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A Tchernobyl, l’impact d’un drone russe compromet la sécurité du site nucléaire

Encore une mauvaise nouvelle pour l’Ukraine. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a indiqué que le bouclier de confinement recouvrant le réacteur accidenté de Tchernobyl, en Ukraine, ne remplit désormais plus pleinement sa fonction de protection contre les radiations. En février dernier, un drone explosif russe a touché le sarcophage, provoquant une brèche dans la structure d’acier censée isoler le site.

Achevé en 2019 dans le cadre d’un programme soutenu par l’Union européenne, le "New Safe Confinement" (également nommé l'Arche de Tchernobyl) venait coiffer le premier sarcophage en béton très dégradé, construit dans la précipitation après l’accident nucléaire du 26 avril 1986. Cet ouvrage de très haute technicité, qui avait nécessité un investissement de près de 1,5 milliard d’euros, avait été conçu pour durer un siècle. Longue de 257 mètres, haut de 108 mètres et pesant 36 000 tonnes — l’équivalent d’une centaine de Boeing 747 —, "cette arche devait résister à des conditions extrêmes : températures allant de – 43 °C à + 45 °C, vents violents comparables à ceux d’une tornade de catégorie 3 et séismes de magnitude 7", nous explique Vincent Houard, ingénieur nucléaire et membre de l’Observatoire Energie & Climat de l’Institut Sapiens.

Pensé pour garantir le confinement radioactif et permettre le démantèlement progressif du réacteur accidenté en toute sûreté, ce dôme métallique a été construit par le consortium Novarka (Bouygues Construction et Vinci Construction), puis lentement déplacé sur rails afin de recouvrir l’ancienne structure.

Des risques sécuritaires

Selon l’AIEA, le récent impact a provoqué des dommages compromettant l’intégrité de la structure. La mission d’inspection "a confirmé que la structure de protection avait perdu ses principales fonctions de sécurité, notamment sa capacité de confinement, mais a également constaté qu’il n’y avait pas de dommages permanents aux structures porteuses ou aux systèmes de surveillance", a informé le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, dans un communiqué.

Concrètement, le sarcophage métallique présente désormais une ouverture, ce qui signifie qu’il n’est plus totalement étanche. "Cette perte d’étanchéité fait peser un risque de dispersion de poussières radioactives, même si aucun relâchement n’a été constaté à ce stade. Elle peut aussi permettre à l’eau de s’infiltrer à l’intérieur, notamment lors de fortes pluies, ce qui pourrait, à terme, endommager la structure et ses équipements", explique Vincent Houard.

"Impossible d’envisager le retrait de l’arche"

Rafael Grossi a indiqué que des réparations provisoires avaient déjà été réalisées, tout en soulignant qu’"une restauration complète reste indispensable pour prévenir toute dégradation supplémentaire et garantir la sûreté nucléaire à long terme". L’AIEA a précisé, dimanche 7 décembre, que le site entreprendrait des réparations temporaires supplémentaires pour soutenir le rétablissement de la fonction de confinement de l’arche protectrice en 2026, avec le soutien de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), "ouvrant la voie à une restauration complète une fois le conflit terminé" avec la Russie.

Pour Vincent Houard, l’option la plus simple serait de reboucher la brèche. Une "intervention délicate", qui nécessiterait le recours à des entreprises hautement spécialisées, capables d’opérer en environnement contaminé. En revanche, retirer l’arche n’est pas une option : "le risque d’émanations radioactives est trop élevé", précise l’ingénieur nucléaire. Le calendrier des travaux reste toutefois incertain. Leur lancement dépendra notamment des financements mobilisés. "Le projet s’annonce coûteux et pourrait s’étaler sur plusieurs années. En attendant, des inspecteurs sont mobilisés sur place afin de surveiller l’absence de fuite."

© afp.com/Handout

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A Tchernobyl, l’impact d’un drone russe compromet la sécurité du site nucléaire

Encore une mauvaise nouvelle pour l’Ukraine. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a indiqué que le bouclier de confinement recouvrant le réacteur accidenté de Tchernobyl, en Ukraine, ne remplit désormais plus pleinement sa fonction de protection contre les radiations. En février dernier, un drone explosif russe a touché le sarcophage, provoquant une brèche dans la structure d’acier censée isoler le site.

Achevé en 2019 dans le cadre d’un programme soutenu par l’Union européenne, le "New Safe Confinement" (également nommé l'Arche de Tchernobyl) venait coiffer le premier sarcophage en béton très dégradé, construit dans la précipitation après l’accident nucléaire du 26 avril 1986. Cet ouvrage de très haute technicité, qui avait nécessité un investissement de près de 1,5 milliard d’euros, avait été conçu pour durer un siècle. Longue de 257 mètres, haut de 108 mètres et pesant 36 000 tonnes — l’équivalent d’une centaine de Boeing 747 —, "cette arche devait résister à des conditions extrêmes : températures allant de – 43 °C à + 45 °C, vents violents comparables à ceux d’une tornade de catégorie 3 et séismes de magnitude 7", nous explique Vincent Houard, ingénieur nucléaire et membre de l’Observatoire Energie & Climat de l’Institut Sapiens.

Pensé pour garantir le confinement radioactif et permettre le démantèlement progressif du réacteur accidenté en toute sûreté, ce dôme métallique a été construit par le consortium Novarka (Bouygues Construction et Vinci Construction), puis lentement déplacé sur rails afin de recouvrir l’ancienne structure.

Des risques sécuritaires

Selon l’AIEA, le récent impact a provoqué des dommages compromettant l’intégrité de la structure. La mission d’inspection "a confirmé que la structure de protection avait perdu ses principales fonctions de sécurité, notamment sa capacité de confinement, mais a également constaté qu’il n’y avait pas de dommages permanents aux structures porteuses ou aux systèmes de surveillance", a informé le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, dans un communiqué.

Concrètement, le sarcophage métallique présente désormais une ouverture, ce qui signifie qu’il n’est plus totalement étanche. "Cette perte d’étanchéité fait peser un risque de dispersion de poussières radioactives, même si aucun relâchement n’a été constaté à ce stade. Elle peut aussi permettre à l’eau de s’infiltrer à l’intérieur, notamment lors de fortes pluies, ce qui pourrait, à terme, endommager la structure et ses équipements", explique Vincent Houard.

"Impossible d’envisager le retrait de l’arche"

Rafael Grossi a indiqué que des réparations provisoires avaient déjà été réalisées, tout en soulignant qu’"une restauration complète reste indispensable pour prévenir toute dégradation supplémentaire et garantir la sûreté nucléaire à long terme". L’AIEA a précisé, dimanche 7 décembre, que le site entreprendrait des réparations temporaires supplémentaires pour soutenir le rétablissement de la fonction de confinement de l’arche protectrice en 2026, avec le soutien de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), "ouvrant la voie à une restauration complète une fois le conflit terminé" avec la Russie.

Pour Vincent Houard, l’option la plus simple serait de reboucher la brèche. Une "intervention délicate", qui nécessiterait le recours à des entreprises hautement spécialisées, capables d’opérer en environnement contaminé. En revanche, retirer l’arche n’est pas une option : "le risque d’émanations radioactives est trop élevé", précise l’ingénieur nucléaire. Le calendrier des travaux reste toutefois incertain. Leur lancement dépendra notamment des financements mobilisés. "Le projet s’annonce coûteux et pourrait s’étaler sur plusieurs années. En attendant, des inspecteurs sont mobilisés sur place afin de surveiller l’absence de fuite."

© afp.com/Handout

Photo diffusée par les services d'urgence ukrainiens, le 14 février 2025, montrant l'arche de confinement endommagée de l'ancienne centrale nucléaire de Tchernobyl à la suite d'une attaque de drone
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"Amène ton ami" : en Russie, le business lucratif du recrutement militaire

Alors que la guerre en Ukraine s’inscrit dans la durée, le recrutement de soldats est devenu, en Russie, un enjeu économique à part entière. En 2025, un mécanisme parallèle, fondé sur des primes et des gratifications à la performance, s’est progressivement imposé avec l’appui des autorités locales. Au cœur de ce dispositif, une logique simple, résumée par une formule largement diffusée : "Amène ton ami." Désormais, chaque engagement facilité par un intermédiaire peut donner lieu à une rémunération envers ce dernier, versée pour avoir orienté un volontaire vers le ministère de la Défense, souligne Courrier International.

Sur Telegram, VKontakte ou le site d’annonces Avito, les propositions d’enrôlement se multiplient, accompagnées d’arguments soigneusement sélectionnés : "pas de combats", "affectation en deuxième ligne", "dettes effacées". Présentées comme de simples opportunités professionnelles, ces promesses masquent toutefois une organisation bien plus structurée. Selon plusieurs médias indépendants russes, dont VotTak, média russophone affilié à la chaîne biélorusse Belsat, le recrutement militaire s’est imposé comme une activité lucrative à part entière, où mettre des hommes en relation avec l’armée est devenu un travail rémunéré.

"Dans au moins 21 régions, les administrations locales proposent une prime, parfois massive, pour chaque volontaire amené au centre de recrutement", rappellent nos confrères de Courrier International. Exemple à Pelym, petite ville de l’Oural, la municipalité verse ainsi à ces chasseurs de tête 500 000 roubles (5 500 euros) par recrue, auxquels s’ajoutent 50 000 roubles (559 euros) issus du budget régional. En moyenne, rappelle VotTak, l’État se déleste de 100 000 roubles (environ 1 100 euros) "pour chaque nouveau contractuel". Une aubaine pour certaines familles alors que l’inflation frôlait les 8 % en Russie au mois de septembre dernier.

Des réseaux informels structurés

D’après le média indépendant Verstka, le recrutement militaire obéit désormais à des logiques proches de celles d’un circuit économique organisé. On retrouve des profils très variés parmi les recruteurs : d’anciens cadres des ressources humaines en reconversion, des femmes au foyer maîtrisant les codes des réseaux sociaux, ou encore des intermédiaires locaux bien introduits. Certains développent même des réseaux informels structurés, capables d’adresser chaque jour plusieurs dizaines de volontaires aux centres d’enrôlement, dans l’objectif de percevoir une rémunération à chaque engagement conclu.

Comme l’a analysé le réseau Axel Springer Global Reporters Network pour Politico, plus de 80 gouvernements régionaux russes sont aujourd’hui mis en concurrence pour fournir des effectifs à l’armée. Les régions recourent à des agences de ressources humaines, qui s’appuient à leur tour sur des recruteurs indépendants. Leur mission ? Diffuser les annonces, sélectionner les candidats et les accompagner dans leurs démarches. "Ce qui était au départ une solution de fortune en temps de guerre s’est mué en une industrie quasi commerciale de chasse de têtes", résume le site américain.

La cible : "des hommes socialement vulnérables"

Pour les hommes russes, la guerre tend ainsi à se présenter comme un emploi parmi d’autres, avec des critères d’exclusion qui se sont assouplis. "Ces mesures ciblent une population spécifique : les hommes socialement vulnérables", explique la politologue Ekaterina Schulmann dans Politico qui dresse leur portrait. "Des hommes endettés, ayant un casier judiciaire, peu informés sur les questions financières, ou piégés par des microcrédits abusifs. Des personnes marginalisées, sans perspectives."

Cette orientation, impulsée par Vladimir Poutine, vise à porter les effectifs des forces armées russes à 1,5 million de soldats. Malgré des pertes humaines considérables depuis 2022 — plus d’un million de soldats auraient été tués ou grièvement blessés en Ukraine selon l’état-major général des forces armées ukrainiennes — Moscou continue de renouveler ses effectifs, en privilégiant désormais les leviers financiers à la contrainte directe. De quoi inquiéter ses voisins européens.

© afp.com/Olga MALTSEVA

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"Amène ton ami" : en Russie, le business lucratif du recrutement militaire

Alors que la guerre en Ukraine s’inscrit dans la durée, le recrutement de soldats est devenu, en Russie, un enjeu économique à part entière. En 2025, un mécanisme parallèle, fondé sur des primes et des gratifications à la performance, s’est progressivement imposé avec l’appui des autorités locales. Au cœur de ce dispositif, une logique simple, résumée par une formule largement diffusée : "Amène ton ami." Désormais, chaque engagement facilité par un intermédiaire peut donner lieu à une rémunération envers ce dernier, versée pour avoir orienté un volontaire vers le ministère de la Défense, souligne Courrier International.

Sur Telegram, VKontakte ou le site d’annonces Avito, les propositions d’enrôlement se multiplient, accompagnées d’arguments soigneusement sélectionnés : "pas de combats", "affectation en deuxième ligne", "dettes effacées". Présentées comme de simples opportunités professionnelles, ces promesses masquent toutefois une organisation bien plus structurée. Selon plusieurs médias indépendants russes, dont VotTak, média russophone affilié à la chaîne biélorusse Belsat, le recrutement militaire s’est imposé comme une activité lucrative à part entière, où mettre des hommes en relation avec l’armée est devenu un travail rémunéré.

"Dans au moins 21 régions, les administrations locales proposent une prime, parfois massive, pour chaque volontaire amené au centre de recrutement", rappellent nos confrères de Courrier International. Exemple à Pelym, petite ville de l’Oural, la municipalité verse ainsi à ces chasseurs de tête 500 000 roubles (5 500 euros) par recrue, auxquels s’ajoutent 50 000 roubles (559 euros) issus du budget régional. En moyenne, rappelle VotTak, l’État se déleste de 100 000 roubles (environ 1 100 euros) "pour chaque nouveau contractuel". Une aubaine pour certaines familles alors que l’inflation frôlait les 8 % en Russie au mois de septembre dernier.

Des réseaux informels structurés

D’après le média indépendant Verstka, le recrutement militaire obéit désormais à des logiques proches de celles d’un circuit économique organisé. On retrouve des profils très variés parmi les recruteurs : d’anciens cadres des ressources humaines en reconversion, des femmes au foyer maîtrisant les codes des réseaux sociaux, ou encore des intermédiaires locaux bien introduits. Certains développent même des réseaux informels structurés, capables d’adresser chaque jour plusieurs dizaines de volontaires aux centres d’enrôlement, dans l’objectif de percevoir une rémunération à chaque engagement conclu.

Comme l’a analysé le réseau Axel Springer Global Reporters Network pour Politico, plus de 80 gouvernements régionaux russes sont aujourd’hui mis en concurrence pour fournir des effectifs à l’armée. Les régions recourent à des agences de ressources humaines, qui s’appuient à leur tour sur des recruteurs indépendants. Leur mission ? Diffuser les annonces, sélectionner les candidats et les accompagner dans leurs démarches. "Ce qui était au départ une solution de fortune en temps de guerre s’est mué en une industrie quasi commerciale de chasse de têtes", résume le site américain.

La cible : "des hommes socialement vulnérables"

Pour les hommes russes, la guerre tend ainsi à se présenter comme un emploi parmi d’autres, avec des critères d’exclusion qui se sont assouplis. "Ces mesures ciblent une population spécifique : les hommes socialement vulnérables", explique la politologue Ekaterina Schulmann dans Politico qui dresse leur portrait. "Des hommes endettés, ayant un casier judiciaire, peu informés sur les questions financières, ou piégés par des microcrédits abusifs. Des personnes marginalisées, sans perspectives."

Cette orientation, impulsée par Vladimir Poutine, vise à porter les effectifs des forces armées russes à 1,5 million de soldats. Malgré des pertes humaines considérables depuis 2022 — plus d’un million de soldats auraient été tués ou grièvement blessés en Ukraine selon l’état-major général des forces armées ukrainiennes — Moscou continue de renouveler ses effectifs, en privilégiant désormais les leviers financiers à la contrainte directe. De quoi inquiéter ses voisins européens.

© afp.com/Olga MALTSEVA

Alors que les propositions d'enrôlement se multiplient, elles sont présentées désormais comme des opportunités économiques.
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Lutte contre le narcotrafic : cette double frappe dans les Caraïbes qui agite Washington

Un ordre de tir contre des naufragés : la Maison-Blanche a confirmé, lundi 1er décembre, qu’un amiral américain avait ordonné, début septembre, une seconde frappe contre un bateau suspecté de transporter de la drogue dans les Caraïbes, alors que des survivants d’un premier bombardement s’y trouvaient encore. Les révélations faites initialement par The Washington Post et The Intercept plongent les Etats-Unis dans l’une des plus graves controverses militaires de l’ère Trump et soulèvent de lourdes questions juridiques et politiques. D’après CNN, l’armée avait connaissance de la présence de rescapés visibles au moment du second tir.

Pour de nombreux juristes, l’affaire dépasse largement le cadre déjà contesté de ces opérations antidrogue. "Les frappes étaient déjà juridiquement douteuses, puisque aucune guerre n’est déclarée dans les Caraïbes. Mais le meurtre de survivants constitue un acte d’une gravité inédite", résume CNN. Le droit des conflits armés est clair : l’exécution d’un ennemi hors de combat — blessé, capturé ou naufragé — est interdite et considérée comme un crime de guerre. "Ils enfreignent la loi dans les deux cas", souligne Sarah Harrison, ancienne conseillère juridique au Pentagone. "Ils tuent des civils, et même s’ils les considéraient comme des combattants, ce serait tout autant illégal."

Le contexte régional est particulièrement tendu. Depuis août 2025, les Etats-Unis ont renforcé leur présence militaire en mer des Caraïbes, accusant le président vénézuélien, Nicolas Maduro, de diriger un véritable cartel de la drogue. De son côté, Caracas dément, dénonce des exécutions extrajudiciaires et affirme que Washington cherche à provoquer un changement de régime et à contrôler les ressources pétrolières du pays.

Deux survivants agrippés à l’embarcation

Selon les éléments désormais connus, 11 personnes ont péri début septembre lors de cette double frappe, la première d’une vingtaine d’attaques par les forces armées américaines qui ont fait 83 morts au total. Les médias américains affirment que deux survivants agrippés à l’embarcation en flammes ont été ciblés lors de la seconde attaque. Celle-ci aurait été autorisée par le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth - ce que le Pentagone a démenti dans un premier temps. "Si les faits rapportés par le Washington Post sont exacts, il semble que les forces spéciales aient commis un meurtre lorsque les deux hommes ont été tués dans l’eau", estime dans le Washington Post Jack Goldsmith, professeur de droit à Harvard et ancien directeur du Bureau du conseiller juridique sous l’administration de George W. Bush.

D’après CNN et d’autres médias, Pete Hegseth aurait donné instruction de s’assurer que "tous les passagers et membres d’équipages" soient tués. On ignore cependant si Pete Hegseth savait qu’il y avait des survivants avant la seconde frappe, ou si l’armée estimait simplement que l’attaque était nécessaire pour exécuter un ordre antérieur. Dimanche soir, Donald Trump a déclaré que son ministre de la Défense affirmait "ne pas avoir ordonné le meurtre de ces deux hommes", ajoutant le "croire à 100 %". Mais la Maison-Blanche a confirmé lundi que Pete Hegseth avait autorisé l’amiral Frank Bradley, le commandant des opérations spéciales de l’armée américaine, "à mener ces frappes cinétiques".

Des critiques dans le camp républicain

Devant la gravité des faits, même les présidents républicains des commissions du Sénat et de la Chambre ont dit soutenir l’ouverture d’une enquête parlementaire. Les sénateurs Roger Wicker (Mississippi), président républicain de la commission des forces armées, et Jack Reed (Rhode Island), principal démocrate de cette commission, ont indiqué vendredi soir avoir "orienté les demandes d’informations" vers le ministère de la Défense. "Une avancée notable de la part des élus républicains, qui ont passé une grande partie de l’année à s’en remettre à Donald Trump et à s’abstenir de tout contrôle sur ses actions", souligne le New York Times.

"Les gens sont très préoccupés par la manière dont ces frappes ont été menées", a dit lors d’une émission sur CNN le député républicain Mike Turner. Et le sénateur démocrate Chris Murphy de renchérir : "Les républicains comme les démocrates en viennent à la conclusion qu’il s’agissait d’un acte illégal et profondément immoral". Le sénateur démocrate Mark Kelly, ancien pilote de chasse, appelle lui aussi à faire toute la lumière sur l’affaire.

La polémique survient alors que Donald Trump accroît la pression sur Caracas. Lundi, il a réuni son Conseil de sécurité nationale après avoir annoncé la fermeture totale de l’espace aérien vénézuélien et évoqué de futures opérations, en mer comme sur terre. Sur le plan intérieur, le New York Times estime que l’intransigeance de Pete Hegseth devient un "handicap croissant" pour Trump, rappelant que cet allié avait déjà survécu à des fuites de conversations Signal en mai 2025. Un passif qui pourrait désormais peser plus lourd, à mesure que la crise s’envenime.

© afp.com/Eugene Hoshiko

Le ministre de la Défense américain Pete Hegseth se retrouve une nouvelle fois dans une tempête politique.
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Pourparlers sur l’Ukraine : Roustem Oumerov, un Tatar de Crimée fin négociateur

Toujours vêtu d’un treillis sombre, Roustem Oumerov se trouve au cœur de la machine diplomatique ukrainienne. Depuis l’été 2025, l’ancien ministre de la Défense ukrainien, un homme bedonnant aux cheveux rasés âgé de 43 ans, occupe un poste stratégique : secrétaire du Conseil national de sécurité et de défense (NSDC), véritable état-major politique de Volodymyr Zelensky. Ces derniers jours, il a remplacé Andriy Yermak à la tête de la délégation ukrainienne lors des discussions exploratoires menées avec Washington, dans l’espoir d’esquisser les contours d’une paix avec Moscou alors que Kiev cherche à consolider ses positions militaires tout en maintenant le soutien de ses alliés. Ce "réformateur pragmatique" comme l’écrit La Libre est devenu l’un des hommes les plus écoutés de Kiev.

Musulman pratiquant, issu de la minorité tatare de Crimée, Roustem Oumerov incarne une trajectoire singulière dans une élite politique dominée par les figures issues de l’Ouest du pays. Sa famille, déportée en Ouzbékistan sous Staline, regagne l’Ukraine à la fin des années 80. Il suit ensuite des études d’économie à Kiev et entame une carrière dans les télécommunications. Il débute en 2004 chez l’opérateur mobile Lifecell, puis cofonde en 2013 un fonds d’investissement, Astem. A ce moment-là, il mêle carrière entrepreneuriale et activisme au sein des instances représentatives des Tatars de Crimée, et devient conseiller du leader historique de la communauté, Mustafa Djemilev.

Puis, son entrée à la Rada (le parlement ukrainien) en 2019, sous l’étiquette du parti réformiste Holos (Voix), lui donne une visibilité nationale. Celui qui parle ukrainien, russe, anglais et turc devient l’un des interlocuteurs privilégiés des chancelleries occidentales. Pendant les premières semaines de l’invasion russe, en 2022, Roustem Oumerov a fait partie de la délégation ukrainienne négociant directement avec Moscou, puis a participé aux pourparlers visant, sous l’égide d’Ankara et de l'ONU, à débloquer les exportations céréalières de Kiev via la mer Noire.

Salué pour ces talents de négociateur

Cette même année, Volodymyr Zelensky lui confie le Fonds de la propriété d’Etat, au cœur du programme de privatisations. Roustem Oumerov y supervise une vague de ventes d’actifs publics saluée pour sa transparence. De quoi justifier sa nomination, un an plus tard, comme ministre de la Défense. A l’époque, ce Tatar de Crimée devient le premier membre de sa communauté à occuper un poste régalien d’une telle ampleur. Roustem Oumerov promet alors une réorganisation profonde du système d’achats militaires et défend la création d’une agence indépendante alignée sur les standards de l’Otan.

A mesure que ses responsabilités s’accroissent, son rôle diplomatique se renforce. En 2025, il multiplie les déplacements discrets entre Ankara, Washington et Riyad. A l’issue des pourparlers en Arabie saoudite, en mars, un membre de la délégation ukrainienne, Pavlo Palisa, s’était déclaré "très impressionné" par les talents de négociateur de l’ex-ministre. "Son anglais parfait et son charme oriental font des merveilles", a déclaré cet ancien commandant de l’armée très respecté et actuellement chef adjoint de l’administration présidentielle ukrainienne.

Cette montée en puissance explique aussi l’attention suscitée par son nom lorsqu’il est entendu fin novembre dans l’enquête anticorruption visant l’opérateur public du nucléaire Energoatom. Roustem Oumerov a été entendu en tant que témoin, sans qu’aucune accusation ne soit formulée à son encontre. Un épisode qui alimente toutefois le doute au sein de la société ukrainienne et pourrait éroder le crédit d’un responsable jusque-là perçu comme l’un des symboles de la réforme. Il intervient aussi à un moment sensible pour Kiev, qui s’efforce de prouver à ses alliés que la transformation de l’État reste possible, tout en continuant la guerre face à la Russie.

© afp.com/Adem ALTAN

Roustem Oumerov, secrétaire du Conseil national de sécurité et de défense (NSDC), occupe une place stratégique dans les négociations autour de la paix en Ukraine.
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Plan de paix pour l’Ukraine : ce deal économique que Donald Trump espère conclure avec la Russie

Officiellement, l’objectif était de trouver une issue à la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Mais derrière le plan de paix américain, un projet en 28 points présenté il y a dix jours et rédigé sans les alliés européens de Kiev, une autre logique apparaît selon le Wall Street Journal : celle d’un deal économique inédit entre Washington et Moscou, au grand dam de l’Europe. Objectif pour le Kremlin : sortir l’économie russe, d’une valeur de 2 000 milliards de dollars, de l’isolement.

Tout a commencé loin des chancelleries, sur les rives de Miami Beach. Le mois dernier, trois hommes se sont réunis dans une villa avec un ordinateur portable : Steve Witkoff, promoteur immobilier devenu l’émissaire de Donald Trump, Kirill Dmitriev, ex-patron du fonds souverain russe et négociateur choisi par Vladimir Poutine, et Jared Kushner, le gendre du président américain. Si ces cadres se voulaient loin du faste de la Maison-Blanche, c’est là que s’est écrit l’essentiel du plan de paix américain.

Pour Kirill Dmitriev, l’idée est simple : transformer l’après-guerre en opportunité économique. En cas d’accord, les entreprises américaines pourraient accéder en priorité aux 300 milliards de dollars d’actifs russes gelés en Europe, et financer une reconstruction de l’Ukraine menée depuis Washington.

Moscou, un marché à conquérir pour Washington

A plus long terme, plusieurs projets sont évoqués selon le WSJ : exploitation des ressources minières dans l’Arctique, investissements énergétiques et, dans une version plus ambitieuse encore, coopération spatiale entre SpaceX et le secteur spatial russe - jusqu’à une mission conjointe vers Mars. Un comble quand on sait que les industries spatiales rivales des Etats-Unis et de la Russie s’étaient livrées à une véritable course pendant la Guerre froide.

Selon des responsables occidentaux, repris par le WSJ, le Kremlin travaille depuis des mois à contourner les canaux institutionnels américains pour proposer à l’administration Trump une relecture complète de la relation bilatérale : moins géopolitique, plus commerciale. Autrement dit, que la Russie ne soit considérée non plus comme une menace militaire, mais comme un marché à conquérir - avec un avantage stratégique pour les Etats-Unis sur leurs alliés européens.

"En proposant des contrats de plusieurs milliards de dollars dans le secteur des terres rares et de l’énergie, Moscou pourrait redessiner la carte économique de l’Europe, tout en semant la discorde entre l’Amérique et ses alliés traditionnels", souligne le Wall Street Journal.

Face à Kirill Dmitriev, Steve Witkoff et Jared Kushner ont semblé réceptifs, leur vision rejoignant sans surprise celle de leur président, Donald Trump. Déjà dans les années 80, l’ex-magnat de l’immobilier défendait l’idée que les frontières importaient moins que la capacité à faire des affaires. Il avait proposé de négocier personnellement une fin rapide de la Guerre froide tout en construisant ce qu’il présentait aux diplomates soviétiques comme une "Trump Tower" en face du Kremlin, avec le régime communiste comme partenaire commercial.

"C’est un plan d’affaires"

Lorsqu’une version préliminaire du plan en 28 points a fuité, elle a immédiatement suscité des protestations. Des responsables européens et ukrainiens y ont vu une reprise directe de la position russe, ignorant largement les exigences de Kiev. La Maison-Blanche a tenté de temporiser, affirmant alors qu’aucune décision n’était prise. Mais les doutes persistent. "Ce n’est pas un plan de paix, c’est un plan d’affaires", a tranché Donald Tusk, le Premier ministre polonais.

A noter que plusieurs proches de Vladimir Poutine - des oligarques sanctionnés, issus notamment de Saint-Pétersbourg - auraient envoyé des émissaires frapper discrètement aux portes d’entreprises américaines pour évoquer investissements et exploitation des terres rares. Toujours selon le Wall Street Journal, des discussions existeraient également autour d’un éventuel retour d’Exxon Mobil dans le gigantesque projet gazier de Sakhaline, sous réserve d’un feu vert politique. A croire que Donald Trump espère que la paix pourra rapporter gros.

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Vladimir Poutine et Donald Trump espèrent bien tirer profit d'une paix en Ukraine, notamment sur le volet économique.
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