Montres connectées : comment Amazfit grignote du terrain
Dans le paysage encombré des montres connectées, une marque grignote ses parts de marché avec une régularité de métronome. Amazfit, filiale de Zepp Health, n'est plus seulement le constructeur qui inonde le marché de modèles à bas prix. La société chinoise semble désormais vouloir jouer dans la cour des grands.
Le symbole est fort : lors de l'édition 2025 de l’UTMB, c’est avec une Amazfit au poignet que Ruth Croft a franchi la ligne d'arrivée en tête. Un signal envoyé directement aux géants du secteur. Car si la presse spécialisée n'a longtemps eu d'yeux que pour Garmin, Suunto ou Coros, l'intérêt pour l'alternative Amazfit grandit. Entre prix planchers et fonctionnalités à foison, voici comment la marque réussit son pari.
Une ascension dans l’ombre de Xiaomi
Pour bien comprendre d'où vient Amazfit, il faut remonter à 2013. La société mère, Huami (rebaptisée Zepp Health en 2021), a été fondée par Wang Huang, un entrepreneur qui a rapidement compris que le marché des wearables ne se limiterait pas aux simples podomètres.
Si le nom de la marque a longtemps été méconnu en Occident, son savoir-faire industriel était déjà bien réel : c’est Huami qui fabriquait, dans l’ombre, les célèbres bracelets Mi Band pour le compte de Xiaomi. Forte de cette expertise massive et de volumes de production colossaux, l'entreprise lance la marque Amazfit en 2015. L'idée ? S'émanciper de son rôle de sous-traitant pour proposer ses propres montres, capables de s'attaquer au marché mondial en capitalisant sur une maîtrise totale de la chaîne de composants.
Zepp OS : le choix de l’efficacité logicielle
Dans l'écosystème des accessoires mobiles, la montre est devenue un pivot. Mais alors qu'Apple, Samsung ou Google facturent leurs modèles premium au prix fort, Amazfit mise sur une autre approche. Le secret de ce tarif contenu réside en grande partie dans la partie logicielle. Contrairement à l'Apple Watch ou aux montres sous Wear OS, qui sont de véritables extensions gourmandes du smartphone, Amazfit s'appuie sur Zepp OS, un système maison optimisé exclusivement pour son matériel.
Cette approche logicielle permet à la marque de jouer sur deux tableaux. D’une part, les coûts de production sont drastiquement réduits : en s’affranchissant des contraintes et de la gourmandise des systèmes d’exploitation de Google ou d’Apple, Amazfit conserve une maîtrise totale sur l’optimisation de son matériel. D’autre part, cette légèreté logicielle se traduit par une autonomie record. Si Zepp OS fait l'impasse sur certaines fonctions avancées pour rester "léger", il offre en contrepartie une endurance à faire pâlir n’importe quel possesseur d’Apple Watch. Pour l'utilisateur, le sacrifice de quelques applications tierces se paye par une tranquillité d'esprit appréciable loin du chargeur.
Design et composants : l’art du compromis
Sur le plan du matériel, Amazfit joue les équilibristes. Prenez la T-Rex 3 Pro, dernier fer de lance de la marque qui vient chasser sur les terres de l'Apple Watch Ultra. À environ 400 €, elle coûte moitié moins cher que la montre de Cupertino. La différence se joue sur les détails. Là où Apple propose un design minimaliste et des matériaux nobles pensés pour la ville comme pour la montagne, la T-Rex assume un look "baroudeur" beaucoup plus brut. C'est un outil que l'on emmène en randonnée sans crainte, mais qui manque peut-être de ce raffinement "premium" qui fait le sel des produits Apple. Reste que c’est loin d’être le seul modèle de sport à qui on pourrait faire ce reproche.
Surtout, Apple investit massivement pour obtenir des certifications médicales, là où Amazfit se concentre sur l'essentiel du suivi fitness. Cela ne l’empêche pas d’offrir la plupart des fonctions de suivi de base dans le domaine de la santé. Ces choix permettent de maintenir une facture légère sans pour autant sacrifier la solidité globale de l'appareil.
La gamme Bip : le meilleur rapport qualité-prix ?
C'est sans doute sur l'entrée de gamme que la stratégie d'Amazfit est la plus percutante. La série Bip 6, dernière née de la gamme, propose un boîtier en aluminium plutôt élégant.
Évidemment, on n'atteint pas la fluidité d'une Apple Watch, et l'on fait l'impasse sur les capteurs de santé les plus exotiques. Mais pour celui qui cherche une montre capable de donner l'heure, de notifier ses messages et de suivre ses sessions de running sans vider son livret A, l'offre est redoutable. Ces modèles coûtent moins de 70 € !
Le loup est dans les détails
Le tableau n’est toutefois pas idyllique : dès que l’on s’aventure sur le terrain de la rigueur biométrique, Amazfit montre ses limites techniques. Si la marque a fait des pas de géant sur la précision du signal GPS (bien qu’elle reste un ton en dessous des ténors historiques dans les environnements difficiles), le cardiofréquencemètre avoue ses faiblesses dès que le rythme s’emballe. En fractionné, les capteurs accusent souvent un retard de phase, peinant à suivre les variations brutales là où les références du secteur font preuve d'une réactivité chirurgicale. Ce manque de finesse se répercute sur les algorithmes de santé : entre un suivi du sommeil parfois fantaisiste et des indicateurs de récupération manquant de perspective, la marque privilégie encore l’affichage de données brutes à une véritable analyse de performance.
L’autre grief majeur réside dans la pauvreté de l’écosystème, encore trop en retrait par rapport aux plateformes plus matures. L’application Zepp, labyrinthique et encombrée par des traductions approximatives, accuse un net retard d’ergonomie face aux standards de la concurrence. Surtout, la montre peine à devenir un compagnon polyvalent au quotidien, plombée par un catalogue d’applications tiers famélique qui la cantonne à un usage strictement sportif. C’est là tout l’arbitrage d’Amazfit : offrir une autonomie insolente et un tarif plancher, au prix d'une expérience logicielle qui manque encore cruellement de liant et de maturité. Mais pour combien de temps encore ?

Deux apps « modestes » gagnent aussi un peu d’épaisseur. Freeform récupérerait des dossiers au printemps 2026 (c’est pas trop tôt !). Et Journal afficherait des relances pour continuer l’écriture, via
