empower every soldier and army on the planet
D’après des documents obtenus par + 972 Magazine et plusieurs autres médias, l’armée israélienne s’est largement appuyée sur les services de Microsoft pour gérer l’infrastructure technique qui lui a servi dans ses attaques contre Gaza.
Le 7 octobre, le Hamas fauchait la vie de 1 200 Israéliens, principalement des civils, et en prenait 240 autres en otage. Depuis, plus de 47 161 personnes ont été tuées à Gaza, dont 14 500 enfants, et plus de 111 000 ont été blessés. Ce bilan vaut à Israël d’être accusée de risque plausible de génocide par la Cour Internationale de Justice, puis de génocide par les experts de l’ONU, et de nombreuses organisations non gouvernementales.
Pour commettre ces actes, Israël s’est notamment appuyé sur une large infrastructure numérique. Parmi ses principaux fournisseurs, que ce soit en termes de services de cloud ou d’intelligence artificielle : Microsoft, d’après des documents commerciaux du ministère Israélien de la Défense et des documents de filiales israélienne du géant états-unien obtenus par le média israélo-palestinien + 972 Magazine.
Plusieurs dizaines d’unités aériennes, terriennes et navales de l’armée israélienne ont acheté des services de la plateforme cloud Azure au fil des derniers mois, unité 8200, l’unité de renseignement israélienne, comprise. En collaboration avec the Guardian, Drop Site News et le média en langue hébreu Local Call,+ 972 Magazine détaille comment Microsoft a déployé une « empreinte dans toutes les grandes infrastructures militaires » d’Israël au gré du conflit en cours. Ceci, alors que certains de ses employés protestaient : deux d’entre eux ont été licenciés fin octobre 2024 après avoir organisé une veillée pour les Palestiniens tués à Gaza.
En octobre 2024, selon ces documents, l’usage que l’armée faisait des outils d’IA fournis par Azure était sept fois plus élevé que celui réalisé le mois précédant l’attaque du Hamas. En mars 2024, il avait été multiplié par 64. D’après Drop Site News, le conflit a fait grimper Israël parmi les 500 plus gros clients de Microsoft.
Azure partout
Parmi les unités dont les documents révèlent l’usage d’Azure,+ 972 cite l’unité Ofek de l’aviation israélienne, en charge de la gestion des vastes bases de données qui permettent d’automatiser la recherche de potentielles cibles aériennes. Dans une précédente enquête, le magazine israélo-palestinien avait détaillé comment l’armée automatisait ses frappes, grâce à plusieurs systèmes nommés « Alchimiste », « Évangile » (Habsora en hébreu), « Profondeur de la sagesse » ou encore « Usine à feu ».
L’unité Matspen, en charge du développement de systèmes opérationnels et de combat, et l’Unité Sapir, qui gère l’infrastructure numérique de la Direction du renseignement militaire, font aussi partie des clients identifiés. Si les usages précis de chacun des outils utilisés ne sont pas précisés dans les documents obtenus par les quatre médias, ces derniers permettent de calculer qu’un tiers de services achetés à Microsoft étaient destinées aux systèmes isolés d’Internet et des réseaux publics. Cela « renforce la probabilité que ces outils aient servi des objectifs opérationnels – tel que le combat et le renseignement » écrit + 972 Magazine.
Auprès du média, sept sources ont affirmé que l’armée israélienne était devenue toujours plus dépendante de la société états-unienne au gré du conflit, principalement parce que ses offres de stockage et la puissance de calcul permettait d’utiliser beaucoup plus de données beaucoup plus longtemps que ce que l’armée aurait été capable de faire autrement.
Les auteurs de l’enquête relèvent par ailleurs une « augmentation spectaculaire » du stockage cloud utilisée par l’armée israélienne en avril 2024, juste avant l’offensive menée contre la ville de Rafah. « L’utilisation du stockage est un indicateur important de l’ampleur de l’utilisation de l’IA, car le stockage augmente généralement avec l’utilisation d’autres produits en nuage », précise Drop Site News.
Plusieurs des centres de données qui ont servi à enregistrer les informations de l’armée israélienne sont situés en Europe, indique encore le média.
Explosion de l’usage de GPT
Microsoft Azure permet par ailleurs d’administrer des systèmes comme celui appelé « Rolling Stone », que l’armée utilise pour gérer les registres de population et les mouvements des Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza.
L’armée est par ailleurs consommatrice de systèmes d’IA du géant états-unien. Parmi ces derniers : des outils de traduction, le GPT-4 d’OpenAI, un outil de speech-to-text et un autre d’analyse automatique de documents.
Si l’armée a commencé à souscrire à GPT-4, le système d’OpenAI, dès août 2023,+ 972 Magazine constate que son usage a été multiplié par 20 depuis octobre 2023, comparé à la période pré-conflit. Auprès du média, un porte-parole d’OpenAI indique la société « n’a pas de partenariat avec l’armée israélienne ».
Cela dit, Microsoft a investi 13 milliards de dollars dans la société. Les clauses d’Open AI interdisant l’usage de ses systèmes pour des activités « militaires ou guerrières » ont par ailleurs été supprimées discrètement en janvier 2024.
19 000 heures de support technique
Les équipes de Microsoft ont par ailleurs été largement sollicitées pour accompagner l’armée israélienne dans leurs travaux. Plusieurs unités ont ainsi acheté des « services étendus d’ingénierie », ce qui, selon la propre documentation de Microsoft, fait partie intégrante de son service client.
Entre octobre 2023 et juin 2024, relève encore + 972, le ministère de la Défense Israélienne a dépensé 10 millions de dollars pour financer 19 000 heures de support technique du géant états-unien. Auprès de + 972, un agent de l’unité 8200 décrit des développeurs si impliqués dans le travail des forces armées qu’il en parlait comme de « personnes qui travaillaient déjà avec l’unité », comme s’ils étaient des soldats à part entière.
Drop Site News relève de son côté que 30 millions de dollars de dépense supplémentaires étaient envisagées en 2024 pour d’autres projets de support. Il précise que le montant total du contrat du ministère israélien avec la société états-unienne « est beaucoup plus élevé », mais que « le chiffre exact n’a pas pu être déterminé » à partir des documents obtenus.
En 2021, Microsoft a échoué à signer le « Project Nimbus », un contrat de 1,2 milliard de dollars pour la refonte de l’infrastructure cloud de l’armée israélienne, finalement remporté par une alliance entre Google et Amazon. En août,+ 972 Magazine soulignait que Microsoft Azure et Amazon AWS continuaient de concourir pour obtenir les meilleurs contrats auprès de l’armée israélienne.