Modération : Meta laisse passer certaines insultes visant les femmes et personnes LGBT
Alors que Donald Trump va être officiellement investi le 20 janvier prochain, Meta modifie sa politique de modération sur Facebook et Instagram pour aller dans la droite ligne idéologique du nouveau président américain, chantre de la liberté d’expression. Les nouvelles conditions d’utilisation de Facebook permettent par exemple aux utilisateurs américains d’utiliser certaines insultes envers les femmes, les gays et les trans.
Mark Zuckerberg a déclenché une petite tempête médiatique mardi avec l’annonce d’un chantier de révision stratégique de la politique de modération de Facebook, Threads et Instagram. Lancé aux États-Unis, il prévoit pour mémoire de transférer les équipes de modération de Meta de Californie vers le Texas et d’abandonner les programmes de vérification des informations au profit d’une modération assurée par les utilisateurs finaux, à la façon des Community Notes instaurées sur X.
À ces chantiers de moyen terme, qui de l’aveu même de Zuckerberg font suite au retour de Donald Trump à la Maison blanche, s’ajoutent quelques décisions à la portée plus immédiate. Comme l’a remarqué Wired, l’entreprise a aussi modifié mardi, sans faire de bruit cette fois, ses indications sur sa politique de modérations des « comportement haineux ».
Autorisation de qualifier de maladie mentale ou d’anormalité l’homosexualité ou la transidentité
Pour cette politique de modération en anglais (attention, le lien renvoie vers la page en français dans un navigateur paramétré pour un utilisateur francophone), le média pointe notamment le nouveau passage qui affirme : « nous autorisons les allégations de maladie mentale ou d’anormalité lorsqu’elles sont fondées sur le genre ou l’orientation sexuelle, compte tenu du discours politique et religieux sur le transgendérisme et l’homosexualité et de l’utilisation courante et non sérieuse de mots tels que « bizarre » ».
Alors que jusqu’à maintenant ce genre de messages aurait été modéré, l’entreprise de Mark Zuckerberg prévient donc qu’elle laissera dorénavant passer les messages qui qualifie l’homosexualité et la transidentité de maladies mentales. Meta n’a pas répondu aux demandes d’éclaircissement de Wired.
Wired note d’autres changements dans cette politique de modération. L’entreprise a notamment supprimé une formulation interdisant les contenus ciblant des personnes sur la base de leurs « caractéristiques protégées », qui comprennent la race, l’appartenance ethnique et l’identité sexuelle, lorsqu’elles sont associées à des « allégations selon lesquelles elles sont porteuses du coronavirus ou l’ont propagé ». Wired explique que « sans cette disposition, il serait désormais permis d’accuser, par exemple, les Chinois d’être responsables de la pandémie de Covid-19 ».
Meta avance aussi que « les gens utilisent parfois un langage d’exclusion de sexe ou genre » : « lorsqu’ils discutent de l’accès à des espaces souvent limités par le sexe ou le genre, tels que l’accès aux toilettes, à des écoles spécifiques, à des rôles militaires, de maintien de l’ordre ou d’enseignement spécifiques, ainsi qu’à des groupes de santé ou de soutien. D’autres fois, ils appellent à l’exclusion ou utilisent un langage insultant dans le contexte d’une discussion sur des sujets politiques ou religieux, comme les droits des transgenres, l’immigration ou l’homosexualité. Enfin, il arrive que des personnes insultent un sexe dans le cadre d’une rupture amoureuse ». L’entreprise affirme que ses nouvelles politiques « sont conçues pour laisser de la place à ces types de discours ».
Enfin Wired rappelle que cette page s’ouvrait depuis 2019 en expliquant que les discours haineux peuvent « promouvoir la violence hors ligne ». Cette phrase a été supprimée de la nouvelle version.
CNN explique de son côté que certaines suppressions dans ce texte permettent de qualifier « les femmes d’objets ménagers ou de biens » ou « les personnes transgenres ou non binaires de “ça” ».
La chercheuse Kate Klonick a publié sur Bluesky toutes les suppressions faites par Meta.
Meta a précisé à Wired que ces restrictions seraient assouplies à l’échelle mondiale mais « que les directives actuelles de Meta portaient sur la prise en compte des lois locales » et qu’elle adapterait donc sa politique de modération en fonction.
Une souplesse aussi envers des discours de haine dans la version francophone
On retrouve cette souplesse envers des discours de haine « dans le cadre d’une rupture sentimentale, et de dégoût » dans la version francophone des politiques de Meta. Celles-ci demandent de ne pas publier « sauf dans le cadre d’une rupture sentimentale, et de dégoût » des « expressions de mépris » comme :
- « l’aveu de sa propre intolérance à l’égard de caractéristiques protégées, notamment, homophobe, islamophobe, raciste ;
- les déclarations de haine, notamment « je méprise », « je déteste », « je ne supporte pas » ;
- les expressions de rejet, notamment « je ne respecte pas », « je n’aime pas », « je m’en fiche » ;
- les expressions qui suggèrent que la personne visée nous rend malade, notamment vomir, gerber ;
- les expressions de répulsion ou de répugnance, notamment, infect, dégoûtant, beurk. »
Dans la version francophone, on peut aussi voir que Meta refuse, « à l’exception de certaines insultes fondées sur le genre dans le contexte d’une rupture amoureuse », « les insultes ciblées […] définies comme suit » :
- « Utiliser des expressions ou des termes consistant en un appel à l’activité sexuelle, un contact avec les parties génitales ou l’anus, ou un contact avec l’urine ou les excréments, notamment, suce ma bite, va te faire foutre, mange-merde »
- « Désigner la cible par des termes décrivant les organes génitaux ou l’anus, notamment, con, trou du cul »
- « Utiliser des expressions ou des termes injurieux ou d’autres jurons avec l’intention d’insulter, notamment, enculé, salope, fils de pute ».
Ces changements apparaissent alors qu’Instagram vient de reconnaitre avoir restreint « par erreur » la visibilité de contenus LGBTQ+.
Flou sur l’arrêt du fact checking de Meta en Europe
Selon les informations de Contexte, Meta a envoyé le 7 janvier à la Direction générale des réseaux de communication, du contenu et des technologies (DG Connect) de la Commission une analyse de risques sur l’arrêt du « fact-checking » dans l’Union européenne. Cette étude chercherait « à démontrer que les deux très grandes plateformes de Meta, Facebook et Instagram, respecteront toujours leur obligation de lutte contre la désinformation imposée par le règlement sur les services numériques (DSA) » si cet arrêt était effectif, selon nos confrères.
Mais à Politico, Meta a précisé que « l’entreprise n’a pas l’intention de mettre fin au fact checking dans l’UE » et « elle examinera ses obligations en matière de modération de contenu dans l’UE avant de procéder à des changements ».