Bubble Bobble
Meta a annoncé en interne la réorganisation de son récent département dédié à l’IA autour de quatre équipes distinctes. Ce mouvement, qui suit la récente acquisition de Scale AI pour près de 14 milliards de dollars, intervient alors que le groupe de Mark Zuckerberg a lancé une véritable chasse aux talents… qu’il conviendrait donc désormais d’exploiter au mieux.
Tout à sa volonté de remporter la course à l’intelligence artificielle, Mark Zuckerberg a-t-il enfin trouvé la recette idéale ? Après des mois de dépenses effrénées, la direction de Meta a envoyé mardi 19 août une note interne informant les employés du groupe d’une réorganisation du département dédié à l’IA. Baptisé Meta Superintelligence Labs, ce dernier n’a pourtant été installé que très récemment, au début de l’été.
Quatre piliers dans la course à l’IA
Révélé par Bloomberg, ce mémo est signé par Alexandr Wang, l’ancien dirigeant de Scale AI, dont Meta a pris le contrôle cet été en échange de 14,3 milliards de dollars, entraînant dans la foulée une saignée au niveau des effectifs de ce spécialiste de l’annotation de données.
Devenu Chief AI Officer, soit patron du Meta Superintelligence Labs, ce dernier annonce donc une réorganisation autour de quatre pôles. D’abord, une équipe en charge des produits commerciaux et de la recherche appliquée (confiée à Nat Friedman, CEO de GitHub jusqu’en 2021). Ensuite, une branche MSL Infra, chargée de tous les projets d’infrastructure, auxquels Meta prévoit désormais de consacrer la bagatelle de 72 milliards de dépenses d’investissement en 2025.
Arrivent ensuite un pôle baptisé FAIR, pour Fundamental AI Research, et un dernier Lab, pour l’instant désigné sous le sigle TBD (To be determined, soit nom à déterminer), qui serait piloté directement par Alexandr Wang, et aurait a priori vocation à piloter les prochaines générations de modèles d’IA. « La superintelligence arrive, et pour la prendre au sérieux, nous devons nous organiser autour des domaines clés qui seront essentiels pour l’atteindre », explique Alexandr Wang dans son mémo, d’après les propos rapportés par Bloomberg.
Des Labs enfin en ordre de marche ?
D’après le New York Times, qui cite des personnes proches du dossier sous couvert de confidentialité, la réorganisation en cours pourrait entraîner des suppressions de poste ou des mobilités internes au sein d’une équipe dont les effectifs se comptent désormais en milliers, mais réduire la voilure ne serait pas la priorité numéro un. Pour Zuckerberg, l’objectif serait de mettre, enfin, son Meta Superintelligence Labs dans une configuration optimale, un prérequis concurrentiel indispensable au vu de l’actualité du secteur.
Cette réorganisation serait la quatrième opérée en six mois, selon le décompte fait par The Information. Il faut dire qu’entre temps, Meta a non seulement pris le contrôle de Scale AI, mais aussi lancé une guerre des recrutements en matière d’IA, allant jusqu’à proposer des packages à huit, voire neuf chiffres aux talents les plus en vue officiant chez ses concurrents directs.
Reste à mettre ces onéreuses recrues au diapason du projet de Meta, et c’est donc au mystérieux TBD Lab que devrait incomber la mission. Plus tôt en août, un autre mémo interne signé par Wang, dévoilé cette fois par le Wall Street Journal, révélait que ce dernier avait vocation à capitaliser sur les travaux des autres branches du Meta Superintelligence Labs pour accélérer le développement des modèles amenés à succéder aux actuels Llama, et ainsi poursuivre le rêve, encore réaffirmé fin juillet par Zuckerberg, d’une « superintelligence personnelle », soit une IA qui « nous connaît en profondeur, comprend nos objectifs et peut nous aider à les atteindre ».
Meta en fait-il trop ?
Si les atermoiements du groupe en matière d’organisation s’expliquent par l’actualité récente, ils contribuent sans doute à l’émergence d’une forme nouvelle de méfiance de la part des marchés vis-à-vis de l’IA. La frénésie de Zuckerberg en la matière rappelle bien sûr son obsession d’un temps pour le métavers, qui avait entraîné des milliards de dollars dans la fameuse division Reality Labs, avant que celle-ci ne soit brutalement fermée, conduisant au licenciement de la plupart de ses salariés.
L’aventure des Reality Labs ne se solde pas par un bilan nul : elle sous-tend par exemple les travaux actuels de Meta autour des lunettes de réalité virtuelle, qui constituent d’ailleurs pour Zuckerberg l’un des débouchés naturels de la superintelligence. Elle laisse cependant augurer, aux yeux de certains commentateurs, une forme de bulle autour de l’IA, dont les difficultés organisationnelles de Meta pourraient être un symptôme supplémentaire.
À Wall Street, les valeurs de la tech tutoient des sommets : NVIDIA a franchi la barre des 4 000 milliards de dollars de capitalisation et les GAFAM dopent le S&P500 (indice des 500 plus grandes sociétés cotées américaines) qui n’a jamais été aussi haut. Mais le Financial Times listait, mardi, quelques phénomènes susceptibles de troubler la croissance générale du marché, à l’occasion d’une journée marquée par le recul des principales actions du secteur.
À commencer par une déclaration de Sam Altman, selon qui l’engouement des investisseurs pour l’IA se révélait parfois excessif. « Je pense que certains investisseurs risquent de perdre beaucoup d’argent, et je ne veux pas minimiser cela, c’est dommage. Il y aura des périodes d’exubérance irrationnelle. Mais dans l’ensemble, la valeur pour la société sera énorme », aurait ainsi déclaré le patron d’OpenAI.
Toujours d’après le Financial Times, les traders auraient aussi marqué le pas, mardi, en raison de la publication d’une étude menée par le NANDA, le laboratoire dédié à l’IA décentralisée du MIT. Ce document, accessible après validation d’un formulaire (ou par ici) et que nous n’avons pas (encore) analysé en détail, affirmerait que 95 % des sociétés américaines ayant lancé des projets en matière d’IA n’auraient à ce stade obtenu aucun retour sur investissement, en partie parce qu’ils auraient du mal à dépasser la phase de prototypage et donc à faire l’objet d’une intégration en bonne et due forme dans les processus de l’entreprise.