate le maire. Cela explique les investissements accrus dans les routes, les hôpitaux et l’infrastructure aéroportuaire".

"Faire face à n’importe quel type de conflit"

A moins de deux kilomètres de l’hôtel de ville, sur le côté d’une large route de bitume empruntée par des centaines d’automobilistes chaque jour, la ville héberge depuis 2004 le seul centre d’entraînement de l’Otan en Europe centrale et orientale : le Joint Forces Training Center (JFTC). D’extérieur, le site paraît banal. Des immeubles d’habitation à proximité immédiate, un arrêt de bus qui dessert les riverains, et un hypermarché de l’autre côté de la chaussée. Mais les grillages surmontés de barbelés, les caméras de surveillance, et le garde en uniforme ne laissent aucun doute : c’est bien ici que se trouve l’un des points cardinaux de la préparation opérationnelle de l’Otan.

Une fois passés les contrôles de sécurité, le complexe, composé de plusieurs bâtiments bas aux couleurs pâles, est égayé par les drapeaux des 32 pays membres de l’Otan qui surplombent la cour centrale. Les soldats en treillis déambulent, badge national flanqué sur leurs épaules. Aucun appareil électronique n’est évidemment autorisé lorsque l’on pénètre dans le bureau du général Rycerski, qui dirige le centre. "Sur le plan tactique, nous sommes prêts à faire face à n’importe quel type de conflit, assure le gradé. Installé dans son fauteuil en cuir, il explique que sa structure forme le commandement des membres de l’Alliance à la guerre de demain : "Nous sommes une plateforme d’expérimentation pour nos nouveaux concepts et nos technologies disruptives".

La Russie au cœur des wargames

Avec environ 170 soldats issus d’une vingtaine de pays en période creuse, l’enceinte accueille jusqu’à 3 000 militaires lors de ses entraînements les plus importants. Appelés "CWIX", ils réunissent pendant plusieurs semaines des participants venus d’une quarantaine de nations différentes, rivés aux écrans d’ordinateur dans les salles à disposition et même au-delà : d’immenses tentes pouvant contenir 500 personnes chacune sont installées temporairement pour pouvoir accueillir tout le contingent pendant la période. "L’objectif est de tester nos standards en matière d’interopérabilité digitale" énonce le général. Autrement dit, il s’agit de vérifier le niveau d’intégration entre les différents systèmes utilisés par les membres de l’Otan.

Autre levier important dans la formation des chaînes de commandement de l’Alliance : la conduite de "wargames", durant lesquels deux équipes s’affrontent virtuellement. Sans surprise, la Russie est la menace inspirant la grande majorité des scénarios en place. "Les données venant du front ukrainien, de notre déploiement terrestre le long du flanc oriental, des missions de police de l’air et liées aux menaces hybrides sont utilisées", liste le général Rycerski. "Nous vérifions la capacité des soldats à prendre les bonnes décisions suivant différentes dynamiques de conflit, en introduisant des contraintes temporelles et des dilemmes complexes". Dans les prochains mois, l’intelligence artificielle est censée venir enrichir ces scénarios et augmenter les capacités de décision des soldats.

Quelques mètres plus bas, à un autre étage de l’édifice, le Battle Lab abrite une dizaine d’écrans géants et une trentaine d’ordinateurs. C’est entre ces quatre murs que les logiciels de simulation sont enrichis. "Nous ajoutons des difficultés logistiques de manière plus réaliste, notamment la nécessité de réapprovisionner les ressources après une attaque contre un convoi ou la gestion de véhicules immobilisés" révèle Tomasz Rogula, chef de la section Développement de concepts et Expérimentation. "A partir de l’année prochaine, les soldats exploiteront des vues de drones de manière bien plus systématique" ajoute-t-il avec gravité.

Les leçons du front ukrainien

Si le JFTC est l’épicentre de l’activité otanienne à Bydgoszcz, cette dernière est la pièce maîtresse d’un puzzle plus vaste : la ville comporte cinq autres unités de l’Alliance. L’une d’elles, le 3rd NATO Signal Battalion, contribue à ce que les communications des forces soient sûres et fiables. "Si les systèmes de communication et d’information ne fonctionnent pas, vous n’êtes plus en mesure de contrôler vos forces" rappelle le lieutenant-colonel Pavel Matuszek, en charge du commandement de cette unité de 500 personnes. Ses hommes sont notamment mobilisés pour sécuriser les communications entre l’Otan et l’Ukraine, dont certaines sont menées depuis la base de Wiesbaden, en Allemagne, et le centre logistique de Rzeszow, en Pologne. "Nous contribuons aussi, 24h/24 et 7 j/7, à la lutte contre les cyberattaques pouvant perturber les systèmes" complète-t-il."Alors que les enseignements tirés du théâtre ukrainien infusent déjà les états-majors de l’Alliance, l’enjeu est désormais qu’ils soient adaptés plus rapidement.

En février dernier, un tournant a été franchi :" la première structure de coopération civile et militaire liant l’Otan à l’Ukraine a été inaugurée ici, venant densifier l’écosystème stratégique de Bydgoszcz. L’une des missions principales de ce nouveau centre, le Joint Analysis, Training and Education Centre (Jatec), est de transmettre les leçons du front ukrainien au commandement de l’Otan pour transformer durablement l’organisation. "La guerre qui se déroule à nos portes […] nous oblige à apprendre chaque jour, à nous adapter sans relâche", déclarait lors du lancement de JATEC l’amiral Pierre Vandier, chargé, en tant que Commandant Suprême Allié pour la Transformation de l’Otan, d’anticiper la préparation de l’Alliance à horizon vingt ans.

Neuf mois se sont écoulés depuis l’ouverture de Jatec. Et l’urgence d’agir vite, collectivement, se fait ressentir. "Sommes-nous prêts à nous battre si la guerre éclate demain ?", interroge Piotr Wojtas, le porte-parole du centre, tout en montant les marches de l’édifice au trot. "Il ne s’agit plus de tenir une ligne de front autour de tranchées, mais d’épargner de véritable 'zone de destruction' large de plusieurs kilomètres, dans lesquelles les drones s’infiltrent." pointe-t-il. "Pour y faire face, l’Ukraine raisonne bottom-up : dès qu’une solution prouve son efficacité sur le terrain, elle est déployée à grande échelle en six semaines", poursuit-il avec admiration. Jatec entend s’inspirer de cette approche via le NATO Innovation Challenge, dont le principe est simple : un besoin identifié sur le front ukrainien est présenté aux start-up issues des pays de l’Alliance, qui sont invitées à y répondre, et les projets les plus prometteurs sont ensuite présentés aux militaires, qu’il s’agisse de technologies antidrones ou de solutions d’évacuation médicale.

La menace des drones

"Mes équipes et moi avons ardemment milité pour obtenir l’ouverture de Jatec en Pologne", confie Tomasz Szatkowski, ambassadeur polonais auprès de l’Otan de 2019 à 2024. Un succès politique qu’il est nécessaire d’exploiter davantage, estime cet ancien diplomate, aujourd’hui affilié au Centre for Security, Diplomacy and Strategy, un think tank bruxellois. Le contexte est propice : l’incursion récente de drones russes dans l’espace aérien allié, dont celui de la Pologne, suscite de vifs débats dans la région, tant l’utilisation de chasseurs ultramodernes, tels que les F-35, pour neutraliser une vingtaine d’engins sans pilote peu onéreux, semble intenable. "Les recommandations de Jatec doivent désormais se traduire par un impact structurel au sein de l’Otan, et a fortiori du ministère de la Défense polonais", exhorte l’expert.

Une chose est sûre : la présence militaire de l’Otan ne passe pas inaperçue à Bydgoszcz. "Les hôtels sont pleins à craquer avec un an d’avance au mois de juin, pendant les jours de formation les plus importants", sourit une employée du kiosque de la gare. Tout au long de l’année, par ailleurs, quelques centaines de soldats sont installés à Bydgoszcz pour des contrats trisannuels, souvent accompagnés de leur famille. Leurs enfants bénéficient d’une place à l’Ecole Internationale de Bydgoszcz, un établissement anglophone allant du primaire au Baccalauréat international. Dans ses couloirs aux couleurs vives, 370 élèves se croisent chaque jour. "Plus d’un tiers sont des enfants du personnel de l’Otan", précise la directrice, Imislawa Bugeja, en guidant la visite.

L’heure des cours est passée, mais l’établissement bruisse encore d’activité : les plus grands s’affairent dans la salle de biologie en blouses blanches, d’autres suivent un cours de français, certains s’entraînent au judo dans un gymnase flambant neuf, tandis que les plus jeunes se regroupent devant un dessin animé. Les élèves travaillent selon des méthodes adaptées à leur profil - visuel, écrit, auditif - et la relation avec les enseignants est personnalisée. "Les exercices d’évacuation incendie peuvent être éprouvants pour certains élèves, notamment les enfants ukrainiens qui ont connu la guerre", dit-elle. Par mesure de sécurité, le site est surveillé en permanence, tandis que le personnel enseignant est constamment formé aux procédures de confinement en cas d’attaque.

"Bydgoszcz est une cible de choix"

Car la lumière apporte toujours son lot d’ombres. En juin, l’Agence de sécurité intérieure a arrêté dans la ville un espion de nationalité polonaise qui travaillait pour le compte de la Russie. Loin d’être une première. "Au vu des informations qui circulent ici, Bydgoszcz est une cible de choix pour les services de renseignement étrangers", confirme Kamila Sierzputowska, professeure en sécurité internationale à l’Université Kazimierz Wielki. Le maire, lui, préfère positiver : "Plus notre ville est jugée stratégique, plus le niveau de sûreté est élevé", veut croire Rafal Bruski.

Pour ce dernier, il est hors de question de se laisser déstabiliser par le spectre de Moscou. Tandis que la guerre fait toujours rage aux portes de la Pologne, la confiance des Polonais dans l’Alliance a progressé par rapport à l’an dernier, atteignant 75,7 %. Ce sentiment est particulièrement palpable ici. "Notre pique-nique annuel présentant le matériel militaire et les différents régiments a rassemblé 15 000 visiteurs sur une seule journée, se réjouit le maire, Rafal Bruski. Et ce n’est pas près de s’arrêter !"

Et pour cause : le site du JFTC doit accueillir dans les prochaines années un nouvel édifice capable d’accueillir 30O soldats supplémentaires, tandis que Jatec, l’institution Otan-Ukraine, devrait elle aussi voir ses effectifs consolidés d’ici l’été 2026. Bref, Bydgoszcz, la "capitale polonaise de l’Otan" semble promise à faire parler d’elle bien au-delà des frontières nationales. Il n’est pas trop tard pour apprendre à épeler son nom.

© NurPhoto via AFP

Dans la ville polonaise de Bydgoszcz, des soldats de l'Otan célèbrent le 20e anniversaire de l'entrée du pays au sein de l'Alliance atlantique, en 2019.
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Un an après le rapport Draghi, l’attractivité de l’Europe toujours en berne

Un certain désenchantement. Un an après le rapport Draghi qui préconisait la mise en place urgente d’un ensemble de mesures à même de redonner de la compétitivité à l’Europe, les patrons européens estiment que le compte n’y est pas, selon le sondage bi-annuel de la Table ronde des industriels européens, un lobby regroupant une soixantaine de PDG de grandes entreprises européennes, fondé en 1983. Le climat est morose, mais légèrement moins qu’il y a quelques mois : l’indice de confiance des PDG envers l’Europe est remonté à 44 %, après être descendu à 27 % au printemps. Il demeure toutefois sous la barre des 50 % pour la troisième fois de suite, ce qui n’était jamais arrivé depuis la mise en place du sondage, en 2017.

L’un des principaux enseignements du sondage tient surtout au décrochage du Vieux Continent, qui perd du terrain sur le plan de l’attractivité au profit des Etats-Unis. Le chiffre est édifiant : seuls 8 % des PDG interrogés ont prévu d’augmenter leurs investissements en Europe par rapport à ce qu’ils projetaient six mois en arrière. 24 % pensent au contraire les baisser, et 45 % les augmenter aux Etats-Unis.

Simplifier les normes, une priorité largement partagée

Voilà un an de cela, le rapport Draghi avait suscité une adhésion massive des PDG européens, qui assuraient pour 80 % d’entre eux que si ses recommandations devenaient réalité, ils investiraient davantage en Europe qu’ailleurs. Aujourd’hui, 76 % d’entre eux jugent que celles-ci sont restées lettres mortes, notamment dans les domaines clés que sont la simplification réglementaire, la réforme des politiques de concurrence et le coût de l’énergie. La simplification des normes recueille la quasi-totalité de leurs suffrages (90 % y sont favorables), tandis qu’une majorité juge essentiel de protéger les industries stratégiques et de revoir la législation afin d’accélérer l’adoption de l’IA et des technologies de pointe.

"Les résultats de cette dernière enquête mettent en évidence les problèmes souvent reprochés à Bruxelles : un manque de rapidité et d’attention à l’intérêt collectif européen", estime Anthony Gooch Gálvez, le secrétaire général de la Table ronde des industriels européens. […] compte tenu de la situation géopolitique et économique actuelle, l’Europe n’a pas de temps à perdre pour restaurer sa compétitivité et sa prospérité. […]. Aucun pays de l’Union européenne ne peut à lui seul faire face au climat géopolitique et économique actuel. Et le modèle européen ne pourra être maintenu que si, en tant que communauté, nous renouons avec la croissance économique."

Les institutions de l’UE, à cet égard, sont jugées sévèrement par les sondés, et notamment la Commission, qui déçoit 60 % d’entre eux. Mais les instances étatiques sont bien loin de les consoler, 74 % d’entre eux les estimant également en deça de leurs attentes. A cet égard, la situation de la France, qui tente depuis des mois d’adopter un budget sur fond d’instabilité gouvernementale, ne doit guère les rassurer.

© Justin Metz

Les recommandations de Mario Draghi, l'ancien président de la Banque centrale européenne, n'ont pas été suffisamment suivies d'effets.
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Syrie : en exil, d’anciens proches de Bachar el-Assad complotent contre le nouveau gouvernement

Un an après la chute de Bachar el-Assad en Syrie, une enquête de Reuters dévoile que d’anciens proches de l’ancien dictateur, exilés en Russie depuis sa chute et désireux de retrouver une influence perdue, fomenteraient chacun de leur côté des soulèvements contre le nouveau gouvernement de Syrie. Ils auraient pour cela dépensé des millions de dollars, notamment pour financer des combattants.

Il s’agit de l’ancien chef des services secrets, Kamal Hassan, et du cousin de Bachar el-Assad, Rami Makhlouf. Selon Reuters, les deux hommes se disputent également "le contrôle d’un réseau de 14 salles de commandement souterraines remplies d’armes et de munitions, construites dans les derniers jours de la dictature". Deux officiers et un gouverneur régional syrien ont confirmé l’existence de ces salles à l’agence britannique, qui a par ailleurs recueilli le témoignage de 48 personnes sous couvert d’anonymat, examiné des documents financiers et opérationnels, ainsi que des messages vocaux et écrits.

Après sa chute, Bachar el-Assad s’est enfui en Russie en décembre 2024, où selon quatre personnes proches de la famille contactées par l’agence de presse, il se serait "largement résigné à l’exil à Moscou". "Mais d’autres personnalités de son entourage proche, dont son frère, n’ont pas accepté de perdre le pouvoir" au profit du nouveau gouvernement dirigé par Ahmed al-Charaa.

Kamal Hassan et Rami Makhlouf cherchent ainsi à former des milices sur la côte syrienne et au Liban, composées "de membres de la secte minoritaire alaouite, longtemps associée à la famille el-Assad". Ils sont aidés, affirme Reuters, par des adjoints depuis la Russie, le Liban et les Émirats arabes unis. Les Alaouites sont une minorité musulmane qui représente environ 10 % de la population syrienne. Plusieurs commandants anonymes ont déclaré à Reuters avoir accepté de l’argent des deux camps, arguant qu’il "n’y a rien de mal à accepter de l’argent de ces requins qui nous ont saignés à blanc pendant des années."

Des milices concurrentes

Rami Makhlouf, milliardaire, avait soutenu Bachar el-Assad pendant la guerre civile qui a éclaté en 2011 en finançant notamment des milices alliées, avant que le dirigeant, après sa victoire en 2019, ne l’assigne à résidence. Le milliardaire s’était alors enfui au Liban, avant de rejoindre Moscou en Russie. Il se présenterait aujourd’hui "comme une figure messianique" chargée "d’une mission divine pour aider les Alaouites." Selon des documents financiers et des sources contactées par Reuters, Rami Makhlouf a dépensé au moins 6 millions de dollars en salaires et équipement pour 54 053 combattants volontaires, dont 18 000 officiers, organisés en 80 bataillons.

L’ancien chef des services secrets syriens Kamal Hassan, lui, dirigeait le système de détention militaire de la dictature de Bachar el-Assad. Il s’est enfui en Russie en décembre 2024. D’après un témoignage, il a dépensé 1,5 million de dollars depuis mars pour financer 12 000 combattants en Syrie et au Liban. Cet été, il a également recruté des pirates informatiques pour mener des cyberattaques contre le nouveau gouvernement. Kamal Hassan souhaiterait en outre obtenir le soutien de Maher el-Assad, le frère de l’ancien dictateur, qui contrôlait "l’unité la plus puissante de l’armée syrienne, la 4e division blindée", et souhaiterait "toujours exercer une influence en Syrie", selon des sources à Reuters.

Le gouvernement syrien serait au courant

Face aux conspirateurs, le nouveau gouvernement syrien a de son côté demandé à Khaled al-Ahmad, un autre ancien fidèle contre lequel Bachar el-Assad s’était également retourné à la fin de la guerre civile, de convaincre les anciens soldats et civils alaouites de laisser tomber toute velléité de renverser le gouvernement, selon des messages consultés par Reuters. Khaled al-Ahmad est aussi un ami d’enfance du nouveau président Ahmed al-Charaa, dont le nouveau gouvernement, dominé par les sunnites, a pris le pouvoir l’an dernier après avoir remporté la guerre civile.

Contacté par Reuters, le gouverneur de la région côtière de Tartous, Ahmed al-Shami, a déclaré que les autorités syriennes étaient au courant de ces plans de conspiration et que des arrestations avaient déjà été menées. Concernant les salles de commandement remplies d’armes, il a reconnu leur existence mais déclaré qu’elles avaient "été considérablement affaiblies depuis la libération".

Si les personnes "proches des conspirateurs" ont déclaré à Reuters être conscientes que "des dizaines de milliers d’Alaouites syriens pourraient faire l’objet de violentes représailles" en cas de rébellion, l’un d’entre eux a déclaré que les combats étaient le seul moyen de restaurer la dignité des Alaouites. Après l’échec d’un soulèvement en mars dans une région côtière alaouite, près de 1 500 civils ont été tués en représailles par des forces affiliées au gouvernement.

© afp.com/Sameer Al-DOUMY

Des impacts de balles sur une peinture murale représentant le président syrien déchu Bachar el-Assad dans la ville d'Adra,près de Damas, le 25 décembre 2024
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Guerre en Ukraine : ces milliards d’euros d’avoirs russes gelés détenus en France

La Belgique n’a pas l’exclusivité des avoirs russes gelés en Europe. Si Euroclear, la société internationale de dépôt de fonds basée à Bruxelles, possède quelque 180 milliards d’euros, environ 18 milliards se trouvent dans les coffres de banques françaises, ce qui fait de la France la deuxième réserve de fonds russes gelés dans l’Union européenne. Mais leur localisation précise est un secret bien gardé, comme le rapporte le Financial Times ce lundi 8 décembre : Paris refuse depuis deux ans de révéler à ses partenaires européens le nom de ces établissements, qui seraient au nombre de quatre, selon des sources du FT, le principal étant BNP Paribas.

"Il s’agit d’informations sensibles pour le marché, c’est comme si des médecins discutaient publiquement de dossiers médicaux", a déclaré Olof Gill, porte-parole de la Commission, au quotidien britannique, qui n’a obtenu de commentaires ni des banques françaises, ni de l’Elysée, ni de Bercy ou du Trésor, preuve de la sensibilité du sujet. L’utilisation des intérêts dégagés par ces avoirs est également tenue secrète par Paris. Seule certitude, elle n’obéit pas aux mêmes règles que celle des intérêts des avoirs d’Euroclear, qui sont versés à l’Ukraine sous forme de prêt et représentaient 4,5 milliards d’euros en 2023.

Contactée par L'Express, BNP Paribas assure "ne détenir aucun actif en France appartenant à des entités publiques russes, y compris la Banque centrale de Russie".

Intenses tractations

Les avoirs russes gelés au lendemain de l’invasion de l’Ukraine font l’objet depuis plusieurs mois d’intenses tractations au sein de l’Union européenne, qui cherche une façon de compenser la fin de l’aide américaine à Kiev, entérinée par Donald Trump. Les besoins de financement de l’Ukraine vont atteindre quelque 135,7 milliards d’euros pour les deux prochaines années, dont 51,6 milliards de besoins militaires en 2026, selon les estimations du Fonds monétaire international. Un prêt dit "de réparation" a été proposé par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en septembre : les fonds russes détenus d’Euroclear seraient transférés sous forme d’un prêt sans intérêt à la Commission européenne, qui les transférerait ensuite à l’Ukraine. Un nouveau plan présenté début décembre envisage d’utiliser tous les avoirs gelés en Europe, y compris ceux détenus en France donc, et non plus uniquement ceux d’Euroclear.

Le Premier ministre belge Bart De Wever a adressé une fin de non-recevoir au plan initial et campe depuis sur ses positions. La Belgique, dont les banques commerciales possèdent par ailleurs 7 milliards d’euros d’avoirs russes selon le Financial Times (en plus des fonds placés chez Euroclear donc), craint de se retrouver seule face aux représailles russes et milite notamment pour que les actifs situés en France et dans d’autres pays soient également mobilisés. La dernière proposition ne l’a pourtant pas convaincue non plus, le ministre belge des Affaires étrangères critiquant même "la pire des options".

De leur côté, les autorités françaises, qui soutiennent le concept du prêt de réparation, ne montrent guère de zèle sur le dossier des actifs détenus par les banques commerciales hexagonales. Et arguent que ces dernières sont soumises à des obligations contractuelles différentes de celles d’Euroclear. Une pièce supplémentaire dans le vaste casse-tête du financement de Kiev, alors que le prochain Conseil de l’Europe, les 18 et 19 décembre, sera la dernière occasion d’obtenir un accord cette année.

© afp.com/Evgenia Novozhenina

Le président russe Vladimir Poutine au Kremlin à Moscou le 31 juillet 2025
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Algérie : pourquoi Christophe Gleizes est plus difficile à faire libérer que Boualem Sansal

La déception est immense. Ce jeudi 3 décembre, le journaliste Christophe Gleizes, emprisonné en Algérie depuis juin, n’a pas été libéré. Sa condamnation à sept ans de prison pour apologie du terrorisme a au contraire été confirmée en appel. Tout ça pour rien, ou presque ; avoir fait du journalisme avec un visa de touriste et avoir parlé à des dirigeants de la JS Kabylie, le club mythique de Tizi Ouzou. "Mon analyse, c’est que pendant le temps du délibéré, les magistrats ont reçu une commande", a expliqué son avocat, Emmanuel Daoud, dans l’émission Pour tout dire de T18, ce vendredi 5 décembre.

Nouvelle surprise, tant la relation entre la France et l’Algérie avait paru s’améliorer ces dernières semaines, les deux parties trouvant un intérêt commun à mettre en scène une entente nouvelle sur le dos de l’ex-ministre Bruno Retailleau. La libération de l’écrivain Boualem Sansal, le 12 novembre, a concrétisé cette embellie.

"Nous sommes plus optimistes pour Christophe Gleizes que pour Boualem Sansal", a souvent répété le quai d’Orsay aux journalistes ces derniers mois. Et pourtant. La libération de Boualem Sansal a montré que le régime algérien souhaitait se débarrasser d’un prisonnier âgé, en mauvaise santé, très défendu par le monde intellectuel. Ce "bougé" a rendu plus complexe la gestion du cas Gleizes, Alger optant manifestement pour le cynisme : en se délestant de ses deux prisonniers politiques français, le régime se serait privé d’un levier utile dans ses négociations, notamment migratoires et mémorielles, avec la France.

L’affaire Gleizes relève, aussi, pour partie, de la politique intérieure algérienne. Depuis le Hirak, en 2020, le régime traque toute voix dissonante. En mai 2021, le mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), auquel appartiennent certains cadres de la JS Kabylie, a été reconnu comme terroriste.

Dernier éléphant dans la pièce : l’opacité des circuits de décision algériens. "Pour nous, ce sont des Nord-Coréens qui parlent français", soulignait, il y a quelques mois, un haut responsable gouvernemental, pour expliquer à quel point la France ne comprend pas toujours les inflexions d’Alger. Tout espoir n’est pas perdu : la possibilité d’une grâce demeure entre les mains du président Abdelmadjid Tebboune. Il faudra plaider l'humanité ; Christophe Gleizes aimerait revoir sa grand-mère Georgette. Elle a bientôt 102 ans.

© afp.com/Handout

Le journaliste Christophe Gleizes, sur une photographie sans lieu ni date, diffusée le 30 janvier 2025 par sa famille
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Comment nos IA du quotidien peuvent relayer la propagande du Kremlin

Solène Alifat : Pour préparer cette série sur le côté obscur de l’IA, je me suis dit que j’allais directement poser la question au premier concerné, c’est-à-dire une intelligence artificielle. En l’occurence, je suis allée sur Chat GPT, et je vous propose, chers auditeurs, de vous partager ses réponses. Ce sont ses vraies réponses qu’on a enregistrées et vous allez entendre la "voix" du chatbot. J’ouvre l’application et je lui demande : "Est-ce que tu penses que l’IA a des faces sombres ?"

Chat GPT : C’est une question qui fait beaucoup débat, je dirais. Comme toute technologie l’intelligence artificielle a des aspects positifs et des aspects qui peuvent être un peu plus complexes ou éthiquement discutables, mais ça dépend vraiment de l’utilisation qu’on en fait je pense.

Solène Alifat : Et selon toi, quelles sont ces faces sombres ?

Chat GPT : On entend souvent parler par exemple de la question de la vie privée avec l’utilisation des données personnelles, ou encore les biais algorythmiques qui peuvent reproduire certaines discriminations. Et puis il y a aussi les préoccupations autour de l’automatisation qui peut avoir un impact sur certains emplois. Il y a aussi le risque de désinformation, et il y a toujours la question de la dépendance aux technologies qui peut avoir un impact sur nos compétences humaines, notre autonomie, etc.

Solène Alifat : Je souhaite justement réaliser une série de podcasts sur les faces sombres de l’intelligence artificielle. En tant qu’IA, ça ne te pose pas de problème ?

Chat GPT : Pas du tout, je trouve ça même super intéressant que tu explores ces sujets-là, parce que c’est important d’en parler et de sensibiliser le public. Moi en tant qu’IA je suis là pour aider et accompagner, donc je suis ravie de pouvoir contribuer à la réflexion. Je peux t’aider de plein de façons, par exemple en t’aidant à faire des recherches sur certains sujets, en te donnant des exemples, en t’aidant à formuler des questions, ou même à structurer tes épisodes. Je peux aussi être une sorte de partenaire de brainstorming si tu veux ; je suis là pour ça en tout cas.

Solène Alifat : Je vous rassure, chers auditeurs, ce podcast a été écrit sans intelligence artificielle. Vous allez y entendre les journalistes de L’express spécialistes du sujet qui ont enquêté sur les faces sombres de cette révolution. On va commencer par un des aspects que ChatGPT a lui-même évoqué quand je lui ai posé la question : la désinformation.

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Cet épisode a été écrit et présenté par Solène Alifat et réalisé par Jules Krot.

Crédit : KBSFTV

Musique et habillage : Emmanuel Herschon/Studio Torrent

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© Getty Images

hacker russe désinformation IA
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Tensions entre le Cambodge et la Thaïlande : le cessez-le-feu de Donald Trump déjà menacé

La Thaïlande et le Cambodge se sont accusés lundi 8 décembre d’avoir repris les hostilités à la frontière, où Bangkok a indiqué mener des frappes aériennes et où un soldat thaïlandais et quatre civils cambodgiens sont morts, selon les deux camps, moins de deux mois après un accord de cessez-le-feu chapeauté par Donald Trump.

Le président américain avait qualifié d'"historique" la signature d’un accord, le 26 octobre, entre les deux pays voisins d’Asie du Sud-Est, opposés de longue date sur un différend frontalier. Suspendu depuis, il devait refermer la page de cinq jours de combats en juillet, au sol et dans les airs, qui avaient fait au moins 43 morts et contraint quelque 300 000 personnes à évacuer.

Un mois et demi après seulement, les hostilités sont reparties dans la nuit de dimanche à lundi et les deux camps s’en rejettent la responsabilité. L’armée thaïlandaise affirme avoir été attaquée par le Cambodge dans la province d’Ubon Ratchathani et indique qu’un de ses soldats a été tué et quatre autres blessés. Le ministère cambodgien de la Défense a déclaré de son côté que les forces thaïlandaises avaient lancé tôt lundi matin une attaque dans les provinces frontalières de Preah Vihear et d’Oddar Meanchey, sans que ses troupes ne ripostent.

Le ministre cambodgien de l'Information Neth Pheaktra a déclaré à l'AFP que les "attaques thaïlandaises" avaient causé la mort de quatre civils cambodgiens et fait une dizaine de blessés.

Avions de chasse

"A toutes les forces sur le front, veuillez faire preuve de patience", a demandé le président du Sénat cambodgien et ancien Premier ministre Hun Sen. "La ligne rouge pour riposter a été fixée", a-t-il ajouté.

La Thaïlande utilise des avions de chasse pour "frapper des cibles militaires" et "mettre fin aux tirs de soutien cambodgiens", a indiqué l’armée thaïlandaise. "Les frappes aériennes sont d’une grande précision et visent uniquement des objectifs militaires le long de la ligne de front, sans impact sur les civils", a précisé son porte-parole, Winthai Suvaree. Un soldat cambodgien a déclaré à l’AFP, sous couvert d’anonymat, que les bombardements thaïlandais étaient toujours en cours lundi en fin de matinée à Preah Vihear.

Selon l’armée thaïlandaise, environ 35 000 personnes ont été évacuées des zones frontalières au cours de la nuit, alors que les autorités cambodgiennes ont évoqué l'évacuation de plus de 1 000 familles de la province d'Oddar Meanchey. "Le chef du village nous a demandé de partir et après ce qui s’est passé en juillet, j’ai immédiatement obéi", a raconté à l’AFP Pannarat Woratham, évacuée thaïlandaise de 59 ans. "J’ai retenu les leçons de la dernière fois et j’avais de quoi partir au plus vite", a-t-elle ajouté. "Beaucoup d’entre nous pensaient que le conflit était enfin terminé. Ça n’aurait pas dû reprendre comme ça". Des villageois fuyaient également "pour se mettre à l’abri" de l’autre côté de la frontière, ont fait savoir les autorités d’une province cambodgienne.

800 kilomètres de frontière

L’accord de cessez-le-feu avait été signé en octobre à Kuala Lumpur, en Malaisie, sous l’égide de Donald Trump, qui avait annoncé dans la foulée de nouveaux accords commerciaux avec les deux pays. Il avait été suspendu dès novembre par la Thaïlande après l’explosion d’une mine terrestre ayant blessé quatre de ses soldats.

Bangkok accuse régulièrement son voisin d’installer de nouvelles mines le long de la frontière. Mais le Cambodge avait alors exprimé ses "regrets" et affirmé qu’il s’agissait de vestiges des conflits passés. Phnom Penh avait rappelé son engagement envers l’accord. Les deux parties s’étaient engagées à retirer leurs armes lourdes, à déminer les zones frontalières et à poursuivre le dialogue, mais rien n’avait été réglé sur le fond.

La Thaïlande et le Cambodge ont un différend ancien portant sur le tracé de certaines parties de leur frontière, longue de 800 kilomètres, effectué lors de l’ère coloniale française. Les zones disputées abritent plusieurs temples, dont celui de Preah Vihear. La Cour internationale de justice en a accordé la souveraineté à Phnom Penh, mais Bangkok refuse de reconnaître l’autorité du tribunal sur les questions territoriales.

© L'Express

Un soldat cambodgien garde le temple de Preah Vihear, ici le 18 juillet dernier. La Thaïlande dispute à son voisin la souveraineté sur cette zone.
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Guerre en Ukraine : pour Volodymyr Zelensky, Kiev n'a pas le droit "légal" ni "moral" de céder des territoires à Moscou

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, qui a déclaré samedi avoir eu une conversation téléphonique "constructive" avec les émissaires américains Steve Witkoff et Jared Kushner et les négociateurs de Kiev, a participé ce lundi 8 décembre à Londres à une rencontre avec le Premier ministre britannique Keir Starmer, le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Friedrich Merz. Le président américain Donald Trump a de son côté reproché dimanche soir à son homologue ukrainien de n’avoir "pas lu la proposition" de paix sur l’Ukraine dévoilée il y a trois semaines par les Etats-Unis.

Les infos à retenir

⇒ Kiev n'a pas le droit "légal" ni "moral" de céder des territoires à Moscou, dit Volodymyr Zelensky

⇒ Donald Trump reproche à Volodymyr Zelensky de n’avoir "pas lu la proposition" de paix pour l’Ukraine

⇒ Paris évoque de prochains échanges entre Européens, Américains et Ukrainiens pour "renforcer la convergence"

Volodymyr Zelensky se rendra en Italie mardi

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé qu'il se rendrait dans la nuit de lundi à mardi en Italie, après un bref passage à Bruxelles, en plein pourparlers sur un plan de paix entre Kiev et Moscou.

S'exprimant devant la presse, il a précisé qu'il avait atterri à Bruxelles où il doit notamment rencontrer le secrétaire général de l'Otan et la cheffe de la Commission européenne. "Puis, pendant la nuit, vers 1 heure ou minuit, j'irai en Italie", a-t-il poursuivi.

Kiev n'a pas le droit "légal" ni "moral" de céder des territoires à Moscou, dit Volodymyr Zelensky

Volodymyr Zelensky a affirmé lundi que Kiev n'avait pas le droit "légal" ni "moral" de céder à la Russie des territoires ukrainiens, la question territoriale étant un point central des négociations en cours sur un plan de paix sous médiation américaine.

"Envisageons-nous de céder des territoires ? Nous n'avons aucun droit légal de le faire, en vertu de la loi ukrainienne, de notre constitution, et du droit international. Et nous n'avons aucun droit moral non plus", a déclaré le président ukrainien lors d'une conférence de presse en ligne.

"La Russie insiste pour que nous cédions des territoires mais nous ne voulons rien céder. Nous nous battons pour cela, comme vous le savez bien", a-t-il ajouté, précisant que les Etats-Unis cherchaient à trouver un "compromis" sur ce point. "Il y a des problèmes difficiles concernant les territoires et aucun compromis n'a encore été trouvé", a affirmé Volodymyr Zelensky.

Paris évoque de prochains échanges entre Européens, Américains et Ukrainiens pour "renforcer la convergence"

La réunion d'Emmanuel Macron, Keir Starmer et Friedrich Merz à Londres avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky a permis lundi "de poursuivre le travail commun sur le plan américain" de paix sur l'Ukraine, "en vue de le compléter avec les contributions européennes, en étroite coordination" avec Kiev, a déclaré la présidence française.

Ce travail "est en cours de finalisation" par les conseillers à la sécurité nationale "en vue d'échanges entre Européens, Américains et Ukrainiens, qui doivent permettre de renforcer la convergence dans les prochains jours", a précisé l'Elysée. "En parallèle, le travail va être approfondi pour fournir à l’Ukraine des garanties de sécurité robustes ainsi que prévoir des mesures pour la reconstruction de l’Ukraine", a-t-on ajouté de même source.

La question territoriale reste "la plus problématique" dans les négociations

La question territoriale reste "la plus problématique" dans les négociations visant à mettre fin à la guerre en Ukraine, Moscou réclamant le retrait des forces de Kiev d'une partie des zones sous leur contrôle, a indiqué lundi à l'AFP un haut responsable proche du dossier.

Cette demande "demeure et c'est la question la plus problématique", a déclaré ce responsable informé des derniers rounds des négociations entre Ukrainiens et Américains ce week-end, en précisant que Vladimir "Poutine ne veut pas conclure d'accord sans" que "l'Ukraine ne cède des territoires" dans le Donbass, région de l'est du pays.

Washington pousse l'Ukraine à accepter "plus vite" un plan pour mettre fin à la guerre, a souligné le haut responsable sous le couvert de l'anonymat. "Les Américains font de la pression, comme 'plus vite, plus vite, plus vite'," mais la partie ukrainienne "ne peut pas accepter tout sans examiner les détails", selon la même source. Les Ukrainiens ont ainsi indiqué aux négociateurs américains Steve Witkoff et Jared Kushner "qu'un travail plus actif et une recherche d'idées sont nécessaires", a encore relevé ce même responsable.

Donald Trump reproche à Volodymyr Zelensky de n’avoir "pas lu la proposition" de paix pour l’Ukraine

Le président américain Donald Trump s’est dit "déçu" dimanche soir que son homologue ukrainien n’ait selon lui "pas lu la proposition" de paix sur l’Ukraine dévoilée il y a trois semaines par Washington.

"Nous avons donc parlé au président (russe Vladimir) Poutine, nous avons parlé aux dirigeants ukrainiens - notamment Zelensky, le président Zelensky - et je dois dire que je suis un peu déçu que le président Zelensky n’ait pas encore lu la proposition" américaine en vue d’un règlement en Ukraine, a déploré le président américain, interrogé par des journalistes lors d’une soirée de gala à Washington. "Cela convient à la Russie, vous savez je pense que la Russie préférerait avoir tout le pays", mais "je ne suis pas sûr que cela convienne à Zelensky", a encore dit Donald Trump.

Depuis la présentation du plan américain, perçue par Kiev et les Européens comme étant largement favorable à la Russie, plusieurs sessions de pourparlers ont eu lieu avec les Ukrainiens à Genève et en Floride pour tenter d’amender le texte en faveur de Kiev. Le document a aussi été présenté mardi dernier à Vladimir Poutine lors d’une visite à Moscou de l’émissaire officiel américain Steve Witkoff et de Jared Kushner, gendre du président américain et médiateur informel. Peu de détails ont filtré sur ce plan amendé.

La Suisse plaide pour que l’OSCE joue un rôle clé dans la surveillance d’un cessez-le-feu

L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pourrait jouer un rôle majeur dans la surveillance d’un cessez-le-feu entre la Russie et l’Ukraine, a estimé dimanche le ministre suisse des Affaires étrangères, Ignazio Cassis. "Il existe déjà des considérations concrètes à ce sujet : l’Organisation est capable de déployer plusieurs dizaines de personnes dans des délais très courts. L’OSCE pourrait observer le cessez-le-feu, surveiller la ligne de cessez-le-feu, observer les élections, etc.", a déclaré à l’hebdomadaire SonntagsBlick Ignazio Cassis, dont le pays présidera l’OSCE en 2026.

Fondée en 1975 pour apaiser les tensions entre l’Est et l’Ouest pendant la Guerre froide, cette organisation compte 57 membres issus d’Europe, d’Asie centrale et d’Amérique du Nord, dont les Etats-Unis, l’Ukraine et la Russie. Toutefois, "la ligne de front s’étend actuellement sur 1 300 kilomètres - l’OSCE seule est trop petite pour en surveiller toute sa longueur. Cela nécessiterait un engagement important de la part des Etats participants", a-t-il noté.

"Mon objectif est que l’OSCE soit prête. Dès qu’un accord sera conclu, nous voulons être en mesure […] de nous mettre au travail", a poursuivi Ignazio Cassis. Une mission d’enquête pourrait ainsi être déployée dans un premier temps en Ukraine pour y établir un diagnostic sur la situation, à partir duquel l’OSCE pourrait rapidement entamer les étapes suivantes.

© afp.com/Genya SAVILOV

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky à Kiev, le 4 décembre 2025
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Stanley Bill (Cambridge) : "L'exemple polonais le montre, il est difficile de se remettre d'une parenthèse populiste"

Comment une démocratie libérale peut-elle se défendre efficacement contre des régimes autoritaires et dictatoriaux sans renier ses principes ni se compromettre ? A cette question, quasiment aussi vieille que la démocratie elle-même, le philosophe Karl Popper répondait par le "paradoxe de la tolérance" : une société ouverte doit pouvoir refuser la tolérance à ceux qui entendent l’abolir. Deux siècles plus tôt, cela se traduisait par le fameux "pas de liberté pour les ennemis de la liberté", attribué au Montagnard Louis Antoine de Saint-Just.

Alors que les populismes gagnent du terrain un peu partout dans le monde, et en Europe en particulier, ce dilemme se pose à nouveau avec force. En Pologne, le retour au pouvoir d’une coalition centriste menée par Donald Tusk, après la "parenthèse illibérale" du PiS (le parti nationaliste conservateur Droit et Justice) entre 2015 et 2023, offre un véritable laboratoire de sortie du populisme, estime Stanley Bill, professeur à Cambridge et spécialiste du pays. Pour légitimer ses politiques de "retour à la démocratie", l’actuel Premier ministre polonais a repris à son compte le concept de "démocratie militante" forgé dans les années 30 par le juriste Karl Loewenstein, selon lequel les régimes démocratiques doivent se doter de mécanismes juridiques exceptionnels pour protéger la démocratie des assauts du fascisme. Au risque, prévient Stanley Bill, co-auteur avec Ben Stanley de Good Change : The Rise and Fall of Poland’s Illiberal Revolution (Stanford University Press, 2025), de flirter avec l’illégalité et reproduire, sous une autre forme, les dérives que Donald Tusk entendait justement combattre. Entretien.

L’Express : Après un premier passage au pouvoir de 2005 à 2007, le PiS a de nouveau gouverné la Pologne de 2015 et 2023. Que retenez-vous de ces huit années ?

Stanley Bill : D’abord, contrairement à ce qu’on entend ici et là, le PiS n’est pas un parti d’extrême droite à proprement parler, du moins pas dans le contexte polonais, même si certaines de ses positions recoupent celles de l’extrême droite. Certains spécialistes le décrivent comme un parti de droite radicale, d’autres comme national-conservateur, national-populiste, populiste conservateur…

Selon moi, ce qui le caractérise, c’est cette combinaison de positionnements de gauche et de droite. Sur les questions culturelles et sociétales, le parti se situe sans aucun doute à droite et adopte des positions nativistes, conservatrices, traditionalistes et antiprogressistes. Il se présente comme le défenseur des valeurs catholiques, et se montre très actif dans la guerre culturelle contre le progressisme (droit à l’avortement, droits LGBT +, immigration, etc.). Mais sur les questions économiques, le PiS embrasse partiellement des positions de gauche, et son programme est l’un des plus redistributifs de l’échiquier politique polonais.

D’ailleurs, ces politiques sociales lui ont permis de renforcer sa majorité en remportant les élections de 2019 : abaissement de l’âge de la retraite, instauration d’un programme généreux d’allocations pour enfants, qui a contribué à réduire la pauvreté infantile et à faire reculer les indicateurs de mesures de l’inégalité… Le PiS a également augmenté les revenus disponibles des habitants des régions les moins favorisées, ce qui a amélioré leurs conditions de vie. Beaucoup de Polonais y ont vu une forme de reconnaissance, et ont eu l’impression d’enfin bénéficier de la transition post-1989 et du "miracle économique polonais" dont ils s’étaient sentis exclus. Le PiS a, au passage, bénéficié d’une conjoncture économique particulièrement favorable. Depuis 1989, l’économie polonaise croît presque sans interruption, et plus encore depuis l’adhésion à l’Union européenne en 2004. La période 2016-2020 a été perçue par les Polonais comme l’un des plus forts moments de croissance du pays. Dans le même temps, le parti s’adresse à de larges segments de la société, attachés à des valeurs conservatrices, traditionalistes, et très religieux, souvent inquiets des évolutions culturelles et, en particulier, de l’immigration. Enfin, certains électeurs du PiS souhaitaient explicitement voir le parti s’attaquer aux élites institutionnelles de Varsovie.

On a très largement sous-estimé les difficultés de gouverner dans un contexte post-illibéral.

En 2023, beaucoup de commentateurs ont vu dans la victoire de Donald Tusk et de sa coalition le "retour à l’Europe" de la Pologne et la "restauration" de sa démocratie libérale. Pourtant, écrivez-vous, le "moment illibéral" de la Pologne n’est pas terminé. Pourquoi ?

On a très largement sous-estimé les difficultés de gouverner dans un contexte post-illibéral. D’abord, les dommages institutionnels causés par cette parenthèse illibérale sont très difficiles à réparer sans recourir aux mêmes méthodes de gouvernement que le PiS - une forme de "décisionnisme" - et qui bien souvent flirtent avec les limites de la légalité. Par exemple, l’appareil institutionnel est dominé par des personnes nommées par le PiS qui peuvent aisément bloquer l’action gouvernementale. Donc le nouveau gouvernement, pour contourner ce problème, s’est résolu à prendre des mesures fortes pour écarter ces personnes, quitte à employer des méthodes discutables, et d'une certaine manière comparables à celles utilisées par le PiS. Une autre difficulté tient spécifiquement aux institutions du pays et au contexte politique : le nouveau gouvernement a dû faire face, en arrivant au pouvoir, à une sorte de "cohabitation" avec un président affilié au PiS, qui dispose de droit de veto sur les lois. Et cette situation s’est maintenue après l’élection présidentielle de cette année, car Karol Nawrocki, un candidat proche du PiS, a remporté l’élection.

À côté de ces difficultés "externes", le gouvernement doit également faire face à des défis "internes", comme la très grande diversité des partis qui composent sa coalition et qui vont de la gauche au centre droit. Ces partis ont parfois des priorités et des positions très différentes, sur des sujets pourtant essentiels pour les électeurs. Cette diversité, qui a pourtant permis à la coalition de déloger le PiS du pouvoir, rend très difficile – voire impossible – l’élaboration de propositions politiques consensuelles pour l’ensemble de ses membres. La question du droit à l’avortement, qui a été un enjeu majeur de l’élection de 2023, est un bon exemple. Le PiS avait utilisé un Tribunal constitutionnel sous son contrôle afin de restreindre davantage ce droit, pourtant déjà très limité en Pologne, revenant pratiquement à l’interdire dans les faits. Or, depuis son arrivée au pouvoir, le nouveau gouvernement n’a réalisé aucun progrès à ce sujet, et rien n’a changé sur le plan juridique. La gauche de la coalition défend un assouplissement permettant l’accès à l’avortement jusqu’à la fin du premier trimestre – ce serait inédit en Pologne depuis les années 1990 -, alors que les plus conservateurs voudraient organiser un référendum national, ou simplement revenir au statu quo antérieur, c’est-à-dire un régime très restrictif au regard des standards européens.

Pour toutes ces raisons, le triomphalisme de certains était un peu précipité. Bien sûr, 2023 est un moment majeur de la vie démocratique polonaise, que peu anticipaient six mois plus tôt. Mais il faut relativiser l’optimisme qui a suivi, et qui a clairement surestimé la facilité avec laquelle il serait possible de réparer les dégâts laissés par le PiS. On ne sort pas facilement d’une parenthèse illibérale.

Dès son arrivée au pouvoir, le gouvernement Tusk a reçu de fortes pressions pour rapidement réformer et restaurer la démocratie libérale. Une demande irréaliste, expliquez-vous. Pourquoi ?

Parce que le gouvernement a fait face à ce que nous appelons, avec Ben Stanley, un "trilemme post-illibéral" : agir rapidement, efficacement, et en toute légalité, dans l’objectif de restaurer les principes de la démocratie libérale. Or, dans la pratique, il était impossible de satisfaire simultanément ces trois exigences. On peut agir vite et efficacement, mais au prix de méthodes que certains juristes et tribunaux ont jugées illégales. C’est notamment ce qui s’est passé lorsque le nouveau gouvernement a voulu s’attaquer aux médias publics, que le PiS avait transformés en machine de propagande, en exploitant des failles juridiques discutables - si ce n'est pire - pour installer des personnes choisies par lui et ainsi écarter les titulaires nommés par le PiS. Depuis la réorganisation des conseils d’administration des médias publics, ceux-ci produisent désormais des contenus très orientés en faveur du nouveau pouvoir. Ce n’est pas aussi radical que la propagande du PiS, et cela vise un public différent, mais les analyses indépendantes montrent une forte partialité dans l’angle de traitement, des invités surreprésentant les partis au pouvoir, etc. Dans ce cas, le gouvernement a agi vite, mais sans respecter la légalité, et avec une efficacité contestable, puisqu’il n’a pas réussi à rétablir un service public neutre, fondé uniquement sur les faits.

Inversement, agir efficacement et légalement aurait exigé d’avancer lentement, en attendant la fin des mandats des membres des conseils d’administration des médias publics, puis procéder à des nominations dans les formes prévues. Ce qui aurait impliqué de maintenir pendant longtemps un diffuseur public entièrement contrôlé par le PiS, avec le risque de créer de la frustration chez les électeurs du nouveau gouvernement, qui peuvent avoir le sentiment qu’il n’agit pas et qu’il ne tient pas ses promesses électorales. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé sur d'autres sujets : les électeurs sont déçus du manque de progrès sur l’avortement, ou sur la question éminemment complexe de la réforme des tribunaux. C’est l’une des grilles de lecture des mauvais résultats de son candidat à la dernière présidentielle.

N’assiste-t-on pas, en Pologne, au retour d’un vieux débat de philosophie politique : faut-il privilégier la "souveraineté populaire", même au prix de l’État de droit, ou défendre une démocratie constitutionnelle qui limite le pouvoir - et les éventuels excès - de la majorité ? Et la première conception n’est-elle pas en train de s’imposer en Pologne ?

On peut effectivement se demander si la Pologne n’est pas en train d’évoluer vers une forme de démocratie majoritaire, où le maintien des institutions impartiales - dont le rôle est de limiter le pouvoir, de protéger les minorités, et d’encadrer l’action de l’exécutif – serait moins important que l’idée selon laquelle les vainqueurs d’une élection, parce qu’ils incarnent la volonté populaire du moment, devraient bénéficier d’un pouvoir presque sans limite pour appliquer leur programme. C’est cette conception de la démocratie majoritaire que le PiS incarne, et certains électeurs polonais la partagent. Et qui, étrangement, semble également à l’œuvre avec le nouveau pouvoir libéral.

Dans ce cadre, Donald Tusk et sa coalition sont censés représenter le modèle constitutionnel de la limitation du pouvoir et de la protection des minorités. Or, ils mobilisent le concept de "démocratie militante", auquel Tusk fait explicitement référence. Ce terme est un moyen de légitimer les méthodes employées que je vous décrivais. Pour Donald Tusk, le PiS a détruit l’État de droit, les institutions sont en ruines, et il faut, pour réparer tous ces dommages, agir efficacement en assouplissant, si besoin, le respect strict de la loi.

Le problème, c’est de savoir qui décide quand il est acceptable de contourner une règle ? Selon quels critères ? On ouvre une boîte de Pandore, car ce type de logique revient à instituer une forme "d’État d’exception" que n’importe qui peut invoquer pour justifier tout et n’importe quoi. Surtout, on peut se demander si cela ne reproduit pas, dans une certaine mesure, la même méthode du PiS, pour qui la démocratie polonaise avait été capturée par les forces "libérales de gauche", décrites comme un "monopouvoir" par Jarosław Kaczyński, député et président du PiS. Avec cette grille de lecture, il était justifié de tordre certaines règles démocratiques pour s’attaquer au monopole des élites de gauche sur les institutions. En quelque sorte, ne pas respecter les règles de la démocratie au nom même du rétablissement de la "véritable" démocratie. On observe des raisonnements analogues sous le gouvernement Tusk, même si ça n’est pas une symétrie parfaite.

© afp.com/Wojtek RADWANSKI

Le Premier ministre polonais Donald Tusk lors d'une conférence de presse à Varsovie, le 23 juillet 2025
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A Tchernobyl, l’impact d’un drone russe compromet la sécurité du site nucléaire

Encore une mauvaise nouvelle pour l’Ukraine. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a indiqué que le bouclier de confinement recouvrant le réacteur accidenté de Tchernobyl, en Ukraine, ne remplit désormais plus pleinement sa fonction de protection contre les radiations. En février dernier, un drone explosif russe a touché le sarcophage, provoquant une brèche dans la structure d’acier censée isoler le site.

Achevé en 2019 dans le cadre d’un programme soutenu par l’Union européenne, le "New Safe Confinement" (également nommé l’Arche de Tchernobyl) venait coiffer le premier sarcophage en béton très dégradé, construit dans la précipitation après l’accident nucléaire du 26 avril 1986. Cet ouvrage de très haute technicité, qui avait nécessité un investissement de près de 1,5 milliard d’euros, avait été conçu pour durer un siècle. Longue de 257 mètres, haut de 108 mètres et pesant 36 000 tonnes — l’équivalent d’une centaine de Boeing 747 —, "cette arche devait résister à des conditions extrêmes : températures allant de – 43 °C à + 45 °C, vents violents comparables à ceux d’une tornade de catégorie 3 et séismes de magnitude 7", nous explique Vincent Houard, ingénieur nucléaire et membre de l’Observatoire Energie & Climat de l’Institut Sapiens.

Pensé pour garantir le confinement radioactif et permettre le démantèlement progressif du réacteur accidenté en toute sûreté, ce dôme métallique a été construit par le consortium Novarka (Bouygues Construction et Vinci Construction), puis lentement déplacé sur rails afin de recouvrir l’ancienne structure.

Des risques sécuritaires

Selon l’AIEA, le récent impact a provoqué des dommages compromettant l’intégrité de la structure. La mission d’inspection "a confirmé que la structure de protection avait perdu ses principales fonctions de sécurité, notamment sa capacité de confinement, mais a également constaté qu’il n’y avait pas de dommages permanents aux structures porteuses ou aux systèmes de surveillance", a informé le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, dans un communiqué.

Concrètement, le sarcophage métallique présente désormais une ouverture, ce qui signifie qu’il n’est plus totalement étanche. "Cette perte d’étanchéité fait peser un risque de dispersion de poussières radioactives, même si aucun relâchement n’a été constaté à ce stade. Elle peut aussi permettre à l’eau de s’infiltrer à l’intérieur, notamment lors de fortes pluies, ce qui pourrait, à terme, endommager la structure et ses équipements", explique Vincent Houard.

"Impossible d’envisager le retrait de l’arche"

Rafael Grossi a indiqué que des réparations provisoires avaient déjà été réalisées, tout en soulignant qu’"une restauration complète reste indispensable pour prévenir toute dégradation supplémentaire et garantir la sûreté nucléaire à long terme". L’AIEA a précisé, dimanche 7 décembre, que le site entreprendrait des réparations temporaires supplémentaires pour soutenir le rétablissement de la fonction de confinement de l’arche protectrice en 2026, avec le soutien de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), "ouvrant la voie à une restauration complète une fois le conflit terminé" avec la Russie.

Pour Vincent Houard, l’option la plus simple serait de reboucher la brèche. Une "intervention délicate", qui nécessiterait le recours à des entreprises hautement spécialisées, capables d’opérer en environnement contaminé. En revanche, retirer l’arche n’est pas une option : "le risque d’émanations radioactives est trop élevé", précise l’ingénieur nucléaire. Le calendrier des travaux reste toutefois incertain. Leur lancement dépendra notamment des financements mobilisés. "Le projet s’annonce coûteux et pourrait s’étaler sur plusieurs années. En attendant, des inspecteurs sont mobilisés sur place afin de surveiller l’absence de fuite."

© afp.com/Handout

Photo diffusée par les services d'urgence ukrainiens, le 14 février 2025, montrant l'arche de confinement endommagée de l'ancienne centrale nucléaire de Tchernobyl à la suite d'une attaque de drone
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Emmanuel Macron menace la Chine de droits de douane "dans les tout prochains mois"

Emmanuel Macron hausse le ton face à la Chine, qu'il menace de droits de douane "dans les tout prochains mois" si Pékin ne prend pas des mesures pour réduire le déficit commercial qui ne cesse de se creuser avec l'Union européenne". Je leur ai dit que, s'ils ne réagissaient pas, nous, Européens, serions contraints, dans les tout prochains mois, de prendre des mesures fortes (...) à l'instar des Etats-Unis, comme par exemple des droits de douane sur les produits chinois", a déclaré le président français, de retour d'un voyage officiel en Chine, dans un entretien dans le quotidien français Les Echos, publié dimanche.

Washington impose de forts tarifs douaniers sur les produits chinois, qui ont toutefois été réduit de 57% à 47% dans le cadre d'un accord, annoncé fin octobre entre les deux pays. "La Chine vient percuter le coeur du modèle industriel et d'innovation européen, historiquement basé sur la machine-outil et l'automobile", relève Emmanuel Macron.

Résistance allemande

Et le protectionnisme de l'administration Trump ne fait qu'aggraver les choses. "Elle accroît nos problèmes en redirigeant les flux chinois massivement sur nos marchés", met en avant le président français. "Aujourd'hui, nous sommes pris entre les deux et c'est une question de vie ou de mort pour l'industrie européenne", déplore-t-il. Mais il reste conscient que la constitution d'un front commun européen sur la question n'est pas facile, l'Allemagne, très présente en Chine, n'étant "pas encore totalement sur notre ligne".

Lors de sa visite en Chine, Emmanuel Macron a réitéré que l'Europe, pour réduire son déficit commercial avec la Chine, devait accepter des investissements chinois. "Nous ne pouvons pas constamment importer. Les entreprises chinoises doivent venir sur le sol européen", plaide-t-il dans Les Echos. Une dizaine de secteurs sont concernés, parmi lesquels les batteries, le raffinage de lithium, l'éolien, le photovoltaïque, les véhicules électriques, les pompes à chaleur air-air, les produits d'électroniques grand public, les technologies de recyclage, la robotique industrielle ou encore les composants avancés. Mais les investissements chinois en Europe "ne doivent pas être prédateurs, c'est-à-dire être faits à des fins d'hégémonie et de création de dépendances", souligne Emmanuel Macron.

De son côté, selon lui, l'UE doit se protéger dans les secteurs les plus vulnérables - comme l'automobile face au rouleau compresseur des véhicules électriques chinois - et parallèlement "réengager une politique de compétitivité". Cela passe par "la simplification, l'approfondissement du marché unique, des investissements dans l'innovation, une juste protection de nos frontières, un aboutissement de notre union douanière (...) et une politique monétaire ajustée", développe-t-il.

© afp.com/Sarah Meyssonnier

Le président français Emmanuel Macron (2e g), son épouse Brigitte Macron (g), le président chinois Xi Jinping (2e d) et sonépouse Peng Liyan (d) visitent le site séculaire du barrage du Dujiangyan, dans la province du Sichuan, le 5 décembre 2025
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"Amène ton ami" : en Russie, le business lucratif du recrutement militaire

Alors que la guerre en Ukraine s’inscrit dans la durée, le recrutement de soldats est devenu, en Russie, un enjeu économique à part entière. En 2025, un mécanisme parallèle, fondé sur des primes et des gratifications à la performance, s’est progressivement imposé avec l’appui des autorités locales. Au cœur de ce dispositif, une logique simple, résumée par une formule largement diffusée : "Amène ton ami." Désormais, chaque engagement facilité par un intermédiaire peut donner lieu à une rémunération envers ce dernier, versée pour avoir orienté un volontaire vers le ministère de la Défense, souligne Courrier International.

Sur Telegram, VKontakte ou le site d’annonces Avito, les propositions d’enrôlement se multiplient, accompagnées d’arguments soigneusement sélectionnés : "pas de combats", "affectation en deuxième ligne", "dettes effacées". Présentées comme de simples opportunités professionnelles, ces promesses masquent toutefois une organisation bien plus structurée. Selon plusieurs médias indépendants russes, dont VotTak, média russophone affilié à la chaîne biélorusse Belsat, le recrutement militaire s’est imposé comme une activité lucrative à part entière, où mettre des hommes en relation avec l’armée est devenu un travail rémunéré.

"Dans au moins 21 régions, les administrations locales proposent une prime, parfois massive, pour chaque volontaire amené au centre de recrutement", rappellent nos confrères de Courrier International. Exemple à Pelym, petite ville de l’Oural, la municipalité verse ainsi à ces chasseurs de tête 500 000 roubles (5 500 euros) par recrue, auxquels s’ajoutent 50 000 roubles (559 euros) issus du budget régional. En moyenne, rappelle VotTak, l’État se déleste de 100 000 roubles (environ 1 100 euros) "pour chaque nouveau contractuel". Une aubaine pour certaines familles alors que l’inflation frôlait les 8 % en Russie au mois de septembre dernier.

Des réseaux informels structurés

D’après le média indépendant Verstka, le recrutement militaire obéit désormais à des logiques proches de celles d’un circuit économique organisé. On retrouve des profils très variés parmi les recruteurs : d’anciens cadres des ressources humaines en reconversion, des femmes au foyer maîtrisant les codes des réseaux sociaux, ou encore des intermédiaires locaux bien introduits. Certains développent même des réseaux informels structurés, capables d’adresser chaque jour plusieurs dizaines de volontaires aux centres d’enrôlement, dans l’objectif de percevoir une rémunération à chaque engagement conclu.

Comme l’a analysé le réseau Axel Springer Global Reporters Network pour Politico, plus de 80 gouvernements régionaux russes sont aujourd’hui mis en concurrence pour fournir des effectifs à l’armée. Les régions recourent à des agences de ressources humaines, qui s’appuient à leur tour sur des recruteurs indépendants. Leur mission ? Diffuser les annonces, sélectionner les candidats et les accompagner dans leurs démarches. "Ce qui était au départ une solution de fortune en temps de guerre s’est mué en une industrie quasi commerciale de chasse de têtes", résume le site américain.

La cible : "des hommes socialement vulnérables"

Pour les hommes russes, la guerre tend ainsi à se présenter comme un emploi parmi d’autres, avec des critères d’exclusion qui se sont assouplis. "Ces mesures ciblent une population spécifique : les hommes socialement vulnérables", explique la politologue Ekaterina Schulmann dans Politico qui dresse leur portrait. "Des hommes endettés, ayant un casier judiciaire, peu informés sur les questions financières, ou piégés par des microcrédits abusifs. Des personnes marginalisées, sans perspectives."

Cette orientation, impulsée par Vladimir Poutine, vise à porter les effectifs des forces armées russes à 1,5 million de soldats. Malgré des pertes humaines considérables depuis 2022 — plus d’un million de soldats auraient été tués ou grièvement blessés en Ukraine selon l’état-major général des forces armées ukrainiennes — Moscou continue de renouveler ses effectifs, en privilégiant désormais les leviers financiers à la contrainte directe. De quoi inquiéter ses voisins européens.

© afp.com/Olga MALTSEVA

Alors que les propositions d'enrôlement se multiplient, elles sont présentées désormais comme des opportunités économiques.
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Ukraine : Viktor Orban va envoyer des hommes d'affaires hongrois en Russie pour préparer l'après-guerre

Le Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orban a annoncé l'envoi d'une délégation d'hommes d'affaires en Russie dans les prochains jours, pour préparer l'après-guerre en Ukraine, samedi lors d'un meeting à quelques mois des élections législatives dans son pays. Cette mission se concentrera sur des coopérations économiques et s'inscrit dans la volonté de "penser dès maintenant au monde d’après-guerre et d'après les sanctions", a-t-il déclaré devant un millier de personnes réunies dans une salle de sport à Kecskemét, dans le centre de la Hongrie.

Acquérir des raffineries détenues pas les Russes en Europe

Viktor Orban, rare dirigeant européen proche à la fois du président américain Donald Trump et du président russe Vladimir Poutine, a affirmé discuter à la fois avec les Américains et les Russes, "même si je ne peux pas révéler tous les détails", a-t-il dit. "Il faut anticiper, car si Dieu nous aide et que la guerre se termine sans que nous y soyons entraînés, et si le président américain réussit à réintégrer la Russie dans l’économie mondiale, que les sanctions sont démantelées, nous nous retrouverons dans un tout autre espace économique", a-t-il encore déclaré.

Selon les médias hongrois, la compagnie pétrolière et gazière hongroise MOL envisage d'acquérir des raffineries et des stations-service en Europe, détenues par les groupes russes Lukoil et Gazprom soumis à des sanctions américaines ainsi que des participations dans des sites de production au Kazakhstan et en Azerbaïdjan — des sujets qui auraient été évoqués lors de la rencontre entre Viktor Orban et Donald Trump début novembre à Washington.

Fin novembre, Viktor Orbán s'est rendu à Moscou où il a promis à Vladimir Poutine de poursuivre les importations d'hydrocarbures russes dont la Hongrie continue de dépendre, défiant une nouvelle fois l'Union européenne sur le sujet.

Le dirigeant hongrois n'a en effet pas cherché à diversifier réellement les importations de son pays depuis le déclenchement de l'offensive russe en Ukraine en février 2022, contrairement à nombre de ses voisins européens.

Il a annoncé en novembre avoir saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour s'opposer à la décision par la majorité des États membres d'approuver en octobre le principe d'une interdiction, d'ici fin 2027, des importations de gaz naturel russe.

© afp.com/Ludovic MARIN

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban s'adresse à la presse à l'issue d'un sommet au Bella Center de Copenhague, au Danemark, le 2 octobre 2025
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Les espions chinois à l'assaut de Taïwan : "Quand j’ai vu l’enveloppe, j’ai su qu’ils me cherchaient"

Tout sourire, chemise hawaïenne et lunettes de soleil aviateur, Huang Chu-jung se présente sur sa page Facebook comme un grand-père taïwanais inoffensif. Cette photo, datant de novembre 2024, est la dernière publiée sur son compte. Quelques mois plus tard, en février 2025, l’homme est arrêté, soupçonné d’être à la tête d’un cercle d’espionnage pour le compte de la Chine. L’affaire a fait l’effet d’une bombe à Taïwan : cet ancien assistant d’un conseiller municipal avait en effet infiltré le cœur du pouvoir, recrutant trois informateurs au sein du DPP, le parti honni de Pékin pour ses racines indépendantistes, et qui dirige l’île depuis 2016.

C’est un an après ce changement de cap politique, que Huang semble entrer en action. Certains médias taïwanais rapportent qu’il aurait été approché dès 2003 par les services secrets chinois - c’était alors un homme d’affaires -, lors d’un de ses fréquents voyages sur le continent. Il recrute un conseiller auprès du Bureau présidentiel et un assistant de Joseph Wu, ministre des Affaires étrangères de 2018 à 2024. Ho Ren-chieh, qui a travaillé en étroite collaboration avec le chef de la diplomatie taïwanaise pendant tout son mandat, a ainsi pu transmettre des fichiers confidentiels, telles que des conversations avec des dignitaires étrangers, via une application de jeu sur téléphone, cryptée par les services secrets chinois.

Contacté par L’Express, le ministère des Affaires étrangères se dit "consterné", ces fuites pouvant "porter préjudice aux résultats diplomatiques accumulés pendant de nombreuses années". Même si ce cas de vol d’informations n’a pas encore eu de conséquences trop graves sur la sécurité nationale, il révèle les failles du système de contrôle du personnel au sein des institutions les plus sensibles.

Pour avoir recruté des espions et partagé des informations secrètes, Huang, le "gentil grand-père", aurait touché au moins 6 millions de dollars taïwanais (165 670 euros) pour l’ensemble de ses opérations, même s’il est difficile de retracer précisément les transferts d’argent.

"Sortons le portefeuille !"

Sa première recrue, Chiu Shih-yuan, occupait alors un poste de directeur adjoint de l’Académie pour la démocratie, un institut fondé par le DPP pour former ses membres politiques (il semble désormais inactif). Sur les réseaux sociaux, l'homme affiche une vie de faste, incompatible avec un salaire de militant du DPP, qui attire les soupçons. Sur une photo publiée en 2023, sa femme montre fièrement un sac d’emballage Hermès devant la boutique de luxe, à Munich, avec cette légende : "Sortons le portefeuille !".

Assistants de députés ou de ministres, haut gradés dans l’armée, soldats, directeurs de temples religieux, mafieux, influenceurs ou encore entrepreneurs : les services secrets chinois, tels une hydre invisible, se glissent dans toutes les strates de la société. Non seulement pour récolter de précieuses informations, mais aussi pour fragiliser la cohésion de la population taïwanaise face à la Chine, qui considère l’île comme l'une de ses provinces et juge l'unification "inévitable". En mars, le président taïwanais Lai Ching-te a tiré la sonnette d'alarme dans un discours : 64 personnes ont été poursuivies en 2024 pour espionnage au profit de la Chine, un chiffre trois fois plus élevé qu’en 2021. Au total, le nombre de personnes infiltrées pourrait dépasser les 5 000, selon Liu Te-liang, ex-directeur des renseignements militaires de Taïwan, que L’Express a pu rencontrer.

Casquette vissée sur la tête et vêtu d’un sweat-shirt, le sexagénaire parle discrètement et scrute de temps à autre les clients, dans un café de Taipei. A la retraite depuis 2018, il se sent toujours comme un homme traqué : "Après mon départ, je savais que les services de renseignement chinois, et notamment leur unité militaire, ne me laisseraient pas tranquille. C’est pourquoi j’ai fait profil bas pendant sept ans", confie-t-il. A peine huit mois après avoir quitté ses fonctions, une lettre manuscrite lui parvient, en provenance d’une mystérieuse entreprise de gaz chinoise, avec cette annonce : "La société Gitech Energy Technology Co. Ltd. basée au Sichuan recherche un partenaire à Taïwan". "Dès que j’ai vu l’enveloppe, j’ai su qu’ils me cherchaient. Leur objectif était clair : me signaler qu’ils savaient où je me trouvais et me pousser à collaborer", poursuit notre témoin.

Comme nombre d’anciens militaires, il est une cible de choix pour les espions chinois. D’après le Bureau de la sécurité nationale, sur les 64 personnes inculpées pour espionnage l’an dernier, 43 sont des militaires actifs ou retraités. Pourtant, le règlement est strict : pendant dix ans après leur départ, il leur est interdit de se rendre en Chine, à Macao ou à Hongkong. Liu Te-liang s’est lui-même fixé une règle : ne pas quitter le pays quoiqu’il arrive.

Les militaires agissent pour des motifs financiers

Rares sont les agents secrets chinois à poser le pied sur l’île. Exception notable : en 2015, les Taïwanais ont réussi à intercepter sur leur sol Zhen Xiaojiang, un ancien capitaine de l’Armée populaire de libération qui avait recruté des haut gradés de l’armée et transmis des informations militaires classifiées. Depuis, "toutes les personnes arrêtées sont des Taïwanais, jamais des Chinois", remarque Nieh Jui-i, avocat à Taipei et chargé de la défense des militaires soupçonnés d’espionnage. "Le PCC est intelligent : lorsqu’il recrute un intermédiaire pour aller corrompre des militaires, les responsables eux-mêmes n’entrent quasiment jamais à Taïwan. Ils opèrent depuis Hongkong, Macao ou le Japon", abonde Wang Cheng-hao, procureur du Parquet de Taïwan.

Ce sont les "intermédiaires" taïwanais - souvent des militaires à la retraite, donc - qui se chargent de sélectionner et approcher les profils jugés intéressants. "Il existe deux catégories de recruteurs : la première, ce sont ceux animés par une idéologie. Ils adhèrent aux idées de la Chine et souhaitent l’unification. La deuxième, ce sont des individus dont la position sur Pékin est floue, et qui sont avant tout motivés par l’argent", résume Lin Ta, autre procureur du Parquet.

Environ 70 à 80 % des militaires agiraient pour des motifs financiers, selon l’avocat Nieh Jui-i. De fait, les militaires endettés sont des profils particulièrement recherchés par les Chinois, qui leur proposent des missions en apparence sans danger. Ainsi, les vols de renseignement ne relèvent pas toujours de secrets d’Etat : "Dans une affaire, il s’agissait d’un tableau de service décrivant les horaires des tours de garde de nuit [sur un site sensible]. En soi, cela n’a pas de véritable valeur stratégique mais ils l’achètent tout de même" confie le procureur Lin Ta. En 2023, parmi les cas d’espionnage dans l’armée, les accusés ont pu toucher des sommes allant de 15 000 à 460 000 euros.

Derrière ce type d’opérations, se dissimule cependant une stratégie bien huilée : "Ils vous appâtent d’abord avec un leurre, puis, une fois que vous mordez à l’hameçon, la mécanique s’enclenche, petit à petit" poursuit le magistrat. Pris dans un engrenage, l’espion doit alors dérober toujours plus de renseignements. Les services chinois n’hésitent pas à faire peur pour pousser une recrue à aller plus loin. "Je me souviens d’une affaire où un soldat avait fourni des documents bons pour la poubelle. Un jour, ils lui ont donné rendez-vous en Chine : ils l’ont enfermé dans un terrain de basket et l’ont assis au milieu seul pendant plusieurs heures", relate le procureur. Isolé hors de son pays, l’espion craint alors d’être condamné par la justice chinoise, ou dénoncé à ses supérieurs.

Défection en vidéo

Au-delà des risques pour la sécurité nationale, ces opérations d’espionnage relèvent surtout de la guerre psychologique. "Les documents ne sont pas toujours utiles en eux-mêmes, mais les fuites peuvent montrer à quel point l’armée est perméable", analyse l’avocat Nieh Jui-i. Sur une photo datée de 2020, un colonel de l’armée taïwanaise en uniforme brandit une pancarte prouvant sa défection : "En cas de guerre entre les deux rives du détroit, je ferai de mon mieux dans mon travail pour servir la patrie et accomplir la glorieuse réunification pacifique", peut-on lire en caractères chinois. La photo a d’autant plus choqué que le colonel était en poste à Kinmen, un territoire taïwanais situé à seulement 3 kilomètres de la Chine et subissant régulièrement le harcèlement des garde-côtes et des drones chinois. Dans le même ordre d’idée, des officiers ont été payés en 2023 pour se filmer en train d’affirmer leur soumission à l’Armée populaire de Chine.

De tels messages contribuent à casser la confiance déjà fragile des Taïwanais envers leur propre armée : seule la moitié des habitants estiment que l’armée a les compétences nécessaires pour protéger le pays, selon un rapport publié l’an dernier par l’'Institut national de recherche sur la défense et la sécurité de Taïwan. Mis en cause, le ministère de la Défense soutient que son programme d’éducation dans les casernes pour lutter contre les infiltrations donne des résultats.

Les quatre espions arrêtés au sein du DPP cette année, longtemps restés sous les radars, posent en revanche la question de la sensibilisation à ce sujet dans la classe politique. Huang Chu-jung et Chiu Shih-yuan ont notamment pu sans difficultés rencontrer les services chinois en Thaïlande et à Macao. "Aujourd’hui, au sein du DPP, on doit signaler nos déplacements, mais cela ne concerne pas les assistants. Comme ils ne sont pas membres du parti, tout dépend des règles que chaque député impose à son propre bureau. Dans le nôtre, on interdit à tout le monde d’aller en Chine, mais dans d’autres, les assistants peuvent tout à fait s’y rendre" commente Puma Shen, député du DPP et spécialiste des techniques d’infiltration chinoises. De fait, les assistants échappent à la surveillance du parti. "Celui-ci n’intervient pour enquêter qu’après un incident : s’il y a une dénonciation, une accusation de corruption ou d’infraction", déplore notre ancien directeur des renseignements militaires, pour qui le DPP devrait se doter de son propre service de renseignements, à l’instar de l’armée.

Étonnamment, nombre de cas d’espionnage échappent à des poursuites ou à des peines conséquentes. Même lorsque les accusés enfreignent la loi sur la sécurité nationale, la justice se montre parfois clémente : en 2024, deux officiers retraités de l’armée de l’air, pourtant de connivence avec un espion chinois, ont été condamnés chacun à seulement deux ans et seize mois de prison. Et Huang Chu-jung, le recruteur d’espions au sein du DPP, n’a écopé fin septembre que de dix ans de réclusion.

"Dans l’armée américaine, tout le monde sait que si vous êtes arrêté pour espionnage, c’est pratiquement la fin de votre vie. Vous allez en prison pour au moins vingt ou vingt-cinq ans, voire à perpétuité", commente John Dotson, ancien officier du renseignement naval et directeur de Global Taiwan Institute, basé à Washington DC. Toutefois, au moment où la menace chinoise ne cesse de grandir (comme en témoignent les exercices militaires chinois devenus presque routiniers dans le détroit), les procureurs affirment se montrer désormais moins tolérants à l’égard des affaires d’espionnage.

Encore faudrait-il que la justice dispose des outils adéquats. A ce titre, l’affaire "Wang Ping-chung" a laissé un mauvais souvenir. Membre du parti pro-unification "xindang", cet homme et quatre autres personnes ont été accusés en 2018 de développer des organisations d’espionnage pour le compte de la Chine. Toutefois, faute de preuve suffisante, les hommes ont été acquittés. "Le tribunal a tranché : tant qu’ils n’ont pas posé cette question précise à leurs contacts : 'Acceptez-vous de travailler pour le Parti communiste chinois ?' alors il n’y a pas infraction", regrette le procureur Wang Cheng-hao, qui a porté l’affaire devant la Cour suprême taïwanaise, sans succès.

Pour lui, ce dossier pose la question "de la frontière entre les libertés fondamentales et la protection de la sécurité nationale dans un régime démocratique". Le sujet du renforcement de la surveillance est particulièrement sensible pour la jeune démocratie encore marquée par son passé dictatorial. "Nous ne voulons pas devenir un autre Hongkong, où la loi sur la sécurité nationale de la République populaire de Chine a paralysé la société civile. Mais d’autre part, nous sommes conscients d’être confrontés à une menace grave", observe Su Yen-tu, professeur de droit à l’Academia Sinica, à Taipei. Si elle ne veut pas devenir un paradis pour espions chinois, l’île n’a cependant pas d’autre choix que d’en finir avec l’angélisme.

© Anadolu via AFP

Assistants de députés ou de ministres, haut gradés dans l’armée, soldats, directeurs de temples religieux ou encore entrepreneurs : les services secrets chinois se glissent dans toutes les strates de la société taïwanaise.
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Pourquoi le rachat de Warner Bros par Netflix inquiète Hollywood

Friends, la saga Harry Potter ou la série Game of Thrones… Le géant du streaming Netflix a annoncé vendredi 5 décembre le rachat pour près de 83 milliards de dollars du studio de cinéma et de télévision historique Warner Bros Discovery (WBD) dans un communiqué commun. Cela lui permet d’acquérir un immense catalogue de films mais aussi le prestigieux service de streaming HBO Max. Une transaction qui va "avoir un impact sur l’industrie du divertissement pendant des décennies", prédit le média Bloomberg.

Il s’agit de la plus grosse opération du genre dans le domaine du divertissement depuis le rachat de la Fox par Disney (71 milliards de dollars) en 2019. Le communiqué précise que les actionnaires de Warner recevront pour chaque action 23,30 dollars en espèces et 4,50 dollars en actions Netflix - loin des seulement 8 dollars de l’action Warner Bros Discovery en avril dernier.

Quel impact pour les salles de cinéma ?

Netflix a la réputation de ne diffuser que quelques films dans les salles de cinéma pour des durées limitées, des avant-premières ou "généralement afin de pouvoir prétendre à des récompenses telles que les Oscars", rappelle Bloomberg. Le streaming à domicile est sa vocation principale. Cité par le New York Times, le directeur général de Cinema United, une association professionnelle représentant 30 000 écrans de cinéma aux États-Unis, a qualifié le rachat par Netflix de "menace sans précédent pour le secteur mondial de l’exploitation cinématographique". "Des cinémas fermeront, des communautés souffriront, des emplois seront perdus", a déclaré Michael O’Leary. Selon l’association, le retrait des films produits par Warner Bros provoquerait le même effet que la suppression de "25 % du box-office annuel national".

Netflix s’engage à maintenir les activités actuelles de Warner Bros. "Pour l’instant, vous pouvez compter sur le fait que tous les films prévus pour une sortie en salles par Warner Bros continueront d’être projetés dans les cinémas", a déclaré lors d’une conférence téléphonique avec des investisseurs le 5 décembre, Ted Sarandos, co-PDG de Netflix. Mais comme le souligne le New York Times, ce dernier avait aussi déclaré en avril lors d’un événement que le "consommateur" souhaitait "regarder des films chez lui", et avait qualifié les salles de cinéma d'"idée dépassée". Repéré par les Echos, un communiqué du syndicat des producteurs américains met en garde Netflix : "Nos studios historiques sont plus que de simples bibliothèques de contenus : leurs archives renferment le caractère et la culture de notre nation."

Va-t-il y avoir un monopole du secteur ?

La vente doit être achevée au troisième trimestre 2026. Selon le New York Post, des responsables de la Maison-Blanche se seraient récemment inquiétés de la possible acquisition de WBD par Netflix, risquant selon eux de donner à la plateforme vidéo une position dominante sur le marché américain des contenus. Des députés démocrates ont également assuré qu’ils allaient "suivre de près" cet accord.

Du côté des employés du secteur, c’est l’inquiétude. La Writers Guild of America, qui représente plus de 12 000 scénaristes, a également demandé à "bloquer" cette fusion dans un communiqué, note le New York Times. "Le rachat de l’un de ses principaux concurrents par le géant mondial du streaming est précisément ce que les lois antitrust visent à empêcher." L’association s’inquiète aussi d’une "dégradation des conditions de travail pour tous les professionnels du divertissement, une hausse des prix pour les consommateurs et une réduction du volume et de la diversité des contenus proposés".

Paramount, rachetée cette année par David Ellison, fils de Larry Ellisson, fervent partisan du président Donald Trump, avait cherché à se positionner pour racheter WBD. D’après Bloomberg, les avocats de Paramount ont écrit une lettre déclarant que le processus d’enchères avait été biaisé en faveur de Netflix.

Quelles conséquences sur les emplois ?

Selon le même média, la transaction devra a minima faire l’objet d’un examen pendant un an ou plus "par les autorités de régulation de plusieurs juridictions, notamment le ministère américain de la Justice et l’Union européenne", avant de pouvoir être définitivement validée. Netflix vise à réaliser entre 2 et 3 milliards de dollars d’économies. Selon Greg Peters, le co-PDG de Netflix, cité par Bloomberg, la majeure partie de ces économies proviendra de la réduction des frais généraux et administratifs. Des suppressions d’emploi ont eu lieu précédemment lorsque Disney a racheté la Fox pour 71,3 milliards de dollars en 2019, et également cette année lorsque Skydance Media (dirigé par David Ellison) a pris le contrôle de Paramount, avec le licenciement de plus de 2 000 employés en octobre.

Le PDG de Warner Bros, David Zaslav, pourrait aussi sauter. Il n’était pas présent lors de l’annonce de l’accord par Netflix et n’a pas fait de commentaire public depuis. Selon des sources de Bloomberg, "aucun rôle spécifique ne lui a été attribué au sein des sociétés fusionnées".

© afp.com/Patrick T. Fallon

Les studios Warner Bros. près de Los Angeles le 5 décembre 2025
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Hépatite B : les nouvelles recommandations américaines suscitent l’inquiétude des pédiatres

Cette décision, adoptée par huit voix contre trois, devrait être suivie par les autorités fédérales américaines et conduire à la fin de l'actuelle politique de prévention du pays, en vigueur depuis plus de 30 ans. Donald Trump s'est félicité sur son réseau Truth Social d'une "très bonne décision".

Selon la nouvelle recommandation, l'administration d'une première dose de vaccin contre l'hépatite B - sur trois - dans les premières heures de la vie d'un enfant ne serait plus systématiquement recommandée aux bébés dont la mère a été testée négative.

Ce changement majeur a été immédiatement dénoncé par des associations de soignants comme injustifié et même dangereux, en raison notamment des failles dans le dépistage des mères aux Etats-Unis et de la possibilité que les nouveau-nés soient contaminés par d'autres personnes de leur entourage. Cela "entraînera une augmentation des infections par l'hépatite B chez les nourrissons et les enfants", a ainsi fustigé Susan Kressly, présidente de l'Académie américaine de pédiatrie.

Le Comité consultatif sur les pratiques de vaccination (ACIP), entièrement remanié plus tôt cette année par le ministre vaccinosceptique Robert Kennedy Jr. a également recommandé qu'un test sérologique puisse être réalisé après une première injection pour évaluer la nécessité de doses futures.

"Causer du tort"

L'hépatite B est une maladie virale du foie qui peut notamment être transmise par la mère lors de l'accouchement et qui expose les personnes touchées à un risque élevé de décès par cirrhose ou cancer du foie. La recommandation de vacciner l'ensemble des nouveau-nés, soutenue par l'OMS, avait été instaurée aux Etats-Unis en 1991 et a permis de quasiment éradiquer les infections chez les jeunes dans le pays, selon les autorités.

En amont du vote, le docteur Cody Meissner, l'une des rares voix dissidentes du comité entièrement remanié par le ministre Robert Kennedy Jr, connu pour ses positions antivaccins, avait exhorté ses collègues à ne pas changer les recommandations en vigueur. "En modifiant la formulation de cette recommandation, nous causons du tort", avait-il alerté.

D'autres membres défendaient au contraire une mesure permettant d'aligner la politique vaccinale américaine sur celle d'autres pays comme la France, malgré les avertissements d'experts pointant les problèmes de surveillance et d'accès aux soins spécifiques aux Etats-Unis.

Vaccinations en chute

Désormais composé de personnalités pour beaucoup critiquées pour leur manque d'expertise ou pour avoir relayé de fausses informations sur les vaccins, le groupe avait déjà modifié en septembre les recommandations vaccinales sur le Covid-19 et la rougeole. Il a également entrepris vendredi une révision plus large du calendrier vaccinal des enfants, des travaux auxquels a participé l'avocat américain Aaron Siri, un proche de Robert Kennedy Jr. connu pour avoir relayé comme lui des théories infondées sur le sujet.

Cette initiative suscite l'inquiétude au sein de la communauté médicale américaine, qui accuse le groupe de chercher à restreindre les accès aux vaccins, alors même que les taux de vaccination du pays évoluent à la baisse depuis la pandémie et font craindre le retour de maladies contagieuses mortelles, comme la rougeole.

En réaction, plusieurs institutions scientifiques américaines et Etats démocrates ont récemment annoncé cesser de suivre les recommandations de ce groupe et élaborer leurs propres directives. Au sein même du Parti républicain, la décision de l'ACIP vendredi a fait des remous, le sénateur Bill Cassidy, médecin de formation, ayant exhorté sur X les autorités fédérales à ne pas la mettre en oeuvre.

Une fois adoptées, ces recommandations dictent la prise en charge ou non de certains vaccins par des assurances et programmes des vaccinations. Un détail qui compte dans un pays où le prix d'un seul vaccin peut s'élever à plusieurs centaines de dollars.

© Getty Images via AFP

ATLANTA, GÉORGIE - 5 DÉCEMBRE : Le Dr Robert Malone s'exprime lors d'une réunion du Comité consultatif sur les pratiques d'immunisation (ACIP) du CDC, le 5 décembre 2025 à Atlanta, en Géorgie. L'ACIP se réunit pour voter sur les modifications du calendrier de vaccination des enfants et le report des vaccins contre l'hépatite B. Elijah Nouvelage/Getty Images/AFP (Photo par Elijah Nouvelage / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP)
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Stratégie nationale de sécurité des Etats-Unis : Donald Trump lâche officiellement l’Europe

Au moins, les choses sont claires. L’Europe est seule, à ses risques et périls. L’Amérique de Donald Trump partage avec la Russie de Vladimir Poutine et la Chine de Xi Jinping l’objectif de vassaliser le Vieux Continent. La nouvelle Stratégie nationale de sécurité, révélée le 4 décembre par la Maison-Blanche, lève les derniers doutes. Washington s’y affranchit de toute responsabilité envers la sécurité de ses alliés et multiplie les reproches à leur encontre.

Le document présente l’Union européenne non seulement comme un compétiteur économique déloyal et un passager clandestin sécuritaire mais aussi, ce qui est nouveau, comme un adversaire idéologique. C’est même le seul désigné ainsi à travers le monde, mis à part l’Iran et les terroristes islamistes qui, eux, ne sont cités qu’en passant. L’Europe, véritable obsession, y est mentionnée à 48 reprises.

Le texte prétend que si l’immigration se poursuit, le Vieux Continent ne sera "plus reconnaissable" dans vingt ans, voire moins, avec des pays qui deviendraient "en majorité non-européens". La fiabilité des engagements auxquels les alliés ont souscrit en pâtirait. Venant d’une nation d’immigrants, dont la construction s’est accompagnée du génocide des peuples premiers, l’accusation est pour le moins déplacée. D’autant qu’aux Etats-Unis, la proportion des personnes nées à l’étranger est aujourd’hui plus élevée que dans l’Union européenne.

La feuille de route officielle de la politique étrangère de Donald Trump reprend les termes du discours choc prononcé par son vice-président en février 2025 à Munich. J. D. Vance y affirmait que la menace n° 1 pour la liberté et la démocratie européennes n’émanait pas de Moscou mais du refus des élites d’associer l’extrême droite au pouvoir. La Stratégie de sécurité se fixe pour objectif de "cultiver la résistance" au sein des nations européennes en promettant le soutien de Washington aux "partis patriotiques". Ce terme renvoie à la manière dont se définissent des partis comme l’AfD allemande, le RN français et le Fidesz hongrois, trois mouvements plus que bienveillants envers Vladimir Poutine.

On peut y voir une déclaration de guerre politique de l’Amérique trumpiste contre le mode de vie européen. En cherchant à séduire la Russie dans l’espoir vain qu’elle se détache de la Chine, en renonçant à tout principe moral au profit d’une diplomatie du donnant-donnant, en traitant même ses plus fidèles alliés comme des délinquants, la Maison-Blanche creuse le fossé au sein de "l’Occident collectif" honni par Poutine. D’autant qu’elle s’abstient dans le même document de toute critique à l’égard de Moscou et de Pékin.

La Chine y est décrite comme un simple rival économique et la Russie comme une grande puissance eurasiatique qui aurait besoin d’une "stabilité stratégique" que les Européens auraient tort de ne pas lui fournir. Leurs dirigeants s’aveugleraient en nourrissant des "attentes irréalistes" de la guerre en Ukraine alors qu’une "large majorité" de leurs populations souhaiterait la paix. Que la Russie soit responsable de centaines de milliers de morts depuis son invasion de l’Ukraine en 2022 est passé sous silence.

Inversion des responsabilités, incohérences… La Stratégie de sécurité de la Maison-Blanche ne se compare en rien aux documents intellectuellement charpentés que rédigeaient au XXe siècle des stratèges américains comme Henry Kissinger et Zbigniew Brzezinski. Il faut néanmoins la prendre au sérieux, car elle dévoile sans fard les intentions de Washington. Les Etats-Unis et l’Europe ne rament plus ensemble dans la même direction. Les chefs d’Etat et de gouvernement européens doivent s’adapter à une situation que très peu d’entre eux avaient prévue. La tactique consistant à caresser Donald Trump dans le sens du poil a échoué.

Cela ne peut qu’avoir des conséquences négatives sur l’issue du conflit en Ukraine. Alors que la position de Kiev est périlleuse sur le champ de bataille, que le soutien occidental a faibli du fait de l’arrêt de l’aide américaine, que la Chine renforce à l’inverse son appui à la Russie, les Européens savent désormais qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour éviter une défaite stratégique de première grandeur. A cet égard, la question de la mobilisation des avoirs russes gelés pour aider l’Ukraine, qui doit être débattue au Conseil européen des 18 et 19 décembre, sera un test de la détermination de l’UE et de sa capacité à peser sur le cours des événements à venir, contre Moscou mais aussi contre Washington.

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Le président américain Donald Trump le 3 décembre 2025, à Washington, aux Etats-Unis
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L’espace, futur terrain de la rivalité entre Sam Altman et Elon Musk ?

La rivalité entre Sam Altman, directeur général du champion de l'intelligence artificielle OpenAI (à l’origine de ChatGPT), et Elon Musk, qui dirige entre autre SpaceX et Tesla, se poursuit. Selon des informations du Wall Street Journal, Sam Altman a envisagé au cours de l’été de réunir des fonds pour acquérir ou s’associer à une entreprise de fusées, avec en vue notamment un fabricant appelé Stoke Space. Si, selon le quotidien américain, les négociations sont actuellement au point mort, il est évident qu'une telle entreprise concurrencerait directement son éternel rival, le patron de l'entreprise aérospatiale SpaceX.

Une fusée pour rivaliser

"Dois-je créer une entreprise de fusées ?", s’était déjà interrogé Sam Altman lors d’un podcast en juin avec son frère. Les discussions avec Stoke Space se seraient intensifiées à l’automne, selon des personnes proches des négociations s'étant confiées au Wall Street journal, avec la proposition d’OpenAI d’investir dans la société et de devenir actionnaire majoritaire - soit plusieurs milliards de dollars au fil du temps.

Sam Altman n'est pas le seul à vouloir chasser sur les terres de l'homme le plus riche du monde. Plusieurs sociétés de lancement tentent de concurrencer SpaceX dans le domaine aérospatial privé, notamment Blue Origin (l’entreprise de Jeff Bezos), Rocket Lab et Stoke Space (fondée en 2020 par d’anciens employés de Blue Origin). Cette dernière est en train de développer une fusée, appelée Nova, que l’entreprise souhaite entièrement réutilisable. Mais la création d’une nouvelle fusée "est semée d’embûches techniques et réglementaires et peut souvent prendre une décennie", souligne le quotidien financier américain. Démarrer avec une société existante comme Stoke Space aurait donc permis au cofondateur d’OpenAI de se retrouver rapidement sur les rails pour concurrencer directement avec Elon Musk, sachant que SpaceX planche également sur le projet d'une fusée réutilisable.

Une concurrence sur tous les plans

Les deux hommes, auparavant amis et cofondateurs avec neuf autres personnes d’OpenAI, sont devenus rivaux sur fond de divergence stratégique quant à la gestion de la start-up il y a quelques années, ayant mené Elon Musk à quitter l’entreprise en 2018. Comme le remarque le quotidien espagnol El Pais, "le succès de ChatGPT […] n’a fait qu’alimenter la rivalité croissante entre les entreprises de d'Altman et de Musk", poussant ce dernier a lancer en 2023 xAI, une start-up concurrente d’intelligence artificielle, pour finalement attaquer OpenAI en justice en 2024.

Depuis, la lutte s'intensifie entre les deux patrons. Sam Altman a récemment lancé Merge Labs, une start-up spécialisée dans les interfaces cerveau-ordinateur - rivale de Neuralink créée par Elon Musk - ainsi qu'un réseau social qui pourrait concurrencer X - également propriété de du Sud-Africain. En février dernier, rappelle encore El Pais, "un consortium dirigé par Musk" a proposé d’acheter pour 97,4 milliards de dollars la fondation qui contrôle OpenAI. Sam Altman, a alors riposté sur X, avec ironie : "Non merci, mais on peut acheter Twitter pour 9,74 milliards si vous voulez."

no thank you but we will buy twitter for $9.74 billion if you want

— Sam Altman (@sama) February 10, 2025

Actuellement, Musk semble un coup d'avance, avec un objectif annoncé vendredi de valorisation de SpaceX à 800 milliards de dollars, soit la plus élevée au monde pour une société non cotée. Si une telle opération a lieu, l'entreprise aérospatiale dépasserait alors OpenAI, valorisée à "seulement" 500 milliards de dollars début octobre. Une perspective qui ne va pas apaiser les tensions.

Des data centers dans l’espace

Mais outre les fusées, l’intérêt de Sam Altman pour le spatial n’est pas totalement neuf, puisque comme le rappelle le Wall Street Journal, il s’est déjà intéressé à la possibilité de construire des centres de données dans l’espace, utilisant l’énergie solaire pour fonctionner - tout comme Jeff Bezos d’Amazon, Elon Musk ou Sundar Pichai de Google. Selon une analyse de 2025 du cabinet de consultants McKinsey, la demande mondiale en capacité de centres de données "pourrait augmenter à un taux annuel compris entre 19 et 22 % entre 2023 et 2030". Or, cela "augmente le risque d’un déficit d’approvisionnement", car selon le cabinet, "il faudrait construire en moins d’un quart du temps au moins deux fois la capacité des centres de données construits depuis 2000." La demande en énergie pour l’usage de l’IA serait le "principal facteur de ce déficit". En clair, faire monter en puissance des entreprises dans l’IA, comme OpenAI, ne peut pas aller sans développer la capacité des centres de données.

Au début de l’année, Sam Altman a ainsi investi via OpenAI 18 milliards de dollars dans une nouvelle société de centres de données, appelée Stargate, aux côtés de SoftBank. "Je pense qu’à terme, une grande partie du monde sera recouverte de centres de données", déclarait-il déjà cet été dans un podcast américain. "Peut-être construirons-nous une grande sphère de Dyson autour du système solaire et dirons-nous : "En fait, cela n’a aucun sens de les installer sur Terre."

© AFP

Sam Altman, PDG d'OpenAI et Elon Musk, à la tête de X ou encore Tesla, cultivent une certaine inimitié.
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Donald Trump lauréat du premier "Prix de la paix" de la Fifa

"Un grand jour" : la cérémonie de tirage au sort du Mondial-2026 a débuté vendredi 5 décembre au Kennedy Center de Washington, sous l'égide de Donald Trump et très haute surveillance. "C'est un grand jour et c'est un sport formidable", a clamé le président américain sur le tapis rouge de la grande salle de spectacles de Washington qui accueille l'événement.

Donald Trump est ensuite allé s'asseoir au balcon en compagnie du président de la FIFA, Gianni Infantino, dont il est proche, et non loin du Premier ministre canadien Mark Caney et de la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum, co-organisateurs. Sur la scène, Gianni Infantino a fait applaudir les trois dirigeants. "C'est le plus grand événement que l'humanité ait jamais vu (...), cela va être stratosphérique", a-t-il déclaré avec emphase. Auparavant le ténor Andrea Bocelli avait entonné l'air "Nessun Dorma" ("Que personne ne dorme") tiré de l'opéra Turandot de Giacomo Puccini, sous les applaudissements du public.

En effet durant près de deux heures, c'est un véritable show qui va se dérouler dans l'imposante salle de spectacle située dans la capitale américaine, aux abords de laquelle un imposant dispositif de sécurité a été mis en place, obligeant les personnes accréditées à patienter parfois presque deux heures, sous la neige, pour y pénétrer. Cet évènement en mondovision constitue le premier temps fort de ce tournoi hors-normes organisé dans trois pays (Etats-Unis, Mexique, Canada), pour déterminer le parcours des 48 équipes - une première - lancées dans la course à la succession de l'Argentine de Lionel Messi.

L'invité de marque est à n'en pas douter le président américain lui-même. Le milliardaire républicain, revenu à la Maison-Blanche en janvier, a fait de la Coupe du monde 2026 un événement central de son second mandat, en dépit des inquiétudes que font peser sur le déroulement de l'épreuve ses prises de position tous azimuts contre ses voisins mexicain et canadien, sa politique migratoire ou ses menaces de priver de rencontres certaines villes dirigées par les démocrates.

Une bromance savamment entretenue par les deux hommes

Donald Trump a trouvé un allié de poids en la personne du patron de la Fifa, Gianni Infantino, avec qui il n'en finit pas d'afficher sa proximité, comme encore lors du début de la cérémonie. Le dirigeant italo-suisse, présent à son investiture et convié plusieurs fois dans le Bureau Ovale, a bien compris la nécessité de se rapprocher du président des Etats-Unis, où auront lieu 78 des 104 matches programmés du 11 juin au 19 juillet prochain, dont la finale au MetLife Stadium (New Jersey).

Cette "bromance", savamment entretenue par les deux hommes au nom d'intérêts stratégiques mutuels, s'est poursuivie durant la cérémonie, avec l'attribution à Trump du premier "Prix de la paix de la Fifa". Le dirigeant républicain a reçu sur scène un trophée ainsi qu'une médaille. "C'est l'un des plus grands honneurs de ma vie, nous avons sauvé des millions de vie", a affirmé le dirigeant républicain, citant le Congo, l'Inde, le Pakistan, "tant de guerres auxquelles nous avons réussi à mettre fin" ou à éviter.

La Fifa avait annoncé en novembre la création de ce prix, censé récompenser "les énormes efforts d'individus qui unissent les gens et apportent l'espoir aux générations futures". Il ne faisait aucun doute que le président américain serait le premier lauréat.

L'ONG de défense des droits de l'homme Human Rights Watch a déploré vendredi dans un communiqué qu'il n'y ait eu "aucune transparence" autour de ce choix. Elle a annoncé avoir demandé à la Fifa "une liste des candidats, des juges, des critères", mais n'avoir pas obtenu de réponse.

Lot de consolation

Un lot de consolation en mondovision pour le chef d'Etat américain qui se targue d'avoir mis un terme à huit conflits dans le monde depuis son retour au pouvoir. Les experts jugent toutefois ce chiffre exagéré, soit parce que son intervention a été inexistante ou minimale dans certains processus de paix, soit parce que ses efforts de médiation n'ont pas, dans certains cas, réellement mis fin aux affrontements armés. Donald Trump n'en estime pas moins mériter le prix Nobel de la Paix, qui est allé cette année à l'opposante vénézuélienne Maria Corina Machado.

Entre autres lots de consolation, le président américain a déjà été nommé à la tête d'un "conseil pour la paix" chargé de superviser la mise en oeuvre de l'accord sur Gaza, et il vient de donner son nom à un "Institut de la paix" siégeant à Washington.

L'opposition démocrate et nombre d'associations de défense des droits de l'homme accusent le milliardaire de mener une politique plus belliqueuse que pacifique, en déployant l'armée dans certaines villes américaines, en multipliant les expulsions de migrants ou en déclenchant des frappes contre des embarcations en mer des Caraïbes. S'il se veut le "président de la paix", Donald Trump est aussi un dirigeant fasciné par la puissance militaire, qui a insisté pour que le ministère de la Défense américain soit renommé en "ministère de la Guerre".

© afp.com/Jia Haocheng

Donald Trump (à gauche) recevant le prix de la Paix de la Fifa des mains de Gianni Infantino le 5 décembre 2025 au Kennedy Center de Washington lors du tirage au sort de la Coupe du monde 2026 de football
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L'Union européenne inflige une amende de 120 millions d'euros à X

L'Union européenne a infligé vendredi 5 décembre une amende de 120 millions d'euros à X, le réseau social d'Elon Musk, au risque d'une nouvelle confrontation avec le président américain Donald Trump.

Avant même l'officialisation de cette décision, le vice-président américain J.D. Vance avait dénoncé la démarche européenne. "L'UE devrait défendre la liberté d'expression au lieu de s'en prendre à des entreprises américaines pour des foutaises", a-t-il lancé, s'attirant un message de remerciement d'Elon Musk.

L'amende contre X "n'a rien à voir avec de la censure", a répondu la vice-présidente de la Commission européenne chargée du numérique, Henna Virkkunen, interrogée par des journalistes. "Nous ne sommes pas là pour imposer les amendes les plus élevée, mais pour nous assurer que nos lois sur le numérique soient respectées".

Le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio a estimé vendredi que l'amende infligée par l'Union européenne à X, constituait une "attaque contre le peuple américain par des gouvernements étrangers". "L'amende de 140 millions de dollars infligée par la Commission européenne n'est pas seulement une attaque contre X, c'est une attaque contre toutes les plateformes technologiques américaines et le peuple américain par des gouvernements étrangers", a fustigé Marco Rubio sur X, en ajoutant que "l'époque de la censure des Américains en ligne est révolue".

Première amende imposée à une plateforme dans le cadre du DSA

L'amende annoncée par Bruxelles est la première imposée à une plateforme dans le cadre du règlement sur les services numériques, ou DSA. Cette loi phare est entrée en vigueur il y a deux ans pour lutter contre les contenus illégaux et dangereux en ligne, et impose des obligations renforcées aux plus grandes plateformes actives dans l'UE.

Cette sanction ne porte que sur les seules infractions notifiées en juillet 2024 à X, lorsque l'UE avait accusé simultanément la plateforme de tromperie des utilisateurs avec les coches bleues censées certifier les sources d'informations, de transparence insuffisante autour des publicités, et de non respect de l'obligation d'accès aux données internes par des chercheurs agréés.

Les coches bleues étaient à l'origine attribuées par l'ex-Twitter à des utilisateurs au terme d'un processus de vérification de leur identité, afin d'aider à déjouer les impostures. Mais après avoir racheté le réseau social en 2022 pour 44 milliards de dollars, et l'avoir rebaptisé X, Elon Musk a réservé ces badges aux abonnés payants, au risque selon Bruxelles d'induire en erreur les utilisateurs.

L'UE a élargi entre-temps son enquête sur X à des soupçons de non respect de ses obligations en matière de contenus illégaux et de désinformation, mais n'a pas terminé ses investigations sur ces autres sujets.

Les investigations concernant la désinformation se poursuivent

Ce dossier a pris une connotation très politique en raison de la très forte proximité entre Elon Musk et le président américain Donald Trump, jusqu'à leur rupture fracassante en juin. Ces dernières semaines, les relations entre les deux milliardaires se sont quelque peu réchauffées, sans être revenues au beau fixe.

Mais quoi qu'il en soit, Washington n'a cessé cette année de critiquer les lois européennes contre les abus des géants de la tech, les accusant de cibler les champions américains. Fin novembre, des responsables américains en visite à Bruxelles ont appelé l'Europe à assouplir ces lois, en échange d'une baisse des droits de douane américains sur l'acier européen. Une forme de marchandage aussitôt rejetée par les responsables européens, qui ont réaffirmé le droit souverain de l'Union européenne à adopter et appliquer ses propres lois.

Par ailleurs, la Commission a défendu le montant de la sanction prononcée contre X, alors qu'elle pouvait théoriquement, pour chacune des infractions constatées, frapper le fournisseur de la plateforme à hauteur de 6 % de son chiffre d'affaires mondial annuel. "Nous avons estimé que c'était proportionné", et "cela prend en compte "la nature, la gravité et la durée des infractions commises, a expliqué Mme Virkkunen. Mais elle a rappelé que les investigations concernant la désinformation et les contenus illégaux sur X se poursuivaient et a dit s'attendre à ce qu'elles soient bouclées "plus vite".

Parallèlement, la Commission a annoncé avoir accepté des engagements de la plateforme d'origine chinoise TikTok qui répondaient à des griefs qu'elle lui avait adressés, concernant ses obligations de transparence en matière de publicité.

© afp.com/Nicolas TUCAT

L'UE a infligé vendredi une amende à X pour des infractions à ses règles sur les contenus en ligne
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Europe, immigration… Ce que dit la nouvelle stratégie de défense nationale de Donald Trump

La vision de Donald Trump en matière de relations internationales expliquée en longueur. L’administration du président américain a publié, dans la nuit du jeudi 4 au vendredi 5 décembre, un document sur sa "stratégie de défense nationale". En 33 pages, ce texte rappelle les priorités du milliardaire républicain au niveau diplomatique. Alors qu’il se vante ces derniers temps du nombre de guerres qu’il serait parvenu à interrompre, Donald Trump expose ici sa volonté de ne pas intervenir dans de nouveaux conflits. "Les affaires d’autres pays ne sont notre préoccupation que si leurs activités menacent directement nos intérêts", précise ainsi le document.

"Réajuster" la présence américaine dans le monde

Les sympathisants de son mouvement Maga ("Make America Great Again") promeuvent justement généralement le fait de ne pas impliquer les États-Unis dans de nouveaux conflits guerriers. Lors de ses différentes campagnes présidentielles, Donald Trump a d’ailleurs souvent répété cette idée. Mais ses déclarations menaçantes depuis son retour au pouvoir – contre le Nigeria, le Groenland, le Canada… – ont parfois pu donner à sa base une impression inverse à cette logique.

Ici, dans ce plan, l’administration républicaine réaffirme finalement la volonté d’un "réajustement" de la présence militaire américaine dans le monde. Pour elle, il s’agit désormais de "répondre aux menaces urgentes sur notre continent" tout en mettant en œuvre "un éloignement des théâtres dont l’importance relative pour la sécurité nationale américaine a diminué ces dernières années ou décennies". Selon la même source, l’influence de Washington en Amérique latine doit néanmoins être renforcée. Dans la lignée de la doctrine Monroe instaurée au XIXe siècle outre-Atlantique, il est nécessaire selon Donald Trump de "renforcer la suprématie américaine" sur l’ensemble du continent. Les récentes opérations militaires de l’US Army dans la mer des Caraïbes et la pression exercée sur le Venezuela font écho à cette ambition.

Par ailleurs, ce document évoque l’enjeu migratoire comme la principale menace encourue par les États-Unis. "L’ère des migrations de masse doit prendre fin", est-il écrit dans cette note. "La sécurité des frontières est l’élément principal de la sécurité nationale." Depuis le début de son deuxième mandat présidentiel, Donald Trump a considérablement durci sa politique contre l’immigration. "Nous devons protéger notre pays contre les invasions, non seulement contre les migrations incontrôlées, mais aussi les menaces transfrontalières telles que le terrorisme, les drogues, l’espionnage et la traite des êtres humains", exhorte le document.

Critiques acerbes contre l’Europe

Dans le sillage des critiques adressées par le vice-président américain J.D. Vance à Munich (Allemagne) l’hiver dernier, cette "stratégie de défense nationale" fustige par ailleurs des pans entiers des politiques menées sur le continent européen, qui, à en croire ce document, serait menacé "d’effacement civilisationnel". "Si les tendances actuelles se poursuivent, [l’Europe] sera méconnaissable dans 20 ans ou moins". Toujours d’après cette source, les décisions européennes "sapent la liberté politique et la souveraineté, les politiques migratoires qui transforment le continent et créent des tensions, la censure de la liberté d’expression et la répression de l’opposition politique, la chute des taux de natalité, ainsi que la perte des identités nationales".

Washington émet aussi le voeu que "l’Europe reste européenne, retrouve sa confiance en elle-même sur le plan civilisationnel et abandonne son obsession infructueuse pour l’asphyxie réglementaire". De quoi faire promptement réagir Berlin, le ministre des affaires étrangères Johann Wadephul estimant que l’Allemagne n’avait pas besoin de "conseils venant de l’extérieur", notamment sur "la liberté d’expression" ou "l’organisation des sociétés libres".

Enfin, la relation entre Chine et États-Unis est aussi mentionnée parmi la trentaine de pages, disponibles en ligne sur le site de la Maison-Blanche. Après plusieurs mois de guerre douanière, Washington entend désormais "rééquilibrer la relation économique de l’Amérique avec la Chine, en donnant la priorité à la réciprocité et à l’équité pour rétablir l’indépendance économique des États-Unis". Sur le plan militaire, le Japon et la Corée du Sud sont appelés à faire davantage pour soutenir la défense de Taïwan face à la Chine. "Nous devons inciter ces pays à augmenter leurs dépenses de défense, en mettant l’accent sur les capacités nécessaires pour dissuader les adversaires" de s’en prendre à l’île, estime le document.

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Le président américain Donald Trump le 3 décembre 2025, à Washington, aux Etats-Unis
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